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REPUBLIQUE UNIVERSITE
DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON
Paix - Travail - Patrie Peace - Work - Fatherland
DE YAOUNDE II THE UNIVERSITY OF YAOUNDE
Faculté des Sciences Faculty of Economics
Economiques et de Gestion And Management
B.P. 1365 Yaoundé PO.BOX 1365 Yaoundé
PROGRAMME DE TROISIEME CYCLE INTERUNIVERSITAIRE (PTCI) EN
ECONOMIE
Douzième PROMOTION
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II
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PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE ECONOMIQUE AU
CAMEROUN
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Mémoire présenté et soutenu
publiquement en vue de l'obtention du Diplôme d'Etude Approfondie (D.E.A)
en Sciences Economiques
SPECIALITE : ECONOMIE DES RESSOURCES HUMAINES
|
Par : AWOMO NDONGO Jean Colbert
Titulaire d'une Maîtrise en Sciences
Economiques
Sous la direction du Pr. TSAFACK NANFOSSO
Roger,
Agrégé des Facultés des Sciences
Economiques et de Gestion
Année académique 2007-2008
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i
Sommaire
Avertissement ii
Dédicaces iii
Remerciements iv
Liste des graphiques, Liste des tableaux, Liste des
schémas et figures ..v
Liste des abréviations ..vi
Résumé/Abstract vii
Introduction générale 1
Première partie: protection sociale et croissance
: effets microéconomiques 11
Chapitre 1 : Analyse de la relation théorique
entre la protection sociale et la
productivité du travail
...13 Section I. la protection sociale comme déterminant
de la productivité du travail......13
Section II . protection
sociale-santé-productivité du travail ..22
Chapitre 2 : Evolution de la protection sociale et de la
productivité du travail au
Cameroun 31
Section I . protection sociale et productivité du
travail au Cameroun 31
Section II . évaluation statistique de la relation
entre la protection sociale et la
productivité du travail ..40
Deuxième partie : protection sociales et
croissance : Diagnostics macroéconomiques 49
Chapitre 3 : la protection sociale et la croissance : une
présentation de la littérature 52
Section I. analyse des mécanismes de transmission de
l'incidence de la protection
sociale sur la croissance ..52
Section II . une analyse de la littérature empirique
sur la relation 59
Chapitre 4 : Validation empirique des effets de la
protection sociale sur la croissance
économique au Cameroun 68
Section I . méthodologie 68
Section II . estimations empiriques ..76
Conclusion générale et recommandations de politique
économique .. 86
Bibliographie 90
Annexes ..viii
Table des matières xi
Avertissement
ii
« L'université de Yaoundé II n'entend
donner aucune approbation ou improbation aux opinions contenues dans ce
mémoire. Celles-ci doivent être considérées comme
étant propres à l'auteur ».
Dédicaces
iii
Je dédie ce mémoire à toute ma famille,
en particulier à ma défunte mère Mme MBO Ernestine
ép. AWOMO et à ma défunte belle-soeur Joëlle
Micheline ABOMO qui m'ont beaucoup soutenues et encouragées durant tout
mon parcours académique me rappelant sans cesse les bienfaits de
l'éducation.
iv
Remerciements
Je dis sincèrement merci :
- Au Professeur TSAFACK NANFOSSO Roger, Directeur du GPE
(Gestion des
Politiques Economiques), qui malgré ses nombreuses
occupations a dirigé ce
mémoire ;
- Au Professeur KOBOU Georges, Doyen de la Faculté des
Sciences Economiques et de
Gestion de l'Université de Yaoundé II-Soa pour
ses nombreux conseils concernant la
modélisation des séries temporelles ;
- Au Docteur ZAMO AKONO Christian, pour sa
disponibilité et ses orientations qui
ont été très utiles dans
l'exécution de ce travail ;
- A la direction du PTCI ;
- A tous les enseignants de l'Université de
Yaoundé II-Soa ;
- A tous mes camarades de la douzième promotion PTCI
;
- A tous les membres du REMA (Recherche en
Microéconomie Approfondie) ;
- A NYA Robenson qui a accepté mettre son ordinateur
à ma disposition pour rédiger ce
mémoire ;
- A tous les membres de ma famille
- A Sandrine ZANGA MBOUTOU, ma fille NDONGO AKA'A
Félicia, FONO
Hervin, MESSIA Serges ;
- A tous ceux, de près ou de loin ont contribué
d'une certaine manière à la réussite de ce
travail.
v
Liste des graphiques
Graphique2.1 : Evolution de la productivité du
travail par secteur d'activité au
Cameroun
Graphique2.2 : Croissance de la productivité du
travail par rapport
|
39
aux prestations
|
sociales
|
42
|
Graphique2.3 : Courbe de régression de Y en X
|
44
|
Graphique4.1 : Phase 1 : De 1975 à 1985
|
.70
|
Graphique4.2 : Phase 2 : De 1986 à 1995
|
.70
|
Graphique4.3 : Phase 3 : De 1996 à 2006
|
.70
|
Liste des tableaux
Tableau2.1 : Evolution de la productivité du
travail et des cotisations sociales au
Cameroun de 1993 - 2002
Tableau2.2 : Corrélation entre prestations sociales
et productivité du travail
|
41
.46 au
|
Tableau4.1 : Evolution de l'effectif des
bénéficiaires de prestations familiales
|
Cameroun
|
72
|
Tableau4.2 : Résultats de l'estimation de
l'équation de long terme
|
..79
|
Tableau4.3 : Test de stationnarité du résidu
|
..80
|
Tableau4.4 : Résultats de l'estimation du MCE par la
méthode des MCO
|
81
|
Liste des schémas et figures
|
|
Schéma1.1 : Les déterminants de la
productivité du travail
|
..14
|
Schéma1.2 : Impact indirect de la protection sociale
sur la productivité du travail
|
.15
|
Figure1.1 : La fonction d'effort d'un individu
|
20
|
vi
Liste des abréviations
ASIPES = Association Islamique pour la Promotion de
l'Education et de la Santé
CIMA =Conférence Interafricaine de Marchés
d'Assurance
CNPS = Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
ECAM = Enquête Camerounaise Auprès des
Ménages
INS = Institut National de la Statistique
FNE = Fond National de l'Emploi
MCE = Modèle à Correction d'Erreur
MCO = Moindres Carrés Ordinaires
MINDUC = Ministère de l'Education Nationale
MRW = Modèle de croissance de Mankiw, Romer et Weil
OCDE = Organisation pour le Commerce et le
Développement Economique
OMS = Organisation Mondiale de la Santé
PAS = Programmes d'Ajustement Structurel
PIB = Produit Intérieur Brut
PPTE = Pays Pauvre Très Endetté
TCPS = Taux de Croissance des Prestations Sociales
TCPT = Taux de Croissance de la Productivité du
Travail
vii
Résumé
L'objectif de cette étude est de cerner les effets
de la protection sociale sur la croissance au Cameroun. Ainsi, suivant une
approche microéconomique, on détermine alors l'intensité
de la liaison protection sociale - productivité du travail. Suivant une
approche macroéconomique, on teste l'impact des dépenses de
sécurité sociale sur la croissance du PIB réel en
utilisant les données annuelles couvrant la période 1975 - 2006.
Le calcul du coefficient de corrélation et de la covariance dans le
premier cas donne respectivement 0,8588 et 27181086,5 d'où une
corrélation forte et une variation dans le même sens des deux
variables. De même, les estimations du modèle de croissance MRW
effectuées sur les séries donnent un impact négatif et
significatif du coefficient associé aux dépenses de
sécurité sociale à court et à long terme. Une
décomposition des dépenses de sécurité sociale en
dépenses de santé et dépenses de retraite aboutira
peut-être aux résultats divergents, c'est ce qui peut être
intéressant pour les études ultérieures.
Mots clés : Croissance,
Productivité du travail, Protection sociale et redistribution du
revenu.
Abstract
The objective of this study is to stress the effect of
social protection on growth in Cameroon. Following the microeconomic approach,
we can therefore determine the intensity of the link social protection -
productivity of work. Following the macroeconomic approach, we test the impact
of the expenses of the social security on the growth of real GNI by using
annual data covering the period 1975-2006. The calculation of the coefficient
of correlation and the covariance in the first case gives respectively 0.8588
and 27181086.5 therefore a strong correlation and variation. Furthermore, the
estimations of the MRW growth model carried out the series gives a negative and
significant impact of the coefficient associated to the social security
expenditures in short and long term. The decomposition of the social security
expenditures in the expenses on health and retirement expenses may be gives the
divergent results. That is what can be interesting with further
research.
Key words: growth, productivity of work, social
protection and income redistribution.
INTRODUCTION GENERALE
1
I : CONTEXTE ET
PROBLEMATIQUE
La notion de « protection sociale » est en
elle-même assez vague et composite. Elle désigne tous les
mécanismes de prévoyance collective qui permettent aux individus
ou aux ménages de faire face financièrement aux
conséquences des risques sociaux, qui provoquent une baisse des
ressources et /ou une hausse des dépenses1 (Joakim, 2001).
La définition plus générale vient de la
Banque Mondiale (2000) que les interventions de protection sociale sont des
« actions visant à aider les individus, les ménages et les
communautés à mieux gérer le risque et à apporter
un soutien à ceux qui sont particulièrement pauvres». Cette
définition plus générale regroupe dans un cadre unique les
instruments de protection sociale traditionnels, notamment la politique du
travail, les régimes sociaux, et les filets de sécurité
sociale. Cette définition recouvre également les mesures prises
pour fournir un appui aux personnes extrêmement pauvres2.
Partant de cette définition, deux idées majeures
émergent
· La protection sociale peut être
considérée comme un filet de sécurité, mais aussi
comme un tremplin pour les personnes pauvres. S'il convient d'offrir un filet
de sécurité à la population toute entière, il faut
aussi que les programmes donnent aux plus démunis les moyens de sortir
de la pauvreté ou à tout le moins, de retrouver un emploi
rémunéré ;
· Elle ne saurait être un coût, mais
plutôt un investissement dans le capital humain. La protection sociale
doit fondamentalement permettre aux pauvres de garder un accès aux
services sociaux de base, de ne pas être exclus de la
société et d'éviter d'adopter des stratégies de
survie ayant des répercutions irréversibles lorsque la situation
se détériore.
Le trait commun à toutes ces interventions publiques
est de fournir des ressources de remplacement en cas de baisse importante ou de
perte totale de revenus, notamment en faveur des salariés les moins
favorisés.
1 Il s'agit des dépenses de vieillesse,
maladie, invalidité, chômage et charges de famille.
2 La catégorie des extrêmement pauvres
regroupe les individus qui ne peuvent subvenir à leurs propres besoins
même lorsqu'il est possible de trouver un emploi.
2
L'étude de la protection sociale est un domaine de
prédilection des théoriciens de l'économie du
bien-être. Constatant le caractère relativement marginal de
l'offre marchande de protection sociale et la prédominance de
dispositifs publics, ces économistes présentent
traditionnellement l'intervention publique comme une réponse aux
carences du marché. La nature quelque peu inductive de cette
démarche transparaît clairement dans l'affirmation de Arrow (1963,
P.945) que « les situations où l'on observe une absence des
marchés sont la marque de leur inaptitude à proposer les biens et
services en question ». Développant le modèle standard
de l'économie publique normative, l'auteur recense les
spécificités de l'assurance maladie inhérentes à
l'asymétrie de l'information. Il les présente comme autant de
défaillances du mécanisme des prix expliquant la mise en oeuvre
d'arrangements institutionnels publics - mais aussi privés - palliant
les carences du marché.
Si les théoriciens de l'économie du
bien-être présentent l'intervention publique comme le moyen de
pallier les défaillances des consommateurs et des producteurs de
protection sociale doublement confrontés à l'asymétrie de
l'information, les partisans de la thèse des défaillances du
marché soulignent quant à eux que les consommateurs,
confrontés à l'incertitude et à l'asymétrie de
l'information n'ont pas nécessairement les connaissances leur permettant
de se doter d'une protection sociale adaptée à leurs
besoins.3
En somme, un fonctionnement libre du marché de
l'assurance pourrait conduire certains individus à des investissements
préventifs sous-optimaux, et en cas d'aléa à s'en remettre
aux filets de protection publics ou communautaires. Ces dispositifs solidaires
d'aide en dernier ressort contribueraient à accroître le nombre
d'imprévoyants volontaires (Hayek (1960) ; Musgrave (1989)).
Outre ses effets sur le consommateur, l'asymétrie de
l'information peut aussi handicaper l'assureur. Les travaux sur
l'asymétrie de l'information montrent que la présence
d'antiselection et d'aléa moral rend cette tâche
difficile, ce qui laisse planer des inquiétudes quant au fonctionnement
d'un marché de protection sociale. En premier, l'antiselection
représente un danger pour les assureurs qui, faute de transparence
informationnelle, des échanges mutuellement profitables pourraient ne
pas se réaliser. Il en est ainsi des assureurs qui, ne connaissant pas
les caractéristiques individuelles de leurs clients, proposent des
3 Ex ante, les consommateurs n'auraient pas
les aptitudes nécessaires pour se prémunir de façon
adéquate contre les aléas. Ils n'auraient ni une bonne
connaissance des différentes modes de prévoyance, ni une
information fiable sur les risques qu'ils encourent personnellement.
N'étant que périodiquement confrontés à la
réalisation d'aléas lourds, les prévoyants accumuleraient
peu de connaissances à partir de leurs propres expériences ou de
celles de leur entourage proche. Ex post, une fois un risque
réalisé, les consommateurs pourraient encore être
handicapés par l'imperfection de l'information. Les économistes
de la santé craignent notamment que les personnes ayant recours au
système médical ne se fassent abuser par des praticiens induisant
une demande superfétatoire.
3
contrats uniformes tarifés au risque moyen (Mougeot,
1999). Dans ces conditions, les « mauvais risques » sont les plus
gros demandeurs d'assurance au sein d'une population
hétérogène. In fine, les producteurs de
sécurité seraient financièrement
déstabilisés faute d'avoir correctement anticipé la
sinistralité globale.
Une seconde inquiétude, quant au fonctionnement d'un
marché de protection sociale, a trait à l'aléa moral.
Cette notion caractérise la situation où un assuré
pourrait influer sur la probabilité des états de la nature contre
lesquels il s'est prémuni4. La personne couverte sera, en
effet, à même de prendre plus de risque ou de diminuer ses efforts
de prévoyance (Arrow (1963) ; Stiglitz (1969)). De plus, il est possible
que certains assurés adoptent - sciemment ou inconsciemment - un
comportement inflationniste. Ils pourraient maximiser leurs dépenses en
se livrant au nomadisme médical ou en optimisant la durée de leur
période de recherche d'emploi (Stigler, 1962).
Une bonne partie du débat sur les systèmes de
protection sociale tourne autour de la relation qui existerait entre l'objectif
d'équité et l'objectif de croissance. Il est souvent fait
allusion à la « faisabilité budgétaire » des
dispositifs sociaux et à leur impact sur la propension des individus
à travailler et à épargner. L'équité, qu'on
appréhende sous l'angle de l'accès aux services sociaux ou de la
distribution finale du revenu, est habituellement perçue comme ayant un
coût en termes de production non réalisée, dont certains
estiment qu'il vaut d'être supporté quand d'autres sont d'avis
contraire.
En fait, il existe des théories plausibles qui
montrent que la distribution du revenu peu avoir une incidence, positive ou
négative, sur la croissance, sans agir par l'entremise de la protection
sociale (Förster (2000) ; Förster et Pearson (2002)). Le
caractère actuel de la question trouve sa preuve, lors du Sommet de
Lisbonne en 2000, où l'Union Européenne s'est fixée comme
objectif d'aboutir, en dix ans, à « une économie
basée sur le savoir, la plus compétitive et la plus dynamique du
monde, capable d'une croissance économique durable ». A
mi-parcours, le constat est décevant. Entre 1992 et 2004, la croissance
du PIB dans la zone euro n'a atteint que 1,7% contre 3,2% aux
Etats-Unis5. Alors que l'Europe s'était engagée dans
le processus de rattrapage jusque dans les années 90, elle stagne, voir
régresse aujourd'hui par rapport aux Etats-Unis. Dans ce contexte, le
discours dominant concernant les
4 Une distinction mise en avant par Gollier (1996),
il y a un aléa moral ex ante dès lors que
l'assuré n'assume plus individuellement toutes les conséquences
financières de ses actes. S'ajoute un aléa ex post
lié aux différents abus à l'assurance. Il est par
exemple de notoriété publique que les fraudes sont
particulièrement importantes dans l'assurance transport ou incendie.
Dans ces branches, qui constituent des applications les plus anciennes de
l'assurance, un certain nombre de sinistres résultent
néanmoins.
5 Voir BNP-PARIBAS. Reformes et
Compétitivité :où est la vieille Europe ? in Conjoncture,
avril 2005.
4
effets négatifs de la protection sociale sur la
croissance, trouve des échos en Europe (Hoareau-Sautieres et Rascle,
2005).
Au niveau des institutions de Breton Woods, les
récents travaux de la Banque mondiale ont montré le rôle
que joue la protection sociale dans l'accélération de la
croissance. Les analyses faites sur la crise financière qui a
frappée les pays de l'Asie de l'Est en 19971998 ont
révélé que la croissance n'était pas suffisante
pour assurer une réduction de la pauvreté. En effet, la relative
organisation familiale qui était supposée assurer les
solidarités pour faire face aux chocs s'avère insuffisante quand
intervient un choc dans un contexte de croissance rapide. La protection sociale
constitue l'un des piliers fondamentaux et prend une dimension
particulière dans ses fonctions transversales6 par rapport
aux autres piliers du « Travail décent » que sont le
dialogue social, le travail et les normes.
L'incidence de la protection sociale sur la croissance divise
l'avis des théoriciens. Globalement, les enseignements que l'on peut
retirés de ces théories ne permettent pas de se faire une opinion
tranchée sur cette question. Une première thèse,
initiée par Mirrles (1971) dans le cadre d'une réflexion sur la
fiscalité optimale, met en évidence un effet négatif de la
protection sociale sur la croissance. Le versement de prestations sociales
pourrait réduire l'offre de travail et donc les ressources en
main-d'oeuvre sur lesquelles s'appuie la croissance, les
bénéficiaires n'étant plus inciter à chercher un
emploi. De plus, ces prestations ont pour contrepartie la mise en place d'un
système de prélèvements susceptibles de ralentir
l'épargne et par la même les investissements, source de croissance
économique. Ceci rejoint les avis d'autres théoriciens (Vanhoudt
(1997) ; Gwartney, Lawson et Holcombe (1998) ; Atkinson (1999) ; Milanovic
(1999) ; Tabellini (2000) ; Cassamatta et al. (2000)).
Différents arguments s'opposent à cette
conception très négative de la protection sociale. D'abord, en
évitant la marginalisation des plus pauvres et leur sortie durable du
système productif, la protection sociale permet de renforcer les
potentiels de croissance (Parent, 2001). Ensuite, en limitant les tensions
sociales, elle instaure un climat favorable à la prise de
décisions politiques et économiques, même difficiles, ce
qui peut améliorer les perspectives de développement durable
(Sala-i-Martin, 1996). Enfin, les mécanismes de marché sont
défaillants à certains égards, notamment en matière
d'assurance contre la perte d'emploi, de revenu et la protection sociale joue
un rôle important à ce niveau. En couvrant un certain nombre de
risques, elle peut encourager l'esprit d'entreprise et le développement
de certains investissements, comme par exemple l'investissement dans de
nouvelles technologies
6 Ces fonctions sont : (1) la fonction de
sécurité sociale et (2) la fonction de maintien du revenu.
5
(Ahmad et al. (1991) ; Alesina et Rodrik (1994) ;
Imrohoroglu et al. (1995) ; Easterly et Levine (1997) ; Hubbard et
Judd (1998)).
Forbes (2000) fait valoir que les techniques d'estimations
qui ont été utilisées pour ces tentatives d'examen des
liens entre protection sociale et croissance étaient erronées. La
redistribution du revenu est largement ouvert dans les pays pauvres, elle l'est
moins dans les pays riches. En fait, il ressortait de ces études, qui
avaient souvent recours à la technique des MCO sur données
transversales, qu'un resserrement de la distribution du revenu est de nature
à permettre à un pays de se rapprocher du groupe des pays riches.
Or, en examinant l'évolution des pays dans le temps (sur la base des
données de panels), ceci permet d'identifier les effets de la protection
sociale indépendamment des effets-pays.
Une étude empirique récente de l'impact sur la
croissance de la protection sociale est celle d'Arjona, Ladaique et Pearson
(2002), qui estiment une équation de la croissance7 sur la
base des données annuelles portant sur 21 pays de l'OCDE et couvrant la
période 1970 à 1998, la démarche théorique
étant empruntée à Bassanini et al. (2001). Les
élasticités partielles montrent que si les dépenses
sociales passaient d'environ 18,5% du PIB à 19,5%, le PIB se trouverait
réduit à long terme de 0,7%. Les estimations semblent indiquer
que le fait de porter les dépenses actives de 0,63% du PIB à
0,73% du PIB entraînerait une augmentation à long terme du PIB de
près de 1%. L'estimation de la composante « passive » laisse
supposer que si cet élément passait de 20,7% à 20,8% du
PIB, il en résulterait une réduction à long terme du PIB
de 0,2%. On peut alors remarquer que : selon que les dépenses sociales
sont « actives8 » ou « passives 9»,
l'effet sur la croissance diverge.
Mais ces conclusions sont liées à un grave
problème de sous-détermination du modèle utilisé.
Les modèles estimés10 excluent un certain nombre de
facteurs potentiellement importants pour la croissance tels que les indicateurs
d'environnement entrepreneurial, d'innovation, de qualité de
l'éducation, de RáD, de stabilité macroéconomique,
d'ouverture aux échanges, de situation géographique, de religion,
etc. De plus, la représentation sur les moyennes et les groupes de pays
cache derrière elle une très grande
hétérogénéité entre les pays. Plusieurs pays
ont connu des changements très limités dans leurs niveaux de
protection sociale malgré leurs performances relativement satisfaisantes
en matière de croissance (Banque mondiale, 2001).
7 Dérivant du modèle de Mankiw,
Romer et Weil (1992) ayant amandé le modèle pionnier de Solow
(1956) en introduisant le capital humain comme troisième facteur de
production.
8 La définition étroite est de les
rattacher exclusivement aux politiques actives du marché du travail.
9 Liées aux transferts monétaires et de
services.
10 Il s'agit du modèle à effets fixes,
Pool Mean Group et M-G-M avec variables instrumentales.
6
En Afrique, seulement 5% à 10% de la population active
bénéficie d'une couverture sociale, ce qui dénote d'une
dégradation de la situation au cours des vingt dernières
années. Pourtant l'article 22 de la Déclaration des Droits de
l'Homme de 1948, qui consacre « le droit de tout être humain
à la sécurité sociale », indique que les
obligations des Etats en matière sociale requièrent l'effort
national mais aussi la coopération internationale. Dans la
majorité des pays africains, l'économie repose sur un secteur
informel hypertrophié, incluant combines et travail au noir, qui entrave
la mise en place d'un système général de protection
sociale. Seulement, les salariés et les fonctionnaires - qui
représentent à peine 10% de la population active en moyenne selon
les pays - en bénéficient.
L'échec des Programmes d'Ajustements Structurels a
accru le côté informel de l'économie dans les années
1980 et 1990, une étude du ministère français des affaires
étrangères note : « avec la crise économique,
puis l'ajustement structurel, des problèmes administratifs, financiers
et économiques graves sont apparus et ont fragilisé la situation
de la protection sociale. Son coût a augmenté tandis que le niveau
de revenu et parfois le nombre de travailleurs du secteur public ont
stagné et, globalement, le nombre de salariés a baissé au
profit des secteurs traditionnels et informels » (Boyer et al.,
2000). Les classes urbaines aisées ont recours à l'assurance
privée. Les pauvres, moins en mesure de s'auto-protéger, ne
dépensent que lorsque le besoin se fait pressant. Ils ont alors recours
à la solidarité traditionnelle (assurance dite communautaire) :
épargne, tontine, dons, entraide familiale. Cependant, les
systèmes « traditionnels » de protection sociale offerts au
niveau des communautés sont mis à rude épreuve du fait de
la « modernisation » des économies (urbanisation,
mobilité géographique, montée de l'individualisme), de
croissance démographique et la persistance des crises économique
et politique.
Le Cameroun frappé de plein fouet par la
récession mondiale de 1987 après plus de deux décennies de
croissance soutenue, a dû mettre en oeuvres plusieurs
programmes11, en particulier avec le concours des institutions de
Breton Woods. Ceci a entraîné une modification radicale du
contexte socio-politique et macroéconomique, par exemple, les
dépenses publiques ont été réduites (à peine
3,0% du budget national), les licenciements massifs et la baisse drastique des
salaires ont contribué à la détérioration des
conditions de vie des ménages. La protection sociale au Cameroun se
trouve aujourd'hui confrontée à un dilemme. D'un
côté, on note une incapacité des pouvoirs publics à
étendre cette protection sociale à toute la population,
malgré les efforts accomplis jusque là. D'un autre
côté, les effets
11 Il s'agit des PAS, FSRPC.
7
pervers de la crise économique ont
révélé l'inefficacité des différents
regroupements sociaux à assurer la protection sociale des individus. Par
ailleurs, les disparités entre les différentes institutions
chargées de la politique sociale12 caractérisée
notamment par un manque de cohérence, de coordination et
l'incapacité des entreprises privées à offrir des emplois
stables et durables. En milieu urbain, faute de prestations sociales ou
d'allocations de chômage, une bonne partie de la population,
malgré une solidarité familiale solide, ne peut pas subvenir
à leurs besoins en étant au chômage et doit rejoindre le
secteur informel ou des formes d'emploi informel. Les individus vivant en
milieu rural, pour faire face à la pauvreté sévère
doivent s'engager activement dans les activités précaires comme
l'agriculture de subsistance. Le taux d'informalité est ainsi
passé de 83,8% en 1996 à 90,4% en 2005. Cette hausse de la
précarité des emplois rend aléatoire les perspectives
d'intégration sociale. Les enjeux liés aux objectifs de
réduction de la pauvreté, de croissance et de renforcement d'une
économie basée sur la solidarité et le
développement humain place la stratégie de protection sociale au
coeur des politiques publiques au Cameroun.
De manière générale, les analyses
économiques des effets de la protection sociale sur la croissance se
sont beaucoup développées au cours de ces dernières
années et portaient pour la plupart sur les pays industrialisés
(pays de l'OCDE, par exemple). Elles sont généralement
caractérisées par l'introduction d'un indicateur de protection
sociale comme variable explicative supplémentaire dans les
modèles de croissance (Castles et Dowrick (1990) ; Cashin (1994) ;
Lindert (1996)). Cependant, l'insuffisante disponibilité des
données relatives aux mesures de protection sociale a amené
certains auteurs à privilégier les variables de redistribution
telles que : la part des transferts dans le P11B (Keefer et Knack, 1995), la
part des dépenses publiques d'éducation, de santé et de
logement rapporté au P11B (Devarajan et al. (1993) ; Easterly
et Rebelo (1993) ; Perotti (1996)), droits de propriété
(Gwartney, Lawson et Holcombe, 1998).
Ce foisonnement des travaux empiriques a été
facilité par la disponibilité d'un arsenal de nouvelles
techniques économétriques qui ont permis de venir à bout
des problèmes d'endogénéité et de variables omises
généralement rencontrés dans l'estimation des
modèles de croissance (Caselli et al., 1996). Ces nouvelles techniques
ont également conduit à mettre à la disposition des
chercheurs une batterie de tests destinés à évaluer la
pertinence des spécifications utilisées.
12 11l s'agit de la Caisse Nationale de
Prévoyance Sociale, des ministères : de l'éducation
nationale, santé publique, emploi et formation professionnelle, affaires
sociales et condition féminine, des assurances privées.
8
Malgré ces avancés, les résultats des
estimations restent quelque peu nuancés. La littérature aussi
bien théorique qu'empirique relative aux liens entre protection sociale
et croissance reste marquée par de nombreuses divergences qui
témoignent à la fois de son incomplétude et de la
nécessité de restreindre l'analyse à des cas particuliers.
Au regard de toutes ces insuffisances et compte tenu des
spécificités de l'économie camerounaise, la
présente étude se propose de répondre à la question
suivante : la protection sociale contribue-t-elle à
l'amélioration de la croissance au Cameroun ? Plus
spécifiquement :
> dans le cas où Sevestre (1990) définit la
productivité des facteurs (capital, travail) au sein d'une entreprise,
d'un secteur ou de l'ensemble de l'économie, comme dépendant de
la qualification de la main d'oeuvre employée. La productivité
est ainsi considérée depuis Adam Smith (1776) comme la source
principale de la croissance et de l'augmentation de niveau de vie,
quel est l'impact de la protection sociale sur l'évolution de la
productivité des individus ?
> dans quelles mesures la politique de
protection sociale affecte-t-elle la croissance ?
II : INTERET DE
L'ETUDE
Face à cette problématique, cette étude
revêt un intérêt double : théorique et pratique.
- Sur le plan théorique : au regard
de la montée de la précarité des emplois et de la
vulnérabilité au Cameroun après l'atteinte du point
d'achèvement de l'initiative PPTE le 28 avril 2006, la mise en oeuvre
des systèmes de protection sociale nécessite une croissance forte
en mesure de promouvoir les emplois et d'accroître les cotisations
sociales. De ce fait, ils constituent un élément important dans
la mise en place des stratégies de croissance et de réduction de
la pauvreté (SCRP) qui sont au coeur de la politique économique
et sociale au Cameroun.
- Sur le plan pratique,
l'intérêt sera cerné à partir des preuves empiriques
de l'incidence des systèmes de protection sociale sur la croissance. Et
partant, permettra de réguler les dépenses de protection sociale
en évitant un gaspillage des fonds publics, mais aussi de l'orientation
à apporter aux systèmes de protection sociale pour qu'ils soient
efficaces.
9
III : OBJECTIFS ET
HYPOTHESES
L'objectif de cette étude est de cerner les
effets de la protection sociale sur la croissance au Cameroun. Plus
spécifiquement :
- d'analyser l'impact de la protection
sociale sur la productivité du travail sachant que cette dernière
est une source de la croissance ;
- d'apporter des éclaircissements à partir des
preuves empiriques de ce que peut être la relation entre protection
sociale et croissance au Cameroun.
Pour mesurer les liens existants entre la protection sociale
et la croissance, on peut formuler l'hypothèse suivante : la
protection sociale a un impact positif sur la croissance. Plus
spécifiquement :
H1 : Une hausse de la couverture sociale entraîne
une augmentation de la productivité de la main d'oeuvre,
H2: Une augmentation des dépenses de protection
sociale affecte positivement la croissance.
IV : METHODOLOGIE
La démarche adoptée consiste à avoir une
approche microéconomique et macroéconomique de l'incidence de la
protection sociale sur la croissance. Ici, on présente surtout la
méthodologie empirique. Suivant une approche microéconomique,
cette incidence peut être perçue à travers la relation
théorique et statistique protection sociale - productivité du
travail. Pour cerner l'effet de la protection sociale sur la
productivité du travail, on fera une analyse statistique de la
corrélation entre les prestations sociales reçues et la
productivité par travailleur. Ceci permettra de déterminer le
sens et l'intensité de la liaison existante entre les deux variables et
partant on testera l'hypothèse H1.
Suivant une approche macroéconomique, bien que les
théories qui sous-tendent les tentatives visant à tester
empiriquement les liens entre la protection sociale et la croissance soient
parfois complexes, dans la pratique, pour effectuer une estimation il s'agit
presque toujours de prendre un modèle des causes de la croissance et d'y
ajouter des mesures de protection sociale. La démarche empirique suivie
pour tester la deuxième hypothèse s'inscrit dans la droite ligne
de cette tradition : elle prend le modèle de croissance de Mankiw, Romer
et Weil (1992) et s'efforcera de déterminer si l'évolution des
dépenses publiques de
10
protection sociale13 pourrait expliquer certains
points qui ne trouvent pas de réponses dans le modèle de base.
L'équation de la croissance est estimée sur la base des
données annuelles couvrant la période 1975 à 2006. Le
choix de cette période est le résultat d'un compromis entre les
diverses phases de croissance de l'économie camerounaise et des
séries chronologiques disponibles. En particulier, les données
relatives aux dépenses de sécurité sociale qui ne sont
disponibles qu'après 197314. La méthode d'estimation
appropriée dérivera des résultats des tests de
stationnarité et de cointégration afférents à
l'estimation des séries temporelles.
Les dépenses de sécurité sociale sont
tirées de la base de données sur l'organisation financière
de la CNPS et confirmée par l'annuaire statistique de l'économie
camerounaise de l'Institut National de la Statistique. Par ailleurs, les
données relatives au taux brut de scolarisation du primaire et du
secondaire sont issues du MINEDUC et les autres variables ont été
fournies par les tables statistiques de la Banque mondiale (World Tables).
V : PLAN
Suivant cette méthodologie, la présente
étude sera effectuée en deux parties selon une vision
microéconomique et macroéconomique des effets de la protection
sociale sur la croissance. Etant donné que le niveau de vie moyen dans
un pays est souvent appréhendé par son PIB par habitant. Cet
indicateur peut être comptablement décomposé comme le
produit de la productivité horaire du travail, de la durée
moyenne du travail, du taux d'emploi de la population en âge de
travailler et enfin de la part de la population en âge de travailler dans
la population totale (Cette, 2004). Cette simple relation comptable (qui peut
également s'écrire sur les taux de croissance des mêmes
variables, mais de façon additive et non plus multiplicative) fait
apparaître que le PIB par habitant est, « toutes choses
égales par ailleurs », fonction croissante de chacune de ses
composantes, parmi lesquelles la productivité par heure
travaillée. Pour autant, comme cela sera illustré dans la
suite de l'étude, toute variable qui a un effet sur la
productivité du travail affecterait également la croissance
(Artus et Cette, 2004). On montrera dans la première partie que la
protection sociale affecte la croissance à travers son impact sur la
productivité du travail et dans la deuxième partie on fera une
analyse macroéconomique de la relation protection sociale -
croissance.
13 Les dépenses de protection sociale sont
captées à travers les dépenses de sécurité
sociale.
14Date de l'institution d'une base de données
à la Caisse Nationale de Prévoyance sociale du Cameroun.
PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE :
effets microéconomiques
Première partie
11
12
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
La croissance de la productivité est largement
considérée comme le principal déterminant de la croissance
du revenu par habitant à long terme dans les pays industrialisés
(Harris, 2002). L'explication des sources de la croissance de la
productivité a préoccupé les économistes au cours
des deux dernières décennies. Cela a incité les chercheurs
et les responsables des politiques à orienter leurs efforts vers la
compréhension des facteurs qui entraînent une croissance plus (ou
moins) rapide de la productivité, plutôt que des autres facteurs
qui n'ont pas de répercussions permanentes sur la croissance. La
politique de protection sociale pourrait bien être l'un des facteurs
ayant un effet sur la croissance.
Il apparaît que la mesure de la productivité du
facteur travail se heurte à des obstacles d'ordre pratique difficilement
surmontables. C'est ainsi que de nombreuses études ont pu
déterminer l'influence de la protection sociale des travailleurs sur la
productivité de ces derniers.
Cette partie a pour objectif de montrer l'incidence
microéconomique de la protection sociale sur la croissance à
travers sa liaison avec la productivité des individus. Ainsi, le premier
chapitre traitera la relation théorique entre la protection sociale et
la productivité du travail et le deuxième chapitre analysera
l'évolution de la protection sociale et de la productivité du
travail au cameroun.
Chapitre 1
ANALYSE DE LA RELATION THEORIQUE ENTRE LA PROTECTION
SOCIALE ET LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
13
INTRODUCTION
On entend souvent affirmer que l'intensification de la
concurrence et de la mobilité des facteurs de production (travail et
capital), qui accompagne l'ouverture des économies nationales depuis
quelques décennies serait à l'origine d'une remise en cause des
Etats-providence les plus développés, c'est-à-dire
l'ensemble des institutions et des politiques publiques qui ont pour objet de
fournir une " protection sociale " aux citoyens.
La protection sociale recouvre des systèmes
d'assurance et de transfert de revenus financés par des impôts et
destinés à aider les familles par des subventions, à
couvrir les risques de la maladie, à servir des revenus aux inactifs
retraités, voire à compenser le risque de chômage (Rosa,
2001). Ainsi, les filets de sécurité sociale ont une incidence
certaine sur la productivité des individus. L'objectif de ce chapitre
est de montrer de quelle façon la protection sociale affecte la
productivité du travail. Pour ce faire, on étudiera tout d'abord
la protection sociale comme déterminant de la productivité du
travail (I), ensuite on montrera que la protection sociale influence la
productivité du travail à travers l'amélioration de la
santé des individus assurés (II).
SECTION I : LA PROTECTION SOCIALE COMME
DETERMINANT DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
Le niveau de productivité est défini comme
étant la production par unité de l'intrant travail -- la
productivité moyenne du travail -- par travailleur ou par heure
travaillée (Harris, 2002). La protection sociale influence positivement
la productivité du travailleur à travers la motivation ou
l'incitation qu'elle lui confère à fournir plus d'effort. Ainsi,
l'effort du travailleur peut avoir des effets sur son salaire, sur
l'intensité et la qualité du travail. Cette section permet de
montrer que la protection sociale s'intègre parmi les
déterminants de la productivité du travail. Pour y parvenir, on
présentera tout d'abord la protection sociale comme un
élément des déterminants de la productivité de la
main d'oeuvre (I-1), ensuite on tentera d'expliquer cette incidence à
l'aide de la théorie du salaire d'efficience (I-2).
14
I-1 : Intégration de la protection sociale dans
les déterminants de la productivité du travail
L'analyse des déterminants de la productivité
permet d'appréhender que la protection sociale est un
élément important à l'explication de la
productivité des individus. Dans ce qui suit, on remarquera que la
protection sociale améliore l'intensité et la qualité du
travail (I-1-1) et qu'elle représente une couverture contre les risques
liés au système de production (I-1-2).
I-1-1 : Protection sociale, intensité et
qualité du travail et productivité
L'intensité et la qualité du travail sont des
facteurs permettant d'améliorer les gains de productivité des
firmes. Une analyse du schéma des déterminants de la
productivité du travail montrera que la protection sociale influence la
productivité via son effet sur l'intensité et la qualité
du travail.
A :Analyse du schéma des
déterminants de la productivité du travail
Une présentation des déterminants de la
productivité du travail permet d'établir la relation entre la
protection sociale et la productivité du travail. Le schéma
ci-dessous présente un certain nombre de déterminants de la
productivité du travail :
Schéma 1.1 : les déterminants de la
productivité du travail
Utilisation de nouveaux procédés
|
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|
Augmentation de la production
Optimisation de la combinaison des facteurs de production
Nouvelle organisation du travail
Amélioration de la qualification
Système éducatif
Intensité et qualité du travail
Couverture sociale
Productivité du travail
Division et spécialisation du travail
Effets d'apprentissage
Source : Combemale et Parienty, La productivité,
« Circa », Nathan - University, 1994.
15
L'analyse de ce schéma laisse percevoir que la
protection sociale entraîne une plus grande motivation des travailleurs,
car elle affecte l'intensité (effort) et la qualité du travail.
La qualité de travail est définie comme la différence
entre le taux de croissance des heures travaillées
pondérées, ou services du travail, et celui des heures
travaillées non pondérées (Artus et Cette, 2004). L'effet
de la protection sociale sur la productivité du travail peut alors
être présenté par un schéma simple.
B : Protection sociale et motivation :
amélioration de l'intensité et de la qualité du
travail
Le schéma simplifié peut se présenter comme
suit :
Schéma1.2 : Impact indirect de la
protection sociale sur la productivité du travail
Plus grande motivation
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Intensité et qualité du travail
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Protection sociale
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Productivité du travail
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Source : Construction de l'auteur.
Dans ce schéma simplifié, il découle que
la protection sociale englobe tous les mécanismes de prévoyance
sociale visant à améliorer les conditions de travail des
individus dans la firme.
Par ailleurs, la productivité du travail subit aussi,
l'influence d'autres facteurs tels que : l'optimisation de la combinaison des
facteurs de production, l'utilisation des machines plus performantes,
l'utilisation de nouveaux procédés et l'organisation du travail,
la division et la spécialisation du travail, l'effet d'apprentissage et
la nouvelle organisation du travail. Ainsi, ces déterminants peuvent se
regrouper en trois à savoir :
· Ceux liés au coût relatif du travail :
protection sociale, effet d'apprentissage, division et spécialisation du
travail ;
· Ceux liés au progrès technique :
utilisation de nouveaux procédés, utilisation des machines plus
performantes ;
· Ceux liés à la combinaison
productive.
16
Une protection sociale faible s'accompagne
inévitablement d'une faible productivité du travail et
inversement, si bien que les pays où le coût du travail
apparaît élever et où la protection sociale est forte ont
en définitive une compétitivité supérieure (De
Grauwe, 2003).
I-1-2 : La protection sociale comme couverture contre le
risque et productivité
La protection sociale peut favoriser la prise de risque, en
permettant l'adoption des technologies plus productives par les firmes. La
couverture sociale peut aussi freiner la productivité en
éliminant le risque et en incitant les travailleurs à modifier
leur comportement. Le manque d'instruments de protection sociale est un
obstacle à la prise des décisions efficaces et à la
productivité : en effet, les personnes qui se trouvent en dessous ou
à proximité du seuil de pauvreté ne sont guère
incitées à prendre des risques, elles ont recours à des
mécanismes informels et inefficaces de partage de risque et emploient
des techniques de production non optimales, autant de facteurs qui
compromettent la croissance de la productivité.
En revanche, les instruments efficaces de protection sociale
publics ou privés permettent aux individus de prendre plus de risque que
les mécanismes d'auto-assurance. Prendre des risques est donc un
comportement productif, et le risque peut être considéré
comme un facteur de production au même titre que d'autres mieux connus
comme le capital et le travail (Sinn, 1998, dans une citation de Pigou, 1932).
Toutefois, il ressort à ce stade de l'analyse que la protection sociale
représente une grande motivation pour les individus dans leur
comportement de production.
I-2 : Protection sociale, motivation et
productivité du travail
Le salaire est avant tout la rémunération du
travail. Autour de la notion du salaire, il faut considérer les
cotisations sociales15, les primes diverses, l'intéressement
aux bénéfices de l'entreprise et les avantages en nature
(Gélédan et al., 1999). Partant de cette
représentation du salaire on s'aperçoit que les cotisations
sociales sont du salaire différé, qui assurent une protection
contre les risques majeurs de l'existence (Cahuc et Zylberberg, 2006). La
relation protection sociale - productivité du travail peut être
perçue comme une relation de « dons
15Ces cotisations sociales constituent des mesures de
protection sociale.
17
contre dons » (I-2-1) ou que le choix du niveau de
productivité d'un individu dérive d'un arbitrage couverture
sociale/risques (I-2-2).
I-2-1 : La sécurité sociale comme
élément de la productivité
D'un point de vue microéconomique, on
s'intéresse essentiellement au comportement de la firme, en particulier,
sa gestion de la main d'oeuvre par la relation croissante entre le salaire et
la productivité. On se préoccupe surtout de l'introduction de
l'effort dans la fonction de production et de ses conséquences sur le
profit de la firme. Dans ce qui suit, le salaire représentera une
variable de protection sociale et l'effort une variable de productivité
du travail.
A : Une mise en exergue du modèle
sociologique du salaire d'efficience
Le modèle sociologique introduit et
développé par Akerlof (1982, 1984) tente d'expliquer la relation
croissante entre salaire et productivité en s'appuyant sur des concepts
sociologiques. L'idée de départ mise en avant par Akerlof est de
montrer que si la firme fait un « cadeau » à ses
employés en leur versant un salaire supérieur à celui du
marché, les individus lui donneront aussi en échange un «
cadeau » en augmentant leur effort de manière
conséquente.
Dans son exemple (« les cash posters »), le don de
l'employeur est de fixer une norme d'effort faible, de ne pas
réprimander les gens qui fournissent un effort inférieur à
cette norme et de ne pas descendre à un niveau de salaire minimal. Le
contre don des travailleurs est de fournir un effort au dessus de la norme. Les
filets de sécurité sociale offerts par les firmes sont alors vus
comme un échange de dons contre dons : ils instaurent un climat de
confiance au sein de la firme et chaque travailleur qui a le sentiment
d'être bien traité adopte une stratégie
coopérative.
A ce stade de l'analyse, une question semble se poser :
puisque l'effort n'est pas mesurable, contrairement au salaire ou aux
prestations sociales reçues, comment et pourquoi les individus
peuvent-ils montrer à la firme leur bonne foi en augmentant leur niveau
de productivité ?
Akerlof suppose que l'effort d'un individu dépend des
normes de travail du groupe auquel il appartient. Les firmes ont
intérêt à établir des normes de productivité
inférieures au
18
niveau moyen pour que les travailleurs se sentent bien
traités. L'effort est perçu par référence à
la norme moyenne du groupe16.
B : Effet direct des sentiments de
sécurité sociale sur la productivité
Le sentiment d'être bien traité
éprouvé par les travailleurs au sein de la firme peut
dériver de la couverture sociale qu'ils en bénéficient.
Ainsi, la protection sociale se caractérise par l'existence d'un
système de solidarité contributif et redistributif, qui socialise
une partie des revenus dans le but d'accroître le niveau de
sécurité des travailleurs à l'égard des risques
pouvant affecter leurs capacités à se procurer des revenus. En
retour, les travailleurs seront plus productifs.
La firme peut, bien sûr augmenter la norme du groupe de
travail et donc l'effort moyen en offrant un salaire supérieur («
cadeau »). En échange, les individus fourniront un niveau d'effort
supérieur à celui fixé par la norme (« retour de
cadeau »). Evidemment ce type d'argumentation repose sur une certaine
moralité, et une loyauté de la part des individus. Carmichael
(1990) pense que « les travailleurs se sentent obligé de
fournir l'effort correspondant au surplus de salaire ou de
sécurité sociale car il est moins coûteux pour eux de
fournir ce supplément d'effort que de le rendre sous forme
pécuniaire ».
En somme, les salaires élevés ne constituent
pas seulement un moyen de soutenir la demande. Ils améliorent aussi, du
côté de l'offre, la productivité. Des salariés bien
payés sont plus productifs, en meilleure santé, moins
stressés. La perspective de pouvoir toucher un bon salaire incite aussi
à faire des efforts de formation qui seraient négligés en
cas d'incertitude trop forte sur les revenus futurs.
I-2-2 : Le choix du niveau de productivité
comme résultant du degré de couverture sociale et des risques du
travail
Il sera question de montrer ici que l'effort est une variable
de décision individuelle et que chaque agent va choisir son niveau en
fonction des avantages (degré de couverture sociale) et des
inconvénients (insécurité du travail). Cette partie
permettra d'expliquer la relation protection sociale - productivité
outre les sentiments sociologiques présentés ci-dessus. Ainsi, on
présente une extension de la fonction de production de la firme (A) et
la
16 Dans l'exemple des cash posters d'Akerlof, le
niveau d'effort est observable pour chaque individu, mais ce qui est important
c'est sa valeur relative par rapport au moyen du groupe.
19
formalisation de la relation entre une variable de protection
sociale et une variable de productivité du travail (B).
A : Une extension de la fonction de
production de l'entreprise
Dans la présentation microéconomique
traditionnelle d'une entreprise, on associe à chaque vecteur de facteurs
de production un autre vecteur représentant les quantités de
biens produites (Cahuc et Zylberberg, 1996). On considère, pour
simplifier, une entreprise ne produisant qu'un seul bien à, partir du
seul facteur travail. L'ensemble des possibilités techniques est alors
représenté par une fonction de production F associant
à chaque quantité L de travail, un volume
F(L) de produit.
Cette manière de décrire la contribution du
facteur travail au processus productif ne le distingue en aucune manière
des autres facteurs de production. Elle suppose qu'à l'instar des
services rendus par une machine, la production d'une heure de travail est
parfaitement déterminée lors que l'individu a été
en quelque sorte « mis en marche ».17 En
réalité, chaque employé a la possibilité de moduler
considérablement l'intensité et l'efficacité de son
travail, ces variations pouvant d'ailleurs s'accompagner dans le cas
échéant de sanctions ou de récompenses.
Cette intensité peut désigner « l'effort
» et que l'on note le plus souvent par e . Dans une entreprise de
L personnes, la fonction de production devrait alors
s'écrire
F(e,..., ei1
,., eL) où ei désigne
l'efq<fort du i éme employé.
Dés l'instant où l'effort devient une variable
de décision individuelle, chaque agent va donc choisir celui-ci en
fonction du degré de couverture sociale et de l'insécurité
liés au travail qu'il exerce. Les éléments pouvant
intervenir sont nombreux : il peut s'agir de la valeur du salaire actuel, du
montant des risques professionnels, du sentiment de justice qu'engendre telle
ou telle politique de protection sociale, voire même de
l'atmosphère général de l'entreprise. La figure (1.1)
ci-dessous illustre une fonction d'effort d'un individu.
17 Zylberberg et Perrot (1989) : « Salaire
d'efficience et dualisme du marché du travail », Revue
Economique, n°1, janvier, pp. 5-20.
20
Figure 1.1 : La fonction d'effort d'un
individu
e* = e(w*)
e
A
A
w
*
e(w)
w
Source : Cahuc et Zylberberg, (1996)
Sur ce graphique, le point A correspond au point où la
courbe d'effort moyen (la première bissectrice) coupe la courbe d'effort
marginal. Ce point de coordonnées (w*, e*=e(w *)) est un point optimum
du point de vue de la firme puisqu'il correspond au salaire efficient (w*) que
doit verser la firme afin de maximiser son profit. A ce niveau de salaire,
correspond un niveau d'effort (e* = e(w*)) qui n'est pas forcement l'effort
maximum que peuvent fournir les travailleurs, mais celui-ci entraîne un
profit maximum (Cahuc et Zylberberg, 2004).
B : Formalisation de la relation entre une
variable de protection sociale et une variable de productivité du
travail
Cette formalisation est une approximation de celle
effectuée sur la relation salaire - effort (voir Cahuc et Zylberberg,
1996). La caractérisation de la fonction d'effort
présentée ci-dessus permet d'écrire la fonction de
production de l'entreprise comme
suit : F(e1
(w1),..., ( ),., ( ))
e i w i e L w L .
Contrairement à la représentation usuelle, l'ensemble des
possibilités techniques n'est plus indépendant
du système de rémunération. Cela signifie que les
données concernant la technologie proprement dite demeurent bien entendu
nécessaires, mais elles ne suffisent plus à appréhender le
déroulement complet du processus de production. La conséquence
principale de cette représentation est que le travail joue
désormais un rôle différent des autres facteurs de
production, puisqu'il faut maintenant ajouter la description
21
précise des mécanismes
d'incitations18permettant aux employés de décider
des niveaux d'effort qu'ils fourniront.
Afin de bien comprendre les implications de cette
représentation du processus productif, on considère une
entreprise où les L employés sont identiques, de sorte
qu'à l'équilibre ils perçoivent tous le même salaire
w . On suppose encore que les efforts individuels se combinent de
manière additive, la fonction de production prend alors la forme
F(Le (w )) et l'on qualifiera de travail
efficace, noté Le, la quantité
Le (w) .
La problématique est la suivante : quel est le salaire
que la firme i va verser aux individus de manière à
maximiser son profit, en sachant que l'effort dépend positivement du
salaire ? En d'autres termes : quel est le niveau de protection sociale que la
firme i va assurer aux individus de manière à maximiser
son profit, en sachant que la productivité du travail dépend
positivement du niveau de protection sociale ?
Pour résoudre cela, quelques hypothèses doivent
être faites :
- l'effort des individus dépend positivement du
salaire versé par la firme :
ei = e(wi)
avec e'>0 et e»>0
On a aussi : e(0) < 0 : aucun effort positif ne
peut être obtenu à un taux de salaire nul ; de même
e(1) =1 : l'élasticité de e par rapport à
wi diminue lorsque le taux de salaire
augmente.
- la fonction de production associe à une quantité
de travail efficace, e(wi )
.Li , le
niveau de production de la firme Qi tel que
Qi = Fi
(e(wi )L)i avec
Fi' (L) > 0 et Fi "
(L) < 0 . La firme va donc choisir un couple salaire - emploi qui
maximise son profit, d'où :
Maxði = Fi
(e(wi )Li) -
wiLi ( E1 . 1)
Les conditions de premier ordre donnent :
F i ' (
e(wi)Li) .e' (
wi)-1 = 0 ( E1 .2 )
F i ' ( e ( w i ) L
i ). e ' ( w i ) - w i =
0 ( E1 .3 )
La résolution des équations ( E1
.2) et ( E1.3) donne :
w e w i * ' ( *) =
i 1 ( E1 .4)
i
e(w *
18 Il s'agit entre autre des filets de
sécurité sociale offerts par les firmes aux travailleurs.
22
Cette résolution correspond au point de la fonction
d'effort ou la tangente passe par l'origine dans la figure ci-dessus. La
condition ( E1 .4) est connue sous le nom de condition
de
Solow (1979). Elle indique que
l'élasticité de la fonction d'effort doit être égale
à l'unité pour le salaire optimal.
En effet l'entreprise a intérêt à
accroître le coût du travail en assurant une protection sociale
à ses employés tant que les gains de productivité sont
supérieurs au surcroît de coût. L'entreprise peut
accroître l'efficacité du travail de plus de 1%. En revanche, si
le salaire est supérieur à w i *, elle
accroît l'efficacité du travail de moins de 1% en augmentant le
salaire
de 1% (Zylberberg et Perrot, 1989).
Il ressort de ce modèle de Solow que si on
considère le salaire comme une mesure de protection sociale, on peut
dire que la protection sociale influence positivement la productivité du
travail. La théorie du salaire d'efficience prend d'autant plus
d'importance, dans les pays, que leur principal atout réside
précisément dans la productivité des travailleurs.
Néanmoins, l'absence de protection sociale expliquerait pourtant
certaines pertes en gain de productivité selon le concept du «
capital santé ».
SECTION II : PROTECTION SOCIALE - SANTE - PRODUCTIVITE
DU
TRAVAIL
D'après l'OMS, la santé est « un
état complet de bien-être physique, mental et social » :
elle ne se réduit nullement, par conséquent, à l'absence
de maladies ou d'infirmités. En insistant sur ce point, l'organisation
internationale élargit considérablement le champ d'investigation.
A l'évidence, ainsi perçue, la santé peut être
affectée par des facteurs non strictement médicaux, comme les
conditions de travail (OMS, 2000)19. Dès le 18ème
siècle, des auteurs comme Bentham (1789) et Marx (1867) ont
attiré l'attention du rôle de la santé sur le
bien-être et la qualité de la force de travail.
La santé fait partie du capital humain au sens de
Becker (1964)20. Une bonne santé améliore le
bien-être de la nation, permet également de gagner des heures de
travail et de la productivité, donc des points de PIB.
19 OMS (2000), Rapport sur la santé dans le
monde 2000. Pour un système de santé plus performant, Juin.
20 Becker (1964), Human capital. BER, New York.
23
II-1 : Couverture sociale, capital humain et
productivité du travail
Le capital humain peut être défini comme
l'ensemble des dispositions durables dont l'acquisition et la possession
améliorent la productivité du travail. Ces dispositions sont des
capacités et des aptitudes au prix d'investissements humains qui
mobilisent dépenses et efforts personnels (Logossah, 1994). Suivant
cette définition, le capital humain est l'ensemble des
déterminants attachés à la force de travail et qui sont
susceptibles d'agir sur la production. La nature de ces déterminants est
plus variée, et recouvre aussi bien l'éducation, la santé
et les motivations des agents. La protection sociale contribue à
l'amélioration du capital humain des individus (II-1-1) et par
conséquent à la productivité (II-1-2).
II-1-1 : Protection sociale, amélioration du
capital humain et productivité
Les prélèvements sociaux et l'aide sociale
correspondent à un investissement dans le capital humain, dont tous les
ménages et toutes les entreprises profitent (amélioration de la
productivité de la main d'oeuvre grâce à la formation, la
santé, etc.).
A : Les dépenses de protection sociale
comme un investissement productif
Dans la théorie du capital humain, l'état de
santé de chaque individu est envisagé comme un stock
c'est-à-dire, comme un capital santé dont la contribution
productive se fait sous forme de flux de services de bonne santé. Les
dépenses de santé à travers l'assurance maladie sont un
facteur d'efficacité qui élève la productivité
(Grossman, 1972). Les dépenses de santé ou de vieillesse
constituent une part très importante des dépenses de protection
sociale. L'objet principal de telles dépenses n'est pas d'être
« productives », même si elles peuvent avoir une influence sur
les capacités productives des travailleurs, c'est ce qui explique le
fait que les entreprises acceptent à l'origine de participer à
leur financement, notamment en ce qui concerne les dépenses de
santé avec la médecine du travail (Tabellini, 2000).
Les dépenses de santé contribuent à la
productivité de la population active à long terme et il existe
une forte présomption à cet effet (Harris, 2002). Cela dit, il
reste la question de l'ordre de grandeur des répercussions des
dépenses de santé sur la productivité des entreprises dans
un pays en développement tel que le Cameroun. Une évaluation
raisonnée des effets de la protection sociale sur la productivité
du travail doit nécessairement aborder cette question d'importance
capitale.
24
B : Une esquisse de la perception du lien
santé-productivité du travail par certains théoriciens
Cette présentation contribue à mettre en
exergue les liens entre les dépenses de santé des systèmes
de sécurité sociale et la productivité. Il ressort de la
littérature que les liens entre la santé et la
productivité ont fait l'objet de recherches de la part des
économistes et demeurent fortement controversés. Toutefois, on
trouve relativement peu d'études semblables à celles
consacrées au secteur de l'éducation que l'on pourrait citer en
référence. Les données disponibles font habituellement
ressortir une corrélation entre le revenu et la santé, mais sans
préciser le sens dominant de la causalité (Piateki et Ulmann,
1996). Dans le cas des pays en développement, il y a des meilleures
preuves d'un lien entre la santé et la productivité des
travailleurs. Une approche qui permet d'identifier l'effet de la santé
sur la productivité est celle des coûts de la maladie mesurant le
temps de travail perdu, qui est une perte de productivité manifeste
(Majnoni d'Intignano et Ulmann, 2001). En haussant la probabilité que
les travailleurs occupent leur emploi sans interruption pendant de longues
périodes, la santé contribue à inciter les entreprises
à investir dans du matériel nouveau et dans la formation sur le
tas (Banque mondiale, 1999).
Ulmann (1999) prolonge l'analyse de Lucas (1988) en
incorporant la santé en tant que déterminant de la qualité
du capital humain et donc comme un facteur de la fonction de production
globale, car les travailleurs en bonne santé sont non seulement plus
productifs parce qu'ils sont plus présent au travail mais aussi parce
qu'ils sont plus efficaces dans leur tâche. De même, Van Zon et
Muysken (1997) trouvent qu'une bonne santé est un pré-requis pour
toute croissance économique compte tenu de son influence sur la
productivité du travail par exemple.
II-1-2 : Protection sociale comme couverture des
risques de la maladie et productivité
L'assurance maladie offre une garantie médicale aux
agents économiques en mutualisant les risques encourus par ces derniers
dans leurs lieux de travail. Ainsi cette assurance présente certaines
limites qui peuvent être mises en exergue d'une part et a trait à
des problèmes d'information d'autre part. Dans ce qui suit, on analysera
tout d'abord l'effet de l'assurance maladie publique sur la productivité
(A) et ensuite, la valeur de la vie humaine et le coût social des risques
(B).
25
A : L'assurance maladie publique et
productivité
L'assurance maladie est un élément de
protection sociale, elle est le reflet de la sécurité sanitaire
des travailleurs. L'assurance maladie publique se présente sous deux
formes différentes :
· En premier lieu l'assurance maladie publique
universelle des régimes de Beveridge qui couvre toute la population de
la nation, d'une région ou d'une commune, comme au Royaume-Uni, en
Italie, en Espagne, etc. Elle met en oeuvre la solidarité nationale ou
locale entre les citoyens et entre les générations selon le
principe égalitariste et compense les inégalités
indépendantes de la volonté individuelle selon les principes de
justice proposés par Rawls. Elle permet en particulier l'accès
des pauvres et des non-assurables à une couverture maladie égale
à celle de l'ensemble de la population. Ainsi, la productivité de
ces catégories se trouve améliorée parce que cette
couverture maladie leur assure un capital santé adéquat, qui est
corrélé positivement d'après la théorie du capital
humain à l'efficacité du travail (Grossman, 1972).
· En second lieu, on trouve les « filets de
sécurité » publics nécessaires pour suppléer
aux défaillances du marché et aux inégalités dans
les pays où domine l'assurance privée ou sociale. Il ne s'agit
plus ici d'assurance, mais de solidarité21 ou d'assistance.
Cette couverture est financée par une cotisation obligatoire sur
l'ensemble des revenus et les prestations, définies par l'Etat, sont
servies par des assurances privées, en général celles qui
assurent la couverture pour les soins courants.
L'assurance maladie permet aux individus de se
protéger des aléas qui peuvent
subvenir durant leur période d'activité, de ce
fait, elle contribue à réduire les pertes de productivité
dues aux accidents de travail, aux invalidités et à la maladie.
Car les maladies et accidents de travail que sont victimes les travailleurs
amenuisent leur force de travail et partant réduisent leur niveau de
productivité.
B : Approches d'évaluation des
coûts de la maladie
Une manière d'analyser les liens entre la santé
et la productivité consiste à évaluer les coûts de
la maladie. On peut évaluer les coûts de la maladie selon une
approche basée sur la valeur de la vie humaine ou le coût social
des risques.
La valeur de la vie humaine : Ici,
on évalue tous les éléments contribuant à la valeur
individuelle et sociale d'une vie humaine ainsi que les coûts
provoqués par la mort, dans un
21 A l'instar du système camerounais de
protection sociale à voir au prochain chapitre.
26
groupe de travail donné. La valeur économique se
mesure à la capacité de production potentielle d'un travailleur.
Certains auteurs, comme Le Net (1994), l'évaluent en brut, par la somme
actualisée des gains potentiels au moment de la mort. Ces gains,
censés refléter la productivité individuelle du travail,
différent selon la qualification et le sexe et décroissent avec
l'âge.
Par exemple, pour évaluer les pertes de production
liées aux accidents de travail, dues au Sida, on prendra un salaire
supérieur à la moyenne car les victimes appartiennent aux
catégories élevées et sont majoritairement les hommes. Les
coûts provoqués par une maladie ou la perte d'une vie sont des
coûts directs et indirects de soins. Ils se mesurent comme dans les
études coût/efficacité : coûts des soins en ville et
à l'hôpital, estimé au prix réel. En fin, les pertes
effectives peuvent être évaluées en recensant les
indemnités versées par la firme au titre de préjudice
moral aux blessés, selon leur taux d'invalidité, ou aux familles,
en cas de décès. Cette approche est donc fondée sur le
capital humain.
Le coût social des risques: Il
peut être intéressant d'estimer les charges financières et
sociales liées à une maladie particulière. Cette approche
permet aussi d'évaluer la rentabilité sociale potentielle des
actions de prévention. Elle consiste à évaluer tous les
coûts induits par une maladie ou un comportement à risque. On
suivra ici l'étude de Kopp et Fenoglio (2000)22. On recense
les pertes de productivité du travail dues à la maladie ou
à la mort précoce dans les entreprises (estimées par les
pertes de revenus des intéressés et l'effet de
l'absentéisme dans les entreprises), celui des soins apportés aux
malades enfin, les dépenses de prévention ou de recherche et les
charges liées à l'application des lois en ces matières.
II-2 : Présentation d'un modèle
intégrant la santé comme facteur endogène dans l'ensemble
des comportements de production : le modèle d'investissement de
Grossman
Grossman (1972)23 a présenté la
santé comme un bien durable et l'a intégrée dans un
modèle général de consommation et d'investissement des
ménages. Tout agent économique hérite d'un capital humain,
qui tend à se déprécier à un rythme croissant avec
l'âge. Grossman considère l'individu en partie comme un producteur
de sa propre santé. Il optimise son revenu et sa consommation au cours
de sa vie en lutant contre cette dépréciation, par ses
études
22 Kopp et Fenoglio (2000), Le coût social des
drogues licites (alcool et tabac) et illicites en France, Observatoire des
drogues et des toxicomanies.
23 Grossman (1972), op.cit ; Grossman (1998) «on
the optimal length of life», Journal of Health Economics,
vol..17.
27
préventives, en y consacrant du temps et en utilisant
des soins. Cette optimisation se fait sous contrainte de temps et de revenu. On
considère ici la santé comme un investissement permettant
d'augmenter la capacité production et de gain (II-2-1). La demande de
santé est alors une demande dérivée de la demande
générale de bien-être, ceci peut être
appréhendé dans la formalisation du modèle (II-2-2).
II-2-1 : La santé comme un investissement
permettant d'augmenter la capacité de production et de gain
L'approche de Grossman fait de la santé un facteur
endogène dans l'ensemble des comportements de production. Par la suite,
de nombreux auteurs se sont attachés à intégrer la
dépréciation du capital santé avec l'âge et la
gestion de leur cycle de vie par les agents économiques. Le nombre
d'années restant à travailler, la qualité de ces
années jusqu'à l'âge de la mort peut être l'objet
d'un choix rationnel et d'une action volontaire. Des auteurs comme Ried (1998)
ont montré que le choix d'un terme optimal à la vie peut
être fait au début de la vie, et résulter d'un processus
d'optimisation24. La santé est une composante de la
productivité du travail au même titre que l'éducation. La
santé peut être interprétée dans les modèles
généraux de demande de bien-être de l'individu. Il en
découle une forme particulière de demande de santé et donc
de sécurité et de soins. Donc, la demande de santé peut
être considérée comme une composante de la demande de
sécurité (Menahen, 1998)25
L'analyse de Grossman, vieille de plus de trente
années, apparaît aujourd'hui prémonitoire et illustre bien
la présentation du capital santé individuel et de son effet sur
la productivité du travail. L'évolution des
sociétés modernes permet en effet d'y distinguer deux groupes :
un groupe de personnes intégrées et un groupe des exclus, dont
l'attitude à l'égard de la santé diffère. Les
membres du premier groupe sont intégrés en ce sens qu'ils sont
majoritairement éduqués, ont une stratégie professionnelle
et construisent une famille. Les membres du second groupe vivant en marge de la
logique de transformation de la société liée à la
croissance économique.
Les premiers ont une attitude positive et une
stratégie volontaire à l'égard de leur santé au
cours de leur cycle de vie. Ils construisent sciemment leur capital humain en
s'informant sur les moyens de le protéger et de l'augmenter ou d'en
retarder la détérioration. Le lien entre
24 Ried (1998) «Comparative dynamic analysis of
the full Grossman model», Journal of Health Economics, vol.
17.
25 Menahen (1998) « Demande de soins, demande de
santé, demande de sécurité : trois modèles pour la
santé en économie», Cahier du Gratice, n°15,
Université Paris XII, décembre.
28
leur capacité de travail te leur santé est
évident puisque leur revenu, supérieur aux minima
sociaux, diminue lorsqu'une maladie les oblige à ralentir leur
rythme de travail ou à renoncer à travailler.
Le second groupe de la population est constitué de
personnes vivant essentiellement des prestations sociales (revenus minima et
allocation logement) ou dont le revenu d'activité est proche et de
jeunes hommes peu qualifiés ayant de médiocres perspectives
professionnelles.
II-2-2 : Formalisation du modèle d'investissement
de Grossman
On démontrera ici que l'état de santé a
un effet positif sur le temps de travail qui peut être
considéré comme une mesure de la productivité du
travail.
Il s'agira ici d'emprunter une partie de la
présentation synthétique de Le Pen (1998)26. Dans le
modèle d'investissement, la santé n'est recherchée que
pour son effet positif sur le temps de travail et donc sur la
productivité du travail. L'investissement optimal (I*) est
déterminé à partir de la courbe du
coût marginal de l'investissement (I) et de son rendement
marginal, permettant d'obtenir le stock de capital santé optimal
(H*) et la consommation d'autres biens et services (X).
Le patient-consommateur maximise une fonction d'utilité
U :
MaxU = U
|
(0 ,..., ; 0 ,..., H H n X X n
|
)
|
|
.
Le stock de capital de santé initial se
déprécie à un taux (ä) qui peut être
plus ou moins compensé par l'investissement en santé (I)
:
H t + 1 - H t = I t-
ätH t .
La fonction d'investissement en santé est définie
par :
I t =H t -(1-ä
t )H0.
H est le stock de santé, H * est le
stock de santé optimal, H0 est le stock de capital
initial.
Les contraintes sont de deux ordres : temporelle et
budgétaire. La contrainte temporelle est donnée par :
T=Tw t +TH t
+TX t +TP t .
26 Le Pen (1998) «Demande de soins, demande de
santé», Revue d'économie politique, n°4.
29
T est le temps disponible total ; Tw est le
temps consacré au travail; TH est le temps consacré
à la santé ; TX est le temps consacré à
d'autres biens ; TP est le temps perdu (non productif) pour cause de
maladie.
La contrainte budgétaire est donnée par :
?
?
?
?
0
? ( w T ?
Pm M P X
+ ?
? = ? ? + R
t t
t t t wt
(1 ) t (1 ) t n
+ r ? ? + r ?
Pour CI t le coût de
l'investissement à la date t et ð t = (?CI t
/?I t ) : coût marginal de
l'investissement à la date t .
St est le produit marginal de la
santé (nombre de jours en bonne santé qui entraîne une
unité
supplémentaire du stock de santé) ;
w t est le taux de salaire lié
à la productivité du travail ;
r : le taux d'intérêt et Pm le
prix des soins.
A l'équilibre, l'investissement optimale est
donné par :
w S
t t r
= - - - +
( ð ð 1 ) ä
t t t
1
ð t -
A l'équilibre, le rapport du produit du taux de salaire
et le produit marginal de la santé au coût marginal de
l'investissement à la date t - 1 est égal au taux
d'intérêt diminué du différentiel entre le
coût marginal de l'investissement à la date t et celui de
la date t - 1 augmenté du taux de dépréciation du
stock de capital santé à la date t .
On constate que dans ce modèle, la demande
d'investissement en santé permet de déduire de
façon distincte la demande de soins (M) et la
demande de santé (H). Par ailleurs, ce modèle
établi un lien entre la santé et la
productivité du travail à travers la mise en exergue de la
contrainte temporelle où le temps perdu (TP) pour cause de
maladie est un manque de
productivité.
CONCLUSION
Au terme de cette analyse, il ressort dans l'ensemble que
théoriquement, la protection sociale contribuerait à
l'amélioration de la productivité du travail. Car elle
entraîne une plus grande motivation des travailleurs dans l'exercice de
leur tâche ce qui est remarqué à travers l'accroissement de
l'intensité et la qualité du travail fourni par les individus qui
jouissent d'une bonne couverture sociale. De plus, une mise en exergue de la
théorie du capital humain
30
a permis de montrer que la protection sociale affecte
positivement l'état de santé des individus réduisant
à cet effet le manque de productivité dû à l'absence
au travail. Toutefois, la relation empirique entre la protection sociale et la
productivité peut présenter une causalité contraire
à celle de la théorie. C'est pourquoi le chapitre suivant
s'avère intéressant car il fait l'objet d'une étude
statistique de la corrélation entre la protection sociale et la
productivité du travail au Cameroun.
Chapitre2
EVOLUTION DE LA PROTECTION SOCIALE ET
DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL AU CAMEROUN
31
INTRODUCTION
La productivité d'une activité
économique est définie par les économistes comme
étant le ratio d'un indice des produits à un indice des intrants.
Elle peut être définie au niveau d'une personne qui exécute
une tâche donnée, d'un établissement qui produit un bien
particulier, d'une entreprise présente dans toute une gamme
d'activités économiques, d'une industrie ou d'un pays tout
entier. La productivité augmente lorsqu'on obtient une plus grande
quantité de produits avec les mêmes intrants (Cette, 2004). La
définition de la productivité repose fondamentalement sur la
façon dont sont mesurés les intrants et les produits. La question
fondamentale à régler sur le plan des politiques est la mesure
dans laquelle la politique de protection sociale peut influer sur la
productivité. Puisque la plupart des études dans ce domaine
s'intéressent aux différences de politique de protection sociale
entre pays. Ce chapitre a pour objectif de déterminer l'intensité
de la liaison entre les mesures de protection sociale et la productivité
du travail. Ainsi, on présentera d'une part la protection sociale et la
productivité du travail au Cameroun (I) et d'autre part, une
étude statistique de la relation (II).
SECTION I : PROTECTION SOCIALE ET PRODUCTIVITE
DU TRAVAIL AU CAMEROUN.
La productivité du travail est mesurée par le
rapport valeur ajoutée sur le nombre d'emploi d'après l'Institut
National de la Statistique du Cameroun. Cette section permettra de comprendre
certains aspects de la politique de protection sociale pratiquée au
Cameroun (I1), ainsi que l'évolution de la productivité du
travail dans le secteur formel et informel (I-2).
I-1 : Présentation du système camerounais de
protection sociale
Le but dans cette sous-section n'est pas de fournir une
présentation exhaustive du système de protection sociale
actuellement en vigueur au Cameroun, mais plutôt de le schématiser
afin de le comparer plus facilement aux conclusions du chapitre
précédent. La
32
présentation du modèle camerounais de protection
sociale se situera à deux niveaux : institutionnel (I-1-1) et la prise
en charge actuelle des malades à travers le service d'assurance maladie
(I-1-2).
I-1-1 : Cadre institutionnel
L'analyse du cadre institutionnel sera centrée sur
l'organe public en charge de la sécurité sociale et de l'emploi,
mais aussi sur le secteur privé qui a connu beaucoup d'échecs et
montre une rentabilité limitée.
A : La Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale
Le régime camerounais de protection sociale a
été mis en place en 1956, il est actuellement géré
par la Caisse Nationale de Prévoyance sociale (CNPS) et ne s'adresse
qu'aux seuls travailleurs salariés relevant du code du travail et aux
membres de leurs familles. Les cotisations sont assises sur l'ensemble des
sommes versées aux travailleurs ou à l'occasion du travail. En
aucun cas, le montant des salaires servant d'assiette aux cotisations des
employeurs ne peut être inférieur au montant du salaire minimum
applicable au lieu de l'emploi pour une durée de travail correspondante.
Les prestations servies par la CNPS sont classées en trois
catégories et versées aux demandeurs qui remplissent les
conditions pour en bénéficier : la catégorie des
prestations familiales, la catégorie des pensions vieillesse,
invalidité et décès, et la catégorie des risques
professionnels (maladies professionnelles, accidents de travail).
Les prestations de ces catégories sont
complétées par celles de l'action sanitaire et sociale servies de
façon gratuite ou avec une participation symbolique des
bénéficiaires.
Avant 1978, seuls les allocataires ou les membres de leurs
familles avaient droit aux prestations de l'action sanitaire et sociale. Sous
la pression de la demande, la caisse a multiplié ses oeuvres sociales
dés 1978 et élargie leur accès à toutes les couches
sociales, sans distinction, mieux, elle a décidé d'accorder dans
ses formations sanitaires des réductions substantielles en
matière de soins médicaux aux assurés sociaux, ainsi
qu'aux titulaires des pensions et des rentes.
Le Gouvernement a entrepris au début des années
80 l'extension de la catégorie des prestations familiales aux
agriculteurs organisés en coopératives.
Le financement des catégories gérées par
la CNPS et l'action sanitaire et sociale est assuré par :
·
33
Les cotisations des employeurs pour les catégories des
prestations familiales et des risques professionnels ;
· Les cotisations des employeurs et des travailleurs
pour la catégorie des pensions ;
· Un prélèvement sur les cotisations des
trois catégories et les participations des usagers pour l'action
sanitaire et sociale.
Par exemple, les effectifs des assujettis à la CNPS en
1998/1999 se répartissaient en deux groupes, d'une part 70000 employeurs
enregistrés dont 20000 mouvementaient leurs comptes et d'autre part,
570000 assurés sociaux. Dans ce dernier groupe, l'on comptait 200000
allocataires inscrits ayant 700000 enfants bénéficiaires
d'allocations familiales, 7000 crédirentiers et 50000
bénéficiaires de pensions dont 20000 pensionnés et 30000
ayants-droits27.
L'inadaptation du système.
Cette inadaptation a été accentuée par la
crise économique et s'est traduite par :
· la stagnation du niveau des prestations servies qui
n'ont pas été revalorisées pour tenir compte de la hausse
du coût de la vie ;
· la non prise en charge des nouveaux risques dans les
catégories déjà couvertes ;
· la non-extension des catégories existantes
à d'autres couches sociales, qui ont été obligées
de développer la vie associative comme palliatif de ce vide ;
· la limitation de la couverture sociale aux
travailleurs salariés qui représentent à peine 10% de la
population, excluant les populations exerçant dans le secteur informel,
le secteur rural ou des professions libérales ;
· la centralisation de la gestion de la
sécurité sociale par la CNPS.
Le gouvernement camerounais a entrepris à la fin de
décembre 1999, une reforme du système de sécurité
sociale comportant d'une part, la réhabilitation de la Caisse Nationale
de Prévoyance Sociale, et d'autre part, une extension de la
sécurité sociale aux autres couches de la population non encore
ouvertes.
B : La protection de
l'emploi
Il y a un effort en matière de la formulation d'une
politique globale de l'emploi avec la création du Fond National de
l'Emploi (FNE).
Le FNE a été institué par décret
n° 90/805, du 27 avril 1990 dans le cadre de la dimension sociale de
l'ajustement. Les objectifs qui lui sont assignés sont les suivants :
27 Données recueillies dans le Rapport sur le
Développement Humain au Cameroun 2003, PNUD.
·
34
accroître la possibilité de l'emploi ;
· diffuser les informations aux chercheurs d'emploi ;
· favoriser l'insertion des jeunes dans le circuit de la
production ;
· favoriser la réinsertion des travailleurs
licenciés pour les raisons économiques des entreprises des
secteurs public et privé ;
· concevoir, financer et suivre des programmes ayant
trait à la formation sur le tas et à l'apprentissage, la
formation formelle et l'auto-création d'emploi.
Le FNE finance des projets d'auto-emploi à concurrence
de deux millions de FCFA ; en outre, il apporte un appui à la
création des micro-projets jugés viables à hauteur de
vingt millions de FCFA. Toutefois, un apport personnel de 20% du coût
total du projet est exigé par le FNE au promoteur.
Dans le domaine de l'emploi, la politique d'insertion ou de
réinsertion - du FNE n'a pas encore produit un impact substantiel. Cette
institution a souffert de deux types de faiblesses :
· les modules de formation qui ont été
proposés ne sont pas toujours adaptés aux besoins du
marché de l'emploi en pleine recomposition. Ceux qui
bénéficient des programmes de formation du Fond n'ont toujours
pas de chance de trouver un emploi où ils pourraient mettre à
profit les enseignements reçus ;
· les personnes formées et qui ont voulu
créer leurs petites entreprises, n'ont pas trouver sur la place, les
financements adaptés à leurs besoins et aux profils de leurs
unités. Si bien qu'on en vient à se demander s'il serait
souhaitable de compléter l'action du FNE par la mise sur pied d'une
institution de micro- financement qui accorderait des appuis financiers aux
jeunes promoteurs d'entreprises, en articulation avec la formation
reçue.
D'autres efforts ont été fournis dans le cadre
de cette politique globale de l'emploi, on peut citer :
· la « politique contractuelle » au niveau des
entreprises pour atténuer les nombreux licenciements ;
· la politique de « Dialogue Social »
définie par le Ministère du Travail et de la
Sécurité Sociale pour résoudre les différents
problèmes des travailleurs ;
· la révision du code du travail ;
· l'incubateur de micro-entreprises et PME ;
· projet de refonte de la sécurité sociale
;
·
35
les larges débats sur les nouvelles politiques
économique et fiscale favorables à l'emploi.
Assurances privées.
En matière d'assurance privée, ce sont des
structures régies par le code CIMA (Conférence Interafricaine de
Marchés d'Assurance) qui gère ce type d'assurance. La population
cible est constituée de moins de 20% de la population travaillant dans
le secteur formel. Bien que non connu avec exactitude la population couverte
par ce type d'assurance est donc faible (moins de 5%)28.
Il existe aussi au Cameroun un système de protection
sociale constitué de dispositifs hétérogènes de
types de mutuelles ou micro-assurance de santé, destinés à
différents groupes minoritaires de population.
Ce système est largement appuyé par la
coopération internationale.
Parmi des mutuelles présentent au Cameroun on peut citer
:
· la mutuelle ASIPES (Association Islamique pour la
Promotion de l'Education et de la Santé), appuyée par la
Coopération Suisse ;
· la mutuelle d'entreprises ;
· les organisations traditionnelles de solidarité
(mutuelles de type ethnique ou clanique).
I-2-2 : Les formes actuelles de prise en charge des
malades
Dans un premier temps, la santé publique a joué
un rôle dominant dans le secteur de la santé au Cameroun. Cela
n'est plus vrai aujourd'hui, même si la tarification des services de
santé, officielle ou parallèle, ne correspond pas aux coûts
réels de revient, et s'il reste donc une forme de subvention publique
aux dépenses de santé, près de 4/5 des dépenses des
santé sont actuellement assumées par les ménages, la part
de dépense de santé dans les dépenses totales ayant
été de 7,13% en 1996 et de 7,6% en 2001 (ECAM I et II).
On peut estimer que 4 à 5% seulement de la population
camerounaise dispose, actuellement d'une protection contre le risque maladie.
Il faut ajouter un pourcentage difficile à chiffrer, mais l'ordre de
15%, qui dispose d'une couverture très partielle du risque grâce
aux caisses de recours mises en place dans le cadre des « associations
» ou des tontines traditionnelles.
Le secteur santé comprend trois sous-secteurs :
28 Voir une étude sur « santé et couverture
sociale » dans
www.gipspsi.org.
36
- Le sous-secteur public qui comprend en plus des structures
sanitaires du Ministère de la Santé publique, celles sous tutelle
des autres départements ministériels que sont les
Ministères de la Défense, de l'Emploi, du Travail et de la
Sécurité sociale, de l'Education nationale, des Affaires Sociales
etc.
- Le sous-secteur privé qui regroupe d'une part, les
structures sanitaires privées à but non lucratif (confessions
religieuses, associations et diverses organisations non gouvernementales) et
d'autre part, les structures sanitaires privées à but lucratif
(cliniques médicales et cabinets de soins).
- La médecine traditionnelle qui occupe une place
importante dans le secteur santé mais qui est peu
réglementée. Les dépenses de santé, les indicateurs
principaux (en 2003) et les ressources humaines de santé (en 2004) au
Cameroun, sont résumées en annexe (voir annexe1.1).
A : La prise en charge du risque maladie dans
l'économie moderne
Dans le secteur moderne de l'économie,
particulièrement dans les filières agro-alimentaires et
agro-industrielles, la protection maladie assurée comme dans le cadre du
modèle ancien, inspiré de la médecine gratuite :
l'infirmerie, le centre de santé ou de petit hôpital interne prend
en charge à la fois la maladie et les accidents de travail :
· le service est de niveau très inégal ;
· les coûts sont disparates, allant de moins de
20000 à 800000 FCFA annuels par salarié.
Dans le souci d'ouverture vers l'extérieur, la
protection des salariés basée sur la dépense de soins en
interne évolue de plus en plus vers un système mutualiste,
où la contribution et le contrôle sont partagés entre
employés et employeurs. Le système est efficace, et permet une
bonne maîtrise des coûts, malgré une certaine absence
d'encadrement prudentiel. Les limites dans la prise en charge des soins sont
fixées en fonction des ressources disponibles (ticket modérateur
et forfait par famille). Le système laisse, en général une
place pour l'assurance maladie privée pour l'encadrement, souvent
à des prix très élevés, éventuellement aussi
pour l'ensemble du personnel, parfois dans la limite des dépenses
hospitalières.
Malgré l'existence d'un texte législatif
prévoyant la prise en charge de 60% des soins de
santé29, très imparfaitement appliqué, et
malgré l'existence de quelques mutuelles de santé et
29 En cas de maladie ou d'accident non imputable au
service, l'Etat participe à concurrence de 60% au frais de soins
médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, de
rééducation fonctionnelle et d'apprentissage, pour le
37
de nombreux essais, le fonctionnaire camerounais n'est, en
général, pas couvert pour ses dépenses de santé.
Même si les entreprises au
Cameroun30continuent d'assurer la couverture du risque maladie pour
leurs salariés, au niveau du pays, la dépense totale
assurée par les entreprises représente environ 8% des
dépenses de santé.
B : L'assurance maladie dans le secteur
informel et dans le monde rural.
Dans le secteur informel et dans le monde rural, les
expériences de mise en place de systèmes d'assurance
destinés à couvrir le risque maladie se réduisent à
quelques rares exemples de mutuelles, à la portée très
limitée et à durée de vie incertaine.
Les raisons les plus souvent évoquées pour
cette rareté d'initiative réussie sont :
l'hétérogénéité sociale et
économique, le manque de confiance dans la gestion des fonds et dans la
durabilité des services fournis, la difficulté du contrôle
en cas d'utilisation abusive, la difficulté dans les milieux pauvres de
payer le minimum requis pour le fonctionnement d'une mutuelle, les mauvaises
expériences et l'absence d'exemples réussis, l'absence de
formation sanitaires assez efficaces pour pouvoir susciter des
adhésions.
En revanche, l'investissement des associations dans la forme
embryonnaire de couverture du risque maladie est croissant. Alors que
l'exclusion des ménages urbains de l'assurance formelle est presque
totale - les chefs de ménage comptent, essentiellement, soit sur
eux-mêmes (48% des cas), soit sur le conjoint (38% des cas) - une
contribution des associations à la prise en charge du risque maladie est
constatée dans 14% des cas. L'exclusion des ménages en termes de
santé implique le recours à des formes rénovées de
la société traditionnelle (Epée Kotto, 2004).
I-2 : Analyse comparative des évolutions de la
productivité du travail dans les secteurs formel et informel
L'étude de la productivité du travail peut
être faite, d'une part, en analysant les écarts de
productivité dans les secteurs formel et informel (I-2-1) et d'autre
part, en expliquant les différences de productivité pour les
individus identiques (I-2-2).
fonctionnaire, son conjoint et ses enfants légitimes,
reconnus ou adoptifs(30% en cas de soins auprès du secteur
privé). Décret n°2000/629 PM du 13.09.2000, article 16.
30 Celles qui paient les impôts, cotisent
à la CNPS, adhérent au Groupement Interpatronal du Cameroun
(GICAM).
38
I-2-1 : productivité du travail dans le secteur
formel et dans le secteur informel
Dans le graphique (2.1), l'évolution de la
productivité du travail par secteur d'activité laisse
présager que durant la période 1993 à 2002, la
productivité du travail dans le secteur informel a été
très faible. Le secteur informel inclut « les entreprises
individuelles privées (sauf les quasi-sociétés), qui
produisent au moins une partie de leurs biens et services destinés
à la vente ou à l'échange, possèdent moins de 5
employés, ne sont pas enregistrées, et sont impliquées
dans les activités non-agricoles (y compris les activités
professionnelles ou techniques), les domestiques sont exclus.31 Sur
le plan national, d'après la définition officielle, le taux
d'informatisation représente le rapport entre le nombre d'actifs dans le
secteur informel ou ayant une activité précaire et le nombre
total d'actifs occupés. Il est important de préciser que cette
définition nationale du secteur informel inclue aussi les travailleurs
agricoles du milieu rural. Il s'avère donc que le faible niveau de
productivité du travail de ce secteur est dû à la faible
couverture sociale que connaissent les travailleurs exerçant dans ce
milieu. Car ceux-ci sont exposés à d'énormes risques ce
qui fait qu'ils adoptent des comportements sous-optimaux en termes de
capacités de production. Les taux d'accidents sont bien plus
élevés parmi les travailleurs qui ont peu de moyens d'en
être indemnisés.
Toutefois, les traitements dans le secteur formel sont
différents de celui présenté ci-dessus. Dans ce secteur,
on trouve généralement des normes de travail, l'existence de
syndicats qui négocient des traitements des travailleurs dans les
différentes structures. Les travailleurs de ce secteur, se sentant bien
traité, adoptent une stratégie coopérative. On constate
une hausse de l'intensité et de la qualité de travail, qui a pour
effet d'élever les gains de productivité dans le secteur formel
comparé à ceux observés dans le secteur informel. Cela
peut être confirmé par l'allure de la courbe de la
productivité dans le secteur formel qui croit de façon
remarquable depuis 1996 jusqu'à 2000, année où la
politique sociale devient une préoccupation des décisionnaires
avec l'éligibilité du Cameroun à l'initiative des Pays
Pauvres Très Endettés (PPTE). La courbe de la productivité
dans le secteur informel connaît une évolution plus
modérée durant toute la période.
Le graphique présente par ailleurs, la courbe de
productivité du travail dans le secteur formel largement au dessus de
celle du taux de productivité du travail dans le secteur informel. On
peut donc dire que la différence de productivité entre les deux
secteurs est
31 D'après le Groupe International des Experts
su les Statistiques du Secteur informel.
imputable à une différence des politiques de
protection sociale pratiquées dans ces secteurs. Durant toute la
période, la productivité totale du travail a évolué
de façon plus ou moins constante. Cette évolution est semblable
à celle dans le secteur informel, ce qui signifie que ce secteur exerce
une très grande influence sur l'ensemble de l'économie.
Les données utilisées pour représenter
ce graphique, sont issues de l'Institut National de la Statistique : les
comptes nationaux du Cameroun32.
Graphique 2.1 :
productivité
9000
8000
6000
5000
4000
2000
7000
3000
1000
0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
ANNEES
EVOLUTION DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL PAR SECTEUR
D'ACTIVITE AU CAMEROUN
PRODUCTIVITE TOTALE DU TRAVAIL PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU
SECTEUR FORMEL
PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU SECTEUR INFORMEL
Source : INS-Annuaire Statistiques de l'économie
camerounaise 2004.
On peut trouver une explication à ces écarts de
productivité en se référant à la théorie du
salaire d'efficience.
I-2-2 : Comment expliquer les écarts de
productivité pour les individus identiques ?
Une application assez directe des idées de la
théorie du salaire d'efficience concerne la description dite dualiste du
marché du travail (voir Cain, 1976, pour un exposé complet). En
résumé, elle regroupe l'ensemble des entreprises autour de deux
secteurs, appelés primaire et secondaire, et
correspondant chacun à un mode de fonctionnement différent du
marché du travail.
39
32 Voir tableau 2.1 dans ce chapitre.
40
Les emplois dans le secteur primaire se caractérisent
par des hauts salaires, d'une plus grande sécurité sociale et des
possibilités de promotion. A l'inverse, les emplois du secteur
secondaire sont associés à des bas salaires, offrent peu de
sécurité sociale et des promotions limitées. Les
travailleurs du secteur secondaire préféreraient être
employés dans le primaire, mais les salaires de ce secteur sont peu
flexibles et les emplois s'y trouvent rationnés. Cette
description s'accorde bien avec les théories du
salaire d'efficience. En
contrôlant l'hétérogénéité des
employés, il apparaît que les firmes à hauts salaires ont
une productivité supérieure aux autres. Autrement dit, avec une
main-d'oeuvre identique, les firmes offrant une couverture sociale plus
élevée ont une productivité plus forte.
Une évaluation statistique peut permettre de mieux
cerner l'incidence des politiques de protection sociale sur la
productivité de la main d'oeuvre.
SECTION II : EVALUATION STATISTIQUE DE LA
RELATION ENTRE LA PROTECTION SOCIALE ET LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
L'objectif de cette section est de tester l'hypothèse
H1 selon laquelle, une hausse de la
couverture sociale entraîne une augmentation de la
productivité de la main d'oeuvre. On analysera l'évolution de la
productivité du travail et des mesures de protection sociale (II-1), et
on déterminera le lien entre une variable de protection sociale et une
variable de productivité du travail (II-2).
II-1 : Evolution de la productivité du
travail, des cotisations sociales et des prestations sociales
reçues
Cette évolution sera appréhendée, d'une
part à travers une analyse du tableau présentant la
productivité du travail et des cotisations sociales (II-1-1) et d'autre
part, graphiquement, à travers l'évolution des courbes de
productivité du travail et des prestations sociales reçues par
les ménages (II-1-2).
II-1-1 : Productivité du travail et cotisations
sociales
La population active est la population en âge de
travailler et qui dispose d'un emploi ou est au chômage. Au niveau
microéconomique, il y a eu des progrès en termes d'emploi, mais
le constat général est celui d'une précarisation
croissante des emplois, malgré le signal flatteur de quelques
indicateurs de croissance de la productivité. Ici on caractérise
le niveau de
41
productivité de la population (A) et l'évolution
comparée de la productivité du travail et des cotisations
sociales au Cameroun (B).
A : Caractérisation du niveau
d'activité
La population active au Cameroun est estimée à
5749000 d'individus donc 77,5% de sexe masculin et 66,9% de sexe féminin
(ECAM, 2001). Le taux d'activité est élevé dans la
population et particulièrement celle résidant en milieu rural. La
reprise économique amorcée en 1994 a contribué à
augmenter le taux d'activité par la création des nouveaux
emplois. Le taux de salarisation a également augmenté en faveur
de la reprise économique. Le secteur informel demeure le principal
pourvoyeur d'emploi avec près de 90,4% de la population active
occupée. La population active camerounaise exerce aussi en grande partie
dans l'agriculture en milieu rural. Elle est aussi caractérisée
par la prééminence persistante d'une main d'oeuvre abondante mais
mal formée. Selon les estimations, elle est insuffisamment instruite ou
qualifiée : près de 40% des actif n'ont jamais été
à l'école, 45% ont le niveau universitaire (DSCN, 2001).
Ce niveau de qualification, ainsi que diverses prestations de
sécurité sociale influent sur les gains de productivités
des entreprises.
B : Evolution de la productivité du
travail et des cotisations sociales
L'évolution de la productivité du travail et
des cotisations sociales se présente comme l'indique le tableau suivant
:
Tableau 2.1 : Evolution de la
productivité du travail et des cotisations sociales au Cameroun de
1993-2002.
Années
|
1993
|
1994
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
productivité du
travail (en milliers de FCFA)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Formel
|
2621,5
|
3890,9
|
3931,3
|
3080,7
|
3682,1
|
6164,8
|
6411,2
|
7699,0
|
6934,6
|
5081,6
|
Informel
|
547,2
|
545,6
|
546,7
|
559,0
|
551,4
|
524,5
|
523,8
|
517,5
|
512,3
|
497,9
|
Ensemble
|
877,8
|
961,0
|
1054,9
|
1054,9
|
1078,5
|
1125,2
|
1158,2
|
1201,3
|
1158,2
|
1158,2
|
Cotisations sociales
(en milliards de
|
50,93
|
47,98
|
56,08
|
78,54
|
62,72
|
88,90
|
96,62
|
68,58
|
74,26
|
75,68
|
FCFA)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source : INS, Comptes nationaux du Cameroun, 2004.
42
Sur toute la période et de façon
générale, la productivité du travail évolue de
façon constante et régulière. Elle se situe au dessus de
1000 milliers de FCFA par an et par tête de travailleur dés 1995.
L'évolution de la productivité du travail dans les secteurs
formel et informel permet de constater que le niveau de productivité du
travail dans le secteur informel est resté en-deçà de 560
milliers de FCFA par travailleur et par an sur toute la période. L'ordre
de grandeur de ce ratio dans le secteur formel excède 2621 milliers de
FCFA est a presque doublé en 1998. Ceci peut s'expliquer par le fait que
les employés de ce secteur jouissent d'une bonne couverture sociale et
sont donc incités à plus de productivité.
Les cotisations sociales ont connues une évolution
galopante, mais atteignent leur plus haut niveau en 1999 où elle se
situe à 96,62 milliards de FCFA, puis une baisse se situant presque
autour de la moyenne durant la période. L'étude graphique permet
de prolonger l'analyse de l'incidence de la protection sociale sur la
productivité du travail.
II-1-2 : Analyse Graphique
Ici, on représente graphiquement les taux de
croissance de la productivité du travail et des prestations sociales
afin de cerner l'impact de la protection sociale sur la productivité du
travail des individus. TCPT et TCPS représentent respectivement le taux
de croissance de la productivité du travail et le taux de croissance des
prestations sociales.
Le graphique (2.2) ci-dessous laisse apercevoir une
évolution dans le même sens des deux variables durant la
période. Ainsi, les courbes décroissent jusqu'en 1996 presque au
même taux car elles se rencontrent au point correspondant à
l'année 1995. Elles remontent jusqu'en 1998 où elle chute
à nouveau. On peut donc dire que ces deux variables connaissent les
fluctuations presque identiques. L'observation de ces deux courbes laisse
présager une présomption de corrélation entre les deux
variables. Car de manière générale une baisse des
prestations sociales reçues entraîne in fine une
diminution de la productivité du travail dans l'économie.
43
Graphique 2.2 :
TAUX
0,35
0,25
0,15
0,05
0,3
0,2
0,1
0
CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL PAR RAPPORT AUX
PRESTATIONS SOCIALES
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
ANNEES
TC PS TC PT
Source : Construction de l'auteur
Au terme de cette analyse graphique, il ressort que la
protection sociale améliorerait la productivité du travail des
individus. Ce qui apparaît conforme avec l'incidence théorique
présentée au chapitre précédent. Mais, un test
statistique pourrait permettre de mieux comprendre le sens de la
causalité.
II-2 : Détermination du lien entre protection
sociale et productivité du travail
Le test de l'hypothèse H1 peut se
faire à travers l'étude de la corrélation entre une
mesure de protection sociale et une mesure de la
productivité du travail. Ainsi on représentera tout d'abord la
courbe de régression des deux variables (II-2-1), ensuite on
déterminera le coefficient de corrélation (II-2-2).
II-2-1 : Etude de la régression de la
productivité de la main d'oeuvre en fonction des prestations
sociales
On suppose que X représente la variable de
protection sociale et Y la variable de productivité de la main
d'oeuvre. La courbe de régression de Y en X
n'étant pas parallèle à l'axe des abscisses, la
connaissance de la valeur prise par X apporte une information
supplémentaire sur les valeurs susceptibles d'être prises par
Y . Sans qu'une loi rigoureuse préside leurs relations, il
existe alors une certaine dépendance entre les variables
étudiées.
44
Lorsqu'une variable Y est en corrélation avec
une variable X , la courbe de régression permet de
résumer de façon commode la liaison existant entre les deux
variables. Ce résumé a d'autant plus d'intérêt que
la courbe de régression est plus « représentative » de
l'ensemble de la distribution à deux variables.
Le graphique ci-dessous représente la courbe de
régression de la productivité du travail par rapport aux
prestations sociales reçues. La relation apparaît ici être
croissante. Ceci amène à présupposer une certaine
corrélation entre ces deux variables
Graphique2.3
COURBE DE REGRESSION DE Y EN X
Y
|
1400 1200 1000 800 600 400 200
0
|
|
Y=F(X)
|
|
1 2 3 4 5 6 7 8 9
X
Source : construction de l'auteur
Toutefois le résultat serait plus convaincant si on
détermine le coefficient de corrélation des deux variables en
question.
II-2-2 : Détermination du coefficient de
corrélation
Le coefficient de corrélation a pour objet de mesurer
l'intensité de la liaison entre les deux variables X et Y
.
A : Définitions et méthode de
calcul de la corrélation
Il s'agit ici de voir si une variation de la politique de
protection sociale entraîne une variation dans le même sens de la
productivité du travail des individus, en d'autres termes, s'il existe
une liaison forte entre les deux variables.
45
Pour ce faire, on considère simultanément deux
caractères numériques X représentant une mesure
de protection sociale et Y représentant une mesure de
productivité du travail des individus, définis sur une même
population finie û = {w 1, . . .
.wk } .
On appelle covariance du couple (X,
Y) et on note S2 (X, Y) la
moyenne du produit Z = [X - M(X)][Y
- M(Y) ], soit :
S X Y M X M X Y M Y
2 ( , ) = [ ( - ( ))( - ( ))] . Elle est positive
lorsque Z prend, « dans l'ensemble » des valeurs positives,
c'est-à-dire lorsqu'une grande valeur de X (i.e. X
> M(X)) a tendance à entraîner une
grande valeur de Y (i.e. Y > M(Y)). La
covariance est donc positive lorsque X et Y ont tendance
à varier dans le même sens, elle est négative dans le sens
contraire. La détermination du coefficient de corrélation permet
de mieux affiner les analyses.
Soit p le coefficient de corrélation, on a
respectivement l'écart-type de X et celui de Y .
|
S XY
2 ( )
p = . Où o X et o
Y représentent o o
x Y
|
|
· Si les variables X et Y sont
indépendantes, le coefficient de corrélation est
égal à 0. En effet, lorsque les deux variables
sont indépendantes : ( ) 0
S 2 XY =
S XY
2 ( )
d'où p = =0
oo
x Y
· Le coefficient de corrélation est compris entre
-1 et +1 c'est-à-dire -1=p=+1.
· Si les deux variables X et Y sont
liées par une relation fonctionnelle, le coefficient de
corrélation est égal à -1 ou +1.
· Entre ces deux extrêmes, absence de
corrélation et liaison fonctionnelle, le coefficient de
corrélation constitue une mesure de la plus ou moins grande
dépendance entre deux variables statistiques. Sa valeur absolue est
d'autant plus proche de l'unité que cette dépendance est forte.
Le coefficient de corrélation est positif en cas de liaison directe,
négatif en cas de liaison inverse.
B : Présentation des résultats et
interprétations
A l'aide du logiciel de calcul Microsoft Excel 2003, on a pu
calculer le coefficient de corrélation et la covariance des deux
variables X et Y .
46
Justification du choix de calcul du coefficient de
corrélation
Les données sur la productivité du travail
(Y ) et les prestations sociales reçues ( X )
proviennent de l'Institut National de la Statistique et couvre la
période 1994-2002. Le choix de cette période est dû
à la reprise économique amorcée en 1994 et à la
disponibilité des données.
Par ailleurs, dans un cas comme celui-ci, où les
observations sont individualisées (une par an), il n'aurait pas
été possible de calculer le rapport de corrélation qui
nécessite le regroupement en classes des observations : celles-ci ne
sont pas suffisamment nombreuses.
Le tableau ci-dessous présente la corrélation
entre les prestations sociales et la productivité du travail au
Cameroun, ainsi que le coefficient de corrélation des deux variables.
Tableau 2.2 : Corrélation entre
prestations sociales et productivité du travail
coefficient (X,Y)
|
de
|
corrélation
|
Covariance (X,Y)
|
0,8588917
|
|
|
27181086,5
|
|
Source : Calculs de l'auteur
On constate que la covariance est positive et forte car ( , )
=
S 2 X Y 2718086,5
Ce qui signifie qu'une forte variation de la protection
sociale dans une firme ou dans le pays entraîne une forte variation de la
productivité du travail dans l'économie. Le coefficient de
corrélation ñ = 0,8588917 est
très proche de l'unité, ce qui signifie qu'il y
a approximativement liaison fonctionnelle directe entre les deux variables.
Ceci justifie bien les prédictions théoriques d'une liaison forte
entre la productivité des individus et leur degré de couverture
sociale.
CONCLUSION
En fin de compte, il ressort qu'au Cameroun la protection
sociale est surtout basée sur la solidarité et est en partie
gérée par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS)
et les assurances privées qui ont des difficultés à se
mutualiser. Les résultats actuels des institutions en charge de la
protection sociale au Cameroun sont en-deçà des attentes des
populations à cause de l'étroitesse de la couverture et de la
forte demande engendrée par la croissance
47
démographique33. Par ailleurs, la
productivité du travail est faible dans le secteur informel car celui-ci
regorge en général les travailleurs travaillant pour leur propre
compte (prés de 60% des emplois indépendants). Ce qui
témoigne de la progression faible de l'emploi dans le secteur formel qui
connaît pourtant un niveau de productivité élevée.
La productivité du travail peut être affecté par le niveau
de protection sociale, cela a été démontré à
travers l'étude de l'intensité de la liaison de ces deux
variables. Ainsi le coefficient de corrélation trouvé est
très proche de l'unité et la covariance positive. Ce qui permet
de conclure qu'une variation plus forte de la protection sociale entraîne
une variation forte et dans le même sens de la productivité du
travail. Ces résultats confirment les analyses théoriques
effectuées au chapitre précédant et l'hypothèse
H1 connaît ainsi sa vérification.
33 Ce taux de croissance démographique se
situe annuellement autour de 2,1% d'après la CEA-Les économies de
l'Afrique centrale 2004.
48
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
L'analyse de l'incidence théorique de la protection
sociale sur la productivité du travail a permis de constater que la
protection sociale représente une grande motivation qui a pour effet
d'encourager les travailleurs à fournir plus d'effort dans l'exercice de
leurs tâches. De même, les filets de sécurité sociale
offerts par les firmes améliorent l'intensité et la
qualité du travail. Une mise en exergue de la théorie du salaire
d'efficience et du capital humain a permis d'établir les liens entre
protection sociale - productivité du travail et de considérer la
protection sociale non seulement comme un coût, mais comme un «
investissement productif » qui améliore la productivité des
individus.
La couverture sociale au Cameroun reste trop étroite,
car ne satisfaisant pas entièrement une grande partie de la demande de
la population active qui connaît pourtant une croissance remarquable ces
dernières années. Cette situation reflète tout simplement
la pauvreté et le caractère précaire34 et
instable de l'emploi qui pousse bon nombre d'individus à travailler
longtemps dans l'espoir d'augmenter leur rémunération. Ce
phénomène touche en particulier les personnes employées
dans l'informel. Le niveau de productivité dans le secteur formel est
remarquable, mais compte tenu du faible niveau des emplois dans ce secteur, le
niveau de productivité du travail totale reste en moyenne
inférieur à 1054milliers de FCFA par travailleur et par an.
L'étude statistique de la corrélation entre
protection sociale et productivité du travail a permis de remarquer que
cette dernière subirait l'influence de la protection sociale. Car on a
pu trouvé un coefficient de corrélation très proche de
l'unité et une covariance forte et positive.
Toutefois il ressort que la productivité du travail et
la croissance ont des liens théoriques et empiriques évidentes
telle présentées par de nombreuses études (Kobou, 2002 ;
Cette, 2004). Mais les effets macroéconomiques de la protection sociale
sur la croissance s'avèrent intéressants dans la mesure où
les dépenses de protection sociale sont accusées d'être un
obstacle à la croissance. C'est de cela qu'il s'agira de vérifier
dans la deuxième partie de cette étude.
34 Très peu de travailleurs disposent d'un
contrat de travail formel.
Deuxième partie
PROTECTION SOCIALE ET CROISSANCE : diagnostics
macroéconomiques
49
50
INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE
Depuis quelques années, le concept de «
protection sociale » est l'un des grands sujets du débat
consacré à la politique sociale et des études
théoriques sur la pauvreté et les garanties des ressources. Les
partisans de la lutte contre l'exclusion sociale font valoir que la protection
sociale moderne ne devrait pas se borner aux formes traditionnelles de garantie
des ressources, mais devrait aussi viser, par exemple, à renforcer la
cohésion sociale et la croissance économique (voir Badelt,
1999b). Ainsi, les dépenses de protection sociale ne cessent de
croître dans l'ensemble des pays européens depuis le début
des années 1950. Jusqu'en 1970, cette hausse a pu être
financée sans créer de tensions sur le partage des revenus
grâce à une forte croissance du PIB et des gains de
productivité élevés. Cependant, depuis le début des
années 1970, les dépenses de protection sociale continuent
à augmenter à un rythme soutenu, alors que la croissance de la
production devient plus faible. En France, par exemple, la part des prestations
sociales est passée de 16% à 25% du PIB entre 1970 et 1993 (De
Foucauld, 1995). Au Cameroun le Phénomène n'est pas en reste car,
les dépenses de sécurité sociale sont passées de
10,280 milliards de FCFA en 1975/1976 à 54,640 milliards de FCFA en
2001/200235. Tandis que le PIB par tête évolue au taux
annuel moyen 1,1%, soit plus de 2,5 fois le taux de croissance annuel moyen des
pays d'Afrique subsaharienne, mais moins de 3 fois celui des pays de l'Asie du
Sud-Est36. Cette montée des dépenses de
sécurité sociale au Cameroun constitue-t-elle un frein ou
contribue-t-elle à la relance de l'économie camerounaise par la
croissance ?
L'objectif de cette partie est d'appréhender les
effets théoriques et empiriques de la protection sociale sur la
croissance économique. Ainsi on analysera les mécanismes
théoriques de l'incidence de la protection sociale. De plus, à
partir des données de l'économie camerounaise, on testera la
deuxième hypothèse selon laquelle : une augmentation des
dépenses de protection sociale affecte positivement la croissance.
Cette partie sera traitée dans deux chapitres : le premier chapitre
mettra en exergue la relation théorique et empirique entre la protection
sociale et la croissance à la lumière de la littérature
économique et sociale et le deuxième chapitre fera l'objet d'une
évaluation empirique des effets de la protection sociale sur la
croissance de l'économie camerounaise.
35 Données recueillies à la CNPS et
à l'INS : annuaire statistique de l'économie camerounaise
2004.
36 Le taux de croissance annuel moyen du PIB par
tête est de 0,4% entre 1960 et 1997 pour l'ensemble des pays de l'Afrique
au Sud du Sahara ; il est de 3,9% pour les pays d'Asie du Sud-Est au cours de
la période (O'connell et Ndulu, 2000).
Chapitre3
LA PROTECTION SOCIALE ET LA CROISSANCE :
une présentation de la
littérature
51
INTRODUCTION
« Alors que l'égalité est bonne pour
la croissance- si elle est héritée du passé ou si elle
résulte de facteurs historiques ou exogènes - les politiques qui
visent à introduire davantage d'égalité sont mauvaises
pour la croissance» Rodrik (1998). Les enjeux liés aux
objectifs de réduction de la pauvreté ; de croissance
redistributive et du renforcement d'une économie basée sur la
sécurité et le développement humain place la
stratégie de protection sociale au coeur des politiques publiques. La
protection sociale et la croissance ont des liens théoriques et
empiriques évidents, dans la mesure où les systèmes de
protection sociale peuvent contribuer dans certaines conditions à
l'accroissement ou au ralentissement de la croissance dans un pays. Pour mieux
appréhender ces liens théoriques et empiriques il sera opportun
tout d'abord, d'analyser les mécanismes théoriques de
transmission des effets macroéconomiques de la protection sociale sur la
croissance (I), puis de présenter quelques résultats empiriques
issus des études précédentes (II).
SECTIONI: ANALYSE DES MECANISMES DE
TRANSMISSION DE L'INCIDENCE DE LA PROTECTION SOCIALE SUR LA
CROISSANCE
Les débats consacrés aux politiques de
protection sociale (ou, plus généralement, à
l'Etat-providence) ont traditionnellement revêtu la forme d'un simple
arbitrage entre égalité et efficacité ou entre
équité et croissance une fois définie la fonction de
protection sociale par rapport aux niveaux de revenu des individus. Ainsi, dans
certaines des études, les systèmes de protection sociale seraient
un obstacle à la croissance (I-1), tandis que d'autres présentent
leurs effets positifs (I-2).
52
I-1 : La protection sociale néfaste à la
croissance économique
Il existe une pléthore de théories qui
présentent l'impact négatif que peut avoir les systèmes de
protection sociale sur croissance économique d'un pays, mais compte tenu
de leurs exhaustivités on présentera dans cette sous-section
celles qui ont trait à l'effet sur l'emploi des non qualifiés et
relativement au coût du financement (I-1-1) et celles qui ont trait aux
effets sur l'épargne et l'investissement (I-1-2).
I-1-1 : La contrainte de financement et le rôle
de la protection sociale sur le marché du travail : effets sur
l'attractivité du territoire et chômage des travailleurs peu
qualifiés.
Le financement des systèmes de protection sociale
entraîne un alourdissement de la fiscalité qui a des effets sur
l'attractivité des investissements et la compétitivité
d'une économie (A), puis la hausse des salaires des travailleurs peu
qualifiés induite par la générosité des
systèmes de protection sociale entraîne une hausse du
chômage de cette catégorie de travailleurs (B).
A : Effets sur l'attractivité et la
compétitivité.
Les systèmes de protection sociale sont aujourd'hui
largement contestés car ils auraient un coût économique
élevé pour un rendement social assez faible.
La relation inverse entre prélèvement
obligatoire et attractivité du territoire remet indirectement en cause
les systèmes de protection sociale qui canalisent une part croissante
des prélèvements sociaux et fiscaux. L'attractivité du
territoire est de plus en plus souvent évoquée comme une
condition de développement économique dans un monde totalement
ouvert et caractérisé par une mobilité
élevée des biens, des hommes et des capitaux. La fiscalité
figure parmi les éléments d'attractivité d'un territoire
(Bassanini et Scarpeta, 2002). Une charge fiscale (impôts et cotisations
sociales) perçue comme trop élevée conduirait les agents
les plus dynamiques de la population à s'expatrier (évasion
fiscale et délocalisation) et découragerait les investisseurs
étrangers. Ainsi, les prélèvements obligatoires
grèveraient la compétitivité des entreprises en augmentant
leur coût de production.
Le mode de financement des systèmes de protection
sociale (cotisations sociales ou impôts) pénaliserait l'emploi en
alourdissant le coût du travail. Il est possible de mesurer le taux de
prélèvements obligatoire pesant sur le facteur « travail
» à travers la différence entre le coût total pour
l'employeur et ce que reçoit l'employé après
impôt/cotisations. Cet
53
indicateur dénommé « coin socio-fiscal
», est pertinent économiquement car il donne l'ampleur la
distorsion introduite sur le marché du travail par les
prélèvements fiscaux et sociaux. Un « coin socio-fiscal
» élevé peut entraîner une perte de
compétitivité dans un contexte de concurrence accrue avec les
pays où le facteur travail coûte peu. Cette perte de
compétitivité se traduirait par des délocalisations, des
licenciements et un accroissement du chômage. De plus, les cotisations
sociales patronales, assises sur le salaire brut et s'ajoutant à
celui-ci pousseraient les entreprises à remplacer in fine les
travailleurs par des machines, ce qui serait néfaste pour la croissance
car il y aurait une hausse vertigineuse du taux de chômage.
B : La protection sociale néfaste
à l'emploi des travailleurs peu qualifiés
Les travailleurs peu qualifiés sembleraient être
les plus exposés au chômage généré par le
mode de financement de la protection sociale. Or, en Afrique en
générale, et au Cameroun en particulier la structure de la
population active est encore constituée, pour une large part, des
personnes sans qualification ou à faible qualification. Les effets
distributifs de la protection sociale s'avèrent donc être
importants en termes de revenus, notamment pour les individus les plus
défavorisés. Mais, cette redistribution agit aussi sur le niveau
de l'emploi. Il est possible d'appréhender simplement cet aspect du
problème en supposant que les gains des chômeurs non
qualifiés sont indexés sur une moyenne des salaires de l'ensemble
de la population, tandis que les gains des chômeurs qualifiés ne
dépendent que du salaire des travailleurs qualifiés.
s
Zq=bWq et Z
N bW q W -
1 s
= avec 0 = s = 1
N
Dans cette expression, le paramètre b
s'interprète comme un indicateur du degré de
«générosité» globale de la protection sociale,
tandis que le paramètre s mesure le degré de
«distributivité»du système. Plus s est proche de
l'unité et plus la protection sociale devient redistributive.
Zq et ZN sont respectivement les gains des
chômeurs qualifies et chômeurs
non qualifies de la population, tandis que,
Wq et WN représentent les
salaires des qualifiés et
des non qualifiés respectivement.
Une meilleure protection sociale permet donc de limiter
l'accroissement des inégalités de revenus dû à la
modification de la structure de la demande de travail, mais elle influence
négativement l'emploi des non qualifiés. La déformation de
la demande de travail se répercute sur les taux de chômage au
détriment des travailleurs les moins qualifiés. La maîtrise
des inégalités par le biais de la protection sociale, en
exerçant une pression à la
54
hausse sur les salaires des non qualifiés, conduit
à un accroissement des inégalités en termes de taux de
chômage (Cahuc et Zylberberg, 1996).
L'analyse de l'incidence de l'indemnisation du chômage
sur le fonctionnement du marché du travail est un thème
récurrent. La générosité des allocations de
chômage découragerait l'effort de recherche d'un emploi. Plus
globalement, les prestations sociales, du type « revenu minimum »
freineraient l'activité. En effet, l'octroi de prestations sociales,
même d'un niveau insuffisant pour couvrir les besoins
élémentaires des allocataires, enfermeraient leurs
bénéficiaires dans des trappes à inactivité. Le
raisonnement traditionnel microéconomique repose sur l'idée que
l'individu n'augmente son offre de travail que si cela lui procure un gain
matériel. Or, l'existence des prélèvements sociaux-fiscaux
et les modalités des prestations sociales (aide sociale et allocation
chômage notamment) peuvent conduire à ce que la reprise du travail
représente un revenu faiblement supérieur aux avantages
découlant des prestations.
Selon la théorie du salaire de réserve (Lippman
et Mc Call, 1976), les allocations ont pour effet d'élever le salaire de
réserve, c'est-à-dire le salaire en deçà duquel un
chômeur refuserait de travailler. Ce faisant, les salaires ne peuvent
baisser en dessous des prestations de chômage, même pour les
travailleurs peu qualifiés. Dès lors, les modifications des
conditions qui nécessiteraient une baisse des salaires ne peut s'exercer
librement. Ceci se traduit par du chômage, les entreprises ne pouvant
embaucher au coût du travail en vigueur sur le marché du travail.
Cet effet de seuil, découragerait donc l'enfermement dans les trappes
à inactivité et dans le chômage de longue durée. Or,
ce chômage tend à devenir structurel, l'inemployabilité des
chômeurs augmentant avec l'allongement de la durée du
chômage.
Les systèmes de protection sociale diminueraient donc
l'offre de travail dans l'économie et freineraient la croissance
à long terme. De même, ils peuvent décourager
l'épargne et l'investissement.
I-1-2 : Effets négatifs sur l'épargne et
l'investissement de la protection sociale.
Quand on sait que d'après la théorie de la
croissance, l'épargne et l'investissement sont considérés
comme les moteurs de la croissance économique, la protection sociale
réduirait le niveau d'épargne au sein d'une économie.
Si les régimes de prestations sociales
découragent les individus de travailler, l'offre de travail dans
l'économie diminue, ce qui réduit le niveau de la production et
dans certains cas, de l'investissement et, de ce fait, de la croissance. Quand
le système de protection sociale
55
décourage la population d'épargner, à
moins que l'épargne publique n'augmente d'un montant équivalent,
le capital disponible pour réinvestir diminue. En outre, les
impôts qu'il faut prélever pour pouvoir financer la protection
sociale peuvent rendre l'innovation moins rentable (Mirrless, 1971)
Une large tradition d'économistes met l'accent sur la
dynamique inégalitaire dans une économie. En effet, les hauts
revenus ont une propension marginale à épargner que les bas
revenus. Lorsque leur revenu augmente, ils consacrent à l'épargne
une part plus importante de ce supplément de revenu que les titulaires
des bas revenus qui le consomment davantage. Or, si le taux de croissance d'une
économie dépend de son niveau d'épargne nationale, les
économies les plus inégalitaires où les taux
d'épargne sont les plus élevés connaîtraient une
croissance plus dynamique (Kaldor, 1956). On considère souvent comme une
évidence qu'un système de retraite financé par la
capitalisation favoriserait davantage l'accroissement du niveau de
l'épargne, et donc du taux de croissance du PIB, qu'un système
reposant su la répartition. En effet, dans le cadre de la
répartition, les agents actifs anticipent le bénéfice
d'une pension garantie quand viendra l'âge de la retraite. La
répartition rend donc négligeable la constitution d'une
épargne retraite en période d'activité. A l'inverse, la
capitalisation constitue une incitation forte à l'épargne pour
les ménages actifs, soucieux de se garantir une retraite future.
Bien que la protection sociale ait des effets négatifs
sur la croissance économique comme l'affirme certaines théories,
elle contribuerait aussi à la croissance dans une certaine mesure.
II-2 : La protection sociale, pilier essentiel d'une
croissance économique durable
La protection sociale n'est pas seulement un coût, elle
produit aussi des services dont l'impact sur l'économie est positif en
termes de croissance et de productivité. Il s'agira ici de
présenter la protection sociale comme un instrument de stabilisation
macroéconomique et d'ajustement structurel (I-2-1) et on fera une
analyse intergénérationnelle de la protection sociale et de ses
effets sur le bien-être social des populations (I-2-2).
56
II-2-1 : La protection sociale comme instrument de
stabilisation macroéconomique et facilitateur des ajustements
structurels
La protection sociale des populations a des effets
remarqués sur les indicateurs de stabilisation macroéconomique
d'un pays (A) et sur les mécanismes d'ajustement structurel (B) qui
induisent les perspectives d'une croissance économique.
A : Instrument de stabilisation
macroéconomique
La protection sociale est un soutien de la demande en
période de ralentissement économique. Cet argument classique et
keynésien conserve toute sa pertinence de nos jours. Dés les
trente glorieuses, la protection sociale a été principalement
analysée en Europe comme un instrument contra-cyclique
c'est-à-dire atténuant les effets d'un ralentissement
économique. Les dépenses de protection sociale ont, en effet,
été utilisées comme des instruments de régulation
macroéconomique, contribuant au soutien de la demande. Certes, cet
argument keynésien a été contesté, la fonction de
« stabilisateur automatique » de la protection sociale a
été présentée comme inefficace dans le contexte
d'ouverture des économies nationales. En effet, il est plus
évident que la consommation intérieure d'un pays, soutenue par
des dépenses de protection sociale, se rapporte sur la production
nationale et ne privilégie pas des produits d'importation moins
coûteux.
Les dépenses de protection sociale ne soutiendraient
plus l'activité dans le pays. Par ailleurs, la protection sociale peut
être appréhendée comme un instrument facilitateur des
ajustements structurels.
B : Un instrument facilitateur des ajustements
structurels
Les filets de sécurité sociale servent à
(i) promouvoir l'investissement des particuliers dans leur capital
humain et (ii) à réduire l'opposition politique aux
mesures d'ajustement et aux politiques propices à la croissance. En
effet, la protection sociale pourrait faciliter l'ajustement structurel dans la
mesure où une société est amenée à faire des
choix politiques et économiques « difficiles », ainsi, elle
évitera qu'une catégorie ou une classe sociale ne reste à
ce point à la traîne du mouvement général, qu'il lui
soit impossible de participer à l'économie marchand, occasionnant
à cet effet une perte permanente de production
57
potentielle : le fait de mettre les enfants à l'abri de
la pauvreté peut avoir des avantages à long terme sur leur
développement social et intellectuel, etc.
Certains auteurs à l'instar de Ahmad, Drèze et
Sen (1999), analysent la protection sociale comme une « aide à
l'adaptation technologique ». La protection sociale en réduisant
les inégalités et en visant l'inclusion notamment par le biais
des minima sociaux, est génératrice de la cohésion
sociale. Ce faisant, elle peut éviter l'accroissement des
dépenses moins productives à l'instar de celles relatives
à la sécurité des biens et des personnes (prisons,
gardiennage, surveillance,...) qui peuvent être perçues comme la
résultante d'une régulation sociale défaillante. Dans les
périodes d'ajustements structurels, cette cohésion sociale permet
à certaines catégories de la population d'être trop
rapidement et trop radicalement exclues du marché du travail, et de se
retrouver en marge de la société (CAE, 2001)
Le filet de sécurité offert par les
systèmes de protection sociale donne la possibilité aux
sociétés d'opérer des choix politiques et
économiques « difficiles » dont l'objectif est de favoriser la
transition des secteurs peu productifs vers des secteurs plus productifs. Sans
ce filet des ajustements structurels seraient moins acceptables socialement et
freinés ; ce qui à terme, diminuerait le potentiel de croissance
de certains pays.
II-2-2 : Approche intergénérationnelle
de la protection sociale et amélioration du bien-être
social
Les systèmes de protection sociale bien conçus
ont un impact positif sur les générations car ils permettent de
lier financièrement les diverses générations des
populations (A) et contribuent à améliorer le bien-être
social des individus (B).
A : Une réponse au « dilemme des
générations »
Dans un monde à générations
imbriquées, trois générations se côtoient : les
actifs, les jeunes et les personnes âgées, ces deux derniers
groupes ne produisent pas de richesse. Si l'on confiait au marché la
prise en charge des besoins de ces différents groupes, le système
ne serait pas efficient. Cet argument est valable pour les théoriciens
des défaillances du marché présenté ci-dessus. Un
système où chacun cotiserait pour lui seul (capitalisation)
conduirait à des effets pervers. Par exemple, les personnes actives aux
revenus les plus bas, sachant que nul ne peut financer leur retraite, seraient
prioritairement incitées à épargner pour se
prémunir
58
du risque vieillesse ; ce qui réduirait d'autant leur
possibilité et leur désir d'investir dans le domaine de
l'éducation de leurs enfants. Cela diminuerait le potentiel d'offre de
travail.
A l'inverse, un système basé sur la
solidarité intergénérationnelle et sur
l'état-providence garantit que chaque génération rembourse
à l'âge actif l'éducation et la politique familiale dont
elle a bénéficié et reçoit, à la vieillesse,
les cotisations sociales qu'elle a payées à l'âge actif.
Cette conception de la protection sociale, assurant des transferts vers les
individus les plus jeunes et âgés, est non seulement juste d'un
point de vue éthique mais aussi efficace économiquement. Et ce
d'autant plus, qu'en solvabilisant des demandes de services en matière
d'enfance et de dépendance, les dépenses de protection sociale
contribuent à soutenir la dynamique économique de deux secteurs
qui constituent aussi des gisements d'emplois peu délocalisables.
B : L'amélioration du bien-être
social des populations
La protection sociale peut largement contribuer à
l'amélioration du bien-être social dans une économie
où il n'existe pas de marché de rentes (Hubbard et Judd, 1987) et
où les individus ont des difficultés à emprunter
(Imrohoroglu et al., 1995). Dans ce cas, la présence d'un
système de sécurité sociale est bonne pour le
bien-être social général dans la mesure où il
procure à la population une assurance contre le risque que le secteur
privé a du mal à mutualiser et à gérer - maladie
chômage, etc. En outre, cette assurance permet aux ménages de
prendre plus de risques dans leur comportement économique puisqu'elle
les garantit (dans une certaine mesure) en cas d'échec. Ahmad et
al.(1991) démontrent que l'assurance offerte par la protection sociale
peut favoriser la croissance dans le cas où il y a une relation positive
entre le degré de risque d'un projet et son taux de rendement attendu.
En réduisant l'incertitude affectant le revenu individuel au cours du
cycle de vie, la protection sociale constitue un facteur de
sécurité propice à désinhiber les individus face
aux risques et donc à les rendre plus entreprenants.
Pour des raisons économiques, comme on a pu l'observer
en pratique, les agents économiques préfèrent avoir une
consommation régulière et donc, étaler l'utilisation
à cette fin de leurs revenus escomptés sur une période
prolongée, voire pendant le tout le cycle de leur vie (Besley, 1995 ;
Deaton, 1997). Parce que l'obtention des revenus est généralement
un phénomène stochastique et que, durant les périodes
caractérisées par des chocs négatifs, ou parce que
certains événements futurs sont relativement prévisibles
mais qu'il n'existe pas de moyens appropriés de mettre en réserve
les revenus pour les transférer à une date future ; il est
59
crucial d'avoir accès à des instruments de
protection des revenus, tels que des systèmes d'épargne et de
ponction sur l'épargne pour étaler la consommation dans le temps
et, aussi améliorer le bien-être social.
SECTIONII : UNE ANALYSE DE LA LITTERATURE EMPIRIQUE
SUR LA
RELATION
Les travaux théoriques et empiriques sur la croissance
ont marqué certains progrès au cours de la dernière
décennie pour ce qui est de réduire l'incertitude entourant les
déterminants de la croissance des pays. Ainsi on focalisera une
attention sur certaines études empiriques sur la croissance (II-1) et
sur celles qui se sont penchées sur l'incidence de la variable
protection sociale sur la croissance (II-2).
II-1: Les études empiriques sur la croissance
Les travaux sur la croissance ont connu un regain avec
l'introduction du capital humain comme un facteur important pour l'explication
de la croissance, d'où ces nouveaux modèles ont pris la
dénomination de modèles de croissance endogène
(Romer, 1990 et Lucas, 1988). Le résumé du tableau des
modèles empiriques modernes de la croissance (I-1-1) et la controverse
liée aux résultats liant la protection sociale à la
croissance (I-1-2), feront l'objet de l'étude de cette sous-section.
II-1-1 : Résumé du tableau des
modèles empiriques modernes de la croissance
En présentant une évaluation des travaux
publiés, Temple (1999) fait preuve d'un optimisme prudent. On
résume le tableau qui ressort des modèles empiriques modernes de
la croissance en disant qu'ils comportent trois étapes : les analyses de
forme réduite (A), puis les modèles structurels de la croissance,
avec et sans dynamique transitoire explicite (B).
A : Les travaux publiés reposant sur une
analyse transversale de forme réduite
Dans les travaux publiés qui reposent sur une analyse
transversale de forme réduite, on s'entend généralement
pour dire que l'équation de croissance renferme relativement peu de
60
variables statistiquement robustes37.
L'équation de croissance fait voir la croissance moyenne de la
productivité du travail comme variable dépendante et un ensemble
de variables explicatives possibles du côté droit. Les variables
utiles sont notamment :
· le niveau de revenu au début de la période
;
· les ratios d'investissement au PIB ;
· les niveaux de scolarité ;
· la croissance de la population ;
· les indicateurs de l'ouverture au commerce ou à
l'investissement étranger direct
(IED).
Temple (1999) passe en revue cette documentation et note
qu'en raison de l'absence d'une structure théorique explicite, on a fait
l'essai d'un très grand nombre de variables; ce courant de la
documentation souffre manifestement d'un problème de surexploitation des
données. Cela dit, les analyses de régression publiées sur
la croissance ont exercé une très grande influence, quoique
davantage sur les questions touchant aux pays en développement que sur
celles propres aux pays avancés. Les premiers travaux ont aussi
démontré qu'un certain nombre de variables ne constituaient pas
de bons facteurs explicatifs de la croissance. Parmi celles-ci, il y a la
politique budgétaire, les mesures de la R-D et diverses variables de
nature politique et juridique.
B : Modèle structurel de la
croissance
Un important modèle structurel de la croissance est la
version du modèle de Solow enrichi par Mankiw, Romer et Weil (1992). Ce
modèle correspond au modèle néoclassique de base de la
croissance mis au point par Solow, avec épargne exogène se
transformant en capital matériel, auquel vient s'ajouter un
troisième facteur de production -- le capital humain. Le modèle
repose sur une fonction de production agrégée comportant des
rendements d'échelle constants. L'application empirique du modèle
suppose l'imposition d'une contrainte d'état stationnaire, par laquelle
les pays demeurent sur un sentier de croissance stable à long terme
durant toute la période étudiée. Dans cette
hypothèse, les taux de croissance (qui sont la variable
dépendante) peuvent être exprimés sans
référence aux stocks de capital matériel ou humain, mais
comme fonction du taux d'épargne, d'une variable de scolarité et
d'un niveau initial de productivité que l'on suppose être
réparti de façon aléatoire entre les pays. Les tentatives
faites pour ajuster ce modèle aux données transversales de l'OCDE
n'ont pas eu
37 Voir Levine et Renelt (1992) et Sala-i-Martin (1997).
61
beaucoup de succès. Cela peut être
considéré soit comme une réfutation de la théorie
soit comme un reflet du fait que la contrainte d'état stationnaire est
trop rigoureuse.
Dans les années 90, on a vu apparaître divers
modèles de croissance structurelle intégrant le capital humain et
délaissant l'hypothèse selon laquelle la croissance
observée se situe sur une courbe d'état stationnaire. En
intégrant des effets dynamiques transitoires qui permettent de faire
varier les taux de croissance théoriques dans le temps, ces
modèles ont obtenu un peu plus de succès.
Barro (1991) a été l'un des pionniers dans ce
domaine, mais de nombreuses améliorations aux niveaux de la
méthodologie, de la mesure et de l'analyse économétrique
ont été apportées au cours de la dernière
décennie. Une bonne revue technique de cette documentation est
présentée dans Durlauf et Quah (1999), que Barro et Sala-i-Martin
(1995) ont repris en partie dans leur manuel. Ce qui est plus significatif, les
versions les plus récentes de ces modèles utilisent des
données par panel, qui exploitent à la fois la variation
transversale et la variation temporelle, et sont estimées à
l'aide d'une variété de méthodes d'analyse dynamique par
panel.
Au début, on s'est interrogé sur la
façon dont les variables de capital humain devraient entrer dans ces
modèles et certains des premiers résultats obtenus pour le
capital humain étaient assez étranges. Cependant, ce paradoxe du
capital humain a, pour l'essentiel, été résolu
récemment. Nombre de ces estimations appuient l'hypothèse de
rendements presque non décroissants sur une mesure étendue du
capital humain et du capital non humain. Des rendements non décroissants
supposent qu'un accroissement du capital (largement défini) par
travailleur engendre une augmentation marginale de la production qui ne diminue
pas à mesure que du capital supplémentaire est ajouté.
Cela se rapproche beaucoup d'une corroboration de ce que l'on appelle la
croissance endogène à long terme.
La notion de croissance endogène, telle
qu'élaborée par Romer (1990) et Lucas (1988), intervient
lorsqu'une variable de politique, par exemple le taux d'épargne, peut
avoir un effet permanent sur le taux de croissance plutôt que
sur le niveau du revenu à long terme. Les rendements non
décroissants sur le capital sont une condition suffisante pour qu'un
modèle engendre une croissance endogène. Un modèle montre
une croissance exogène lorsque les variables de politique n'ont qu'un
effet transitoire sur le taux de croissance, bien qu'elles puissent influer sur
le niveau de revenu à l'état stationnaire.
62
II-1-2 : Quelques résultats des études
empiriques
Les analyses économiques des effets de la protection
sociale sur la croissance se sont beaucoup développées au cours
de ces dernières années et portaient pour la plupart sur les pays
riches (pays de l'OCDE par exemple). Elles sont généralement
caractérisées par l'introduction d'un indicateur de protection
sociale comme variable explicative supplémentaire dans les
modèles de croissance (Castles et Dowrick (1990) ; Cashin (1994) ;
Lindert (1996)). Cependant, l'insuffisance disponibilité des
données relatives aux mesures de protection sociale a amené
certains auteurs à privilégier les variables de redistribution
telles que : la part des transfert dans le PIB (Keefer et Knack, 1995), la part
des dépenses publiques d'éducation, de santé et de
logement rapporté au PIB (Devarajan et al. (1993) ; Easterly et Rebelo
(1993) ; Perotti (1996)), droits de propriété (Gwartney, Lawson
et Holcombe, 1998).
C'est ainsi que Cashin (1994) estime des séries
chronologiques transversales à laide des MCO et de la technique des
variables instrumentales groupées, avec une structure d'erreur à
un facteur pour une estimation sur données de panel, la variable
dépendante étant le taux de croissance du PIB réel par
travailleur où le taux moyens des dépenses de
sécurité sociale et de protection sociale par rapport au PIB est
inclus dans l'équation de croissance comme variable explicative. Il
trouve que l'accroissement des dépenses publiques sur les
éléments entrants dans les fonctions de production privée
entraîne un surcroît de croissance économique. Tel est le
cas, par exemple, des paiements des transferts et des investissements. Les
coefficients des dépenses de sécurité sociale sont
positifs et significatifs.
Par contre Castles et Dowrick (1990) portent leur
étude sur la période 1960 à 1985 et estiment à
l'aide d'une régression sur séries chronologiques transversales
groupées. MCO (avec test d'endogénéité) à
l'aide de variables de contrôle de l'investissement et de l'emploi et des
variables indicatrices temporelles. Ils introduisent les dépenses
sociales de l'OCDE (hors santé et éducation) comme variable
explicative et trouvent les coefficients positifs mais significatifs (si
variables de contrôle). En l'absence de variable de contrôle les
signes deviennent irréguliers et non significatifs. De même,
Devarajan et al (1993), introduisent les dépenses de santé sur
les dépenses totales et les dépenses d'éducation sur le
total des dépenses comme variables explicatives. Ils examinent la
relation entre la composition des dépenses publiques et la croissance,
et estiment qu'un rééquilibrage dans l'éventail des
politiques mises en oeuvre au profit des activités productives peut
entraîner une intensification de la croissance.
63
II-2 : Effets indirects de la protection sociale sur la
croissance
Certaines études ont montré que la protection
sociale pouvait avoir une incidence sur la croissance à travers son
impact sur la fiscalité (II-2-1) et sur la redistribution des revenus
(II-2-2).
II-2-1 : Protection sociale, Fiscalité et
Croissance.
Un certain nombre d'auteurs ont montré empiriquement
que le financement des dépenses de protection sociales entraînait
un alourdissement des prélèvements obligatoires (A) et qu'il
était difficile de dissocier les effets des dépenses sociales des
effets de la fiscalité sur la croissance (B).
A : les dépenses publiques de
protection sociale comme cause de l'alourdissement de la fiscalité :
impact négatif sur la croissance
Arjona, Ladaique et Pearson (2002), trouvent des
résultats qui portent à penser que la protection sociale a une
incidence modérée sur le PIB à long terme. Les
élasticités partielles montrent que si les dépenses
passaient d'environ 18.5 % du PIB (ce qui correspond à la moyenne
arithmétique sur toute la période considérée)
à 19.5 % du PIB, le PIB se trouverait réduit à long terme
de 0.7 %, car il faut plusieurs années pour que l'effet sur le PIB d'une
hausse d'un point de pourcentage des dépenses se fasse pleinement
sentir. Cet effet est à comparer à celui d'autres variables sur
le PIB : une augmentation de l'investissement de 1 % du PIB accroîtrait
le PIB de 1.3 %. L'une des façons qu'ils interprètent ces
résultats est de dire que l'effet sur la croissance ne résulte
pas de la protection sociale en soi, mais de la fiscalité.
Autrement dit, à mesure que les dépenses de protection sociale
augmentent, la fiscalité s'alourdit, et c'est la fiscalité qui
ralentit la croissance et non les dépenses sociales. Un certain nombre
d'études ont été consacrées aux effets de la
fiscalité sur la croissance.
En règle générale, leurs auteurs ont
constaté que le rapport des prélèvements fiscaux au PIB a
une incidence négative sur la production - plus la pression fiscale est
forte, moins il y a de croissance (voir par exemple Bassanini et al.
2001), étant entendu que le niveau initial des impôts et la
façon dont ils sont prélevés jouent dans chaque cas
particulier.
64
B : l'indissociabilité de l'effet de la
fiscalité de l'effet des dépenses sociales sur la
croissance
Dans une optique de marché, une analyse des effets de
la protection sociale sur la croissance permet de constater que celle-ci peut
ne pas avoir des effets sur la fiscalité car dérivant de la
solidarité des organisations non gouvernementale. Cependant, même
si les dépenses sociales étaient sans effet sur la
production, alors que le financement desdites dépenses sociales
réduirait la croissance, il serait néanmoins normal de penser que
les dépenses sociales sont la cause de l'alourdissement de la
fiscalité et du ralentissement de la croissance, puisque l'augmentation
des dépenses sociales explique l'essentiel (voire la totalité) de
l'alourdissement de la pression fiscale dans les pays de l'OCDE depuis le
milieu des années 1960. En d'autres termes, il est tout aussi probable
que les études qui constatent un effet de la fiscalité sur la
croissance observent en fait un effet des dépenses de protection sociale
que le contraire - étant donné qu'il est impossible d'avoir des
dépenses de protection sociale sans escompter un alourdissement de la
fiscalité, immédiat ou ultérieur, il n'est pas
véritablement possible de dissocier l'effet de la fiscalité de
l'effet des dépenses sociales.
Ainsi, le fait d'inclure une mesure de la pression fiscale
dans l'équation ne modifie pas le coefficient des dépenses
sociales ; en outre, le coefficient de la pression fiscale n'est pas
significatif (Ajona, al., 2001). Ce qui prime dans ces analyses ce
sont les coûts croissants de la protection sociale en proportion du P11B.
L'indicateur mis en avant est le taux de prélèvements
obligatoires qui mesure le rapport entre les impôts et les cotisations
sociales/ P11B. Toute hausse des dépenses de santé plus rapide
que la croissance économique entraîne, toute chose égale
par ailleurs, une augmentation du taux de Prélèvements
Obligatoires (PO). Toutefois la redistribution des revenus occupe une place
importante dans les activités relevant de la protection sociale si l'on
considère la définition traditionnelle de la protection sociale
ou de l'Etat- providence (voir Barr, 1998).
II-2-2 : Protection sociale, distribution des revenus et
croissance.
Considérant la définition de la protection
sociale telle que présentée par la Banque Mondiale en 2000, pour
certains théoriciens et certains responsables de l'action publique, la
redistribution des revenus et la modification de la distribution initiale
serait le principal objectif de la protection sociale (A) et à travers
cette redistribution on observe une influence de la protection sociale sur la
croissance économique telle que présentée par certaines
études empiriques (B).
65
A : La redistribution du revenu comme objectif de
la protection sociale
Pour certains auteurs, l'objectif principal de la protection
sociale est de redistribuer des revenus et de modifier la redistribution
initiale, déterminée par le jeu du marché, pour aboutir
à une distribution des revenus plus égalitaire, corrigée
par l'Etat (Marques, 2000). La redistribution des revenus est donc un
résultat important de la politique de protection sociale bien
conçue, à plusieurs niveaux :
· La fourniture d'un soutien aux personnes
extrêmement pauvres, serait l'un des grands
objectifs de la protection sociale. Etant donné que, pour financer les
transferts monétaires ou en nature nécessaires, il faut imposer
les revenus des travailleurs et des biens des personnes fortunées ;
· L'amélioration de
l'équité par le biais de la protection sociale donne
également lieu à des opérations de redistribution. A tout
le moins, celles-ci visent à égaliser les chances, et au mieux,
elles remédient aux problèmes créés par des chocs
négatifs.
Cet objectif de la politique sociale peut être
considérer comme une externalité positive découlant du
système de protection sociale bien conçu et bien employé
permettant d'augmenter le taux de croissance d'un pays. Par exemple, un bon
système de garantie des ressources des chômeurs non seulement
améliore les conditions de vie de chaque chômeur en
réduisant sa vulnérabilité et en aidant à
réduire les fluctuations de la consommation mais aussi favorise la
réalisation d'objectifs qualitatifs tels que la stabilité sociale
qui influe positivement la croissance. La garantie des ressources aux personnes
âgées a pour effet de leur permettre, bien sûr, de consommer
davantage, mais aussi de participer dans une plus large mesure à des
activités sociales. La fourniture aux pauvres d'une aide sociale et d'un
accès aux services de santé de base et d'éducation offre
aux parents, et à leurs enfants, des possibilités
d'améliorer leur capital humain (Becker, 1964). Si la redistribution du
revenu est l'objectif de la protection sociale, mais quel peut être le
lien de causalité entre la redistribution du revenu et la croissance
?
B : Lien de causalité entre la
redistribution du revenu et la croissance dans la littérature
empirique
Le but de la présente étude est d'analyser les
effets de la protection sociale sur la croissance. Or, si l'un des grands
objectifs des dépenses de protection sociale est de réduire les
inégalités de revenus, il convient de savoir s'il existe un lien
de causalité entre la distribution du revenu et la croissance. Ajona,
al.(2001) ont cherché à déterminer si l'effet
66
redistributif net - tel qu'il ressort qu'il ressort de
l'augmentation de la part de la moitié inférieure de
l'échelle des revenus, au niveau, d'une part, de l'ensemble de la
population et, d'autre part, de la seule population d'âge actif - a une
incidence significative sur la croissance.38
Les tests infirment l'hypothèse d'une explication par
les coefficients d'une part statistiquement significative des écarts de
taux de croissance entre les pays et les périodes, que l'on
considère la population d'âge actif ou l'ensemble de la
population. En outre, on ne peut pas dissocier totalement les effets des
dépenses de protection sociale sur la croissance des interactions entre
la distribution du revenu et la croissance.
Toutefois, il ne suffit pas d'analyser l'influence directe de
la distribution du revenu sur la croissance pour savoir si les
évolutions des deux variables sont liées.
Comme indiqué ci-dessus, plusieurs chercheurs (par
exemple, Persson et Tabellini,
1994) ont affirmé qu'une distribution étroite
du revenu marchand est bonne pour la croissance parce qu'elle réduit la
demande de redistribution qui nuit à la croissance.
Comme l'indique Rodrik (1998) : « Alors que
l'égalité est bonne pour la croissance
- si elle est héritée du passé ou si
elle résulte de facteurs historiques ou exogènes - les politiques
qui visent à introduire davantage d'égalité sont mauvaises
pour la croissance».
Les conclusions présentées dans Arjona et
al. (2001) indiquent que si le coefficient de Gini du revenu marchand
passe de 0.42 à 0.43, l'augmentation correspondante des dépenses
sociales sera finalement de l'ordre de 2 % du PIB, ce qui va de pair avec de
plus faibles niveaux de PIB. Les dépenses de protection sociale, si
elles s'accroissent, peuvent se substituer au revenu marchand. Par
exemple, si les pensions de régime public sont suffisamment
généreuses, les gens ne feront pas l'effort d'accumuler un
patrimoine privé pour financer leur retraite (voir l'OCDE, 1998, 2000a).
De même, des taux élevés de prestations peuvent
entraîner des changements dans les comportements qui se traduiront par
une diminution du nombre de personnes au travail.
En fin de compte, il apparaît clairement qu'un
accroissement des dépenses de protection sociale réduit la
production, même si l'effet n'est pas très marqué. Et aucun
fait ne permet d'affirmer que le niveau des inégalités de revenu
a une incidence dans un sens ou dans l'autre sur le PIB.
38 Cette variable permet de rendre compte de
l'accroissement induit de la fiscalité et des transferts de la part des
revenus allant à la moitié inférieur de l'échelle
des revenus marchands.
CONCLUSION
67
En somme, il ressort que les résultats
présentés à la première section ne sont
guère validés par les études empiriques disponibles, donc
il faudrait les comprendre théoriquement. Il existe un divorce entre les
enseignements de la théorie économique et la
réalité des comportements économiques qu'elle est
censée décrire. Ainsi, Atkinson (1997), constate que « le
cadre et la base de la théorie n'incorporent aucune des
nécessités pour lesquelles la protection sociale existe (et que)
la raison d'être des systèmes de protection sociale est totalement
absente du modèle théorique »39. Quant à
Barr (2001), il avance une défense et justifications des systèmes
de protection sociale sur la base des critères économiques
standards.40 Par ailleurs la littérature empirique
présente des résultats controversés et on peut constater
que la protection sociale influe indirectement la croissance, elle agit soit
sur la fiscalité ou les inégalités de revenus qui à
leur tour ont des incidences sur la croissance. Toutefois ces résultats
ne peuvent être calqués dans tous les pays du monde, car les pays
présentent des politiques de croissance et de protection sociale
différente, une étude empirique dans un pays en
développement comme le Cameroun s'avère donc
nécessaire.
39 Atkinson (1997) «The Economic Effets of
the Welfare: complete debate». In European Economy. (reports and
Studies), n°4, pp. 45-60.
40 Barr (2001) «The welfare state as Piggy Bank:
Information, Risk, Uncertainty and the Role of State», Oxford University
press.
Chapitre 4
VALIDATION EMPIRIQUE DES EFFETS DE LA PROTECTION SOCIALE
SUR LA CROISSANCE AU CAMEROUN
68
INTRODUCTION
Après une décennie de récession
marquée par une baisse annuelle moyenne du PIB de -4,5%,
l'économie camerounaise a repris le chemin de l'expansion en 1994/1995
avec un taux de croissance du PIB de +3,1%, qui se situe en 2002 autour de
4,4%41. Les reformes institutionnelles, notamment la privatisation,
auraient fortement contribué à cette croissance. Toutefois, cette
croissance reste faible. La mise en place des politiques économiques et
sociales efficaces au Cameroun s'avère donc cruciale afin de bouter la
croissance et de réduire la pauvreté. C'est ce qui place les
stratégies de protection sociale au coeur de ces politiques publiques.
Ainsi, quelle peut être l'incidence dépenses publiques de
protection sociale sur la croissance de l'économie camerounaise ? C'est
à cette question que ce chapitre tentera d'apporter les
éléments de réponse. La première section sera
consacrée à l'étude de la démarche qui sera suivie
pour tester la deuxième hypothèse, et la seconde section fera
l'objet de l'estimation du modèle de croissance.
I : METHODOLOGIE
Les dépenses de sécurité sociale sont
accusées d'être un frein à la croissance économique.
Afin de mieux cerner les effets des dépenses de protection sociale sur
la croissance, on analysera premièrement, l'évolution de ces
dépenses et le PIB réel (I-1), et deuxièmement, le
modèle de croissance et ses spécifications (I-2).
I-1 : Evolution des dépenses de
sécurité sociale et le PIB réel
Ici on présentera d'une part une analyse empirique de
la croissance économique au Cameroun (I- 1-1) et d'autre part,
l'évolution des dépenses totales de sécurité
sociale et le PIB réel (I-1-2).
41 Données issues de l'Annuaire Statistique du
Cameroun 2004, Décembre 2004.
69
I-1-1 : Analyse empirique de la croissance
économique au Cameroun
La configuration de l'économie semble exercer une
influence sur le processus de croissance qui est à l'oeuvre sur la
période post-indépendance. En effet, entre 1960 et 2000, le PIB
par tête du Cameroun évolue au taux annuel moyen de 1,1%. Kobou
(2002) analyse empiriquement les sources de la croissance au Cameroun et trouve
que cette dernière est d'une part, extensive et d'autre part, peu
alimentée par les fondamentaux de l'économie.
A : Une croissance essentiellement extensive
et peu alimentée par les fondamentaux de
l'économie
La technique de la comptabilité nationale permet de
montrer que la croissance au Cameroun est essentiellement extensive, en ce sens
qu'elle a été fondamentalement tirée par des facteurs. En
effet, pour un taux de croissance annuel moyen de 1,1% du PIB par tête
sur la période 1960-2000, le capital par tête enregistre un taux
de croissance annuel moyen de 1,6% alors que ce taux est de 0,3% pour le
capital humain. Il en résulte que la productivité globale des
facteurs enregistre un taux de croissance annuel moyen négatif sur la
même période, ce taux est de -0,91%. Ce qui laisse donc
suggérer qu'il n'y a pas eu d'amélioration de l'efficience des
facteurs de production utilisés pendant cette période.
Ces taux traduisent une évolution globale des
différentes variables, et masquent de ce fait les contrastes qui sont
perceptibles sur quelques sous périodes. La première phase qui
débute de la décennie 60 jusqu'en 1984/1985 peut être
subdivisée en deux sous périodes : une première comprise
entre 1965/1970 jusqu'en 1978/1979 où le taux de croissance du PIB a
évolué de façon exponentielle (environ 15% en moyenne par
an en termes nominaux) et une deuxième sous période qui part de
1980/1981 à 1984/1985 au cours de laquelle la croissance annuelle du PIB
a été de 16% en moyenne en termes nominaux.
L'évolution à partir de l'exercice 1985/1986
est marquée par la rupture de ce mouvement ascendant de
l'économie camerounaise. En effet, dès 1986/1987, le taux de
croissance du PIB aux prix constants du marché est de -4,1%. Cette
décroissance se poursuit en s'aggravant en dépit de la mise en
oeuvre des mesures de stabilisation et d'ajustement macroéconomiques.
L'économie camerounaise renoue avec la croissance au
cours de l'exercice 1994/1995 soit plus de 3,2%. L'évolution du PIBR au
Cameroun peut être appréhendée graphiquement comme suit.
B : Représentation graphique de
l'évolution du PIBR de 1975 à 2006
Cette représentation sera faite en trois phases pour
bien apercevoir cette évolution du P113 réel.
Graphique4.1 :
2500000
2000000
1500000
1000000
500000
0
PHASE 1: DE 1975 à 1985
ANNEES
PIBR
Source : Construction de l'auteur
Graphique 4.2 :
Graphique4.3 :
PHASE 2: DE 1986 à 1995
2500000 2000000 1500000 1000000 500000
0
|
|
PIBR
|
|
|
|
ANNEES
10000000
4000000
2000000
8000000
6000000
0
PHASE 3: DE 1996 à 2006
ANNEES
PIBR
70
Source : construction de l'auteur source :
Construction de l'auteur
La première phase (1975-1985) est
caractérisée par une forte croissance du P113 réel cela
peut s'expliquer par le boom des matières premières et la
découverte des gisements pétroliers qui ont eu des effets
positifs considérables sur la croissance. Tandis que la deuxième
phase (1986-1994) est caractérisée par la chute du P113
réel à cause de la crise économique qui a
ébranlée toutes les activités économiques et a
entraîné une baisse considérable des indicateurs
macroéconomiques. La troisième phase (1995-2006) est celle de la
reprise de la croissance économique, elle a été
caractérisée par le processus d'assainissement des finances
publiques avec les programmes d'ajustements structurels et de
71
l'adoption des stratégies de croissance et de
réduction de la pauvreté par les décisionnaires au
Cameroun.
I-1-2 : Dépenses de sécurité
sociale
Au Cameroun, les dépenses sociales de l'État
englobent une gamme étendue d'activités du secteur public. Voici
une classification représentative de ces activités, fondée
sur la théorie des finances publiques :
Les biens et services publics -- Les biens publics
purs, par exemple la défense nationale et les services publics
généraux tels que l'administration, les lois et la
réglementation.
Les biens et services tutélaires -- Il s'agit
de biens quasi-publics fournis par l'État en raison d'une
déficience du marché ou d'externalités ou en vertu des
principes de justice économique. À titre d'exemple, le
gouvernement intervient souvent pour offrir des services d'éducation
parce que les citoyens peuvent ignorer le rendement social de l'investissement
en capital humain ou n'avoir qu'un accès limité au marché
des capitaux. Les soins de santé constituent un autre exemple de ces
services.
Les services économiques -- Les biens et
services privés qui sont sujet à un monopole naturel ou qui
engendrent de fortes externalités. Entre autres exemples, il y a les
services publics et le soutien financier à certaines activités
particulières comme la recherche-développement.
Les transferts sociaux -- Les transferts qui visent
à soutenir le revenu et le niveau de vie lorsqu'ils chutent brusquement
ou à accorder une aide financière aux personnes qui doivent faire
face à des dépenses exceptionnelles en raison de la vieillesse,
d'une invalidité, de la maladie, du chômage (licenciements), de
circonstances familiales, etc.
Les recettes et les dépenses de sécurité
sociale ont continué à se consolider entre 1999/2000 et
20001/2002. Les produits techniques ont progressé, la plus forte hausse
est à l'actif de l'action sanitaire et sociale qui enregistre une
augmentation de 47%. Au niveau des dépenses, seule la branche des
prestations familiales enregistre une augmentation. L'effectif des
bénéficiaires des prestations familiales a baissé de
1998/1999 à 2000/2001, passant de 937729 à 705731
bénéficiaires (cf. tableau4.1).
Les prestations sont reparties en trois risques :
-les prestations familiales : compensent une partie des
charges liées à la naissance et à l'éducation des
enfants ;
-les risques professionnels : recouvrent la maladie,
l'invalidité, accidents de travail ; -les risques vieillesses,
décès etc.
72
Tableau4.1 : Evolution de l'effectif des
bénéficiaires de prestations familiales au Cameroun
Rubriques
|
1995/1996
|
1996/1997
|
1997/1998
|
1998/1999
|
1999/2000
|
2000/2001
|
Pensionnés
|
49967
|
59912
|
67388
|
75440
|
59270
|
56675
|
Crédits rentiers
|
6697
|
6991
|
7190
|
7289
|
6158
|
4513
|
Allocataires
|
121503
|
186000
|
144263
|
19000
|
145262
|
146983
|
Enfants allocataires
|
5000579
|
651000
|
557742
|
665000
|
498483
|
497560
|
Total
|
678746
|
903903
|
776583
|
937729
|
709173
|
705731
|
|
Source : CNPS
Après avoir analysé la croissance et les
dépenses de protection sociale au Cameroun, il reste question dans la
suite de faire une étude économétrique de l'impact de ces
dépenses sur la croissance. Ainsi, la présentation de la
méthode empirique s'avère nécessaire.
I-2 : Méthode empirique
On procédera à une présentation du
modèle de croissance qui sera utilisé dans cette étude
(I-2-1) d'une part, et la présentation des variables et les sources de
données (I-2-2) d'autre part.
I-2-1 : Modèle de croissance et ses
spécifications
L'étude empirique de l'incidence de la protection
sociale conduit à l'utilisation d'un modèle de croissance.
A : Modèle de croissance de Solow
augmenté
Bien que les théories qui sous-tendent les tentatives
visant à tester empiriquement les liens entre la protection sociale et
la croissance soient parfois complexes, dans la pratique, pour effectuer une
estimation il s'agit presque toujours de prendre un modèle des causes de
la croissance et d'y ajouter des mesures de protection sociale.
La démarche empirique suivie pour tester la
deuxième hypothèse s'inscrit dans la droite ligne de cette
tradition : elle prend un modèle de croissance et s'efforce de
déterminer si l'évolution
des dépenses publiques de protection sociale pourrait
expliquer certains points qui ne trouvent pas de réponses dans le
modèle de base.
La plupart des analyses des causes de la croissance
s'appuyaient autrefois sur le modèle empirique proposé par Solow
(1956) et Swan (1956) qui reposait sur une fonction de production de rendements
d'échelle constants avec deux intrants : la travail et le capital. Plus
récemment, Mankiw, Romer et Weil (1992) ont ajouté à ce
modèle le capital humain comme troisième facteur de production.
Leur modèle (MRW) sert désormais de référence dans
la majorité des études empiriques des déterminants de la
croissance ( Bassanini et Scarpetta (2002) ; Arjona et al. (2002) ;
Kobou (2002)), la croissance du PIB rapporté à la population
d'âge actif étant modélisée en fonction de ce qui
suit :
· L'investissement dans le capital physique ;
· Le taux de croissance de la population d'âge actif
;
· Le stock de capital humain ;
· Le revenu en début de période (plus un
pays est pauvre plus il est probable que sa croissance sera rapide, puisque les
pays pauvres peuvent copier les technologies des pays plus riches sans avoir
à mettre au point eux-mêmes de nouvelles techniques. Cette
variable s'appelle « effet de rattrapage »).
La spécification du modèle de MRW donne la forme
suivante :
lny(t) - lny(0)
- ø t ) ln (0) (1 ) ln (0) (1
ø t
+ - e -
e y A + ã t + - e
- ø t )
1 -á-â
-(1 -
á
)
ln(
sk
+
(1
)
ä
n
ln(
+ ã +
73
â á + â
t
e ln( ) (1 )
- ø ø t
- ) s - - e -
-á-â
h
1 - á - â 1
sk et sh
représentent respectivement la proportion du produit dans le capital
physique et le
capital humain ;
ø représente le taux de convergence.
Ce modèle ressemble à celui de Solow car il
postule que les rendements d'échelle sont constants. Il est toutefois
différent du modèle de Solow, car il implique que des changements
modérés dans la quantité des ressources consacrées
à l'accumulation du capital physique et du capital humain
entraînent de fortes variations dans la production par tête.
Appliqué aux données en coupe transversales, ce
modèle permet de saisir les différences de croissance entre pays
(Barro (1991) ; Sala-I-Martin (1997)). Cependant, il résulte une perte
d'information ; tout au moins par rapport à la dimension temporelle des
données, puisque les valeurs utilisées sont obtenues à
partir des moyennes des indicateurs sur
74
une période étudiée. Ce qui signifie
concrètement qu'il y a omission des variables du modèle qui
dés lors, souffre d'un biais d'omission des variables et, dans certains
cas, d'un biais d'endogénéité : certaines variables
explicatives prises en compte peuvent être également des variables
endogènes.
B : Equation à
estimer
Dans la mesure où le modèle de croissance MRW
est le modèle le plus communément employé dans les
études empiriques sur la croissance, c'est également celui qui a
été retenu dans cette étude afin que les
éventuelles différences entre les résultats
présentés au chapitre précédent et ceux qui se
dégagent de la majorité d'autres études ne puissent
être imputées à la spécification du modèle
utilisé. Toutefois, la présente étude emploie des
séries chronologiques, à la différence de bon nombre
d'autres études sur les liens entre protection sociale et croissance.
Cela permet une meilleure précision des estimations.
Sous sa forme générale, l'équation
à estimer s'écrit :
PIBR =f(C,P) (1)
Avec : PIBR = croissance du PIB réel
C = un panier de variables dites conventionnelles (le
capital physique, le travail
et le capital humain).
P = un panier des variables liées à la
politique économique et sociale (les
dépenses de protection sociale).
L'équation (1) peut se réécrire sous la
forme (2) :
PIBR =
f(HUM,PAC,DEPS,IVPR) , avec les
signes suivants attendus :
(+) (+) ( ?) (+)
I-2-2 : Présentation des variables à estimer
et sources de données
Une analyse économique des variables permet de
comprendre l'effet de chacune d'elle sur la croissance.
A : Les variables
HUM le capital humain (cette variable est
captée par le taux brut de scolarisation du primaire et du secondaire) :
l'augmentation de la part de la population active ayant au moins un niveau de
scolarisation secondaire est supposer influer positivement sur la croissance
économique, conformément aux résultats obtenus par les
principaux théoriciens de la
75
croissance endogène (Lucas, 1988 ; Romer, 1990). En
effet, une augmentation de la part scolarisée de la population active,
participe au renforcement du capital humain, défini comme l'ensemble des
facteurs incorporés à l'homme et qui permet d'accroître sa
productivité (Logossah, 1994). A contrario, une augmentation de la part
non scolarisée de la population active devrait influer
négativement sur la croissance.
PAC (Population Active) mesurant la main d'oeuvre :
la quantité de travail fournie dans une économie est
proportionnelle à la population active. Cette dernière est
supposée influer positivement sur la production, avec un effet de seuil,
du fait des rendements marginaux décroissants.
DEPS (Dépenses publiques de
Sécurité Sociale) mesurant l'effet de la protection sociale : du
fait de la richesse et de la diversité des résultats empiriques
relatifs à l'impact de la protection sociale sur la croissance, il
parait difficile de se prononcer sur le signe attendu d'une telle relation dans
le cas du Cameroun.
IVPR (Investissement Privé réel)
représentant le capital physique : l'investissement privé est un
facteur de croissance, tant pour l'école néoclassique que pour la
théorie keynésienne. De plus, il est susceptible d'engendrer,
conformément aux résultats récents des modèles de
croissance endogène (Guellec et Ralle, 1997) des effets
d'externalités. En effet, un investissement d'une entreprise permet
à cette dernière d'accroître non seulement sa propre
production, mais aussi celles des autres entreprises, du fait des
externalités technologiques qu'il engendre. Des études empiriques
relatives aux économies africaines (Ojo et Oshikoya (1995) ; Ghura et
Hadjimichael (1996)), ont ainsi mis en évidence l'existence d'une
relation positive entre l'investissement et la croissance du PIB par
tête.
Il est difficile de spécifier la liste
appropriée des régresseurs à inclure dans le
modèle. D'un point de vue théorique, il est plausible d'affirmer
que pratiquement toute variable qui a une incidence sur un aspect quelconque de
l'activité économique a une incidence sur la croissance. Dans la
pratique, il est nécessaire de sélectionner un nombre
limité de régresseurs qui semble être les plus importants.
Malheureusement, il n'est pas simple de déterminer quelles sont les
variables les plus importantes puisqu'il est possible d'établir des
corrélations entre la croissance et à peu prés n'importe
quoi (voir Sala-i-Martin, 1997a et 1997b). En conséquence, il est
difficile de justifier qu'il est préférable d'utiliser une
spécification qui privilégie une série de problème
de sous-détermination du modèle.
76
B : Source de données
L'équation de la croissance est estimée sur la
base de données annuelles couvrant la période 1975 à 2006.
Le choix de cette période est le résultat d'un compromis entre
les diverses phases de croissance de l'économie camerounaise et des
séries chronologiques disponibles.
Les dépenses de sécurité sociale sont
tirées de la base de données sur l'organisation financière
de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale du Cameroun et
confirmée par l'annuaire statistique de l'économie camerounaise
de l'Institut National de la Statistique. Et celles relatives au taux brut de
scolarisation du primaire et du secondaire sont issues de la base des
données du Ministère de l'Eduction nationale (MINEDUC). Par
ailleurs, les données relatives aux autres variables ont
été fournies par les tables statistiques de la Banque mondiale
(World Tables).
On peut donc avoir une certaine fiabilité à ces
données, même s'il faut rappeler que la collecte des
dépenses de sécurité sociale à la CNPS n'a pas
été facile, à cause de la prudence et de la peur
manifestée par la direction comptable de cette administration.
SECTION II : ESTIMATIONS EMPIRIQUES
Les estimations des séries temporelles sont
exposées à de nombreux problèmes
économétriques donc les tests de spécification (II-1)
préalables sont recommandés. Ils permettent le choix de la
méthode appropriée d'estimation (II-2).
II-1 : Tests de spécification du modèle
Il est important ici de discuter des fondements et de la
nécessité d'une démarche spécifique à
l'analyse des séries temporelles (II-1-1) et de faire les tests
standards de l'ordre d'intégration et de cointégration
afférents (II-1-2).
II-1-1 : Fondements et nécessité d'une
méthodologie spécifique à l'analyse des séries
chronologiques
On présente dans la suite les problèmes
liés à la spécification du modèle (A) et la
nécessité d'une démarche spécifique (B)
77
A : Problèmes
Comme souligné par Caselli et al. (1996), la
plupart des études empiriques souffrent d'au moins un des
problèmes d'estimation suivant :
· Le problème de la
sous-détermination du modèle peut être exacerbé
du fait que le modèle de croissance comprend une valeur retardée
de la variable dépendante (effet de rattrapage). Avec une
spécification dynamique, telle que celle-ci, une corrélation
sérielle des erreurs - qui peut résulter de l'omission d'un
regrésseur pertinent - peut se traduire par un manque de
fiabilité des coefficients estimés.
· L'endogénéité constitue un
problème général dans l'analyse de la croissance puisqu'il
est permis de penser qu'un grand nombre des déterminants de la
croissance sont, eux-mêmes, affectés par le taux de croissance
(par exemple, on considère souvent que l'investissement est lié
à la croissance escomptée). L'endogénéité
peut se révéler plus préoccupantes lorsqu'on examine les
effets des dépenses de protection sociale, dans la mesure où la
demande de protection sociale semble être fortement liée au niveau
moyen de revenu de la population (Arjona et al., 2002).
Souvent on est obligé de rechercher un compromis pour
pouvoir minimiser ces sources potentielles de biais dans les estimations. Par
exemple, la plupart des études qui cherchent à trouver une
solution aux problèmes liés aux variables omises ignorent
purement et simplement le risque d'endogénéité ou
inversement.
B : La nécessité d'une
méthodologie spécifique
Les études visant à déterminer les effets
de certaines variables sur la croissance économique procèdent
souvent à l'estimation d'une fonction de production
log-linéarisée. Comme le souligne Keho Yaya (2004), cette
approche économétrique est particulièrement fragile pour
les raisons suivantes :
1°) Elle suppose l'exogénéité des
variables figurant au membre de droite de la fonction de production. Le rejet
de cette hypothèse d'exogénéité illégitime
les estimations et nécessite l'estimation par la méthode des
variables instrumentales afin de corriger les biais
d'endogénéité ;
2°) Il y a un risque de régression fallacieuse
lié à des tendances communes que fait peser la non
stationnarité des séries. Si les séries ne sont ni
stationnaires, ni cointégrées, l'estimation de la fonction de
production n'a pas de sens économique en ce sens qu'elle ne reproduit
pas la dynamique de long terme qui lie réellement les séries. Si
en revanche, les
78
séries ne sont pas stationnaires mais sont
cointégrées, la régression correspondrait à une
équation de long terme, mais ne rendrait pas compte des ajustements de
court terme.
Les effets des dépenses de protection sociale qu'on
cherche à déterminer nécessitent donc la mise en oeuvre
des techniques économétriques plus rigoureuses pour éviter
des cas de régression fallacieuse. Ainsi, dans une première
étape on testera la stationnarité des séries en vue de
déterminer leur ordre d'intégration. Et dans une seconde
étape, on testera l'existence d'une relation de cointégration
entre les variables. Ces deux premières étapes permettront de
choisir la méthode d'estimation appropriée.
II-1-2 : Tests de stationnarité et de
cointégration
La modélisation consiste à déterminer
d'abord l'ordre d'intégration des variables car si l'on est sûr
que les séries sont stationnaires, on est certain que le modèle
à estimer n'est pas un modèle de cointégration. Par
contre, si les séries sont intégrées, le modèle le
plus approprié pour caractériser les relations entre les
variables est un modèle de cointégration.
A: Tests standards de l'ordre
d'intégration : la notion de racine unitaire
La stationnarité renvoie au caractère infiniment
persistant du comportement d'une série suite à la survenance d'un
aléa. Cette propriété est souhaitée dans le cadre
des estimations sur données temporelles car elle permet d'éviter
les cas des régressions fallacieuses. Il existe une grande
variété des tests de stationnarité. Ces tests comportent
tous des biais ce qui conduit à croire que la détermination de
l'ordre d'intégration d'une série ne saurait être probante
à partir d'un seul test de racine unitaire. Compte tenu de l'importance
pour la régression du caractère stationnaire des séries,
on utilise ici deux tests de stationnarité : le test usuel de racine
unitaire de Dickey-Fuller (ADF) et le test de Phillips-Perron (PP).
Contrairement au test de Dickey-Fuller qui prend en compte
uniquement la présence d'autocorrélation dans les séries,
le test de Pillips-Perron considère en plus l'hypothèse de
présence d'une dimension hétéroscédastique.
L'analyse graphique des séries fait ressortir qu'elles
ne sont pas stationnaires. Les tests de stationnarité (ADF et PP)
effectués sur les différentes variables, sont
résumés en annexe1.4. Ils montrent que toutes les variables sont
stationnaires en différence première. Le degré de
significativité est de 1% et 5%.
79
B : La cointégration
La théorie de la cointégration a des
propriétés statistiques et économiques très
intéressantes qui font que malgré sa simplicité, le
principe de la cointégration a des implications très importantes.
Premièrement, la cointégration permet de discriminer entre
relations économiques utiles et fallacieuses. Elle est une
caractérisation statistique des relations d'équilibre.
Deuxièment, même si on n'atteint jamais l'équilibre, la
théorie de la cointégration permet de le caractériser. Et
troisièmement, elle permet une description du comportement d'un
système en dehors de sa configuration d'équilibre. En somme, la
cointégration permet donc de combiner, dans un même modèle,
les informations se rapportant au long terme et celles ayant trait au court
terme.
Les séries sont intégrées d'ordre un. On
peut envisager l'étude de la cointégration. Les séries ont
le même ordre d'intégration, la procédure relative à
la méthode en deux étapes de Engle et Granger (1987)
s'avère donc approprié pour la détermination de la
cointégration.
Première étape : Estimation par les MCO de
la relation de long terme
Tableau4.2 : Résultats de l'estimation de
l'équation de long terme
Dependent Variable: LNPIBR(-1)
Method: Least Squares
Date: 04/04/08 Time: 12:01
Sample(adjusted): 1976 2006
Included observations: 31 after adjusting endpoints
White Heteroskedasticity-Consistent Standard Errors &
Covariance
Variable
|
Coefficient
|
Std. Error t-Statistic
|
Prob.
|
C
|
29.64834
|
10.77043 2.752753
|
0.0106
|
LNIVPR(-1)
|
0.912108*
|
0.114087 7.994870
|
0.0000
|
LNPAC(-1)
|
-6.924267**
|
3.000717 -2.307537
|
0.0292
|
LNDEPS(-1)
|
-4.014795*
|
1.882008 -2.133250
|
0.0000
|
HUM(-1)
|
0.001960
|
0.002177 0.900481
|
0.3761
|
R-squared
|
0.853647
|
Mean dependent var
|
14.51412
|
Adjusted R-squared
|
0.831131
|
S.D. dependent var
|
0.451019
|
S.E. of regression
|
0.185340
|
Akaike info criterion
|
-0.386560
|
Sum squared resid
|
0.893123
|
Schwarz criterion
|
-0.155272
|
Log likelihood
|
10.99168
|
F-statistic
|
37.91321
|
Durbin-Watson stat
|
2.227198
|
Prob(F-statistic)
|
0.000000
|
Source : Auteur
(*) Significatif à 1%, (**) significatif à 5% et
(***) significatif à 10%.
Deuxième étape : test de ADF sur le
résidu On a les résultats suivants :
Tableau4.3 : Test de stationnarité du
résidu
Test de ADF
|
-3,480083
|
*Valeur critique à 1%
|
-3,6661
|
Valeur critique à 5%
|
-2,9627
|
Valeur critique à 10%
|
-2,6200
|
* rejet de l'hypothèse de racine unitaire Source :
Auteur
Le résidu est stationnaire au seuil de 5%. Donc les
séries sont cointégrées. Le test de Johansen (1988) montre
que les séries sont cointégrées d'ordre deux au seuil de
5% (voir annexe1.3). Donc les variables suivent des évolutions
parallèles sur la période 1975 à 2006.
II-2 : Méthode d'estimation, présentation des
résultats et interprétations
Les différents tests effectués ci-dessus
permettent de choisir la méthode d'estimation appropriée.
II-2-1 : Méthode d'estimation
Pour les estimations, les variables ont été
exprimées en logarithme. Dans la mesure où les variables ne sont
pas stationnaires et sont intégrées de même ordre, les
procédures relatives à la méthode en deux étapes de
Engle et Granger, avec ses préalables (détermination du nombre de
relations de cointégration) et ses conséquences
éventuelles (utilisation d'un modèle vectoriel à
correction d'erreur (VEC), en cas d'existence de relation de
cointégration est > 1), sont souvent recommandées. Dans le
cadre de cette étude, la méthode d'estimation par les MCO en une
étape de Hendry, se révèle adaptée, du fait du
caractère stationnaire des résidus de l'équation de long
terme.
Ecriture de l'équation
L'équation du mécanisme de correction d'erreur
s'écrit :
D ( LNPIBR ) = â + â
1 D
0
|
(LNIVPR ) + â D ( LNPAC ) +
â 3 D ( LNDEPS )
2
|
+ â D ( HUM ) + â
5 LNPIBR (
4
|
-
|
1
|
) + â LNIVPR ( 1
6 -
|
) + â 7 LNPAC (
|
-
|
1
|
)
|
+ â LNDEPS ( - 1 ) + â
9 HUM (
8
|
-
|
1 )+å t
|
80
Dans cette expression, les coefficients
â1 à â4,
caractérisent la dynamique de court terme, tandis que les coefficients
â6 à â9 permettent
de dériver les comportements
81
d'équilibre de long terme de la croissance du PIB
réel. Le coefficient b5 est le coefficient de
correction d'erreur et et est le terme d'erreur.
II-2-2 : Présentation des résultats et
interprétations
Les estimations ont été effectuées
à l'aide du logiciel EVIEWS et on a les résultats suivants :
Tableau4.4 : Résultats de l'estimation du
MCE par la méthode des MCO.
Dependent Variable: D(LNPIBR)
Method: Least Squares
Date: 04/04/08 Time: 09:18
Sample(adjusted): 1976 2006
Included observations: 31 after adjusting endpoints
White Heteroskedasticity-Consistent Standard Errors &
Covariance
Variable
|
Coefficient
|
Std. Error t-Statistic
|
Prob.
|
C
|
-11.38710
|
8.685493 -1.311048
|
0.2040
|
D(LNIVPR)
|
0.520851*
|
0.064287 8.102029
|
0.0000
|
D(LNPAC)
|
1.515339
|
0.975838 1.552859
|
0.1354
|
D(LNDEPS)
|
-5.582109**
|
2.081861 -2.681307
|
0.0140
|
D(HUM)
|
0.000792
|
0.001217 0.650319
|
0.5225
|
LNPIBR(-1)
|
-0.225019**
|
0.112276 -2.004144
|
0.0464
|
LNIVPR(-1)
|
0.219396**
|
0.075421 2.908969
|
0.0084
|
LNPAC(-1)
|
2.280229
|
2.066175 1.103599
|
0.2823
|
LNDEPS(-1)
|
-4.712109**
|
2.160931 -2.180592
|
0.0407
|
HUM(-1)
|
0.002144
|
0.001693 1.266909
|
0.2191
|
R-squared
|
0.908312
|
Mean dependent var
|
0.068688
|
Adjusted R-squared
|
0.869017
|
S.D. dependent var
|
0.217058
|
S.E. of regression
|
0.078556
|
Akaike info criterion
|
-1.994301
|
Sum squared resid
|
0.129594
|
Schwarz criterion
|
-1.531725
|
Log likelihood
|
40.91167
|
F-statistic
|
23.11530
|
Durbin-Watson stat
|
2.190309
|
Prob(F-statistic)
|
0.000000
|
Source : Auteur
(*) Significatif à 1%, (**) significatif à 5% et
(***) significatif à 10%.
Interprétations des résultats
Le coefficient b5 (force de rappel vers
l'équilibre) dans l'équation d'équilibre de court
terme est le coefficient de correction d'erreur. On constate
que le coefficient associé à la force de rappel est
négatif (-0,225) et significativement différent de zéro au
seuil statistique de 5% (son t de Student est supérieur à 1,96 en
valeur absolue). Il existe donc un mécanisme à correction
d'erreur : à long terme les déséquilibres entre les
séries se compensent de sorte que ces séries ont des
évolutions similaires. Le modèle estimé a un bon pouvoir
explicatif car la Fisher vaut 23,115 et le coefficient de détermination
est égal à 0,9083. Ce qui signifie que
82
90,83% des fluctuations de la croissance sont
expliquées par l'investissement privé réel, la population
active, le capital humain et les dépenses de sécurité
sociale.
Les interprétations seront faites selon une vision de
court terme et de long terme.
1) A court terme
D'après les résultats des estimations de
l'équation de court terme, il ressort qu'à court terme les
dépenses de sécurité sociale ont impact négatif et
significatif sur la croissance. Ce qui conduit à dire qu'une
augmentation des dépenses de protection sociale entraîne une
baisse de la croissance. De plus, l'élasticité de court terme de
la demande de protection sociale par rapport au PIB réel est
égale à -5,58 ce qui signifie que si les dépenses de
protection sociale augmentent de 1% alors le PIB réel sera réduit
de 5,58%. Toutefois, la variable qui apparaît avoir l'impact positif le
plus significatif sur la croissance est l'investissement privé
réel. Car son t-Student est le plus élevé, il vaut 8,102
et l'élasticité de court terme de l'investissement par rapport au
PIB réel est de 0,520 donc à court terme, si l'investissement
augmente de 10%, alors le PIB réel augmentera de 5,20%. Le capital
humain et la population active semblent ne pas avoir un impact significatif sur
la croissance, mais les signes sont conformes avec les prédictions
théoriques.
Une façon d'interpréter ces résultats
consiste à dire que l'effet sur la croissance ne résulte pas de
la protection sociale à court terme, mais plutôt des
prélèvements opérés pour pouvoir financer les
dépenses de protection sociale. Les prélèvements sociaux
sont la cause de l'alourdissement de la fiscalité. De plus, la prise en
compte des dépenses de retraite, qui correspondent à des
prestations versées à la tranche de la population non active
rentre dans la catégorie des dépenses improductives de l'Etat.
Ces dépenses qui sont élevées dans les budgets de la
sécurité sociale, affecteraient donc négativement la
croissance à court terme.
2) A long terme
Les estimations de l'équation de long terme
présentent des résultats qui sont presque identiques de ceux de
la dynamique de court terme. Ici, les dépenses de sécurité
sociale ont aussi un impact négatif et significatif sur la croissance
car le coefficient de long terme associé à ces dépenses
est négatif et significativement différent de zéro au
seuil de 5%. Ce qui rejoint les résultats trouvés dans certaines
études antérieures sur la relation (Tabellini (2000), Arjona, et
al. (2002), par exemple). Toutes les autres variables semblent avoir
un effet positif sur la croissance. Mais même à long terme, la
population active et le capital humain ont des effets moins significatifs sur
la croissance. Ce qui conduit à une certaine prudence dans
l'interprétation de ces résultats. Etant donné que
d'après les nouvelles théories de la
83
croissance endogène (Guellec et Ralle, 2001), ces deux
variables sont pertinentes à l'explication de la croissance et donc
devraient être significatives.
En somme, il ressort des estimations effectuées
ci-dessus qu'à court terme et long terme les dépenses de
protection sociale paraissent exercer des effets négatifs
considérables sur la croissance de l'économie camerounaise. Si
les résultats peuvent paraître conformes avec ceux de certains
auteurs qui ont trouvé une incidence négative (Bassanini et
Sarpetta, 2001, Arjona et al., 2001, par exemple), ils contredisent
cependant les résultats de Gwartney, Lawson et Holcombe (1998),
Cassamatta, Cremer et Pestieau (2000) qui ont trouvé une incidence
positive de ces dépenses sur la croissance et surtout d'Arjona, Ladaique
et Pearson (2002) qui plaident pour la différenciation à
instaurer entre les effets des dépenses sociales actives et les
dépenses sociales passives sur la croissance. Puisque selon les auteurs,
les dépenses sociales actives auraient un effet positif sur la
croissance et ce sont les dépenses passives qui sont néfastes
à la croissance.
Par ailleurs, la question relative à la destination
effective des dépenses de sécurité sociale engagées
par les représentants des pouvoirs publics mérite d'être
posée, en liaison avec l'impact négatif à court et
à long terme. Ainsi, soit les dépenses de sécurité
sociale ont le plus souvent été faites pour payer les
retraités qui sont peu productifs en terme de contribution à la
croissance économique, au détriment des indemnisations des
accidents de travail ou de l'assurance maladie pour les travailleurs. Soit,
elles ont été détournées de leur destination
initiale, ce qui pose donc dans ce cas la question de la bonne gouvernance
économique au Cameroun. En effet, Rajkumar et Swaroop
(2002)42 ont montré, à partir d'une comparaison
internationale et d'une estimation sur données de panel couvrant la
période 1990-1997, que la bonne gouvernance (mesurée par le
degré de corruption et la qualité de la bureaucratie) a un impact
positif sur l'efficacité des dépenses publiques. Cette
efficacité est mesurée par le gain sur la croissance du PIB, de
l'augmentation des dépenses publiques de santé.
En outre, autant que le montant des dépenses de
protection sociale, le mode de financement de celles-ci joue un rôle
crucial dans la détermination de l'impact global de la protection
sociale sur la croissance. Le taux de cotisation sociale prélevé
par la CNPS doit être celui qui n'alourdit pas le coût du travail
pour ne pas contribuer à l'augmentation du taux de chômage, qui a
une incidence négative sur la croissance et le bien-être
social.
Les résultats trouvés dans cette étude
semblent rejeter l'hypothèse H2 selon laquelle
une augmentation des dépenses de protection sociale
accélère la croissance. Les coefficients
42 Cités par Nubukpo (2003) dans «
Dépenses publiques et croissance des économies de l'UEMOA »,
CIRAD, Montpellier (France).
84
associés aux dépenses de sécurité
sociale étant négatifs à court et à long terme cela
traduit une diminution de la croissance consécutive à une
augmentation des dépenses de protection sociale.
CONCLUSION
Au terme de cette évaluation empirique des effets de la
protection sociale sur la croissance, l'utilisation de dépenses de
sécurité sociale comme proxies de la protection sociale a permis
de relever un impact négatif et significatif des dépenses de
sécurité sociale sur la croissance. Mais le caractère
atypique des économies de l'Afrique subsaharienne a conduit à une
certaine prudence dans l'interprétation de ces résultats car
l'économie informelle y occupe une place primordiale. Cette incidence
négative semblerait s'expliquer par les effets de la fiscalité et
de la corruption qui sont néfastes à la croissance. Car les
prélèvements sociaux sont la cause de l'alourdissement de la
fiscalité.
85
CONCLUSION DEUXIEME PARTIE
En fin de compte, d'après la littérature
théorique et empirique, lorsqu'il s'agit du lien entre protection
sociale et croissance les économistes sont partagés sur la
question de savoir si la protection sociale constitue une entrave ou si elle
contribue à la croissance. Ainsi, selon certains, elle
découragerait l'épargne et l'investissement, serait
néfaste à l'emploi et son financement grèverait la
compétitivité du territoire. Pourtant, d'autres réfutent
ces arguments et insistent sur l'apport de la protection sociale à la
croissance par, entre autres, le soutien à la demande, l'enrichissement
du capital humain et l'incitation à la prise de risque. En outre, on
constate que les pays, qui ont aujourd'hui un niveau de protection sociale
élevé, bénéficient également de
manière globale une croissance économique supérieure
à la moyenne mondiale (Enjoras, 1999).
Une évaluation des effets de la protection sociale sur
la croissance à l'aide des données de l'économie
camerounaise a permis de constater que les dépenses de protection
sociale sembleraient exercer une incidence négative et significative sur
la croissance au Cameroun. Les estimations des séries chronologiques ont
été effectuées sur la période 1975 à 2006
à l'aide du logiciel EVIEWS. Toutefois, il ressort de ces
résultats que le caractère atypique de l'économie
camerounaise et surtout les effets des détournements des derniers
publics peuvent justifier cette incidence négative des dépenses
de sécurité sociale sur la croissance.
CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATIONS DE POLITIQUE
ECONOMIQUE
86
Au terme de cette étude, il ressort que la protection
sociale influe sur la croissance via la productivité du travail dans un
plan microéconomique. Ainsi, la protection sociale a une incidence
positive sur la productivité des travailleurs. Ceci a été
prouvé théoriquement à travers une mise en exergue d'une
part, de la théorie du salaire d'efficience car, la théorie du
salaire d'efficience est sans doute aujourd'hui parmi les théories sur
lesquelles les économistes du travail se penchent le plus. Cette
théorie a permis d'établir une relation croissante entre le
salaire d'un individu et sa productivité, et partant le niveau de
couverture sociale que bénéficie un travailleur dans la firme et
l'intensité du travail qu'il peut fournir. Les auteurs comme Leibenstein
(1974), Mirless (1975) et Stiglitz (1976) ont mis l'accent sur le fait que,
dans les pays peu développés où la malnutrition domine,
les performances des individus dépendent directement de leur salaire
exprimé en biens de consommation. D'autre part, la théorie du
capital humain selon laquelle, la protection sociale améliore
l'état de santé des individus et de surcroît leur
productivité. Car la santé a été
présentée comme un élément du capital humain au
même titre que l'éducation. Les auteurs tels que Grossman(1972,
1998 ), Piateki et Ulmann (1996), Ulmann (1999) et Majnoni d'Intignano et
Ulmann (2001) ont démontré que la santé avait un effet
positif sur la productivité du travail car elle permettait de
réduire le manque à gagner dû à l'absence au travail
pour cause de la maladie.
Le régime camerounais de protection sociale mis en
place en 1956, actuellement géré par la Caisse Nationale de
Prévoyance Sociale, qui s'adresse aux seuls travailleurs salariés
relevant du code du travail et aux membres de leurs familles. Il comporte trois
branches qui servent des prestations diverses aux demandeurs qui remplissent
les conditions pour en bénéficier : la branche des prestations
familiales, la branche des pensions et la branche des risques professionnels.
Les prestations de ces branches sont complétées par celle de
l'action sanitaire et sociale. S'agissant du financement de ces branches, il
est assuré par : les cotisations des employeurs pour les branches de
prestations familiales et des risques professionnels, les cotisations des
employeurs et des travailleurs pour la branche des pensions ; un
prélèvement sur les cotisations des trois branches et les
participations des usagers pour l'action sanitaire et sociale.
S'agissant de la prise en charge des malades, on peut estimer
que 4 à 5% seulement de la population camerounaise dispose,
actuellement, d'une forme de protection contre le risque
87
maladie. Il faut y ajouter un pourcentage difficile à
chiffrer, mais de l'ordre de 15%, qui dispose d'une couverture très
partielle du risque grâce aux caisses de secours mises en place dans le
cadre des associations ou tontines traditionnelles (Eppée Kotto, 2004).
Les assurances privées ont connu beaucoup d'échecs et
présentent une rentabilité limitée.
Toutefois il faut noter que le système camerounais de
protection sociale est basée sur la solidarité et présente
des signes d'inadaptation car la limitation de la couverture de
sécurité sociale aux travailleurs salariés qui
représentent à peine 10% de la population, les populations
exerçant dans le secteur informel, le secteur rural vivant encore dans
l'exclusion. De plus, la stagnation du niveau des prestations servies qui n'ont
pas été revalorisées pour tenir compte de la hausse du
coût de la vie.
L'évolution de la protection sociale et de la
productivité du travail au Cameroun a permis de constater que la
productivité du travail est élevée dans le secteur formel
et faible dans le secteur informel qui pourtant regorge une plus grande partie
des emplois. Ainsi la productivité dans l'ensemble s'est
avérée faible. Ceci est dû au fait que les travailleurs du
secteur formel, peu nombreux jouissent d'une bonne couverture sociale tandis
que ceux du secteur informel, majoritaire n'en bénéficient
presque pas. De même, une étude statistique de la
corrélation entre les prestations sociales reçues et la
productivité de la main d'oeuvre a permis de montrer qu'il existe une
forte liaison entre la productivité d'un individu et son niveau de
couverture sociale car le calcul du coefficient de corrélation et de la
covariance entre les deux variables a donné des résultats
satisfaisants. Avec un coefficient de corrélation proche de
l'unité et une variance élevée et positive. Ainsi
l'hypothèse H1 selon laquelle une
hausse de la couverture sociale entraîne une
augmentation de la productivité du travail été
testée.
Les diagnostics macroéconomiques des effets de la
protection sociale sur la croissance ont permis de montrer que d'une part, la
protection sociale pourrait avoir une incidence négative sur la
croissance. Car le financement des systèmes de protection sociale
entraîne un alourdissement de la fiscalité qui a des effets sur
l'attractivité des investissements et la compétitivité
d'une économie, puis la hausse des salaires des travailleurs peu
qualifiés induite par la générosité des
systèmes de protection sociale entraîne une hausse du
chômage de cette catégorie de travailleurs. De plus, si les
régimes de prestations sociales découragent les individus de
travailler, l'offre de travail dans l'économie diminue, ce qui
réduit le niveau de la production et dans certains cas, de
l'investissement et, de ce fait, de la croissance.
La protection sociale n'est pas sans effets sur la croissance
économique (Ahmad, Dreze et Sen, 1991) : elle peut la favoriser en
encourageant la prise de risques, en permettant
88
d'adopter des technologies plus productives et en prenant en
compte la problématique hommes-femmes, mais elle peut aussi la freiner
en éliminant le risque et en incitant les individus à modifier
leur comportement. La fourniture par l'Etat d'un soutien aux systèmes de
protection sociale est donc un instrument important du développement
économique, qui force parfois à choisir entre l'efficacité
à court terme et l'efficience à long terme. L'absence
d'instruments appropriés de protection sociale expose encore plus les
pays à des chocs externes qui peuvent interrompre leur croissance. Comme
on a récemment pu le constater, c'est peut-être à cause des
conflits sociaux latents et des carences des institutions ayant pour mission de
gérer les conflits (y compris l'insuffisance des filets de
sécurité sociale) que tant de pays voient leur économie
s'effondrer depuis le milieu des années 70 (Rodrik, 1999). Par ailleurs,
la protection sociale peut être considérée comme un soutien
à la demande, un enrichissement du capital humain, une réponse au
« dilemme des générations » et un facilitateur des
ajustements structurels.
Il ressort de la présente étude qu'un
accroissement des dépenses de protection sociale diminue la croissance.
Ces résultats ont été obtenus en appliquant les
méthodes statistiques et économétriques issues des
études précédentes à des données qui
pourraient être considérées comme de bonne qualité,
notamment les données les plus fiables qui soient disponibles sur le
Cameroun au sujet non seulement de la sécurité sociale, mais
également de l'investissement privé, du PIB réel, du taux
brut de scolarisation du primaire et du secondaire. Les estimations indiquent
une incidence négative des dépenses de sécurité
sociale sur la croissance. Ce qui est contraire avec les résultats
microéconomiques trouvés à la première patrie de
cette étude qui montraient un effet positif des prestations sociales sur
la productivité du travail. Pourtant d'après les études
effectuées sur le lien productivité-croissance (Artus et Cette,
2004 ; Nayman et al, 2004 ; Belorgey et al, 2005) la
productivité du travail est une variable pertinente et positive de la
croissance. Donc un accroissement de la productivité de travail
entraîne une augmentation de la croissance. Ainsi, la protection sociale
qui a une incidence positive sur la productivité du travail devrait
avoir une incidence positive sur la croissance. Cependant, les résultats
trouvés dans la deuxième partie de cette étude conduisent
à penser à une certaine différenciation des
dépenses de sécurité sociale et privilégier celles
qui soutiennent l'emploi dont une augmentation aura tendance à accroire
la croissance, telle que le recommandent Arjona et al. (2002).
Les débats quant aux effets de la protection sociale
sur la croissance doivent certes être pris en compte, mais il n'est pas
question de contester la légitimité de l'existence de la
protection sociale au Cameroun. Cette dernière relève d'un choix,
celui opéré par l'Etat de
89
viser le bien-être des citoyens. Pour l'essentiel, il
s'agit aujourd'hui de porter le débat sur les modalités de sa
mise en oeuvre, et de s'interroger sur la manière de faire
évoluer les systèmes de protection sociale pour les adapter au
nouveau modèle de développement socio-économique en
vigueur, tout en continuant de viser l'amélioration du bien-être
des citoyens camerounais.
En somme de toutes ces conclusions, quelques modestes
recommandations de politique économique s'avèrent
nécessaires :
1) Il est important d'étendre la protection
sociale à tous les travailleurs ceci permettra non seulement
aux travailleurs d'être en bonne santé, mais également
d'être plus productifs.
2) Une reforme en profondeur du système actuel
de sécurité sociale est donc appropriée
c'est-à-dire une extension effective de la sécurité
sociale au secteur informel qui regorge un grand nombre d'emplois et aux
agriculteurs du monde rural. Dans le but d'accroire les capacités
productives dans cette partie de l'économie d'une part, et soutenir en
retour la croissance d'autre part.
90
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ANNEXES
Annexes 1.1 : résumé des
dépenses de santé, les indicateurs principaux (en 2003) et les
ressources humaines de santé (en 2004) au Cameroun.
Dépenses de santé et indicateurs
principaux Les ressources humaines de santé
Indicateur
|
Année
2004
|
|
|
Médecins (nombre)
|
3,124
|
Médecins (densité pour
1000 habs)
|
0.19
|
Infirmière (nombre)
|
26,042
|
Infirmières (densité pour 1000 habs)
|
1.6
|
Dentistes (nombre)
|
147
|
Dentistes (densité pour
1000 habs)
|
0.01
|
Source : Base de données pays OMS (WHOSIS)
Récapitulatif
Part
|
%
dépenses de santé
|
% PIB
|
Public
|
28,9
|
1,2
|
Privée
|
71,1
|
3,0
|
Total
|
100,0
|
4,2
|
Source : Base de données pays OMS (WHOSIS) Rapport
sur le développement humain 2006, PNUD
viii
Indicateur Valeur
|
Valeur
|
Total des dépenses de santé en % du PIB
|
4,2
|
Dépenses publiques en % du total des dépenses de
santé
|
28,9
|
Dépenses privées* en % du total des
dépenses de santé
|
71,1
|
Dépenses publiques de santé en % du total des
dépenses publiques
|
8,0
|
Ressources extérieures pour la santé en % du
total des dépenses de santé
|
3,2
|
Dépenses de sécurité sociale en % des
dépenses publiques de santé
|
0,1
|
Paiements directs en % des dépenses privées de
santé 98.3
|
98,3
|
Financement des assurances privées en % des
dépenses privées de santé n/a
|
n/a
|
Total des dépenses de santé par habitant (en
dollars internationaux
|
64
|
Dépenses publiques de santé par habitant (en
dollars internationaux)
|
19
|
* Les dépenses privées sont constituées des
assurances privées ainsi que de la
participation financière directe des usagers aux services
de soins. Source : Base de données pays OMS (WHOSIS)
Rapport sur le développement humain 2006, PNUD
ix
Annexe1.2 : Evolution de la productivité du
travail au Cameroun
taux de croissance
|
0,12 0,1 0,08 0,06 0,04 0,02 0 -0,02 -0,04 -0,06
|
CROISSANCE DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1995
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Années
TC PT
Annexe1.3 : Test de cointégration de
Johansen
Source : Auteur
x
Annexe1.4 : Tests de stationnarité sur les
séries
Tests ADF et PP sur les séries à
niveau
Séries
|
Test ADF
|
Test PP
|
LNPIBR
|
0,055703
|
*V.C à 1% -3,6661 V.C à 5% -2,967
V.C à 10% -2,6200
|
0,206755
|
V.C 1% -3,6576
V.C à 5% -2,9591
V.C à 10% -2,6181
|
LNIVPR
|
-0,1001045
|
-0,0611947
|
LNDEPS HUM
|
-1,45905
|
-1,265114
|
-1,299590
|
-1,1253777
|
LNPAC
|
-0,100301
|
-0,172812
|
*V.C = valeur critique au seuil de 1%, 5% et 10%. Source :
Auteur
Tests de ADF et PP sur les séries en
différence première
Séries
|
Test ADF
|
Test PP
|
D(LNPIBR)
|
-3,651651
|
*V.C à 1% -3,6752
V.C à 5% -2,96665
V.C à 10% -2,6220
|
-5,462910
|
V.C à 1% -3,6661
V.C à 5% -2,9627
V.C à 10% -2,6200
|
D(LNIVPR)
|
-3,685298
|
-5,099597
|
D(LNDEPS)
|
-3,120284
|
-5,010915
|
D(HUM)
|
-4,266852
|
-4,823247
|
D(LNPAC)
|
-2,99070
|
-4,575099
|
*V.C = valeur critique au seuil de 1%, 5% et 10%. Source
: Auteur
xi
Table des matières
Sommaire i
Avertissement ..ii
Dédicaces iii
Remerciements iv
Liste des graphiques, Liste des tableaux, listes des
schémas et figures v
Liste des abréviations ..vi
Résumé/Abstract vii
Introduction générale 1
I . Contexte et Problématique 1
II : Intérêt de l'étude
8
III . Objectifs et Hypothèses 9
IV . Méthodologie 9
V . Plan .10
Première partie: protection sociale et croissance :
effets microéconomiques 11
Introduction de la première partie ..12
Chapitre 1 : Analyse théorique de l'incidence de la
protection sociale sur la productivité
du travail 13
Introduction 13
Section I. la protection sociale comme déterminant
de la productivité du travail 13
I-1 . Intégration de la protection sociale dans les
déterminants de la productivité du
travail .14
I-1-1 . Protection sociale, intensité et
qualité du travail et productivité 14
A . Analyse du schéma des déterminants de la
productivité du travail 14
B . Protection sociale et motivation . amélioration
de l'intensité et de la qualité du
travail 15
I-1-2 . la protection sociale comme couverture contre le
risque et productivité 16
I-2 . Protection sociale, motivation et
productivité du travail ..16
I-2-1 . La sécurité sociale comme
élément de la productivité 17
A . Une mise en exergue du modèle sociologique du
salaire d'efficience ..17
B . Effet direct des sentiments de sécurité
sociale sur la productivité .18
I-1-2 . Le choix du niveau de productivité comme
résultant du degré de couverture sociale
et des risques du travail .18
xii
A . Une extension de la fonction de production de
l'entreprise 19
B . Formalisation de la relation entre une variable de
protection sociale et une
variable té du travail ..20
Section II . protection sociale-sante-productivité du
travail ..22
II-1 . Couverture sociale, capital humain et
productivité du travail 23
II-1-1 . Protection sociale, amélioration du capital
humain et productivité 23
A . Les dépenses de protection sociale comme un
investissement productif ...23
B . Une esquisse de la perception du lien
santé-productivité du travail par certains
théoriciens 24 II-1-2 . Protection sociale
comme couverture des risques de la maladie et
productivité......24
A . L'assurance maladie publique et productivité
25
B .Approches d'évaluation des coûts de la
maladie ..25
II-2 . Présentation d'un modèle
intégrant la santé comme facteur endogène dans
l'ensemble
des comportements de production . le modèle
d'investissement de Grossman ..26
II-2-1. la santé
comme un investissement permettant d'augmenter la capacité de
production
et de gain ..27
II-2-2 . Formalisation du modèle d'investissement de
Grossman 28
Conclusion 29
Chapitre2 : évolution de la protection sociale et de la
productivité du travail au Cameroun 31
Introduction ..31
Section I . protection sociale et productivité du
travail au Cameroun 31
I-1 . Présentation du système camerounais de
protection sociale 31
I-1-1 . Cadre institutionnel ..32
A-la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
.32
B-la protection de l'emploi ..33
I-2-2 . Les formes actuelles de prise en charge des malades
35
A . La prise en charge du risque maladie dans
l'économie moderne 36
B . L'assurance maladie dans le secteur informel et dans le
monde rural 37
I-2 . Analyse comparative des évolutions de la
productivité du travail dans les secteurs formel
et informel 37
I-2-1 . productivité du travail dans le secteur formel
et dans le secteur informel 38
I-2-2 . Comment expliquer les écarts de
productivité pour les individus identiques ? 39
Section II . évaluation statistique de la relation
entre la protection sociale et la productivité
du travail ..40
xiii
II-1 . Evolution de la productivité du travail, des
cotisations sociales et des prestations
sociales reçues .40
II-1-1 . Productivité du travail et cotisations
sociales 40
A . Caractérisation du niveau d'activité
..41
B . Evolution de la productivité du travail et des
cotisations sociales 41
II-1-2 . Analyse Graphique ..42
II-2 . Détermination du lien entre protection
sociale et productivité du travail .43
II-2-1 . Etude de la régression de la
productivité de la main d'oeuvre en fonction des
prestations sociales
|
..43
|
II-2-2 . Détermination du coefficient de
corrélation
|
...44
|
A . Définitions et méthode de calcul de la
corrélation
|
44
|
B . Présentation des résultats et
interprétations
|
..45
|
Conclusion
|
46
|
Conclusion de la première partie
|
.48
|
Deuxième partie : protection sociales et croissance :
Diagnostics macroéconomiques
|
...49
|
Introduction deuxième partie
|
...50
|
Chapitre 3 : la protection sociale et la croissance : une
présentation de la littérature
|
..52
|
Introduction
|
..52
|
Section I. analyse des mécanismes de transmission de
l'incidence de la protection sociale sur
la croissance 52
I-1 . La protection sociale néfaste à la
croissance économique ..52
I-1-1 . La contrainte de financement et le rôle de la
protection sociale sur le marché du
|
travail . effets sur l'attractivité du territoire et
chômage des travailleurs peu qualifiés
|
.53
|
A . Effets sur l'attractivité et la
compétitivité
|
.53
|
B . La protection sociale néfaste à l'emploi
des travailleurs peu qualifiés
|
54
|
I-1-2 . Effets négatifs sur l'épargne et
l'investissement de la protection sociale
|
55
|
I-2. La protection sociale, pilier essentiel d'une croissance
économique durable
|
.56
|
I-2-1 . La protection sociale comme instrument de
stabilisation macroéconomique et
facilitateur des ajustements structurels 56
A . Instrument de stabilisation macroéconomique
.56
B . Un instrument facilitateur d'ajustements structurels
57
I-2-2 . Approche intergénérationnelle de la
protection sociale et amélioration du bien-être
social 58
A . Une réponse au « dilemme des
générations » ...58
xiv
B . L'amélioration du bien-être social des
populations .58
Section II . une analyse de la littérature empirique
sur la relation 59
II-1. Les études empiriques sur la croissance
59
I-1-1 . Résumé du tableau des modèles
empiriques moderne de la croissance .. 60
A . Les travaux publiés reposant sur une analyse
transversale de forme réduite......60
B . modèle structurel de la croissance .61
II-1-2 . Quelques résultats des études
empiriques ...62
II-2 . Effets indirects de la protection sociale sur la
croissance .63
II-2-1 . Protection sociale, Fiscalité et Croissance
.63
A . les dépenses publiques de protection sociale comme
cause de l'alourdissement de
la fiscalité . impact négatif sur la croissance
..63
B . l'indissociabilité de l'effet de la
fiscalité de l'effet des dépenses sociales sur la
croissance .64
II-2-2 . Protection sociale, distribution des revenus et
croissance 65
A . la redistribution du revenu comme objectif de la
protection sociale .65
B . lien de causalité entre la redistribution du
revenu et la croissance dans la
littérature empirique 66
Conclusion ...67
Chapitre 4 : validation empirique des effets de la protection
sociale sur la croissance
économique au Cameroun 68
Introduction ..68
Section I . méthodologie ..68
I-1 . Evolution des dépenses de sécurité
sociale et le PIB réel ...68
I-1-1 . Analyse empirique de la croissance économique
au Cameroun .69
A . Une croissance essentiellement extensive et peu
alimentée par les fondamentaux de
l'économie 69
B . Représentation graphique de l'évolution du
PIBR de 1975 à 2006 ...70
I-1-2 . Dépenses de sécurité sociale
71
I-2 . Méthode empirique .72
I-2-1 . Modèle de croissance et ses
spécifications ...72
A . Modèle de croissance de Solow augmenté
73
B . Equation à estimer .74
I-2-2 . Présentation des variables à estimer et
sources de données 74
A . Les variables 74
xv
B : Source de données 75
Section II : Estimations empiriques .76
II-1 : Tests de spécification du modèle
...76
II-1-1 : Fondements et nécessité d'une
méthodologie spécifique à l'analyse des
séries
chronologiques .76
A : Problèmes ...76
B : la nécessité d'une méthodologie
spécifique 77
II-1-2 : Tests de stationnarité et de
cointégration ...78
A: Tests standards de l'ordre d'intégration : la
notion de racine unitaire .78
B : La cointégration .79
II-2 : Méthode d'estimation, présentation
des résultats et interprétations ..80
II-2-1 : Méthode d'estimation ..80
II-2-2 : Présentation des résultats et
interprétations ...81
Conclusion ...84
Conclusion deuxième partie .85
Conclusion générale et recommandations de
politique économique ...86
Bibliographie 90
Annexes ..viii
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