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Protection sociale et croissance économique au Cameroun

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par Jean Colbert Awomo Ndongo
Université de Yaoundé II-Cameroun - D.E.A en Sciences Economiques 2008
  

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REPUBLIQUE UNIVERSITE

DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON

Paix - Travail - Patrie Peace - Work - Fatherland

DE YAOUNDE II THE UNIVERSITY OF YAOUNDE

Faculté des Sciences Faculty of Economics

Economiques et de Gestion And Management

B.P. 1365 Yaoundé PO.BOX 1365 Yaoundé

PROGRAMME DE TROISIEME CYCLE INTERUNIVERSITAIRE (PTCI) EN ECONOMIE

Douzième PROMOTION

II

PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE
ECONOMIQUE AU CAMEROUN

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (D.E.A) en Sciences Economiques

SPECIALITE : ECONOMIE DES RESSOURCES HUMAINES

Par : AWOMO NDONGO Jean Colbert

Titulaire d'une Maîtrise en Sciences Economiques

Sous la direction du Pr. TSAFACK NANFOSSO Roger,

Agrégé des Facultés des Sciences Economiques et de Gestion

Année académique 2007-2008

 

i

Sommaire

Avertissement ii

Dédicaces iii

Remerciements iv

Liste des graphiques, Liste des tableaux, Liste des schémas et figures ..v

Liste des abréviations ..vi

Résumé/Abstract vii

Introduction générale 1

Première partie: protection sociale et croissance : effets microéconomiques 11

Chapitre 1 : Analyse de la relation théorique entre la protection sociale et la

productivité du travail ...13
Section I. la protection sociale comme déterminant de la productivité du travail......13

Section II . protection sociale-santé-productivité du travail ..22

Chapitre 2 : Evolution de la protection sociale et de la productivité du travail au

Cameroun 31

Section I . protection sociale et productivité du travail au Cameroun 31

Section II . évaluation statistique de la relation entre la protection sociale et la

productivité du travail ..40

Deuxième partie : protection sociales et croissance : Diagnostics macroéconomiques 49

Chapitre 3 : la protection sociale et la croissance : une présentation de la littérature 52

Section I. analyse des mécanismes de transmission de l'incidence de la protection

sociale sur la croissance ..52

Section II . une analyse de la littérature empirique sur la relation 59

Chapitre 4 : Validation empirique des effets de la protection sociale sur la croissance

économique au Cameroun 68

Section I . méthodologie 68

Section II . estimations empiriques ..76

Conclusion générale et recommandations de politique économique .. 86

Bibliographie 90

Annexes ..viii

Table des matières xi

Avertissement

ii

« L'université de Yaoundé II n'entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions contenues dans ce mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme étant propres à l'auteur ».

Dédicaces

iii

Je dédie ce mémoire à toute ma famille, en particulier à ma défunte mère Mme MBO Ernestine ép. AWOMO et à ma défunte belle-soeur Joëlle Micheline ABOMO qui m'ont beaucoup soutenues et encouragées durant tout mon parcours académique me rappelant sans cesse les bienfaits de l'éducation.

iv

Remerciements

Je dis sincèrement merci :

- Au Professeur TSAFACK NANFOSSO Roger, Directeur du GPE (Gestion des

Politiques Economiques), qui malgré ses nombreuses occupations a dirigé ce

mémoire ;

- Au Professeur KOBOU Georges, Doyen de la Faculté des Sciences Economiques et de

Gestion de l'Université de Yaoundé II-Soa pour ses nombreux conseils concernant la

modélisation des séries temporelles ;

- Au Docteur ZAMO AKONO Christian, pour sa disponibilité et ses orientations qui

ont été très utiles dans l'exécution de ce travail ;

- A la direction du PTCI ;

- A tous les enseignants de l'Université de Yaoundé II-Soa ;

- A tous mes camarades de la douzième promotion PTCI ;

- A tous les membres du REMA (Recherche en Microéconomie Approfondie) ;

- A NYA Robenson qui a accepté mettre son ordinateur à ma disposition pour rédiger ce

mémoire ;

- A tous les membres de ma famille

- A Sandrine ZANGA MBOUTOU, ma fille NDONGO AKA'A Félicia, FONO

Hervin, MESSIA Serges ;

- A tous ceux, de près ou de loin ont contribué d'une certaine manière à la réussite de ce

travail.

v

Liste des graphiques

Graphique2.1 : Evolution de la productivité du travail par secteur d'activité au

Cameroun

Graphique2.2 : Croissance de la productivité du travail par rapport

39

aux prestations

sociales

42

Graphique2.3 : Courbe de régression de Y en X

44

Graphique4.1 : Phase 1 : De 1975 à 1985

.70

Graphique4.2 : Phase 2 : De 1986 à 1995

.70

Graphique4.3 : Phase 3 : De 1996 à 2006

.70

Liste des tableaux

Tableau2.1 : Evolution de la productivité du travail et des cotisations sociales au

Cameroun de 1993 - 2002

Tableau2.2 : Corrélation entre prestations sociales et productivité du travail

41

.46 au

Tableau4.1 : Evolution de l'effectif des bénéficiaires de prestations familiales

Cameroun

72

Tableau4.2 : Résultats de l'estimation de l'équation de long terme

..79

Tableau4.3 : Test de stationnarité du résidu

..80

Tableau4.4 : Résultats de l'estimation du MCE par la méthode des MCO

81

Liste des schémas et figures

 

Schéma1.1 : Les déterminants de la productivité du travail

..14

Schéma1.2 : Impact indirect de la protection sociale sur la productivité du travail

.15

Figure1.1 : La fonction d'effort d'un individu

20

vi

Liste des abréviations

ASIPES = Association Islamique pour la Promotion de l'Education et de la Santé

CIMA =Conférence Interafricaine de Marchés d'Assurance

CNPS = Caisse Nationale de Prévoyance Sociale

ECAM = Enquête Camerounaise Auprès des Ménages

INS = Institut National de la Statistique

FNE = Fond National de l'Emploi

MCE = Modèle à Correction d'Erreur

MCO = Moindres Carrés Ordinaires

MINDUC = Ministère de l'Education Nationale

MRW = Modèle de croissance de Mankiw, Romer et Weil

OCDE = Organisation pour le Commerce et le Développement Economique

OMS = Organisation Mondiale de la Santé

PAS = Programmes d'Ajustement Structurel

PIB = Produit Intérieur Brut

PPTE = Pays Pauvre Très Endetté

TCPS = Taux de Croissance des Prestations Sociales

TCPT = Taux de Croissance de la Productivité du Travail

vii

Résumé

L'objectif de cette étude est de cerner les effets de la protection sociale sur la croissance au Cameroun. Ainsi, suivant une approche microéconomique, on détermine alors l'intensité de la liaison protection sociale - productivité du travail. Suivant une approche macroéconomique, on teste l'impact des dépenses de sécurité sociale sur la croissance du PIB réel en utilisant les données annuelles couvrant la période 1975 - 2006. Le calcul du coefficient de corrélation et de la covariance dans le premier cas donne respectivement 0,8588 et 27181086,5 d'où une corrélation forte et une variation dans le même sens des deux variables. De même, les estimations du modèle de croissance MRW effectuées sur les séries donnent un impact négatif et significatif du coefficient associé aux dépenses de sécurité sociale à court et à long terme. Une décomposition des dépenses de sécurité sociale en dépenses de santé et dépenses de retraite aboutira peut-être aux résultats divergents, c'est ce qui peut être intéressant pour les études ultérieures.

Mots clés : Croissance, Productivité du travail, Protection sociale et redistribution du revenu.

Abstract

The objective of this study is to stress the effect of social protection on growth in Cameroon. Following the microeconomic approach, we can therefore determine the intensity of the link social protection - productivity of work. Following the macroeconomic approach, we test the impact of the expenses of the social security on the growth of real GNI by using annual data covering the period 1975-2006. The calculation of the coefficient of correlation and the covariance in the first case gives respectively 0.8588 and 27181086.5 therefore a strong correlation and variation. Furthermore, the estimations of the MRW growth model carried out the series gives a negative and significant impact of the coefficient associated to the social security expenditures in short and long term. The decomposition of the social security expenditures in the expenses on health and retirement expenses may be gives the divergent results. That is what can be interesting with further research.

Key words: growth, productivity of work, social protection and income redistribution.

INTRODUCTION GENERALE

1

I : CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE

La notion de « protection sociale » est en elle-même assez vague et composite. Elle désigne tous les mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus ou aux ménages de faire face financièrement aux conséquences des risques sociaux, qui provoquent une baisse des ressources et /ou une hausse des dépenses1 (Joakim, 2001).

La définition plus générale vient de la Banque Mondiale (2000) que les interventions de protection sociale sont des « actions visant à aider les individus, les ménages et les communautés à mieux gérer le risque et à apporter un soutien à ceux qui sont particulièrement pauvres». Cette définition plus générale regroupe dans un cadre unique les instruments de protection sociale traditionnels, notamment la politique du travail, les régimes sociaux, et les filets de sécurité sociale. Cette définition recouvre également les mesures prises pour fournir un appui aux personnes extrêmement pauvres2.

Partant de cette définition, deux idées majeures émergent

· La protection sociale peut être considérée comme un filet de sécurité, mais aussi comme un tremplin pour les personnes pauvres. S'il convient d'offrir un filet de sécurité à la population toute entière, il faut aussi que les programmes donnent aux plus démunis les moyens de sortir de la pauvreté ou à tout le moins, de retrouver un emploi rémunéré ;

· Elle ne saurait être un coût, mais plutôt un investissement dans le capital humain. La protection sociale doit fondamentalement permettre aux pauvres de garder un accès aux services sociaux de base, de ne pas être exclus de la société et d'éviter d'adopter des stratégies de survie ayant des répercutions irréversibles lorsque la situation se détériore.

Le trait commun à toutes ces interventions publiques est de fournir des ressources de remplacement en cas de baisse importante ou de perte totale de revenus, notamment en faveur des salariés les moins favorisés.

1 Il s'agit des dépenses de vieillesse, maladie, invalidité, chômage et charges de famille.

2 La catégorie des extrêmement pauvres regroupe les individus qui ne peuvent subvenir à leurs propres besoins même lorsqu'il est possible de trouver un emploi.

2

L'étude de la protection sociale est un domaine de prédilection des théoriciens de l'économie du bien-être. Constatant le caractère relativement marginal de l'offre marchande de protection sociale et la prédominance de dispositifs publics, ces économistes présentent traditionnellement l'intervention publique comme une réponse aux carences du marché. La nature quelque peu inductive de cette démarche transparaît clairement dans l'affirmation de Arrow (1963, P.945) que « les situations où l'on observe une absence des marchés sont la marque de leur inaptitude à proposer les biens et services en question ». Développant le modèle standard de l'économie publique normative, l'auteur recense les spécificités de l'assurance maladie inhérentes à l'asymétrie de l'information. Il les présente comme autant de défaillances du mécanisme des prix expliquant la mise en oeuvre d'arrangements institutionnels publics - mais aussi privés - palliant les carences du marché.

Si les théoriciens de l'économie du bien-être présentent l'intervention publique comme le moyen de pallier les défaillances des consommateurs et des producteurs de protection sociale doublement confrontés à l'asymétrie de l'information, les partisans de la thèse des défaillances du marché soulignent quant à eux que les consommateurs, confrontés à l'incertitude et à l'asymétrie de l'information n'ont pas nécessairement les connaissances leur permettant de se doter d'une protection sociale adaptée à leurs besoins.3

En somme, un fonctionnement libre du marché de l'assurance pourrait conduire certains individus à des investissements préventifs sous-optimaux, et en cas d'aléa à s'en remettre aux filets de protection publics ou communautaires. Ces dispositifs solidaires d'aide en dernier ressort contribueraient à accroître le nombre d'imprévoyants volontaires (Hayek (1960) ; Musgrave (1989)).

Outre ses effets sur le consommateur, l'asymétrie de l'information peut aussi handicaper l'assureur. Les travaux sur l'asymétrie de l'information montrent que la présence d'antiselection et d'aléa moral rend cette tâche difficile, ce qui laisse planer des inquiétudes quant au fonctionnement d'un marché de protection sociale. En premier, l'antiselection représente un danger pour les assureurs qui, faute de transparence informationnelle, des échanges mutuellement profitables pourraient ne pas se réaliser. Il en est ainsi des assureurs qui, ne connaissant pas les caractéristiques individuelles de leurs clients, proposent des

3 Ex ante, les consommateurs n'auraient pas les aptitudes nécessaires pour se prémunir de façon adéquate contre les aléas. Ils n'auraient ni une bonne connaissance des différentes modes de prévoyance, ni une information fiable sur les risques qu'ils encourent personnellement. N'étant que périodiquement confrontés à la réalisation d'aléas lourds, les prévoyants accumuleraient peu de connaissances à partir de leurs propres expériences ou de celles de leur entourage proche. Ex post, une fois un risque réalisé, les consommateurs pourraient encore être handicapés par l'imperfection de l'information. Les économistes de la santé craignent notamment que les personnes ayant recours au système médical ne se fassent abuser par des praticiens induisant une demande superfétatoire.

3

contrats uniformes tarifés au risque moyen (Mougeot, 1999). Dans ces conditions, les « mauvais risques » sont les plus gros demandeurs d'assurance au sein d'une population hétérogène. In fine, les producteurs de sécurité seraient financièrement déstabilisés faute d'avoir correctement anticipé la sinistralité globale.

Une seconde inquiétude, quant au fonctionnement d'un marché de protection sociale, a trait à l'aléa moral. Cette notion caractérise la situation où un assuré pourrait influer sur la probabilité des états de la nature contre lesquels il s'est prémuni4. La personne couverte sera, en effet, à même de prendre plus de risque ou de diminuer ses efforts de prévoyance (Arrow (1963) ; Stiglitz (1969)). De plus, il est possible que certains assurés adoptent - sciemment ou inconsciemment - un comportement inflationniste. Ils pourraient maximiser leurs dépenses en se livrant au nomadisme médical ou en optimisant la durée de leur période de recherche d'emploi (Stigler, 1962).

Une bonne partie du débat sur les systèmes de protection sociale tourne autour de la relation qui existerait entre l'objectif d'équité et l'objectif de croissance. Il est souvent fait allusion à la « faisabilité budgétaire » des dispositifs sociaux et à leur impact sur la propension des individus à travailler et à épargner. L'équité, qu'on appréhende sous l'angle de l'accès aux services sociaux ou de la distribution finale du revenu, est habituellement perçue comme ayant un coût en termes de production non réalisée, dont certains estiment qu'il vaut d'être supporté quand d'autres sont d'avis contraire.

En fait, il existe des théories plausibles qui montrent que la distribution du revenu peu avoir une incidence, positive ou négative, sur la croissance, sans agir par l'entremise de la protection sociale (Förster (2000) ; Förster et Pearson (2002)). Le caractère actuel de la question trouve sa preuve, lors du Sommet de Lisbonne en 2000, où l'Union Européenne s'est fixée comme objectif d'aboutir, en dix ans, à « une économie basée sur le savoir, la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable ». A mi-parcours, le constat est décevant. Entre 1992 et 2004, la croissance du PIB dans la zone euro n'a atteint que 1,7% contre 3,2% aux Etats-Unis5. Alors que l'Europe s'était engagée dans le processus de rattrapage jusque dans les années 90, elle stagne, voir régresse aujourd'hui par rapport aux Etats-Unis. Dans ce contexte, le discours dominant concernant les

4 Une distinction mise en avant par Gollier (1996), il y a un aléa moral ex ante dès lors que l'assuré n'assume plus individuellement toutes les conséquences financières de ses actes. S'ajoute un aléa ex post lié aux différents abus à l'assurance. Il est par exemple de notoriété publique que les fraudes sont particulièrement importantes dans l'assurance transport ou incendie. Dans ces branches, qui constituent des applications les plus anciennes de l'assurance, un certain nombre de sinistres résultent néanmoins.

5 Voir BNP-PARIBAS. Reformes et Compétitivité :où est la vieille Europe ? in Conjoncture, avril 2005.

4

effets négatifs de la protection sociale sur la croissance, trouve des échos en Europe (Hoareau-Sautieres et Rascle, 2005).

Au niveau des institutions de Breton Woods, les récents travaux de la Banque mondiale ont montré le rôle que joue la protection sociale dans l'accélération de la croissance. Les analyses faites sur la crise financière qui a frappée les pays de l'Asie de l'Est en 19971998 ont révélé que la croissance n'était pas suffisante pour assurer une réduction de la pauvreté. En effet, la relative organisation familiale qui était supposée assurer les solidarités pour faire face aux chocs s'avère insuffisante quand intervient un choc dans un contexte de croissance rapide. La protection sociale constitue l'un des piliers fondamentaux et prend une dimension particulière dans ses fonctions transversales6 par rapport aux autres piliers du « Travail décent » que sont le dialogue social, le travail et les normes.

L'incidence de la protection sociale sur la croissance divise l'avis des théoriciens. Globalement, les enseignements que l'on peut retirés de ces théories ne permettent pas de se faire une opinion tranchée sur cette question. Une première thèse, initiée par Mirrles (1971) dans le cadre d'une réflexion sur la fiscalité optimale, met en évidence un effet négatif de la protection sociale sur la croissance. Le versement de prestations sociales pourrait réduire l'offre de travail et donc les ressources en main-d'oeuvre sur lesquelles s'appuie la croissance, les bénéficiaires n'étant plus inciter à chercher un emploi. De plus, ces prestations ont pour contrepartie la mise en place d'un système de prélèvements susceptibles de ralentir l'épargne et par la même les investissements, source de croissance économique. Ceci rejoint les avis d'autres théoriciens (Vanhoudt (1997) ; Gwartney, Lawson et Holcombe (1998) ; Atkinson (1999) ; Milanovic (1999) ; Tabellini (2000) ; Cassamatta et al. (2000)).

Différents arguments s'opposent à cette conception très négative de la protection sociale. D'abord, en évitant la marginalisation des plus pauvres et leur sortie durable du système productif, la protection sociale permet de renforcer les potentiels de croissance (Parent, 2001). Ensuite, en limitant les tensions sociales, elle instaure un climat favorable à la prise de décisions politiques et économiques, même difficiles, ce qui peut améliorer les perspectives de développement durable (Sala-i-Martin, 1996). Enfin, les mécanismes de marché sont défaillants à certains égards, notamment en matière d'assurance contre la perte d'emploi, de revenu et la protection sociale joue un rôle important à ce niveau. En couvrant un certain nombre de risques, elle peut encourager l'esprit d'entreprise et le développement de certains investissements, comme par exemple l'investissement dans de nouvelles technologies

6 Ces fonctions sont : (1) la fonction de sécurité sociale et (2) la fonction de maintien du revenu.

5

(Ahmad et al. (1991) ; Alesina et Rodrik (1994) ; Imrohoroglu et al. (1995) ; Easterly et Levine (1997) ; Hubbard et Judd (1998)).

Forbes (2000) fait valoir que les techniques d'estimations qui ont été utilisées pour ces tentatives d'examen des liens entre protection sociale et croissance étaient erronées. La redistribution du revenu est largement ouvert dans les pays pauvres, elle l'est moins dans les pays riches. En fait, il ressortait de ces études, qui avaient souvent recours à la technique des MCO sur données transversales, qu'un resserrement de la distribution du revenu est de nature à permettre à un pays de se rapprocher du groupe des pays riches. Or, en examinant l'évolution des pays dans le temps (sur la base des données de panels), ceci permet d'identifier les effets de la protection sociale indépendamment des effets-pays.

Une étude empirique récente de l'impact sur la croissance de la protection sociale est celle d'Arjona, Ladaique et Pearson (2002), qui estiment une équation de la croissance7 sur la base des données annuelles portant sur 21 pays de l'OCDE et couvrant la période 1970 à 1998, la démarche théorique étant empruntée à Bassanini et al. (2001). Les élasticités partielles montrent que si les dépenses sociales passaient d'environ 18,5% du PIB à 19,5%, le PIB se trouverait réduit à long terme de 0,7%. Les estimations semblent indiquer que le fait de porter les dépenses actives de 0,63% du PIB à 0,73% du PIB entraînerait une augmentation à long terme du PIB de près de 1%. L'estimation de la composante « passive » laisse supposer que si cet élément passait de 20,7% à 20,8% du PIB, il en résulterait une réduction à long terme du PIB de 0,2%. On peut alors remarquer que : selon que les dépenses sociales sont « actives8 » ou « passives 9», l'effet sur la croissance diverge.

Mais ces conclusions sont liées à un grave problème de sous-détermination du modèle utilisé. Les modèles estimés10 excluent un certain nombre de facteurs potentiellement importants pour la croissance tels que les indicateurs d'environnement entrepreneurial, d'innovation, de qualité de l'éducation, de RáD, de stabilité macroéconomique, d'ouverture aux échanges, de situation géographique, de religion, etc. De plus, la représentation sur les moyennes et les groupes de pays cache derrière elle une très grande hétérogénéité entre les pays. Plusieurs pays ont connu des changements très limités dans leurs niveaux de protection sociale malgré leurs performances relativement satisfaisantes en matière de croissance (Banque mondiale, 2001).

7 Dérivant du modèle de Mankiw, Romer et Weil (1992) ayant amandé le modèle pionnier de Solow (1956) en introduisant le capital humain comme troisième facteur de production.

8 La définition étroite est de les rattacher exclusivement aux politiques actives du marché du travail.

9 Liées aux transferts monétaires et de services.

10 Il s'agit du modèle à effets fixes, Pool Mean Group et M-G-M avec variables instrumentales.

6

En Afrique, seulement 5% à 10% de la population active bénéficie d'une couverture sociale, ce qui dénote d'une dégradation de la situation au cours des vingt dernières années. Pourtant l'article 22 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948, qui consacre « le droit de tout être humain à la sécurité sociale », indique que les obligations des Etats en matière sociale requièrent l'effort national mais aussi la coopération internationale. Dans la majorité des pays africains, l'économie repose sur un secteur informel hypertrophié, incluant combines et travail au noir, qui entrave la mise en place d'un système général de protection sociale. Seulement, les salariés et les fonctionnaires - qui représentent à peine 10% de la population active en moyenne selon les pays - en bénéficient.

L'échec des Programmes d'Ajustements Structurels a accru le côté informel de l'économie dans les années 1980 et 1990, une étude du ministère français des affaires étrangères note : « avec la crise économique, puis l'ajustement structurel, des problèmes administratifs, financiers et économiques graves sont apparus et ont fragilisé la situation de la protection sociale. Son coût a augmenté tandis que le niveau de revenu et parfois le nombre de travailleurs du secteur public ont stagné et, globalement, le nombre de salariés a baissé au profit des secteurs traditionnels et informels » (Boyer et al., 2000). Les classes urbaines aisées ont recours à l'assurance privée. Les pauvres, moins en mesure de s'auto-protéger, ne dépensent que lorsque le besoin se fait pressant. Ils ont alors recours à la solidarité traditionnelle (assurance dite communautaire) : épargne, tontine, dons, entraide familiale. Cependant, les systèmes « traditionnels » de protection sociale offerts au niveau des communautés sont mis à rude épreuve du fait de la « modernisation » des économies (urbanisation, mobilité géographique, montée de l'individualisme), de croissance démographique et la persistance des crises économique et politique.

Le Cameroun frappé de plein fouet par la récession mondiale de 1987 après plus de deux décennies de croissance soutenue, a dû mettre en oeuvres plusieurs programmes11, en particulier avec le concours des institutions de Breton Woods. Ceci a entraîné une modification radicale du contexte socio-politique et macroéconomique, par exemple, les dépenses publiques ont été réduites (à peine 3,0% du budget national), les licenciements massifs et la baisse drastique des salaires ont contribué à la détérioration des conditions de vie des ménages. La protection sociale au Cameroun se trouve aujourd'hui confrontée à un dilemme. D'un côté, on note une incapacité des pouvoirs publics à étendre cette protection sociale à toute la population, malgré les efforts accomplis jusque là. D'un autre côté, les effets

11 Il s'agit des PAS, FSRPC.

7

pervers de la crise économique ont révélé l'inefficacité des différents regroupements sociaux à assurer la protection sociale des individus. Par ailleurs, les disparités entre les différentes institutions chargées de la politique sociale12 caractérisée notamment par un manque de cohérence, de coordination et l'incapacité des entreprises privées à offrir des emplois stables et durables. En milieu urbain, faute de prestations sociales ou d'allocations de chômage, une bonne partie de la population, malgré une solidarité familiale solide, ne peut pas subvenir à leurs besoins en étant au chômage et doit rejoindre le secteur informel ou des formes d'emploi informel. Les individus vivant en milieu rural, pour faire face à la pauvreté sévère doivent s'engager activement dans les activités précaires comme l'agriculture de subsistance. Le taux d'informalité est ainsi passé de 83,8% en 1996 à 90,4% en 2005. Cette hausse de la précarité des emplois rend aléatoire les perspectives d'intégration sociale. Les enjeux liés aux objectifs de réduction de la pauvreté, de croissance et de renforcement d'une économie basée sur la solidarité et le développement humain place la stratégie de protection sociale au coeur des politiques publiques au Cameroun.

De manière générale, les analyses économiques des effets de la protection sociale sur la croissance se sont beaucoup développées au cours de ces dernières années et portaient pour la plupart sur les pays industrialisés (pays de l'OCDE, par exemple). Elles sont généralement caractérisées par l'introduction d'un indicateur de protection sociale comme variable explicative supplémentaire dans les modèles de croissance (Castles et Dowrick (1990) ; Cashin (1994) ; Lindert (1996)). Cependant, l'insuffisante disponibilité des données relatives aux mesures de protection sociale a amené certains auteurs à privilégier les variables de redistribution telles que : la part des transferts dans le P11B (Keefer et Knack, 1995), la part des dépenses publiques d'éducation, de santé et de logement rapporté au P11B (Devarajan et al. (1993) ; Easterly et Rebelo (1993) ; Perotti (1996)), droits de propriété (Gwartney, Lawson et Holcombe, 1998).

Ce foisonnement des travaux empiriques a été facilité par la disponibilité d'un arsenal de nouvelles techniques économétriques qui ont permis de venir à bout des problèmes d'endogénéité et de variables omises généralement rencontrés dans l'estimation des modèles de croissance (Caselli et al., 1996). Ces nouvelles techniques ont également conduit à mettre à la disposition des chercheurs une batterie de tests destinés à évaluer la pertinence des spécifications utilisées.

12 11l s'agit de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, des ministères : de l'éducation nationale, santé publique, emploi et formation professionnelle, affaires sociales et condition féminine, des assurances privées.

8

Malgré ces avancés, les résultats des estimations restent quelque peu nuancés. La littérature aussi bien théorique qu'empirique relative aux liens entre protection sociale et croissance reste marquée par de nombreuses divergences qui témoignent à la fois de son incomplétude et de la nécessité de restreindre l'analyse à des cas particuliers. Au regard de toutes ces insuffisances et compte tenu des spécificités de l'économie camerounaise, la présente étude se propose de répondre à la question suivante : la protection sociale contribue-t-elle à l'amélioration de la croissance au Cameroun ? Plus spécifiquement :

> dans le cas où Sevestre (1990) définit la productivité des facteurs (capital, travail) au sein d'une entreprise, d'un secteur ou de l'ensemble de l'économie, comme dépendant de la qualification de la main d'oeuvre employée. La productivité est ainsi considérée depuis Adam Smith (1776) comme la source principale de la croissance et de l'augmentation de niveau de vie, quel est l'impact de la protection sociale sur l'évolution de la productivité des individus ?

> dans quelles mesures la politique de protection sociale affecte-t-elle la croissance ?

II : INTERET DE L'ETUDE

Face à cette problématique, cette étude revêt un intérêt double : théorique et pratique.

- Sur le plan théorique : au regard de la montée de la précarité des emplois et de la vulnérabilité au Cameroun après l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE le 28 avril 2006, la mise en oeuvre des systèmes de protection sociale nécessite une croissance forte en mesure de promouvoir les emplois et d'accroître les cotisations sociales. De ce fait, ils constituent un élément important dans la mise en place des stratégies de croissance et de réduction de la pauvreté (SCRP) qui sont au coeur de la politique économique et sociale au Cameroun.

- Sur le plan pratique, l'intérêt sera cerné à partir des preuves empiriques de l'incidence des systèmes de protection sociale sur la croissance. Et partant, permettra de réguler les dépenses de protection sociale en évitant un gaspillage des fonds publics, mais aussi de l'orientation à apporter aux systèmes de protection sociale pour qu'ils soient efficaces.

9

III : OBJECTIFS ET HYPOTHESES

L'objectif de cette étude est de cerner les effets de la protection sociale sur la croissance au Cameroun. Plus spécifiquement :

- d'analyser l'impact de la protection sociale sur la productivité du travail sachant que cette dernière est une source de la croissance ;

- d'apporter des éclaircissements à partir des preuves empiriques de ce que peut être la relation entre protection sociale et croissance au Cameroun.

Pour mesurer les liens existants entre la protection sociale et la croissance, on peut formuler l'hypothèse suivante : la protection sociale a un impact positif sur la croissance. Plus spécifiquement :

H1 : Une hausse de la couverture sociale entraîne une augmentation de la productivité de la main d'oeuvre,

H2: Une augmentation des dépenses de protection sociale affecte positivement la croissance.

IV : METHODOLOGIE

La démarche adoptée consiste à avoir une approche microéconomique et macroéconomique de l'incidence de la protection sociale sur la croissance. Ici, on présente surtout la méthodologie empirique. Suivant une approche microéconomique, cette incidence peut être perçue à travers la relation théorique et statistique protection sociale - productivité du travail. Pour cerner l'effet de la protection sociale sur la productivité du travail, on fera une analyse statistique de la corrélation entre les prestations sociales reçues et la productivité par travailleur. Ceci permettra de déterminer le sens et l'intensité de la liaison existante entre les deux variables et partant on testera l'hypothèse H1.

Suivant une approche macroéconomique, bien que les théories qui sous-tendent les tentatives visant à tester empiriquement les liens entre la protection sociale et la croissance soient parfois complexes, dans la pratique, pour effectuer une estimation il s'agit presque toujours de prendre un modèle des causes de la croissance et d'y ajouter des mesures de protection sociale. La démarche empirique suivie pour tester la deuxième hypothèse s'inscrit dans la droite ligne de cette tradition : elle prend le modèle de croissance de Mankiw, Romer et Weil (1992) et s'efforcera de déterminer si l'évolution des dépenses publiques de

10

protection sociale13 pourrait expliquer certains points qui ne trouvent pas de réponses dans le modèle de base. L'équation de la croissance est estimée sur la base des données annuelles couvrant la période 1975 à 2006. Le choix de cette période est le résultat d'un compromis entre les diverses phases de croissance de l'économie camerounaise et des séries chronologiques disponibles. En particulier, les données relatives aux dépenses de sécurité sociale qui ne sont disponibles qu'après 197314. La méthode d'estimation appropriée dérivera des résultats des tests de stationnarité et de cointégration afférents à l'estimation des séries temporelles.

Les dépenses de sécurité sociale sont tirées de la base de données sur l'organisation financière de la CNPS et confirmée par l'annuaire statistique de l'économie camerounaise de l'Institut National de la Statistique. Par ailleurs, les données relatives au taux brut de scolarisation du primaire et du secondaire sont issues du MINEDUC et les autres variables ont été fournies par les tables statistiques de la Banque mondiale (World Tables).

V : PLAN

Suivant cette méthodologie, la présente étude sera effectuée en deux parties selon une vision microéconomique et macroéconomique des effets de la protection sociale sur la croissance. Etant donné que le niveau de vie moyen dans un pays est souvent appréhendé par son PIB par habitant. Cet indicateur peut être comptablement décomposé comme le produit de la productivité horaire du travail, de la durée moyenne du travail, du taux d'emploi de la population en âge de travailler et enfin de la part de la population en âge de travailler dans la population totale (Cette, 2004). Cette simple relation comptable (qui peut également s'écrire sur les taux de croissance des mêmes variables, mais de façon additive et non plus multiplicative) fait apparaître que le PIB par habitant est, « toutes choses égales par ailleurs », fonction croissante de chacune de ses composantes, parmi lesquelles la productivité par heure travaillée. Pour autant, comme cela sera illustré dans la suite de l'étude, toute variable qui a un effet sur la productivité du travail affecterait également la croissance (Artus et Cette, 2004). On montrera dans la première partie que la protection sociale affecte la croissance à travers son impact sur la productivité du travail et dans la deuxième partie on fera une analyse macroéconomique de la relation protection sociale - croissance.

13 Les dépenses de protection sociale sont captées à travers les dépenses de sécurité sociale.

14Date de l'institution d'une base de données à la Caisse Nationale de Prévoyance sociale du Cameroun.

PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE :

effets microéconomiques

Première partie

11

12

INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE

La croissance de la productivité est largement considérée comme le principal déterminant de la croissance du revenu par habitant à long terme dans les pays industrialisés (Harris, 2002). L'explication des sources de la croissance de la productivité a préoccupé les économistes au cours des deux dernières décennies. Cela a incité les chercheurs et les responsables des politiques à orienter leurs efforts vers la compréhension des facteurs qui entraînent une croissance plus (ou moins) rapide de la productivité, plutôt que des autres facteurs qui n'ont pas de répercussions permanentes sur la croissance. La politique de protection sociale pourrait bien être l'un des facteurs ayant un effet sur la croissance.

Il apparaît que la mesure de la productivité du facteur travail se heurte à des obstacles d'ordre pratique difficilement surmontables. C'est ainsi que de nombreuses études ont pu déterminer l'influence de la protection sociale des travailleurs sur la productivité de ces derniers.

Cette partie a pour objectif de montrer l'incidence microéconomique de la protection sociale sur la croissance à travers sa liaison avec la productivité des individus. Ainsi, le premier chapitre traitera la relation théorique entre la protection sociale et la productivité du travail et le deuxième chapitre analysera l'évolution de la protection sociale et de la productivité du travail au cameroun.

Chapitre 1

ANALYSE DE LA RELATION THEORIQUE ENTRE LA PROTECTION SOCIALE ET LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL

13

INTRODUCTION

On entend souvent affirmer que l'intensification de la concurrence et de la mobilité des facteurs de production (travail et capital), qui accompagne l'ouverture des économies nationales depuis quelques décennies serait à l'origine d'une remise en cause des Etats-providence les plus développés, c'est-à-dire l'ensemble des institutions et des politiques publiques qui ont pour objet de fournir une " protection sociale " aux citoyens.

La protection sociale recouvre des systèmes d'assurance et de transfert de revenus financés par des impôts et destinés à aider les familles par des subventions, à couvrir les risques de la maladie, à servir des revenus aux inactifs retraités, voire à compenser le risque de chômage (Rosa, 2001). Ainsi, les filets de sécurité sociale ont une incidence certaine sur la productivité des individus. L'objectif de ce chapitre est de montrer de quelle façon la protection sociale affecte la productivité du travail. Pour ce faire, on étudiera tout d'abord la protection sociale comme déterminant de la productivité du travail (I), ensuite on montrera que la protection sociale influence la productivité du travail à travers l'amélioration de la santé des individus assurés (II).

SECTION I : LA PROTECTION SOCIALE COMME DETERMINANT DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL

Le niveau de productivité est défini comme étant la production par unité de l'intrant travail -- la productivité moyenne du travail -- par travailleur ou par heure travaillée (Harris, 2002). La protection sociale influence positivement la productivité du travailleur à travers la motivation ou l'incitation qu'elle lui confère à fournir plus d'effort. Ainsi, l'effort du travailleur peut avoir des effets sur son salaire, sur l'intensité et la qualité du travail. Cette section permet de montrer que la protection sociale s'intègre parmi les déterminants de la productivité du travail. Pour y parvenir, on présentera tout d'abord la protection sociale comme un élément des déterminants de la productivité de la main d'oeuvre (I-1), ensuite on tentera d'expliquer cette incidence à l'aide de la théorie du salaire d'efficience (I-2).

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I-1 : Intégration de la protection sociale dans les déterminants de la productivité du travail

L'analyse des déterminants de la productivité permet d'appréhender que la protection sociale est un élément important à l'explication de la productivité des individus. Dans ce qui suit, on remarquera que la protection sociale améliore l'intensité et la qualité du travail (I-1-1) et qu'elle représente une couverture contre les risques liés au système de production (I-1-2).

I-1-1 : Protection sociale, intensité et qualité du travail et productivité

L'intensité et la qualité du travail sont des facteurs permettant d'améliorer les gains de productivité des firmes. Une analyse du schéma des déterminants de la productivité du travail montrera que la protection sociale influence la productivité via son effet sur l'intensité et la qualité du travail.

A :Analyse du schéma des déterminants de la productivité du travail

Une présentation des déterminants de la productivité du travail permet d'établir la relation entre la protection sociale et la productivité du travail. Le schéma ci-dessous présente un certain nombre de déterminants de la productivité du travail :

Schéma 1.1 : les déterminants de la productivité du travail

Utilisation de nouveaux procédés

 
 
 

Augmentation de la production

Optimisation de la combinaison des facteurs de production

Nouvelle organisation du travail

Amélioration de la qualification

Système éducatif

Intensité et qualité du travail

Couverture sociale

Productivité du travail

Division et spécialisation du travail

Effets d'apprentissage

Source : Combemale et Parienty, La productivité, « Circa », Nathan - University, 1994.

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L'analyse de ce schéma laisse percevoir que la protection sociale entraîne une plus grande motivation des travailleurs, car elle affecte l'intensité (effort) et la qualité du travail. La qualité de travail est définie comme la différence entre le taux de croissance des heures travaillées pondérées, ou services du travail, et celui des heures travaillées non pondérées (Artus et Cette, 2004). L'effet de la protection sociale sur la productivité du travail peut alors être présenté par un schéma simple.

B : Protection sociale et motivation : amélioration de l'intensité et de la qualité du travail

Le schéma simplifié peut se présenter comme suit :

Schéma1.2 : Impact indirect de la protection sociale sur la productivité du travail

Plus grande motivation

 
 

Intensité et qualité du travail

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Protection sociale

 
 
 
 
 

Productivité du travail

 
 
 
 
 

Source : Construction de l'auteur.

Dans ce schéma simplifié, il découle que la protection sociale englobe tous les mécanismes de prévoyance sociale visant à améliorer les conditions de travail des individus dans la firme.

Par ailleurs, la productivité du travail subit aussi, l'influence d'autres facteurs tels que : l'optimisation de la combinaison des facteurs de production, l'utilisation des machines plus performantes, l'utilisation de nouveaux procédés et l'organisation du travail, la division et la spécialisation du travail, l'effet d'apprentissage et la nouvelle organisation du travail. Ainsi, ces déterminants peuvent se regrouper en trois à savoir :

· Ceux liés au coût relatif du travail : protection sociale, effet d'apprentissage, division et spécialisation du travail ;

· Ceux liés au progrès technique : utilisation de nouveaux procédés, utilisation des machines plus performantes ;

· Ceux liés à la combinaison productive.

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Une protection sociale faible s'accompagne inévitablement d'une faible productivité du travail et inversement, si bien que les pays où le coût du travail apparaît élever et où la protection sociale est forte ont en définitive une compétitivité supérieure (De Grauwe, 2003).

I-1-2 : La protection sociale comme couverture contre le risque et productivité

La protection sociale peut favoriser la prise de risque, en permettant l'adoption des technologies plus productives par les firmes. La couverture sociale peut aussi freiner la productivité en éliminant le risque et en incitant les travailleurs à modifier leur comportement. Le manque d'instruments de protection sociale est un obstacle à la prise des décisions efficaces et à la productivité : en effet, les personnes qui se trouvent en dessous ou à proximité du seuil de pauvreté ne sont guère incitées à prendre des risques, elles ont recours à des mécanismes informels et inefficaces de partage de risque et emploient des techniques de production non optimales, autant de facteurs qui compromettent la croissance de la productivité.

En revanche, les instruments efficaces de protection sociale publics ou privés permettent aux individus de prendre plus de risque que les mécanismes d'auto-assurance. Prendre des risques est donc un comportement productif, et le risque peut être considéré comme un facteur de production au même titre que d'autres mieux connus comme le capital et le travail (Sinn, 1998, dans une citation de Pigou, 1932). Toutefois, il ressort à ce stade de l'analyse que la protection sociale représente une grande motivation pour les individus dans leur comportement de production.

I-2 : Protection sociale, motivation et productivité du travail

Le salaire est avant tout la rémunération du travail. Autour de la notion du salaire, il faut considérer les cotisations sociales15, les primes diverses, l'intéressement aux bénéfices de l'entreprise et les avantages en nature (Gélédan et al., 1999). Partant de cette représentation du salaire on s'aperçoit que les cotisations sociales sont du salaire différé, qui assurent une protection contre les risques majeurs de l'existence (Cahuc et Zylberberg, 2006). La relation protection sociale - productivité du travail peut être perçue comme une relation de « dons

15Ces cotisations sociales constituent des mesures de protection sociale.

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contre dons » (I-2-1) ou que le choix du niveau de productivité d'un individu dérive d'un arbitrage couverture sociale/risques (I-2-2).

I-2-1 : La sécurité sociale comme élément de la productivité

D'un point de vue microéconomique, on s'intéresse essentiellement au comportement de la firme, en particulier, sa gestion de la main d'oeuvre par la relation croissante entre le salaire et la productivité. On se préoccupe surtout de l'introduction de l'effort dans la fonction de production et de ses conséquences sur le profit de la firme. Dans ce qui suit, le salaire représentera une variable de protection sociale et l'effort une variable de productivité du travail.

A : Une mise en exergue du modèle sociologique du salaire d'efficience

Le modèle sociologique introduit et développé par Akerlof (1982, 1984) tente d'expliquer la relation croissante entre salaire et productivité en s'appuyant sur des concepts sociologiques. L'idée de départ mise en avant par Akerlof est de montrer que si la firme fait un « cadeau » à ses employés en leur versant un salaire supérieur à celui du marché, les individus lui donneront aussi en échange un « cadeau » en augmentant leur effort de manière conséquente.

Dans son exemple (« les cash posters »), le don de l'employeur est de fixer une norme d'effort faible, de ne pas réprimander les gens qui fournissent un effort inférieur à cette norme et de ne pas descendre à un niveau de salaire minimal. Le contre don des travailleurs est de fournir un effort au dessus de la norme. Les filets de sécurité sociale offerts par les firmes sont alors vus comme un échange de dons contre dons : ils instaurent un climat de confiance au sein de la firme et chaque travailleur qui a le sentiment d'être bien traité adopte une stratégie coopérative.

A ce stade de l'analyse, une question semble se poser : puisque l'effort n'est pas mesurable, contrairement au salaire ou aux prestations sociales reçues, comment et pourquoi les individus peuvent-ils montrer à la firme leur bonne foi en augmentant leur niveau de productivité ?

Akerlof suppose que l'effort d'un individu dépend des normes de travail du groupe auquel il appartient. Les firmes ont intérêt à établir des normes de productivité inférieures au

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niveau moyen pour que les travailleurs se sentent bien traités. L'effort est perçu par référence à la norme moyenne du groupe16.

B : Effet direct des sentiments de sécurité sociale sur la productivité

Le sentiment d'être bien traité éprouvé par les travailleurs au sein de la firme peut dériver de la couverture sociale qu'ils en bénéficient. Ainsi, la protection sociale se caractérise par l'existence d'un système de solidarité contributif et redistributif, qui socialise une partie des revenus dans le but d'accroître le niveau de sécurité des travailleurs à l'égard des risques pouvant affecter leurs capacités à se procurer des revenus. En retour, les travailleurs seront plus productifs.

La firme peut, bien sûr augmenter la norme du groupe de travail et donc l'effort moyen en offrant un salaire supérieur (« cadeau »). En échange, les individus fourniront un niveau d'effort supérieur à celui fixé par la norme (« retour de cadeau »). Evidemment ce type d'argumentation repose sur une certaine moralité, et une loyauté de la part des individus. Carmichael (1990) pense que « les travailleurs se sentent obligé de fournir l'effort correspondant au surplus de salaire ou de sécurité sociale car il est moins coûteux pour eux de fournir ce supplément d'effort que de le rendre sous forme pécuniaire ».

En somme, les salaires élevés ne constituent pas seulement un moyen de soutenir la demande. Ils améliorent aussi, du côté de l'offre, la productivité. Des salariés bien payés sont plus productifs, en meilleure santé, moins stressés. La perspective de pouvoir toucher un bon salaire incite aussi à faire des efforts de formation qui seraient négligés en cas d'incertitude trop forte sur les revenus futurs.

I-2-2 : Le choix du niveau de productivité comme résultant du degré de couverture sociale et des risques du travail

Il sera question de montrer ici que l'effort est une variable de décision individuelle et que chaque agent va choisir son niveau en fonction des avantages (degré de couverture sociale) et des inconvénients (insécurité du travail). Cette partie permettra d'expliquer la relation protection sociale - productivité outre les sentiments sociologiques présentés ci-dessus. Ainsi, on présente une extension de la fonction de production de la firme (A) et la

16 Dans l'exemple des cash posters d'Akerlof, le niveau d'effort est observable pour chaque individu, mais ce qui est important c'est sa valeur relative par rapport au moyen du groupe.

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formalisation de la relation entre une variable de protection sociale et une variable de productivité du travail (B).

A : Une extension de la fonction de production de l'entreprise

Dans la présentation microéconomique traditionnelle d'une entreprise, on associe à chaque vecteur de facteurs de production un autre vecteur représentant les quantités de biens produites (Cahuc et Zylberberg, 1996). On considère, pour simplifier, une entreprise ne produisant qu'un seul bien à, partir du seul facteur travail. L'ensemble des possibilités techniques est alors représenté par une fonction de production F associant à chaque quantité L de travail, un volume F(L) de produit.

Cette manière de décrire la contribution du facteur travail au processus productif ne le distingue en aucune manière des autres facteurs de production. Elle suppose qu'à l'instar des services rendus par une machine, la production d'une heure de travail est parfaitement déterminée lors que l'individu a été en quelque sorte « mis en marche ».17 En réalité, chaque employé a la possibilité de moduler considérablement l'intensité et l'efficacité de son travail, ces variations pouvant d'ailleurs s'accompagner dans le cas échéant de sanctions ou de récompenses.

Cette intensité peut désigner « l'effort » et que l'on note le plus souvent par e . Dans une entreprise de L personnes, la fonction de production devrait alors s'écrire

F(e,..., ei1 ,., eL) où ei désigne l'efq<fort du i éme employé.

Dés l'instant où l'effort devient une variable de décision individuelle, chaque agent va donc choisir celui-ci en fonction du degré de couverture sociale et de l'insécurité liés au travail qu'il exerce. Les éléments pouvant intervenir sont nombreux : il peut s'agir de la valeur du salaire actuel, du montant des risques professionnels, du sentiment de justice qu'engendre telle ou telle politique de protection sociale, voire même de l'atmosphère général de l'entreprise. La figure (1.1) ci-dessous illustre une fonction d'effort d'un individu.

17 Zylberberg et Perrot (1989) : « Salaire d'efficience et dualisme du marché du travail », Revue Economique, n°1, janvier, pp. 5-20.

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Figure 1.1 : La fonction d'effort d'un individu

e* = e(w*)

e

A

A

w

*

e(w)

w

Source : Cahuc et Zylberberg, (1996)

Sur ce graphique, le point A correspond au point où la courbe d'effort moyen (la première bissectrice) coupe la courbe d'effort marginal. Ce point de coordonnées (w*, e*=e(w *)) est un point optimum du point de vue de la firme puisqu'il correspond au salaire efficient (w*) que doit verser la firme afin de maximiser son profit. A ce niveau de salaire, correspond un niveau d'effort (e* = e(w*)) qui n'est pas forcement l'effort maximum que peuvent fournir les travailleurs, mais celui-ci entraîne un profit maximum (Cahuc et Zylberberg, 2004).

B : Formalisation de la relation entre une variable de protection sociale et une variable de productivité du travail

Cette formalisation est une approximation de celle effectuée sur la relation salaire - effort (voir Cahuc et Zylberberg, 1996). La caractérisation de la fonction d'effort présentée ci-dessus permet d'écrire la fonction de production de l'entreprise comme

suit : F(e1 (w1),..., ( ),., ( ))

e i w i e L w L . Contrairement à la représentation usuelle, l'ensemble des

possibilités techniques n'est plus indépendant du système de rémunération. Cela signifie que les données concernant la technologie proprement dite demeurent bien entendu nécessaires, mais elles ne suffisent plus à appréhender le déroulement complet du processus de production. La conséquence principale de cette représentation est que le travail joue désormais un rôle différent des autres facteurs de production, puisqu'il faut maintenant ajouter la description

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précise des mécanismes d'incitations18permettant aux employés de décider des niveaux d'effort qu'ils fourniront.

Afin de bien comprendre les implications de cette représentation du processus productif, on considère une entreprise où les L employés sont identiques, de sorte qu'à l'équilibre ils perçoivent tous le même salaire w . On suppose encore que les efforts individuels se combinent de manière additive, la fonction de production prend alors la forme F(Le (w )) et l'on qualifiera de travail efficace, noté Le, la quantité Le (w) .

La problématique est la suivante : quel est le salaire que la firme i va verser aux individus de manière à maximiser son profit, en sachant que l'effort dépend positivement du salaire ? En d'autres termes : quel est le niveau de protection sociale que la firme i va assurer aux individus de manière à maximiser son profit, en sachant que la productivité du travail dépend positivement du niveau de protection sociale ?

Pour résoudre cela, quelques hypothèses doivent être faites :

- l'effort des individus dépend positivement du salaire versé par la firme :

ei = e(wi) avec e'>0 et e»>0

On a aussi : e(0) < 0 : aucun effort positif ne peut être obtenu à un taux de salaire nul ; de même e(1) =1 : l'élasticité de e par rapport à wi diminue lorsque le taux de salaire

augmente.

- la fonction de production associe à une quantité de travail efficace, e(wi ) .Li , le

niveau de production de la firme Qi tel que Qi = Fi (e(wi )L)i avec Fi' (L) > 0 et Fi " (L) < 0 . La firme va donc choisir un couple salaire - emploi qui maximise son profit, d'où :

Maxði = Fi (e(wi )Li) - wiLi ( E1 . 1)

Les conditions de premier ordre donnent :

F i ' ( e(wi)Li) .e' ( wi)-1 = 0 ( E1 .2 )

F i ' ( e ( w i ) L i ). e ' ( w i ) - w i = 0 ( E1 .3 )

La résolution des équations ( E1 .2) et ( E1.3) donne :

w e w i * ' ( *) =

i 1 ( E1 .4)

i

e(w *

18 Il s'agit entre autre des filets de sécurité sociale offerts par les firmes aux travailleurs.

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Cette résolution correspond au point de la fonction d'effort ou la tangente passe par l'origine dans la figure ci-dessus. La condition ( E1 .4) est connue sous le nom de condition de

Solow (1979). Elle indique que l'élasticité de la fonction d'effort doit être égale à l'unité pour le salaire optimal.

En effet l'entreprise a intérêt à accroître le coût du travail en assurant une protection sociale à ses employés tant que les gains de productivité sont supérieurs au surcroît de coût. L'entreprise peut accroître l'efficacité du travail de plus de 1%. En revanche, si le salaire est supérieur à w i *, elle accroît l'efficacité du travail de moins de 1% en augmentant le salaire

de 1% (Zylberberg et Perrot, 1989).

Il ressort de ce modèle de Solow que si on considère le salaire comme une mesure de protection sociale, on peut dire que la protection sociale influence positivement la productivité du travail. La théorie du salaire d'efficience prend d'autant plus d'importance, dans les pays, que leur principal atout réside précisément dans la productivité des travailleurs. Néanmoins, l'absence de protection sociale expliquerait pourtant certaines pertes en gain de productivité selon le concept du « capital santé ».

SECTION II : PROTECTION SOCIALE - SANTE - PRODUCTIVITE DU

TRAVAIL

D'après l'OMS, la santé est « un état complet de bien-être physique, mental et social » : elle ne se réduit nullement, par conséquent, à l'absence de maladies ou d'infirmités. En insistant sur ce point, l'organisation internationale élargit considérablement le champ d'investigation. A l'évidence, ainsi perçue, la santé peut être affectée par des facteurs non strictement médicaux, comme les conditions de travail (OMS, 2000)19. Dès le 18ème siècle, des auteurs comme Bentham (1789) et Marx (1867) ont attiré l'attention du rôle de la santé sur le bien-être et la qualité de la force de travail.

La santé fait partie du capital humain au sens de Becker (1964)20. Une bonne santé améliore le bien-être de la nation, permet également de gagner des heures de travail et de la productivité, donc des points de PIB.

19 OMS (2000), Rapport sur la santé dans le monde 2000. Pour un système de santé plus performant, Juin.

20 Becker (1964), Human capital. BER, New York.

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II-1 : Couverture sociale, capital humain et productivité du travail

Le capital humain peut être défini comme l'ensemble des dispositions durables dont l'acquisition et la possession améliorent la productivité du travail. Ces dispositions sont des capacités et des aptitudes au prix d'investissements humains qui mobilisent dépenses et efforts personnels (Logossah, 1994). Suivant cette définition, le capital humain est l'ensemble des déterminants attachés à la force de travail et qui sont susceptibles d'agir sur la production. La nature de ces déterminants est plus variée, et recouvre aussi bien l'éducation, la santé et les motivations des agents. La protection sociale contribue à l'amélioration du capital humain des individus (II-1-1) et par conséquent à la productivité (II-1-2).

II-1-1 : Protection sociale, amélioration du capital humain et productivité

Les prélèvements sociaux et l'aide sociale correspondent à un investissement dans le capital humain, dont tous les ménages et toutes les entreprises profitent (amélioration de la productivité de la main d'oeuvre grâce à la formation, la santé, etc.).

A : Les dépenses de protection sociale comme un investissement productif

Dans la théorie du capital humain, l'état de santé de chaque individu est envisagé comme un stock c'est-à-dire, comme un capital santé dont la contribution productive se fait sous forme de flux de services de bonne santé. Les dépenses de santé à travers l'assurance maladie sont un facteur d'efficacité qui élève la productivité (Grossman, 1972). Les dépenses de santé ou de vieillesse constituent une part très importante des dépenses de protection sociale. L'objet principal de telles dépenses n'est pas d'être « productives », même si elles peuvent avoir une influence sur les capacités productives des travailleurs, c'est ce qui explique le fait que les entreprises acceptent à l'origine de participer à leur financement, notamment en ce qui concerne les dépenses de santé avec la médecine du travail (Tabellini, 2000).

Les dépenses de santé contribuent à la productivité de la population active à long terme et il existe une forte présomption à cet effet (Harris, 2002). Cela dit, il reste la question de l'ordre de grandeur des répercussions des dépenses de santé sur la productivité des entreprises dans un pays en développement tel que le Cameroun. Une évaluation raisonnée des effets de la protection sociale sur la productivité du travail doit nécessairement aborder cette question d'importance capitale.

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B : Une esquisse de la perception du lien santé-productivité du travail par certains théoriciens

Cette présentation contribue à mettre en exergue les liens entre les dépenses de santé des systèmes de sécurité sociale et la productivité. Il ressort de la littérature que les liens entre la santé et la productivité ont fait l'objet de recherches de la part des économistes et demeurent fortement controversés. Toutefois, on trouve relativement peu d'études semblables à celles consacrées au secteur de l'éducation que l'on pourrait citer en référence. Les données disponibles font habituellement ressortir une corrélation entre le revenu et la santé, mais sans préciser le sens dominant de la causalité (Piateki et Ulmann, 1996). Dans le cas des pays en développement, il y a des meilleures preuves d'un lien entre la santé et la productivité des travailleurs. Une approche qui permet d'identifier l'effet de la santé sur la productivité est celle des coûts de la maladie mesurant le temps de travail perdu, qui est une perte de productivité manifeste (Majnoni d'Intignano et Ulmann, 2001). En haussant la probabilité que les travailleurs occupent leur emploi sans interruption pendant de longues périodes, la santé contribue à inciter les entreprises à investir dans du matériel nouveau et dans la formation sur le tas (Banque mondiale, 1999).

Ulmann (1999) prolonge l'analyse de Lucas (1988) en incorporant la santé en tant que déterminant de la qualité du capital humain et donc comme un facteur de la fonction de production globale, car les travailleurs en bonne santé sont non seulement plus productifs parce qu'ils sont plus présent au travail mais aussi parce qu'ils sont plus efficaces dans leur tâche. De même, Van Zon et Muysken (1997) trouvent qu'une bonne santé est un pré-requis pour toute croissance économique compte tenu de son influence sur la productivité du travail par exemple.

II-1-2 : Protection sociale comme couverture des risques de la maladie et productivité

L'assurance maladie offre une garantie médicale aux agents économiques en mutualisant les risques encourus par ces derniers dans leurs lieux de travail. Ainsi cette assurance présente certaines limites qui peuvent être mises en exergue d'une part et a trait à des problèmes d'information d'autre part. Dans ce qui suit, on analysera tout d'abord l'effet de l'assurance maladie publique sur la productivité (A) et ensuite, la valeur de la vie humaine et le coût social des risques (B).

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A : L'assurance maladie publique et productivité

L'assurance maladie est un élément de protection sociale, elle est le reflet de la sécurité sanitaire des travailleurs. L'assurance maladie publique se présente sous deux formes différentes :

· En premier lieu l'assurance maladie publique universelle des régimes de Beveridge qui couvre toute la population de la nation, d'une région ou d'une commune, comme au Royaume-Uni, en Italie, en Espagne, etc. Elle met en oeuvre la solidarité nationale ou locale entre les citoyens et entre les générations selon le principe égalitariste et compense les inégalités indépendantes de la volonté individuelle selon les principes de justice proposés par Rawls. Elle permet en particulier l'accès des pauvres et des non-assurables à une couverture maladie égale à celle de l'ensemble de la population. Ainsi, la productivité de ces catégories se trouve améliorée parce que cette couverture maladie leur assure un capital santé adéquat, qui est corrélé positivement d'après la théorie du capital humain à l'efficacité du travail (Grossman, 1972).

· En second lieu, on trouve les « filets de sécurité » publics nécessaires pour suppléer aux défaillances du marché et aux inégalités dans les pays où domine l'assurance privée ou sociale. Il ne s'agit plus ici d'assurance, mais de solidarité21 ou d'assistance. Cette couverture est financée par une cotisation obligatoire sur l'ensemble des revenus et les prestations, définies par l'Etat, sont servies par des assurances privées, en général celles qui assurent la couverture pour les soins courants.

L'assurance maladie permet aux individus de se protéger des aléas qui peuvent

subvenir durant leur période d'activité, de ce fait, elle contribue à réduire les pertes de productivité dues aux accidents de travail, aux invalidités et à la maladie. Car les maladies et accidents de travail que sont victimes les travailleurs amenuisent leur force de travail et partant réduisent leur niveau de productivité.

B : Approches d'évaluation des coûts de la maladie

Une manière d'analyser les liens entre la santé et la productivité consiste à évaluer les coûts de la maladie. On peut évaluer les coûts de la maladie selon une approche basée sur la valeur de la vie humaine ou le coût social des risques.

La valeur de la vie humaine : Ici, on évalue tous les éléments contribuant à la valeur individuelle et sociale d'une vie humaine ainsi que les coûts provoqués par la mort, dans un

21 A l'instar du système camerounais de protection sociale à voir au prochain chapitre.

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groupe de travail donné. La valeur économique se mesure à la capacité de production potentielle d'un travailleur. Certains auteurs, comme Le Net (1994), l'évaluent en brut, par la somme actualisée des gains potentiels au moment de la mort. Ces gains, censés refléter la productivité individuelle du travail, différent selon la qualification et le sexe et décroissent avec l'âge.

Par exemple, pour évaluer les pertes de production liées aux accidents de travail, dues au Sida, on prendra un salaire supérieur à la moyenne car les victimes appartiennent aux catégories élevées et sont majoritairement les hommes. Les coûts provoqués par une maladie ou la perte d'une vie sont des coûts directs et indirects de soins. Ils se mesurent comme dans les études coût/efficacité : coûts des soins en ville et à l'hôpital, estimé au prix réel. En fin, les pertes effectives peuvent être évaluées en recensant les indemnités versées par la firme au titre de préjudice moral aux blessés, selon leur taux d'invalidité, ou aux familles, en cas de décès. Cette approche est donc fondée sur le capital humain.

Le coût social des risques: Il peut être intéressant d'estimer les charges financières et sociales liées à une maladie particulière. Cette approche permet aussi d'évaluer la rentabilité sociale potentielle des actions de prévention. Elle consiste à évaluer tous les coûts induits par une maladie ou un comportement à risque. On suivra ici l'étude de Kopp et Fenoglio (2000)22. On recense les pertes de productivité du travail dues à la maladie ou à la mort précoce dans les entreprises (estimées par les pertes de revenus des intéressés et l'effet de l'absentéisme dans les entreprises), celui des soins apportés aux malades enfin, les dépenses de prévention ou de recherche et les charges liées à l'application des lois en ces matières.

II-2 : Présentation d'un modèle intégrant la santé comme facteur endogène dans l'ensemble des comportements de production : le modèle d'investissement de Grossman

Grossman (1972)23 a présenté la santé comme un bien durable et l'a intégrée dans un modèle général de consommation et d'investissement des ménages. Tout agent économique hérite d'un capital humain, qui tend à se déprécier à un rythme croissant avec l'âge. Grossman considère l'individu en partie comme un producteur de sa propre santé. Il optimise son revenu et sa consommation au cours de sa vie en lutant contre cette dépréciation, par ses études

22 Kopp et Fenoglio (2000), Le coût social des drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France, Observatoire des drogues et des toxicomanies.

23 Grossman (1972), op.cit ; Grossman (1998) «on the optimal length of life», Journal of Health Economics, vol..17.

27

préventives, en y consacrant du temps et en utilisant des soins. Cette optimisation se fait sous contrainte de temps et de revenu. On considère ici la santé comme un investissement permettant d'augmenter la capacité production et de gain (II-2-1). La demande de santé est alors une demande dérivée de la demande générale de bien-être, ceci peut être appréhendé dans la formalisation du modèle (II-2-2).

II-2-1 : La santé comme un investissement permettant d'augmenter la capacité de production et de gain

L'approche de Grossman fait de la santé un facteur endogène dans l'ensemble des comportements de production. Par la suite, de nombreux auteurs se sont attachés à intégrer la dépréciation du capital santé avec l'âge et la gestion de leur cycle de vie par les agents économiques. Le nombre d'années restant à travailler, la qualité de ces années jusqu'à l'âge de la mort peut être l'objet d'un choix rationnel et d'une action volontaire. Des auteurs comme Ried (1998) ont montré que le choix d'un terme optimal à la vie peut être fait au début de la vie, et résulter d'un processus d'optimisation24. La santé est une composante de la productivité du travail au même titre que l'éducation. La santé peut être interprétée dans les modèles généraux de demande de bien-être de l'individu. Il en découle une forme particulière de demande de santé et donc de sécurité et de soins. Donc, la demande de santé peut être considérée comme une composante de la demande de sécurité (Menahen, 1998)25

L'analyse de Grossman, vieille de plus de trente années, apparaît aujourd'hui prémonitoire et illustre bien la présentation du capital santé individuel et de son effet sur la productivité du travail. L'évolution des sociétés modernes permet en effet d'y distinguer deux groupes : un groupe de personnes intégrées et un groupe des exclus, dont l'attitude à l'égard de la santé diffère. Les membres du premier groupe sont intégrés en ce sens qu'ils sont majoritairement éduqués, ont une stratégie professionnelle et construisent une famille. Les membres du second groupe vivant en marge de la logique de transformation de la société liée à la croissance économique.

Les premiers ont une attitude positive et une stratégie volontaire à l'égard de leur santé au cours de leur cycle de vie. Ils construisent sciemment leur capital humain en s'informant sur les moyens de le protéger et de l'augmenter ou d'en retarder la détérioration. Le lien entre

24 Ried (1998) «Comparative dynamic analysis of the full Grossman model», Journal of Health Economics, vol. 17.

25 Menahen (1998) « Demande de soins, demande de santé, demande de sécurité : trois modèles pour la santé en économie», Cahier du Gratice, n°15, Université Paris XII, décembre.

28

leur capacité de travail te leur santé est évident puisque leur revenu, supérieur aux minima sociaux, diminue lorsqu'une maladie les oblige à ralentir leur rythme de travail ou à renoncer à travailler.

Le second groupe de la population est constitué de personnes vivant essentiellement des prestations sociales (revenus minima et allocation logement) ou dont le revenu d'activité est proche et de jeunes hommes peu qualifiés ayant de médiocres perspectives professionnelles.

II-2-2 : Formalisation du modèle d'investissement de Grossman

On démontrera ici que l'état de santé a un effet positif sur le temps de travail qui peut être considéré comme une mesure de la productivité du travail.

Il s'agira ici d'emprunter une partie de la présentation synthétique de Le Pen (1998)26. Dans le modèle d'investissement, la santé n'est recherchée que pour son effet positif sur le temps de travail et donc sur la productivité du travail. L'investissement optimal (I*) est

déterminé à partir de la courbe du coût marginal de l'investissement (I) et de son rendement marginal, permettant d'obtenir le stock de capital santé optimal (H*) et la consommation d'autres biens et services (X).

Le patient-consommateur maximise une fonction d'utilité U :

MaxU = U

(0 ,..., ; 0 ,...,
H H n X X n

)

 

.

Le stock de capital de santé initial se déprécie à un taux (ä) qui peut être plus ou moins compensé par l'investissement en santé (I) :

H t + 1 - H t = I t- ätH t .

La fonction d'investissement en santé est définie par :

I t =H t -(1-ä t )H0.

H est le stock de santé, H * est le stock de santé optimal, H0 est le stock de capital initial.

Les contraintes sont de deux ordres : temporelle et budgétaire. La contrainte temporelle est donnée par :

T=Tw t +TH t +TX t +TP t .

26 Le Pen (1998) «Demande de soins, demande de santé», Revue d'économie politique, n°4.

29

T est le temps disponible total ; Tw est le temps consacré au travail; TH est le temps consacré à la santé ; TX est le temps consacré à d'autres biens ; TP est le temps perdu (non productif) pour cause de maladie.

La contrainte budgétaire est donnée par :

?

?

?

?

0

? ( w T ?

Pm M P X

+ ?

? = ? ? + R

t t

t t t wt

(1 ) t (1 ) t n

+ r ? ? + r ?

Pour CI t le coût de l'investissement à la date t et ð t = (?CI t /?I t ) : coût marginal de

l'investissement à la date t .

St est le produit marginal de la santé (nombre de jours en bonne santé qui entraîne une unité

supplémentaire du stock de santé) ;

w t est le taux de salaire lié à la productivité du travail ;

r : le taux d'intérêt et Pm le prix des soins.

A l'équilibre, l'investissement optimale est donné par :

w S

t t r

= - - - +

( ð ð 1 ) ä

t t t

1

ð t -

A l'équilibre, le rapport du produit du taux de salaire et le produit marginal de la santé au coût marginal de l'investissement à la date t - 1 est égal au taux d'intérêt diminué du différentiel entre le coût marginal de l'investissement à la date t et celui de la date t - 1 augmenté du taux de dépréciation du stock de capital santé à la date t .

On constate que dans ce modèle, la demande d'investissement en santé permet de déduire de

façon distincte la demande de soins (M) et la demande de santé (H). Par ailleurs, ce modèle

établi un lien entre la santé et la productivité du travail à travers la mise en exergue de la contrainte temporelle où le temps perdu (TP) pour cause de maladie est un manque de

productivité.

CONCLUSION

Au terme de cette analyse, il ressort dans l'ensemble que théoriquement, la protection sociale contribuerait à l'amélioration de la productivité du travail. Car elle entraîne une plus grande motivation des travailleurs dans l'exercice de leur tâche ce qui est remarqué à travers l'accroissement de l'intensité et la qualité du travail fourni par les individus qui jouissent d'une bonne couverture sociale. De plus, une mise en exergue de la théorie du capital humain

30

a permis de montrer que la protection sociale affecte positivement l'état de santé des individus réduisant à cet effet le manque de productivité dû à l'absence au travail. Toutefois, la relation empirique entre la protection sociale et la productivité peut présenter une causalité contraire à celle de la théorie. C'est pourquoi le chapitre suivant s'avère intéressant car il fait l'objet d'une étude statistique de la corrélation entre la protection sociale et la productivité du travail au Cameroun.

Chapitre2

EVOLUTION DE LA PROTECTION SOCIALE ET

DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL AU CAMEROUN

31

INTRODUCTION

La productivité d'une activité économique est définie par les économistes comme étant le ratio d'un indice des produits à un indice des intrants. Elle peut être définie au niveau d'une personne qui exécute une tâche donnée, d'un établissement qui produit un bien particulier, d'une entreprise présente dans toute une gamme d'activités économiques, d'une industrie ou d'un pays tout entier. La productivité augmente lorsqu'on obtient une plus grande quantité de produits avec les mêmes intrants (Cette, 2004). La définition de la productivité repose fondamentalement sur la façon dont sont mesurés les intrants et les produits. La question fondamentale à régler sur le plan des politiques est la mesure dans laquelle la politique de protection sociale peut influer sur la productivité. Puisque la plupart des études dans ce domaine s'intéressent aux différences de politique de protection sociale entre pays. Ce chapitre a pour objectif de déterminer l'intensité de la liaison entre les mesures de protection sociale et la productivité du travail. Ainsi, on présentera d'une part la protection sociale et la productivité du travail au Cameroun (I) et d'autre part, une étude statistique de la relation (II).

SECTION I : PROTECTION SOCIALE ET PRODUCTIVITE DU TRAVAIL AU CAMEROUN.

La productivité du travail est mesurée par le rapport valeur ajoutée sur le nombre d'emploi d'après l'Institut National de la Statistique du Cameroun. Cette section permettra de comprendre certains aspects de la politique de protection sociale pratiquée au Cameroun (I1), ainsi que l'évolution de la productivité du travail dans le secteur formel et informel (I-2).

I-1 : Présentation du système camerounais de protection sociale

Le but dans cette sous-section n'est pas de fournir une présentation exhaustive du système de protection sociale actuellement en vigueur au Cameroun, mais plutôt de le schématiser afin de le comparer plus facilement aux conclusions du chapitre précédent. La

32

présentation du modèle camerounais de protection sociale se situera à deux niveaux : institutionnel (I-1-1) et la prise en charge actuelle des malades à travers le service d'assurance maladie (I-1-2).

I-1-1 : Cadre institutionnel

L'analyse du cadre institutionnel sera centrée sur l'organe public en charge de la sécurité sociale et de l'emploi, mais aussi sur le secteur privé qui a connu beaucoup d'échecs et montre une rentabilité limitée.

A : La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale

Le régime camerounais de protection sociale a été mis en place en 1956, il est actuellement géré par la Caisse Nationale de Prévoyance sociale (CNPS) et ne s'adresse qu'aux seuls travailleurs salariés relevant du code du travail et aux membres de leurs familles. Les cotisations sont assises sur l'ensemble des sommes versées aux travailleurs ou à l'occasion du travail. En aucun cas, le montant des salaires servant d'assiette aux cotisations des employeurs ne peut être inférieur au montant du salaire minimum applicable au lieu de l'emploi pour une durée de travail correspondante. Les prestations servies par la CNPS sont classées en trois catégories et versées aux demandeurs qui remplissent les conditions pour en bénéficier : la catégorie des prestations familiales, la catégorie des pensions vieillesse, invalidité et décès, et la catégorie des risques professionnels (maladies professionnelles, accidents de travail).

Les prestations de ces catégories sont complétées par celles de l'action sanitaire et sociale servies de façon gratuite ou avec une participation symbolique des bénéficiaires.

Avant 1978, seuls les allocataires ou les membres de leurs familles avaient droit aux prestations de l'action sanitaire et sociale. Sous la pression de la demande, la caisse a multiplié ses oeuvres sociales dés 1978 et élargie leur accès à toutes les couches sociales, sans distinction, mieux, elle a décidé d'accorder dans ses formations sanitaires des réductions substantielles en matière de soins médicaux aux assurés sociaux, ainsi qu'aux titulaires des pensions et des rentes.

Le Gouvernement a entrepris au début des années 80 l'extension de la catégorie des prestations familiales aux agriculteurs organisés en coopératives.

Le financement des catégories gérées par la CNPS et l'action sanitaire et sociale est assuré par :

·

33

Les cotisations des employeurs pour les catégories des prestations familiales et des risques professionnels ;

· Les cotisations des employeurs et des travailleurs pour la catégorie des pensions ;

· Un prélèvement sur les cotisations des trois catégories et les participations des usagers pour l'action sanitaire et sociale.

Par exemple, les effectifs des assujettis à la CNPS en 1998/1999 se répartissaient en deux groupes, d'une part 70000 employeurs enregistrés dont 20000 mouvementaient leurs comptes et d'autre part, 570000 assurés sociaux. Dans ce dernier groupe, l'on comptait 200000 allocataires inscrits ayant 700000 enfants bénéficiaires d'allocations familiales, 7000 crédirentiers et 50000 bénéficiaires de pensions dont 20000 pensionnés et 30000 ayants-droits27.

L'inadaptation du système.

Cette inadaptation a été accentuée par la crise économique et s'est traduite par :

· la stagnation du niveau des prestations servies qui n'ont pas été revalorisées pour tenir compte de la hausse du coût de la vie ;

· la non prise en charge des nouveaux risques dans les catégories déjà couvertes ;

· la non-extension des catégories existantes à d'autres couches sociales, qui ont été obligées de développer la vie associative comme palliatif de ce vide ;

· la limitation de la couverture sociale aux travailleurs salariés qui représentent à peine 10% de la population, excluant les populations exerçant dans le secteur informel, le secteur rural ou des professions libérales ;

· la centralisation de la gestion de la sécurité sociale par la CNPS.

Le gouvernement camerounais a entrepris à la fin de décembre 1999, une reforme du système de sécurité sociale comportant d'une part, la réhabilitation de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, et d'autre part, une extension de la sécurité sociale aux autres couches de la population non encore ouvertes.

B : La protection de l'emploi

Il y a un effort en matière de la formulation d'une politique globale de l'emploi avec la création du Fond National de l'Emploi (FNE).

Le FNE a été institué par décret n° 90/805, du 27 avril 1990 dans le cadre de la dimension sociale de l'ajustement. Les objectifs qui lui sont assignés sont les suivants :

27 Données recueillies dans le Rapport sur le Développement Humain au Cameroun 2003, PNUD.

·

34

accroître la possibilité de l'emploi ;

· diffuser les informations aux chercheurs d'emploi ;

· favoriser l'insertion des jeunes dans le circuit de la production ;

· favoriser la réinsertion des travailleurs licenciés pour les raisons économiques des entreprises des secteurs public et privé ;

· concevoir, financer et suivre des programmes ayant trait à la formation sur le tas et à l'apprentissage, la formation formelle et l'auto-création d'emploi.

Le FNE finance des projets d'auto-emploi à concurrence de deux millions de FCFA ; en outre, il apporte un appui à la création des micro-projets jugés viables à hauteur de vingt millions de FCFA. Toutefois, un apport personnel de 20% du coût total du projet est exigé par le FNE au promoteur.

Dans le domaine de l'emploi, la politique d'insertion ou de réinsertion - du FNE n'a pas encore produit un impact substantiel. Cette institution a souffert de deux types de faiblesses :

· les modules de formation qui ont été proposés ne sont pas toujours adaptés aux besoins du marché de l'emploi en pleine recomposition. Ceux qui bénéficient des programmes de formation du Fond n'ont toujours pas de chance de trouver un emploi où ils pourraient mettre à profit les enseignements reçus ;

· les personnes formées et qui ont voulu créer leurs petites entreprises, n'ont pas trouver sur la place, les financements adaptés à leurs besoins et aux profils de leurs unités. Si bien qu'on en vient à se demander s'il serait souhaitable de compléter l'action du FNE par la mise sur pied d'une institution de micro- financement qui accorderait des appuis financiers aux jeunes promoteurs d'entreprises, en articulation avec la formation reçue.

D'autres efforts ont été fournis dans le cadre de cette politique globale de l'emploi, on peut citer :

· la « politique contractuelle » au niveau des entreprises pour atténuer les nombreux licenciements ;

· la politique de « Dialogue Social » définie par le Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale pour résoudre les différents problèmes des travailleurs ;

· la révision du code du travail ;

· l'incubateur de micro-entreprises et PME ;

· projet de refonte de la sécurité sociale ;

·

35

les larges débats sur les nouvelles politiques économique et fiscale favorables à l'emploi.

Assurances privées.

En matière d'assurance privée, ce sont des structures régies par le code CIMA (Conférence Interafricaine de Marchés d'Assurance) qui gère ce type d'assurance. La population cible est constituée de moins de 20% de la population travaillant dans le secteur formel. Bien que non connu avec exactitude la population couverte par ce type d'assurance est donc faible (moins de 5%)28.

Il existe aussi au Cameroun un système de protection sociale constitué de dispositifs hétérogènes de types de mutuelles ou micro-assurance de santé, destinés à différents groupes minoritaires de population.

Ce système est largement appuyé par la coopération internationale.

Parmi des mutuelles présentent au Cameroun on peut citer :

· la mutuelle ASIPES (Association Islamique pour la Promotion de l'Education et de la Santé), appuyée par la Coopération Suisse ;

· la mutuelle d'entreprises ;

· les organisations traditionnelles de solidarité (mutuelles de type ethnique ou clanique).

I-2-2 : Les formes actuelles de prise en charge des malades

Dans un premier temps, la santé publique a joué un rôle dominant dans le secteur de la santé au Cameroun. Cela n'est plus vrai aujourd'hui, même si la tarification des services de santé, officielle ou parallèle, ne correspond pas aux coûts réels de revient, et s'il reste donc une forme de subvention publique aux dépenses de santé, près de 4/5 des dépenses des santé sont actuellement assumées par les ménages, la part de dépense de santé dans les dépenses totales ayant été de 7,13% en 1996 et de 7,6% en 2001 (ECAM I et II).

On peut estimer que 4 à 5% seulement de la population camerounaise dispose, actuellement d'une protection contre le risque maladie. Il faut ajouter un pourcentage difficile à chiffrer, mais l'ordre de 15%, qui dispose d'une couverture très partielle du risque grâce aux caisses de recours mises en place dans le cadre des « associations » ou des tontines traditionnelles.

Le secteur santé comprend trois sous-secteurs :

28 Voir une étude sur « santé et couverture sociale » dans www.gipspsi.org.

36

- Le sous-secteur public qui comprend en plus des structures sanitaires du Ministère de la Santé publique, celles sous tutelle des autres départements ministériels que sont les Ministères de la Défense, de l'Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, de l'Education nationale, des Affaires Sociales etc.

- Le sous-secteur privé qui regroupe d'une part, les structures sanitaires privées à but non lucratif (confessions religieuses, associations et diverses organisations non gouvernementales) et d'autre part, les structures sanitaires privées à but lucratif (cliniques médicales et cabinets de soins).

- La médecine traditionnelle qui occupe une place importante dans le secteur santé mais qui est peu réglementée. Les dépenses de santé, les indicateurs principaux (en 2003) et les ressources humaines de santé (en 2004) au Cameroun, sont résumées en annexe (voir annexe1.1).

A : La prise en charge du risque maladie dans l'économie moderne

Dans le secteur moderne de l'économie, particulièrement dans les filières agro-alimentaires et agro-industrielles, la protection maladie assurée comme dans le cadre du modèle ancien, inspiré de la médecine gratuite : l'infirmerie, le centre de santé ou de petit hôpital interne prend en charge à la fois la maladie et les accidents de travail :

· le service est de niveau très inégal ;

· les coûts sont disparates, allant de moins de 20000 à 800000 FCFA annuels par salarié.

Dans le souci d'ouverture vers l'extérieur, la protection des salariés basée sur la dépense de soins en interne évolue de plus en plus vers un système mutualiste, où la contribution et le contrôle sont partagés entre employés et employeurs. Le système est efficace, et permet une bonne maîtrise des coûts, malgré une certaine absence d'encadrement prudentiel. Les limites dans la prise en charge des soins sont fixées en fonction des ressources disponibles (ticket modérateur et forfait par famille). Le système laisse, en général une place pour l'assurance maladie privée pour l'encadrement, souvent à des prix très élevés, éventuellement aussi pour l'ensemble du personnel, parfois dans la limite des dépenses hospitalières.

Malgré l'existence d'un texte législatif prévoyant la prise en charge de 60% des soins de santé29, très imparfaitement appliqué, et malgré l'existence de quelques mutuelles de santé et

29 En cas de maladie ou d'accident non imputable au service, l'Etat participe à concurrence de 60% au frais de soins médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de rééducation fonctionnelle et d'apprentissage, pour le

37

de nombreux essais, le fonctionnaire camerounais n'est, en général, pas couvert pour ses dépenses de santé.

Même si les entreprises au Cameroun30continuent d'assurer la couverture du risque maladie pour leurs salariés, au niveau du pays, la dépense totale assurée par les entreprises représente environ 8% des dépenses de santé.

B : L'assurance maladie dans le secteur informel et dans le monde rural.

Dans le secteur informel et dans le monde rural, les expériences de mise en place de systèmes d'assurance destinés à couvrir le risque maladie se réduisent à quelques rares exemples de mutuelles, à la portée très limitée et à durée de vie incertaine.

Les raisons les plus souvent évoquées pour cette rareté d'initiative réussie sont : l'hétérogénéité sociale et économique, le manque de confiance dans la gestion des fonds et dans la durabilité des services fournis, la difficulté du contrôle en cas d'utilisation abusive, la difficulté dans les milieux pauvres de payer le minimum requis pour le fonctionnement d'une mutuelle, les mauvaises expériences et l'absence d'exemples réussis, l'absence de formation sanitaires assez efficaces pour pouvoir susciter des adhésions.

En revanche, l'investissement des associations dans la forme embryonnaire de couverture du risque maladie est croissant. Alors que l'exclusion des ménages urbains de l'assurance formelle est presque totale - les chefs de ménage comptent, essentiellement, soit sur eux-mêmes (48% des cas), soit sur le conjoint (38% des cas) - une contribution des associations à la prise en charge du risque maladie est constatée dans 14% des cas. L'exclusion des ménages en termes de santé implique le recours à des formes rénovées de la société traditionnelle (Epée Kotto, 2004).

I-2 : Analyse comparative des évolutions de la productivité du travail dans les secteurs formel et informel

L'étude de la productivité du travail peut être faite, d'une part, en analysant les écarts de productivité dans les secteurs formel et informel (I-2-1) et d'autre part, en expliquant les différences de productivité pour les individus identiques (I-2-2).

fonctionnaire, son conjoint et ses enfants légitimes, reconnus ou adoptifs(30% en cas de soins auprès du secteur privé). Décret n°2000/629 PM du 13.09.2000, article 16.

30 Celles qui paient les impôts, cotisent à la CNPS, adhérent au Groupement Interpatronal du Cameroun (GICAM).

38

I-2-1 : productivité du travail dans le secteur formel et dans le secteur informel

Dans le graphique (2.1), l'évolution de la productivité du travail par secteur d'activité laisse présager que durant la période 1993 à 2002, la productivité du travail dans le secteur informel a été très faible. Le secteur informel inclut « les entreprises individuelles privées (sauf les quasi-sociétés), qui produisent au moins une partie de leurs biens et services destinés à la vente ou à l'échange, possèdent moins de 5 employés, ne sont pas enregistrées, et sont impliquées dans les activités non-agricoles (y compris les activités professionnelles ou techniques), les domestiques sont exclus.31 Sur le plan national, d'après la définition officielle, le taux d'informatisation représente le rapport entre le nombre d'actifs dans le secteur informel ou ayant une activité précaire et le nombre total d'actifs occupés. Il est important de préciser que cette définition nationale du secteur informel inclue aussi les travailleurs agricoles du milieu rural. Il s'avère donc que le faible niveau de productivité du travail de ce secteur est dû à la faible couverture sociale que connaissent les travailleurs exerçant dans ce milieu. Car ceux-ci sont exposés à d'énormes risques ce qui fait qu'ils adoptent des comportements sous-optimaux en termes de capacités de production. Les taux d'accidents sont bien plus élevés parmi les travailleurs qui ont peu de moyens d'en être indemnisés.

Toutefois, les traitements dans le secteur formel sont différents de celui présenté ci-dessus. Dans ce secteur, on trouve généralement des normes de travail, l'existence de syndicats qui négocient des traitements des travailleurs dans les différentes structures. Les travailleurs de ce secteur, se sentant bien traité, adoptent une stratégie coopérative. On constate une hausse de l'intensité et de la qualité de travail, qui a pour effet d'élever les gains de productivité dans le secteur formel comparé à ceux observés dans le secteur informel. Cela peut être confirmé par l'allure de la courbe de la productivité dans le secteur formel qui croit de façon remarquable depuis 1996 jusqu'à 2000, année où la politique sociale devient une préoccupation des décisionnaires avec l'éligibilité du Cameroun à l'initiative des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). La courbe de la productivité dans le secteur informel connaît une évolution plus modérée durant toute la période.

Le graphique présente par ailleurs, la courbe de productivité du travail dans le secteur formel largement au dessus de celle du taux de productivité du travail dans le secteur informel. On peut donc dire que la différence de productivité entre les deux secteurs est

31 D'après le Groupe International des Experts su les Statistiques du Secteur informel.

imputable à une différence des politiques de protection sociale pratiquées dans ces secteurs. Durant toute la période, la productivité totale du travail a évolué de façon plus ou moins constante. Cette évolution est semblable à celle dans le secteur informel, ce qui signifie que ce secteur exerce une très grande influence sur l'ensemble de l'économie.

Les données utilisées pour représenter ce graphique, sont issues de l'Institut National de la Statistique : les comptes nationaux du Cameroun32.

Graphique 2.1 :

productivité

9000

8000

6000

5000

4000

2000

7000

3000

1000

0

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

ANNEES

EVOLUTION DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL PAR SECTEUR D'ACTIVITE AU CAMEROUN

PRODUCTIVITE TOTALE DU TRAVAIL PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU SECTEUR FORMEL

PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU SECTEUR INFORMEL

Source : INS-Annuaire Statistiques de l'économie camerounaise 2004.

On peut trouver une explication à ces écarts de productivité en se référant à la théorie du salaire d'efficience.

I-2-2 : Comment expliquer les écarts de productivité pour les individus identiques ?

Une application assez directe des idées de la théorie du salaire d'efficience concerne la description dite dualiste du marché du travail (voir Cain, 1976, pour un exposé complet). En résumé, elle regroupe l'ensemble des entreprises autour de deux secteurs, appelés primaire et secondaire, et correspondant chacun à un mode de fonctionnement différent du marché du travail.

39

32 Voir tableau 2.1 dans ce chapitre.

40

Les emplois dans le secteur primaire se caractérisent par des hauts salaires, d'une plus grande sécurité sociale et des possibilités de promotion. A l'inverse, les emplois du secteur secondaire sont associés à des bas salaires, offrent peu de sécurité sociale et des promotions limitées. Les travailleurs du secteur secondaire préféreraient être employés dans le primaire, mais les salaires de ce secteur sont peu flexibles et les emplois s'y trouvent rationnés. Cette

description s'accorde bien avec les théories du salaire d'efficience. En contrôlant
l'hétérogénéité des employés, il apparaît que les firmes à hauts salaires ont une productivité supérieure aux autres. Autrement dit, avec une main-d'oeuvre identique, les firmes offrant une couverture sociale plus élevée ont une productivité plus forte.

Une évaluation statistique peut permettre de mieux cerner l'incidence des politiques de protection sociale sur la productivité de la main d'oeuvre.

SECTION II : EVALUATION STATISTIQUE DE LA RELATION ENTRE LA PROTECTION SOCIALE ET LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL

L'objectif de cette section est de tester l'hypothèse H1 selon laquelle, une hausse de la

couverture sociale entraîne une augmentation de la productivité de la main d'oeuvre. On analysera l'évolution de la productivité du travail et des mesures de protection sociale (II-1), et on déterminera le lien entre une variable de protection sociale et une variable de productivité du travail (II-2).

II-1 : Evolution de la productivité du travail, des cotisations sociales et des prestations sociales reçues

Cette évolution sera appréhendée, d'une part à travers une analyse du tableau présentant la productivité du travail et des cotisations sociales (II-1-1) et d'autre part, graphiquement, à travers l'évolution des courbes de productivité du travail et des prestations sociales reçues par les ménages (II-1-2).

II-1-1 : Productivité du travail et cotisations sociales

La population active est la population en âge de travailler et qui dispose d'un emploi ou est au chômage. Au niveau microéconomique, il y a eu des progrès en termes d'emploi, mais le constat général est celui d'une précarisation croissante des emplois, malgré le signal flatteur de quelques indicateurs de croissance de la productivité. Ici on caractérise le niveau de

41

productivité de la population (A) et l'évolution comparée de la productivité du travail et des cotisations sociales au Cameroun (B).

A : Caractérisation du niveau d'activité

La population active au Cameroun est estimée à 5749000 d'individus donc 77,5% de sexe masculin et 66,9% de sexe féminin (ECAM, 2001). Le taux d'activité est élevé dans la population et particulièrement celle résidant en milieu rural. La reprise économique amorcée en 1994 a contribué à augmenter le taux d'activité par la création des nouveaux emplois. Le taux de salarisation a également augmenté en faveur de la reprise économique. Le secteur informel demeure le principal pourvoyeur d'emploi avec près de 90,4% de la population active occupée. La population active camerounaise exerce aussi en grande partie dans l'agriculture en milieu rural. Elle est aussi caractérisée par la prééminence persistante d'une main d'oeuvre abondante mais mal formée. Selon les estimations, elle est insuffisamment instruite ou qualifiée : près de 40% des actif n'ont jamais été à l'école, 45% ont le niveau universitaire (DSCN, 2001).

Ce niveau de qualification, ainsi que diverses prestations de sécurité sociale influent sur les gains de productivités des entreprises.

B : Evolution de la productivité du travail et des cotisations sociales

L'évolution de la productivité du travail et des cotisations sociales se présente comme l'indique le tableau suivant :

Tableau 2.1 : Evolution de la productivité du travail et des cotisations sociales au Cameroun de 1993-2002.

Années

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

productivité du

travail (en milliers de FCFA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Formel

2621,5

3890,9

3931,3

3080,7

3682,1

6164,8

6411,2

7699,0

6934,6

5081,6

Informel

547,2

545,6

546,7

559,0

551,4

524,5

523,8

517,5

512,3

497,9

Ensemble

877,8

961,0

1054,9

1054,9

1078,5

1125,2

1158,2

1201,3

1158,2

1158,2

Cotisations sociales

(en milliards de

50,93

47,98

56,08

78,54

62,72

88,90

96,62

68,58

74,26

75,68

FCFA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Source : INS, Comptes nationaux du Cameroun, 2004.

42

Sur toute la période et de façon générale, la productivité du travail évolue de façon constante et régulière. Elle se situe au dessus de 1000 milliers de FCFA par an et par tête de travailleur dés 1995. L'évolution de la productivité du travail dans les secteurs formel et informel permet de constater que le niveau de productivité du travail dans le secteur informel est resté en-deçà de 560 milliers de FCFA par travailleur et par an sur toute la période. L'ordre de grandeur de ce ratio dans le secteur formel excède 2621 milliers de FCFA est a presque doublé en 1998. Ceci peut s'expliquer par le fait que les employés de ce secteur jouissent d'une bonne couverture sociale et sont donc incités à plus de productivité.

Les cotisations sociales ont connues une évolution galopante, mais atteignent leur plus haut niveau en 1999 où elle se situe à 96,62 milliards de FCFA, puis une baisse se situant presque autour de la moyenne durant la période. L'étude graphique permet de prolonger l'analyse de l'incidence de la protection sociale sur la productivité du travail.

II-1-2 : Analyse Graphique

Ici, on représente graphiquement les taux de croissance de la productivité du travail et des prestations sociales afin de cerner l'impact de la protection sociale sur la productivité du travail des individus. TCPT et TCPS représentent respectivement le taux de croissance de la productivité du travail et le taux de croissance des prestations sociales.

Le graphique (2.2) ci-dessous laisse apercevoir une évolution dans le même sens des deux variables durant la période. Ainsi, les courbes décroissent jusqu'en 1996 presque au même taux car elles se rencontrent au point correspondant à l'année 1995. Elles remontent jusqu'en 1998 où elle chute à nouveau. On peut donc dire que ces deux variables connaissent les fluctuations presque identiques. L'observation de ces deux courbes laisse présager une présomption de corrélation entre les deux variables. Car de manière générale une baisse des prestations sociales reçues entraîne in fine une diminution de la productivité du travail dans l'économie.

43

Graphique 2.2 :

TAUX

0,35

0,25

0,15

0,05

0,3

0,2

0,1

0

CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL PAR RAPPORT AUX PRESTATIONS SOCIALES

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001

ANNEES

TC PS TC PT

Source : Construction de l'auteur

Au terme de cette analyse graphique, il ressort que la protection sociale améliorerait la productivité du travail des individus. Ce qui apparaît conforme avec l'incidence théorique présentée au chapitre précédent. Mais, un test statistique pourrait permettre de mieux comprendre le sens de la causalité.

II-2 : Détermination du lien entre protection sociale et productivité du travail

Le test de l'hypothèse H1 peut se faire à travers l'étude de la corrélation entre une

mesure de protection sociale et une mesure de la productivité du travail. Ainsi on représentera tout d'abord la courbe de régression des deux variables (II-2-1), ensuite on déterminera le coefficient de corrélation (II-2-2).

II-2-1 : Etude de la régression de la productivité de la main d'oeuvre en fonction des prestations sociales

On suppose que X représente la variable de protection sociale et Y la variable de productivité de la main d'oeuvre. La courbe de régression de Y en X n'étant pas parallèle à l'axe des abscisses, la connaissance de la valeur prise par X apporte une information supplémentaire sur les valeurs susceptibles d'être prises par Y . Sans qu'une loi rigoureuse préside leurs relations, il existe alors une certaine dépendance entre les variables étudiées.

44

Lorsqu'une variable Y est en corrélation avec une variable X , la courbe de régression permet de résumer de façon commode la liaison existant entre les deux variables. Ce résumé a d'autant plus d'intérêt que la courbe de régression est plus « représentative » de l'ensemble de la distribution à deux variables.

Le graphique ci-dessous représente la courbe de régression de la productivité du travail par rapport aux prestations sociales reçues. La relation apparaît ici être croissante. Ceci amène à présupposer une certaine corrélation entre ces deux variables

Graphique2.3

COURBE DE REGRESSION DE Y EN X

Y

1400 1200 1000 800 600 400 200

0

 

Y=F(X)

 

1 2 3 4 5 6 7 8 9

X

Source : construction de l'auteur

Toutefois le résultat serait plus convaincant si on détermine le coefficient de corrélation des deux variables en question.

II-2-2 : Détermination du coefficient de corrélation

Le coefficient de corrélation a pour objet de mesurer l'intensité de la liaison entre les deux variables X et Y .

A : Définitions et méthode de calcul de la corrélation

Il s'agit ici de voir si une variation de la politique de protection sociale entraîne une variation dans le même sens de la productivité du travail des individus, en d'autres termes, s'il existe une liaison forte entre les deux variables.

45

Pour ce faire, on considère simultanément deux caractères numériques X représentant une mesure de protection sociale et Y représentant une mesure de productivité du travail des individus, définis sur une même population finie û = {w 1, . . . .wk } .

On appelle covariance du couple (X, Y) et on note S2 (X, Y) la moyenne du produit Z = [X - M(X)][Y - M(Y) ], soit :

S X Y M X M X Y M Y

2 ( , ) = [ ( - ( ))( - ( ))] . Elle est positive lorsque Z prend, « dans l'ensemble » des valeurs positives, c'est-à-dire lorsqu'une grande valeur de X (i.e. X > M(X)) a tendance à entraîner une grande valeur de Y (i.e. Y > M(Y)). La covariance est donc positive lorsque X et Y ont tendance à varier dans le même sens, elle est négative dans le sens contraire. La détermination du coefficient de corrélation permet de mieux affiner les analyses.

Soit p le coefficient de corrélation, on a respectivement l'écart-type de X et celui de Y .

S XY

2 ( )

p = . Où o X et o Y représentent
o o

x Y

 

· Si les variables X et Y sont indépendantes, le coefficient de corrélation est

égal à 0. En effet, lorsque les deux variables sont indépendantes : ( ) 0

S 2 XY =

S XY

2 ( )

d'où p = =0

oo

x Y

· Le coefficient de corrélation est compris entre -1 et +1 c'est-à-dire -1=p=+1.

· Si les deux variables X et Y sont liées par une relation fonctionnelle, le coefficient de corrélation est égal à -1 ou +1.

· Entre ces deux extrêmes, absence de corrélation et liaison fonctionnelle, le coefficient de corrélation constitue une mesure de la plus ou moins grande dépendance entre deux variables statistiques. Sa valeur absolue est d'autant plus proche de l'unité que cette dépendance est forte. Le coefficient de corrélation est positif en cas de liaison directe, négatif en cas de liaison inverse.

B : Présentation des résultats et interprétations

A l'aide du logiciel de calcul Microsoft Excel 2003, on a pu calculer le coefficient de corrélation et la covariance des deux variables X et Y .

46

Justification du choix de calcul du coefficient de corrélation

Les données sur la productivité du travail (Y ) et les prestations sociales reçues ( X ) proviennent de l'Institut National de la Statistique et couvre la période 1994-2002. Le choix de cette période est dû à la reprise économique amorcée en 1994 et à la disponibilité des données.

Par ailleurs, dans un cas comme celui-ci, où les observations sont individualisées (une par an), il n'aurait pas été possible de calculer le rapport de corrélation qui nécessite le regroupement en classes des observations : celles-ci ne sont pas suffisamment nombreuses.

Le tableau ci-dessous présente la corrélation entre les prestations sociales et la productivité du travail au Cameroun, ainsi que le coefficient de corrélation des deux variables.

Tableau 2.2 : Corrélation entre prestations sociales et productivité du travail

coefficient (X,Y)

de

corrélation

Covariance (X,Y)

0,8588917

 
 

27181086,5

 

Source : Calculs de l'auteur

On constate que la covariance est positive et forte car ( , ) =

S 2 X Y 2718086,5

Ce qui signifie qu'une forte variation de la protection sociale dans une firme ou dans le pays entraîne une forte variation de la productivité du travail dans l'économie. Le coefficient de

corrélation ñ = 0,8588917 est très proche de l'unité, ce qui signifie qu'il y a
approximativement liaison fonctionnelle directe entre les deux variables. Ceci justifie bien les prédictions théoriques d'une liaison forte entre la productivité des individus et leur degré de couverture sociale.

CONCLUSION

En fin de compte, il ressort qu'au Cameroun la protection sociale est surtout basée sur la solidarité et est en partie gérée par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et les assurances privées qui ont des difficultés à se mutualiser. Les résultats actuels des institutions en charge de la protection sociale au Cameroun sont en-deçà des attentes des populations à cause de l'étroitesse de la couverture et de la forte demande engendrée par la croissance

47

démographique33. Par ailleurs, la productivité du travail est faible dans le secteur informel car celui-ci regorge en général les travailleurs travaillant pour leur propre compte (prés de 60% des emplois indépendants). Ce qui témoigne de la progression faible de l'emploi dans le secteur formel qui connaît pourtant un niveau de productivité élevée. La productivité du travail peut être affecté par le niveau de protection sociale, cela a été démontré à travers l'étude de l'intensité de la liaison de ces deux variables. Ainsi le coefficient de corrélation trouvé est très proche de l'unité et la covariance positive. Ce qui permet de conclure qu'une variation plus forte de la protection sociale entraîne une variation forte et dans le même sens de la productivité du travail. Ces résultats confirment les analyses théoriques effectuées au chapitre précédant et l'hypothèse H1 connaît ainsi sa vérification.

33 Ce taux de croissance démographique se situe annuellement autour de 2,1% d'après la CEA-Les économies de l'Afrique centrale 2004.

48

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

L'analyse de l'incidence théorique de la protection sociale sur la productivité du travail a permis de constater que la protection sociale représente une grande motivation qui a pour effet d'encourager les travailleurs à fournir plus d'effort dans l'exercice de leurs tâches. De même, les filets de sécurité sociale offerts par les firmes améliorent l'intensité et la qualité du travail. Une mise en exergue de la théorie du salaire d'efficience et du capital humain a permis d'établir les liens entre protection sociale - productivité du travail et de considérer la protection sociale non seulement comme un coût, mais comme un « investissement productif » qui améliore la productivité des individus.

La couverture sociale au Cameroun reste trop étroite, car ne satisfaisant pas entièrement une grande partie de la demande de la population active qui connaît pourtant une croissance remarquable ces dernières années. Cette situation reflète tout simplement la pauvreté et le caractère précaire34 et instable de l'emploi qui pousse bon nombre d'individus à travailler longtemps dans l'espoir d'augmenter leur rémunération. Ce phénomène touche en particulier les personnes employées dans l'informel. Le niveau de productivité dans le secteur formel est remarquable, mais compte tenu du faible niveau des emplois dans ce secteur, le niveau de productivité du travail totale reste en moyenne inférieur à 1054milliers de FCFA par travailleur et par an.

L'étude statistique de la corrélation entre protection sociale et productivité du travail a permis de remarquer que cette dernière subirait l'influence de la protection sociale. Car on a pu trouvé un coefficient de corrélation très proche de l'unité et une covariance forte et positive.

Toutefois il ressort que la productivité du travail et la croissance ont des liens théoriques et empiriques évidentes telle présentées par de nombreuses études (Kobou, 2002 ; Cette, 2004). Mais les effets macroéconomiques de la protection sociale sur la croissance s'avèrent intéressants dans la mesure où les dépenses de protection sociale sont accusées d'être un obstacle à la croissance. C'est de cela qu'il s'agira de vérifier dans la deuxième partie de cette étude.

34 Très peu de travailleurs disposent d'un contrat de travail formel.

Deuxième partie

PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE : diagnostics macroéconomiques

49

50

INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE

Depuis quelques années, le concept de « protection sociale » est l'un des grands sujets du débat consacré à la politique sociale et des études théoriques sur la pauvreté et les garanties des ressources. Les partisans de la lutte contre l'exclusion sociale font valoir que la protection sociale moderne ne devrait pas se borner aux formes traditionnelles de garantie des ressources, mais devrait aussi viser, par exemple, à renforcer la cohésion sociale et la croissance économique (voir Badelt, 1999b). Ainsi, les dépenses de protection sociale ne cessent de croître dans l'ensemble des pays européens depuis le début des années 1950. Jusqu'en 1970, cette hausse a pu être financée sans créer de tensions sur le partage des revenus grâce à une forte croissance du PIB et des gains de productivité élevés. Cependant, depuis le début des années 1970, les dépenses de protection sociale continuent à augmenter à un rythme soutenu, alors que la croissance de la production devient plus faible. En France, par exemple, la part des prestations sociales est passée de 16% à 25% du PIB entre 1970 et 1993 (De Foucauld, 1995). Au Cameroun le Phénomène n'est pas en reste car, les dépenses de sécurité sociale sont passées de 10,280 milliards de FCFA en 1975/1976 à 54,640 milliards de FCFA en 2001/200235. Tandis que le PIB par tête évolue au taux annuel moyen 1,1%, soit plus de 2,5 fois le taux de croissance annuel moyen des pays d'Afrique subsaharienne, mais moins de 3 fois celui des pays de l'Asie du Sud-Est36. Cette montée des dépenses de sécurité sociale au Cameroun constitue-t-elle un frein ou contribue-t-elle à la relance de l'économie camerounaise par la croissance ?

L'objectif de cette partie est d'appréhender les effets théoriques et empiriques de la protection sociale sur la croissance économique. Ainsi on analysera les mécanismes théoriques de l'incidence de la protection sociale. De plus, à partir des données de l'économie camerounaise, on testera la deuxième hypothèse selon laquelle : une augmentation des dépenses de protection sociale affecte positivement la croissance. Cette partie sera traitée dans deux chapitres : le premier chapitre mettra en exergue la relation théorique et empirique entre la protection sociale et la croissance à la lumière de la littérature économique et sociale et le deuxième chapitre fera l'objet d'une évaluation empirique des effets de la protection sociale sur la croissance de l'économie camerounaise.

35 Données recueillies à la CNPS et à l'INS : annuaire statistique de l'économie camerounaise 2004.

36 Le taux de croissance annuel moyen du PIB par tête est de 0,4% entre 1960 et 1997 pour l'ensemble des pays de l'Afrique au Sud du Sahara ; il est de 3,9% pour les pays d'Asie du Sud-Est au cours de la période (O'connell et Ndulu, 2000).

Chapitre3

LA PROTECTION SOCIALE ET LA CROISSANCE :

une présentation de la littérature

51

INTRODUCTION

« Alors que l'égalité est bonne pour la croissance- si elle est héritée du passé ou si elle résulte de facteurs historiques ou exogènes - les politiques qui visent à introduire davantage d'égalité sont mauvaises pour la croissance» Rodrik (1998). Les enjeux liés aux objectifs de réduction de la pauvreté ; de croissance redistributive et du renforcement d'une économie basée sur la sécurité et le développement humain place la stratégie de protection sociale au coeur des politiques publiques. La protection sociale et la croissance ont des liens théoriques et empiriques évidents, dans la mesure où les systèmes de protection sociale peuvent contribuer dans certaines conditions à l'accroissement ou au ralentissement de la croissance dans un pays. Pour mieux appréhender ces liens théoriques et empiriques il sera opportun tout d'abord, d'analyser les mécanismes théoriques de transmission des effets macroéconomiques de la protection sociale sur la croissance (I), puis de présenter quelques résultats empiriques issus des études précédentes (II).

SECTIONI: ANALYSE DES MECANISMES DE TRANSMISSION DE L'INCIDENCE DE LA PROTECTION SOCIALE SUR LA CROISSANCE

Les débats consacrés aux politiques de protection sociale (ou, plus généralement, à l'Etat-providence) ont traditionnellement revêtu la forme d'un simple arbitrage entre égalité et efficacité ou entre équité et croissance une fois définie la fonction de protection sociale par rapport aux niveaux de revenu des individus. Ainsi, dans certaines des études, les systèmes de protection sociale seraient un obstacle à la croissance (I-1), tandis que d'autres présentent leurs effets positifs (I-2).

52

I-1 : La protection sociale néfaste à la croissance économique

Il existe une pléthore de théories qui présentent l'impact négatif que peut avoir les systèmes de protection sociale sur croissance économique d'un pays, mais compte tenu de leurs exhaustivités on présentera dans cette sous-section celles qui ont trait à l'effet sur l'emploi des non qualifiés et relativement au coût du financement (I-1-1) et celles qui ont trait aux effets sur l'épargne et l'investissement (I-1-2).

I-1-1 : La contrainte de financement et le rôle de la protection sociale sur le marché du travail : effets sur l'attractivité du territoire et chômage des travailleurs peu qualifiés.

Le financement des systèmes de protection sociale entraîne un alourdissement de la fiscalité qui a des effets sur l'attractivité des investissements et la compétitivité d'une économie (A), puis la hausse des salaires des travailleurs peu qualifiés induite par la générosité des systèmes de protection sociale entraîne une hausse du chômage de cette catégorie de travailleurs (B).

A : Effets sur l'attractivité et la compétitivité.

Les systèmes de protection sociale sont aujourd'hui largement contestés car ils auraient un coût économique élevé pour un rendement social assez faible.

La relation inverse entre prélèvement obligatoire et attractivité du territoire remet indirectement en cause les systèmes de protection sociale qui canalisent une part croissante des prélèvements sociaux et fiscaux. L'attractivité du territoire est de plus en plus souvent évoquée comme une condition de développement économique dans un monde totalement ouvert et caractérisé par une mobilité élevée des biens, des hommes et des capitaux. La fiscalité figure parmi les éléments d'attractivité d'un territoire (Bassanini et Scarpeta, 2002). Une charge fiscale (impôts et cotisations sociales) perçue comme trop élevée conduirait les agents les plus dynamiques de la population à s'expatrier (évasion fiscale et délocalisation) et découragerait les investisseurs étrangers. Ainsi, les prélèvements obligatoires grèveraient la compétitivité des entreprises en augmentant leur coût de production.

Le mode de financement des systèmes de protection sociale (cotisations sociales ou impôts) pénaliserait l'emploi en alourdissant le coût du travail. Il est possible de mesurer le taux de prélèvements obligatoire pesant sur le facteur « travail » à travers la différence entre le coût total pour l'employeur et ce que reçoit l'employé après impôt/cotisations. Cet

53

indicateur dénommé « coin socio-fiscal », est pertinent économiquement car il donne l'ampleur la distorsion introduite sur le marché du travail par les prélèvements fiscaux et sociaux. Un « coin socio-fiscal » élevé peut entraîner une perte de compétitivité dans un contexte de concurrence accrue avec les pays où le facteur travail coûte peu. Cette perte de compétitivité se traduirait par des délocalisations, des licenciements et un accroissement du chômage. De plus, les cotisations sociales patronales, assises sur le salaire brut et s'ajoutant à celui-ci pousseraient les entreprises à remplacer in fine les travailleurs par des machines, ce qui serait néfaste pour la croissance car il y aurait une hausse vertigineuse du taux de chômage.

B : La protection sociale néfaste à l'emploi des travailleurs peu qualifiés

Les travailleurs peu qualifiés sembleraient être les plus exposés au chômage généré par le mode de financement de la protection sociale. Or, en Afrique en générale, et au Cameroun en particulier la structure de la population active est encore constituée, pour une large part, des personnes sans qualification ou à faible qualification. Les effets distributifs de la protection sociale s'avèrent donc être importants en termes de revenus, notamment pour les individus les plus défavorisés. Mais, cette redistribution agit aussi sur le niveau de l'emploi. Il est possible d'appréhender simplement cet aspect du problème en supposant que les gains des chômeurs non qualifiés sont indexés sur une moyenne des salaires de l'ensemble de la population, tandis que les gains des chômeurs qualifiés ne dépendent que du salaire des travailleurs qualifiés.

s

Zq=bWq et Z N bW q W -

1 s

= avec 0 = s = 1

N

Dans cette expression, le paramètre b s'interprète comme un indicateur du degré de «générosité» globale de la protection sociale, tandis que le paramètre s mesure le degré de «distributivité»du système. Plus s est proche de l'unité et plus la protection sociale devient redistributive. Zq et ZN sont respectivement les gains des chômeurs qualifies et chômeurs

non qualifies de la population, tandis que, Wq et WN représentent les salaires des qualifiés et

des non qualifiés respectivement.

Une meilleure protection sociale permet donc de limiter l'accroissement des inégalités de revenus dû à la modification de la structure de la demande de travail, mais elle influence négativement l'emploi des non qualifiés. La déformation de la demande de travail se répercute sur les taux de chômage au détriment des travailleurs les moins qualifiés. La maîtrise des inégalités par le biais de la protection sociale, en exerçant une pression à la

54

hausse sur les salaires des non qualifiés, conduit à un accroissement des inégalités en termes de taux de chômage (Cahuc et Zylberberg, 1996).

L'analyse de l'incidence de l'indemnisation du chômage sur le fonctionnement du marché du travail est un thème récurrent. La générosité des allocations de chômage découragerait l'effort de recherche d'un emploi. Plus globalement, les prestations sociales, du type « revenu minimum » freineraient l'activité. En effet, l'octroi de prestations sociales, même d'un niveau insuffisant pour couvrir les besoins élémentaires des allocataires, enfermeraient leurs bénéficiaires dans des trappes à inactivité. Le raisonnement traditionnel microéconomique repose sur l'idée que l'individu n'augmente son offre de travail que si cela lui procure un gain matériel. Or, l'existence des prélèvements sociaux-fiscaux et les modalités des prestations sociales (aide sociale et allocation chômage notamment) peuvent conduire à ce que la reprise du travail représente un revenu faiblement supérieur aux avantages découlant des prestations.

Selon la théorie du salaire de réserve (Lippman et Mc Call, 1976), les allocations ont pour effet d'élever le salaire de réserve, c'est-à-dire le salaire en deçà duquel un chômeur refuserait de travailler. Ce faisant, les salaires ne peuvent baisser en dessous des prestations de chômage, même pour les travailleurs peu qualifiés. Dès lors, les modifications des conditions qui nécessiteraient une baisse des salaires ne peut s'exercer librement. Ceci se traduit par du chômage, les entreprises ne pouvant embaucher au coût du travail en vigueur sur le marché du travail. Cet effet de seuil, découragerait donc l'enfermement dans les trappes à inactivité et dans le chômage de longue durée. Or, ce chômage tend à devenir structurel, l'inemployabilité des chômeurs augmentant avec l'allongement de la durée du chômage.

Les systèmes de protection sociale diminueraient donc l'offre de travail dans l'économie et freineraient la croissance à long terme. De même, ils peuvent décourager l'épargne et l'investissement.

I-1-2 : Effets négatifs sur l'épargne et l'investissement de la protection sociale.

Quand on sait que d'après la théorie de la croissance, l'épargne et l'investissement sont considérés comme les moteurs de la croissance économique, la protection sociale réduirait le niveau d'épargne au sein d'une économie.

Si les régimes de prestations sociales découragent les individus de travailler, l'offre de travail dans l'économie diminue, ce qui réduit le niveau de la production et dans certains cas, de l'investissement et, de ce fait, de la croissance. Quand le système de protection sociale

55

décourage la population d'épargner, à moins que l'épargne publique n'augmente d'un montant équivalent, le capital disponible pour réinvestir diminue. En outre, les impôts qu'il faut prélever pour pouvoir financer la protection sociale peuvent rendre l'innovation moins rentable (Mirrless, 1971)

Une large tradition d'économistes met l'accent sur la dynamique inégalitaire dans une économie. En effet, les hauts revenus ont une propension marginale à épargner que les bas revenus. Lorsque leur revenu augmente, ils consacrent à l'épargne une part plus importante de ce supplément de revenu que les titulaires des bas revenus qui le consomment davantage. Or, si le taux de croissance d'une économie dépend de son niveau d'épargne nationale, les économies les plus inégalitaires où les taux d'épargne sont les plus élevés connaîtraient une croissance plus dynamique (Kaldor, 1956). On considère souvent comme une évidence qu'un système de retraite financé par la capitalisation favoriserait davantage l'accroissement du niveau de l'épargne, et donc du taux de croissance du PIB, qu'un système reposant su la répartition. En effet, dans le cadre de la répartition, les agents actifs anticipent le bénéfice d'une pension garantie quand viendra l'âge de la retraite. La répartition rend donc négligeable la constitution d'une épargne retraite en période d'activité. A l'inverse, la capitalisation constitue une incitation forte à l'épargne pour les ménages actifs, soucieux de se garantir une retraite future.

Bien que la protection sociale ait des effets négatifs sur la croissance économique comme l'affirme certaines théories, elle contribuerait aussi à la croissance dans une certaine mesure.

II-2 : La protection sociale, pilier essentiel d'une croissance économique durable

La protection sociale n'est pas seulement un coût, elle produit aussi des services dont l'impact sur l'économie est positif en termes de croissance et de productivité. Il s'agira ici de présenter la protection sociale comme un instrument de stabilisation macroéconomique et d'ajustement structurel (I-2-1) et on fera une analyse intergénérationnelle de la protection sociale et de ses effets sur le bien-être social des populations (I-2-2).

56

II-2-1 : La protection sociale comme instrument de stabilisation macroéconomique et facilitateur des ajustements structurels

La protection sociale des populations a des effets remarqués sur les indicateurs de stabilisation macroéconomique d'un pays (A) et sur les mécanismes d'ajustement structurel (B) qui induisent les perspectives d'une croissance économique.

A : Instrument de stabilisation macroéconomique

La protection sociale est un soutien de la demande en période de ralentissement économique. Cet argument classique et keynésien conserve toute sa pertinence de nos jours. Dés les trente glorieuses, la protection sociale a été principalement analysée en Europe comme un instrument contra-cyclique c'est-à-dire atténuant les effets d'un ralentissement économique. Les dépenses de protection sociale ont, en effet, été utilisées comme des instruments de régulation macroéconomique, contribuant au soutien de la demande. Certes, cet argument keynésien a été contesté, la fonction de « stabilisateur automatique » de la protection sociale a été présentée comme inefficace dans le contexte d'ouverture des économies nationales. En effet, il est plus évident que la consommation intérieure d'un pays, soutenue par des dépenses de protection sociale, se rapporte sur la production nationale et ne privilégie pas des produits d'importation moins coûteux.

Les dépenses de protection sociale ne soutiendraient plus l'activité dans le pays. Par ailleurs, la protection sociale peut être appréhendée comme un instrument facilitateur des ajustements structurels.

B : Un instrument facilitateur des ajustements structurels

Les filets de sécurité sociale servent à (i) promouvoir l'investissement des particuliers dans leur capital humain et (ii) à réduire l'opposition politique aux mesures d'ajustement et aux politiques propices à la croissance. En effet, la protection sociale pourrait faciliter l'ajustement structurel dans la mesure où une société est amenée à faire des choix politiques et économiques « difficiles », ainsi, elle évitera qu'une catégorie ou une classe sociale ne reste à ce point à la traîne du mouvement général, qu'il lui soit impossible de participer à l'économie marchand, occasionnant à cet effet une perte permanente de production

57

potentielle : le fait de mettre les enfants à l'abri de la pauvreté peut avoir des avantages à long terme sur leur développement social et intellectuel, etc.

Certains auteurs à l'instar de Ahmad, Drèze et Sen (1999), analysent la protection sociale comme une « aide à l'adaptation technologique ». La protection sociale en réduisant les inégalités et en visant l'inclusion notamment par le biais des minima sociaux, est génératrice de la cohésion sociale. Ce faisant, elle peut éviter l'accroissement des dépenses moins productives à l'instar de celles relatives à la sécurité des biens et des personnes (prisons, gardiennage, surveillance,...) qui peuvent être perçues comme la résultante d'une régulation sociale défaillante. Dans les périodes d'ajustements structurels, cette cohésion sociale permet à certaines catégories de la population d'être trop rapidement et trop radicalement exclues du marché du travail, et de se retrouver en marge de la société (CAE, 2001)

Le filet de sécurité offert par les systèmes de protection sociale donne la possibilité aux sociétés d'opérer des choix politiques et économiques « difficiles » dont l'objectif est de favoriser la transition des secteurs peu productifs vers des secteurs plus productifs. Sans ce filet des ajustements structurels seraient moins acceptables socialement et freinés ; ce qui à terme, diminuerait le potentiel de croissance de certains pays.

II-2-2 : Approche intergénérationnelle de la protection sociale et amélioration du bien-être social

Les systèmes de protection sociale bien conçus ont un impact positif sur les générations car ils permettent de lier financièrement les diverses générations des populations (A) et contribuent à améliorer le bien-être social des individus (B).

A : Une réponse au « dilemme des générations »

Dans un monde à générations imbriquées, trois générations se côtoient : les actifs, les jeunes et les personnes âgées, ces deux derniers groupes ne produisent pas de richesse. Si l'on confiait au marché la prise en charge des besoins de ces différents groupes, le système ne serait pas efficient. Cet argument est valable pour les théoriciens des défaillances du marché présenté ci-dessus. Un système où chacun cotiserait pour lui seul (capitalisation) conduirait à des effets pervers. Par exemple, les personnes actives aux revenus les plus bas, sachant que nul ne peut financer leur retraite, seraient prioritairement incitées à épargner pour se prémunir

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du risque vieillesse ; ce qui réduirait d'autant leur possibilité et leur désir d'investir dans le domaine de l'éducation de leurs enfants. Cela diminuerait le potentiel d'offre de travail.

A l'inverse, un système basé sur la solidarité intergénérationnelle et sur l'état-providence garantit que chaque génération rembourse à l'âge actif l'éducation et la politique familiale dont elle a bénéficié et reçoit, à la vieillesse, les cotisations sociales qu'elle a payées à l'âge actif. Cette conception de la protection sociale, assurant des transferts vers les individus les plus jeunes et âgés, est non seulement juste d'un point de vue éthique mais aussi efficace économiquement. Et ce d'autant plus, qu'en solvabilisant des demandes de services en matière d'enfance et de dépendance, les dépenses de protection sociale contribuent à soutenir la dynamique économique de deux secteurs qui constituent aussi des gisements d'emplois peu délocalisables.

B : L'amélioration du bien-être social des populations

La protection sociale peut largement contribuer à l'amélioration du bien-être social dans une économie où il n'existe pas de marché de rentes (Hubbard et Judd, 1987) et où les individus ont des difficultés à emprunter (Imrohoroglu et al., 1995). Dans ce cas, la présence d'un système de sécurité sociale est bonne pour le bien-être social général dans la mesure où il procure à la population une assurance contre le risque que le secteur privé a du mal à mutualiser et à gérer - maladie chômage, etc. En outre, cette assurance permet aux ménages de prendre plus de risques dans leur comportement économique puisqu'elle les garantit (dans une certaine mesure) en cas d'échec. Ahmad et al.(1991) démontrent que l'assurance offerte par la protection sociale peut favoriser la croissance dans le cas où il y a une relation positive entre le degré de risque d'un projet et son taux de rendement attendu. En réduisant l'incertitude affectant le revenu individuel au cours du cycle de vie, la protection sociale constitue un facteur de sécurité propice à désinhiber les individus face aux risques et donc à les rendre plus entreprenants.

Pour des raisons économiques, comme on a pu l'observer en pratique, les agents économiques préfèrent avoir une consommation régulière et donc, étaler l'utilisation à cette fin de leurs revenus escomptés sur une période prolongée, voire pendant le tout le cycle de leur vie (Besley, 1995 ; Deaton, 1997). Parce que l'obtention des revenus est généralement un phénomène stochastique et que, durant les périodes caractérisées par des chocs négatifs, ou parce que certains événements futurs sont relativement prévisibles mais qu'il n'existe pas de moyens appropriés de mettre en réserve les revenus pour les transférer à une date future ; il est

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crucial d'avoir accès à des instruments de protection des revenus, tels que des systèmes d'épargne et de ponction sur l'épargne pour étaler la consommation dans le temps et, aussi améliorer le bien-être social.

SECTIONII : UNE ANALYSE DE LA LITTERATURE EMPIRIQUE SUR LA

RELATION

Les travaux théoriques et empiriques sur la croissance ont marqué certains progrès au cours de la dernière décennie pour ce qui est de réduire l'incertitude entourant les déterminants de la croissance des pays. Ainsi on focalisera une attention sur certaines études empiriques sur la croissance (II-1) et sur celles qui se sont penchées sur l'incidence de la variable protection sociale sur la croissance (II-2).

II-1: Les études empiriques sur la croissance

Les travaux sur la croissance ont connu un regain avec l'introduction du capital humain comme un facteur important pour l'explication de la croissance, d'où ces nouveaux modèles ont pris la dénomination de modèles de croissance endogène (Romer, 1990 et Lucas, 1988). Le résumé du tableau des modèles empiriques modernes de la croissance (I-1-1) et la controverse liée aux résultats liant la protection sociale à la croissance (I-1-2), feront l'objet de l'étude de cette sous-section.

II-1-1 : Résumé du tableau des modèles empiriques modernes de la croissance

En présentant une évaluation des travaux publiés, Temple (1999) fait preuve d'un optimisme prudent. On résume le tableau qui ressort des modèles empiriques modernes de la croissance en disant qu'ils comportent trois étapes : les analyses de forme réduite (A), puis les modèles structurels de la croissance, avec et sans dynamique transitoire explicite (B).

A : Les travaux publiés reposant sur une analyse transversale de forme réduite

Dans les travaux publiés qui reposent sur une analyse transversale de forme réduite, on s'entend généralement pour dire que l'équation de croissance renferme relativement peu de

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variables statistiquement robustes37. L'équation de croissance fait voir la croissance moyenne de la productivité du travail comme variable dépendante et un ensemble de variables explicatives possibles du côté droit. Les variables utiles sont notamment :

· le niveau de revenu au début de la période ;

· les ratios d'investissement au PIB ;

· les niveaux de scolarité ;

· la croissance de la population ;

· les indicateurs de l'ouverture au commerce ou à l'investissement étranger direct

(IED).

Temple (1999) passe en revue cette documentation et note qu'en raison de l'absence d'une structure théorique explicite, on a fait l'essai d'un très grand nombre de variables; ce courant de la documentation souffre manifestement d'un problème de surexploitation des données. Cela dit, les analyses de régression publiées sur la croissance ont exercé une très grande influence, quoique davantage sur les questions touchant aux pays en développement que sur celles propres aux pays avancés. Les premiers travaux ont aussi démontré qu'un certain nombre de variables ne constituaient pas de bons facteurs explicatifs de la croissance. Parmi celles-ci, il y a la politique budgétaire, les mesures de la R-D et diverses variables de nature politique et juridique.

B : Modèle structurel de la croissance

Un important modèle structurel de la croissance est la version du modèle de Solow enrichi par Mankiw, Romer et Weil (1992). Ce modèle correspond au modèle néoclassique de base de la croissance mis au point par Solow, avec épargne exogène se transformant en capital matériel, auquel vient s'ajouter un troisième facteur de production -- le capital humain. Le modèle repose sur une fonction de production agrégée comportant des rendements d'échelle constants. L'application empirique du modèle suppose l'imposition d'une contrainte d'état stationnaire, par laquelle les pays demeurent sur un sentier de croissance stable à long terme durant toute la période étudiée. Dans cette hypothèse, les taux de croissance (qui sont la variable dépendante) peuvent être exprimés sans référence aux stocks de capital matériel ou humain, mais comme fonction du taux d'épargne, d'une variable de scolarité et d'un niveau initial de productivité que l'on suppose être réparti de façon aléatoire entre les pays. Les tentatives faites pour ajuster ce modèle aux données transversales de l'OCDE n'ont pas eu

37 Voir Levine et Renelt (1992) et Sala-i-Martin (1997).

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beaucoup de succès. Cela peut être considéré soit comme une réfutation de la théorie soit comme un reflet du fait que la contrainte d'état stationnaire est trop rigoureuse.

Dans les années 90, on a vu apparaître divers modèles de croissance structurelle intégrant le capital humain et délaissant l'hypothèse selon laquelle la croissance observée se situe sur une courbe d'état stationnaire. En intégrant des effets dynamiques transitoires qui permettent de faire varier les taux de croissance théoriques dans le temps, ces modèles ont obtenu un peu plus de succès.

Barro (1991) a été l'un des pionniers dans ce domaine, mais de nombreuses améliorations aux niveaux de la méthodologie, de la mesure et de l'analyse économétrique ont été apportées au cours de la dernière décennie. Une bonne revue technique de cette documentation est présentée dans Durlauf et Quah (1999), que Barro et Sala-i-Martin (1995) ont repris en partie dans leur manuel. Ce qui est plus significatif, les versions les plus récentes de ces modèles utilisent des données par panel, qui exploitent à la fois la variation transversale et la variation temporelle, et sont estimées à l'aide d'une variété de méthodes d'analyse dynamique par panel.

Au début, on s'est interrogé sur la façon dont les variables de capital humain devraient entrer dans ces modèles et certains des premiers résultats obtenus pour le capital humain étaient assez étranges. Cependant, ce paradoxe du capital humain a, pour l'essentiel, été résolu récemment. Nombre de ces estimations appuient l'hypothèse de rendements presque non décroissants sur une mesure étendue du capital humain et du capital non humain. Des rendements non décroissants supposent qu'un accroissement du capital (largement défini) par travailleur engendre une augmentation marginale de la production qui ne diminue pas à mesure que du capital supplémentaire est ajouté. Cela se rapproche beaucoup d'une corroboration de ce que l'on appelle la croissance endogène à long terme.

La notion de croissance endogène, telle qu'élaborée par Romer (1990) et Lucas (1988), intervient lorsqu'une variable de politique, par exemple le taux d'épargne, peut avoir un effet permanent sur le taux de croissance plutôt que sur le niveau du revenu à long terme. Les rendements non décroissants sur le capital sont une condition suffisante pour qu'un modèle engendre une croissance endogène. Un modèle montre une croissance exogène lorsque les variables de politique n'ont qu'un effet transitoire sur le taux de croissance, bien qu'elles puissent influer sur le niveau de revenu à l'état stationnaire.

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II-1-2 : Quelques résultats des études empiriques

Les analyses économiques des effets de la protection sociale sur la croissance se sont beaucoup développées au cours de ces dernières années et portaient pour la plupart sur les pays riches (pays de l'OCDE par exemple). Elles sont généralement caractérisées par l'introduction d'un indicateur de protection sociale comme variable explicative supplémentaire dans les modèles de croissance (Castles et Dowrick (1990) ; Cashin (1994) ; Lindert (1996)). Cependant, l'insuffisance disponibilité des données relatives aux mesures de protection sociale a amené certains auteurs à privilégier les variables de redistribution telles que : la part des transfert dans le PIB (Keefer et Knack, 1995), la part des dépenses publiques d'éducation, de santé et de logement rapporté au PIB (Devarajan et al. (1993) ; Easterly et Rebelo (1993) ; Perotti (1996)), droits de propriété (Gwartney, Lawson et Holcombe, 1998).

C'est ainsi que Cashin (1994) estime des séries chronologiques transversales à laide des MCO et de la technique des variables instrumentales groupées, avec une structure d'erreur à un facteur pour une estimation sur données de panel, la variable dépendante étant le taux de croissance du PIB réel par travailleur où le taux moyens des dépenses de sécurité sociale et de protection sociale par rapport au PIB est inclus dans l'équation de croissance comme variable explicative. Il trouve que l'accroissement des dépenses publiques sur les éléments entrants dans les fonctions de production privée entraîne un surcroît de croissance économique. Tel est le cas, par exemple, des paiements des transferts et des investissements. Les coefficients des dépenses de sécurité sociale sont positifs et significatifs.

Par contre Castles et Dowrick (1990) portent leur étude sur la période 1960 à 1985 et estiment à l'aide d'une régression sur séries chronologiques transversales groupées. MCO (avec test d'endogénéité) à l'aide de variables de contrôle de l'investissement et de l'emploi et des variables indicatrices temporelles. Ils introduisent les dépenses sociales de l'OCDE (hors santé et éducation) comme variable explicative et trouvent les coefficients positifs mais significatifs (si variables de contrôle). En l'absence de variable de contrôle les signes deviennent irréguliers et non significatifs. De même, Devarajan et al (1993), introduisent les dépenses de santé sur les dépenses totales et les dépenses d'éducation sur le total des dépenses comme variables explicatives. Ils examinent la relation entre la composition des dépenses publiques et la croissance, et estiment qu'un rééquilibrage dans l'éventail des politiques mises en oeuvre au profit des activités productives peut entraîner une intensification de la croissance.

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II-2 : Effets indirects de la protection sociale sur la croissance

Certaines études ont montré que la protection sociale pouvait avoir une incidence sur la croissance à travers son impact sur la fiscalité (II-2-1) et sur la redistribution des revenus (II-2-2).

II-2-1 : Protection sociale, Fiscalité et Croissance.

Un certain nombre d'auteurs ont montré empiriquement que le financement des dépenses de protection sociales entraînait un alourdissement des prélèvements obligatoires (A) et qu'il était difficile de dissocier les effets des dépenses sociales des effets de la fiscalité sur la croissance (B).

A : les dépenses publiques de protection sociale comme cause de l'alourdissement de la fiscalité : impact négatif sur la croissance

Arjona, Ladaique et Pearson (2002), trouvent des résultats qui portent à penser que la protection sociale a une incidence modérée sur le PIB à long terme. Les élasticités partielles montrent que si les dépenses passaient d'environ 18.5 % du PIB (ce qui correspond à la moyenne arithmétique sur toute la période considérée) à 19.5 % du PIB, le PIB se trouverait réduit à long terme de 0.7 %, car il faut plusieurs années pour que l'effet sur le PIB d'une hausse d'un point de pourcentage des dépenses se fasse pleinement sentir. Cet effet est à comparer à celui d'autres variables sur le PIB : une augmentation de l'investissement de 1 % du PIB accroîtrait le PIB de 1.3 %. L'une des façons qu'ils interprètent ces résultats est de dire que l'effet sur la croissance ne résulte pas de la protection sociale en soi, mais de la fiscalité. Autrement dit, à mesure que les dépenses de protection sociale augmentent, la fiscalité s'alourdit, et c'est la fiscalité qui ralentit la croissance et non les dépenses sociales. Un certain nombre d'études ont été consacrées aux effets de la fiscalité sur la croissance.

En règle générale, leurs auteurs ont constaté que le rapport des prélèvements fiscaux au PIB a une incidence négative sur la production - plus la pression fiscale est forte, moins il y a de croissance (voir par exemple Bassanini et al. 2001), étant entendu que le niveau initial des impôts et la façon dont ils sont prélevés jouent dans chaque cas particulier.

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B : l'indissociabilité de l'effet de la fiscalité de l'effet des dépenses sociales sur la croissance

Dans une optique de marché, une analyse des effets de la protection sociale sur la croissance permet de constater que celle-ci peut ne pas avoir des effets sur la fiscalité car dérivant de la solidarité des organisations non gouvernementale. Cependant, même si les dépenses sociales étaient sans effet sur la production, alors que le financement desdites dépenses sociales réduirait la croissance, il serait néanmoins normal de penser que les dépenses sociales sont la cause de l'alourdissement de la fiscalité et du ralentissement de la croissance, puisque l'augmentation des dépenses sociales explique l'essentiel (voire la totalité) de l'alourdissement de la pression fiscale dans les pays de l'OCDE depuis le milieu des années 1960. En d'autres termes, il est tout aussi probable que les études qui constatent un effet de la fiscalité sur la croissance observent en fait un effet des dépenses de protection sociale que le contraire - étant donné qu'il est impossible d'avoir des dépenses de protection sociale sans escompter un alourdissement de la fiscalité, immédiat ou ultérieur, il n'est pas véritablement possible de dissocier l'effet de la fiscalité de l'effet des dépenses sociales.

Ainsi, le fait d'inclure une mesure de la pression fiscale dans l'équation ne modifie pas le coefficient des dépenses sociales ; en outre, le coefficient de la pression fiscale n'est pas significatif (Ajona, al., 2001). Ce qui prime dans ces analyses ce sont les coûts croissants de la protection sociale en proportion du P11B. L'indicateur mis en avant est le taux de prélèvements obligatoires qui mesure le rapport entre les impôts et les cotisations sociales/ P11B. Toute hausse des dépenses de santé plus rapide que la croissance économique entraîne, toute chose égale par ailleurs, une augmentation du taux de Prélèvements Obligatoires (PO). Toutefois la redistribution des revenus occupe une place importante dans les activités relevant de la protection sociale si l'on considère la définition traditionnelle de la protection sociale ou de l'Etat- providence (voir Barr, 1998).

II-2-2 : Protection sociale, distribution des revenus et croissance.

Considérant la définition de la protection sociale telle que présentée par la Banque Mondiale en 2000, pour certains théoriciens et certains responsables de l'action publique, la redistribution des revenus et la modification de la distribution initiale serait le principal objectif de la protection sociale (A) et à travers cette redistribution on observe une influence de la protection sociale sur la croissance économique telle que présentée par certaines études empiriques (B).

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A : La redistribution du revenu comme objectif de la protection sociale

Pour certains auteurs, l'objectif principal de la protection sociale est de redistribuer des revenus et de modifier la redistribution initiale, déterminée par le jeu du marché, pour aboutir à une distribution des revenus plus égalitaire, corrigée par l'Etat (Marques, 2000). La redistribution des revenus est donc un résultat important de la politique de protection sociale bien conçue, à plusieurs niveaux :

· La fourniture d'un soutien aux personnes extrêmement pauvres, serait l'un des grands objectifs de la protection sociale. Etant donné que, pour financer les transferts monétaires ou en nature nécessaires, il faut imposer les revenus des travailleurs et des biens des personnes fortunées ;

· L'amélioration de l'équité par le biais de la protection sociale donne également lieu à des opérations de redistribution. A tout le moins, celles-ci visent à égaliser les chances, et au mieux, elles remédient aux problèmes créés par des chocs négatifs.

Cet objectif de la politique sociale peut être considérer comme une externalité positive découlant du système de protection sociale bien conçu et bien employé permettant d'augmenter le taux de croissance d'un pays. Par exemple, un bon système de garantie des ressources des chômeurs non seulement améliore les conditions de vie de chaque chômeur en réduisant sa vulnérabilité et en aidant à réduire les fluctuations de la consommation mais aussi favorise la réalisation d'objectifs qualitatifs tels que la stabilité sociale qui influe positivement la croissance. La garantie des ressources aux personnes âgées a pour effet de leur permettre, bien sûr, de consommer davantage, mais aussi de participer dans une plus large mesure à des activités sociales. La fourniture aux pauvres d'une aide sociale et d'un accès aux services de santé de base et d'éducation offre aux parents, et à leurs enfants, des possibilités d'améliorer leur capital humain (Becker, 1964). Si la redistribution du revenu est l'objectif de la protection sociale, mais quel peut être le lien de causalité entre la redistribution du revenu et la croissance ?

B : Lien de causalité entre la redistribution du revenu et la croissance dans la littérature empirique

Le but de la présente étude est d'analyser les effets de la protection sociale sur la croissance. Or, si l'un des grands objectifs des dépenses de protection sociale est de réduire les inégalités de revenus, il convient de savoir s'il existe un lien de causalité entre la distribution du revenu et la croissance. Ajona, al.(2001) ont cherché à déterminer si l'effet

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redistributif net - tel qu'il ressort qu'il ressort de l'augmentation de la part de la moitié inférieure de l'échelle des revenus, au niveau, d'une part, de l'ensemble de la population et, d'autre part, de la seule population d'âge actif - a une incidence significative sur la croissance.38

Les tests infirment l'hypothèse d'une explication par les coefficients d'une part statistiquement significative des écarts de taux de croissance entre les pays et les périodes, que l'on considère la population d'âge actif ou l'ensemble de la population. En outre, on ne peut pas dissocier totalement les effets des dépenses de protection sociale sur la croissance des interactions entre la distribution du revenu et la croissance.

Toutefois, il ne suffit pas d'analyser l'influence directe de la distribution du revenu sur la croissance pour savoir si les évolutions des deux variables sont liées.

Comme indiqué ci-dessus, plusieurs chercheurs (par exemple, Persson et Tabellini,

1994) ont affirmé qu'une distribution étroite du revenu marchand est bonne pour la croissance parce qu'elle réduit la demande de redistribution qui nuit à la croissance.

Comme l'indique Rodrik (1998) : « Alors que l'égalité est bonne pour la croissance

- si elle est héritée du passé ou si elle résulte de facteurs historiques ou exogènes - les politiques qui visent à introduire davantage d'égalité sont mauvaises pour la croissance».

Les conclusions présentées dans Arjona et al. (2001) indiquent que si le coefficient de Gini du revenu marchand passe de 0.42 à 0.43, l'augmentation correspondante des dépenses sociales sera finalement de l'ordre de 2 % du PIB, ce qui va de pair avec de plus faibles niveaux de PIB. Les dépenses de protection sociale, si elles s'accroissent, peuvent se substituer au revenu marchand. Par exemple, si les pensions de régime public sont suffisamment généreuses, les gens ne feront pas l'effort d'accumuler un patrimoine privé pour financer leur retraite (voir l'OCDE, 1998, 2000a). De même, des taux élevés de prestations peuvent entraîner des changements dans les comportements qui se traduiront par une diminution du nombre de personnes au travail.

En fin de compte, il apparaît clairement qu'un accroissement des dépenses de protection sociale réduit la production, même si l'effet n'est pas très marqué. Et aucun fait ne permet d'affirmer que le niveau des inégalités de revenu a une incidence dans un sens ou dans l'autre sur le PIB.

38 Cette variable permet de rendre compte de l'accroissement induit de la fiscalité et des transferts de la part des revenus allant à la moitié inférieur de l'échelle des revenus marchands.

CONCLUSION

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En somme, il ressort que les résultats présentés à la première section ne sont guère validés par les études empiriques disponibles, donc il faudrait les comprendre théoriquement. Il existe un divorce entre les enseignements de la théorie économique et la réalité des comportements économiques qu'elle est censée décrire. Ainsi, Atkinson (1997), constate que « le cadre et la base de la théorie n'incorporent aucune des nécessités pour lesquelles la protection sociale existe (et que) la raison d'être des systèmes de protection sociale est totalement absente du modèle théorique »39. Quant à Barr (2001), il avance une défense et justifications des systèmes de protection sociale sur la base des critères économiques standards.40 Par ailleurs la littérature empirique présente des résultats controversés et on peut constater que la protection sociale influe indirectement la croissance, elle agit soit sur la fiscalité ou les inégalités de revenus qui à leur tour ont des incidences sur la croissance. Toutefois ces résultats ne peuvent être calqués dans tous les pays du monde, car les pays présentent des politiques de croissance et de protection sociale différente, une étude empirique dans un pays en développement comme le Cameroun s'avère donc nécessaire.

39 Atkinson (1997) «The Economic Effets of the Welfare: complete debate». In European Economy. (reports and Studies), n°4, pp. 45-60.

40 Barr (2001) «The welfare state as Piggy Bank: Information, Risk, Uncertainty and the Role of State», Oxford University press.

Chapitre 4

VALIDATION EMPIRIQUE DES EFFETS DE LA PROTECTION SOCIALE SUR LA CROISSANCE AU CAMEROUN

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INTRODUCTION

Après une décennie de récession marquée par une baisse annuelle moyenne du PIB de -4,5%, l'économie camerounaise a repris le chemin de l'expansion en 1994/1995 avec un taux de croissance du PIB de +3,1%, qui se situe en 2002 autour de 4,4%41. Les reformes institutionnelles, notamment la privatisation, auraient fortement contribué à cette croissance. Toutefois, cette croissance reste faible. La mise en place des politiques économiques et sociales efficaces au Cameroun s'avère donc cruciale afin de bouter la croissance et de réduire la pauvreté. C'est ce qui place les stratégies de protection sociale au coeur de ces politiques publiques. Ainsi, quelle peut être l'incidence dépenses publiques de protection sociale sur la croissance de l'économie camerounaise ? C'est à cette question que ce chapitre tentera d'apporter les éléments de réponse. La première section sera consacrée à l'étude de la démarche qui sera suivie pour tester la deuxième hypothèse, et la seconde section fera l'objet de l'estimation du modèle de croissance.

I : METHODOLOGIE

Les dépenses de sécurité sociale sont accusées d'être un frein à la croissance économique. Afin de mieux cerner les effets des dépenses de protection sociale sur la croissance, on analysera premièrement, l'évolution de ces dépenses et le PIB réel (I-1), et deuxièmement, le modèle de croissance et ses spécifications (I-2).

I-1 : Evolution des dépenses de sécurité sociale et le PIB réel

Ici on présentera d'une part une analyse empirique de la croissance économique au Cameroun (I- 1-1) et d'autre part, l'évolution des dépenses totales de sécurité sociale et le PIB réel (I-1-2).

41 Données issues de l'Annuaire Statistique du Cameroun 2004, Décembre 2004.

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I-1-1 : Analyse empirique de la croissance économique au Cameroun

La configuration de l'économie semble exercer une influence sur le processus de croissance qui est à l'oeuvre sur la période post-indépendance. En effet, entre 1960 et 2000, le PIB par tête du Cameroun évolue au taux annuel moyen de 1,1%. Kobou (2002) analyse empiriquement les sources de la croissance au Cameroun et trouve que cette dernière est d'une part, extensive et d'autre part, peu alimentée par les fondamentaux de l'économie.

A : Une croissance essentiellement extensive et peu alimentée par les fondamentaux de l'économie

La technique de la comptabilité nationale permet de montrer que la croissance au Cameroun est essentiellement extensive, en ce sens qu'elle a été fondamentalement tirée par des facteurs. En effet, pour un taux de croissance annuel moyen de 1,1% du PIB par tête sur la période 1960-2000, le capital par tête enregistre un taux de croissance annuel moyen de 1,6% alors que ce taux est de 0,3% pour le capital humain. Il en résulte que la productivité globale des facteurs enregistre un taux de croissance annuel moyen négatif sur la même période, ce taux est de -0,91%. Ce qui laisse donc suggérer qu'il n'y a pas eu d'amélioration de l'efficience des facteurs de production utilisés pendant cette période.

Ces taux traduisent une évolution globale des différentes variables, et masquent de ce fait les contrastes qui sont perceptibles sur quelques sous périodes. La première phase qui débute de la décennie 60 jusqu'en 1984/1985 peut être subdivisée en deux sous périodes : une première comprise entre 1965/1970 jusqu'en 1978/1979 où le taux de croissance du PIB a évolué de façon exponentielle (environ 15% en moyenne par an en termes nominaux) et une deuxième sous période qui part de 1980/1981 à 1984/1985 au cours de laquelle la croissance annuelle du PIB a été de 16% en moyenne en termes nominaux.

L'évolution à partir de l'exercice 1985/1986 est marquée par la rupture de ce mouvement ascendant de l'économie camerounaise. En effet, dès 1986/1987, le taux de croissance du PIB aux prix constants du marché est de -4,1%. Cette décroissance se poursuit en s'aggravant en dépit de la mise en oeuvre des mesures de stabilisation et d'ajustement macroéconomiques.

L'économie camerounaise renoue avec la croissance au cours de l'exercice 1994/1995 soit plus de 3,2%. L'évolution du PIBR au Cameroun peut être appréhendée graphiquement comme suit.

B : Représentation graphique de l'évolution du PIBR de 1975 à 2006

Cette représentation sera faite en trois phases pour bien apercevoir cette évolution du P113 réel.

Graphique4.1 :

2500000

2000000

1500000

1000000

500000

0

PHASE 1: DE 1975 à 1985

ANNEES

PIBR

Source : Construction de l'auteur

Graphique 4.2 : Graphique4.3 :

PHASE 2: DE 1986 à 1995

2500000 2000000 1500000 1000000 500000

0

 

PIBR

 
 
 

ANNEES

10000000

4000000

2000000

8000000

6000000

0

PHASE 3: DE 1996 à 2006

ANNEES

PIBR

70

Source : construction de l'auteur source : Construction de l'auteur

La première phase (1975-1985) est caractérisée par une forte croissance du P113 réel cela peut s'expliquer par le boom des matières premières et la découverte des gisements pétroliers qui ont eu des effets positifs considérables sur la croissance. Tandis que la deuxième phase (1986-1994) est caractérisée par la chute du P113 réel à cause de la crise économique qui a ébranlée toutes les activités économiques et a entraîné une baisse considérable des indicateurs macroéconomiques. La troisième phase (1995-2006) est celle de la reprise de la croissance économique, elle a été caractérisée par le processus d'assainissement des finances publiques avec les programmes d'ajustements structurels et de

71

l'adoption des stratégies de croissance et de réduction de la pauvreté par les décisionnaires au Cameroun.

I-1-2 : Dépenses de sécurité sociale

Au Cameroun, les dépenses sociales de l'État englobent une gamme étendue d'activités du secteur public. Voici une classification représentative de ces activités, fondée sur la théorie des finances publiques :

Les biens et services publics -- Les biens publics purs, par exemple la défense nationale et les services publics généraux tels que l'administration, les lois et la réglementation.

Les biens et services tutélaires -- Il s'agit de biens quasi-publics fournis par l'État en raison d'une déficience du marché ou d'externalités ou en vertu des principes de justice économique. À titre d'exemple, le gouvernement intervient souvent pour offrir des services d'éducation parce que les citoyens peuvent ignorer le rendement social de l'investissement en capital humain ou n'avoir qu'un accès limité au marché des capitaux. Les soins de santé constituent un autre exemple de ces services.

Les services économiques -- Les biens et services privés qui sont sujet à un monopole naturel ou qui engendrent de fortes externalités. Entre autres exemples, il y a les services publics et le soutien financier à certaines activités particulières comme la recherche-développement.

Les transferts sociaux -- Les transferts qui visent à soutenir le revenu et le niveau de vie lorsqu'ils chutent brusquement ou à accorder une aide financière aux personnes qui doivent faire face à des dépenses exceptionnelles en raison de la vieillesse, d'une invalidité, de la maladie, du chômage (licenciements), de circonstances familiales, etc.

Les recettes et les dépenses de sécurité sociale ont continué à se consolider entre 1999/2000 et 20001/2002. Les produits techniques ont progressé, la plus forte hausse est à l'actif de l'action sanitaire et sociale qui enregistre une augmentation de 47%. Au niveau des dépenses, seule la branche des prestations familiales enregistre une augmentation. L'effectif des bénéficiaires des prestations familiales a baissé de 1998/1999 à 2000/2001, passant de 937729 à 705731 bénéficiaires (cf. tableau4.1).

Les prestations sont reparties en trois risques :

-les prestations familiales : compensent une partie des charges liées à la naissance et à l'éducation des enfants ;

-les risques professionnels : recouvrent la maladie, l'invalidité, accidents de travail ; -les risques vieillesses, décès etc.

72

Tableau4.1 : Evolution de l'effectif des bénéficiaires de prestations familiales au Cameroun

Rubriques

1995/1996

1996/1997

1997/1998

1998/1999

1999/2000

2000/2001

Pensionnés

49967

59912

67388

75440

59270

56675

Crédits rentiers

6697

6991

7190

7289

6158

4513

Allocataires

121503

186000

144263

19000

145262

146983

Enfants allocataires

5000579

651000

557742

665000

498483

497560

Total

678746

903903

776583

937729

709173

705731

 

Source : CNPS

Après avoir analysé la croissance et les dépenses de protection sociale au Cameroun, il reste question dans la suite de faire une étude économétrique de l'impact de ces dépenses sur la croissance. Ainsi, la présentation de la méthode empirique s'avère nécessaire.

I-2 : Méthode empirique

On procédera à une présentation du modèle de croissance qui sera utilisé dans cette étude (I-2-1) d'une part, et la présentation des variables et les sources de données (I-2-2) d'autre part.

I-2-1 : Modèle de croissance et ses spécifications

L'étude empirique de l'incidence de la protection sociale conduit à l'utilisation d'un modèle de croissance.

A : Modèle de croissance de Solow augmenté

Bien que les théories qui sous-tendent les tentatives visant à tester empiriquement les liens entre la protection sociale et la croissance soient parfois complexes, dans la pratique, pour effectuer une estimation il s'agit presque toujours de prendre un modèle des causes de la croissance et d'y ajouter des mesures de protection sociale.

La démarche empirique suivie pour tester la deuxième hypothèse s'inscrit dans la droite ligne de cette tradition : elle prend un modèle de croissance et s'efforce de déterminer si l'évolution

des dépenses publiques de protection sociale pourrait expliquer certains points qui ne trouvent pas de réponses dans le modèle de base.

La plupart des analyses des causes de la croissance s'appuyaient autrefois sur le modèle empirique proposé par Solow (1956) et Swan (1956) qui reposait sur une fonction de production de rendements d'échelle constants avec deux intrants : la travail et le capital. Plus récemment, Mankiw, Romer et Weil (1992) ont ajouté à ce modèle le capital humain comme troisième facteur de production. Leur modèle (MRW) sert désormais de référence dans la majorité des études empiriques des déterminants de la croissance ( Bassanini et Scarpetta (2002) ; Arjona et al. (2002) ; Kobou (2002)), la croissance du PIB rapporté à la population d'âge actif étant modélisée en fonction de ce qui suit :

· L'investissement dans le capital physique ;

· Le taux de croissance de la population d'âge actif ;

· Le stock de capital humain ;

· Le revenu en début de période (plus un pays est pauvre plus il est probable que sa croissance sera rapide, puisque les pays pauvres peuvent copier les technologies des pays plus riches sans avoir à mettre au point eux-mêmes de nouvelles techniques. Cette variable s'appelle « effet de rattrapage »).

La spécification du modèle de MRW donne la forme suivante :

lny(t) - lny(0)

- ø t ) ln (0) (1 ) ln (0) (1

ø t

+ - e -

e y A + ã t + - e

- ø t )

1 -á-â

-(1 -

á

)

ln(

sk

+

(1

)

ä

n

ln(

+ ã +

73

â á + â

t

e ln( ) (1 )

- ø ø t

- ) s - - e -

-á-â

h

1 - á - â 1

sk et sh représentent respectivement la proportion du produit dans le capital physique et le

capital humain ;

ø représente le taux de convergence.

Ce modèle ressemble à celui de Solow car il postule que les rendements d'échelle sont constants. Il est toutefois différent du modèle de Solow, car il implique que des changements modérés dans la quantité des ressources consacrées à l'accumulation du capital physique et du capital humain entraînent de fortes variations dans la production par tête.

Appliqué aux données en coupe transversales, ce modèle permet de saisir les différences de croissance entre pays (Barro (1991) ; Sala-I-Martin (1997)). Cependant, il résulte une perte d'information ; tout au moins par rapport à la dimension temporelle des données, puisque les valeurs utilisées sont obtenues à partir des moyennes des indicateurs sur

74

une période étudiée. Ce qui signifie concrètement qu'il y a omission des variables du modèle qui dés lors, souffre d'un biais d'omission des variables et, dans certains cas, d'un biais d'endogénéité : certaines variables explicatives prises en compte peuvent être également des variables endogènes.

B : Equation à estimer

Dans la mesure où le modèle de croissance MRW est le modèle le plus communément employé dans les études empiriques sur la croissance, c'est également celui qui a été retenu dans cette étude afin que les éventuelles différences entre les résultats présentés au chapitre précédent et ceux qui se dégagent de la majorité d'autres études ne puissent être imputées à la spécification du modèle utilisé. Toutefois, la présente étude emploie des séries chronologiques, à la différence de bon nombre d'autres études sur les liens entre protection sociale et croissance. Cela permet une meilleure précision des estimations.

Sous sa forme générale, l'équation à estimer s'écrit :

PIBR =f(C,P) (1)

Avec : PIBR = croissance du PIB réel

C = un panier de variables dites conventionnelles (le capital physique, le travail

et le capital humain).

P = un panier des variables liées à la politique économique et sociale (les

dépenses de protection sociale).

L'équation (1) peut se réécrire sous la forme (2) :

PIBR = f(HUM,PAC,DEPS,IVPR) , avec les signes suivants attendus :

(+) (+) ( ?) (+)

I-2-2 : Présentation des variables à estimer et sources de données

Une analyse économique des variables permet de comprendre l'effet de chacune d'elle sur la croissance.

A : Les variables

HUM le capital humain (cette variable est captée par le taux brut de scolarisation du primaire et du secondaire) : l'augmentation de la part de la population active ayant au moins un niveau de scolarisation secondaire est supposer influer positivement sur la croissance économique, conformément aux résultats obtenus par les principaux théoriciens de la

75

croissance endogène (Lucas, 1988 ; Romer, 1990). En effet, une augmentation de la part scolarisée de la population active, participe au renforcement du capital humain, défini comme l'ensemble des facteurs incorporés à l'homme et qui permet d'accroître sa productivité (Logossah, 1994). A contrario, une augmentation de la part non scolarisée de la population active devrait influer négativement sur la croissance.

PAC (Population Active) mesurant la main d'oeuvre : la quantité de travail fournie dans une économie est proportionnelle à la population active. Cette dernière est supposée influer positivement sur la production, avec un effet de seuil, du fait des rendements marginaux décroissants.

DEPS (Dépenses publiques de Sécurité Sociale) mesurant l'effet de la protection sociale : du fait de la richesse et de la diversité des résultats empiriques relatifs à l'impact de la protection sociale sur la croissance, il parait difficile de se prononcer sur le signe attendu d'une telle relation dans le cas du Cameroun.

IVPR (Investissement Privé réel) représentant le capital physique : l'investissement privé est un facteur de croissance, tant pour l'école néoclassique que pour la théorie keynésienne. De plus, il est susceptible d'engendrer, conformément aux résultats récents des modèles de croissance endogène (Guellec et Ralle, 1997) des effets d'externalités. En effet, un investissement d'une entreprise permet à cette dernière d'accroître non seulement sa propre production, mais aussi celles des autres entreprises, du fait des externalités technologiques qu'il engendre. Des études empiriques relatives aux économies africaines (Ojo et Oshikoya (1995) ; Ghura et Hadjimichael (1996)), ont ainsi mis en évidence l'existence d'une relation positive entre l'investissement et la croissance du PIB par tête.

Il est difficile de spécifier la liste appropriée des régresseurs à inclure dans le modèle. D'un point de vue théorique, il est plausible d'affirmer que pratiquement toute variable qui a une incidence sur un aspect quelconque de l'activité économique a une incidence sur la croissance. Dans la pratique, il est nécessaire de sélectionner un nombre limité de régresseurs qui semble être les plus importants. Malheureusement, il n'est pas simple de déterminer quelles sont les variables les plus importantes puisqu'il est possible d'établir des corrélations entre la croissance et à peu prés n'importe quoi (voir Sala-i-Martin, 1997a et 1997b). En conséquence, il est difficile de justifier qu'il est préférable d'utiliser une spécification qui privilégie une série de problème de sous-détermination du modèle.

76

B : Source de données

L'équation de la croissance est estimée sur la base de données annuelles couvrant la période 1975 à 2006. Le choix de cette période est le résultat d'un compromis entre les diverses phases de croissance de l'économie camerounaise et des séries chronologiques disponibles.

Les dépenses de sécurité sociale sont tirées de la base de données sur l'organisation financière de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Cameroun et confirmée par l'annuaire statistique de l'économie camerounaise de l'Institut National de la Statistique. Et celles relatives au taux brut de scolarisation du primaire et du secondaire sont issues de la base des données du Ministère de l'Eduction nationale (MINEDUC). Par ailleurs, les données relatives aux autres variables ont été fournies par les tables statistiques de la Banque mondiale (World Tables).

On peut donc avoir une certaine fiabilité à ces données, même s'il faut rappeler que la collecte des dépenses de sécurité sociale à la CNPS n'a pas été facile, à cause de la prudence et de la peur manifestée par la direction comptable de cette administration.

SECTION II : ESTIMATIONS EMPIRIQUES

Les estimations des séries temporelles sont exposées à de nombreux problèmes économétriques donc les tests de spécification (II-1) préalables sont recommandés. Ils permettent le choix de la méthode appropriée d'estimation (II-2).

II-1 : Tests de spécification du modèle

Il est important ici de discuter des fondements et de la nécessité d'une démarche spécifique à l'analyse des séries temporelles (II-1-1) et de faire les tests standards de l'ordre d'intégration et de cointégration afférents (II-1-2).

II-1-1 : Fondements et nécessité d'une méthodologie spécifique à l'analyse des séries chronologiques

On présente dans la suite les problèmes liés à la spécification du modèle (A) et la nécessité d'une démarche spécifique (B)

77

A : Problèmes

Comme souligné par Caselli et al. (1996), la plupart des études empiriques souffrent d'au moins un des problèmes d'estimation suivant :

· Le problème de la sous-détermination du modèle peut être exacerbé du fait que le modèle de croissance comprend une valeur retardée de la variable dépendante (effet de rattrapage). Avec une spécification dynamique, telle que celle-ci, une corrélation sérielle des erreurs - qui peut résulter de l'omission d'un regrésseur pertinent - peut se traduire par un manque de fiabilité des coefficients estimés.

· L'endogénéité constitue un problème général dans l'analyse de la croissance puisqu'il est permis de penser qu'un grand nombre des déterminants de la croissance sont, eux-mêmes, affectés par le taux de croissance (par exemple, on considère souvent que l'investissement est lié à la croissance escomptée). L'endogénéité peut se révéler plus préoccupantes lorsqu'on examine les effets des dépenses de protection sociale, dans la mesure où la demande de protection sociale semble être fortement liée au niveau moyen de revenu de la population (Arjona et al., 2002).

Souvent on est obligé de rechercher un compromis pour pouvoir minimiser ces sources potentielles de biais dans les estimations. Par exemple, la plupart des études qui cherchent à trouver une solution aux problèmes liés aux variables omises ignorent purement et simplement le risque d'endogénéité ou inversement.

B : La nécessité d'une méthodologie spécifique

Les études visant à déterminer les effets de certaines variables sur la croissance économique procèdent souvent à l'estimation d'une fonction de production log-linéarisée. Comme le souligne Keho Yaya (2004), cette approche économétrique est particulièrement fragile pour les raisons suivantes :

1°) Elle suppose l'exogénéité des variables figurant au membre de droite de la fonction de production. Le rejet de cette hypothèse d'exogénéité illégitime les estimations et nécessite l'estimation par la méthode des variables instrumentales afin de corriger les biais d'endogénéité ;

2°) Il y a un risque de régression fallacieuse lié à des tendances communes que fait peser la non stationnarité des séries. Si les séries ne sont ni stationnaires, ni cointégrées, l'estimation de la fonction de production n'a pas de sens économique en ce sens qu'elle ne reproduit pas la dynamique de long terme qui lie réellement les séries. Si en revanche, les

78

séries ne sont pas stationnaires mais sont cointégrées, la régression correspondrait à une équation de long terme, mais ne rendrait pas compte des ajustements de court terme.

Les effets des dépenses de protection sociale qu'on cherche à déterminer nécessitent donc la mise en oeuvre des techniques économétriques plus rigoureuses pour éviter des cas de régression fallacieuse. Ainsi, dans une première étape on testera la stationnarité des séries en vue de déterminer leur ordre d'intégration. Et dans une seconde étape, on testera l'existence d'une relation de cointégration entre les variables. Ces deux premières étapes permettront de choisir la méthode d'estimation appropriée.

II-1-2 : Tests de stationnarité et de cointégration

La modélisation consiste à déterminer d'abord l'ordre d'intégration des variables car si l'on est sûr que les séries sont stationnaires, on est certain que le modèle à estimer n'est pas un modèle de cointégration. Par contre, si les séries sont intégrées, le modèle le plus approprié pour caractériser les relations entre les variables est un modèle de cointégration.

A: Tests standards de l'ordre d'intégration : la notion de racine unitaire

La stationnarité renvoie au caractère infiniment persistant du comportement d'une série suite à la survenance d'un aléa. Cette propriété est souhaitée dans le cadre des estimations sur données temporelles car elle permet d'éviter les cas des régressions fallacieuses. Il existe une grande variété des tests de stationnarité. Ces tests comportent tous des biais ce qui conduit à croire que la détermination de l'ordre d'intégration d'une série ne saurait être probante à partir d'un seul test de racine unitaire. Compte tenu de l'importance pour la régression du caractère stationnaire des séries, on utilise ici deux tests de stationnarité : le test usuel de racine unitaire de Dickey-Fuller (ADF) et le test de Phillips-Perron (PP).

Contrairement au test de Dickey-Fuller qui prend en compte uniquement la présence d'autocorrélation dans les séries, le test de Pillips-Perron considère en plus l'hypothèse de présence d'une dimension hétéroscédastique.

L'analyse graphique des séries fait ressortir qu'elles ne sont pas stationnaires. Les tests de stationnarité (ADF et PP) effectués sur les différentes variables, sont résumés en annexe1.4. Ils montrent que toutes les variables sont stationnaires en différence première. Le degré de significativité est de 1% et 5%.

79

B : La cointégration

La théorie de la cointégration a des propriétés statistiques et économiques très intéressantes qui font que malgré sa simplicité, le principe de la cointégration a des implications très importantes. Premièrement, la cointégration permet de discriminer entre relations économiques utiles et fallacieuses. Elle est une caractérisation statistique des relations d'équilibre. Deuxièment, même si on n'atteint jamais l'équilibre, la théorie de la cointégration permet de le caractériser. Et troisièmement, elle permet une description du comportement d'un système en dehors de sa configuration d'équilibre. En somme, la cointégration permet donc de combiner, dans un même modèle, les informations se rapportant au long terme et celles ayant trait au court terme.

Les séries sont intégrées d'ordre un. On peut envisager l'étude de la cointégration. Les séries ont le même ordre d'intégration, la procédure relative à la méthode en deux étapes de Engle et Granger (1987) s'avère donc approprié pour la détermination de la cointégration.

Première étape : Estimation par les MCO de la relation de long terme

Tableau4.2 : Résultats de l'estimation de l'équation de long terme

Dependent Variable: LNPIBR(-1)

Method: Least Squares

Date: 04/04/08 Time: 12:01

Sample(adjusted): 1976 2006

Included observations: 31 after adjusting endpoints

White Heteroskedasticity-Consistent Standard Errors & Covariance

Variable

Coefficient

Std. Error t-Statistic

Prob.

C

29.64834

10.77043 2.752753

0.0106

LNIVPR(-1)

0.912108*

0.114087 7.994870

0.0000

LNPAC(-1)

-6.924267**

3.000717 -2.307537

0.0292

LNDEPS(-1)

-4.014795*

1.882008 -2.133250

0.0000

HUM(-1)

0.001960

0.002177 0.900481

0.3761

R-squared

0.853647

Mean dependent var

14.51412

Adjusted R-squared

0.831131

S.D. dependent var

0.451019

S.E. of regression

0.185340

Akaike info criterion

-0.386560

Sum squared resid

0.893123

Schwarz criterion

-0.155272

Log likelihood

10.99168

F-statistic

37.91321

Durbin-Watson stat

2.227198

Prob(F-statistic)

0.000000

Source : Auteur

(*) Significatif à 1%, (**) significatif à 5% et (***) significatif à 10%.

Deuxième étape : test de ADF sur le résidu On a les résultats suivants :

Tableau4.3 : Test de stationnarité du résidu

Test de ADF

-3,480083

*Valeur critique à 1%

-3,6661

Valeur critique à 5%

-2,9627

Valeur critique à 10%

-2,6200

* rejet de l'hypothèse de racine unitaire Source : Auteur

Le résidu est stationnaire au seuil de 5%. Donc les séries sont cointégrées. Le test de Johansen (1988) montre que les séries sont cointégrées d'ordre deux au seuil de 5% (voir annexe1.3). Donc les variables suivent des évolutions parallèles sur la période 1975 à 2006.

II-2 : Méthode d'estimation, présentation des résultats et interprétations

Les différents tests effectués ci-dessus permettent de choisir la méthode d'estimation appropriée.

II-2-1 : Méthode d'estimation

Pour les estimations, les variables ont été exprimées en logarithme. Dans la mesure où les variables ne sont pas stationnaires et sont intégrées de même ordre, les procédures relatives à la méthode en deux étapes de Engle et Granger, avec ses préalables (détermination du nombre de relations de cointégration) et ses conséquences éventuelles (utilisation d'un modèle vectoriel à correction d'erreur (VEC), en cas d'existence de relation de cointégration est > 1), sont souvent recommandées. Dans le cadre de cette étude, la méthode d'estimation par les MCO en une étape de Hendry, se révèle adaptée, du fait du caractère stationnaire des résidus de l'équation de long terme.

Ecriture de l'équation

L'équation du mécanisme de correction d'erreur s'écrit :

D ( LNPIBR ) = â + â 1 D

0

(LNIVPR ) + â D ( LNPAC ) + â 3 D ( LNDEPS )

2

+ â D ( HUM ) + â 5 LNPIBR (

4

-

1

) + â LNIVPR ( 1

6 -

) + â 7 LNPAC (

-

1

)

+ â LNDEPS ( - 1 ) + â 9 HUM (

8

-

1 )+å t

80

Dans cette expression, les coefficients â1 à â4, caractérisent la dynamique de court terme, tandis que les coefficients â6 à â9 permettent de dériver les comportements

81

d'équilibre de long terme de la croissance du PIB réel. Le coefficient b5 est le coefficient de correction d'erreur et et est le terme d'erreur.

II-2-2 : Présentation des résultats et interprétations

Les estimations ont été effectuées à l'aide du logiciel EVIEWS et on a les résultats suivants :

Tableau4.4 : Résultats de l'estimation du MCE par la méthode des MCO.

Dependent Variable: D(LNPIBR)

Method: Least Squares

Date: 04/04/08 Time: 09:18

Sample(adjusted): 1976 2006

Included observations: 31 after adjusting endpoints

White Heteroskedasticity-Consistent Standard Errors & Covariance

Variable

Coefficient

Std. Error t-Statistic

Prob.

C

-11.38710

8.685493 -1.311048

0.2040

D(LNIVPR)

0.520851*

0.064287 8.102029

0.0000

D(LNPAC)

1.515339

0.975838 1.552859

0.1354

D(LNDEPS)

-5.582109**

2.081861 -2.681307

0.0140

D(HUM)

0.000792

0.001217 0.650319

0.5225

LNPIBR(-1)

-0.225019**

0.112276 -2.004144

0.0464

LNIVPR(-1)

0.219396**

0.075421 2.908969

0.0084

LNPAC(-1)

2.280229

2.066175 1.103599

0.2823

LNDEPS(-1)

-4.712109**

2.160931 -2.180592

0.0407

HUM(-1)

0.002144

0.001693 1.266909

0.2191

R-squared

0.908312

Mean dependent var

0.068688

Adjusted R-squared

0.869017

S.D. dependent var

0.217058

S.E. of regression

0.078556

Akaike info criterion

-1.994301

Sum squared resid

0.129594

Schwarz criterion

-1.531725

Log likelihood

40.91167

F-statistic

23.11530

Durbin-Watson stat

2.190309

Prob(F-statistic)

0.000000

Source : Auteur

(*) Significatif à 1%, (**) significatif à 5% et (***) significatif à 10%.

Interprétations des résultats

Le coefficient b5 (force de rappel vers l'équilibre) dans l'équation d'équilibre de court

terme est le coefficient de correction d'erreur. On constate que le coefficient associé à la force de rappel est négatif (-0,225) et significativement différent de zéro au seuil statistique de 5% (son t de Student est supérieur à 1,96 en valeur absolue). Il existe donc un mécanisme à correction d'erreur : à long terme les déséquilibres entre les séries se compensent de sorte que ces séries ont des évolutions similaires. Le modèle estimé a un bon pouvoir explicatif car la Fisher vaut 23,115 et le coefficient de détermination est égal à 0,9083. Ce qui signifie que

82

90,83% des fluctuations de la croissance sont expliquées par l'investissement privé réel, la population active, le capital humain et les dépenses de sécurité sociale.

Les interprétations seront faites selon une vision de court terme et de long terme.

1) A court terme

D'après les résultats des estimations de l'équation de court terme, il ressort qu'à court terme les dépenses de sécurité sociale ont impact négatif et significatif sur la croissance. Ce qui conduit à dire qu'une augmentation des dépenses de protection sociale entraîne une baisse de la croissance. De plus, l'élasticité de court terme de la demande de protection sociale par rapport au PIB réel est égale à -5,58 ce qui signifie que si les dépenses de protection sociale augmentent de 1% alors le PIB réel sera réduit de 5,58%. Toutefois, la variable qui apparaît avoir l'impact positif le plus significatif sur la croissance est l'investissement privé réel. Car son t-Student est le plus élevé, il vaut 8,102 et l'élasticité de court terme de l'investissement par rapport au PIB réel est de 0,520 donc à court terme, si l'investissement augmente de 10%, alors le PIB réel augmentera de 5,20%. Le capital humain et la population active semblent ne pas avoir un impact significatif sur la croissance, mais les signes sont conformes avec les prédictions théoriques.

Une façon d'interpréter ces résultats consiste à dire que l'effet sur la croissance ne résulte pas de la protection sociale à court terme, mais plutôt des prélèvements opérés pour pouvoir financer les dépenses de protection sociale. Les prélèvements sociaux sont la cause de l'alourdissement de la fiscalité. De plus, la prise en compte des dépenses de retraite, qui correspondent à des prestations versées à la tranche de la population non active rentre dans la catégorie des dépenses improductives de l'Etat. Ces dépenses qui sont élevées dans les budgets de la sécurité sociale, affecteraient donc négativement la croissance à court terme.

2) A long terme

Les estimations de l'équation de long terme présentent des résultats qui sont presque identiques de ceux de la dynamique de court terme. Ici, les dépenses de sécurité sociale ont aussi un impact négatif et significatif sur la croissance car le coefficient de long terme associé à ces dépenses est négatif et significativement différent de zéro au seuil de 5%. Ce qui rejoint les résultats trouvés dans certaines études antérieures sur la relation (Tabellini (2000), Arjona, et al. (2002), par exemple). Toutes les autres variables semblent avoir un effet positif sur la croissance. Mais même à long terme, la population active et le capital humain ont des effets moins significatifs sur la croissance. Ce qui conduit à une certaine prudence dans l'interprétation de ces résultats. Etant donné que d'après les nouvelles théories de la

83

croissance endogène (Guellec et Ralle, 2001), ces deux variables sont pertinentes à l'explication de la croissance et donc devraient être significatives.

En somme, il ressort des estimations effectuées ci-dessus qu'à court terme et long terme les dépenses de protection sociale paraissent exercer des effets négatifs considérables sur la croissance de l'économie camerounaise. Si les résultats peuvent paraître conformes avec ceux de certains auteurs qui ont trouvé une incidence négative (Bassanini et Sarpetta, 2001, Arjona et al., 2001, par exemple), ils contredisent cependant les résultats de Gwartney, Lawson et Holcombe (1998), Cassamatta, Cremer et Pestieau (2000) qui ont trouvé une incidence positive de ces dépenses sur la croissance et surtout d'Arjona, Ladaique et Pearson (2002) qui plaident pour la différenciation à instaurer entre les effets des dépenses sociales actives et les dépenses sociales passives sur la croissance. Puisque selon les auteurs, les dépenses sociales actives auraient un effet positif sur la croissance et ce sont les dépenses passives qui sont néfastes à la croissance.

Par ailleurs, la question relative à la destination effective des dépenses de sécurité sociale engagées par les représentants des pouvoirs publics mérite d'être posée, en liaison avec l'impact négatif à court et à long terme. Ainsi, soit les dépenses de sécurité sociale ont le plus souvent été faites pour payer les retraités qui sont peu productifs en terme de contribution à la croissance économique, au détriment des indemnisations des accidents de travail ou de l'assurance maladie pour les travailleurs. Soit, elles ont été détournées de leur destination initiale, ce qui pose donc dans ce cas la question de la bonne gouvernance économique au Cameroun. En effet, Rajkumar et Swaroop (2002)42 ont montré, à partir d'une comparaison internationale et d'une estimation sur données de panel couvrant la période 1990-1997, que la bonne gouvernance (mesurée par le degré de corruption et la qualité de la bureaucratie) a un impact positif sur l'efficacité des dépenses publiques. Cette efficacité est mesurée par le gain sur la croissance du PIB, de l'augmentation des dépenses publiques de santé.

En outre, autant que le montant des dépenses de protection sociale, le mode de financement de celles-ci joue un rôle crucial dans la détermination de l'impact global de la protection sociale sur la croissance. Le taux de cotisation sociale prélevé par la CNPS doit être celui qui n'alourdit pas le coût du travail pour ne pas contribuer à l'augmentation du taux de chômage, qui a une incidence négative sur la croissance et le bien-être social.

Les résultats trouvés dans cette étude semblent rejeter l'hypothèse H2 selon laquelle

une augmentation des dépenses de protection sociale accélère la croissance. Les coefficients

42 Cités par Nubukpo (2003) dans « Dépenses publiques et croissance des économies de l'UEMOA », CIRAD, Montpellier (France).

84

associés aux dépenses de sécurité sociale étant négatifs à court et à long terme cela traduit une diminution de la croissance consécutive à une augmentation des dépenses de protection sociale.

CONCLUSION

Au terme de cette évaluation empirique des effets de la protection sociale sur la croissance, l'utilisation de dépenses de sécurité sociale comme proxies de la protection sociale a permis de relever un impact négatif et significatif des dépenses de sécurité sociale sur la croissance. Mais le caractère atypique des économies de l'Afrique subsaharienne a conduit à une certaine prudence dans l'interprétation de ces résultats car l'économie informelle y occupe une place primordiale. Cette incidence négative semblerait s'expliquer par les effets de la fiscalité et de la corruption qui sont néfastes à la croissance. Car les prélèvements sociaux sont la cause de l'alourdissement de la fiscalité.

85

CONCLUSION DEUXIEME PARTIE

En fin de compte, d'après la littérature théorique et empirique, lorsqu'il s'agit du lien entre protection sociale et croissance les économistes sont partagés sur la question de savoir si la protection sociale constitue une entrave ou si elle contribue à la croissance. Ainsi, selon certains, elle découragerait l'épargne et l'investissement, serait néfaste à l'emploi et son financement grèverait la compétitivité du territoire. Pourtant, d'autres réfutent ces arguments et insistent sur l'apport de la protection sociale à la croissance par, entre autres, le soutien à la demande, l'enrichissement du capital humain et l'incitation à la prise de risque. En outre, on constate que les pays, qui ont aujourd'hui un niveau de protection sociale élevé, bénéficient également de manière globale une croissance économique supérieure à la moyenne mondiale (Enjoras, 1999).

Une évaluation des effets de la protection sociale sur la croissance à l'aide des données de l'économie camerounaise a permis de constater que les dépenses de protection sociale sembleraient exercer une incidence négative et significative sur la croissance au Cameroun. Les estimations des séries chronologiques ont été effectuées sur la période 1975 à 2006 à l'aide du logiciel EVIEWS. Toutefois, il ressort de ces résultats que le caractère atypique de l'économie camerounaise et surtout les effets des détournements des derniers publics peuvent justifier cette incidence négative des dépenses de sécurité sociale sur la croissance.

CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE ECONOMIQUE

86

Au terme de cette étude, il ressort que la protection sociale influe sur la croissance via la productivité du travail dans un plan microéconomique. Ainsi, la protection sociale a une incidence positive sur la productivité des travailleurs. Ceci a été prouvé théoriquement à travers une mise en exergue d'une part, de la théorie du salaire d'efficience car, la théorie du salaire d'efficience est sans doute aujourd'hui parmi les théories sur lesquelles les économistes du travail se penchent le plus. Cette théorie a permis d'établir une relation croissante entre le salaire d'un individu et sa productivité, et partant le niveau de couverture sociale que bénéficie un travailleur dans la firme et l'intensité du travail qu'il peut fournir. Les auteurs comme Leibenstein (1974), Mirless (1975) et Stiglitz (1976) ont mis l'accent sur le fait que, dans les pays peu développés où la malnutrition domine, les performances des individus dépendent directement de leur salaire exprimé en biens de consommation. D'autre part, la théorie du capital humain selon laquelle, la protection sociale améliore l'état de santé des individus et de surcroît leur productivité. Car la santé a été présentée comme un élément du capital humain au même titre que l'éducation. Les auteurs tels que Grossman(1972, 1998 ), Piateki et Ulmann (1996), Ulmann (1999) et Majnoni d'Intignano et Ulmann (2001) ont démontré que la santé avait un effet positif sur la productivité du travail car elle permettait de réduire le manque à gagner dû à l'absence au travail pour cause de la maladie.

Le régime camerounais de protection sociale mis en place en 1956, actuellement géré par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, qui s'adresse aux seuls travailleurs salariés relevant du code du travail et aux membres de leurs familles. Il comporte trois branches qui servent des prestations diverses aux demandeurs qui remplissent les conditions pour en bénéficier : la branche des prestations familiales, la branche des pensions et la branche des risques professionnels. Les prestations de ces branches sont complétées par celle de l'action sanitaire et sociale. S'agissant du financement de ces branches, il est assuré par : les cotisations des employeurs pour les branches de prestations familiales et des risques professionnels, les cotisations des employeurs et des travailleurs pour la branche des pensions ; un prélèvement sur les cotisations des trois branches et les participations des usagers pour l'action sanitaire et sociale.

S'agissant de la prise en charge des malades, on peut estimer que 4 à 5% seulement de la population camerounaise dispose, actuellement, d'une forme de protection contre le risque

87

maladie. Il faut y ajouter un pourcentage difficile à chiffrer, mais de l'ordre de 15%, qui dispose d'une couverture très partielle du risque grâce aux caisses de secours mises en place dans le cadre des associations ou tontines traditionnelles (Eppée Kotto, 2004). Les assurances privées ont connu beaucoup d'échecs et présentent une rentabilité limitée.

Toutefois il faut noter que le système camerounais de protection sociale est basée sur la solidarité et présente des signes d'inadaptation car la limitation de la couverture de sécurité sociale aux travailleurs salariés qui représentent à peine 10% de la population, les populations exerçant dans le secteur informel, le secteur rural vivant encore dans l'exclusion. De plus, la stagnation du niveau des prestations servies qui n'ont pas été revalorisées pour tenir compte de la hausse du coût de la vie.

L'évolution de la protection sociale et de la productivité du travail au Cameroun a permis de constater que la productivité du travail est élevée dans le secteur formel et faible dans le secteur informel qui pourtant regorge une plus grande partie des emplois. Ainsi la productivité dans l'ensemble s'est avérée faible. Ceci est dû au fait que les travailleurs du secteur formel, peu nombreux jouissent d'une bonne couverture sociale tandis que ceux du secteur informel, majoritaire n'en bénéficient presque pas. De même, une étude statistique de la corrélation entre les prestations sociales reçues et la productivité de la main d'oeuvre a permis de montrer qu'il existe une forte liaison entre la productivité d'un individu et son niveau de couverture sociale car le calcul du coefficient de corrélation et de la covariance entre les deux variables a donné des résultats satisfaisants. Avec un coefficient de corrélation proche de l'unité et une variance élevée et positive. Ainsi l'hypothèse H1 selon laquelle une

hausse de la couverture sociale entraîne une augmentation de la productivité du travail été testée.

Les diagnostics macroéconomiques des effets de la protection sociale sur la croissance ont permis de montrer que d'une part, la protection sociale pourrait avoir une incidence négative sur la croissance. Car le financement des systèmes de protection sociale entraîne un alourdissement de la fiscalité qui a des effets sur l'attractivité des investissements et la compétitivité d'une économie, puis la hausse des salaires des travailleurs peu qualifiés induite par la générosité des systèmes de protection sociale entraîne une hausse du chômage de cette catégorie de travailleurs. De plus, si les régimes de prestations sociales découragent les individus de travailler, l'offre de travail dans l'économie diminue, ce qui réduit le niveau de la production et dans certains cas, de l'investissement et, de ce fait, de la croissance.

La protection sociale n'est pas sans effets sur la croissance économique (Ahmad, Dreze et Sen, 1991) : elle peut la favoriser en encourageant la prise de risques, en permettant

88

d'adopter des technologies plus productives et en prenant en compte la problématique hommes-femmes, mais elle peut aussi la freiner en éliminant le risque et en incitant les individus à modifier leur comportement. La fourniture par l'Etat d'un soutien aux systèmes de protection sociale est donc un instrument important du développement économique, qui force parfois à choisir entre l'efficacité à court terme et l'efficience à long terme. L'absence d'instruments appropriés de protection sociale expose encore plus les pays à des chocs externes qui peuvent interrompre leur croissance. Comme on a récemment pu le constater, c'est peut-être à cause des conflits sociaux latents et des carences des institutions ayant pour mission de gérer les conflits (y compris l'insuffisance des filets de sécurité sociale) que tant de pays voient leur économie s'effondrer depuis le milieu des années 70 (Rodrik, 1999). Par ailleurs, la protection sociale peut être considérée comme un soutien à la demande, un enrichissement du capital humain, une réponse au « dilemme des générations » et un facilitateur des ajustements structurels.

Il ressort de la présente étude qu'un accroissement des dépenses de protection sociale diminue la croissance. Ces résultats ont été obtenus en appliquant les méthodes statistiques et économétriques issues des études précédentes à des données qui pourraient être considérées comme de bonne qualité, notamment les données les plus fiables qui soient disponibles sur le Cameroun au sujet non seulement de la sécurité sociale, mais également de l'investissement privé, du PIB réel, du taux brut de scolarisation du primaire et du secondaire. Les estimations indiquent une incidence négative des dépenses de sécurité sociale sur la croissance. Ce qui est contraire avec les résultats microéconomiques trouvés à la première patrie de cette étude qui montraient un effet positif des prestations sociales sur la productivité du travail. Pourtant d'après les études effectuées sur le lien productivité-croissance (Artus et Cette, 2004 ; Nayman et al, 2004 ; Belorgey et al, 2005) la productivité du travail est une variable pertinente et positive de la croissance. Donc un accroissement de la productivité de travail entraîne une augmentation de la croissance. Ainsi, la protection sociale qui a une incidence positive sur la productivité du travail devrait avoir une incidence positive sur la croissance. Cependant, les résultats trouvés dans la deuxième partie de cette étude conduisent à penser à une certaine différenciation des dépenses de sécurité sociale et privilégier celles qui soutiennent l'emploi dont une augmentation aura tendance à accroire la croissance, telle que le recommandent Arjona et al. (2002).

Les débats quant aux effets de la protection sociale sur la croissance doivent certes être pris en compte, mais il n'est pas question de contester la légitimité de l'existence de la protection sociale au Cameroun. Cette dernière relève d'un choix, celui opéré par l'Etat de

89

viser le bien-être des citoyens. Pour l'essentiel, il s'agit aujourd'hui de porter le débat sur les modalités de sa mise en oeuvre, et de s'interroger sur la manière de faire évoluer les systèmes de protection sociale pour les adapter au nouveau modèle de développement socio-économique en vigueur, tout en continuant de viser l'amélioration du bien-être des citoyens camerounais.

En somme de toutes ces conclusions, quelques modestes recommandations de politique économique s'avèrent nécessaires :

1) Il est important d'étendre la protection sociale à tous les travailleurs ceci permettra non seulement aux travailleurs d'être en bonne santé, mais également d'être plus productifs.

2) Une reforme en profondeur du système actuel de sécurité sociale est donc appropriée c'est-à-dire une extension effective de la sécurité sociale au secteur informel qui regorge un grand nombre d'emplois et aux agriculteurs du monde rural. Dans le but d'accroire les capacités productives dans cette partie de l'économie d'une part, et soutenir en retour la croissance d'autre part.

90

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ANNEXES

Annexes 1.1 : résumé des dépenses de santé, les indicateurs principaux (en 2003) et les ressources humaines de santé (en 2004) au Cameroun.

Dépenses de santé et indicateurs principaux Les ressources humaines de santé

Indicateur

Année

2004

 
 

Médecins (nombre)

3,124

Médecins (densité pour

1000 habs)

0.19

Infirmière (nombre)

26,042

Infirmières (densité pour 1000 habs)

1.6

Dentistes (nombre)

147

Dentistes (densité pour

1000 habs)

0.01

Source : Base de données pays OMS (WHOSIS)

Récapitulatif

Part

%

dépenses de santé

% PIB

Public

28,9

1,2

Privée

71,1

3,0

Total

100,0

4,2

Source : Base de données pays OMS (WHOSIS) Rapport sur le développement humain 2006, PNUD

viii

Indicateur Valeur

 

Valeur

Total des dépenses de santé en % du PIB

4,2

Dépenses publiques en % du total des dépenses de santé

28,9

Dépenses privées* en % du total des dépenses de santé

71,1

Dépenses publiques de santé en % du total des dépenses publiques

8,0

Ressources extérieures pour la santé en % du total des dépenses de santé

3,2

Dépenses de sécurité sociale en % des dépenses publiques de santé

0,1

Paiements directs en % des dépenses privées de santé 98.3

98,3

Financement des assurances privées en % des dépenses privées de santé n/a

n/a

Total des dépenses de santé par habitant (en dollars internationaux

64

Dépenses publiques de santé par habitant (en dollars internationaux)

19

* Les dépenses privées sont constituées des assurances privées ainsi que de la

participation financière directe des usagers aux services de soins. Source : Base de données pays OMS (WHOSIS)

Rapport sur le développement humain 2006, PNUD

ix

Annexe1.2 : Evolution de la productivité du travail au Cameroun

taux de croissance

0,12 0,1 0,08 0,06 0,04 0,02 0 -0,02 -0,04 -0,06

CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Années

TC PT

Annexe1.3 : Test de cointégration de Johansen

Source : Auteur

x

Annexe1.4 : Tests de stationnarité sur les séries

Tests ADF et PP sur les séries à niveau

Séries

Test ADF

Test PP

LNPIBR

0,055703

*V.C à 1% -3,6661 V.C à 5% -2,967

V.C à 10% -2,6200

0,206755

V.C 1% -3,6576

V.C à 5% -2,9591

V.C à 10% -2,6181

LNIVPR

-0,1001045

-0,0611947

LNDEPS HUM

-1,45905

-1,265114

-1,299590

-1,1253777

LNPAC

-0,100301

-0,172812

*V.C = valeur critique au seuil de 1%, 5% et 10%. Source : Auteur

Tests de ADF et PP sur les séries en différence première

Séries

Test ADF

Test PP

D(LNPIBR)

-3,651651

*V.C à 1% -3,6752

V.C à 5% -2,96665

V.C à 10% -2,6220

-5,462910

V.C à 1% -3,6661

V.C à 5% -2,9627

V.C à 10% -2,6200

D(LNIVPR)

-3,685298

-5,099597

D(LNDEPS)

-3,120284

-5,010915

D(HUM)

-4,266852

-4,823247

D(LNPAC)

-2,99070

-4,575099

*V.C = valeur critique au seuil de 1%, 5% et 10%. Source : Auteur

xi

Table des matières

Sommaire i

Avertissement ..ii

Dédicaces iii

Remerciements iv

Liste des graphiques, Liste des tableaux, listes des schémas et figures v

Liste des abréviations ..vi

Résumé/Abstract vii

Introduction générale 1

I . Contexte et Problématique 1

II : Intérêt de l'étude 8

III . Objectifs et Hypothèses 9

IV . Méthodologie 9

V . Plan .10

Première partie: protection sociale et croissance : effets microéconomiques 11

Introduction de la première partie ..12

Chapitre 1 : Analyse théorique de l'incidence de la protection sociale sur la productivité

du travail 13

Introduction 13

Section I. la protection sociale comme déterminant de la productivité du travail 13

I-1 . Intégration de la protection sociale dans les déterminants de la productivité du

travail .14

I-1-1 . Protection sociale, intensité et qualité du travail et productivité 14

A . Analyse du schéma des déterminants de la productivité du travail 14

B . Protection sociale et motivation . amélioration de l'intensité et de la qualité du

travail 15

I-1-2 . la protection sociale comme couverture contre le risque et productivité 16

I-2 . Protection sociale, motivation et productivité du travail ..16

I-2-1 . La sécurité sociale comme élément de la productivité 17

A . Une mise en exergue du modèle sociologique du salaire d'efficience ..17

B . Effet direct des sentiments de sécurité sociale sur la productivité .18

I-1-2 . Le choix du niveau de productivité comme résultant du degré de couverture sociale

et des risques du travail .18

xii

A . Une extension de la fonction de production de l'entreprise 19

B . Formalisation de la relation entre une variable de protection sociale et une

variable té du travail ..20

Section II . protection sociale-sante-productivité du travail ..22

II-1 . Couverture sociale, capital humain et productivité du travail 23

II-1-1 . Protection sociale, amélioration du capital humain et productivité 23

A . Les dépenses de protection sociale comme un investissement productif ...23

B . Une esquisse de la perception du lien santé-productivité du travail par certains

théoriciens 24
II-1-2 . Protection sociale comme couverture des risques de la maladie et productivité......24

A . L'assurance maladie publique et productivité 25

B .Approches d'évaluation des coûts de la maladie ..25

II-2 . Présentation d'un modèle intégrant la santé comme facteur endogène dans l'ensemble

des comportements de production . le modèle d'investissement de Grossman ..26
II-2-1. la santé comme un investissement permettant d'augmenter la capacité de production

et de gain ..27

II-2-2 . Formalisation du modèle d'investissement de Grossman 28

Conclusion 29

Chapitre2 : évolution de la protection sociale et de la productivité du travail au Cameroun 31

Introduction ..31

Section I . protection sociale et productivité du travail au Cameroun 31

I-1 . Présentation du système camerounais de protection sociale 31

I-1-1 . Cadre institutionnel ..32

A-la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale .32

B-la protection de l'emploi ..33

I-2-2 . Les formes actuelles de prise en charge des malades 35

A . La prise en charge du risque maladie dans l'économie moderne 36

B . L'assurance maladie dans le secteur informel et dans le monde rural 37

I-2 . Analyse comparative des évolutions de la productivité du travail dans les secteurs formel

et informel 37

I-2-1 . productivité du travail dans le secteur formel et dans le secteur informel 38

I-2-2 . Comment expliquer les écarts de productivité pour les individus identiques ? 39

Section II . évaluation statistique de la relation entre la protection sociale et la productivité

du travail ..40

xiii

II-1 . Evolution de la productivité du travail, des cotisations sociales et des prestations

sociales reçues .40

II-1-1 . Productivité du travail et cotisations sociales 40

A . Caractérisation du niveau d'activité ..41

B . Evolution de la productivité du travail et des cotisations sociales 41

II-1-2 . Analyse Graphique ..42

II-2 . Détermination du lien entre protection sociale et productivité du travail .43

II-2-1 . Etude de la régression de la productivité de la main d'oeuvre en fonction des

prestations sociales

..43

II-2-2 . Détermination du coefficient de corrélation

...44

A . Définitions et méthode de calcul de la corrélation

44

B . Présentation des résultats et interprétations

..45

Conclusion

46

Conclusion de la première partie

.48

Deuxième partie : protection sociales et croissance : Diagnostics macroéconomiques

...49

Introduction deuxième partie

...50

Chapitre 3 : la protection sociale et la croissance : une présentation de la littérature

..52

Introduction

..52

Section I. analyse des mécanismes de transmission de l'incidence de la protection sociale sur

la croissance 52

I-1 . La protection sociale néfaste à la croissance économique ..52

I-1-1 . La contrainte de financement et le rôle de la protection sociale sur le marché du

travail . effets sur l'attractivité du territoire et chômage des travailleurs peu qualifiés

.53

A . Effets sur l'attractivité et la compétitivité

.53

B . La protection sociale néfaste à l'emploi des travailleurs peu qualifiés

54

I-1-2 . Effets négatifs sur l'épargne et l'investissement de la protection sociale

55

I-2. La protection sociale, pilier essentiel d'une croissance économique durable

.56

I-2-1 . La protection sociale comme instrument de stabilisation macroéconomique et

facilitateur des ajustements structurels 56

A . Instrument de stabilisation macroéconomique .56

B . Un instrument facilitateur d'ajustements structurels 57

I-2-2 . Approche intergénérationnelle de la protection sociale et amélioration du bien-être

social 58

A . Une réponse au « dilemme des générations » ...58

xiv

B . L'amélioration du bien-être social des populations .58

Section II . une analyse de la littérature empirique sur la relation 59

II-1. Les études empiriques sur la croissance 59

I-1-1 . Résumé du tableau des modèles empiriques moderne de la croissance .. 60

A . Les travaux publiés reposant sur une analyse transversale de forme réduite......60

B . modèle structurel de la croissance .61

II-1-2 . Quelques résultats des études empiriques ...62

II-2 . Effets indirects de la protection sociale sur la croissance .63

II-2-1 . Protection sociale, Fiscalité et Croissance .63

A . les dépenses publiques de protection sociale comme cause de l'alourdissement de

la fiscalité . impact négatif sur la croissance ..63

B . l'indissociabilité de l'effet de la fiscalité de l'effet des dépenses sociales sur la

croissance .64

II-2-2 . Protection sociale, distribution des revenus et croissance 65

A . la redistribution du revenu comme objectif de la protection sociale .65

B . lien de causalité entre la redistribution du revenu et la croissance dans la

littérature empirique 66

Conclusion ...67

Chapitre 4 : validation empirique des effets de la protection sociale sur la croissance

économique au Cameroun 68

Introduction ..68

Section I . méthodologie ..68

I-1 . Evolution des dépenses de sécurité sociale et le PIB réel ...68

I-1-1 . Analyse empirique de la croissance économique au Cameroun .69

A . Une croissance essentiellement extensive et peu alimentée par les fondamentaux de

l'économie 69

B . Représentation graphique de l'évolution du PIBR de 1975 à 2006 ...70

I-1-2 . Dépenses de sécurité sociale 71

I-2 . Méthode empirique .72

I-2-1 . Modèle de croissance et ses spécifications ...72

A . Modèle de croissance de Solow augmenté 73

B . Equation à estimer .74

I-2-2 . Présentation des variables à estimer et sources de données 74

A . Les variables 74

xv

B : Source de données 75

Section II : Estimations empiriques .76

II-1 : Tests de spécification du modèle ...76

II-1-1 : Fondements et nécessité d'une méthodologie spécifique à l'analyse des séries

chronologiques .76

A : Problèmes ...76

B : la nécessité d'une méthodologie spécifique 77

II-1-2 : Tests de stationnarité et de cointégration ...78

A: Tests standards de l'ordre d'intégration : la notion de racine unitaire .78

B : La cointégration .79

II-2 : Méthode d'estimation, présentation des résultats et interprétations ..80

II-2-1 : Méthode d'estimation ..80

II-2-2 : Présentation des résultats et interprétations ...81

Conclusion ...84

Conclusion deuxième partie .85

Conclusion générale et recommandations de politique économique ...86

Bibliographie 90

Annexes ..viii






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite