WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Dadaab, un refuge

( Télécharger le fichier original )
par Alexander BEE
Université Paris 8 - Master I 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Conclusion :

L'idée principale de ce mémoire était de comprendre les interactions politiques qui existent lorsqu'une terre, qui se veut d'accueil, voit arriver, jour après jour, sur son territoire des milliers de personnes en exil. Quelle attitude adopter face à l'urgence ?

L'Afrique est le continent qui comprend le plus de camps réfugiés. Les conflits de toutes sortes à répétition, les guerres civiles, les sécheresses, les famines ont fait naître, doucement, la catégorie de l'exilé.

Mais ces frontières, rempart à l'''invasion'', ne sont-elles pas la cause même de ces conflits et de ces migrations ? Un oeil sur la carte de l'Afrique suffit à discerner des frontières bien droites, dont une règle semble avoir tracé les contours. Après la décolonisation et les indépendances, ce sont ces frontières, ces traits, qui sont sources de conflits. Un jour le nomade emmène son bétail d'un pâturage à l'autre, le lendemain le garde lui explique que cette verdure au loin n'est plus la sienne, que sa présence est illégale, qu'il est un étranger.

Les ``indépendances'' ont mis le pouvoir dans les mains de clans, de personnes représentant des nations en devenir, des patries loin d'être encore unifiées.

Une main de fer pour contrôler un État. Le dictateur Barre a pris les rênes de la Somalie dans les années 1960 par un coup d'État. Il tombe lui-même d'un autre coup d'État dans les années 1990, laissant la Somalie à feu et à sang, profondément divisée entre ses clans, faisant imploser l'unité éphémère du pays.

Presque 25 ans que le dictateur déchut a fuit Mogadiscio. Presque 25 ans que des populations entières, laissées à l'abandon, fuient le pays et cherchent refuge au-delà de la frontière, chez le voisin, l'ennemi d'hier.

Le Kenya, économie montante d'Afrique... Quand on pense à ce pays, ce sont des images de savanes qui viennent à l'esprit. De grands espaces, des parcs nationaux superbes, le pays du safari où se côtoient les animaux parmi les plus dangereux et impressionnants du monde. Vision idyllique où résonne le ``hakuna matata''103(*).

Et pourtant, on voit apparaître, dans les zones arides du Nord, une petite ville, qui semble toute petite sur les cartes officielles. On s'aperçoit que ce petit village de 8 000 habitants nommé Dadaab est le lieu où est implanté un des plus vieux et des plus grands camps de réfugiés au monde. Presque un demi-million de personnes qui n'''existent'' pas, cloîtrées depuis 25 ans dans une prison à ciel ouvert, fruit d'une urgence qui n'en a jamais fini.

Ces milliers de somaliens qui ont fuit leur pays y ont trouvé un certain refuge, un endroit où, peut être, tout peut recommencer.

Peut être seulement... Car ce serait sans regarder l'Histoire, sans tenter de comprendre les enjeux, tout simplement sans voir au-delà du fait brut.

Bien avant les grandes colonisations, les somaliens avaient une politique expansionniste. Colons avant les colons, ils donnaient l'impression de vouloir s'étendre sur des territoires qui n'étaient pas les leurs. Le pan-somalisme, idée vague d'une grande Somalie avait de quoi faire peur à des voisins jaloux de leurs terres.

Avec le départ des britanniques et le partage des territoires, la Somalie a vu une nouvelle chance de concrétiser son rêve. Méfiance, guerre, ``il faut stopper l'expansion somali !'' Après la chute du régime de Barre, les anciens conquérant somaliens se sont transformés en victimes, en réfugiés. Mais même si ils avaient la tête basse, c'était par milliers qu'ils franchissaient la frontière.

Du fait de son histoire conflictuelle, le Kenya a perçu cela comme une nouvelle invasion, mais d'une autre forme. Son territoire était un refuge, pas une convoitise. Mais ils étaient somaliens et l'histoire est ce qu'elle est, on ne l'oublie pas.

Cette nouvelle ``menace'', le gouvernement n'en voulait pas. Prenant parti du statut prima facie, qui leur ôterait tout droit d'asile, le Kenya a mené une politique d'endiguement. Mettre les réfugiés dans des camps fermés, d'où ils ne pourraient pas sortir, endiguer ce problème si possible proche de la frontière d'origine pour que le rapatriement se fasse au plus vite.

Dadaab ouvre ses portes en 1991. Le camp servit à stopper le parcours des réfugiés en cet endroit précis. Quelques années plus tard, manquant d'argent et de moyens suffisant, le gouvernement délégua à l'UNHCR la gestion du camp et la responsabilité des réfugiés.

Le camp devint l'objet de toutes les polémiques. Il ne suffisait plus de les enfermer dans des camps, il fallait s'en débarrasser. Mais vis-à-vis de la communauté internationale, si on veut briller sur la scène, on ne pouvait décemment pas expulser sans raison des populations étrangères mais victimes de la guerre. Le gouvernement monta alors des prétextes pour légitimer sa position. Ils accusèrent les réfugiés d'être un poids supplémentaire dans une région déjà aride et extrêmement difficile. Qu'ils participaient à la déforestation et qu'il fallait donc diminuer le nombre de réfugiés dans ces camps.

Or nous avons vu qu'il est tout-à-fait normal que l'ouverture et le maintient d'un camp de réfugiés s'accompagne d'un déboisement des alentours. Seulement, nous avons démontré que ce ne sont pas les réfugiés en eux-mêmes, à travers leurs besoins en bois de chauffe, qui sont la cause de cela mais le camp lui-même, à travers la construction et la maintenance de ses infrastructures. C'est donc le choix de l'endiguement dans des camps qui est la cause du déboisement.

Nous avons vu aussi les problèmes liés à la sécurité. Les somaliens représenteraient une menace et il faudrait donc les endiguer. Mais on peut se poser la question de savoir si ce n'est pas le camp qui créer l'insécurité car il laisse chacun sans opportunité de travail, sans autre chose que la vie du quotidien, l'attente et l'ennui. Et que faire quand il n'y a rien à faire, quand on n'a rien ? Les gangs se créer, le banditisme se développe et l'insécurité s'aggrave.

Au fil des années, le camp, forme singulière de l'urgence, se transforme. Les contours embryonnaires d'une ville semblent apparaître. Une organisation se créer, des échoppes naissent, on va se faire couper les cheveux chez le coiffeur et on peut même dormir à l'hôtel.

La politique d'endiguement a eu plusieurs conséquences. Une d'entre elle est cette pérennisation du camp. En gardant les réfugiés ``prisonniers'' du camp, on a vu apparaître une forme d'organisation sociale et économique qui laisse penser que le camp n'est plus tout-à-fait un camp de réfugiés mais une ébauche de ville. Elle ne restera qu'ébauche car elle ne peut avoir une dynamique de croissance propre. Elle dépend du budget, du bon vouloir de la communauté internationale. Et puis cette ville enferme, elle restreint les libertés. Ce lieu est un lieu autre, un non-lieu, une zone entre deux États.

25 ans que les camps de Dadaab sont ouverts. Et aujourd'hui encore on sent son coeur battre.

Le Kenya fait face à une situation géopolitique très tendue. Le pays doit briller sur la scène internationale pour attirer les touristes, deuxième économie du pays, alors son comportement doit être exemplaire. Les réfugiés dans les camps, on fini par les oublier, la presse n'en parle plus. Mais les attentas, les explosions, les morts en direct, ça fait monter l'audimat mondial.

Al-Shabaab exercera des représailles sur le Kenya tant que celui-ci n'aura pas quitté le territoire somalien.

Les camps sont l'arrière garde du groupe islamiste ; ils y trouvent toute une logistique et un lieu de recrutement de jeunes troupes. Al-Shabaab n'est pas une armée régulière, ses membres se cachent parmi les réfugiés, qu'ils soient dans les camps ou dans les villes.

Aujourd'hui, pour faire face à cette menace, le gouvernement appelle tous les réfugiés disséminés dans le pays à retourner dans les deux derniers camps ouverts de Dadaab et de Kakuma.

Ceux-ci ont déjà dépassé de loin leur capacité d'accueil et l'arrivée de plus d'un million de nouveaux réfugiés risque de poser d'importants problèmes. On est en droit de se questionner sur les solutions qui seront apportées, d'une part par la communauté internationale représentée par l'UNHCR et, d'autre part, quelles seront les conséquences politiques et humaines de ce nouveau coup de la politique d'endiguement des réfugiés par le gouvernement kenyan.

* 103 Littéralement `il n'y a pas de problème'' en swahili.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery