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Interventions éducatives visant la réduction de la violence dans le cadre de projets d'insertion professionnelle destinés aux anciens détenus

( Télécharger le fichier original )
par Régis Verhaegen
CPFB (UCL) - Baccalauréat en éducation spécialisée 2003
  

Disponible en mode multipage

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Institut Provincial de promotion sociale et de Formation Continuée

Enseignement et Formation
continuée à Louvain-la-Neuve

"Interventions éducatives
visant la réduction de la violence
dans le cadre de projets d'insertion professionnelle destinés aux anciens détenus
"

Épreuve intégrée présentée par Régis Verhaegen en vue de l'obtention d'un baccalauréat en éducation spécialisée.

Promoteur :
Vincent Vanaubel

Année académique 2013-2014

Avant-propos

« Ce que tu gagneras par la violence,
une violence plus grande te la fera perdre. »

Mohandas Karamchand Gandhi

Remerciements :

Je remercie sincèrement Vincent Vanaubel, Xavier Willems, Sylvie Dony, tous les professeurs de l'IPFC et du CPFB qui ont participé à la formation, l'ASBLBravvo, Laurence Mirkes, Mohamed El Barouzi, Fatima Achemoune et Anabela Roque Reinata pour l'aide qu'ils m'ont apportée dans la réalisation de ce travail.

Table des matières

1 Introduction 4

1.1 Introduction générale 1

1.2 Hypothèse de départ 2

1.3 Définition de termes 3

1.4 Public étudié 5

1.4.1 Projet Kick Off 5

1.4.2 Public cible du Projet 8

1.4.3 Sujets d'étude 9

1.5 Explication du procédé 11

1.6 Choix de l'action étudiée et questions éthiques 13

2 Acte violent 15

2.1 Types, niveaux et degrés de l'acte 15

2.1.1 Types de violences 15

2.1.2 Niveaux de violence 16

2.1.3 Degré de violence 17

2.2 Direction et dérivation 18

3 Avant : les facteurs 19

3.1 Introduction : conceptualisation et prévention 19

3.2 Facteurs génétiques 20

3.3 Facteurs psychobiologiques 23

3.4 Facteurs intrapsychiques 27

3.5 Facteurs de réponse 38

3.6 Facteurs relationnels 41

3.7 Facteurs situationnels et environnementaux 48

4 Après : les résultantes 55

4.1 Résultante évènementielle 55

4.2 Résultante intrapsychique 62

4.3 Résultante sur la reproductivité 67

4.4 Résultante stratégique 71

5 Piste généraliste : la communication 74

6 Conclusion 76

7 Bibliographie 78

Introduction

Introduction générale

Depuis le départ de ma formation en tant qu'éducateur, un phénomène particulier me trouble : la violence. Cela m'a d'abord inquiété car je ne pensais pas être capable d'y faire face. Avec l'expérience offerte par les stages, j'ai vécu des situations compliquées qui m'ont rassuré sur mes capacités. J'ai d'abord été dans un centre d'accueil et d'échange de matériel stérile pour toxicomanes. Je me suis plusieurs fois retrouvé à devoir gérer des conflits physiques entre des hommessouvent armés. J'ai su gérer habilement ces situations. La fonction d'éducateur dans des écoles primaires de quartiers défavorisés de Bruxelles (deuxième et troisième stages) m'a initié au rôle de gérant de conflits interpersonnels. J'ai particulièrement apprécié ce rôle. Dans mon troisième stage (enseignement spécialisé type 1 et type 81(*)), j'ai accompagné des enfants pour qui la violence était un mode de communication quotidien. Rassuré sur mon aptitude à faire face au phénomène, il me restait une difficulté. Je me sentais particulièrement mal outillé pour traiter ce problème en profondeur. J'arrivais à réagir professionnellement sur le moment, mais j'ignorais comment traiter ces comportements de manière durable. C'est pour cette raison que j'ai choisi le thème de la violence pour cette étude.

En Belgique, le nombre de condamnations au tribunal de première instance pour coups et blessures volontaire est passé de 4390 en 1997 à 6922 en 2011 (augmentation de 57,7%), le nombre de meurtres est passé de 138 à 210 (augmentation de 52,1%), le nombre de condamnations pour torture, de 0 à 55, de prises d'otage de 10 à 25 (augmentation de 150%), de vols avec violence, de 2197 à 2764 (augmentation de 25,8%) et de menaces, de 1192 à 1800 (augmentation de 51%)2(*). Ce ne sont que quelques exemples pris parmi les crimes violents qui permettent de constater une aggravation du phénomène sur 14 ans.Je travaille dans un programme d'insertion professionnelle pour de jeunes adultes qui, pour la plupart, ont déjà passé quelques années en prison. Entre 2003 et 2011, on constate que 48.2% des personnes qui ont été libérées ont fini par être réincarcérées (Maes & Robert, 2012). Le taux de récidive en Belgique est donc assez élevé. Même si la violence n'est qu'un des aspects qui peuvent amener à une incarcération, il est essentiel de travailler sur la réinsertion des prisonniers. Comme le projet dans lequel je travaille est nouveau et l'équipe réduite (4 personnes), j'ai une certaine latitude pour apporter des idées et modifier les activités. Cela fait de ce projet un terrain idéal pour réaliser cette étude et pour tester des interventions pratiques sur le phénomène de la violence.

J'ai cherché le moyen de pouvoir intégrer efficacement les apports théoriques, les pistes pratiques et l'expérience de terrain tout en gardant la rigueur nécessaire à un travail d'étude dans le domaine des sciences humaines. J'ai pris le parti pris de séparer clairement les trois aspects tout en les gardant proches les uns des autres. Chaque aspect du phénomène sera donc divisé en trois parties : théorie, pistes d'intervention et expérience de terrain. Je vais essayer par différents moyens de comprendre ce phénomène et surtout de trouver des moyens pour agir dessus. Le questionnement principal de ce travail est donc :

Comment aborder et traiter la violence ?

1.1 Hypothèse de départ

Lors des recherches effectuées et dans ma vie professionnelle, j'ai pris connaissance de différents types d'interventions destinées aux anciens détenus. Différents objectifs coexistent : réinsertion, prévention de la récidive, surveillance... Le point commun est qu'elles étaient presque toutes pensées par des intervenants du milieu judiciaire : juristes, criminologues et/ou personnel carcéral. Elles pouvaient aussi être développées par des psychologues. Paul Mbanzoulou (2000), l'un des auteurs dont nous allons étudier les écrits, a l'avantage d'avoir les deux casquettes : docteur en droit, il dispose également d'une maitrise de psychologie. Il est plus rare de trouver des programmes d'intervention pour ce public réalisés par des éducateurs. De nombreux travaux sur la violence, écrits par du personnel éducatif, existent, mais ilssont souvent dirigés aux plus jeunes (public scolaire ou délinquants mineurs). L'intérêt de ce travail va résider dans le lien entre les deux mondes : le milieu éducatif et le milieu carcéral.

L'hypothèse de travail est la suivante :

« Une approche intégrale permet de traiter efficacement la violence chez les anciens détenus. »

Cette hypothèse nous permettra d'aborder ce sujet avec un angle d'attaque assez large. En effet, le terme "intégral" est largement utilisé dans le domaine de la prévention de la criminalité. Ainsi, comme le présente la note du gouvernement fédéral belge destinée en 2009 à tous les bourgmestres du pays : « De manière générale, la Note-cadre de Sécurité intégrale définit la sécurité intégrale comme le concept visant à aborder la criminalité et l'insécurité3(*) sous tous leurs aspects, dans le contexte le plus large possible. »4(*) Une approche intégrale revient donc à étudier un phénomène en observant et en intervenant sur tous les aspects possibles. Traube (2002) définit le phénomène violent comme une mécanique complexe mêlant, rien qu'à l'intérieur du sujet, sentiments, émotions, fantasmes, préjugés, croyances, souvenirs, éducation...Sans compter tous les paramètres extérieurs. Il insiste sur l'idée qu'un changement sur un seul paramètre du phénomène est inefficace : cela nécessite une intervention multi-ciblée.C'est ce que nous allons aborder dans ce travail.

1.2 Définition de termes

Dans l'analyse et le traitement de la violence, Traube (2002) constate l'usage de plusieurs termes sans considération sur les nuances qu'ils peuvent apporter. Les mots violence, agressivité, irritabilité, agression, colère, pulsion agressive, conflit... sont souvent utilisés, à tort, comme des synonymes ou des concepts ayant des significations semblables. Nous allons commencer par définir quelques expressions afin d'en avoir une compréhension plus claire et un usage correct.

Agressivité : toutes les espèces vivantes, y compris l'être humain, sont mues par la nécessité de survivre et de protéger leur intégrité. Pour répondre à ce besoin, elles font parfois usage de leur instinct agressif. Pour l'être humain, on parlera plutôt de pulsion agressive. (Traube, 2002)

Agression : actualisation de la pulsion agressive. Acte ou comportement qui porte atteinte, volontairement ou non, à un individu. (Traube, 2002). Nous utiliserons ici les termes agression et acte violent comme étant synonymes.

Violence : mode de communication, habituellement utilisé en dernier recours. Réponse agressive à un comportement perçu comme provocateur. (Traube, 2002)

Conflit : « rapports de force entre des exigences contradictoires qui s'opposent de manière (manifeste ou latente), directe ou indirecte. Il peut s'agir de conflits interpersonnels, dans les groupes ou entre groupes sociaux.»5(*) Le conflit n'induit pas forcément la violence, mais la violence est souvent utilisée comme mode de communication en cas de conflit.

Irritabilité : variation de l'humeur, de la santé, de la fatigue... qui augmente l'intensité d'une réaction émotionnelle et notamment la possibilité d'une réponse agressive. On parlera de seuil d'irritabilité. (Traube, 2002)

Impulsivité : « Caractère d'une action spontanée, irréfléchie, induite sous l'influence des impulsions. Tendance irrésistible à l'accomplissement d'un acte sans réfléchir à ses conséquences ou à sa pertinence. »6(*)

Colère : sentiment élémentaire (avec la peur) de réaction face à un danger ou une menace. Cette menace/danger (réelle ou supposée) peut cibler différents éléments : intégrité physique, sentiments, "territoire" (responsabilités, espace vital, distance interrelationnelle...), valeurs... La colère peut être un sentiment utile dans certains cas et inadéquat dans d'autres (si elle devient une réponse habituelle à la moindre frustration par exemple). (Traube, 2002)

Frustration : État d'une personne privée d'un bien, d'un avantage escompté, promis, attendu ou qui se refuse la satisfaction d'une demande pulsionnelle. État d'insatisfaction induit par le fait de ne pas avoir pu réaliser un désir. (Le Petit Robert de la langue française 2014)

Comme nous pouvons le constater, la colère, l'agressivité, l'agression et la violence ne sont pas forcément une question d'intention. Ces termes concernent davantage la perception et les effets que les comportements d'autrui peuvent avoir. Sur le terrain, j'ai pourtant l'habitude de considérer la violence comme une intention. Celui qui est violent ne veut pas forcément l'être : il est perçu comme cela. C'est une habitude que j'ai appris, par ce travail, à remettre en question.

En résumé :

Sentiments : colère, frustration

Pulsion : agressivité

Humeur : irritabilité

Comportement : agression

Mode de communication : violence

Délinquance : « ensemble des infractions commises à l'encontre de l'ordre public et appréhendées du point de vue de leur incidence sociale. »7(*)

Insertion : « Action visant à faire évoluer un individu isolé ou marginal vers une situation caractérisée par des échanges satisfaisants avec son environnement. Résultat de cette action, qui s'évalue par la nature et la densité des échanges entre un individu et son environnement. »8(*)

Réinsertion sociale : « processus au terme duquel un individu qui a commis des délits dans le passé cesse d'en commettre et mène une vie à peu près morale. »9(*) D'après Mbanzoulou (2000), ce terme a de nombreux synonymes ayant plus ou moins la même signification : amendement, réadaptation sociale, (re)socialisation, réhabilitation, reclassement social et insertion sociale.

Il est possible d'observer dans différents ouvrages (Mbanzoulou 2000, Traube 2002, Rey 1996, Koudou 1996, Born et Chevalier 1996), le lien réalisé entre criminalité et violence. Ce lien va parfois jusqu'au raccourci en assimilant l'un à l'autre. Cela est probablement dû au nombre d'études et de statistiques fiables disponibles sur la délinquancequi n'existent pas sur la violence en général. En dehors des informations judiciaires, la violence reste difficile à mesurer sur de grands groupes (surtout d'adultes). Il est important de souligner que toute infraction n'est pas systématiquement réalisée en faisant usage de la violence et qu'une grande partie des actes violents ne sont pas repris dans les statistiques et études liées à la criminalité. Bien que, en reprenant la définition du mot agression ; un vol sans violence (terme juridique) est un acte qui porte atteinte, volontairement ou non, à un individu. Pour donner une idée de la proportion, au Canada, en 1995, seuls 10% des actes criminels avaient été commis en utilisant la violence. (Dowden, Blanchette et Serin, 1999) Dans ce travail, nous utiliserons également ce lien entre criminalité et violence en essayant autant que possible de ne pas verser dans le raccourci abusif.

1.3 Public étudié

La partie pratique de ce travail sera basée sur ma pratique professionnelle dans le cadre du projet Kick Off de l'ASBL Bravvo où j'occupe le poste d'éducateur. Kick Off est un projet d'insertion professionnelle10(*) destiné aux jeunes adultes en difficulté sur le marché de l'emploi. Parmi ceux-ci, une grande partie a eu des difficultés avec la justice et a été incarcérée à un moment de sa vie.

1.3.1 Projet Kick Off

« Le projet Kick Off est un projet pilote dans le secteur de l'insertion socio-professionnelle.

Il concerne les adultes entre 18 et 25 ans peu qualifiés sans emploi habitant prioritairement le périmètre du contrat de quartier Jardins aux Fleurs (voire la commune de Bruxelles).

Durant 4 mois, une équipe de 4 personnes (2 éducateurs, 1 animateur et 1 coordinateur) accueillent un groupe d'un maximum de 12 personnes.

Au moyen d'ateliers, animations, chantiers et entretiens individuels, l'équipe amènera les stagiaires à mettre en place un projet personnalisé de détermination professionnelle.

La particularité de Kick Off réside dans l'articulation immédiate entre expérience en situation professionnelle et moment de réflexion et travail sur les savoirs, savoir-être, savoir-faire adéquats dans le monde du travail. À l'issue du projet, chaque stagiaire sera en mesure de reprendre les études de son choix ou effectuer une recherche d'emploi efficace. »11(*)

Ce projet a été mis en place par l'ASBLBravvo. Bravvo est une association sans but lucratif de plus de 250 employés appartenant à la commune de Bruxelles-Ville. Elle centralise la politique de prévention mise en place par le pouvoir communal. Elle regroupe en son sein plusieurs projets de prévention de l'insécurité et de l'exclusion sociale12(*) : centres de jeunes, centres communautaires, gardiens de la paix, médiation scolaire, projets d'insertion professionnelle, mesures de peines alternatives, techno-prévention, médiation scolaire, locale et sociale... Sa politique d'intervention est celle d'une prévention intégrée13(*) et intégrale.

Les participants viennent pour une session de 4 mois. Jusqu'ici, le projet a vécu 3 sessions. La session 1 s'est déroulée du 21er février 2013 au 3 juillet 2013, la session 2, du 30 septembre 2013 au 31 janvier 2014 et la session 3 a commencé le 3 mars 2014 pour se terminer le 30 juin 2014. L'étude présentée ici a été faite du 22 avril 2013 (date de mon entrée en fonction) au 21 mars 2014. Cela revient à11 mois dont 7 avec le public. Il y a eu d'importantes modifications du projet entre la session 1 et la session 2 grâce aux évaluations de chaque activité, à une meilleure connaissance du public cible et à cette étude.

Le projet à 4 objectifs principaux :

- Travailler les savoir-être liés au monde du travail

- Réaliser une remise en ordre et un soutien administratifs

- Faire une remise à niveau en termes de connaissances de base

- Accompagner la détermination professionnelle et donner des outils pour faire une recherche d'emploi

C'est surtout le premier objectif qui va nous amener à travailler les problèmes de violence et d'agressivité avec notre public.

Les modes d'observation et de recueil d'information utilisés sont :

· Les paroles des participants.

· Une auto-évaluation des participants où ils évaluent quelles compétences ils ont acquises ou améliorées durant la session.

· Les observations et les avis des membres de l'équipe : 2 éducateurs, 1 animateur et 1 responsable de projet.

· Les dossiers individuels des participants (comprenant des documents administratifs, un résumé de tous les entretiens individuels, les démarches réalisées pour les participants, les exercices individuels qui ont été faits et les documents d'inscription).

· Le journal de bord quotidien (comprenant le jour, la date, les présences, les heures d'arrivée, les demandes des stagiaires, les évènements particuliers, les activités de la journée, les intervenants, une évaluation de la journée et des remarques organisationnelles).

· Les fiches réalisées pour chaque activité (comprenant la date, le lieu, les objectifs, le déroulement, le rôle des encadrants, les pédagogies utilisées, le matériel nécessaire, les moyens de vérification des objectifs, une évaluation, une liste des choses à préparer et des remarques).

· Deux rapports d'évaluation du projet réalisés à la fin de chaque session par la cellule évaluation de l'asblBravvo. Cette cellule, composée de personnes spécialisées dans l'évaluation de projets sociaux est extérieure à notre équipe.

· Trois émissions de radio (web radio mobile quartier Anneessens) qui ont été réalisées avec des entrevues des participants au projet.

Le projet Kick Off a eu jusqu'ici une vie un peu particulière. Je suis arrivé pendant la première session du projet. Cette session avait été lancée suite à l'arrivée de la chargée de projet qui avait constaté que les subsides (valables pour 4 ans) avaient déjà été reçus il y a plus d'un an et que le projet était toujours en cours de préparation. Le projet qui avait été écrit sur papier était par plusieurs aspects très peu adapté au public qu'il visait. La première session a donc commencé alors que le projet n'était pas prêt. À vrai dire, on peut comparer cette session à un prototype qui fait pour la première fois l'expérience du terrain. Cette expérience nous a amenés à revoir complètement toutes les activités. Le projet Kick Off a subi une refonte complète entre la session 1 et la session 2. Seule une infime partie des éléments ont été gardés. Toutes les activités et postures éducatives présentées ici ne sont donc pas une simple présentation du projet. Chacune d'entre elles a été créée et pensée par M. El Barouzi (animateur), L. Mirkes (chargée de projet), F. Achemoune (éducatrice) et moi-même, R. Verhaegen (éducateur) pendant l'étude que nous réalisons ici.Nous sommes en constante interaction et en réflexion permanente pour que ce projet puisse atteindre ses objectifs le mieux possible. Ce travail de fin d'études a grandement alimenté la refonte du projet Kick Off.

1.3.2 Public cible du Projet

« Jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans14(*), sans emploi en rupture sociale ou/et errance, en échec scolaire, sans accroche sur le plan de l'insertion socioprofessionnelle classique et présentant des difficultés sociales et économiques (public vulnérable). Ces jeunes adultes sont pour la plupart sans qualification ou de très faible niveau de qualification (CEB ou CES inférieur). De plus, certains sont dans l'incapacité d'obtenir un certificat de bonne vie et moeurs vierge. Ce qui constitue un facteur bloquant dans la recherche d'emploi.

Dévalorisés par des échecs successifs dans une situation économique et sociale difficile, ils doivent prendre confiance en leurs capacités et en développer de nouvelles pour s'intégrer dans la société et envisager un parcours socioprofessionnel valorisant. Le projet proposé permet à chacun de trouver sa place au coeur d'une action coopérative et valorisante mise en place par le groupe constitué. Chacun sera un maillon du projet, de la réflexion à la réalisation, et contribuera pleinement à sa réussite.

Le groupe total sera composé d'un maximum de 12 personnes par session15(*).

Une partie de ce groupe sera constituée de jeunes adultes bénéficiant de mesures d'élargissement du régime pénitentiaire (semi-liberté, surveillance électronique). Cette partie du groupe ne pourra pas excéder deux personnes afin de garder une certaine stabilité dans la dynamique et le projet constituera le lien nécessaire à la réintégration d'un espace de vie.

Ainsi, les facteurs de vulnérabilité identifiés pour le recrutement du public sont :

· Infraqualifié (le public n'a pas acquis le niveau de fin de secondaire inférieur) ;

· Situation économique faible (bénéficiaire du CPAS, ou revenu en dessous du seuil de pauvreté) ;

· Peu de ressources personnelles en matière de soutien du parcours d'ISP ;

· Ne maîtrisant pas ou peu les connaissances de base concernant les parcours de formation et de qualification ;

· Ayant déjà été en situation d'échec dans le cadre d'un projet ou d'un parcours d'insertion socioprofessionnel ;

· Ayant connu ou se trouvant en situation de sans-abrisme ;

· Ayant eu des antécédents judiciaires ;

· Nécessitant un accompagnement en matière de remise en ordre administrative ;

· Ayant des problèmes d'assuétudes qui handicapent leur potentiel d'insertion. »16(*)

1.3.3 Sujets d'étude

Dans cette étude, seront repris ceux ayant un passé carcéral c'est-à-dire ceux qui ont été détenus en maison d'arrêt (détention préventive), en maison de peine ou en institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ) et ce, en Belgique ou à l'étranger.Au total, cela concerne12 personnes sur les trois sessions (sur un total de 22 participants). Il est a noté que nous n'avons pas observé de comportements violents chez tous ceux ayant un passé carcéral et inversement, nous avons travaillé les comportements violents chez ceux qui n'avaient jamais été détenus.

Le nombre d'années qu'ils ont effectué en prison (de même que les raisons de leur incarcération) correspond à ce qu'ils nous ont communiqué. Nous ne demandons pas systématiquement ces informations. En général, ils nous les communiquent spontanément pendant la formation.

Sujet 1 (AH2) 28 ans, a passé 2 en prison, a effectué une peine judiciaire alternative au sein du projet.17(*)

Sujet 2 (AN2) 22 ans, a passé 1 an en IPPJ.

Sujet 3 (QE2) 23 ans, a passé 3 ans en prison, a participé au projet pendant une mesure d'élargissement de peine.18(*)

Sujet 4 (ED2) 26 ans, a passé 4 ans en prison, a effectué une partie d'une peine judiciaire alternative au sein du projet. Aurait dû être mis sous surveillance électronique, mais a disparu avant l'application de cette peine. Est actuellement en BCS.19(*)

Sujet 5 (SD1) 27 ans, a passé 2 ans en prison.

Sujet 6 (SA1) 20 ans, a passé 3 ans en IPPJ. Aeffectué une peine judiciaire alternative au sein du projet.

Sujet 7 (YO2) 25 ans, a passé 8 ans en prison. A participé au projet pendant une mesure d'élargissement de peine.

Session 3 (sujets observés sur une plus courte période)

Sujet 8 (BI3) 25 ans, a passé 6 ans en prison. Participe au projet pendant une mesure d'élargissement de peine.

Sujet 9 (NA3) 22 ans, a passé ?ans en prison. Participe au projet pendant une mesure d'élargissement de peine.

Sujet 10 (YA3) 29 ans, a passé ?ans en prison. Participe au projet pendant une mesure d'élargissement de peine.

Sujet 11 (RI3) 18 ans, a passé 1 an en prison.

Sujet 12 (FA3) 28 ans, a passé ?ans en prison.

Il s'agit d'un public composé d'adultes. Cela a pour conséquence qu'il est moins adéquat (et efficace) d'utiliser, en tant qu'éducateur, l'imposition comme méthode pédagogique. C'est une technique plus facile à utiliser avec des groupes d'enfants dans le cadre scolaire par exemple. Avec des adultes, nous nous sommes rendu compte qu'il est nécessaire de partir de la conscience d'un besoin de la part du sujet. Il faut faire naitre l'envie d'apprendre au lieu d'imposer des connaissances et des savoir-être. Cela nous a amenés à mettre une série de savoir-être de côté. Nous avons aussi constaté qu'il était nécessaire, avec ce public, de ne pas utiliser de procédés pouvant être perçus comme infantilisants. Lors de la session 1, nous avons observé qu'ils réagissaient assez mal quand ils pensaient que nous les traitions comme des enfants. Leur seuil de tolérance à ce niveau est plus faible que la plupart des publics adultes que j'ai pu observer qui ne se vexent pas si, dans une formation, on leur demande de faire un exercice sous forme de jeu.

Tous les sujets étudiés ont des objectifs de vie, des caractéristiques et des vécus très différents. Ils partagent cependant un objectif qui a, pour tous, une grande importance : ne pas retourner en prison.

1.4 Explication du procédé

Pour procéder à une étude intégrale du thème, nous allons procéder en utilisant un schéma. Quand il s'agit d'analyser des phénomènes complexes (tels que la violence) aux multiples implications dans différents domaines de la société et des sciences, il est important que la réflexion puisse jouir d'une certaine clarté. Cela permet d'éviter un éclatement et une fragmentation trop importante des idées. Ainsi, plusieurs ouvrages aillant trait au sujet (Traube, 2002 ; Massé, Desbiens et Lanaris, 2006) ont utilisé la schématisation pour clarifier leurs propos.

Image extraite de Massé et Al. (2006) p.3

Ainsi, comme ces auteurs, nous allons utiliser un schéma. Il a été largement inspiré de la séparation des chapitres chez Traube (2002). Ce schéma, tout comme ce travail, sera divisé en trois parties. Cette séparation sera volontairement artificielle et manichéenne. Elle permet de séparer les interventions sur le terrain : l'avant, le pendant et l'après : la prévention, l'intervention sur le moment (gestion de conflits) et le traitement.

Le centre du schéma est composé par un acte violent virtuel. Il sépare l'étude entre un avant et un après l'action violente (l'agression). C'est là qu'apparait le côté artificiel de cette séparation puisqu'un geste violent apparait rarement de manière unique et isolée. Il a toujours été précédé par d'autres actes (sauf à étudier la petite enfance, ce qui n'est pas notre cas) et sera probablement suivi d'autres agressions à un moment ou un autre de la vie du sujet.

Précédant l'acte, nous allons trouver les facteurs. C'est l'ensemble des éléments, internes et externes au sujet, qui ont causé cette action. Nous allons voir que, concernant la violence, il n'y a pas de causalité simple, mais un grand nombre de facteurs en interaction constante. Il est fréquent de trouver des tentatives de réduction du phénomène à des causes simples comme la violence dans les jeux et les films, la pauvreté, le manque d'instruction ou d'éducation. Or, s'il a été prouvé que tous ces facteurs avaient un impact sur la tendance à utiliser la violence, aucun n'est suffisant à lui seul. Nombreux sont ceux qui, par exemple, jouent à des jeux violents sans utiliser excessivement, dans leurs relations, la violence. Ainsi, nous aborderons de nombreux moyens qui permettent de prévenir l'usage de la violence.

Suivant cet acte, nous allons trouver les résultantes20(*). C'est l'ensemble des résultats, internes et externe, que l'acte va avoir. L'objectif recherché a-t-il été atteint ? L'action va-t-elle être reproduite ? Existe-t-il des moyens pour éviter la reproduction ? Encore une fois, chaque action violente n'a pas systématiquement les mêmes conséquences. Ainsi, la même manière d'intervenir après un acte violent peut s'avérer efficace dans certains cas et inefficace dans d'autres. Il est important, comme pour les facteurs, d'explorer les différentes possibilités d'intervention après l'action pour choisir, au cas par cas, les interventions les plus adaptées.

Dans cette étude, nous n'aborderons quasiment pas l'intervention sur le moment par choix personnel et parce que la gestion de conflit est largement étudiée ailleurs.

Il existe des conceptualisations similaires que nous pourrions utiliser dans ce travail. Concernant la prévention, elle est habituellement séparée en trois parties : prévention primaire (pour ceux qui ne peuvent pas encore être touchés par le phénomène), secondaire (pour ceux qui risquent d'être touchés par le phénomène) et tertiaire (pour ceux qui sont déjà touchés par le phénomène)21(*). Le travail réalisé ici ne concerne que la prévention tertiaire mais pas seulement : le traitement de la violence sera également abordé. La justice a quant à elle développé une conceptualisation qui lui est propre entourant l'acte délinquant : prévention (pour éviter que l'acte ne soit commis), répression (quand l'acte est commis : emprisonnement, amende...) et suivi (après la répression pour aider et vérifier que l'acte ne soit plus commis). Beaucoup d'acteurs judiciaires se plaignent de la quasi-inexistence du suivi (Mbanzoulou, 2000). Personnellement, j'y ai surtout vu, dans la façon dont c'est pratiqué (Mbanzoulou 2000) et perçu (d'après les dires des sujets 1, 3, 4 et 6), une répression après la répression et le signe que l'ancien détenu n'a jamais fini de "payer sa dette à la société". Le projet Kick Off ne se situe pas exactement au niveau du suivi même s'il réalise un travail de réinsertion et de prévention de la récidive. Nous ne sommes pas des outils de vérification pour le système judiciaire. Nous utiliserons donc davantage la conceptualisation utilisée en médecine séparant la prévention du traitement.

Pour chaque facteur/résultante étudié ici, le chapitre sera divisé en trois parties distinctes :

· La première partie comprendra une étude théorique du facteur ou de la résultante abordés.

· La deuxième partie (intervention pratique : revue de la littérature) fera un inventaire des différentes interventions ou conseilsexistants concernant ce facteur ou cette résultante en particulier.

· La troisième partie (sur le terrain : observations et intervention personnelles) reprendra le travail de terrain : les observations et les interventions (concernant ce facteur ou cette résultante en particulier) vécues au sein du projet Kick Off.

Cette organisation permet de séparer efficacement ce travail en trois parties : théorie, pistes d'intervention et pratique de terrain.

1.5 Choix de l'action étudiée et questions éthiques

L'action mise au centre de ce schéma, un acte violent patent, est un choix méthodologique qui pose des questions éthiques. En effet, tout usage de la violence n'est pas forcément visible. Il existe de nombreuses manières de nuire à un individu qui peuvent difficilement être perçues par un observateur extérieur (cf. chapitre 3.5). L'acte violent visible est ce qui est généralement conçu par la société comme englobant toute la violence. Ce sont les coups (avec ou sans armes), les cris, les insultes, les menaces et d'autres actions tout aussi visibles (cf. chapitre 2). Il arrive extrêmement souvent (cf. chapitre 3.5) que cet acte ne soit que la réponse à d'autres actes subits. Parfois, l'acte prend pour cible l'auteur de ces violences subies et d'autres fois, il en change la cible (cf. chapitre 2.2 et 4.2). Alors, pourquoi choisir cet acte-là alors qu'il n'est souvent qu'une réponse à d'autres violences antérieures ? C'est parce que c'est ce type d'actions qui est, avant tout autre, jugéinadéquat et puni par l'autorité. Pour le public que nous étudions, cela revient souvent (si l'action est perçue par l'autorité) à un retour en prison ou à des sanctions bien plus importantes que pour la plupart d'individus. Ainsi, ce choix n'a pas été fait pour perpétuer une forme d'injustice (ou en tout cas une perception tronquée de la réalité), ni d'entériner le fait que de nombreux actes violents sont socialement acceptés (Traube 2002), mais bien pour apporter au public dont je m'occupe des moyens pour éviter de se retrouver à nouveau derrière les barreaux. D'autres types de violences méritent clairement la même attention, mais ils sont nettement plus difficiles à percevoir et donc à traiter.

Durant la session 1 du projet Kick Off, 8 conflits violents ont éclaté (dont 2 incluant de la violence physique)22(*). Durant la session 2 du projet, 5 conflits violents ont éclaté (dont 2 incluant de la violence physique)23(*). La session 2 comprenait 60% de participants en plus et 150% d'anciens détenus en plus que la session 1.

Déontologiquement, un autre point mérite d'être abordé. Les études sur l'agressivité et la violence portent aussi souvent sur les animaux que sur les êtres humains. Nombreux sont les chercheurs qui abordent également les études faites sur le règne animal (Traube, 2002 ;Dehasse, 1995 ; Laborit, 1994) . Cela peut poser certaines questionséthiques, mais cela permet également de voir les points communs et les différences qu'il y a entre agressivité animale et humaine. L'agressivité chez l'un et chez l'autre est, à l'origine, liée au besoin de survie (défense, alimentation, reproduction...). Chez l'humain, cela s'est étendu au-delà de la survie à proprement parler tout en restant lié à ce besoin.

2 Acte violent

2.1 Types, niveaux et degrés de l'acte

Maintenant que nous avons défini les termes importants, établi la méthode d'étude et fait connaissance avec le public étudié, une étude typologique de l'acte violent s'impose. Il y a plusieurs manières de porter atteinte, volontairement ou non, à un individu. Ainsi, Traube (2002), de même que Massé & al. (2006) et Bayada, Boubault, Bisot et Gagnaire (2000) apportent des nuances sur la violence en termes de types, de niveaux, de direction, d'enjeu et de degré. Tous cependant s'accordent sur un point essentiel de ce travail : conflit et pulsion agressive sont des éléments naturels, constitutifs de l'humanité. Cela n'a pas de sens de vouloir les éradiquer des sociétés humaines. Par contre, ils peuvent être dirigés ou gérés positivement.

2.1.1 Types de violences

· La violence peut être physique ou psychologique. Plusieurs proverbes populaires expriment bien cette idée : les mots peuvent blesser autant, si pas plus que les coups. Un regard ou une expression faciale peuvent causer d'importants dommages à l'intégrité d'un individu. La particularité de la violence psychologique est d'être intangible : elle ne laisse pas de traces clairement visibles.

· La pulsion violente peut être actualisée ou non. Elle peut être transformée en acte ou non. La particularité d'une pulsion violente non actualisée est de ne pas disparaitre. Elle peut être inhibée par deux moyens : soit, la personne accepte la pulsion et refuse de l'actualiser, soit la personne refuse la pulsion et ne perçoit pas ou n'accepte pas consciemment son agressivité. Refuser (consciemment ou non) son expression ne neutralise pas une pulsion violente ; il faudra d'autres mécanismes pour cela. (Traube, 2002)

2.1.2 Niveaux de violence

Le niveau de violence fait référence aux acteurs de la violence : individus, groupes et organisations. Ainsi, ces acteurs peuvent se combiner. Tous les anthropologues (Traube, 2002) expliquent la vie sociale génère de la violence et que les groupes et les individus produisent des moyens de l'exprimer afin qu'elle ne le détruise pas en se dirigeant vers lui-même.

· Niveau intra-individuel : la violence d'un individu envers lui même

· Niveau inter-individuel : la violence d'un individu envers un autre individu, l'un étant victime et l'autre auteur du préjudice. On pense généralement plus souvent à ce type de violence.

· Niveau inter-groupal : la violence d'un groupe envers un autre. Nous pouvons prendre, par exemple, la violence de ragots échangés entre deux groupes au sein d'une école.

· Niveau inter-organisationnel : la violence d'une organisation envers une autre. C'est le cas, par exemple d'un conflit armé entre deux pays. Attention, il est fréquent qu'un conflit en cache un autre quand, par exemple, un conflit entre deux entreprises cache en réalité un conflit non assumé entre les dirigeants de ces organisations.

· À l'intérieur même d'un groupe, il arrive souvent que l'ensemble désigne un bouc émissaire (en général l'individu le moins capable de se défendre). Le groupe choisit l'un des siens pour diriger la violence qu'il génère. Ainsi, une petite partie du groupe est "sacrifiée" pour que l'ensemble ne soit pas submergé par sa propre violence.

· Parfois, le groupe va désigner un ennemi extérieur dont il construira une représentation menaçante (peu importe qu'elle soit vraie ou exagérée). Cela permet de renforcer la cohésion de groupe, de se mobiliser contre un adversaire. C'est souvent le cas du racisme : l'étranger est la cause de nos maux.

· La société en tant qu'organisation va aussi exprimer différentstypes de violence : violence politique (coups d'état, groupes extrémistes, rapport dominant-dominé), violence économique (dualisation riches-pauvres, surenchère de la consommation) ou violence culturelle (énonçant une norme et rejetant ceux qui s'en démarquent).

Ainsi, nos 3 éléments (individu, groupe, organisation) se combinent chacun 4 fois. Exemple : individu (auteur) vs24(*) lui-même (victime), individu vs autre individu, individu vs groupe, individu vs organisation. Au total, cela fait 12 possibilités de combinaison différentes.

Auteurs/victimes

Lui-même

Individu

Groupe

Organisation

Individu

1

2

3

4

Groupe

5

6

7

8

Organisation

9

10

11

12

Il est à noter qu'il est aussi possible d'exprimer de la violence envers des objets ou des animaux.

2.1.3 Degré de violence

On peut aussi diviser les actes violents en terme de degrés c'est-à-dire selon l'intensité de la manifestation. Il est extrêmement difficile de faire un classement d'actes violents par niveau d'intensité. S'il semble évident qu'un coup est moins grave qu'un meurtre prémédité, qui peut dire si un coup est plus intense qu'une insulte ? Si la réponse communément admise dirait que le coup est plus grave, nous avons tous déjà vécu la situation d'une injure qui blesse plus profondément et durablement qu'un coup de poing. Ainsi, notre société a tendance à classifier les actes non pas selon l'importance du dommage qu'elle cause, mais selon son degré de tolérance envers ces actes. Pour illustrer ce propos, je retiendrai un scandale récent qui a eu lieu en France : un jeune homme a été condamné par le tribunal correctionnel à un an de prison ferme pour avoir lancé un chat contre un mur.25(*) Ce qui choque dans cette affaire c'est que la peine est largement supérieure à celle généralement infligée aux auteurs de violences conjugales répétées, aux auteurs de coups et blessure envers les humains et même souvent aux auteurs de viols. Nous pouvons néanmoins placer les actes violents sur une échelle virtuelle d'intensité.

À ce moment, un autre concept intervient : la durée et la répétitivité de l'acte. Il est par exemple évident que la pollution tue beaucoup plus que les accidents d'avions et de train réunis. L'accident est intense et apparait de manière très sporadique, la pollution est constante, multiforme et surtout, très étendue dans la durée. Le crash est visible, il est facile de démontrer ses effets. La pollution est plus difficile à observer et il faut toute une batterie d'experts pour déterminer si tel décès ou telle maladie en est la conséquence. Il existe également des systèmes fermés qui vont avoir tendance à refuser de rendre visible la violence qui les anime. C'est le cas des familles, mais aussi des écoles où les scandales et la violence cherchent souvent à être étouffés par les différents acteurs pour ne pas nuire à la réputation de l'établissement.

Nous avons donc, en termes de degré, trois paramètres à prendre en compte : l'intensité, la durée/répétitivité et la visibilité. La société aura une tolérance bien plus grande pour les actions d'une intensité faible, d'une durée/répétitivité importante et d'une visibilité minime. A contrario, elle ne tolérera pas les actions violentes intenses et visibles. C'est celles que nous essayerons de traiter ici. (Traube 2002)

2.2 Direction et dérivation

D'après Traube (2002), la pulsion agressive a besoin, chez l'être humain, de se trouver une cible. Si elle ne s'écoule pas vers l'extérieur, elle aura tendance à se diriger vers l'intérieur. La pulsion nécessite un objet. L'extérioriser permet de se protéger de sa propre violence. La violence gratuite est un concept théorique qui n'existe pas dans la réalité. En pratique, la violence aura toujours des causes et une ou plusieurs directions. Quand la direction ne correspond pas à la cause, c'est que la violence a été dérivée. Cela peut s'avérer être un mécanisme positif (l'adolescent qui utilise son agressivité dans le sport) ou négatif (le professeur qui pourrit la vie de ses élèves parce que sa femme est insupportable). Nous allons étudier comment utiliser le principe de dérivation de manière positive. Ainsi, la violence a toujours une fonction. Pour traiter les comportements violents, il faudra trouver leurs fonctions et leurs enjeux. Ils peuvent avoir différentes formes qui demanderont différentstypes d'intervention. C'est ce que nous allons voir dans cette étude.

3 Avant : les facteurs

Introduction : conceptualisation et prévention

L'un des principaux problèmes de la violence telle que nous l'étudions est sa partie visible. En effet, des coups, des insultes ou des cris sont des évènements qui attirent l'attention. Dans beaucoup de milieux, comme les écoles ou les prisons, ils vont être le point de départ d'une intervention visant à les stopper. Le principal problème vient du fait que l'acte en lui-même n'est que l'arbre cachant la forêt : il est l'aboutissement d'un processus complexe composé de nombreuses variables. Avant d'en arriver à utiliser la violence comme mode de communication, de nombreux facteurs entrent en jeu. L'erreur, lorsque l'un de ces facteurs est découvert, est de focaliser toute son attention dessus. Un des meilleurs exemples concerne la polémique concernant les jeux vidéo. Après de nombreuses recherches (54 au procédé fiable d'après le psychiatre Stéphane Mouchabac in Bénard, 2007), la communauté scientifique s'est accordée sur le fait que les jeux violents augmentaient l'agressivité. Le même constat a été fait concernant le cinéma. Cependant, penser que la violence dans les films ou dans les jeux est responsable d'actes violents graves est une erreur. Les jeux s'avèrent être un des éléments qui, isolément, n'ont qu'un impact minime sur les passages à l'acte violent. « La violence est un phénomène multicausal. L'invocation conjuratoire d'une cause et d'une cause unique n'est jamais une explication pertinente de l'acte violent. Celui-ci est toujours la résultante d'une multitude de motifs qui agissent simultanément et conjuguent leurs effets » (Traube, 2002 p.134). « L'ensemble des facteurs de risque que nous avons présenté montre à quel point l'étude des causes de la violence est complexe. » (Massé & al. 2006 p. 63) Les facteurs qui peuvent amener à un acte violent sont nombreux. Nous en explorerons ici 6 familles : les trois premières concernent des facteurs intra-personnels (facteurs génétiques, psychobiologique et intrapsychiques), les deux suivantes concernent davantage la relation (facteurs de réponse et facteurs relationnels) et le dernier s'intéressera aux paramètres environnementaux. À chaque fois, nous découvrirons et testerons sur le terrain, des moyens d'agir sur ces facteurs. Vous le verrez, il arrive souvent qu'une intervention ait des effets sur plusieurs paramètres en cause. Selon les situations, un cocktail bien spécifique de postures et d'actions éducatives s'avérera efficace pour éviter l'acte violent. Ainsi, les propositions présentées dans cette partie sont de l'ordre de la prévention.

3.1 Facteurs génétiques

Au départ de tout individu, il y a ce que chacun reçoit à la naissance : un corps physique avec certaines particularités. Nous avons tous reçu de nos parents un bagage génétique qui a déterminé la couleur de nos yeux, de nos cheveux, de notre peau, une prédisposition à certaines maladies... Mais les gênes ont également une influence notable sur les comportements.

Neurologues, généticiens et psychiatre étudient les liens entre gênes et comportements. Ces études, donnant souvent lieu à des polémiques, n'ont pas encore donné lieu à un consensus sur le sujet. Le Dr JoelDehasse (1995) cite notamment le scandale de 1965 autour du dit chromosome du crime : un chromosome Y supplémentaire qui causerait l'agressivité. Cette anomalie génétique serait 35 fois supérieure dans la population carcérale (3,5% contre 0,1% dans la population générale). Plusieurs études contradictoires ont mené à l'oubli de cette théorie. La presse à tendance à exagérer les résultats des études qui sont menés sur le sujet. Une étude du Dr RoopeTikkanen (2009) sur les patients alcooliques emprisonnés a fait dire que la moitié de la population finlandaise serait porteuse du gène de la violence. Le gène étudié (MAOA) dans une de ses variantes (MAOA-H) aurait une influence minime sur l'impulsivité. Une autre variante (MAOA-L) augmenterait les comportements asociaux.

Quoi qu'il en soit, tous les généticiens s'accordent sur le fait que la violence est un phénomène fort complexe pour l'attribuer à l'influence des gènes. Si influence il y a, elle est multigénique et infime par rapport à d'autres types d'apports. De plus, les avancées constantes réalisées dans le domaine depuis quelques décennies empêchent toute conclusion définitive. Le Psychiatre Phillip Geirwood s'exprime sur l'influence entre gènes et comportement dans un documentaire de Horel S. &Lentin J. P. (2005). Il y explique les résultats d'une vingtaine d'études menées sur des jumeaux monozygotes. D'après lui, les facteurs génétiques ont une grande influence sur nos comportements. Mais, ajoute-t-il, cela ne justifie rien : ce sont des gènes de prédisposition, de vulnérabilité. C'est-à-dire que le gène augmente la probabilité que certains comportements ou certaines maladies se développent (comme la schizophrénie), mais ne condamnent en aucun cas à un développement certain. Le DrGeirwood expliquait être lui-même porteur d'un gène favorisant le suicide et d'un autre favorisant l'alcoolo-dépendance sans qu'aucune de ces pathologies ne se soitdéveloppée. Nombreux sont les porteurs d'un chromosome Y en plus ou du gène MAOA sous sa variante H ou L sans avoir développé de comportements particulièrement violents. DrGeirwood explique que ces tendances génétiques induisent simplement une vigilance particulière de sa part.

Le fait que les conduites criminogènes les plus violentes soient le fait de personnes de sexe masculin pourrait faire penser à une origine chromosomique ou hormonale du problème (cf. chapitre 3.3). Mais les études menées sur le sujet n'ont pas amené à un consensus sur le sujet. Il semblerait que ce phénomène soit davantage lié à des aspects relationnels, culturels et sociétaux.

Patrick Traube conclut en 2002 que toutes les études génotypiques menées sur les personnes délinquantes n'ont pas montré de différence génétique frappante entre eux et le reste de la population.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Bien qu'aucune conclusion notable n'ait été faite sur le sujet, différents types d'interventions existent. Toutes posent d'importants problèmes éthiques. Elles sont citées ici par rigueur scientifique, mais apportent, à l'heure actuelle en tout cas, peu d'intérêt pour le travail d'éducateur.

Effacer
Le terme suppression est utilisé par Paul Mbanzoulou (2000) pour décrire un retrait définitif de la société. En pratique, ce retrait s'effectue par deux moyens : la peine de prison jusqu'au décès ou dont la durée dépasse clairement l'espérance de vie de la personne et la peine de mort. Cette idée se base sur deux concepts carcéraux : celui de punition et de réinsertion. Le premier conçoit la peine comme un châtiment mérité et justifié suite à un acte d'une certaine gravité. Le second concept postule que le condamné est impossible à réinsérer. La justice estime qu'il n'est pas possible que cette personne puisse faire partie de la société sans lui infliger un dommage considérable. En faisant cela, elle met en avant sa fonction de protection de la société et abandonne sa fonction éducative de redressement des criminels. Actuellement, une vingtaine de pays26(*) pratiquent réellement la peine de mort et douze pays emprisonnent effectivement les personnes jusqu'à leur décès27(*). La Belgique ne fait pas partie de ces pays.

Prévention génétique
Il est possible d'agir préventivement en utilisant des données génétiques. Ainsi, comme l'explique Greiwood (2005), le fait de savoir que l'on possède une prédisposition plus grande que les autres à développer un type de comportement ou une pathologie permet de porter une attention plus particulière aux premiers signes de l'apparition de la maladie ou du comportement. Pour l'instant, ce principe est utilisé de manière anecdotique et souvent controversée, notamment avec les enfants de schizophrènes28(*). Il n'est pas encore, à ma connaissance, appliqué aux difficultés liées à la violence.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Tous les sujets étudiés sont des hommes ce qui correspond à la proportion homme-femme dans les prisons (les femmes comptent entre 3 et 5% de la population carcérale29(*)). À part cela, il ne m'a pas été donné d'observer l'aspect génétique des participants au projet d'insertion professionnelle à l'exception du sujet 2 (porteur d'un handicap mental léger). Dans plusieurs situations, lorsque le sujet 2 ne comprenait pas les raisons de comportements qui lui paraissaient menaçants (regards, haussement de ton, gestes...), il a réagi en utilisant la violence. Dans ces cas-là, s'il s'agissait d'un malentendu, une simple explication sur les causes du comportement (exemple : « il plaisante ») suffisait à l'apaiser. Le sujet 2 a été expulsé de chez sa mère suite à une dispute durant laquelle il a brisé une vitre. La police est intervenue. Quand je lui ai demandé quel était le sujet de la dispute, il a avoué ne pas savoir.

Son comportement n'est qu'indirectement du a des facteurs génétiques (cause potentielle de son handicap). Il se sent en danger, il ne comprend pas pourquoi et répond agressivement. C'est avant tout une manière de réagir et de communiquer qui a été apprise et qui est utilisée de manière inadéquate à cause de ses difficultés cognitives. Je l'ai aidé à faire la corrélation entre l'usage de la violence et ses difficultés. Une grande partie des problèmes qu'il a eus (expulsion d'école, expulsion de son domicile, incarcération, problèmes de santé...) font suite à un accès de colère de sa part. Nous avons longuement discuté sur le sujet. Il a décidé de faire des efforts pour réagir autrement dans ces situations. Un élément me dérange dans cette intervention. Étant donné ses difficultés cognitives, je n'ai pas réussi à introduire de la nuance. Un individu sain arrive à faire la différence entre les moments extrême qui nécessite de se défendre en utilisant la force (pour sa survie par exemple) et les situations qui peuvent être résolues autrement. Comme sa violence lui posait énormément de problèmes, je l'ai aidé à associer violence et conséquences désastreuses. Je me sentirais assez mal s'il se retrouvait dans une situation critique et ne se défende pas. J'ai dû peser le pour et le contre. Il m'a semblé plus adéquat de condamner chez lui tout recours à la violence que de ne pas intervenir.

3.2 Facteurs psychobiologiques

Depuis le début de l'histoire de l'humanité, certains produits utilisés par l'être humain sont connus pour modifier le comportement. La science en a maintenant découvert les mécanismes : ils agissent sur le cerveau et le système nerveux grâce à différentes substances qui affectent la plupart du temps les récepteurs synaptiques. (Horel et Lentin, 2005)

Par le même principe, chacun peut expérimenter le fait qu'un vécu psychique intense (comme la colère) s'accompagne de toute une série de symptômes physiologiques facilement détectables : tremblement, hérissement des poils, accélération du rythme cardiaque et respiratoire, transpiration, changement de couleur au niveau du visage (qui rougit ou deviens blême), augmentation de la tension artérielle... Certains pensaient que le vécu psychologique était induit par des éléments physiques (théorie de Jammes-Lange), d'autres que les éléments physiques et psychiques n'avaient rien à voir l'un avec l'autre (théorie de Cannon-Bard). Ces deux idées appartiennent maintenant au passé. Le concept le plus largement accepté et vérifié aujourd'hui est que l'un et l'autre se nourrissent. Des particularités physiques (surtout au niveau de la chimie intracérébrale) induisent des états émotionnels particuliers et nos émotions modifient considérablement le fonctionnement de notre corps grâce aux hormones notamment. (Traube 2002)

Plusieurs hormones participent aux comportements violents. Prenons par exemple la sérotonine, l'adrénaline et la testostérone. On pourrait penser que l'augmentation ou la diminution de ces hormones aurait un effet direct sur les comportements violents. On a longtemps pensé que la violence était liée à la testostérone puisque les comportements criminels les plus violents étaient dans leur grande majorité perpétrés par de jeunes individus mâles. L'expérimentation a montré qu'en pratique, la situation était nettement plus compliquée : l'injection d'androgène (comme la testostérone) peut avoir des effets apaisants de même que la prise d'amphétamine (stimulant artificiel ayant un effet similaire à l'adrénaline) est utilisée dans le traitement des personnes ayant des problèmes d'hyperactivité. Le système endocrinien est quelque chose d'extrêmement complexe, en constante interaction avec lui-même et avec l'état psychique de la personne.

Les chercheursKuo et Sullivan (2001) de l'université d'Illinois ont également mis en avant les liens existants entre fatigue et agressivité. La fatigue, parce qu'elle diminue l'efficacité des processus cognitif, amoindri notre capacité à gérer des situations complexes. Ils montrent également les nombreuses recherches qui ont mis en avant les liens entre fatigue et irritabilité (Thackray, Bailey, &Touchstone, 1979 ; Warm &Dember, 1986 ; Caprara &Renzi, 1981 ;Coccaro, Bergeman, Kavoussi, &Seroczynski, 1997 ; Kant, Smith-Seemiller, &Zeiler, 1998 ;Kavoussi&Coccaro, 1998 ; Stanford, Greve, & Dickens, 1995 in Kuo et Sullivan, 2001). La fatigue diminue également la capacité d'inhibition des comportements impulsifs (Brady, Myrick, &McElroy, 1998 ;Markovitz, 1995 ;Tuinier, Verhoeven, & Van Praag, 1996 in Kuo et Sullivan 2001). Ils démontrent ainsi que les individus fatigués, mentalement ou physiquement, ont davantage tendance à utiliser la violence comme mode de communication.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Comme lors du chapitre précédent, les interventions pratiques de ce chapitre posent des problèmes éthiques et ont peu d'intérêt pour le travail d'éducateur.

Médication
L'usage de médicament psychoactif« permet d'atténuer ou de faire disparaître une souffrance psychique (anxiété, dépression, troubles délirants...). On distingue principalement 4 grandes classes de médicaments : les hypnotiques (somnifères et sédatifs), les anxiolytiques (tranquillisants), les antidépresseurs et les neuroleptiques (notamment les antipsychotiques). »30(*) Ces médicaments sont normalement utilisés pour éviter ou calmer les comportements violents dans les cas suivants : en cas de maladie psychique associée (l'exemple le plus courant pour les éducateurs est l'utilisation de méthylphénidate (rilatine) pour traiter letrouble de déficit de l'attention/hyperactivité), en milieu hospitalier ou dans les lieux ou les comportements agressifs peuvent induire d'importants risques pour les autres (dans les avions par exemple). On utilise également des médicaments pour les traitements inhibiteurs de la libido. Ces traitements visent à réduire le désir sexuel pour éviter la récidive chez les délinquants sexuels. La violence est donc traitée par médicament quand celle-ci est associée d'autres troubles. Il est nécessaire de passer par un diagnostic médical (psychiatrique) avant de bénéficier de ces traitements.

Automédication
Plusieurs théories existent (Tréposu 2003, Haxaire 2002, Briefer 2002, Lecours 2012) selon lesquelles la consommation de produits psychotropes (drogues, médicaments, alcool...) serait une forme d'automédication pour faire face aux symptômes de maladies psychiques, à différents types de souffrances (comme l'insomnie, la timidité, l'énervement, le stress) ou à des comportements difficiles à contrôler (comme les accès de colère qui peuvent mener à des agressions). Il est bien sûr évident que la consommation de produits psychoactifs (surtout quand elle est associée d'une dépendance et de syndromes de manque) peut aussi amener à des comportements violents.

Bien dormir
Bien que Kuo et Sullivan (2001) ont davantage axé leur étude sur les bienfaits de la nature sur le comportement agressif des citadins, les constatations qu'ils ont réalisées entre agressivité et fatigue nous amènent à penser qu'il pourrait être efficace de travailler sur l'un des éléments prépondérants concernant la fatigue : le sommeil.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Médication
Il n'est pas du recours des éducateurs d'utiliser des médicaments pour les problèmes de violence. Pourtant, dans la période d'observation, il m'a été donné d'observer ce type d'intervention.

En décembre, nous cherchions un logement pour le sujet 3 qui s'était fait exclure de l'endroit où il vivait. Nous avions fait le tour des centres d'accueil de nuit pour personne sans domicile et avions entendu parler d'un foyer qui étrangement n'était pas repris sur les listes de foyers bruxellois. Nous avons réussi à avoir un rendez-vous pour éventuellement inscrire le sujet 3. Nous y sommes allés et avons rencontré un des éducateurs du foyer. Celui-ci nous a expliqué sans détour que le travail éducatif réalisé avec les bénéficiaires incluait la prise de médicaments psychoactifs (pour tous les bénéficiaires quelle que soit leur problématique). Nous avons abandonné l'idée d'y faire loger le sujet 3. Après avoir fait quelques recherches, nous nous sommes rendu compte que plusieurs associations avaient déjà essayé de faire fermer cette institution par des moyens judiciaires. Je ne pensais pas que ce type d'institution pouvait exister en Belgique.

Dans la même période, le sujet 3 a eu une infection au niveau de la bouche. Après avoir été à l'hôpital, nous avons été chercher les médicaments prescrits. Le sujet 3 a pris en un coup le quadruple de la dose d'antidouleurs et le triple de la dose d'antiinflammatoire qui avaient été prescrits. Face à notre étonnement, il nous a expliqué que, en prison, il en prenait beaucoup plus. Nous avons demandé au sujet 7 qui nous a expliqué qu'en prison, ils donnaient beaucoup de médicaments. Recherches prises (Stanescu 2007, Mbanzoulou 2000, Observatoire international des prisons 2013), il s'avère que c'est le cas en Belgique. Cela a différents objectifs : diminuer les risques de contagions (puisque la prison est un espace fermé particulièrement sensible à ce risque), contrôler le comportement des personnes atteintes de maladies mentales (qui, fautes de moyens, ne sontpas traités adéquatement) et accessoirement éviter les comportements violents des prisonniers. J'ai personnellement été choqué par cela. C'est malheureux d'observer que les prisons utilisent toutes sortes de moyens discutables et mettent de côté ceux qui peuvent avoir un impact durable : les moyens éducatifs.

Automédication
Sur les 7 sujets observés dans les sessions 1 et 2 (d'après leurs dires et nos observations), 3 (sujets 1, 3 et 6) avaient une consommation régulière31(*) de cannabis, d'alcool et d'autres drogues, 1 (sujet 7) avait une consommation régulière de cannabis et d'alcool, 1 (sujet 2) avait une consommation d'alcool occasionnelle et 2 (sujets 4 et 5) ne consommaient ni drogues ni alcool, mais avaient eu par le passé une consommation qu'ils jugeaient problématique. Cela nous amène à constater que 85% des participants ont ou ont eu une consommation régulière.

Nous ne sommes intervenus que lorsque la consommation intervenait sur le lieu de formation, quand ils arrivaient dans un état de consommation visible et handicapant pour le travail32(*) ou s'ils nous en faisaient la demande (ce qui n'est pas encore arrivé). Cela s'est fait par des recadrages oraux sur le moment ou par des discussions en privé quand le comportement était récurrent. J'ai personnellement recadré plusieurs fois le sujet 3 qui arrivait le matin en fumant du cannabis. Ma relation avec lui n'a jamais été très bonne et il a très mal pris ces recadrages. C'est un élément que je vais personnellement travailler dans ma pratique professionnelle : apprendre à mieux cadrer et à communiquer plus aisément avec les participants. Je suis actuellement à la recherche d'une formation sur le sujet.

Il est arrivé une fois qu'une dispute violente éclate entre le sujet 2 et le sujet 3. Il nous a semblé que les sujets 1 et 3 avaient, ce jour-là, consommé quelque chose pendant la pause de midi. Leurs comportements avaient été particulièrement irritants pour les autres participants. Après cet évènement et les discussions qui ont suivi, le sujet 1 n'est plus revenu dans le même état. Nous sommes intervenus auprès des sujets 1 et 3 parce qu'ils arrivaient en consommant du cannabis. Ces interventions ce sont avérées efficaces. Je ne pense pas qu'ils consommaient moins, mais ils le faisaient plus discrètement. C'est pour nous une réussite parce que, dans un contexte professionnel, ce sont des comportements qui ne pardonnent pas. Pour que notre intervention ait du sens pour eux, elle doit concerner directement le milieu professionnel. En dehors de cela, nous considérons qu'ils ne sont pas des enfants et qu'ils font ce que bon leur semble. C'est une attitude professionnelle que nous avons mise en place à la session 2. Je suis personnellement satisfait de ce changement parce que cela me permet de mettre une limite claire à mes interventions. Une limite qui a du sens pour le public.

Intervention sur la qualité du sommeil
Sur les 7 sujets observés, 4 (sujets 1,2, 3 et 7) présentaient régulièrement une fatigue importante33(*) à cause de comportements volontaires (aller volontairement dormir très tard ou passer une nuit blanche) et 3 (sujets 4, 5 et 3) du a des éléments involontaires (difficultés à trouver le sommeil). Cela revient à dire que 85% des sujets observés avaient des problèmes de sommeil.

Nous avons essayé d'intervenir sur la qualité des nuits de 3 sujets (1, 3 et 7) étudiés (et d'un participant qui n'est pas repris dans cette étude). Cela s'est fait de manière spontanée, en leur en parlant tout simplement. D'après leur dire et nos observations, cela s'est avéré efficace pour le sujet 7 (parce que c'est arrivé avec une prise de conscience générale d'un comportement qui dérivait doucement vers un retour à la criminalité) et pour le participant qui n'est pas repris dans cette étude (pour n'avoir jamais été en prison).

Lors de l'intervalle entre les sessions 3 et 4, nous allons probablement réfléchir à une manière d'intervenir de manière plus structurée sur la qualité de sommeil de ceux à qui cela pose problème.

3.3 Facteurs intrapsychiques

Des six familles de facteurs de cette étude, celle-ci est la plus variée. Les facteurs intrapsychiques comprennent tout ce qui est interne au fonctionnement psychologique de l'individu. On y retrouve son éducation, les éléments de son histoire, l'instruction34(*) qu'il a reçue, ses croyances, ses souvenirs, ses sentiments, ses émotions, ses enjeux, ses objectifs, ses mécanismes cognitifs, ses perceptions... Ces

éléments sont pour la plupart interconnectés et interdépendants.

Traube (2002) essaye de schématiser ce mélange complexe sans parvenir à y intégrer tous les éléments.

Images extraites de Traube (2002) pp.58-59

Émotions et sentiments
Commençons par étudier certaines émotions et sentiments qui peuvent avoir une influence sur les comportements violents. Parmi celles qui favorisent l'expression agressive,nous aborderons le sentiment de dévalorisation, d'impuissance, l'anxiété, la frustration, la colère, l'orgueil et la fierté. Parmi celles qui permettent d'éviter l'agressivité, nous étudierons la tristesse, l'empathie et la compassion. Nous essayerons surtout de bien distinguer le ressenti intérieur et l'expression, l'actualisation de ce ressenti. La colère (sentiment élémentaire de réaction face à un danger ou une menace) est une réponse. Elle n'apparait qu'après l'apparition d'une menace (qui peut aussi venir de la personne elle-même) et est liée à l'instinct de survie. Chez l'être humain cependant, son accumulation, les mécanismes de dérivation et son utilisation pour des éléments symboliques vont la détourner de son but premier (la survie). Ce sentiment est généralement celui qui précède le plus directement l'agression. Sa gestion va être un point décisif dans la diminution de la violence. Souvent confondue avec la première, la frustration amène souvent à la colère. Elle est définie comme un état d'insatisfaction induit par le fait de ne pas avoir pu réaliser un désir. Dès 1939, Dollard et Miller (in Traube 2002) sont arrivés, après expériences, à la conclusion que la violence naissait de la frustration. Sans vouloir tomber dans une causalité simpliste, on ne peut nier l'importance de ce sentiment. Une quantité considérable de frustration peut naitre d'agressions subies ou d'autres facteurs externes (cf. chapitres 3.5 et 3.7). En se basant sur leurs recherches, Berkowitz introduit en 1962 (in Traube 2002), l'anxiété dans l'équation. Selon lui, toutes les frustrations ne génèrent pas de pulsions agressives. Seules celles qui provoquent de l'anxiété vont amener, dans certains cas, à la violence. Ce « trouble émotionnel se traduisant par un sentiment indéfinissable d'insécurité »35(*) pourra provoquer la violence selon l'amplitude de cette anxiété, selon l'importance de l'évènement dans l'histoire de l'individu, selon son incapacité à trouver des stratégies satisfaisantes pour modifier la situation frustrante, selon le sentiment de danger provoqué par cette insécurité. Le désir36(*) a aussi une part importante. L'envie de satisfaire un désir et surtout l'incapacité de pouvoir différer cette satisfaction va promouvoir l'usage de la violence. C'est ici qu'intervient le sentiment d'impuissance37(*) à modifier une situation frustrante. Le désir est là, mais la possibilité de modification absente. Si on arrive à trouver de l'espoir, à trouver des stratégies de résolution, la frustration peut se transformer en énergie positive capable de mobiliser l'individu. Si ce n'est pas le cas, elle se transforme en énergie destructrice ou en facteur d'inhibition de l'action et d'apathie généralisée. L'orgueil38(*) et la fierté39(*) arrivent parfois en réaction à ce sentiment d'impuissance. Le sujet percevant sont incapacité fantasme une surpuissance capable d'affronter toutes les situations. La particularité de ces sentiments est de modifier la perception du réel. C'est une croyance qui va rendre l'individu incapable d'évaluer correctement ses capacités et possibilités. Elle vient masquer le sentiment d'impuissance, mais ne diminue pas la probabilité d'avoir recours à la violence, bien au contraire. L'individu n'arrivera pas à penser aux désavantages que peut avoir son comportement. Le sentiment de dévalorisation40(*) pourra lui aussi intervenir quand l'individu n'est pas reconnu, que ses sentiments sont niés ou qu'il pense être impuissant. Si l'individu ne se considère pas, il aura davantage tendance à penser qu'il ne vaut pas la peine et à ne pas prendre en compte les conséquences négatives que peuvent avoir ses actes sur lui-même (blessure, sanction, emprisonnement...). Ainsi, la violence semblera plus souvent être une solution adéquate. Il est impossible de définir précisément quel cocktail de sentiment peut mener à la violence. Tous ceux cités ici ont un impact certain, mais ils ne justifient pas à eux seuls le recours à la violence. (Traube, 2002) La gestion des sentiments a néanmoins un impact considérable sur la diminution des comportements agressifs. Tous créent une prédisposition, mais le recours à la violence n'est jamais systématique. Il existe de nombreux sentiments qui vont diminuer la probabilité de l'usage de la violence. Parmi ceux-ci, la tristessepeut être utilisée comme alternative à la colère. Face à une frustration, un choix souvent inconscient s'opère entre colère et tristesse. En termes d'action, cela reviendra à lutter ou à abandonner. Hahusseau (2006) et d'autres (Goleman, 1999 ; Niel, 1960 ; Dowden et al. 1999) insistent sur l'importance d'accepter ses sentiments. La colère peut naitre d'un refus d'accepter sa tristesse. Même si la colère peut amener à l'usage de la violence, la tristesse n'est pas systématiquement une alternative positive. Elle peut mener à une inhibition de l'action et à une apathie face aux difficultés. La colère quant à elle est loin d'être exclusivement destructrice. Elle peut dans de nombreux cas amener à une lutte justifiée et une révolte assez saine face à des injustices par exemple. L'empathie41(*) quant à elle va s'avérer être un outil formidable pour développer des interventions. En apprenant à se mettre à la place des autres, l'individu évalue également l'impact émotionnel de ses actions chez les autres (Desbiens et Demers in Massé et al., 2006). La souffrance causée à autrui peut ainsi devenir quelque chose à éviter. La compassion42(*) viendra donc en complément pour aider à faire ce choix et ne pas désirer voir l'autre souffrir. (Traube 2002)

Éducation, représentations et croyances
La violence a une part d'inné, d'inhérent à l'espèce humaine et à son appartenance au règne des animaux (homo sapiens : mammifère de l'ordre des primates). Selon Laborit (1994), l'instinct animal de survie, de prédation, de compétition et d'angoissedétermine l'agressivité. Malgré cela, et au-delà des sentiments, l'individu se construit un système de croyances et une façon de percevoir le monde fortement liés aux éléments qu'il a reçu à travers son éducation. L'usage de la violence est quelque chose qui s'apprend (Traube, 2002 ; Massé et al. 2006). La famille, les professeurs, les amis, l'environnement social et les médias vont construire des représentations chez le sujet. Selon les discours, mais surtout selon les exemples qu'il observera, la personne va considérer l'usage de la violence. Chez certains, l'éducation va réellement façonner une propension à l'agressivité. Si l'individu a appris qu'être violent ne posait pas de problèmes moraux ou sociaux, s'il a appris que c'était une stratégie efficace pour satisfaire ses désirs, s'il a appris qu'il n'était pas nécessaire d'attendre entre le désir et sa satisfaction, rien ne l'empêchera d'utiliser la violence sans modération. Cela peut se faire d'une manière anodine quand, par exemple, des parents réagissent aux crises de colère d'un enfant en satisfaisant son désir. L'usage de la violence que la personne va observer ou subir, va renforcer la croyance qu'être violent fait partie de la normalité. Le sujet va ainsi reproduire ce comportement. De plus, si les éléments moraux de son environnement approuvent la violence, celle-ci aura toutes les chances de faire partie de sa vie. Il est à noter que les exemples réels auront beaucoup plus d'impact que les exemples fictifs. Voir des proches se battre ou même voir des scènes de violence dans un journal parlé aura plus d'impact que les scènes de guerre d'un film de fiction (Traube 2002).

Chez les enfants comme chez les adultes, les différentes expériences vécues et l'éducation (sous toutes ses formes) vont façonner la perception du monde. L'individu pourra percevoir le monde et les personnes qui l'entourent comme menaçants ou sécurisants. Les évènements de la petite enfance et la relation avec la mère auront un impact important (Traube 2002). Si, pour une raison ou une autre, le sujet considère (à tort ou à raison) les autres individus ou un groupe d'individus comme menaçant, il interprètera leurs attitudes, leurs gestes et leurs paroles à travers un prisme déformant. Il s'attend à ce que les autres soient hostiles, il interprétera leurs actions comme étant de nature à lui nuire et pourra réagir agressivement (Vanaubel, 2010). D'un point de vue extérieur, le sujet sera l'agresseur. De son point de vue et à cause de sa perception déformée, il sera en train de se défendre. L'orgueil et la fierté, comme nous l'avons vu, vont également agir comme des prismes déformant la réalité et amenant plus facilement l'individu à recourir à la violence.

Instruction et capacités intellectuelles
Des mécanismes cognitifs entrent aussi en jeu. Des études menées à Philadelphie et à Copenhague ont mis en avant le lien entre faible QI et usage de la violence. (Krug, Dahlberg, Mercy,Zwi et Lozano-Ascencio, 2002) D'autres facteurs concordants intervenaient dans l'étude comme un faible niveau socio-économique. Ross et Fabiano (1985 in Vanaubel, 2010) ont émis l'hypothèse que les jeunes étaient agressifs à cause de leur impulsivité. Ils pensent qu'ils ont de réelles difficultés à mettre un espace de réflexion entre un stimulus et la réaction à ce stimulus.

Dans le même registre, de très nombreuses études ont démontré le lien existant entre criminalité et niveau d'étude. Les institutions internationales les plus sérieuses en font une priorité (UNESCO, OCDE). Même si les mécanismes de cet état de fait sont, à ma connaissance, encore mal étudiés, le constat est sans appel : plus un individu à un haut niveau d'étude, moins il commettra d'actes criminels. (National Office of Literacy and Learning, Human Resources and Social Development Canada, 2007; UNESCO, 1994; OCDE, 2007; Puech, 2006). Sans vouloir faire le raccourci entre criminalité et violence, d'autres études (Tardif, 2005) font le même constat entre niveau d'études et usage de la violence. Je peux émettre plusieurs hypothèses plausibles. La première étant que l'individu instruit à généralement une meilleure situation socio-économique. Cet aspect peut avoir un impact (cf. chapitre 3.7). La deuxième étant que l'instruction améliore les capacités cognitives. L'instruction pourrait permettre d'installer un espace de réflexion entre le stimulus et l'action. Elle pourrait aussi rendre la personne plus apte à évaluer les situations et à réfléchir à d'autres façons moins destructrices de réagir.Mbanzoulou (2000) explique que le fait de réussir une formation qualifiante est le meilleur moyen d'éviter la récidive.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Il existe plusieurs types d'intervention qui peuvent servir tant à prévenir la violence qu'à la traiter chez des personnes qui y ont recours habituellement. Certaines des actions éducatives présentées ici auraient pu trouver leur place dans le chapitre 4.2 : résultantes intrapsychiques. Et inversement, pour éviter les répétitions, nous aborderons les pistes suivantes dans le chapitre 4.2 : apprentissage à différer la satisfaction, développement moral, dérivation et gestion des émotions.

Verbalisation
Plusieurs types d'intervention (cf. chapitre 5) vont baser leur action sur une amélioration des capacités de communication. Parmi celles-ci, l'une des plus fréquentes est l'amélioration de la capacité à utiliser la parole pour exprimer ses émotions et ses difficultés avant que celles-ci n'explosent en action violente. Il est nettement moins violent de dire « je veux te tuer » que d'essayer de le faire. Cela permet dans de nombreux cas de faire l'économie de l'action et de diminuer considérablement la tension intrapsychique. Il y a donc, selon Dhaene (2012) et Traube (2002), un grand intérêt à apprendre aux personnes à verbaliser43(*), surtout dans les moments de tension. C'est un élément de base de plusieurs méthodes d'apprentissage de gestion des émotions (cf. chapitre 4.2) et la part fondamentale de presque tous les travaux d'analyse en psychologie. De plus, on a observé chez les détenus auteurs de crimes violents (Traube, 2002 ;Mbanzoulou, 2000) une pauvreté dans l'utilisation du langage verbal.

Empathie
Nadia Desbiens et Sarah Demers (in Massé et al., 2006) proposent une intervention permettant de développer l'empathie. Elles identifient trois composantes à cette habilité sociale (Feshbach et Feshbach, 1982 in Massé et al., 2006) la reconnaissance du sentiment, l'adoption de la perspective d'autrui et la réponse émotive. Elles vont travailler l'écoute active, la capacité d'imagination, des stratégies d'observation, de compréhension et d'identification des émotions. La part de leur programme (destiné à l'origine aux enfants) adaptable pour un public adulte utilise des jeux de rôles dont le but est d'obtenir une rétroaction. Par exemple, un participant met en scène une situation où il ressent quelque chose (tristesse, colère, gène...) et son partenaire, en utilisant l'écoute active, lui fait part de ce qu'il perçoit en lui (« tu es en colère ? »). Avec l'habitude, les participants s'entrainent à reconnaitre et à prêter attention aux sentiments des autres.

Imagination
L'imagination, le fantasme44(*), permet de ne pas avoir besoin d'un recours à l'action violente (Traube, 2002). Tout comme la verbalisation, s'imaginer en train de violenter quelqu'un qui nous énerve peut permettre de faire l'économie de l'action et de diminuer considérablement la tension intrapsychique. On a aussi constaté une pauvreté imaginative chez les personnes incarcérées (Mbanzoulou 2000). Il est possible de développer l'imagination en utilisant des activités culturelles et artistiques. La visualisation, utilisée dans différentes pratiques de relaxation (Lesouple, 2014), permet également de travailler l'imagination.

Vécu émotionnel
Parmi les interventions les plus adaptées pour les éducateurs, surtout pour travailler l'intrapsychique, il est conseillé de traiter et de reconnaitre le vécu émotionnel du public avec lequel on travaille. Cela se fait simplement en discutant, en écoutant les bénéficiaires, mais surtout en acceptant leurs émotions quelles qu'elles soient. Il est parfaitement humain de ressentir des sentiments comme la rage, la haine, le dégout, la colère ou la frustration. Le problème arrive quand ces sentiments sont actualisés de manière à nuire aux autres (Traube, 2002). L'écoute active45(*), mais aussi une observation des bénéficiaires (afin de déceler d'éventuelles difficultés non verbalisées) permet de mettre cela en pratique efficacement.

Réflexion
Born et Chevalier (in Lepot Froment, 1996) proposent une technique pour apprendre à mettre un temps entre stimuli et action et améliorer le traitement de l'information. Elle s'articule en trois attitudes : accepter que les problèmes fassent partie de l'existence, reconnaitre une situation problématique quand elle se produit et se rendre compte qu'il est possible de ne pas réagir immédiatement. Pour cela, 4 étapes d'apprentissage : définir et analyser le problème rationnellement, produire des pistes de solution, en choisir une et évaluer son impact. Ils utilisèrent cette méthode auprès d'adolescents délinquants. J'ai trouvé leur intervention très pertinente, mais il manquait, selon moi, un élément faisant défaut dans beaucoup d'interventions pensées et testées par des universitaires. En voyant la façon dont ils intervenaient sur le terrain, j'ai remarqué qu'ils avaient fait peu d'efforts pour adapter leur message au public ciblé. C'est un élément qui parait anodin, mais qui peut ruiner une intervention. Si nous n'adaptons pas notre vocabulaire et notre manière de communiquer, on risque tout simplement de ne pas réussir à passer notre message. Personnellement, j'essaye de toujours faire cet effort pour améliorer la réception du message que je tente de faire passer.

Sport
L'utilisation du sport comme moyen d'évacuer les tensions intrapsychiques n'est plus à prouver (Pichot, 2005 ; Sempé, Gendron, Bodin, 2007 ; Mbanzoulou, 2000). Il n'est pas indispensable d'utiliser les sports de combat à cet effet. Ils peuvent en effet avoir un double aspect contradictoire : apaisant et renforçant la violence. Par contre, tous les sports dits de frappe (football, tennis, squash...) où un objet est frappé sans que ce cela exprime une forme de violence interpersonnelle, sont très efficaces (Traube 2002). Ils permettent de diminuer la tension intrapsychique et d'exprimer colère et frustration sans nuire à autrui.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Vécu émotionnel
Une des parties importantes de notre travail à Kick Off est de traiter et reconnaitre les émotions ainsi que le vécu de nos participants. Nous avons, pour pouvoir réaliser cela, dégagé du temps et de l'espace. Il y a presque toujours un espace (bureau, terrasse ou cave aménagée avec des canapés) et un travailleur qui peut se rendre disponible pour avoir une discussion en privé. Après avoir fait un relevé du journal de bord de la session 2, j'ai constaté que nous avons relevé une moyenne de 1,2 entretiens spontanés par jour (malheureusement, le journal de bord ne reprend pas systématiquement ces conversations). Et c'est sans compter les entretiens individuels prévus dans le planning (un par mois minimum). Les pauses sont aussi des moments privilégiés pour ces conversations. La moitié de l'équipe et 72% des sujets étudiés fument, ce qui ouvre un espace supplémentaire pour les discussions informelles. Nous sommes également très attentifs à l'attitude et au non verbal des participants. Nous proposons, dès que nous observons des contrariétés, un mal-être ou un énervement, la possibilité d'en parler. Dans ces moments, nous pratiquons l'écoute active, ne portons aucun jugement sur les sentiments et les aidons à verbaliser, autant que possible, ces sentiments. De notre observation, de leurs avis (évaluation du projet par les participants, avis des sujets 1, 2 et 7 et d'autres participants du projet), ces discussions leur ont permis de se calmer et d'éviter de s'énerver. Les sujets abordés parlaient beaucoup de frustration (vis-à-vis de difficultés personnelles) ou d'énervements (dans les relations entre participants ou avec l'équipe). Nous avons considérablement augmenté cet aspect du projet dans la session 2 et espérons pouvoir continuer ainsi dans la session 3.

Réflexion
Parmi les difficultés abordées dans les discussions en privé, de nombreuses s'associaient d'une recherche de solution. Dans de nombreux cas, l'idée privilégiée était assez peu réfléchie. À part chez le sujet 6, nous avons observé chez tous les sujets des difficultés à mettre un moment de réflexion entre le stimulus et la réaction. Voici, simplement pour donner une idée, quelques paroles de participants.

· Sujet 2 « Ou alors, je peux commettre un vol ». « Si je le revois, je vais le tuer. »

· Sujet 3 « Ah, moi je vais me remettre à déconner, de toute façon c'est ça qu'ils [justice] veulent ».

· Sujet 1 « De toute façon je ne sais pas payer alors à quoi ça sert que j'ouvre la lettre ? »

· Membre de l'équipe « Je peux t'aider pour quelque chose ? » Sujet 5 (sérieusement) « Peut être bien. Trouve-moi une kalach46(*), moi je vais tuer tout le monde ici. »

Nous n'avions pas, à ce moment, connaissance du travail de Born et Chevalier (in Lepot-Froment, 1996) et pourtant, la méthode que nous utilisions était similaire. Nous leur apprenions à installer une analyse du problème et une réflexion pour la solution. Nous procédions tout d'abord (après avoir fait la reconnaissance des émotions) en les aidant à rationaliser et à analyser le problème : qu'est-ce qu'il s'est passé (faits) ? Qu'est-ce qui t'a posé problème ? Ensuite, nous leur demandions de penser aux conséquences de la réaction qu'ils avaient imaginée ou qu'ils utilisaient : que va-t-il t'arriver quoi si tu fais ça ? Et, troisièmement, nous leur demandions s'ils pouvaient penser à des solutions plus productives et efficaces. Ce n'est qu'à ce moment et si le participant n'avait pas trouvé de solution satisfaisante, que nous apportions des idées. Progressivement, une partie des participants se sont mis à faire spontanément cette gymnastique intellectuelle. Selon l'avis et l'observation de l'équipe, les sujets 1, 2, 3 et 7 ont démontré une amélioration de la capacité de penser avant de réagir. Toujours selon l'avis et l'observation de l'équipe, ce sera durable pour le sujet 7 qui avait déjà commencé à acquérir cette compétence avant de participer au projet.

Sport
L'utilisation du sport a été prévue dès la genèse du projet Kick Off. De toutes les activités qui avaient été prévues au départ, c'est la seule (avec l'embellissement du quartier cf. chapitre 3.7) qui a été gardée. Les participants font un après-midi de sport toutes les deux semaines (une fois par semaine en session 1). Nous pratiquons essentiellement la boxe, mais aussi le football, le fitness et d'autres sports. Le but de cette activité est double : d'une part, elle vise à évacuer les tensions et d'autre part à remettre les participants en bonne condition physique. Aucun des sujets n'a mentionné dans l'évaluation l'effet apaisant de l'activité sportive (seul un autre participant l'a fait). Ils ont par contre parlé de l'effet revigorant qu'avait cette activité. Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer l'effet de cette activité sur les comportements violents. Nous faisons confiance aux différentes études menées sur le sujet. Par contre, nous avons disposé dans la cave de nos locaux un sac de boxe accessible par les participants quand ils le désirent. Ils peuvent l'utiliser (et l'utilisent) afin de se calmer s'ils sont énervés. Ce sac a été utilisé au moins une fois par tous les sujets sauf le sujet 4 (à l'exception du sujet 6 qui est parti avant son installation). Nous avons pu donc constater l'efficacité de ce procédé. Lors de la session 1, nous avons remarqué que les participants se moquaient de celui qui allait utiliser le sac quand il était énervé. Ce type d'attitude était vraiment inadéquat. Se moquer de quelqu'un au bord de l'explosion est une attitude très risquée. Aux sessions 2 et 3, j'ai donc insisté (en leur expliquant pourquoi) auprès des participants pour qu'ils ne fassent pas cela. Ils ont respecté cette injonction. De plus, comme la cave était souvent utilisée en session 2, le fait que quelqu'un descende ne paraissait pas inhabituel. Quand nous percevions qu'une personne était en train d'utiliser le sac, nous attendions un peu et puis l'un de nous allait parler avec lui. Seul un point nous a questionnés quant à l'utilisation de ce sac. Deux des participants se sont blessés les mains à force de frapper dans ce sac tellement leur colère était importante. Une fois, un membre de l'équipe a dû arrêter l'un deux. Ils ont cela fait malgré la disponibilité de gants et de bandages faits pour la boxe. L'hypothèse que j'émets est que, d'une certaine manière, ils désiraient souffrir ou se blesser.

Instruction
En tant que responsable de la remise à niveau de la session 2, j'ai pu observer que les participants avaient un faible niveau d'instruction. D'après les tests réalisés avec eux, ils avaient un niveau de français et de mathématique équivalent (sujets 4, 5 et 6) ou inférieur (sujets 1, 2, 3 et 7) à celui un enfant de 6ème primaire. Ils possédaient tous leur CEB47(*) et certains avaient leur CESI48(*). Les sujets 1, 2, 4, 6 et 7 n'avaient pas d'adresse email et ne savaient pas comment utiliser ce moyen de communication indispensable aujourd'hui à une recherche d'emploi. Dans le projet Kick Off, il est prévu de faire de la remise à niveau en utilisant une pédagogie différente de celle utilisée dans les écoles classiques. En effet, ils ont tous eu une relation plus ou moins compliquée avec les institutions scolaires et peuvent facilement se bloquer quand nous utilisons des pédagogies classiques. Nous utilisons donc des pédagogies actives. Le but de la remise à niveau que nous faisons avec eux est de les réhabituer à utiliser l'écrit, les ordinateurs et à calculer afin que leurs lacunes dans ces domaines ne soient pas un obstacle pour pouvoir commencer une formation. L'un des buts du projet est de pouvoir ramener les participants vers le circuit classique de formation. Il est prévu dans le projet Kick Off de pouvoir accompagner ceux qui le désirent pour passer leur CESS49(*) via le Jury Central. « Les jurys, une filière alternative d'épreuves, vous permettent d'obtenir un diplôme en dehors des voies traditionnelles. Chaque année, les communautés organisent des sessions d'examens pour l'enseignement fondamental, l'enseignement secondaire (général, technique, artistique et professionnel) et pour certaines filières de l'enseignement supérieur non-universitaire. »50(*)Aucun des participants n'a, jusqu'à aujourd'hui, désiré y avoir recours. Pour faire cette remise à niveau, nous utilisons quatre moyens différents.

Il y a d'abord un projet d'écriture. Les participants écrivent ensemble un petit livre sur des sujets décidés démocratiquement. Dans ce livre, chaque participant écrit une partie du texte. Ils commencent par choisir un sujet, ensuite ils font des recherches. Ils se mettent à écrire le texte sur papier puis avec un ordinateur.Ils choisissent des illustrations sur internet et l'équipe les aide à corriger le texte. Tous ont été très impressionnés par le résultat obtenu, mais certains ont eu du mal à trouver un intérêt à cette démarche.

Imagesextraites du livre produit par le projet de remise à niveau de la session 2

Deuxièmement, nous profitons des chantiers que nous réalisons avec eux pour faire des exercices de calcul ancrés dans la pratique de terrain. Il faut par exemple mesurer et calculer la surface d'un mur pour connaitre la quantité de peinture à acheter. Il faut faire un calcul de proportion afin d'adapter une recette de cookies pour pouvoir en produire une centaine.

Troisièmement, en faisant leur CV et leurs lettres de motivations, ils travaillent leurs compétences en informatique et en français.

Pour finir, selon leurs demandes, nous réalisons des cours particuliers dans certains domaines. Durant la session deux, plusieurs participants (4 dont le sujet 1 et 2) ont fait des demandes pour travailler l'écriture, les pourcentages, la formulation de phrases, le calcul écrit... Nous avons pu répondre à leur demande en utilisant les pauses et le moment de l'arrivée le matin pour entrainer ces compétences. Cela s'est avéré efficace, mais fatiguant pour le membre de l'équipe qui s'en occupait. Il n'était pas possible, quand l'activité était plus intense, de s'en occuper. Pour la session 3, nous avons donc décidé d'utiliser le temps consacré aux entretiens individuels pour faire cela. En effet, ce temps (un après-midi par semaine) était plus que suffisant pour que les référents puissent s'entretenir avec les participants dont ils étaient responsables. Ainsi, nous pourrons pour la remise à niveau, réaliser des accompagnements plus individualisés.

Valeurs
Pour clôturer ce chapitre, je parlerai de ce que nous avons perçu de leur éducation et de leur système de valeurs. C'est bien évidemment un élément individuel qui est différent chez chaque sujet étudié et pour chaque comportement. J'ai eu l'impression de pouvoir quand même dégager trois types de fonctionnement par comportement. Pour la plupart, un apprentissage des règles légales et des habitudes sociales positives avait été fait à un moment de leur vie. Ils avaient plus tard décidé d'agir à l'encontre de cet apprentissage. Cela avait pour résultat qu'ils se trouvaient à plusieurs moments dans un dilemme à devoir faire un choix entre une attitude ou l'autre (sujets 7, 4, 2 et 3). Pour d'autres, l'apprentissage n'avait pas été fait ou ils avaient appris, dès leur plus jeune âge, que le comportement asocial (comme l'usage de la violence) était positif. Cela se marquait assez fort chez le sujet 2, qui ne considérait pas l'usage de la violence comme problématique jusqu'à ce qu'on lui montre les conséquences de ses actes. Chez le sujet 1, le non-respect des règles financières ou administratives paraissait normal. Il expliquait, par exemple, dans un entretien d'embauche qu'il avait falsifié son certificat de bonne vie et moeurs, et ce, sans que cela lui paraisse inadéquat. Quand nous leur posions des questions, il apparaissait que cela avait fait partie de leur éducation. Le troisième type de fonctionnement (sujets 3 et 6) se repère chez des sujets qui ont des valeurs morales clairement définies (en opposition avec les valeurs acceptées par la société) et qui, dès que c'est nécessaire, savent feinter avec adresse les valeurs morales socialement acceptées. Pourquoi faire cette distinction en 3 modes de fonctionnement ? Parce qu'une intervention peut avoir un excellent effet sur l'un et pas sur l'autre. À un moment de la session 2, nous avons observé que le sujet 7 (fonctionnement 1) commençait à dériver à nouveau vers des comportements criminels. Dans un entretien individuel, son référent lui a fait part de cette observation et des conséquences qui pouvaient en découler. Le sujet 7 a été immédiatement d'accord avec ce rappel à l'ordre et a retrouvé un comportement dans la légalité. Le sujet 7 était en train d'hésiter entre des valeurs opposées, il fallait juste pousser un petit peu pour que la balance penche du côté des valeurs socialement acceptées. Pour le sujet 2 (fonctionnement 2), nous avons dû lui faire "découvrir" ce que ces comportements violents pouvaient causer comme dommage (surtout à lui-même). Avec le sujet 1 (fonctionnement 2), nous avons essayé un recadrage classique (comme avec le sujet 7). Nous nous sommes heurtés à une totale incompréhension de sa part. Ce qui nous semblait logique (ne pas mentionner des actes illégaux dans un entretien d'embauche) ne l'était pas pour lui. Il s'est mis en colère. Avec les sujets 3 et 6 (fonctionnement 3), les interventions se sont avérées beaucoup plus compliquées à mettre en place, car il nous était difficile de savoir si le sujet feintait ou était sincère. Personnellement, j'étais très heureux quand j'arrivais à avoir avec eux une conversation que je percevais comme sincère. C'est quelque chose que mes trois collègues sont arrivés à faire beaucoup mieux que moi (avec les sujets 3 et 6entre autres). Peut-être s'agit-il simplement d'affinités ou d'aversions interpersonnelles. Malgré cela, je suis actuellement à la recherche de techniques qui pourraient me permettre d'avoir des relations plus aisées avec les participants. Je me demande si, personnellement, je ne fonctionne pas un peu comme eux avec des comportements qui manquent de sincérité. C'est un élément auquel je prête maintenant une attention toute particulière. J'espère pouvoir l'améliorer.

3.4 Facteurs de réponse

Subir
Comme nous l'avons vu précédemment, l'utilisation de la violence n'est jamais gratuite et, à côté de la violence visible que nous étudions ici, il existe encore de nombreuses autres formes d'agressions. La violence visible et explosive est la plupart du temps une réaction. C'est de la violence réactionnelle à une ou plusieurs agressions qui ont été perçues par celui qui réagit (Traube 2002). La violence gratuite n'existe pas. Il n'existe que des violences dont nous ignorons les causes. La pulsion violente, qui résulte souvent de violences subies, a besoin d'être extériorisée sinon elle créer des dégâts intérieurs. Quand le sujet ne peut exprimer sa pulsion envers celui qui l'a fait souffrir, il pourra l'exprimer envers quelqu'un ou quelque chose d'autre. Cela donne l'impression d'une violence imméritée ou gratuite, mais il s'agit d'un mécanisme de dérivation qui a des causes.Dollard et Miller ont réalisé les premières recherches systématiques sur le sujet en 1939 (in Traube 2002). Ils sont arrivés à la conclusion que la violence naissait de la frustration. Le sujet subissait une agression. Cet acte produisait un sentiment de frustration qui générait à son tour de l'agressivité. Cette vision, trop simpliste et linéaire, a le mérite de démontrer que toute forme de violence à tendance à générer de la violence chez ceux qui la subissent. Cela permet d'invalider les méthodes et les interventions basées sur la violence comme méthode pédagogique (émotionalshock training cf. chapitre 4.2).

Envahir
La notion de territoire (symbolique ou réel) et d'espace vital (cf. chapitre 3.7) intervient aussi puisque l'envahissement de celui peut provoquer une réponse agressive. Or, les limites de ce territoire et l'importance de certains de ces aspects pour l'individu dépendent de chaque personne. Ainsi, un individu pourra être très attaché à une tâche spécifique qu'il réalise dans son travail. Le fait qu'un autre réalise cette tâche sera vécu comme l'envahissement d'un territoire symbolique. Pour un autre individu, cet aspect pourra avoir beaucoup moins d'importance.

Cacher
Un conflit apparent cache souvent une violence beaucoup plus importante, mais cachée. Ainsi, l'explosion de violence d'un élève qui se met à frapper ses camarades sera souvent punie sur-le-champ par l'intervenant (surveillant, professeur, éducateur...). Un observateur plus attentif aurait pu voir les moqueries répétées des camarades et les tentatives de l'élève pour résoudre le problème autrement. Mais l'intervenant (qui surveillait plus de 100 personnes dans la cour de récréation) n'avait pas la possibilité de percevoir tout cela.

Percevoir
Il faut aussi prendre conscience, comme nous l'avons vu au chapitre 1.3, que la violence est plus une affaire de perception et d'effet que d'intention. Il arrive constamment que quelqu'un se sente agressé par une personne qui n'a aucune attention belliqueuse. La violence perçue, surtout si elle n'est pas exprimée, peut constituer une bulle qui explose avec une grande agressivité en étonnant tout le monde. Si elle ne communique pas, il est fort possible que la victime soit la seule à percevoir la violence qu'elle subit. Ainsi, sa réaction face à cette violence sera incomprise d'un point de vue extérieur et la victime sera considérée comme étant l'auteur.

C'est à ce moment qu'intervient un élément interne : la susceptibilité. La personne susceptible va se vexer ou s'offenser plus facilement que d'autres. Son seuil de tolérance face aux agressions est bien plus faible que chez les autres. Cela peut être provisoire (on parlera alors davantage d'irritabilité) ou durable.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Marquer
Mbanzoulou (2000) aborde bien les différents freins à la réinsertion des détenus qui sont perçus comme de véritables agressions de leur part. Le fait, par exemple, qu'une période d'incarcération rende la recherche d'un emploi si compliquée peut être comparé à un marquage définitif au fer rouge. C'est surtout le cas en Belgique où les condamnations sont inscrites sur un document (extrait du casier judiciaire) presque systématiquement demandé pour être engagé quelque part. Le traitement reçu de la part de la justice, des forces de l'ordre et du personnel de prison contient lui aussi sa part de violence. Sans prendre les cas extrêmes (et pourtant fréquents) de violence physique de la part des policiers et des gardiens, l'utilisation abusive de la sanction ainsi que des formes de dédain, de catégorisation négative ou d'insultes peuvent être considérées comme de véritables agressions. Mbanzoulou (2000) propose une meilleure conscientisation des différents acteurs (surtout les gardiens de prison) quant au rôle positif qu'ils peuvent jouer dans la réinsertion des délinquants. Il prône un changement en profondeur des éléments qui peuvent faire ressentir à l'ancien détenu qu'il est condamné à vie pour les actes qu'il a commis. Son point de vue (plutôt du côté de la structure pénitentiaire et de la justice) ne lui permet malheureusement pas de voir que les propositions de suivi après peine qu'il aborde sont souvent mal vécues par les anciens détenus qui voient cela comme une condamnation après la condamnation. Dans l'ensemble, ses propositions restent cependant très utiles et vont vers une humanisation du système judiciaire et carcéral.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Frustrer
De notre côté, nous sommes postés en tant qu'observateurspartiels (puisque situé du seul côté des anciens détenus) des actions du monde policier, judiciaire et carcéral envers les participants du projet. Nous pouvons constater l'importance des frustrations que différents éléments du système font vivre aux anciens détenus. Le peu de chances sur le marché de l'emploi est un élément déterminant. Ils savent qu'ils pourraient facilement se faire de l'argent, mais luttent pour rester dans la légalité tout en se retrouvant dans des situations économiques parfois critiques (les sujets 2, 3 et 4 se sont retrouvés sans domicile cet hiver durant la session 2). Si à ce moment, arrive un quelconque évènement frustrant de la part d'une institution, ils peuvent avoir l'impression que tout est fait pour qu'ils replongent dans la criminalité. Parmi tous ces évènements, j'en citerai quelques-uns. Les sujets 1 et 3 ont reçu par erreur, durant la session, l'ordre de rentrer en prison. Ils ont contacté leurs avocats qui leur ont dit d'aller jusqu'à la prison se présenter. Ils y ont été, sans être sûrs de pouvoir en ressortir. Ce n'est que sur place qu'on leur a confirmé que c'était bien une erreur. Un autre évènement : des policiers nous ont contactés parce qu'ils enquêtaient sur le sujet 7 (déjà victime avant son incarcération de harcèlement policier) simplement parce qu'il n'était plus en prison. Un troisième : quand nous avons demandé un soutien à l'assistante sociale (CPAS) du sujet 2 parce qu'il s'est retrouvé à la rue, sa réaction a été de dire qu'il n'était peut-être plus sous sa juridiction (et donc qu'ils allaient le priver de revenus). Ce sont de petits exemples qui, pris isolément sont gérables, mais qui, en s'accumulant,peuvent vraiment donner aux sujets une impression de persécution. J'arrive à comprendre quand, parfois, je les vois énervés, révoltés ou désespérés. C'est loin d'être facile pour eux.

Assister
Nous intervenons de différentes manières. Nous offrons une aide administrative et stratégique efficace face à ces évènements. Même si cette intervention peut ne pas donner les résultats escomptés, le fait qu'on essaye de les aider les rassure sur nos intentions. Dans leurs relations avec les institutions, nous sommes perçus comme étant là pour les aider. Cela peut avoir beaucoup d'importance surtout si leurs relations précédentes n'ont pas été positives. (cf. chapitre 3.6). Pour nous, c'est essentiel de bien traiter les participants et d'être perçus, autant que possible, comme des éléments bienveillants. Cela nous permet, quand c'est nécessaire, de les secouer ou nous fâcher sur eux sans que cela soit trop mal perçu.

Au-delà du soutien administratif, nous donnons une grande importance à leurs difficultés émotionnelles (comme expliqué au chapitre précédent). Quand nous observons que quelque chose ne va pas, qu'ils semblent de mauvaise humeur ou préoccupés, nous parlons systématiquement avec eux (en privé si possible). Nous les aidons à gérer leurs frustrations. Cela a, selon nous, un impact important en termes de prévention étant donné que les relations entre eux sont toujours assez tendues. D'après le journal de bord du projet (qui ne reprend qu'une partie de ces discussions), dans le courant de la session 2, nous avons effectué 66 interventions de ce type. Nous intervenons ainsi avant que la situation ne dégénère et permettons aux participants d'exprimer la violence dont ils pensent être la cible.

3.5 Facteurs relationnels

Comme expliqué dans l'introduction, la violence est un mode de communication. En tant que tel, elle intervient la plupart du temps dans une relation. Nous allons donc étudier les différents facteurs relationnels qui peuvent amener à être agressif.

Selon Traube (2002), le simple fait de vivre en société, le fait qu'homo sapiens est une espèce sociale, produit certaines formes de violence. Bien que vivre avec autrui titille souvent nos pulsions agressives, les passages à l'acte se font proportionnellement assez rarement. C'est grâce à toute une série de mécanismes de dérivation, mais aussi parce que les sociétés et les groupes humains vont mettre en place différents mécanismes pour se protéger de cette violence générée par les relations sociales. Les groupes vont, parmi d'autres moyens, utiliser le bouc émissaire ou l'ennemi extérieur (cf. chapitre 2.1.2).

Coupable et victime
On voit souvent la victime comme un élément passif qui subit la violence de l'agresseur. Le chapitre précédent montre déjà que c'est loin d'être le cas. Essayons néanmoins de postuler que la victime n'a pas été l'auteur de violences non perçues. En général, les conflits sont mis en scène par deux protagonistes (auteur et victime), mais l'analyse transactionnelle y ajoute une tierce partie : le sauveur. Ce qui est intéressant dans cette analyse c'est que les trois protagonistes peuvent retirer une forme de bénéfice psychologique de leur position. Même s'il s'agit d'une réflexion qui peut choquer, des études (selon Traube, 2002) ont montré deux traits presque toujours présents chez les victimes systématiques de violences : faible estime de soi et aptitude très limitée à s'affirmer. Cela montre bien que la violence n'est pas simplement l'affaire d'un auteur coupable à traiter, mais bien d'une relation complexe ou toutes les parts jouent un rôle actif. La violence est un agencement relationnel qui se joue en termes de distance.

Distance et existence
Pensons un peu la distance relationnelle à ses extrémités. D'un côté la distance maximale : absence totale de relation, de communication et de considération. Le sujet est totalement ignoré. Pour l'autre, il n'existe pas. De l'autre côté, la proximité extrême : il n'y a plus de toi ou de moi, il y a nous, une entité en symbiose totale. Dans les deux cas, le résultat est le même. Psychologiquement, le sujet disparait. Il est symboliquement anéanti. Dans ces relations extrêmes, le sujet aura recours à la violence comme un mécanisme nécessaire de survie. (Traube 2002) D'un côté, le sujet est violent pour qu'on reconnaisse son existence et de l'autre, il sera agressif pour empêcher l'autre de le faire disparaitre. C'est ainsi qu'apparaissent souvent des formes de violence extrême. Tous les êtres humains ont besoin de considération. Ils ont besoin d'être reconnus par les autres. Si aucune considération positive n'est accordée (sympathie, intérêt, affection), le sujet préférera une reconnaissance négative (antipathie, haine, colère) à l'absence totale de considération. Si les autres ne nous reconnaissent pas, nous n'existons pas. Il est fréquent d'entendre chez les auteurs d'actes extrêmement violents (tueurs en série par exemple) qu'ils voulaient qu'on parle d'eux.

Obstacle et présence
Dans la relation, l'autre peut être perçu comme un obstacle au "je" (Traube 2002). L'autre m'empêche de faire ce que je veux, d'obtenir ce que je veux, sa volonté fait obstacle à la mienne. Ainsi, le principe basique de la liberté (« La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres » John Stuart Mill51(*)) peut être vu de cette manière : l'autre m'empêche d'être totalement libre. Ainsi, selon Vincent Rodriguez (La violence dans la citadelle et l'auto-renvoi in Traube 2002) beaucoup de personnes établissent leurs relations sur le mode de la destruction mutuelle ou du moins sur le contrôle. Il faut vaincre et dominer l'autre. Elles y trouvent une forme d'équilibre, de sens. On peut donc trouver des personnes (par exemple dans des conflits de voisinage) pour qui le conflit est une manière d'exister. Il apporte un sens, un but, des sensations... Il remplit l'espace, il donne de la vie là où, sans lui, il n'y aurait qu'ennui.

Imitation et influence
La présence de modèles dans l'environnement de la personne va jouer un rôle prépondérant. Nous sommes tous influencés par les autres, par leur exemple. Certaines personnes, parce que nous les aimons ou que nous les admirons, vont jouer le rôle de modèle et ce, qu'ils soient présents dans nos vies réelles (amis, proches, connaissances) ou de manière plus virtuelle (jeux, films, histoires, célébrités...). Si ces modèles ont des comportements violents, la violence sera considérée comme un élément positif. Si, au contraire ces modèles ont des comportements prosociaux, ils seront imités positivement.

Comme nous allons le voir au chapitre 3.7, la présence d'autres personnes va influencer les comportements violents. Les foules ou le fait d'être en groupe vont avoir un effet proche de celui de l'huile sur le feu. Elles ne causent pas les flammes, mais les amplifient. Dans d'autres cas, la présence d'autrui peut servir de contrôle social et empêcher l'auteur de se sentir libre de ses actes.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Il est parfaitement logique de penser que pour avoir des relations qui fonctionnent bien, une bonne communication est l'élément le plus important. Cet aspect sera abordé dans le chapitre 5. La verbalisation (cf. Chapitre 3.4) va permettre d'éviter le recours à la violence et les différentes formes de considération (félicitations, reconnaissance du vécu, attention, sympathie...) (cf. chapitre 5 et 3.4) vont pouvoir faire diminuer considérablement l'usage de la violence pour être reconnu.

Pour les autres
Un autre facteur relationnel important est le facteur de protection sociale. Le fait d'avoir des relations sociales positives, des personnes au sein de la famille et en dehors (Vanaubel, 2013), qui nous considèrent et auxquelles ont tient va agir comme élément freinant à la violence. La violence est un élément assez destructeur des relations (cf. chapitre 4.1).Si on arrive à y penser, on sait qu'en agissant violemment on risque de perdre ou de détruire l'objet de son affection. Celui qui n'a pas dans son entourage de liens sociaux positifs peut penser ne rien avoir à perdre. Ainsi des amis, une famille, un(e) compagnon (compagne), mais aussi des intervenants sociaux peuvent aider le sujet à se contrôler. Pour Mbanzoulou (2000), il est essentiel que les travailleurs sociaux aident les prisonniers à maintenir leurs relations sociales pendant qu'ils sont incarcérés. C'est un élément indispensable à la réinsertion. Les peines d'emprisonnement (surtout si elles sont longues) ont un effet désocialisant très négatif pour les individus. Cyrulnik (in Lecompte 2005) explique l'importance du lien émotionnel pour aider le sujet à surpasser et affronter de grandes difficultés. Ainsi, en tant que travailleur social, le lien émotionnel positif, la relation de confiance, avec les bénéficiaires peut s'avérer indispensable. Il est également possible de favoriser l'apparition et l'utilisation de modèles positifs en plaçant dans l'environnement des sujets des personnes à cet effet. On peut, par exemple, présenter des individus ayant eu un vécu semblable et s'étant sorti très positivement.

En lien avec le facteur de protection sociale, Rousseau, Dionne et Deslandes (in Massé &al., 2006) parlent de l'importance de ne pas séparer les personnes problématiques de leur groupe social : l'inclusion. Elles démontrent les effets positifs tant pour la personne que pour le groupe qui l'accueille. En effet, cela aide les uns et les autres à développer positivement leurs compétences et leurs habiletés sociales.

Vivre ensemble
Bowen, Desbiens, Gendron et Bélanger (in Massé &al., 2006) consacrent un chapitre entier à l'acquisition et le développement des habiletés sociales. Bien que le texte vise les enfants et les adolescents, plusieurs principes sont utilisables avec le public visé dans cette étude. Notamment le fait que les pairs, la vie en groupe, constitue en elle-même une forme d'intervention efficace pour aider à développer les habiletés sociales. Ils utilisent beaucoup de jeux de rôles et de jeux coopératifs pour que les sujets acquièrent ces habiletés. Parmi celles-ci : savoir écouter, s'exprimer à la première personne, s'exprimer ne respectant les autres, savoir se calmer, contrôler son impulsivité, différencier émotions de perceptions, travailler en équipe, reconnaitre les besoins des autres, demander de l'aide, affirmer ses droits, évaluer ses capacités sociales et refuser l'influence négative des autres.

Changer de place
J'ai expliqué dans l'introduction que je n'aborderai pas dans ce travail la gestion des conflits. Je ferai une petite exception pour amener ici un élément important. Dans la gestion de conflit sans personne tierce, une des techniques efficaces est de modifier la façon dont les intervenants conçoivent le problème. En général, dans un conflit, on perçoit le problème comme étant un élément au milieu de la relation qui nuit à celle-ci. Il y a toi, il y a moi et entre nous deux, un problème. Ce problème nous oppose, nous sépare. Pour résoudre le conflit, Traube (2002) propose de changer cette logique relationnelle. Il y a toi, il y a moi et il y a un problème qui nous dérange tous les deux. Pouvons-nous unir nos forces pour le résoudre ? De cette manière, en extériorisant le problème, on transforme complètement la situation. D'un obstacle à la relation entre deux intervenants, on passe à une difficulté à résoudre ensemble.

Faire souffrir
Le dernier point que j'aborderai est davantage un mécanisme social automatique (et assez négatif) qu'une intervention éducative. Il n'empêche que les travailleurs sociaux (éducateurs et autres) doivent en avoir conscience parce qu'intervenir sur ce point peut avoir des risques. Comme expliqué dans l'introduction, les groupes utilisent parfois des boucs émissaires, des souffre-douleurs, pour canaliser leur violence. Pour éviter que la violence interne au groupe ne le détruise, tous les individus vont focaliser leur agressivité sur un des leurs. Supprimer une logique de souffre-douleur peut donc avoir des conséquences complexes sur le groupe. Le philosophe Lévinas (1974 in Traube, 2002) propose une porte de sortie à cette logique en modifiant notre rapport à l'autre, en le basant plus sur le don que sur la possessivité. L'idée semble intéressante, mais il lui manque, selon moi,une méthode d'application pratique.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Vivre ensemble
Pour le projet Kick Off, la vie en commun, en groupe, reste le meilleur outil éducatif que nous possédions. Le fait de faire partie d'un groupe restreint, hétéroclite et en constante interaction apporte de nombreuses difficultés qui sont riches d'enseignements. Nous faisons presque exclusivement des activités en groupe (à l'exception des stages en entreprise et des entretiens individuels). Qu'ils aient des difficultés relationnelles ou pas, les participants travaillent par la vie en commun, leurs habiletés sociales. Quand nous percevons des difficultés plus importantes chez un participant, nous l'aidons à travailler ce point. Au fil de la session, nous avons pu observer que la capacité de chaque participant à travailler en équipe, à faire avec les particularités et les difficultés des autres, avait grandement évolué. Lors de leur propre auto-évaluation, les participants ont fait le même constat. Le conseil des participants a été un outil précieux pour travailler tout ça. Les participants y ont abordé beaucoup plus de difficultés interpersonnelles que nous pensions. Les entretiens individuels et les discussions informelles nous ont aussi donné l'occasion d'aborder ces points difficiles.

Cible privilégiée
Dans les deux premières sessions, nous avons observé que le mécanisme du bouc émissaire s'installait. Le groupe a à chaque fois canalisé sa violence sur un des participants (qui ne font pas partie des sujets étudiés). La particularité de ces individus était d'avoir des comportements relationnels très particuliers : ils avaient tendance à prendre beaucoup de place et à irriter tous les autres (y compris les membres de l'équipe). Ils semblaient vraiment chercher à provoquer l'irritation des autres comme s'ils étaient assez à l'aise dans le rôle que le groupe leur avait donné. Nous n'avons pas essayé de supprimer ce type de fonctionnement surtout à cause du fait que la réaction du groupe nous paraissait justifiée. Nous faisions bien sur attention à ce que la violence exprimée restait dans les limites de l'acceptable (surtout de l'avis de la personne visée). Si l'individu "bouc émissaire" se plaignait, nous intervenions auprès des autres. Avec le recul que ce travail m'apporte, je me demande si c'est une position correcte du point de vue éthique. J'observerai avec attention ce qui se passera dans la session 3 pour voir si ce schéma se répète.

Différences
Quand nous recrutons le public, nous essayons d'avoir le plus possible de mixité (origines, sexe et passé). Le nombre de participants portant un bracelet électronique est normalement limité à deux par session. Avoir un groupe mixte est pour nous un point important avec d'éviter la ghettoïsation des participants. Avoir différentes cultures, différents modes de fonctionnement, différentes problématiques permet de pratiquer une forme d'inclusion : c'est une excellente manière de favoriser l'apprentissage de compétences sociales positives. Nous avons des participants qui ont des problématiques de maladie mentale, de handicap mental, de justice, de sans-abrisme... Le groupe de participants de la session 3 nous semble moins hétéroclite que celui des sessions 1 et 2. Cela m'inquiète un peu. Comme nous avons observé la formation de sous-groupes dans les autres sessions, nous essayons cette fois-ci de limiter le phénomène en ayant systématiquement recours au tirage au sort pour établir les équipes. Les stages en entreprise sont également un excellent moyen de pratiquer une forme d'inclusion.

Lien de confiance
Un point extrêmement important de notre travail est d'établir une solide relation de confiance avec les participants. Il est essentiel qu'ils se rendent compte que tous les actes que nous posons avec eux sont empreints d'une sincère bienveillance. Ils le perçoivent assez rapidement par différents moyens. Le soutien administratif que nous leur donnons, en résolvant parfois des problèmes avec eux qui leur posent d'énormes difficultés (comme une domiciliation (sujet 2), l'obtention d'un revenu (sujet 2 et 3), l'étalement d'une dette (sujet 1 et 6)...) les rassure. Le fait que nous respections scrupuleusement le secret professionnel leur permet de nous faire confiance. Nous leur demandons systématiquement leur avis avant de transmettre quelque information que ce soit. Pour donner un exemple, la police nous a contactés pour obtenir des informations sur le sujet 7. Nous avons refusé de les leur donner et avons prévenu le sujet 7 qui a arrangé ce problème avec son avocat. Ce sont de petites choses qui font penser à notre public que nous sommes là pour eux, dans leur intérêt. Nous respectons aussi leur libre arbitre. Nous ne prenons pas, dans la mesure du possible, de décisions pour eux. Pour ceux qui ont vécu en prison, où presque tout est décidé à leur place, c'est un grand changement. Nous leur portons une attention particulière parles entretiens individuels, les apprentissages en privé et les discussions informelles. Ils savent que nous sommes disponibles pour eux. Nous les considérons en les félicitant et en signalant chaque progrès réalisé, en acceptant leurs difficultés quelle qu'elles soient, en écoutant leurs demandes, en ne les jugeant pas... Toutes ces attitudes me permettent aussi d'avoir confiance en eux. Je sais, à partir de quelques semaines avec eux, que je peux laisser mon portefeuille ou mon téléphone portable trainer sans prendre de risques. Ce sont des choses qui montrent que nous sommes réellement bienveillants avec chacune de personnes participant au projet. Il s'établit donc une relation assez profonde avec eux. Cela peut avoir de nombreuses conséquences positives, mais cette relation est d'assez courte durée : les sessions durent 4 mois. Les sujets 1 et 2 (ainsi que d'autres participants) auraient vraiment voulu continuer dans le projet. Le sujet 3 a expliqué au sujet 7 qu'il n'osait plus revenir nous voir parce qu'il nous avait manqué de respect et qu'il en avait honte. Nous avons un peu peur de créer un lien trop fort en sachant que nous allons le rompre d'une certaine façon, mais c'est aussi grâce à la courte durée des sessions que nous pouvons nous investir autant dans la relation. En tant que référent du sujet 2, j'ai été amené à réaliser avec lui des démarches administratives qui ont été couronnées de succès. Il m'a confié, à un moment qu'il ne faisait plus confiance à personne à part à moi. Cela m'a choqué étant donné que la relation professionnelle que j'avais avec lui allait s'arrêter rapidement. C'est un peu difficile aussi pour eux d'observer qu'ils ne sont pas traités de la même manière par d'autres intervenants sociaux. La responsable du projet a demandé que nous ayons un contact mensuel avec chaque participant pendant les 6 mois suivant la session afin de ne pas les laisser brusquement et afin de mesurer les effets du projet à moyen terme. J'ai personnellement peur qu'ils refassent des demandes de soutien que nous ne serons pas en mesure de satisfaire. J'ai peur de créer une relation de dépendance qui pourrait leur nuire.

Cibler le comportement
Quand nous observons une difficulté ou un conflit interpersonnel, nous essayons, autant que possible, de focaliser l'attention sur le problème, sur les comportements et non sur les acteurs. De cette manière, on a une difficulté factuelle que nous pouvons résoudre au lieu d'avoir une difficulté interpersonnelle, un conflit. Cela s'avère assez difficile. Lorsque nous faisons cela, celui qui a quelque chose à reprocher préfère focaliser son attention sur la personne et la condamner dans son ensemble. Par contre, celui à qui on reproche quelque chose est beaucoup plus enclin à travailler sur le problème. C'est arriver avec les sujets 2 (problème de paresse), 6 (problème de moqueries) et 3 (problème de manque de respect envers un participant). Après que le sujet s'était engagé à faire des efforts, il était important de communiquer cela au "plaignant". Sans cela, il continuait à faire des reproches sans percevoir les efforts.

S'inspirer
Nous avons voulu, pour la session 2 du projet, faire appel à Patrick Henderickx. C'est un ancien criminel repenti qui est devenu écrivain et qui lutte actuellement contre la maltraitance des enfants. Il lui arrive de faire des interventions dans des écoles ou dans les prisons. Nous pensions que son vécu pouvait servir d'exemple, de modèle positif, pour les participants. Il n'était malheureusement pas disponible durant la période de la session 2. Nous n'y avons pas repensé en préparant la session 352(*). En réalisant ce travail, j'ai pensé à un type d'intervention que je proposerai à l'équipe quand l'occasion se présentera (probablement entre les sessions 3 et 4 du projet). Les participants réalisent chaque session des stages en entreprise. Nous choisissons les lieux de stages en fonction de leur projet professionnel. J'ai pensé que nous pourrions également rechercher des maitres de stages qui ont eu des parcours difficiles (qui sont passés par la criminalité et/ou la prison) et qui s'en sont complètement sortis. Même s'il est probable que ce soit difficile à mettre en oeuvre, cela pourrait favoriser une identification, une projection positive. De cette manière, nous placerions des modèles positifs dans l'environnement du sujet.

3.6 Facteurs situationnels et environnementaux

Après avoir exploré les facteurs internes à l'individu et ses relations, nous allons étudier les paramètres de l'environnement qui peuvent favoriser l'apparition de la violence. Ce sont les facteurs liés à l'espace, au moment et aux particularités de la situation dans laquelle l'acte violent apparait. Certains quartiers de toutes les grandes villes sont connus pour être moins sûrs, plus violents. Il est possible d'imputer une part de responsabilité à des facteurs intra-individuels des habitants (comme l'éducation), mais le fait que ce type de difficulté existe dans les villes du monde entier pointe du doigt un problème bien différent.

Qui est responsable ?
Pour commettre des actes violents, il faut un individu disposé (pour différentes raisons que nous avons vues) et un environnement propice à l'expression de la violence. Les expériences menées dans les locaux de l'université de Yales par Stanley Milgram (1974 cité parGregorio Billikopf Encina, 2003) ont bien démontré ce principe. Dans cette expérience, des individus se voyaient intimer l'ordre d'infliger des décharges électriques (pouvant être mortelles) à un complice de l'expérience (qui simulait la douleur). L'ordre était donné par une personne portant blouse blanche similaire à celle des médecins. L'expérience a montré à quel point la présence d'une figure d'autorité reconnue pouvait influencer les individus à commettre certains actes. 65% des personnes ont été jusqu'à infliger des décharges mortelles. L'élément interne aux personnes qui a eu le plus joué a été le sentiment de déresponsabilisation. La personne ne se sentait pas responsable puisqu'une autorité supérieure (le scientifique) lui a ordonné de poser cet acte. Le résultat est passé à 2,5% quand la personne pouvait choisir l'intensité du choc.

Dans la famille des facteurs déresponsabilisants, Traube (2002) cite tout ce qui permet de se sentir anonyme, non reconnu : obscurité, masque, faire partie d'une foule, s'exprimer anonymement sur internet... Se sentir anonyme renforce l'idée de non-responsabilité et le sentiment d'impunité. La prison est l'un des milieux où l'on déresponsabilise le plus les personnes. Les prisonniers vivent dans un environnement où tout est pensé et organisé, où le moindre geste de la vie quotidienne est soumis à des règles et des décisions extérieures et où la moindre démarche nécessite une demande d'autorisation. Mbanzoulou (2000) montre bien l'effet que cela a sur les prisonniers, surtout s'ils ont de longues peines. Ils perdent progressivement leurs aptitudes liées au sentiment de responsabilité et de libre arbitre. Or ces aptitudes vont s'avérer indispensables lors de leur sortie. Ces facteurs vont accroitre la possibilité d'expression de la violence.

Favoriser, déclencher et renforcer
Cela nous amène à classifier les facteurs environnementaux en trois types (Traube 2002). Les facteurs favorisants vont augmenter la probabilité de l'apparition d'un acte violent. Les facteurs déclenchants sont ceux qui, sur le moment, vont déclencher l'acte. On pense, souvent à tort, qu'ils s'avèrent être une cause suffisante à l'apparition de l'acte. Le troisième type, les facteurs renforçants vont quant à eux augmenter l'amplitude de l'acte violent. Ils vont faire en sorte que l'action soit plus violente. Je vais prendre un exemple : X se moque d'Y devant les autres et Y réagit en le frappant. Dans cette situation, le facteur déclenchant est la moquerie. Un climat de méfiance présent dans le groupe depuis quelques jours est un facteur favorisant. Sans cela, la moquerie aurait pu tomber à plat. La présence des autres va être un facteur favorisant. Y est affecté par leur présence et a plus à "prouver" que s'il était seul avec Y. Il réagit donc de manière plus violente.

Sans loi
Le sentiment d'impunité est un autre facteur favorisant. Savoir que l'acte qui est posé ne va être puni d'aucune manière augmente les probabilités que cet acte soit commis. Ainsi, les milieux où règne une absence de règles ou de figures d'autorité et où les personnes n'ont pas été responsabilisées sont plus propices à la violence.

Espace
La notion de territoire apparait aussi chez Traube (2002). Chez l'animal comme chez l'homme, on peut retrouver ce comportement : l'individu ou le groupe dispose d'un espace (réel ou imaginaire) qui est le sien. L'envahissement de cet espace provoquera anxiété puis agressivité. C'est le cas de la maison d'une famille, de la chambre de l'adolescent, du quartier d'une bande urbaine... Mais c'est aussi et surtout notre espace vital personnel : un espace dans lequel chaque individu se sent à l'aise. L'espace vital comprend la distance interpersonnelle et aussi la possibilité d'avoir des moments de solitude, d'intimité : c'est un peu notre bulle. Si la bulle est envahie ou constamment réduite, la personne peut développer de l'anxiété et de l'agressivité. Cela peut agir comme facteur favorisant, mais aussi comme facteur déclenchant (un envahissement, une approche ou un contact physique déclenchant l'agressivité). Ce territoire peut aussi prendre une forme symbolique comme celle d'une compétence dans un milieu professionnel. Quand un collègue fait ce qui devrait être de mon ressort, je me sens envahi.

Que faire ?
Dans les autres facteurs favorisants, nous pouvons retrouver l'inactivité. Être inoccupé, ne rien avoir à faire, va augmenter la probabilité d'avoir recours à la violence. (Traube, 2002 ; Mbanzoulou 2000) C'est très facile à observer chez des enfants qui s'ennuient. Ils se cherchent rapidement les uns les autres et on observe souvent une escalade qui finit par mener à des actes violents. Ce n'est pas un hasard si les quartiers les plus violents des grands centres urbains sont aussi ceux qui ont les taux de chômage les plus importants.

Pauvreté
Dans le même registre, nous pouvons trouver les ressources économiques. Les personnes qui sont dans une situation socio-économique faible et surtout qui n'ont pas d'espoir de voir cette situation s'améliorer utiliseront plus facilement la violence. Cela met en jeu le manque d'espoir, la morosité et la jalousie. L'idée qu'on n'a rien à perdre ou que cela ne peut pas être pire fonctionne comme renforçant et favorisant

Météo
Observons maintenant quelques caractéristiques physiques du milieu qui ont un effet sur le comportement : certaines matières comme le béton, certaines couleurs comme le rouge, une température élevée, un niveau d'humidité élevé, l'absence d'éclairage naturel, un temps orageux... Tous ces éléments ont d'après Traube (2002) citant des études du centre de recherche en médecine routière en Suisse, un impact favorisant et renforçant sur l'agressivité et la perte de self-control.

Haut les mains
D'après les expériences de Berkowitz et Lepage (1967), la présence visible d'armes a également un impact renforçant et favorisant. Il est à noter ici l'effet que peut avoir un geste en geste en particulier : l'index pointé vers le haut ou vers la personne. Il existe des psychologues (Lesouple 2014) qui démontrent que l'on associe inconsciemment ce geste avec une arme et que l'on se sente ainsi menacé. Quand on perçoit sur soi l'effet que ce geste peut avoir dans une discussion, on ne peut qu'agréer avec cette affirmation.

Foule en colère
Tout individu plongé dans un groupe perd un peu de son autonomie émotionnelle et de son sentiment de responsabilité (Van Waas 2011). Les foules peuvent donc présenter un facteur de risque important. La combinaison du facteur "foule" avec d'autres facteurs s'avère particulièrement explosive. Le groupe fonctionne surtout comme facteur renforçant.

Cocktail
La particularité de certains milieux réputés violent, comme les prisons ou les quartiers défavorisés des villes, est de rassembler plusieurs de ces facteurs : surpopulation donc manque d'espace et groupes, inactivité, situation économique faible, peu de nature, sentiment d'impunité, absence d'autorité, présence d'armes... Cela en fait un cocktail potentiellement explosif.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Interventions politiques
Les interventions existantes sur le milieu sont légion et elles ne feront pas toutes l'objet d'une étude approfondie dans ce travail. Chacun des facteurs cités ci-dessus peut donner lieu à une modification de l'environnement de la part des autorités compétentes. Je citerai l'adaptation de l'éclairage public qui a également un grand impact sur le sentiment d'insécurité. Les mesures de surveillance et de présence accrue ont un impact : présence policière, caméras de sécurité ou gardiens de la paix. Un logement décent, une instruction publique efficace et une amélioration de la situation économique des habitants font parties des mesures classiques. Des mesures pour l'emploi, mais aussi pour l'occupation des jeunes (comme les centres de jeunes) s'avèrent aussi efficaces. Il n'y a finalement que sur l'humidité et le temps orageux que le pouvoir politique n'a aucune prise. Rappelons que les facteurs environnementaux ne sont pas suffisants pour expliquer le recours à la violence. Ces mesures peuvent réduire le phénomène, mais elles auront peu d'efficacité si elles ne sont pas accompagnées par d'autres actions. Je m'attarderai davantage sur l'étude de 3 types d'interventions.

Responsabilisation
Comme nous l'avons vu, tous les facteurs qui induisent un sentiment de déresponsabilisation peuvent être travaillés. En tant qu'éducateur, on peut soit travailler sur les mécanismes externes comme la surveillance soit faire évoluer les dynamiques internes. En développant des comportements, on peut faire en sorte que ce sentiment de responsabilité fasse partie intégrante du groupe ou de la personne. Il ne dépendra donc plus d'éléments comme la présence de caméras de surveillance. Il existe aujourd'hui de nombreuses manières d'enseigner la responsabilité (Massé et al., 2006). Elles passent presque toutes par une augmentation de l'autonomie des individus. C'est le cas d'une grande partie des pédagogies actives telles celles développées par Célestin Freinet (Pain, 2007) ou Alexander Neill (1960). Elles postulent qu'en donnant de manière spécifique plus de libertés et de responsabilité, on favorise un développement de l'utilisation responsable de la liberté, de l'intériorisation des règles et de la vie en commun. Elles utilisent avec efficacité des techniques de concertation démocratique pour mettre en place les règlements et résoudre les problèmes de la vie en communauté. Lemire (in Mbanzoulou, 2000) propose de développer des établissements pénitenciers éducatifs pour certains détenus. Ils seraient plus démocratiques et axés sur la réinsertion. Mbanzoulou (2000) explique aussi la frilosité des prisons à laisser se développer des éléments du droit du travail comme les syndicats. Il propose aussi plusieurs idées pour éviter l'aspect déresponsabilisant des prisons comme la création d'espaces autogérés destinés au cantinage53(*) et à la résolution de difficultés administratives.

Le travail fait la santé
Dans beaucoup de prisons du monde, le travail est utilisé comme moyen de pacifier la vie quotidienne. Outre son important aspect occupationnel, le travail permet d'éviter que le prisonnier ne se laisse aller psychologiquement. Il a une valeur éducative. Il apprend à travailler et à garder un rythme de vie. Il a aussi une grande valeur pour la réinsertion de la personne puisqu'il permet d'apprendre un métier et de se constituer un petit capital pour la sortie. D'après Mbanzoulou (2000), sa valeur est incontestable, mais ses modalités doivent encore être améliorées.

Nature
Kuo et Sullivan (2001) insistent sur l'apport que peuvent avoir les environnements naturels sur le comportement humain. Ils proposent avec d'excellents arguments, d'augmenter la présence d'éléments naturels dans la ville et prouvent également l'impact positif de visites régulières jusque dans les forêts, les montagnes et les campagnes.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Insertion professionnelle
La fonction principale du projet Kick Off est d'amener ces jeunes adultes vers l'emploi. Nous sommes donc une mesure mise en place par le pouvoir politique pour prévenir l'insécurité et l'exclusion sociale donc par conséquent, la violence. Notre fonction va être d'intervenir sur plusieurs des facteurs et résultantes abordées dans ce travail. En termes de résultats, il est encore très tôt pour évaluer cet aspect de la session 2 (deux mois après la fin de la session). Le sujet 1 travaille, les sujets 6 et 7 sont en formation, le sujet 2 vit actuellement dans la rue, le sujet 3 est retourné en prison, le sujet 4 est recherché par les forces de police et nous n'avons pas de nouvelles du sujet 5. Donc, à ce stade-ci, nous avons 14% de mise à l'emploi directe, 28% de mise en formation (donc 43% de résultats positifs), 14% de situation socio-économique critique et 28% d'échec. Nous préférons attendre 6 mois après la fin de la session avant de parler de véritables résultats. Durant l'évaluation de la session 1, nous avons compris la nécessité de suivre les participants après la session pour mesurer plus efficacement les résultats de notre action. En effet, en sortant de la formation, 100% des participants avaient un travail ou une formation. Un mois plus tard, ce chiffre est retombé à 20% et est remonté à 60% deux mois après. Nous allons donc essayer de maintenir, pendant 6 mois, un contact mensuel avec les participants ayant fini la session.

Responsabiliser
Entre la session 1 et la session 2 du projet, nous avons compris la nécessité de mettre en place de nombreux processus de responsabilisation, car nous observions (et peut-être, favorisions) une certaine immaturité de la part des participants. Nous avons installé un conseil des participants. Cette assemblée a été mise en place pour pouvoir prendre toute une série de décisions de manière démocratique et pour régler différents problèmes du groupe. Chaque participant et membre de l'équipe possédait une voie. Ce conseil s'est réuni cinq fois et a abordé quatre situations de conflit pour les résoudre.54(*) Durant les chantiers, nous avons mis plusieurs fois des participants en tant que chefs d'équipe. Ils devenaient, à tour de rôle, responsables de petites équipes de deux à quatre personnes. Chacun a vécu différemment cette responsabilisation et nous allons essayer de mieux structurer cet aspect pour les sessions 3 et 4. En effet, certains (comme le sujet 2) organisaient assez bien le travail tandis que d'autres (comme le sujet 7) n'arrivaient pas à diriger leur équipe et voulaient faire tout le travail. C'est assez normal étant donné que nous ne les avions absolument pas préparés à assumer ce rôle.À partir du milieu de la session 2, nous avons responsabilisé le groupe pour l'entretien du matériel.Le mécanisme était assez simple : à la fin de la journée, le local devait être rangé et le matériel convenablement nettoyé pour que les participants puissent partir. Ce procédé a fait naitre beaucoup de frustration et de petits conflits (dont l'un des deux conflits physiques de la session 2), mais a forcé le groupe à s'organiser. Les participants réclamaient beaucoup de devoir laver ce que d'autres salissaient, mais nous pensions que ça leur faisait du bien. En effet, en situation professionnelle, peu de responsables ou de patrons supportent longtemps des comportements comme ceux-là. À la fin de la session, cette tâche était réalisée spontanément, en équipe et de manière très efficace. L'équipe du projet utilise la non-directivité comme posture pédagogique. Pour tout ce qui a trait aux choix des participants, nous n'intervenons pas de manière directive afin de les responsabiliser. À la fin de la session 2, tous les participants ont évalué avoir fait des progrès dans la compétence responsabilité55(*).

Occuper
Durant la session 1, trois conflits violents (37% des conflits violents) ont éclaté dans des moments d'inactivité. Plusieurs intervenants externes nous avaient laissés tomber au dernier moment et certaines des activités étaient plus courtes que ce que nous avions prévu. Pour la session 2, nous avons prévu plusieurs activités (plans B) pour pallier à d'éventuels imprévus afin de ne plus avoir de longs moments d'inactivité. Il n'y en a plus eu dans la session 2 et donc, aucun conflit n'est né de ce paramètre.

Moins nombreux
Une autre pratique que nous avons mise en place a été de pouvoir prendre les personnes à part en cas de difficulté. Nous sommes 4 dans l'équipe (2 éducateurs spécialisés, un animateur et une coordinatrice). Cela permet d'être en général à deux avec les participants. L'un prend en charge l'activité et l'autre est disponible en cas de problème (ce qui arrive la plupart du temps deux ou trois fois par jour)56(*). Nous pouvons ainsi prendre à part ceux qui ont des difficultés relationnelles, émotionnelles ou des difficultés de comportement. Cette disposition s'avère très efficace et est utilisée fréquemment. Nous avons fait un autre constat : si le groupe était au complet sur un chantier, des tensions apparaissaient (un des deux conflits physiques de la session 2 a été fait en présence du groupe entier sur un chantier. Je sentais la tension monter depuis quelques heures déjà et j'avais décidé de terminer la journée plus tôt. Le conflit est intervenu pendant le rangement). Nous avons donc décidé de séparer le groupe en deux parties pour pouvoir faire plusieurs chantiers à la fois. Ces deux interventions ont permis de diminuer l'impact de l'effet de groupe.

Manger
Durant la session 1, trois conflits violents (37% des conflits violents) ont éclaté en lien avec de la nourriture. La cuisine a été l'une des activités principales de la session 1 (contrairement à la session 2). Les participants se disputaient pour de la nourriture (surtout de la viande). Aucun des ouvrages que j'ai lus n'a abordé ce facteur. Pour nous, il nous a semblé clair que la nourriture pouvait servir de facteur déclenchant pour ce public-là. Je peux supposer que c'est à cause du lien qu'a l'alimentation avec la survie et donc avec l'agressivité.

Ballades
J'ai proposé à l'équipe d'aller visiter avec le groupe les espaces de nature qui entourent Bruxelles. L'objectif était d'offrir aux participants l'aspect apaisant de la balade, mais aussi de leur donner une ressource qu'ils pourraient utiliser quand bon leur semble. Faute de temps et parce que cette activité n'avait pas forcément de sens pour eux, cette idée n'a pas été mise en pratique. Je ne l'abandonne pas et la ressortirai si l'occasion se présente.

Décoration
Dans le projet papier de Kick Off, qui a déterminé l'obtention des subsides, un élément est mis particulièrement en avant. Les participants étaient censés participer à des projets d'embellissement du quartier. Ils ont donc, en session 1, participé à la journée de la propreté (organisée le 27 avril par la Ville de Bruxelles) et créé un mobilier urbain (appelé Mobico) qui n'a jamais pu être installé. Même si cet élément d'embellissement fait toujours, en théorie, partie du projet ; nous n'y prêtons plus beaucoup d'attention, et ce, malgré l'insistance de nos supérieurs hiérarchiques et de l'autorité subsidiante. Embellir un quartier urbain affecté par la criminalité et la violence peut clairement avoir un impact positif. Pourtant pour le public cible du projet, cela n'a pas de sens. Pour eux, cela ne leur apporte rien de positif. Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient faire des efforts pour cela. Pour la construction du mobilier urbain Mobico, les participants ont passé une grande partie du chantier à râler et à refuser de travailler. Il y a eu un taux d'absentéisme très élevé. Nous avons donc, en réfléchissant en équipe, décidé de mettre (officieusement du moins) ce point de côté. Quand on nous propose un chantier qui permet d'embellir, d'une façon ou d'une autre le quartier, nous le réalisons en priorité. Mais nous ne cherchons pas spécifiquement ce type de chantier. Nous avons préféré que les activités que nous réalisons aient du sens pour les participants sans quoi ils ont beaucoup de mal à s'y investir.

4 Après : les résultantes

Dans la première partie, nous avons étudié le fonctionnement d'un acte violent et une grande partie des facteurs qui influencent son apparition. Dans cette partie, nous allons donc aborder ce qui se passe après l'agression. Qu'arrive-t-il au sujet ? Que ressent-il ? Va-t-il à nouveau utiliser la violence ? Va-t-il trouver d'autres façons d'agir ? Chacune de ces questions va correspondre à un point du chapitre : résultante évènementielle, résultante intrapsychique, résultante sur la reproductivité et résultante stratégique. Nous allons également voir quelles possibilités d'intervention la littérature propose et observer celles qui sont mises en pratique dans le projet Kick Off. Pour les résultantes, les parties seront davantage interconnectées entre elles. Par exemple, les résultats émotionnels de l'acte vont en partie dépendre des résultats factuels. Les deux vont guider la reproduction du comportement ou la recherche d'une alternative.

Comme expliqué précédemment, si les interventions de cette partie appartiennent à la famille des traitements et que celle de la précédente, à la famille de la prévention, dans le cas de la violence, il y en a beaucoup d'interventions qui peuvent servir dans les deux cas.

4.1 Résultante évènementielle

Les premières (et souvent les seules) conséquences d'un acte violent qui viennent à l'esprit sont les conséquences évènementielles. Quels évènements a-t-il provoqués ? Le but de l'acte a été atteint ? Comment les relations du sujet se portent-elles après l'agression ? Va-t-il être puni ? Ou récompensé ?

Fonction et objectif
Rogers et Maslow (in Traube, 2002) étudient la fonction57(*) de la violence. La violence apporte et rapporte des choses. Même si on peut la critiquer sur le plan éthique, la violence est souvent payante. C'est un moyen efficace d'arriver à ses moyens. Souvent, il demande moins d'efforts que d'autres stratégies comme le travail ou la négociation. Du point de vue de la psychologie humaniste, la violence peut combler de manière très facile certains besoins essentiels du sujet : stimulation58(*), considération et maitrise59(*). Le besoin de stimulation sera comblé, et ce, quelles que soient les conséquences de l'acte. L'individu a besoin d'être stimulé et la violence est très effective pour briser la monotonie. Le besoin de considération, à part si le sujet est totalement ignoré, sera également comblé. Ce sera une reconnaissance négative, mais cela reste une forme de considération.

Une chose sur laquelle s'accorde la psychologie humaniste est que tout acte à une fonction. Cette fonction peut être liée à des besoins intrapsychiques (cf. chapitre 4.2),mais aussi à assouvir des désirs (de possession d'objets par exemple), à repousser un danger, à se valoriser, à s'affirmer, à mettre de la distance dans une relation, à se faire remarquer, à se venger, à établir une forme de justice, à résoudre, des problèmes, à se faire du mal, à se prouver quelque chose... Les objectifs d'un acte violent peuvent être extrêmement variés. Ils peuvent être conscients ou inconscients. Les conséquences factuelles de l'acte vont déterminer si l'objectif a été atteint. Ainsi, un même acte aux conséquences semblables sera pour l'un, une réussite et pour l'autre, un échec total. Prenons un exemple : deux hommes braquent chacun un magasin. Le premier désire des biens matériels et le second recherche la reconnaissance. Ils réussissent leur coup sans attirer trop d'attention. Pour le premier, il s'agit d'une brillante réussite tandis que pour l'autre, c'est un échec. La violence s'avère souvent payante pour atteindre les objectifs cités plus haut (Traube, 2002). Elle s'avère, dans un premier temps en tout cas, être une stratégie efficace, rapide et demandant peu d'efforts. Malgré ce constat, la violence va avoir un effet très destructeur sur les relations à cause de l'acte ou de ses conséquences. En effet, l'usage de la violence, même s'il s'avère pratique, aura tendanceà être rejeté par une grande partie de la société (Traube, 2002), à amener à une désocialisation et à des sanctions parfois très lourdes (Mbanzoulou, 2000). La réussite ou l'échec de l'objectif va déterminer la reproductibilité du comportement (cf. Chapitre 4.3).

Interventions pratiques : revue de la littérature

Punition
Parmi les conséquences possibles d'un acte violent, l'une d'elles est une intervention : la punition. C'est l'une des conséquences les plus fréquentes et probablement les plus utilisées (dans les milieux scolaires, familiaux et judiciaires) faisant suite à une action violente. Elle peut prendre des formes extrêmement variées qui dépendent beaucoup des autorités qui les édictent. Le recopiage, la retenue ou le renvoi provisoire se retrouve dans le domaine scolaire. La privation d'argent de poche, de jeux, de sorties, de repas et autres est pratiquée dans le domaine familial avec dans certains cas les coups et autres formes de violence. Dans le domaine judiciaire, on retrouvera les amendes, les peines d'emprisonnement et les peines de travail. La liste est loin d'être exhaustive. Nous nous attarderons davantage sur les peines d'emprisonnement. La psychologie comportementaliste va placer la punition dans la famille des renforcements négatifs. Les renforcements positifs visent à favoriser l'apparition d'un comportement. Ils s'avèrent être bien plus efficaces que les renforcements négatifs (Vanaubel 2013). Rivière Vinca (2006 in Vanaubel 2013) définit la punition comme étant tous les évènements qui diminuent les chances d'apparition d'un comportement par l'application d'un stimulus aversif ou le retrait d'un stimulus renforçant (comme la liberté par exemple). Le défaut d'une intervention punitive utilisée isolément est de ne pas apporter d'alternative au comportement problème. Elle ne fait qu'essayer de le faire disparaitre. Pour être efficace, la punition a besoin de quelques caractéristiques rarement prises en compte. Premièrement, le temps entre l'acte et sa conséquence punitive doit être le plus court possible (Vanaubel 2013). Elle doit être proportionnelle à l'acte, responsabilisante et si possible réparatrice, en rapport avec le comportement. Elle doit aussi viser le comportement problème et pas la personne. Au contraire, pour qu'une punition soit inefficace et/ou accompagnée d'effets négatifs, elle doit être infantilisante, humiliante, irrespectueuse, énoncée sous le coup de la colère et sans rapport avec l'acte commis. (Traube 2002) Les problèmes de cette méthode sont : le risque d'escalade, le risque de provoquer une aversion et un évitement envers celui qui punit. L'intervention seule ne propose pas de comportement pour remplacer celui qui est proscrit (Vanaubel 2013). L'avantage le plus frappant est que la punition met une limite claire et offre une information efficace quant aux comportements à ne pas avoir. En tant que conséquence négative suivant un acte violent, elle va favoriser sa disparition.

Incarcération
Le cas de la peine d'emprisonnement est particulier dans ce travail puisqu'il concerne directement le public étudié. C'est un type de punition largement appliqué dans le monde entier. Elle a trois objectifs selon Mbanzoulou (2000) : une fonction sécuritaire/protectrice (protéger la société des personnes pouvant représenter un danger), une fonction coercitive/vindicative (punir les auteurs d'infractions envers la loi) et une fonction normative/éducative (apprendre le respect des lois aux auteurs d'infractions). La troisième fonction, celle qui nous intéresse le plus, est mise en pratique par différents moyens : la privation de liberté en elle-même, le cadre disciplinaire de la prison, le soutien médico-social, les activités culturelles, les formations et le travail dans l'établissement pénitentiaire. D'après l'auteur, l'objectif éducatif est celui qui reçoit le moins d'attention et de moyens dans les prisons. Dans l'arrondissement de Bruxelles, le tribunal correctionnel constate un taux de récidive de 23,4% et la cour d'appel de 20,4%60(*). Or, les règles pour définir la récidive sont très spécifiques. Elles ne prennent pas en compte la globalité du phénomène. En réalité, le taux réel de retour en prison en Belgique dépasse très probablement les 50% (Maes & Robert, 2012). Pour Mbanzoulou, la peine d'emprisonnement à un objectif de réinsertion dans la société, mais il constate qu'elle échoue en partie à y arriver. La fonction coercitive rentre en conflit avec la rééducation du prisonnier. Cette fonction nécessite d'assurer ordre et sécurité au sein de la prison ce qui ne permet pas de développer une personnalité responsable et épanouie. Les actions des acteurs qui servent à la réinsertion sont vues comme parasites et dangereuses puisqu'elles peuvent nuire ou compliquer le travail de sécurisation de l'institution. On fait une exception pour les actions qui ont démontré leur efficacité pour améliorer les conditions de sécurité. Ainsi, beaucoup d'activités culturelles, sportives et de travail ont perdu leur aspect éducatif pour devenir simplement occupationnelles (être occupé a tendance à pacifier les prisonniers cf. chapitre 3.7). Les désavantages des peines de prison sont : la contamination (de la criminalité) par d'autres détenus, une désocialisation (à cause de la coupure avec la société) et une déresponsabilisation (le prisonnier doit demander l'autorisation pour les moindres petites choses et a une vie réglée par les autorités de l'établissement). De plus, la façon dont les peines de prison sont appliquées peut empirer ces aspects. Mbanzoulou préconise donc un investissement et une meilleure coordination de tous les acteurs (y compris les surveillants) pour la réinsertion des prisonniers. L'avantage principal de la peine d'emprisonnement reste qu'il s'agit d'un stimulus extrêmement aversif.

Reconnaissance
Si l'objectif de l'action est d'attirer l'attention, ignorer l'auteur peut s'avérer être l'intervention la plus payante. Il faut pour cela être certain que c'est bien le but de l'agresseur parce que d'autres types d'objectifs s'accordent plutôt bien avec la discrétion. De plus, c'est une position qui demande des efforts particuliers puisque la tendance habituelle des intervenants est d'agir quand il y a des actes de ce genre. L'intervenant peut rarement se permettre de sacrifier la sécurité ou le bien-être d'une ou plusieurs victimes afin d'aider l'auteur dans ses comportements asociaux. Pour finir, l'absence de reconnaissance des actions violente doit être remplacée par de la considération pour les actions prosociales et positives de l'auteur. Il apprend ainsi à rechercher la reconnaissance par d'autres moyens. (Vanaubel 2013)

Signature
La pédagogie du contrat est également utilisée pour obtenir de la personne un engagement et une participation active à son évolution comportementale. D'après Born et Chevalier (in Lepot-Froment, 1996), il faut y mettre le comportement désiré, les critères de réussite, le renforcement obtenu en cas de réussite, le temps imparti, les renforcements en cas de réussite dépassant les espérances et les moyens d'évaluation. Avec un public d'adultes, il n'est pas nécessaire, selon moi, de passer par toutes ces étapes. L'engagement de la personne, les moyens de parvenir à cet engagement et, après coup, l'évaluation des résultats sont les trois étapes essentielles.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Punitions
Le projet Kick Off possède une liste de punitions énoncée de la plus légère à la plus grave.

· « Remarque orale

· Réparation du dommage causé

· Décision du conseil

· Tâche à effectuer en plus ou à la place des autres

· Diminution ou retrait du défraiement

· Exclusion d'un jour défrayé

· Exclusion de trois jours

· Exclusion définitive»61(*)

Selon les actes commis, nous essayons d'apporter une réponse correspondante. Nous voulons, dans les cas où nous utilisons des renforcements négatifs, qu'ils aient toujours un rapport direct avec l'action commise. En définitive, dans la plupart des cas de conflits ou de violence, les punitions (à l'exception de la remarque orale) ne sont pas nécessaires. Et, quand je parle de remarque orale, il s'agit davantage d'une discussion amenant à la reconnaissance des troubles causés et à un engagement ou à des propositions pour adopter des comportements différents. La diminution ou le retrait du défraiement qu'ils reçoivent pour les chantiers et stages est utilisée quotidiennement quand ils arrivent en retard et quand ils sont absents. L'idée du projet est d'offrir le terrain propice au traitement de toute une série de problèmes qui, en milieu professionnel, donnent lieu à des sanctions importantes (comme le renvoi). Parmi celles-ci, la violence. Nous avons eu, durant la session 2, deux conflits physiques ont éclatés. Aucun n'a donné lieu à des punitions. Ils ont malgré tout été suivis d'un important travail sur les comportements problèmes. Nous avons eu de longues discussions avec tous ceux qui avaient pris part au conflit. Dans ces discussions, nous sommes partis de la reconnaissance par les sujets des désavantages du comportement adopté. Ensuite, ils prenaient l'engagement de changer de comportement. Et pour finir, nous leur apportions les moyens, l'observation, les recadrages et l'attention nécessaires à l'adoption de nouveaux comportements. Du point de vue de l'équipe, cela s'est avéré efficace. Il avait été prévu de donner un jour de renvoi au sujet 3, suite à un conflit physique, mais, au vu de sa reconnaissance et de sa bonne volonté à changer de comportement, nous avons renoncé à appliquer cette décision. Je me pose personnellement la question de savoir si nous sommes trop laxistes. Le fait que nous n'utilisons presque pas les sanctions qui ont été prévues ne vient pas de l'absence de comportements inadéquats : ils sont nombreux. Il vient plutôt du fait qu'avec huit participants, nous avons le temps de faire un travail en profondeur. Personnellement, je préfère de loin cette façon de faire. J'ai toujours, dans mon métier d'éducateur, détesté punir. Je trouve cette intervention trop facile et empreinte d'une certaine malveillance. Je crois que c'est une faille dans ma posture éducative parce que je désire avoir un rôle de "gentil". Néanmoins, cette aversion pour la punition m'a forcé à développer d'autres méthodes d'intervention plus efficaces à long terme. Je vais cependant réaliser un effort personnel pour améliorer ma posture éducative.

De l'avis des sujets 1, 2, 3 et 7 (et d'autres participants), les membres de l'équipe sont toujours sur leur dos : ils ne les lâchent pas. Cela a été dit, de manière assez positive, lors des évaluations. Ils apprécient après coup cette attitude. En effet, quand nous observons un comportement problème et que le sujet s'engage à le travailler, toute l'équipe y apporte une attention particulière pour l'aider à évoluer. Pour reprendre les termes que les participants ont utilisés, nous ne les lâchons pas pendant quatre mois, au sens propre (de ne pas les abandonner) comme au figuré (de ne pas les laisser tranquilles).

Signatures
L'une des méthodes que nous utilisons est le contrat d'évolution. Une fois par mois, nous utilisons en entretien individuel un contrat d'évolution. Ces contrats, signés par l'éducateur référent et par le participant reprennent une série d'objectifs que le participant se fixe pour le mois. Il peut s'agir d'objectifs comportementaux, de démarches administratives (ou autre) à réaliser, de savoirs à acquérir... Le document reprend les méthodes à utiliser et une évaluation des objectifs du mois précédent. Le tout est fait de manière participative dans une conversation entre le participant et son référent. Le référent prend lui aussi des engagements pour aider le participant à atteindre ses objectifs. Ce que nous avons constaté, c'est que le procédé permettait de traiter efficacement les problèmes de comportement et de violence. Les sujets s'engagent eux-mêmes à changer de comportement, ils réfléchissent eux-mêmes à une méthode et ils peuvent compter sur le soutien du référent et de l'équipe. Des 18 engagements que les participants dont j'étais référent ont pris, 16 (89%) ont été couronnés de succès. C'est une méthode d'intervention que j'apprécie particulièrement.

Ils me veulent du mal
Tous les sujets étudiés et la majorité des participants se sont fait renvoyer d'établissements scolaires. Tous les sujets étudiés ont été condamnés à des peines d'emprisonnement. Ce que nous avons observé est qu'ils ont souvent une perception aversive des acteurs du système judiciaire et scolaire. Comme expliqué plus haut dans le chapitre, ils perçoivent ces personnes comme représentant un danger. Cela retire l'aspect éducatif des punitions qu'ils peuvent donner. L'impression que cela donne, c'est qu'ils punissent par essence et non suite à un comportement. En tête de liste, ils citent les forces de police, ensuite viennent les juges et les procureurs et finalement les directeurs d'écoles et les professeurs. Les assistants de justice sont généralement assez bien perçus. Le sujet 3 m'a perçu comme cela (menaçant et malveillant). Je n'ai pas encore bien compris quels mécanismes avaient amené à cela. J'ai l'impression que ça s'est amélioré avant que le sujet 3 ne parte de la formation. Cette perception du monde judiciaire et scolaire nous demande d'avoir une posture éducative différente de celles qu'ils ont subies par le passé. Ainsi, tout en sachant être fermes, nous respectons leurs avis, leurs décisions, nous avons une posture d'autorité différente, nous sommes (et cherchons à être perçus comme) bienveillantset nous utilisons des pédagogies participatives. Sans que nous en ayons conscience, le fait de ne pas utiliser systématiquement de punition pourrait s'avérer positif. L'un de nos objectifs est de leur redonner confiance et de travailler certains comportements pour qu'ils puissent réintégrer sereinement le milieu classique de la formation ou du travail où une forme d'autorité plus arbitraire est pratiquée. C'est personnellement une posture éducative avec laquelle je suis très à l'aise. Dans toute ma pratique professionnelle, j'ai essayé de développer et d'apprendre les pédagogies actives et démocratiques. C'est un réel plaisir de pouvoir les mettre en pratique quotidiennement. Je pense que ma présence dans le projet a grandement favorisé cette orientation pédagogique puisque mes collègues étaient, au départ, moins friands de ce type d'intervention.

Réinsérer
De notre point de vue, une véritable réinsertion est indispensable pour éviter la récidive de la criminalité. L'un des éléments qui frustraient le plus les sujets 3, 4 et 5 était leurs chances extrêmement limitées d'accéder au milieu du travail. N'ayant pas de formation, pas d'expérience et un passé carcéral, leurs chances de trouver un travail étaient quasi nulles. Ils en avaient conscience. Pour eux, les actions qu'ils posaient pour se réinsérer étaient vaines. Ils pensent que la société ne désire pas qu'ils se réinsèrent. En sachant qu'ils avaient des revenus assez faibles (entre 800€ (revenu d'intégration sociale ou allocations d'insertions) et 350€ (aide aux justiciables) par mois) et qu'ils pouvaient, par des moyens illégaux, facilement se faire de l'argent, cela ajoutait à leur frustration. En tant qu'observateur extérieur, je ne peux que préconiser un encadrement plus strict de l'utilisation de l'extrait du casier judiciaire (type I et II). Ce document étant quasi systématiquement demandé par des employeurs, il réduit considérablement et de manière injuste les chances de réinsertion des anciens détenus. Une bonne partie des sujets étudiés (1, 3 et 5) disent avoir l'impression qu'ils n'auront jamais fini de payer leur dette envers la société.

4.2 Résultante intrapsychique

Une action violente peut avoir un grand nombre de conséquences émotionnelles sur celui qui la réalise. Cela va dépendre, entre autres, des conséquences factuelles de l'acte, de l'éducation, du fonctionnement psychologique et des croyances de l'auteur. Le panel de sentiment ressenti après avoir été violent est relativement hétéroclite : fierté, tristesse, dégout, peur, satisfaction, insatisfaction, nervosité, calme, sentiment d'appartenance, joie...

Ces sentiments vont amener l'individu à évaluer son action. Il établira ainsi, avec les conséquences factuelles, la valeur et l'utilité de cette manière d'agir. On peut donc utiliser le fonctionnement émotionnel pour diminuer ou augmenter l'usage de la violence.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Il a été expliqué au chapitre 3.4 (facteurs intrapsychiques), que certaines interventions peuvent servir autant pour prévenir que pour guérir. Une partie des interventions vues ici peuvent donc être utilisées dans les deux cas.

Mettre ailleurs
Le mécanisme de dérivation62(*) est l'un est plus pratiqué pour éviter d'avoir recours à la violence. Traube (2002) explique que la pulsion agressive a besoin d'être exprimée d'une manière ou d'une autre. Si elle n'est pas extériorisée, elle aura tendance à avoir des effets internes néfastes. Le nombre de passage à l'acte violent réel est normalement infime par rapport au nombre de fois où l'on a envie de le faire. C'est simplement parce qu'il y a toute sorte de façons de dériver cette pulsion, de la diriger ailleurs. Voici quelques mécanismes de dérivation.

· L'interdit, la répression. Elle peut être consciente et délibérée (ce qui est assez sain) ou inconsciente (c'est une forme de conditionnement, un fonctionnement de type névrotique).

· Le déplacement de l'objet. On déplace la pulsion agressive de cible. Cela peut être assez sain (par exemple quelqu'un qui déplace son agressivité sur un ring de boxe) ou malsain (un professeur qui déplace, par exemple, sur ses élèves l'agressivité qu'il a envers sa femme).

· Le déplacement d'affect. On remplace le sentiment de colère par un autre. C'est plutôt un processus pathologique, un genre de refoulement.

· Le défoulement. Peut-être utilisé efficacement avec des sports de frappe comme le football ou le tennis.

· La verbalisation : dire au lieu d'agir.

· L'imagination. Le fantasme est une mise en scène du désir qui peut éviter un passage à l'acte.

· La sublimation. Canaliser l'énergie agressive et l'amener vers quelque chose de constructif comme l'expression artistique. On part d'une émotion négative et destructrice pour l'amener dans un domaine où elle peut être positive et constructrice.

Penser avant d'agir
Born et Chevalier (in Lepot-Froment, 1996) et Vanaubel (2010) citent l'importance de savoir différer la satisfaction et de savoir établir une réflexion avant l'action. Ils associent ces apprentissages à des méthodes plus générales de résolution de problèmes (cf. chapitre 4.4).

Moralité
Certaines méthodes visent à développer les capacités de raisonnement moral des individus. Tout individu établit une échelle de valeurs concernant ses actions et celle des autres. Cette échelle peut avoir différents niveaux. Le niveau le plus bas est celui de l'égoïsme : ce qui est bien est ce qui est dans mon intérêt et ce qui est mal est ce qui me nuit. Plus on évolue dans cette échelle plus on arrive à intégrer ses intérêts avec ceux des autres. D'abord ceux qui sont le plus proche de nous et puis, au fur et à mesure, on élargit vers des groupes de plus en plus grands. Dionne et St-Martin (In Massé & al. 2006) établissent quant à eux 3 niveaux de jugement moral. Au niveau 1, l'individu agit dans son intérêt ou pour ne pas être puni. Au niveau 2, il va essayer de paraitre bien aux yeux des autres, il va faire preuve de considération et accomplir les devoirs qu'il a acceptés. Au niveau 3, il va agir par principe éthique applicable à tous. Ils proposent une méthode pour faire évoluer le niveau de raisonnement moral des personnes. Basée sur des débats autour de dilemmes moraux hypothétiques, elle permet de faire réfléchir au sens des règles légales et morales de la société. Par cette technique, les participants arrivent peu à peu à développer un raisonnement plus élaboré sur les questions morales.

Mbanzoulou (2000) constate le rôle positif qu'ont les différents acteurs religieux sur le niveau de raisonnement moral de prisonniers. Ils apportent ce qu'une institution d'état n'arrive souvent pas à donner : des valeurs morales acceptées et une notion claire de bien et de mal. Le personnel religieux fait, par l'assistance spirituelle qui est offerte comme un droit inaliénable, un énorme travail d'éducation morale. Alors que les différents intervenants sociaux sont cadrés sévèrement et souvent mis de côté pour des impératifs de sécurité, le personnel religieux a plus de liberté et une relation plus proche avec les prisonniers. Ainsi, d'après l'auteur, la religion a un impact positif sur l'évolution morale des personnes incarcérées.

Gérer ses émotions
Puisque les émotions font partie des éléments qui amènent à poser un acte violent et qu'une mauvaise capacité à gérer celle-ci se retrouve souvent chez les auteurs d'agression (Dowen, Blanchette et Serin, 1997), il semble logique d'essayer d'apprendre la gestion des émotions tant au niveau préventif que comme traitement. Ainsi, les programmes de maitrise de la colère sont parmi les plus utilisés dans les prisons canadiennes. Ils y travaillent aussi l'anxiété, la jalousie et la frustration. Massé & al. (2006) proposent une gestion du stress, un développement du concept de soi et un entrainement à l'empathie.

Éducation à la dure
Il existe un type d'intervention utilisé depuis la nuit des temps. C'est ce que Born et Chevalier (in Lepot-Froment, 1996) appellent emotionnalshocktraining(l'entrainement par choc émotionnel). Le principe consiste à utiliser des renforcements négatifs très forts pour provoquer chez le sujet un choc émotionnel intense. Cela devrait avoir pour conséquence de l'éloigner durablement, en utilisant la peur, du comportement visé. On y retrouve toute les formes de punition exagérées, les maltraitances à visée éducative, la torture, la création de milieux aux conditions invivables, tout ce qui peut faire peur (comme les menaces)... Il y a bien sûr plusieurs niveaux d'intensité de ces moyens d'intervention : on ne peut, par exemple, raisonnablement pas comparer la torture avec une menace de renvoi d'un établissement scolaire. Au-delà des critiques d'ordre éthique que l'on peut faire à ces méthodes, leur efficacité a été étudiée. Elles ont efficacité certaine, mais à courte durée et tant que la peur fonctionne. Comme elles utilisent une forme de violence, elles vont avoir tendance à générer une agressivité réactionnelle. Donc, ces méthodes auront souvent l'effet inverse de celui qu'elles désirent produire. Elles sont pourtant encore largement utilisées de par le monde.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Déplacer
Le projet Kick Off a mis en place différents moyens de dérivation d'émotions comme la colère et la frustration. Nous avons largement parlé de la verbalisation dans différents autres chapitres. Le sport présent dès la session 1, a pour but d'aider à relâcher les tensions et à canaliser la colère. Le membre de l'équipe qui en a la charge en a bien conscience et oriente les exercices sportifs (essentiellement de la boxe) dans ce sens. La présence d'un sac de boxe à la cave, élément déjà abordé précédemment, est régulièrement utilisée par les participants pour calmer leur colère. Le projet d'écriture de la session 2 a permis à quelques participants d'y mettre des éléments personnels de frustration (sujet 2 et deux autres participants). J'ai également remarqué que plusieurs participants utilisaient le travail comme moyen de canaliser leur colère. Quand ils étaient frustrés ou énervés, ils travaillaient avec acharnement et refusaient de faire des pauses. C'est arrivé avec les sujets 3, 6, 9 et 11 ainsi qu'avec d'autres participants. Cette façon d'agir peut être considérée comme une forme de sublimation de la colère. Je ne m'étais pas rendu compte de l'aspect positif de ce comportement avant de faire cette étude. Je vais en faire part à l'équipe pour que nous puissions valoriser cela chez les participants.

Valeurs religieuses
Il y a un élément que j'aimerais pouvoir utiliser, mais que ma position de travailleur social, d'éducateur et d'employé communal m'interdit. Pour presque tous les sujets étudiés, la religion à une place très importante (sujets 2, 5, 7, 8, 9, 10, 11 et 12). Les sujets attachés à leurs croyances religieuses étaient musulmans ou chrétiens (protestants ou catholiques). Ces deux religions contiennent chacune des valeurs morales très positives. Elles ont des messages de paix, de tolérance, de non-violence, d'amour, de résignation, d'acceptation des difficultés, d'efforts dans l'adversité... qui pourraient être d'une grande utilité pour la vie des participants. De plus, ce sont des valeurs qui, comme elles sont émises par la religion qu'ils pratiquent, sont facilement acceptées par ceux-ci. J'aimerais pouvoir utiliser ces éléments pour les aider. Les règles déontologiques de ma position viennent malheureusement contrecarrer cette envie. En plus du devoir de neutralité de l'éducateur, le travailleur communal que je suis à une obligation de réserve concernant les sujets à caractère religieux. J'ai posé la question à ma coordinatrice qui m'a confirmé cela. Je comprends sans difficulté les raisons qui amènent à ces règles de déontologies. Je trouve dommage de devoir me priver d'une ressource aussi précieuse. J'étudie, à un niveau privé, les religions et leurs messages moraux. J'y trouve de nombreux éléments qui pourraient, si elles sont bien utilisées, avoir un impact réellement positif sur l'agressivité et le recours à la violence des participants. Je dois malheureusement m'en passer.

Gérer ses émotions
Durant la session 2, une collègue éducatrice de fonction et psychologue de formation, est venue en tant qu'intervenant externe donner un programme de gestion des émotions pendant deux matinées. J'ai été assez déçu par son intervention qui n'a fait, selon moi, que survoler le sujet. Cette collègue a depuis quitté l'ASBLBravvo et c'est donc à moi que cette activité est revenue. Je compte utiliser les nombreux apprentissages que j'ai pu réaliser avec ce travail pour mettre en place une série d'exercices visant une bonne gestion des émotions. J'ai déjà mené ce type d'exercice avec des groupes d'enfants dans l'enseignement spécialisé de type 1 et 8.

Projet de gestion des émotions

Lieu : locaux du projet Kick Off

Durée : un après-midi (3h) et une matinée (2h30)

Objectifs :

· Amener un moment de réflexion entre stimulus et réaction

· Savoir identifier ses émotions (via des signaux d'alarme) et celles des autres

· Savoir dériver la colère

· Savoir se calmer

Écueils à éviter :

· Infantilisation des participants

· Manque de sens des activités pour les participants

· Perte de contrôle si les sentiments travaillés provoquent des émotions trop intenses chez les participants

Façon d'éviter ces écueils : ne pas utiliser trop de jeux, expliquer et discuter préalablement avec les participants sur le sens de chaque exercice, vérifier qu'il fasse sens pour eux, faire des pauses nombreuses, intercaler des exercices de relaxation et avoir la possibilité de quitter le local ou d'aller en bas frapper sur le sac.

Pédagogie : pédagogie active, pédagogie par l'expérience, psychologie humaniste

Activités :

· Visionnage d'extraits de films avec identification participative des émotions, de la façon de les repérer et de leur impact sur la vie que l'on mène. Émotions : anxiété, frustration, colère, tristesse, joie, honte, sérénité et peur. Pendant cet exercice, on apprendra aussi à éviter de porter des jugements de valeur sur les émotions. On gardera ce principe pour tous les autres exercices.

· Exercice de respiration visant à la relaxation.

· Par groupe de deux, exercice pour apprendre à mettre un moment entre stimulus et réaction. Chaque groupe à un tas de cartes reprenant des situations problématiques de la vie quotidienne. Dans un premier temps, les participants (l'un lit la situation et l'autre essaye de la résoudre) devront faire un maximum de cartes en 3 minutes. Dans un second temps, ils devront attendre 10 secondes (que celui qui pose la question mesurera) entre la question et la réponse. Ensuite, ils évalueront quelles étaient les solutions les plus pertinentes (avec ou sans moment de réflexion).

· Exercice de visualisation pour apprendre à se détendre et à identifier son état d'esprit.

· Débat assez court sur la colère (et les sentiments qui en sont proches : jalousie, anxiété, frustration...) et sur son impact dans nos vies. Partage d'expériences et de moyens permettant de dériver la colère.

· Jeux de rôles sur des situations professionnelles frustrantes. Discussions après chaque mise en scène sur les émotions ressenties chez soi et perçues chez les autres. Recherche de piste de solution pour rendre la situation plus sereine. La scène sera ensuite rejouée en mettant en pratique une ou plusieurs des solutions proposées

L'évaluation sera basée sur l'intérêt des participants pendant les activités, la richesse des échanges et la mise en pratique, pendant la suite de la session, des éléments appris.

4.3 Résultante sur la reproductivité

Les résultantes que nous avons vues précédemment vont avoir un impact direct sur la reproductibilité du comportement violent. Plus le comportement aura de conséquences positives, plus il aura tendance à être reproduit. Si l'objectif initial, quel qu'il soit, a éteint atteint, si le désir est satisfait, si les émotions ressenties ont provoqué une forme de plaisir, si la stratégie s'est avérée payante... le sujet aura probablement encore recours à la violence. (Traube, 2002) C'est quelque chose de parfaitement logique : quand une stratégie fonctionne, on l'utilise. De plus, lorsque le sujet observe chez les autres que cela fonctionne de manière similaire, son opinion va se renforcer. Au fur et à mesure, cela peut devenir une habitudeancrée dans le fonctionnement psychologique du sujet.

Histoire sans fin
À cela s'ajoute un mécanisme de cercle vicieux fréquent dans les situations conflictuelles amenant à la violence. Pour diverses raisons (croyances, expériences précédentes...) quand une personne (personne A) en percevra une autre (personne B) comme hostile ou dangereuse, elle pourra avoir deux types de comportements instinctifs : l'agressivité ou la fuite. Ainsi, une première perception erronée ou tronquée peut donner lieu à une agression de la part de la personne A. La personne B, étant réellement agressée, se défend de la même manière. Cette réaction agressive de B confirme l'idée qu'avait A : B lui veut du mal. Il réagit ainsi de manière encore plus violente et un cercle vicieux d'escalade de la violence est ainsi mis en place. Ce fonctionnement, aux graves conséquences, peut toucher les individus, les groupes et les sociétés. Plusieurs expériences citées par Gagnon & al. (2006 in Vanaublel, 2010) ont mis en évidence ce type de fonctionnement chez les enfants agressifs. Il est également possible d'observer cela dans les rivalités entre familles ou entre quartiers défavorisés. Peu importe si quelqu'un a réellement commencé le conflit, on est agressif parce que l'autre l'est et l'autre est agressif pour la même raison.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Mis à part en plaçant une conséquence négative comme la punition après une action violente, il existe des méthodes qui permettent de réduire la reproductibilité. Il est possible de traiter l'habitude qui a été prise.

Règlements
Dans tout groupe, les différentes règles ont normalement pour fonction de structurer et de protéger le fonctionnement social. Les individus sont amputés d'une partie de leurs libertés, mais en échange, ils y gagnent en sécurité et en confort de vie. Les règles mettent de l'ordre et permettent d'avoir toute une série de décisions à ne pas prendre. Imaginez la vie si nous avions à nous poser des questions pour chaque aspect de notre vie. Toutes sortes de règles déterminent ce qui est autorisé, ce qui est interdit et ce qui est obligatoire. Les règles sont donc conçues pour être des éléments au service des individus et des groupes. Mais pour qu'elles fonctionnent, elles doivent être respectées. Tout un attirail de rappels à l'ordre et de sanctions sont prévues pour cela, mais le mécanisme le plus efficace reste celui de l'intériorisation d'une règle. D'après Traube (2002), c'est indispensable à la vie sociale. Pour qu'une règle soit facilement intériorisée, elle doit être perçue comme protectrice, légitime (pertinente) et juste. J'insisterai sur le concept de perception. Une règle peut être pensée et mise en place comme étant protectrice, légitime et juste, mais perçue totalement autrement. Il est vraiment très important de faire passer le sens et la fonction des règles. Il arrive souvent que des règles et des principes imposés aux personnes "pour leur bien" fassent des dégâts parce qu'elles sont perçues différemment. Ainsi, pour qu'une règle soit perçue comme persécutrice, elle devra avoir les caractéristiques suivantes : inadéquate (qui ne correspond pas à la réalité), purement formelle, arbitraire (dont l'application varie d'une personne à l'autre ou selon l'humeur du détenteur de l'autorité), injuste, mal comprise ou mal expliquée et être un moyen pour l'autorité de marquer sa domination. Des règles fonctionnant ainsi vont provoquer la violence ou le repli (Traube 2002). Il est donc important d'avoir des règles, mais aussi de bien réfléchir à leur énonciation, à leur perception, à leur mise en pratique et à une forme d'acceptation qui les rendra effectives.

Tirer un trait
Pour le public concerné par cette étude, le respect des règles est un élément qui a fait, à un moment du moins, défaut. L'une des fonctions des règles est de permettre la transgression : c'est une phase normale du développement de l'être humain (Traube 2002). Pourtant, si le comportement transgressif devient une habitude, la société, la vie sociale se trouve menacée. Il est donc parfois nécessaire de mettre l'un de ses membres à l'écart dans un établissement pénitentiaire par exemple. Ainsi, selon Mbanzoulou (2000) l'amendement du prisonnier est l'un des buts essentiels de la prison. Pour pouvoir se réinsérer efficacement dans la société, le prisonnier doit faire un trait sur son passé criminel et accepter de vivre dans une certaine légalité. Selon lui, cela se fait par deux moyens. Le premier est que la prison est un milieu très réglé et discipliné. L'apprentissage d'une vie réglée et stricte donnerait de bonnes habitudes que les prisonniers intégreraient avec le temps passé dans l'établissement. La deuxième se situe plus particulièrement au niveau de la relation avec les gardiens et les autres intervenants de la prison. Une attitude bienveillante, bien que stricte, de la part de différents acteurs permettrait au prisonnier de s'amender, de reprendre confiance en la vie sociale et dans les règles qui cadrent celles-ci. Il prône une meilleure formation et une revalorisation du métier d'agent pénitentiaire, leur donnant un rôle bien plus social que leur rôle actuel similaire selon l'auteur à celui d'un porte-clés. Selon moi, penser que vivre plusieurs années dans un cadre strictfavoriserait le respect des lois n'est que partiellement vrai. Cela à une valeur comportementaliste : le sujet s'habitue à respecter des règles, mais rien n'est fait pour qu'il les intériorise. On ne peut donc pas garantir que la personne continuera à utiliser ces comportements en dehors de la prison.

Désapprentissage
Traube (2002) cite sans les expliquer des moyens de désapprendre des comportements problématiques. Il prend notamment l'exemple du film de fiction « Orange Mécanique » de Stanley Kubrick (1972) dans lequel le héros subit une thérapie brutale qui provoque en lui un dégout profond pour la violence. Il devient complètement incapable de réagir à toute forme d'agression ce qui en fait quelqu'un d'assez inadapté socialement. Les thérapies comportementalistes utilisent parfois ce principe de manière beaucoup plus acceptable en termes d'éthique (Massé & al. 2006).

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Règlements
Le projet à une série de règles formelles (R.O.I.63(*) du projet) et informelles (passées oralement). Personnellement, j'essaye toujours de les passer tout en les associant avec leurs objectifs. La règle de la ponctualité par exemple, sert au bon fonctionnement du projet certes, mais c'est surtout un apprentissage de ce savoir-être essentiel pour une bonne insertion professionnelle. J'ai insisté pour que la partie sanction du R.O.I. commence par la phrase : « tout le monde a le droit à l'erreur ». C'était pour moi un point essentiel qui a pour effet de rassurer les participants. Les règles existent, nous sommes là pour les appliquer, mais l'erreur, la faute, fait partie des éléments normaux au projet. Leurs erreurs sont simplement des éléments à travailler avec eux afin que celles-ci ne les handicapent pas plus tard. Ils ont la possibilité de questionner les règles, voire de les changer avec le conseil des participants. Nous essayons de bien leur expliquer le sens de ces règles.

On est souvent aux prises avec leurs perceptions des règles et des autorités qui les appliquent. Ils vivent certains de ces éléments comme des injustices profondes. L'extrait du casier judiciaire (ancien certificat de bonne vie et moeurs) est un bon exemple. Ils ne comprennent pas pourquoi ce document existe puisqu'à leurs yeux, il ne sert qu'à les empêcher de trouver un travail. J'essaye donc de les écouter, d'entendre leur vécu tout en essayant de les amener à une forme d'acceptation ou du moins de soumission à ces règles. Souvent, je ne peux qu'être d'accord avec leur interprétation sans avoir plus de pouvoir qu'eux pour changer ces éléments. Comme ma collègue éducatrice leur répète souvent : « la vie est une dure lutte. »

Au début de la session 2, nous laissions les participants lire le R.O.I. avant de le leur faire signer. Nous avons constaté que beaucoup avaient lu sans retenir ou comprendre ce qui était écrit. Donc, dans la session 3, nous leur avons expliqué tous les points du règlement deux fois : à l'inscription et le premier jour du projet. Nous avons perçu que cette mise en place plus efficace du cadre a eu des effets bénéfiques sur leurs comportements au début de la session.

C'est du passé
Nous arrivons à observer chez les participants du projet leur état d'esprit par rapport à la criminalité en général. De mon observation, nous n'avons pas encore amené à l'amendement d'un seul des participants. Nous faisions parfois évoluer leur vision (comme le sujet 2 qui a commencé à concevoir la violence physique comme négative). Il est aussi arrivé que nous rappelions la décision qu'ils avaient déjà prise à ce sujet (comme avec le sujet 7 qui, à un moment, a commencé à fréquenter à nouveau des criminels et qui s'est ravisé dès que nous en avons parlé avec lui). Ainsi, certains des participants n'avaient pas du tout envie de s'amender (d'après notre perception, leurs comportements et leurs propres affirmations) : les sujets 3, 6 et 9 semblaient fonctionner comme cela. Ils développaient simplement des stratégies pour éviter de se faire prendre. Nous avons l'impression d'avoir très peu de capacité d'influence sur cette décision. Certains autres semblaient avoir tiré un trait sur toute forme de criminalité (sujet 7 et 4). La plupart se situant entre les deux partageants une envie sincère de s'insérer avec un refus de mettre en pratique toute une série de lois. Le meilleur moyen, d'après moi, que nous avons de les faire évoluer sur ce point se situe dans notre posture éducative : profondément bienveillante, mais aussi ferme, cadrante et critique. Nous devons aussi nous mettre à leur niveau, réussir à comprendre leurs valeurs et leurs modes de fonctionnement tout en les mettant en rapport avec ceux de la société. J'ai parfois l'impression que nous sommes comme des ponts, des intervalles entre le fonctionnement bien-pensant de la société et leur fonctionnement à eux.

4.4 Résultante stratégique

Après avoir vu les résultantes qui augmentaient la probabilité de réapparition des comportements violents, observons ce qu'il se passe quand, pour plusieurs raisons, le sujet décide consciemment ou inconsciemment que la violence est une mauvaise stratégie. Il aura la possibilité de refouler ou de dériver sa violence, mais ce sont là des stratégies intrapsychiques. S'il a une difficulté pratique, elle ne disparaitra pas s'il gère mieux ses émotions. Il aura par contre de meilleures chances de la résoudre adéquatement, notamment en réfléchissant à une solution alternative à l'agressivité. Il n'a pas vraiment d'autre choix que d'augmenter ses moyens de résolution de problèmes. On ne peut pas dire que ce sont deux phases distinctes l'une de l'autre : d'abord le refus de la violence (par des expériences malheureuses) et puis l'utilisation d'autres stratégies. Les deux phases se déroulent en même temps et dépendent beaucoup des résultantes évènementielles et intrapsychiques.

Résolution
Le professeur Born (1996 in Vanaubel 2010) a mis en avant, dans une série de recherches, la difficulté à résoudre des problèmes de la vie quotidienne chez les jeunes ayant des conduites agressives. La personne n'étant pas très douée pour résoudre ses problèmes tentera d'utiliser la violence en tant que stratégie efficace de résolution. Ces jeunes présenteraient des déficits au niveau des processus cognitifs, de la verbalisation, un traitement particulier des informations, une incapacité à différer la satisfaction et à mettre un moment de réflexion avant de réagir ainsi qu'une impulsivité trop importante.

Interventions pratiques : revue de la littérature

C'est sur base de ce constat que plusieurs chercheurs ont développé des programmes de résolution de problèmes (Massé & al. 2006 ; D'Zurilla et Goldfried, 1971 in Leport-Froment 1996) relativement similaires les unes des autres.

D'Zurilla et Goldfried proposent 5 étapes

· S'arrêter pour penser (cf. Chapitre 3.4)

· Définir le problème

· Produire des alternatives

· Prendre une décision

· Évaluer les résultats de cette décision

Massé (2006) y ajoute une étape entre la production d'alternatives et la prise de décision : l'évaluation de ces alternatives.

Les deux s'accordent pour dire qu'il est plus adéquat d'améliorer la recherche stratégique plutôt que d'offrir une série de solutions qui, de toute façon, ne peuvent s'accorder à toutes les situations.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

D'abord, y croire
Il nous a semblé indispensable avec notre public d'ajouter à la résolution de problèmes la confiance en ses propres capacités (Bandura, 1977 in Vanaubel, 2013) à résoudre des situations complexes. Nous utilisons pour cela la pédagogie de la réussite et une directivité très limitée. Par les chantiers et les autres activités, les participants acquièrent rapidement des techniques ou des outils qu'ils ne connaissaient pas. Avec la vie en groupe et les différentes difficultés qu'ils surmontent, ils acquièrent des compétences relationnelles. Avec les contrats d'évolutions réalisés chaque mois ainsi que les remarques que nous leur faisons et leurs propres constats, ils se rendent compte de leurs réussites. Peu à peu, ils développent leur confiance en eux et en leur capacité à résoudre des situations complexes. Des 3 sujets qui ont fait leur auto-évaluation (évaluation qui n'était pas en place en session 1 (sujet 5 et 6) et que les sujets 3 et 4 partis avant la fin de la session n'ont pu faire), tous ont considéré avoir amélioré leur confiance en eux.

Ensuite, agir
Même si cela ne fait pas l'objet d'activités spécifiques, nous pratiquons une résolution de problèmes similaire à celle de Born et Chevalier (in Lepot-Froment, 1996). Celle-ci est utilisée quand cela s'avère nécessaire, c'est-à-dire quand ils allaient utiliser une stratégie totalement inadéquate (par exemple l'usage de la violence) (cf. Chapitre 3.4). La méthode que nous utilisons se compose de 5 étapes :

· Rationalisation et définition du problème (aider, si le problème est interpersonnel, à cibler un comportement et pas un individu)

· Évaluation de la stratégie initialement prévue (et de ses inconvénients pour le sujet)

· Recherche de pistes de solution (avec suggestions de notre part si nécessaire)

· Choix et mise en pratique de la solution la plus efficace (qui peut être dans certains rares cas imposée par un membre de l'équipe)

· Évaluation de la décision (en général, constat de réussite et auto-renforcement)

Heureusement, le projet nous offre sonlot de difficultés et de conflits pour permettre à ces apprentissages de se faire sans devoir utiliser des jeux de rôles ou des simulations. La pratique réelle est toujours bien plus efficace.

5 Piste généraliste : la communication

Comme nous l'avons vu dès le départ de ce travail, la violence se définit comme un moyen de communication. Pas n'importe quel moyen de communication, un moyen ultime. Cela revient à dire que l'on va avoir recours à ce moyen quand les autres auront échoués ou s'ils n'existent pas, s'ils n'ont pas été appris. En améliorant l'efficacité des autres moyens de communication, on finit inévitablement par réduire le recours à la violence. Traube (2002) explique clairement que là où la communication passe bien, surtout la communication positive, la violence n'est presque pas utilisée.

Interventions pratiques : revue de la littérature

Il existe de nombreuses méthodes pour améliorer la communication en général. Cela peut passer de l'apprentissage de la langue (vocabulaire), de la communication non-verbale à la verbalisation des émotions, mais cela inclus aussi d'autres formes d'expression comme l'art au sens large. Nous allons en citer quelques-unes.

Le concept de verbalisation a déjà été abordé dans plusieurs chapitres de ce travail. Savoir exprimer sa colère ou sa révolte par les mots permet souvent d'éviter le recours à la violence.

L'écoute active, comme méthode de réception et de prise en compte de l'autre, a aussi été abordée. Elle permet d'apaiser et de reconnaitre l'autre tout en lui offrant la possibilité de réfléchir plus sereinement à ses difficultés.

La communication non violente (CNV), méthode de communication théorisée par Rosenberg (1999) est basée sur les besoins des individus et sur une expression qui scinde bien les faits, des ressentis et des demandes. C'est une méthode efficace pour arriver à communiquer clairement, mais elle est un peu complexe pour le public visé et surtout, elle est trop aux antipodes des habitudes de communication de ceux-ci. Avec les participants, nous considérons que c'est déjà un grand succès si nous arrivons à les faire parler en "je".

Les différentes méthodes de gestion de conflit abordées par Traube (2002) sont avant tout basées sur le dialogue. Il est donc indispensable de pouvoir se parler pour réussir à résoudre efficacement le conflit. L'intervention d'un tiers qui permet à la parole de circuler sans heurts s'avère être souvent utilisée.

Sur le terrain : observations et interventions personnelles

Une faille ?
Un des défauts du projet Kick Off est peut-être de ne pas avoir misé suffisamment sur le développement des capacités de communication. Plusieurs participants (mais aucun des sujets étudiés) nous en ont fait la demande.

J'ignore s'il s'agit de quelque chose de positif ou de négatif, mais les trois travailleurs de terrains de l'équipe adaptent et simplifient leur vocabulaire pour réussir à communiquer plus efficacement avec les participants (cf. chapitre 3.4).Nous observons parfois avec une certaine tristesse des intervenants extérieurs utiliser un langage trop théorique. Les participants démontrent, sur le moment, un certain respect pour l'intervenant, mais nous confient par la suite ne rien avoir intégré du contenu de l'intervention. Je vais proposer à l'équipe de pouvoir réfléchir à une manière de les aider à développer leurs aptitudes de communication.

Un de mes défauts personnels est de ne pas être très sociable (un comble pour un travailleur social). Quand j'observe mes deux collègues de terrain, je leur envie leur facilité à discuter et à obtenir, dans des discussions informelles, une grande quantité d'information de la part des participants. J'aimerais trouver un moyen d'améliorer cet aspect, car j'ai jusqu'ici eu des difficultés relationnelles avec les participants chez qui la communication verbale était réduite (sujets 3 et 5). Je vois ces mêmes difficultés poindre avec certains participants de la session 3 et j'espère cette fois pouvoir prévenir ce problème.

Mais des actions
Nous intervenons cependant de différentes manières :

Intervention d'un tiers : en cas de conflit interpersonnel, nous servons de tiers pour aider à résoudre la difficulté.

Conseil : le conseil est un excellent moyen qui permet aux participants de développer toutes sorte des capacités de communication : parler en "je", ne pas juger, savoir écouter, savoir attendre avant de parler, chercher une solution ensemble... (cf. chapitres 3.6 et 3.7)

Écoute active : nous prenons, comme je l'ai expliqué plus tôt (cf. chapitre 3.4), le temps nécessaire pour écouter leurs difficultés et leurs problèmes.

Verbalisation : nous les aidons (cf. chapitre 3.4 et 4.2), à verbaliser leurs émotions, leurs désirs et leurs sentiments.

Félicitations :Traube (2002) considère que les milieux où les éléments de communication positive (comme les félicitations ou les marques de sympathie) circulent bien sont les milieux avec le moins de violence. Comme expliqué au chapitre 4.4, nous avons le plus souvent possible recours aux retours positifs que ce soit individuellement ou collectivement.

Conclusion

Une question se pose maintenant : est-ce que l'hypothèse de départ a été confirmée par ce travail ?Est-ce qu'« une approche intégrale permet de traiter efficacement la violence chez les anciens détenus » ? J'y répondrai en trois étapes.

La première étape consiste à se demander si l'approche utilisée est bien une approche intégrale pour traiter la violence. J'ai abordé et étudié 10 aspects du problème : 6 familles de facteurs64(*) et 4 familles de résultantes65(*). J'ai cherché dans la littérature des pistes pratiques pour travailler avec ces aspects. Cela m'a amené à aborder 46 façons d'intervenir66(*). Ces 46 pistes ont mené à la mise en place 35 interventions67(*) pratiques dans le projet Kick Off, 4 interventions qui seront potentiellement installées68(*) et 12 observations de terrain69(*) sur les impacts qu'on les aspects sur le public cible. Si nous reprenons la définition du terme intégral (concept visant à aborder la violence sous tous ses aspects, dans le contexte le plus large possible), je crois que les chiffres parlent d'eux même. Donc, oui ; l'approche utilisée est clairement une approche intégrale.

La deuxième étape consiste à se demander si la violence a notablement diminué. Les chiffres disponibles sont ceux de deux sessions. L'échantillon utilisé est donc assez restreint et il peut y avoir énormément de paramètres de variabilités qui ne sont pas pris en compte ici. Il faudrait idéalement refaire les observations pendant plusieurs autres sessions. Comme expliqué au chapitre 1.6, durant la session 1 du projet Kick Off, 8 conflits violents ont éclaté (dont 2 incluant de la violence physique). Durant la session 2 du projet, 5 conflits violents ont éclaté (dont 2 incluant de la violence physique). La session 2 comprenait 60% de participants en plus et 150% d'anciens détenus de plus que la session 1. Donc, malgré l'augmentation du nombre de participants et du nombre d'anciens détenus, les conflits violents ont diminué de 37,5%. On peut donc dire, avec certaines réserves, que la violence a diminué significativement.

La troisième étape consiste à se demander si l'usage violence a réellement diminué sur le public cible. Cela n'a pas pu être mesuré clairement. Certains sujets ont affirmé être plus calmes (sujets 1, 2, 4 et 7) ou avoir de meilleures capacités de maitrise (sujets 1,2 et 7), mais ils n'ont fait aucune affirmationclaire sur la violence. De plus, nos moyens d'observation sont limités au seul projet : nous ne voyons pas ou très peu les participants en dehors et, une fois que la préformation de 4 mois est terminée, nous n'avons que des contacts limités dans une période de 6 mois. On ne peut donc pas affirmer avec certitude que, grâce à notre intervention, le public cible à moins recours à la violence. On ne peut que le supposer.

L'hypothèse de départ tend donc à être confirmée par ce travail. On ne peut cependant pas dire qu'il s'agit d'une validation absolue. L'approche intégrale et ses effets restent quelque chose de difficile à mesurer efficacement. Les observations des comportements des participants auraient gagné à être plus rigoureuses. C'est un des objectifs d'amélioration du projet bien qu'à cause du nombre considérable de choses que nous réalisons avec le public cible, nous disposons de peu d'énergie pour pouvoir faire plus.

Personnellement, je ne peux que recommander ce type d'approche pour traiter la violence : l'approche intégrale. Malgré ses difficultés d'évaluation, c'est la seule apte à saisir un sujet aussi complexe. Imputer la violence à une seule cause ou espérer qu'un seul type d'intervention puisse l'endiguer est une illusion. Il est nécessaire d'utiliser une approche utilisant plusieurs aspects d'un problème qui, malgré un mode d'expression similaire (la violence), est différent pour chaque type de public étudié.

D'un point de vue personnel, ce travail est un véritable succès. Je me sentais un peu dépourvu pour analyser et agir sur les problèmes de violence. J'ai maintenant l'impression d'être bien outillé. C'était pour moi le principal objectif de cette étude. Je compte continuer cela tout au long de ma carrière qui, je l'espère, restera proche du domaine carcéral. J'ai un rêve : celui de voir se transformer les prisons en lieux d'éducation où l'objectif principal serait d'apprendre à bien vivre avec soi-même et avec les autres. J'aimerais profondément que ces institutions passent du statut de punition et de moyen de protéger la société à celui de lieu de traitement et de moyen d'insertion sociale positive. C'est un fantasme, bien sûr. J'ignore totalement si je pourrai participer à cette évolution. Une chose est cependant certaine : ce travail est un grand pas en avant vers ce rêve.

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Wikipédia (2014) Liberté. En ligne http://fr.wikipedia.org/wiki/Liberté consulté le 9 mars 2014.

* 1 Handicap mental léger et troubles de l'apprentissage

* 2Service de la politique criminelle, statistiques

* 3 « Manque de sécurité ; situation où l'on se sent menacé, exposé aux dangers. [...] Conditions exposant à un danger, à des risques. » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 4 Block S., Kerkab R. et Ceupens G. (2009) Vers une politique locale de sécurité intégrale. Direction générale de sécurité et de prévention, Jérôme Glorie. Belgique.

* 5 Ophélie D. (2007) Le conflit en psychologie sociale. En ligne http://www.oboulo.com/societe-et-moeurs/psychologie/fiche/conflit-psychologie-sociale-39466.html consulté le 21 février 2014

* 6 Bérubé L. (1991) Terminologie de neuropsychologie et de neurologie du comportement. En ligne http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/R553.html consulté le 21 février 2014

* 7Bouyablane T. (2006) La délinquance juvénile : comparaison et synthèse. Université Hassane II. Maroc. En ligne http://www.memoireonline.com/12/07/781/m_la-delinquance-juvenile-comparaison-et-synthese0.html consulté le 21 février 2014.

* 8Service international scientifique de réadaptation sur l'autoroute de l'information (1999). Dictionnaire de réadaptation. Ministère de la Culture et des Communications du Québec. Québec. En ligne http://www.med.univ-rennes1.fr/sisrai/dico/1598.html consulté le 21 février 2014

* 9Cusson M. (1996). Fondements empiriques de la réinsertion, in La réinsertion des délinquants, mythe ou réalité ? Presses Université d'Aix-Marseille. France

* 10L'insertion sociale et professionnelle désigne le processus permettant l'intégration d'une personne au sein du système socio-économique par l'appropriation des normes et règles de ce système. (Wikipedia (2013)Insertion sociale et professionnelle. En ligne http://fr.wikipedia.org/wiki/Insertion_sociale_et_professionnelle consulté le 19 mars 2014)

* 11Achemoune F., El Barouzi M., Mirkes L., Verhaegen R. (2013) Kick Off : projet pédagogique. Un projet de l'axe jeunesse de l'asblBravvo. Non publié. Bravvoasbl. Belgique.

* 12 « L'exclusion sociale est la marginalisation, la mise à l'écart d'une personne ou d'un groupe en raison d'un trop grand éloignement avec le mode de vie dominant dans la société. Ce processus peut être volontaire ou subi. L'exclusion sociale est souvent consécutive à une perte d'emploi, au surendettement, à la perte d'un logement... et se traduit par une grande pauvreté, par une rupture plus ou moins brutale avec les réseaux sociaux, avec la vie sociale en général. Elle est vécue comme une perte d'identité. » (La toupie (s.d.) Dictionnaire de politique. En ligne http://www.toupie.org/Dictionnaire/Exclusion_sociale.htm consulté le 20 mars 2014)

* 13 Le terme intégré signifie ici collaboration avec tous les acteurs concernés (différents secteurs et niveaux de pouvoir) dans le respect des compétences et des attributions de chacun.

* 14 En réalité, nous acceptons des participants entre 18 et 30 ans.

* 15 Ce nombre a été réduit à 8 à partir de la session 2

* 16Achemoune F., El Barouzi M., Mirkes L., Verhaegen R. (2013) Kick Off : projet pédagogique. Un projet de l'axe jeunesse de l'asblBravvo. Non publié. Bravvoasbl. Belgique.

* 17 Appelé plus communément heures d'intérêt général ou peine de travail. Étant donné qu'une partie (2 jours sur 4 par semaine) du projet Kick Off est composée de stage en entreprise ou de chantiers, certains participants nous sont relayés par le SEMJA (service d'accompagnement des mesures et peines alternatives). Les jours de stage/chantier sont comptés dans leurs heures et ils doivent participer aux deux autres jours de la semaine.

* 18 La mesure d'élargissement de peine est une mesure qui permet d'effectuer sa peine à l'extérieur des murs de la prison en étant placé sous surveillance à l'aide d'un bracelet électronique. Cette mesure est assortie de plusieurs conditions comme une formation, une thérapie, l'interdiction de fréquenter certains lieux, quartiers ou personnes...

* 19 Bulletin Central de Signalement. Jargon policier qui signifie que la personne est actuellement recherchée par les services de police.

* 20 « Conséquence, résultat de plusieurs facteurs (surtout quand il s'agit de forces, d'actions complexes). » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 21 Van Kerckhove D. (2012) Bachelier en éducation spécialisée en accompagnement psychoéducatif : approches complémentaires : éducation à la santé. CPFB-IPFC. Belgique.

* 22 Source : récits de l'équipe (Barouzi M., Mirkes L., Goosens G. et Verhaegen R.)

* 23 Source : journal de bord du projet Kick Off

* 24 Diminutif du mot versus qui en anglais signifie en face de. Expression utilisée dans les sports de combat pour désigner 2 adversaires.

* 25 Lemonde.fr (2014) Lancer de chat : 1 an de prison ferme pour l'accusé. En ligne http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/02/03/un-an-de-prison-ferme-pour-avoir-lance-un-chat-et-filme-le-geste_4359323_3224.html consulté le 25 février 2014.

* 26 Amnesty International (2012) Peine de mort en 2011 : le nombre d'exécutions est alarmant dans les pays minoritaires appliquant encore ce châtiment. Communiqué de presse. En ligne http://www.amnesty.fr/Presse/Communiques-de-presse/Peine-de-mort-en-2011[...]-4992 consulté le 18 février 2014

* 27 Wikipédia (2014) Emprisonnement à perpétuité. En ligne http://fr.wikipedia.org/wiki/Emprisonnement_à_perpétuité consulté le 18 février 2014

* 28Lafortune D. &Kiely M.C. (1989) Prévention primaire des psychopathologies : appellation contrôlée. Santé mentale au Québec, 14, 54-68

* 29Foucart C. & Gallet G. (2010) Stéréotypes en prison : un prolongement de la société. Dominique Plasman. Belgique.

* 30 Centre Hospitalier Esquirol Limoges. Définition de produits : médicaments psychoactifs. En ligne http://www.centrebobillot.fr/index.php?location=_def_produits&pageId=4&id_produit=371 consulté le 23 février 2014.

* 31 Plusieurs fois par semaine

* 32 L'un de nos principes d'intervention sur les savoir-être est de n'intervenir que si le savoir-être pose problème à un niveau professionnel. Ce principe a été décidé dans l'intervalle entre la session 1 et la session 2.

* 33 D'après les informations du journal de bord, au moins 6 fois sur les 4 mois. Ce sont également des informations qu'ils nous ont eux-mêmes données.

* 34 Je vais ici séparer l'instruction de l'éducation. L'instruction est ce qui concerne l'apprentissage des savoirs tandis que l'éducation est ce qui concerne l'apprentissage des comportements et des croyances.

* 35 Larousse.fr Dictionnaire de Français : Anxiété. En ligne http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/anxiété/4369 consulté le 2 mars 2014

* 36 « Tendance vers un objet connu ou imaginé ; prise de conscience de cette tendance. » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 37 « Manque de puissance, de moyens suffisants pour faire quelque chose » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 38 « Opinion très avantageuse, le plus souvent exagérée, que quelqu'un a de sa valeur personnelle aux dépens de la considération due à autrui. » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 39 « Caractère d'une personne qui se croit supérieure aux autres, s'enorgueillit d'avantages réels ou supposés. Attitude arrogante. »(Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 40 « Diminution de la valeur. »(Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 41 « Faculté de s'identifier à quelqu'un, de ressentir ce qu'il ressent. » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 42 « Sentiment qui porte à plaindre et partager les maux d'autrui. Humanité, sensibilité. »(Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 43 « Exprimer, extérioriser au moyen du langage » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 44 « Production de l'imagination par laquelle le moi cherche à échapper à l'emprise de la réalité. » (Le Petit Robert de la langue française 2014)

* 45 « L'écoute active est un concept développé à partir des travaux du psychologue américain Carl Rogers. Elle est également nommée écoute bienveillante. Initialement conçue pour l'accompagnement de l'expression des émotions, elle est opérationnelle dans les situations de face-à-face où le professionnel écoute activement l'autre. Elle consiste à mettre en mots les émotions et sentiments exprimés de manière tacite ou implicite par l'interlocuteur. L'écoute active est plus fine que la reformulation en ce qu'elle ne se limite pas à dire autrement ce qu'une personne vient d'exprimer, mais de décoder la dimension affective généralement non verbalisée. » (Wikipédia (2013) Écoute active. En ligne http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89coute_active consulté le 20 mars 2014)

* 46 Diminutif de kalachnikov, fusil mitrailleur russe (AK47)

* 47 Certificat d'Études de Base. Délivré à la fin des six années d'études primaires

* 48 Certificat d'Études Secondaires Inférieures. Délivré après 3 années d'études secondaires

* 49 Certificat d'Études Secondaires Supérieures. Délivré à la fin des études secondaires

* 50 Portail Belgium.be informations et services officiels. En ligne http://www.belgium.be/fr/formation/enseignement/jury_central/ consulté le 6 mars 2014

* 51 Wikipédia (2014) Liberté. En ligne http://fr.wikipedia.org/wiki/Liberté consulté le 9 mars 2014

* 52 Le temps de préparation pour la session 3 (1 mois) a été beaucoup plus court que pour la session 2 (3 mois)

* 53 Le cantinage en prison est la mise à disposition d'un magasin qui dispose de plusieurs produits de la vie quotidienne comme des sucreries, des cigarettes, des produits de soin...

* 54 Journal de bord du projet Kick Off et compte-rendu des conseils

* 55 À la fin de la session, tous les participants ont été amenés à faire une auto-évaluation des compétences pour lesquelles ils avaient fait de réels progrès. Ces compétences figuraient au dos de leurs attestations de fin de formation. Celles-ci étaient donc individualisées.

* 56 Journal de bord du projet Kick Off

* 57 « Action, rôle caractéristique (d'un élément, d'un organe) dans un ensemble ; objectif » (Le Petit Robert de la langue française, 2014)

* 58 « Augmentation de l'énergie, de l'activité de quelqu'un ; action de redonner des forces, de l'ardeur. » (Le Petit Robert de la langue française, 2014)

* 59 « Qualité, fonction d'une personne qui commande, exerce sa domination. » (Le Petit Robert de la langue française, 2014)

* 60Portail du pouvoir judiciaire en Belgique

* 61Achemoune F., Barouzi M., Mirkes L., Verhaegen R. (2013) Règlement d'ordre intérieur du projet Kick Off. Bravvo ASBL. Non publié.

* 62 « Action de dériver de son cours naturel, l'écoulement de quelque chose. » (Le Petit Robert de la langue française, 2014)

* 63 R.O.I. : Règlement d'Ordre Intérieur, apparu à partir de la session 2.

* 64 Facteurs génétiques, psychobiologiques, intrapsychiques, de réponse, relationnels et facteurs situationnels et environnementaux.

* 65 Résultantes évènementielles, intrapsychiques, stratégiques et résultantes sur la reproductivité

* 66Communication non violente, écoute active, désapprendre des comportements, amendement, règles, suppression, prévention génétique, médication, automédication, sommeil, verbalisation, développement de l'empathie, imagination, traiter et reconnaitre le vécu, améliorer le traitement de l'information, mettre un temps de réflexion, sport, freins à la réinsertion, conscientisation des acteurs de terrain, protection sociale et tuteur de résilience, inclusion, développement des habilités sociales, remédiation, apprendre à différer la satisfaction, raisonnement moral, valeurs religieuses, gestion des émotions, choc émotionnel, bouc émissaire, modèles positifs, interventions politiques, développement de la responsabilité, travail, nature, punitions, peines de prison, ignorer l'auteur, pédagogie du contrat, interdit, déplacement d'objet, déplacement d'affect, défoulement, sublimation et résolution de problèmes.

* 67Interventions sur le sommeil, traiter et reconnaitre les émotions, mettre un temps de réflexion, résolution de problèmes, sport, sac de boxe dans les locaux, remise à niveau, pédagogies actives, intervention dépendant des valeurs, aide administrative, posture bienveillante, vie en commun, travail en équipe, écoute active, tiers pour résoudre les conflits, travail sur la confiance en soi, pédagogie de la réussite, amendement, règles, conseil des participants, bouc émissaire, effort de mixité, relation de confiance, focalisation sur le problème, accompagner vers l'emploi, responsabilisation, non-directivité, absence d'inactivité, diminution de l'effet de groupe, embellissement du quartier, punitions, pédagogie du contrat, travail, expression écrite, gestion des émotions, valeurs religieuses et présence de modèles positifs.

* 68 Présence de modèles positifs, nature, valeurs religieuses et gestion des émotions

* 69 Perception aversive des acteurs judiciaires, répartition hommes-femmes, handicap, médication, automédication, faible niveau d'instruction, impact de l'éducation, frustrations vécues, bouc émissaire, inactivité, impact de la nourriture, chances de réinsertion.






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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry