2.4.2.3.2 Mode de transmission des maladies par les
excrétas ou boues de vidange
eau
D'après Labelle (1995) et l'OMS (1995), l'Homme est le
réservoir de la plupart des maladies qui le détruisent et le
rendent inapte au travail. Les infections et les épidémies
telles que les fièvres typhoïdes, le choléra, la
dysenterie, les diarrhées sont les causes des pertes humaines par mort
ou débilité. Les différents moyens de contamination de
l'Homme par les boues de vidange sont présentés dans la figure
2.
débilité
main
boues de
vidange
homme
arthropodes
aliments
décès
sol
Source : OMS (1995).
Figure 2: Transmission des maladies à partir
des boues de vidange
D'après la figure 2, la gestion des boues de vidange
doit se faire de sorte qu'elles ne soient pas en contact avec les aliments de
l'Homme et son environnement, afin d'éviter les maladies qu'elles
induisent.
Catégorie et
caractéristiques
épidémiologiques
|
Exemples marquants
d'infection
|
Mécanismes principaux
de transmission
|
INon bactériennes (voie
oro-fécale)
|
Diarrhée à rotavirus
Hépatite infectieuse
Amibiase
Giardiase
Cryptosporidiose
Entérobiase
Inf. / Hymenolepsis
|
Par contact entre
personnes (ou avec des
personnes manipulant
les excréta)
Contamination
domestique
|
Bactériennes (voie
oro-fécale)
|
Infection / Campylobacter
Choléra
Inf. pathogénique / E.coli
Salmonellose
Shigellose
Typhoïde
|
Par contact entre
personnes (ou avec des
personnes manipulant
les excréta)
Contamination. domestique
Contamination par l'eau
Cultures fertilisées par
excréta ou eaux usées
|
Transmission
d'helminthes par le sol
|
Ascaridiose
Ankylostomiase
Trichocéphalose
|
Contamination de cour
Contamination par les
champs et le sol
Cultures fertilisées par
excréta ou eaux usées
|
Infections par les vers
|
Téniasis
|
Contamination de cour
Contamination par les
champs et le sol
Contamination par le
fourrage
|
Transmission
d'helminthes par l'eau
|
Distomatose (douve du foie)
Schistosomiase
|
Contamination par l'eau
Et le poisson
|
Tableau 2 :
Classification environnementale des infections dues aux
excréta
Source : Feachem et al. 1983 et Mara 1996 cités par
Klingel et al., 2002.
2.4.2.3.3 Contexte de gestion des boues de vidange au
Cameroun
Les boues de vidange proviennent des infrastructures
sanitaires, au sein des concessions familiales ou communales (fosses septiques,
latrines, toilettes publiques...). En absence de réseaux d'égouts
(cas de la plupart des villes camerounaises), les excrétas restent
surplace dans les fosses septiques et dans les latrines. En zone rurale, la
densité de la population est généralement faible. La
pratique courante est la fermeture des ouvrages sanitaires pleins et
l'ouverture d'une nouvelle fosse dans un endroit plus ou moins
éloigné du premier (Montangero et Strauss, 2002). Par contre, en
zone urbaine, le taux de croissance démographique et la densité
de la population sont élevés. A cause du manque d'espace dans les
concessions, ces pratiques n'ont plus lieu. Il est donc nécessaire de
vidanger les ouvrages sanitaires et d'évacuer les boues de vidange hors
des concessions (Bolomey, 2003). Si ces boues ne sont pas gérées
correctement, elles peuvent causer de graves nuisances sur l'environnement
urbain et de santé publique. Tous ces problèmes pourraient
être évités grâce à un système efficace
de gestion : vidange adéquat des systèmes d'assainissement,
garantissant un risque minimum lors du maniement, du transport et
prévoyant un système de traitement des boues aboutissant à
une élimination finale (Klingel et al., 2002).
2.4.2.3.4 Mode de gestion des boues de
vidange
La meilleure manière de gérer les boues de
vidange passe par les procédés et options de collecte, transport,
traitement et la valorisation des produits de traitement (Blunier et
al., 2004).
a. Collecte et transport des boues de vidange
On distingue deux systèmes de collecte et transport
des boues de vidange :
- le système collectif dans lequel les boues de vidange
sont collectées par un réseau d'égout aboutissant à
une station de traitement (Heinss et al, 1998).
- le système autonome dans lequel les boues sont
stockées au niveau de l'habitation, dans
les fosses septiques et les latrines. Lorsque ces ouvrages
sont pleins, les boues sont pompées et transportées par des
camions citernes de vidange (figure 3) vers les décharges où
elles sont traitées ou déversées sans traitement.
Source : Defo
Figure 3: Le camion de
vidange de la commune urbaine de Bafoussam
L'équipement recommandé pour la collecte des
boues de vidange est un système combiné de camions citernes
à aspiration classique et de petites remorques à traction
manuelle (figure 4). Ces remorques permettent d'accéder aux fosses
à vidanger situées dans les ruelles très étroites
et inaccessibles aux gros engins (Strauss et al., 1999).
Source : Klingel et al., 2002.
Figure 4: Remorque à traction manuelle
b. Traitement des boues
D'après Strauss et al. (2003), les boues des
stations d'épuration des eaux usées et les boues de vidange
peuvent se traiter de la même manière. L'optimisation d'un
schéma de traitement des boues révèle d'une analyse
systématique et approfondie dans le contexte local
considéré, qui seule permet d'apporter les éléments
de réflexion à la fois techniques, financiers et
d'ordre réglementaire. Le traitement des boues se fait
par étape. D'après Bechac et al. (1983), les
différentes étapes de traitement des boues sont les
suivantes :
b.1 Epaississement des boues
C'est le premier stade de réduction
du volume des boues. Pour optimiser le dimensionnement et la fiabilité
des postes de traitement aval (stabilisation et déshydratation), il est
important d'obtenir le meilleur taux d'épaississement possible.
b.1.1 Epaississement gravitaire
C'est la technique de décantation des boues la plus
utilisée. La quasi-totalité des boues solides donne lieu
à une sédimentation freinée caractérisée
par la formation rapide d'une interface nette entre le liquide clarifié
et la phase solide (Bechac et al., 1983).
b.1.2 Epaississement par flottaison
La flottaison est un procédé
particulièrement adapté pour provoquer la floculation des boues.
Le flotta-test effectué au laboratoire permet de savoir si la phase
solide est flottable. Ce test permet de déterminer la nature et les
doses de réactifs nécessaires pour l'agglomération des
particules.
b.2 Conditionnement des boues
Pour rendre les boues aptes à la
déshydratation, il est indispensable de rompre leur stabilité
colloïdale par un conditionnement préalable qui a pour but de
rendre la boue drainable et filtrable.
b.2.1 Conditionnement chimique
Cette opération
conduit par application des phénomènes de coagulation et de
floculation à l'agglomération des particules sous forme de flocs.
On utilise deux types de réactifs : Les électrolytes
minéraux à poly-cations et les polymères organiques de
synthèses. Chaque type de réactif a son efficacité propre,
notamment en ce qui concerne la diminution de l'hydrophylie particulaire,
surtout observée en présence de chaux. La dimension des flocs est
très important avec les poly-électrolytes (Bechac et
al., 1983).
b.2.2 Conditionnement thermique
Il consiste à traiter les boues organo-colloïdales
par cuisson selon différents procédés technologiques.
L'échauffement des boues à une température variant entre
160°C et 210°C conduit à une transformation irréversible de sa
structure en libérant la majeure partie de l'eau liée à la
matière boueuse. Le conditionnement thermique est
particulièrement adapté aux stations équipées de
digesteurs.
b.2.3 Conditionnement physique
Il consiste à provoquer l'agglomération des
particules par agitation.
b.3 Stabilisation des boues
Pour réduire le pouvoir fermentescible des boues, on
procède à leur stabilisation par des procédés
biologiques (aérobies ou anaérobies), chimiques ou thermiques.
b.3.1 Digestion aérobie
On effectue l'aération des boues pendant une
période prolongée et les micro-organismes aérobies
dégradent les matières organiques qu'elles contiennent par
respiration endogène.
b.3.2 Digestion anaérobie
La digestion anaérobie consiste à provoquer la
fermentation méthanique des boues placées dans les cuves
fermées à l'abri de l'air et on observe une réduction de
la matière organique des boues de 45 % à 50 %. On distingue,
dans le mécanisme de la dégradation des matières
organiques par voie anaérobie, deux phases qui coexistent lorsque le
digesteur est alimente en continu : une phase de liquéfaction
pendant laquelle les matières organiques sont dégradées
par des enzymes intra et extracellulaires sécrétées par
certaines bactéries et converties en molécules plus simples. La
seconde phase est une gazéification pendant laquelle les
molécules simples d'acides volatils sont dégradées par
d'autres micro-organismes (bactéries méthaniques) et par
l'intermédiaire d'enzymes intramoléculaires en eau, gaz
carbonique et en méthane (Bechac et al., 1983).
b.3.3 Stabilisation chimique
La stabilisation chimique est obtenue par addition massive de
la chaux aux boues. L'élévation du pH à pour effet de
bloquer la fermentation, évitant le dégagement des mauvaises
odeurs. A titre indicatif, les doses de chaux à mettre en oeuvre sont
dans le cas des boues, de l'ordre de 8 à 10 % exprimée en
Ca(OH)2 de la concentration en phase solide des boues (Bechac et
al., 1983).
b.3.4 Stabilisation thermique
Elle peut être assurée par pasteurisation des
boues liquides à 70°C pendant 30 minutes, par séchage
thermique poussé, par autoclave ou cuisson sous pression entre 180 et
200° C pendant 30 à 90 minutes.
b.4 Déshydratation des boues
urbaines
La déshydratation constitue la seconde étape de
réduction du volume au cours de laquelle on réalise sur les boues
épaissies, stabilisées ou non une réduction plus ou moins
poussée de leur humidité résiduaire de façon
à les amener à l'état solide (Bechac et al.,
1983). Elle se fait par lit de séchage, par sac filtrant ou par
filtration sous vide.
b.4.1 Lits de séchage
Le lit de séchage des boues à l'air libre sur
des lits de sable drainés reste, en raison des frais d'investissement
réduits, la seule technique de dessiccation utilisée pour les
stations d'importance modeste. Cette technique n'est utilisée que pour
les boues non stabilisées et moins putrescibles. Le lit de
séchage comporte un massif drainant 0,25 à 0,3 mètre
d'épaisseur constitué de pierrailles reparties en couches de
granulométrie décroissante du bas vers le haut. Ce massif est
surmonté d'une couche de sable de 0,1 mètre d'épaisseur
(Bechac et al., 1983).
b.4.2 Sacs filtrants
La déshydratation des boues par sacs filtrants met
essentiellement en oeuvre un phénomène de drainage gravitaire
préalablement floculées. Les boues floculées sont
chargées dans un toile synthétique et muni d'une colonne centrale
de drainage. Selon la teneur initiale en matières sèches, des
quantités de boues variant de 5 à 15 m3 de boues
peuvent être introduites par cycle dans un sac.
b.4.3 Filtration sous vide
La filtration sous vide constitue le procédé de
déshydratation traditionnel couramment utilisé. Les filtres sont
de type ouvert à tambour rotatif, constitues par des cylindres tournant
autour d'un axe horizontal. Le secteur inférieur, immergé dans
une auge recevant les boues est constamment mis sous vide par un système
de distributeurs internes et d'une pompe à vide externe.
Pour des raisons économiques, les technologies peu ou
non mécanisées dites à coût faible sont
appropriées pour le traitement des boues de vidange dans les pays en
voie de développement.
c. Traitement des boues de vidange dans les pays en voie
de développement
Epandage agricole
Décantation plus épaississement des boues dans les
bassins de décantation
Phase solide
Phase liquide
Boue de vidange non décantée
Digestion
Co-compostage avec les déchets
BV
Lit de séchage des boues plante ou non
Déshydratation/lit de séchage
Lagunage (co-traitement avec les eau usées)
Un procédé de traitement doit avoir un besoin
d'énergie minimale et ne doit pas nécessiter l'utilisation des
produits chimiques (Strauss, 1998). La figure 2 présente les options
spécifiques de traitement adaptées aux pays en voie de
développement. Ces méthodes de traitement sont économiques
et dits à coût faible.
Source : Strauss et al., 1999
Figure 5 : Option de traitement des boues de
vidange dans les pays en voie de
développement
La figure 5 présente quatre options de traitement des
boues de vidange :
§ La première option consiste à
décanter les boues puis, à traiter la phase liquide dans un
système de lagunage. La phase solide issue de la décantation est
traitée par déshydratation sur un lit de séchage. L'eau
usée traitée et les boues séchées peuvent
être utilisées comme fertilisant en agriculture.
§ La deuxième option consiste à traiter
les boues non décantées sur des lits de séchage
plantés ou non, puis de récolter les déchets de
traitement et les utiliser comme intrant agricole.
§ La troisième option consiste à faire la
digestion des boues, puis à les sécher sur lit planté
ou non planté et utiliser les déchets de
traitement comme engrais en agriculture.
§ La quatrième option consiste à faire le
compostage des boues avec les déchets solides. La gestion des boues de
vidange varie d'un pays à un autre.
Le tableau 3 illustre les conditions d'évacuation et de
traitement des boues de vidange dans quelques villes et pays du monde.
Tableau 3 : Gestion des
boues de vidange dans certaines villes et pays du monde
Ville/Pays
|
Evacuation/utilisation
sans traitement
|
Traitement séparé
|
Traitement
combiné
|
Amérique Latine
Province de
Rosario
(Argentine)
|
/
|
Lagunage
|
Lagunage du
contenu des
fosses septiques
et des eaux usées
|
|
|
|
|
Kumasi (Ghana)
|
Evacuation dans les cours eaux
|
/
|
/
|
|
|
|
|
Accra (Ghana)
|
Evacuation marine
(des boues en excès)
|
Décantation/épaississement
suivi d'un système de
lagunage ; compostage de
matière solide avec la sciure
ou les déchets solides
|
Traitement dans
les installations
à boues activées.
|
|
|
|
|
Afrique du Sud
|
/
|
/
|
Traitement dans
un système de
lagunage avec
les eaux usées
|
|
|
|
|
Maseru (Lesotho)
|
/
|
Lagunes de séchage
|
/
|
|
|
|
|
Dar Es Salaam
(Tanzanie)
|
Dans les tranchées
Evacuation marine
avec les eaux usées
|
/
|
/
|
Source : Strauss et al., 2003
Dans le tableau 3, on constate que peu de pays
disposent d'installations de traitement des boues de vidange ou de leur
co-traitement avec les eaux usées. D'après Strauss et
al.(2003), ces installations sont exploitées au Ghana, au
Bénin, en Indonésie, en Chine et au Lesotho. Il faut noter que le
co-traitement des boues de vidange avec les eaux usées est difficile car
ces installations sont le plus souvent surchargées et ne fonctionnent
pas de manière optimale à cause des charges polluantes qu'elles
reçoivent.
Par ailleurs, certaines pratiques consistent à utiliser
les boues de vidange sans traitement en agriculture. Les boues de vidange
constituent un bon engrais organique et sont de ce fait souvent
utilisées pour amender les sols agricoles. Si les boues ne sont pas
correctement traitées, les organismes pathogènes qu'elles
contiennent sont alors dispersés dans les champs où ils peuvent
entrer en contact avec les paysans d'autant plus facilement que ceux-ci sont en
contact permanent avec le sol contaminé qu'ils travaillent en
général sans protection particulière. Les bactéries
et oeufs de vers peuvent aussi adhérer aux végétaux et
infecter les personnes qui les consomment crus ou mal lavés (Klingel
et al., 2002). L'utilisation traditionnelle des boues de vidange est
illustrée par la figure 6.
Source : Klingel et al., 2002.
Figure 6 : Gestion traditionnelle des
boues de vidange en Chine.
En chine, les entrepreneurs privés collectent les boues
de vidange auprès des ménages utilisant les latrines à
seaux et les vendent aux cultivateurs (photo 4). Les boues sont ensuite
diluées et utilisées sans traitement pour la fertilisation des
cultures (Klingel et al., 2002).
|