UNIVERSITÉ LAVAL
LE 15 DÉCEMBRE 2013
L'ENTENTE DE RECONNAISSANCE MUTUELLE DES
QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES ENTRE LA FRANCE ET LE QUÉBEC À
TRAVERS LE PRISME DES BARRIÈRES INSTITUTIONNELLES ET DE LA
THÉORIE DE L'OFFRE INDIVIDUELLE DE TRAVAIL L'exemple des
avocats et des infirmières
PAR
PAUL LEVESQUE
À mes Parents
et à Marie
Introduction 1
1. Cible : Les immigrants qualifiés et
surqualifiés 2
2. L'Entente France-Québec en chiffre 4
3. Problématique et hypothèse 6
I. Comprendre l'Entente France-Québec sur la
reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles 9
i. ARM : faire sauter les verrous de l'immigration et les
barrières à l'entrée 9
ii. Échelle de reconnaissance mutuelle 12
iii. Des avocats si différents ? 15 1. Arrangement en
vue de la reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles des avocats 16
iv. Infirmière : une réalité si
semblable ? 19 1. Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des
qualifications
professionnelles des infirmières 21
v. Validation de H1 23
II. Les facteurs socio-économiques 25
1. Non-causalité entre la démographie et la
direction des flux migratoires 25
2. L'importance des conditions socio-économiques lors de
la migration 26
3. Théorie de l'offre individuelle de travail 27
4. Les difficultés méthodologiques 28
i. Infirmière : des revenus très différents
30
ii. Avocat : Une moyenne en trompe l'oeil 32
iii. Validation partielle de H2 36
III. Les dangers de notre recherche exploratoire : Influence
communicationnelle et
limite méthodologique 38
i. Beaucoup de bruit pour rien ? 38
ii. Les limites méthodologiques 43
Conclusion 45
Bibliographie 50
Annexe 1 58
Annexe II 60
1
Introduction
Première mondiale entre deux États n'ayant pas
d'accord économique, l'Entente de reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles s'inscrit dans la continuité de la
relation particulière qui unit la France et le Québec.
L'arrivée de la Capricieuse en 1855 dans le Saint-Laurent,
quatre-vingt-seize ans après la défaite française en
Nouvelle-France, rétablit officiellement les relations entre le
Canada-Français et la France. Pour certains, la France garda
jusqu'à l'exorcisme du « vive le Québec libre ! » du
général de Gaulle une « honte enfouie dans la
mémoire, qu'il ne fallait surtout pas ranimer [É] [d']une guerre
malheureuse et mal conduite » (Portes, 2008 : 27). Si les relations
France-Québec existent antérieurement, c'est surtout
l'après 1965 qui a été une source inépuisable pour
la littérature (Fontaine, 1977 ; Latouche, 1985 ; Bernier, 1996 ;
Bastien, 1999 - 2002 - 2006 ; Niquette, 2002 ; Legaré, 2003 ; Joyal et
Linteau, 2008 ; Zoogones, 2008 ; Francelet, 2009 ; Dorval, Durand, Harvey,
Juneau et Trudel, 2013).
Suite à la prise de pouvoir de Jean Lesage en 1960,
Paul Gérin-Lajoie, alors ministre de l'Éducation, affirme
l'entière souveraineté du Québec sur ses champs de
compétence en signant, le 27 février 1965, la «
première entente franco-québécoise sur un programme
d'échanges et de coopération dans le monde de l'éducation
» (Brunet, 2007 : 4). Lors de son retour au Québec il affirma, dans
un discours resté célèbre que « l'État du
Québec est libre de consentir à être lié par tout
traité, convention ou entente internationale qui touche à sa
compétence constitutionnelle » (Paquin, 2006 : 52). La doctrine qui
guide depuis la politique internationale du Québec venait de
naître, avec le soutien et l'appui du général de Gaulle
« sans lequel l'action internationale du Québec [É] serait
restée marginale » (ibid, 106). Depuis, la France et le
Québec ont signé un grand nombre d'ententes, notamment en
matière de droit de scolarité (1978) et de sécurité
sociale (1979). La prise de position face à une possible
indépendance québécoise à travers la formule «
Non-ingérence, non-indifférence » énoncée par
le Président Valery Giscard d'Estaing en 1977, puis « Quel que soit
le choix qu'il fera démocratiquement, la France sera au
côté du Québec » de Jacques Chirac en 1995 vient
renforcer l'impression d'une relation
2
exceptionnelle entre un État souverain et la province
d'un pays. Toutefois, « depuis la défaite souverainiste de 1995, la
France mise plus sur le Canada que sur le Québec » (ibid,
145).
Par ailleurs, la relation France-Québec est
confrontée à une double asymétrie. Sur la scène
internationale le Québec a absolument besoin de la France pour exister
(Légaré, 2003 : 188 et 190). Par conséquent, les demandes
d'accord proviennent presque toujours du gouvernement du Québec. Alors
que, sur le plan démographique c'est majoritairement des Français
qui viennent s'installer au Québec. On estime à plus de 110 000
le nombre de Français installés sur le territoire du
Québec, auxquelles s'ajoutent près de 30 000 nouveaux arrivants
par année (6000 installations régulières, 10 000
étudiants et 15 000 permis vacance travail). Le comparatif n'est
malheureusement pas possible, les chiffres de Canadiens/Québécois
installés en France ne sont pas disponibles.
1. Cible : Les immigrants qualifiés et
surqualifiés
L'Entente vise un type d'immigrant bien spécifique qui
est un mixte entre la migration circulaire, « déplacement
facilité de personnes entre différents pays [É] dans
lesquels toutes les parties concernées trouvent leur
intérêt », et la migration économique, «
personnes quittant leur pays d'origine à la recherche d'un emploi »
(Organisation internationale pour les migrations, 2008 : 531). Les personnes
admissibles sont définies, par l'Organisation Internationale pour les
Migrations (OIM), comme des migrants hautement qualifiés, terme qui
« désigne une personne ayant atteint [É] le niveau de
qualification normalement requis pour l'exercice d'une profession » et des
migrants qualifiés « qui en raison de ses compétences ou de
son expérience professionnelle, se voit habituellement accorder un
traitement préférentiel » (ibid, 531). Cette
immigration entre pays développés s'effectue principalement pour
des raisons professionnelles puisque « le manque de personnel hautement
qualifié intensifie la recherche de talents à l'échelle
mondiale » (ibid, 2008 : 41). Cette circulation spécifique
de la main d'oeuvre trouve une caisse de résonnance dans l'idée
de fuite des cerveaux. La mondialisation a ainsi fait
3
émerger « un marché du travail mondial pour
les personnes hautement qualifiées » et les secteurs qui
connaissent une pénurie de main-d'oeuvre. (Durand et Lemaître,
2006 : 115)
On constate en France qu'il y a « très peu de
migration permanente à des fins d'emploi » qui provient de pays
développés (Durand et Lemaître, 2006 : 120). En 2006, 40,3
% des nouveaux immigrants proviennent d'Europe, mais majoritairement de pays de
l'ex-URSS, alors que les pays du Maghreb représentent 22,8 % des
nouveaux arrivants (Connin, 2006). Pour le Québec, la situation est
comparable puisque neuf des dix premiers pays d'origine des migrants sont des
pays en voie de développement, hormis la France. Si la France, mais
aussi le Québec, ne ferme pas totalement leur porte à une
immigration non économique (regroupement familial...),
l'évolution de leur marché du travail les oblige à faire
appel à des immigrants « qui pourront répondre aux besoins
[spécifiques de leur] marché du travail »
(Côté, 2008 : 349). Au Québec plus des deux tiers des 50
000 immigrants admis au Québec rentrent dans la catégorie
immigration économique et quatre-vingt-dix pour cent de ceux-ci
s'inscrivent plus spécifiquement dans la catégorie de
travailleurs qualifiés1 (Gouvernement du Québec,
2011)
Ainsi pour le Québec, la venue de Français
permet de choisir une main-oeuvre qualifiée, sans débourser les
coûts de formations tout en « contribuant à renforcer la
pérennité de la langue française, caractéristique
au coeur de la spécificité québécoise »
(Côté, 2008, 350). La volonté de faire venir une
immigration professionnelle est confirmée par les chiffres du
Portrait statistique des immigrants permanents et temporaires dont le pays
de dernière résidence est la France 2008-2012. Le rapport
établit que « la catégorie de l'immigration
économique représente 91,8 % des admissions en provenance de la
France, dont 90,2 % proviennent de la composante des travailleurs
qualifiés » (Benzakour, 2013 : 5). De plus, les trois quarts des
Français qui immigrent au Québec ont moins de 35 ans, la
1 Travailleur qualifié : Immigrant de la
catégorie de l'immigration économique. Les travailleurs
qualifiés sont sélectionnés par le Québec et y
viennent avec l'intention d'occuper un emploi. Les facteurs de sélection
des travailleurs qualifiés sont notamment : la formation,
l'expérience professionnelle, l'âge, la connaissance du
français et de l'anglais, les séjours au Québec et les
liens familiaux avec des résidants du Québec, les
caractéristiques du conjoint qui accompagne, les enfants à
charge, la capacité d'autonomie financière et
l'adaptabilité. (Benzakour, 2013 : 18)
4
moitié d'entre eux ont plus de 17 années de
scolarité et vingt-cinq pour cent « ont exprimé l'intention
d'occuper un emploi au Québec dans une profession régie par un
ordre professionnel ou une autre profession ou métier
réglementé » (ibid, 9). Si l'on ne dispose pas des
chiffres du côté français, cet accord tombait à
point nommé pour le gouvernement, puisqu'il s'inscrit dans la
continuité de la loi sur l'immigration professionnelle2
adoptée en 2006 par Nicolas Sarkozy. L'entente entre la France et le
Québec en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles a de ce fait été signée le 17 octobre
2008. La négociation a été rapide puisqu'entre les
premiers contacts et la signature il s'est écoulé deux ans. Nous
y reviendrons plus en détail dans la suite du texte.
2. L'Entente France-Québec en chiffre Encadré
1
Définition des catégories professions,
métiers et fonctions données par l'Entente
· La catégorie profession : regroupe des
activités professionnelles régies, au Québec, par des
ordres professionnels.
· La catégorie des métiers : regroupe les
activités professionnelles réglementées par l'industrie de
la construction ou régies par Emploi-Québec («
métiers hors construction ») ou des métiers de l'industrie
des services automobiles.
· La catégorie des fonctions : regroupe des
activités professionnelles qui sont réglementées au
Québec par l'Autorité des marchés financiers.
|
Source : Immigration et Communautés culturelles, Entente
France-Québec sur la reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles.
Les deux gouvernements ont mis en place une entente qui permet
à travers des arrangements de reconnaissance mutuelle (ARM) de faciliter
l'immigration de travail dans vingt-cinq professions, cinquante métiers
et six fonctions. Au 31 décembre 20123, on comptabilise 677
Français ayant eu recours à un ARM et 124
Québécois. Nous avons vu précédemment qu'en moyenne
6000 Français s'installent au Québec par année avec
2 L'idée avancée par la loi est le
passage d'une immigration « subie » à une immigration «
choisie ». Pour ce faire la loi a mis en place un certain nombre de
mesures comme le durcissement du regroupement familial, la suppression de la
régularisation après 10 ans sur le territoire national ou encore
la mise en place d'une liste de secteurs tendus afin de les prioriser.
3 Chiffre obtenu lors de l'entretien du 1 mars 2013
avec Monsieur Yves Doutriaux secrétaire générale du
Comité bilatéral France/ Québec
5
l'immigration dite régulière, les ARM
représentent donc au maximum entre 4 et 5 % de cette population. Avant
de rentrer dans le coeur de notre travail, ces données montrent que le
poids de l'Entente entre la France et le Québec reste relativement
marginal par rapport à l'immigration général.
Derrière ces chiffres apparaissent des distinctions
importantes en fonction des ARM, puisque 47 % des autorisations légales
d'exercer (ALE) concernent les infirmières (379) et 14 % les avocats
(114). Les autres emplois où il existe des mouvements significatifs sont
les médecins (12 %), les travailleurs sociaux (5 %), les architectes (4
%) et les opticiens (4 %). Ces six professions représentent 86 % des ALE
émises pour le moment. Sur les 801 personnes ayant eu recours aux ARM,
seulement 7 % concerne des emplois classés dans la catégorie
métier, alors que cette catégorie regroupe 61 % des ARM
signés. Par ailleurs, l'étude réalisée par Chakib
Benzakour montre que les ingénieurs4 est la profession qui a
là plus migré au Québec au cours des quatre
dernières années alors que leur ARM n'est rentrée en
vigueur qu'en juillet 2013. Il est probable que les ingénieurs
français déjà présents sur le sol
québécois feront reconnaître leurs diplômes dans les
années à venir ce qui fera fortement augmenter le nombre d'ALE.
Il est important de souligner que l'analyse des flux migratoires5
résultant des ARM montre qu'à l'exception des avocats et des
comptables agréés, les autres flux d'immigration vont de la
France vers le Québec.
Encadré 2
« Profession » désigne un ensemble de
métiers auxquels une compétence exclusive a été
reconnue pour prendre en charge certaines tâches ou certains
problèmes. Elles s'opposent aux « occupations »,
c'est-à-dire aux métiers qui ne sont pas devenus des professions,
par un ensemble de traits qui varient légèrement selon les
auteurs, mais dont les plus fréquemment invoqués sont le haut
niveau de formation nécessaire à l'exercice de l'activité
et le statut particulier qui confère à ces groupes une autonomie
pour mettre en oeuvre le savoir acquis dans le cadre de cette formation
(Champy, 2009 : 3)
4 967 entre 2008 et 2012
5 Voir annexe 1 : Entente entre le Québec et
la France en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles Statistiques sur les autorisations légales d'exercer
émises obtenu lors de l'entretien du 1 mars 2013 avec Monsieur Yves
Doutriaux secrétaire générale du Comité
bilatéral France/ Québec
6
Dans le cadre de notre recherche, nous concentrerons notre
analyse sur les infirmières et les avocats. En plus d'être les
deux ARM qui connaissent la plus grande réussite sur le plan
quantitatif, ces deux activités professionnelles ont l'avantage de
présenter des caractéristiques sociologiques différentes.
Ces différences entrainent la présence de demandeur avec des
statuts et des parcours socio-économiques hétéroclites,
qui se retrouve autour d'un objectif commun : immigrer. Les infirmières
sont un groupe professionnel presque exclusivement féminin6,
rattaché aux classes moyennes (Charle, 2003 ; Dargent, 2003 ; Bigot,
2009 ; Bosc, 2013). Si dans l'Entente les infirmières prennent place
dans la catégorie profession, le passage de métier à celui
de profession n'est pas aussi évident dans la littérature et
encore moins dans la société. Au contraire, la profession
d'avocat est historiquement plus masculine, même si l'on a atteint
aujourd'hui la parité7. Par ailleurs, la profession est
considérée, notamment en Amérique du Nord, comme la
profession élitisme par excellence et ces membres font
généralement partie des « classes supérieures »
(Sandefur, 2001). Par conséquent, une étude comparée de
ces deux groupes professionnels est d'autant plus pertinente vu les
différences et distinctions entre eux. L'autre raison est la
différence dans la répartition des ALE puisque 99 % des
infirmières ont pris le chemin du Québec alors que chez les
avocats c'est beaucoup plus partagé (51 % pour France et 49 % pour le
Québec).
3. Problématique et hypothèse
Malgré une certaine ouverture des frontières aux
immigrants qualifiés chez les pays développés, notamment
avec l'apparition d'un marché du travail pour les travailleurs hautement
qualifiés, le marché du travail reste un marché
majoritairement tourné vers l'interne (Redor, 1999 ; Vercherand, 2006 ;
Duhautois, Petit et Remillon, 2012). Lorsqu'on compare le marché du
travail avec l'ouverture au libre marché, caractérisé par
la libre circulation des capitaux, la différence est évidente.
L'existence d'un marché du travail unique semble utopique même
dans un ensemble aussi intégré que l'UE. Toutefois, à
travers les nouveaux accords bilatéraux, la question de la
reconnaissance
6 88% des infirmières sont des femmes en France
et 90% au Québec
7 51% des avocats sont des femmes en France et 49% au
Québec
7
professionnelle prend de plus en plus de place, comme c'est le
cas dans celui entre le Canada et l'UE. Aussi, les ARM sont la
résultante de deux gouvernements cherchant à faciliter
l'entrée dans leur marché du travail sans pour autant toucher aux
principes et aux formations qui le régissent. Par conséquent,
l'objectif de notre recherche est d'analyser l'Entente et les ARM qui en
découlent, afin d'identifier certaines différences et
ressemblances des marchés du travail dans les deux États.
Pour ce faire, nous tenterons dans un premier temps de saisir pourquoi
l'arrangement de reconnaissance mutuelle des infirmières et celui des
avocats sont ceux qui ont attiré le plus grand nombre de travailleurs.
Dans un second temps nous nous efforcerons de comprendre pourquoi il existe une
asymétrie chez les infirmières qui n'existent pas chez les
avocats.
Notre première hypothèse de travail (H1) postule
de l'importance de la réduction des barrières institutionnelles
afin de faciliter la circulation de la main d'oeuvre. Selon cette
hypothèse, la signature des ARM a pour conséquence la
réduction de ces barrières modifiant en profondeur les
démarches des candidats à l'immigration. En résumé,
réduire les barrières institutionnelles augmente le volume des
flux.
Notre seconde hypothèse (H2) cherche à expliquer
l'asymétrie qu'on constate dans la quasi-totalité des flux
migratoires qui résulte des ARM. Nous postulons que les immigrants vont
toujours majoritairement vers l'endroit ou les conditions
socio-économiques sont les plus intéressantes et cela même
lorsqu'on est face à deux pays développés. Par
conséquent, comme la quasi-totalité des flux est
unidirectionnelle vers le Québec, il semble logique d'affirmer que les
conditions socio-économiques sont plus intéressantes de ce
côté de l'Atlantique. En résumé, notre
hypothèse H1 postule que les barrières institutionnelles influent
sur le volume des flux, alors que notre hypothèse H2 suppose que les
conditions socio-économiques agissent sur la direction des flux
migratoires.
Notre première partie sera articulée autour de
l'importance de la levée des barrières institutionnelles afin de
favoriser l'immigration. Notre cadre d'analyse s'appuiera sur
8
l'échelle de reconnaissance, théorisée
par Charles-Emanuel Côté 8 . Celle-ci nous
permettra de comparer et quantifier jusqu'où sont allés les
différents ARM dans la réduction des barrières
institutionnelles. Nous détaillerons la démarche pour les avocats
et les infirmières, et nous coderons dans un tableau9 pour
chacun des ARM leurs échelles de reconnaissance. Dans la seconde partie,
nous utiliserons la théorie de l'offre individuelle de
travail10 afin de tenter de valider notre hypothèse. La
dernière partie cherchera à identifier les forces et les
faiblesses de notre analyse.
8 CÔTÉ, Charles-Emmanuel, «
Un nouveau chantier transatlantique: l'entente Québec-France de 2008 sur
la reconnaissance des qualifications professionnelles », (2008)
no46 Annuaire canadien de droit international,
p.337-396.
9 Voir tableau en annexe II
10 VERCHERAND, Jean, 2012 « Le Travail
Un marché pas comme les autres » Presses Universitaires de
Rennes, Rennes, p.203.
9
I. Comprendre l'Entente France-Québec sur la
reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles
Dans cette première partie, nous allons tenter de
valider notre hypothèse H1 qui affirme que le volume des flux
migratoires dépend des barrières institutionnelles qui existent.
Pour ce faire nous allons dans un premier temps analyser le fonctionnement
général de l'Entente France-Québec en nous appuyant,
notamment, sur les concepts de barrière à l'entrée et de
verrous à l'immigration. Dans une seconde partie, nous
développerons l'échelle de reconnaissance en l'appliquant
à l'ensemble des ARM. Par la suite, nous analyserons en détail
sur les deux ARM choisies en identifiant, les ressemblances et
différences de fonctionnement des professions, mais aussi les
distinctions sociologiques qui peuvent exister. Puis, nous chercherons à
vérifier si la levée des barrières institutionnelles
facilite la mobilité des avocats et des infirmières.
i. ARM : faire sauter les verrous de l'immigration et les
barrières à
l'entrée
Comme le définit Claude Blumann (2006) il existe trois
verrous empêchant l'installation dans un pays tiers :
Le premier verrou est formé par les conditions
d'entrée et de séjour fixées par les
réglementations nationales : pour être admis sur le territoire
national ou pour s'y installer, et surtout s'il souhaite s'y livrer à
une activité professionnelle, quelle qu'elle soit, l'étranger
doit obtenir une autorisation ou un ensemble complet d'autorisations. Les
exigences fondées sur la nationalité pour la pratique d'une
activité professionnelle déterminée, qui valent pour un
domaine professionnel ou pour certains emplois déterminés,
constituent un deuxième verrou [É]. Le troisième verrou
résulte des exigences nationales relatives à la qualification en
vue de la pratique d'une activité singulière, que de telles
exigences régissent l'exercice de cette activité sous une
certaine forme (notamment celle qui comporte l'usage d'une dénomination
caractéristique) ou, plus radicalement, qu'elles se rapportent à
l'accès même à cette activité ou à la
profession dont elle relève (Blumann et al, 2006 : 93).
10
En résumé, l'idée de verrous bloquant
l'immigration de Bulmann et al, ramène au concept
développé en économie de barrière à
l'entrée théorisé par Bain et Demsetz. Les
barrières à l'entrée, « désigne[nt] toute
action, comportement ayant pour objet d'éviter l'offre
supplémentaire de produits sur le marché » et lorsqu'elles
sont supprimées permettent d'augmenter la concurrence (Silem et
Albertini, 2012 : 80). En général, les économistes
identifient deux types de barrières, les barrières naturelles qui
ne sont pas du ressort des entreprises et les barrières artificielles
qui au contraire sont liées à une action directe de celles-ci
afin de protéger leurs marchés. Dans la suite de notre essai,
nous utiliserons sans différence de définition le terme de
barrière à l'entrée et de barrière
institutionnel.
De ce fait, l'objectif de l'Entente France-Québec sur
la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est la mise en
place d'outils permettant de faciliter l'installation dans le territoire
d'accueil d'une personne exerçant un métier ou une profession
réglementée. Si l'entente vise à faciliter l'installation
des immigrants, elle ne touche pas « aux questions relatives à
l'immigration, au droit de séjour et au permis de travail » et ne
cherche à « procéder à l'harmonisation des formations
nationales (Côté, 2008 : 347). En clair, ce n'est pas parce que
votre profession/métier est reconnue dans l'autre pays que vous pouvez
vous y installer. L'accord permet donc de faire sauter les deux derniers
verrous identifier par Bluman car l'entente interdit « les exigences de
nationalité et elle facilite la satisfaction des conditions nationales
de qualifications professionnelles applicables » (Côté, 2008
: 352).
En résumé, les ARM peuvent être
comparées à des outils qui réduisent les barrières
artificielles, c'est-à-dire celles fixées par les ordres
professionnels mais par contre l'Entente ne touche pas aux barrières
dites naturelles, qui dans notre cas sont les conditions d'entrée et de
séjour fixées par l'État d'accueil.
De plus, une des spécificités de l'Entente
réside dans son mode de fonctionnement. Afin que la levée des
barrières artificielles soit efficace, les gouvernements ont choisi
d'appliquer le principe du bottom-up en intégrant les acteurs
de terrain à la mise en place
11
et aux décisions. En effet, l'Entente a simplement
posé un cadre global et intégré devant orchestrer le
processus. Alors que l'opérationnalisation et la mise en oeuvre sont
déléguées aux « autorités compétentes
». C'est à l'évidence une des raisons qui explique pourquoi
l'Entente a été signé rapidement. Un des contrecoups est
qu'il subsiste six ans après des ARM qui doivent encore entrer en
application. Le cadre fixé par la France et le Québec reprend
quatre grands principes :
[Premièrement] il est indispensable qu'une profession
ou un métier fasse l'objet d'une réglementation dans les deux
parties pour que les autorités compétentes soient obligées
d'appliquer la procédure commune et puissent conclure un ARM. [É]
[Deuxièmement,] le titre de formation visé par la reconnaissance
mutuelle doit avoir été obtenu d'une «autorité
reconnue de la France ou du Québec sur leurs territoires
respectifs.» [Troisièmement] l'aptitude légale
d'exercer une profession ou un métier «est en vigueur et a
été obtenue sur le territoire de la France ou du
Québec.» (ibid, 355-356) ; [Quatrièmement] la discrimination
sur la base de l'origine nationale des qualifications professionnelles est non
seulement permise, mais elle constitue même la pierre angulaire du
système. (Côté, 2013 : 235)
En laissant le soin à des autorités
compétentes de signer et d'appliquer des sous-ententes (ARM) à
l'Entente principale pour chaque profession, métier et fonction, les
gouvernements ont limité les risques de blocages et de frictions. Il est
intéressant de constater qu'en réalité pour les
métiers et les fonctions, les autorités compétentes qui
ont été choisies sont des ministères ou des organismes de
droit public des deux côtés. Au Québec, les
autorités compétentes pour les vingt-six professions ayant
signé un ARM furent leur ordre professionnel. En France, seulement
quatre professions (Avocat, architectes, ingénieurs et experts
comptables) avaient leurs autorités compétentes
indépendantes de l'État. Pour toutes les autres, à travers
différents ministères l'État est resté
l'autorité compétente et cela même si la profession
possédait un ordre professionnel. Si les ARM ont été
signés par des autorités compétentes différentes,
ils ont tous une structure commune basée sur l'annexe 1 de l'Entente.
12
ii. Échelle de reconnaissance mutuelle
Selon Charles-Emanuel Côté il y a trois formes de
reconnaissance mutuelle dans les 81 ARM. Nous nous appuierons sur son
échelle de reconnaissance afin de comparer et quantifier jusqu'où
sont allés les différents ARM11/12 dans la
réduction des barrières institutionnelles.
La première forme est la reconnaissance automatique
des qualifications professionnelles entre la France et le Québec :
les champs de pratiques et les formations ont été jugés
similaires par les autorités compétentes. Un candidat qui
s'inscrit dans un tel ARM n'aura pas d'examen, de formation ou quoi que ce soit
a repassé sur le territoire d'accueil. Cependant, il doit se conformer
aux exigences qui peuvent exister notamment les années
d'expérience. Cette forme de reconnaissance mutuelle automatique existe
dans vingt-huit groupes notamment les travailleurs sociaux et les
urbanistes.
La deuxième forme de reconnaissance mutuelle est la
reconnaissance quasi automatique qui « consiste à
n'imposer comme mesure de compensation que l'acquisition de connaissances dans
le domaine déontologique et de la réglementation professionnelle
pour les professions ou dans le domaine de la santé et de la
sécurité au travail pour les métiers »
(Côté, 2008 : 370). Les avocats, les architectes et les
évaluateurs agréés sont les seuls a avoir des ARM quasi
automatiques des deux côtés. Pour dix métiers et quatre
professions elle est quasi automatique au Québec et automatique en
France.
La troisième forme de reconnaissance mutuelle est la
reconnaissance conditionnelle, on la retrouve principalement dans les
professions médicales. Les différentes autorités
compétentes ayant conclu qu'il existe des différences
substantielles imposent des « mesures de compensation significative pour
combler les différences substantielles dans la formation professionnelle
reçue dans le territoire d'origine » (Côté, 2008 :
370). Par exemple les pharmaciens québécois doivent «
effectuer et valider un stage de six mois,
11 Voir tableau numéro 1 Exemple
d'échelle de reconnaissance des ARM entre la France et le Québec
page 15
12 Voir annexe II
13
[É], à temps plein en officine ou dans un
établissement de santé », les pharmaciens français
doivent quant à eux « réussir un programme de formation
d'appoint [É] et effectuer avec succès un stage de 600 heures
» (ARM, Pharmacien,2009 : 5 et 6). Si les mesures
demandées au pharmacien peuvent paraître difficiles, les stages ou
les formations complémentaires peuvent atteindre une année. C'est
le cas pour les physiothérapeutes québécois et les
masseurs-kinésithérapeutes français qui doivent suivre un
stage de 12 à 16 mois pour les premiers et une formation universitaire
d'une année pour les seconds.
Notons que l'Entente ne prévoit pas que les exigences
demandées soient similaires des deux côtés. Ainsi, les
médecins et les ingénieurs québécois sont reconnus
automatiquement en France alors que les médecins français doivent
réussir un stage d'adaptation de trois mois et les ingénieurs
français un examen de déontologie. On retrouve cette
différence de traitement dans six professions avec toujours des demandes
plus importantes du côté québécois envers les
professionnels français. On peut penser que cette asymétrie
s'explique notamment parce que les dépositaires de l'autorité
compétente sont toujours au Québec des Ordres professionnels.
Cette tendance à vouloir défendre « leurs monopoles »
est étayée grâce aux quatre professions qui ont eu leurs
Ordres professionnels comme autorités compétentes dans les deux
pays. Dans les quatre cas, l'échelle de reconnaissance est au même
niveau des deux côtés. Cette différence existe aussi dans
dix-sept métiers, toutefois, pour plus de la moitié d'entre eux
la demande est identique : obtention d'« une attestation de formation en
santé et sécurité au travail délivrée au
Québec par l'Association sectorielle paritaire construction » (ARM
mécanicien chantier, 2010 : 6).
Soulignons qu'un des ARM les plus « étranges
» est, sans contexte, celui des médecins. Comment peut-on expliquer
que dans des systèmes de santés13 et de
formation14 comparable les médecins québécois
soient reconnus automatiquement en France, alors
13 Classement de l'OMS par pays des meilleurs soins
de santé dans le monde en 2000 (Rapport sur la santé dans le
monde, 2000 - Pour un système de santé plus performant)
14 Accord-cadre Franco-Québec sur la
reconnaissance des diplômes et la validation des études en 1996
14
que les médecins français doivent réussir
un « stage non rémunéré, d'une durée de trois
mois consécutifs [qui] se déroule habituellement dans un
établissement possédant une affiliation universitaire et
étant agréé par le CMQ pour la discipline concernée
» (Collège des Médecins du Québec, 2013). Cette
situation s'explique d'autant plus mal quand on connaît toute la pression
entourant le système de santé québécois et le
manque de médecin dont la presse fait régulièrement
l'écho. Les médecins sont d'ailleurs la seule profession avec une
différence d'échelle supérieure à un entre les deux
pays.
Tableau 1. Exemple d'échelle de reconnaissance
des ARM entre la France et le Québec
Professions/métiers
|
Échelle de
reconnaissance Québec
|
Échelle de reconnaissance France
|
Avocat
|
Quasi-automatique
|
Quasi-automatique
|
Infirmière
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Ingénieur
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Médecin
|
Conditionnelle
|
Automatique
|
Sagefemme
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Travailleur social
|
Automatique
|
Automatique
|
Briqueteur-maçon
|
Conditionnelle
|
Conditionnelle
|
Pâtissier
|
Automatique
|
Automatique
|
Plâtrier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Soudeur
|
Automatique
|
Quasi-automatique
|
15
iii. Des avocats si différents ?
La profession d'avocat excite dans la quasi-totalité
des pays, mais elle garde des spécificités nationales
importantes. Toutefois, entre les barreaux français et le barreau du
Québec les similitudes semblent plus grandes que les différences.
L'ancienneté des relations entre les deux barreaux et la tradition
civiliste commune a créé des liens privilégiés.
Cette relation se traduit notamment par la multiplicité dans les
échanges d'étudiants en droit entre les universités
françaises et québécoises. De plus, pour la France, dans
la compétition que se livre les différents types de droit sur la
scène mondiale, avoir un allié en Amérique du Nord est un
atout.15
L'avocat, au même titre que le médecin, occupe
une place centrale dans la société québécoise, en
France cela évolue vers cette direction. Cependant, il existe encore
proportionnellement près de quatre fois plus d'avocat par habitant au
Québec. Depuis trente ans, la France rattrape son retard puisque le
nombre d'avocats a été multiplié par quatre et la
profession attire « des candidats dotés de diplômes
réputés » (Karpik, 1995 : 459). Cela s'explique par
l'augmentation importante des recours juridiques et l'apparition, comme au
Québec, d'un barreau d'affaires. Comme c'est le cas au Québec, la
France s'est alignée, au cours des dernières années, sur
le modèle anglo-saxon en faisant le lien entre la «
crédibilité sociale et la certification universitaire »
(ibid, 238). Une autre ressemblance que connaît la profession
est sa féminisation. On est aujourd'hui à la parité dans
les deux pays et les femmes représentent une majorité des avocats
de moins de 30 ans.
S'il existe en France plusieurs barreaux, alors qu'il n'en
existe qu'un au Québec, le type d'organisation et de fonctionnement de
la profession est assez analogue. Dans les deux pays, il faut avoir fait au
minimum quatre ans d'études supérieures en droit afin
d'être admissible aux examens de la profession. Il faut aussi chaque
année payer sa cotisation à son barreau d'attache et continuer de
se former tout au long de sa vie professionnelle. Sur
15 David Levy, Directeur du Pôle juridique au
Conseil National des Barreaux, responsable de l'élaboration de l'ARM
avec le Barreau du Québec, entretien du 19 février 2013
16
le plan sociologique, les membres de la profession ne semblent
pas présenter des caractéristiques très
différentes. Les avocats appartiennent aux classes moyennes
supérieures et supérieures.
Si les ressemblances sont grandes, il existe tout même
des différences. La plus importante est, évidemment, la
présence d'un bijuridisme au Québec : le « droit
privé répond à la tradition civiliste, tandis que le droit
public est davantage influencé par la common law » (Le
droit au Québec, 2013 : 1) (Kay, 2009 ; Jutras, 2009 ; Chiasson, 2001 ;
Perret, 2003 ; Gervais et Seguin, 2001 ; Gaudreault-Desbiens, 2007). Il existe
aussi des distensions sur le plan organisationnel puisqu'au Québec un
avocat peut garder son titre s'il travaille en entreprise ou dans la fonction
publique. Ainsi, les avocats qui travaillent en entreprise, dans le secteur
public ou parapublic représentent 35 % des membres du barreau du
Québec (Barreau du Québec, 2012 : 2). Il est aussi possible de
créer des cabinets multidisciplinaires, regroupant notamment des experts
comptables, alors que c'est interdit en France. Par contre avec l'Europe, les
avocats français sont déjà confrontés, depuis le
début des années 90, à la concurrence
étrangère. En effet, 4 % des avocats qui exercent sur le
territoire français sont étrangers, au Québec cette
compétition n'existe pas.
1. Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles des avocats
Signé par le Barreau du Québec et le Conseil
national des Barreaux, l'Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles des avocats est entré en vigueur en
août 2010. Il permet à un avocat ayant obtenu en France une
maitrise ou un master I en droit ainsi que le certificat d'aptitude à la
profession d'avocat (CAPA) et qui « par ailleurs, satisfai[t] aux autres
conditions suivantes : - Être inscrit au Tableau d'un barreau en France
à titre d'avocat en exercice. - Justifier d'une assurance
responsabilité professionnelle couvrant son activité
professionnelle au Québec par une protection égale ou
supérieure à celle en vigueur au Québec » de passer
un « examen de contrôle des connaissances portant sur la
réglementation et la déontologie » (ARM avocats,
2009 : 5). En cas de réussite à celui-ci, le demandeur peut
« demander son inscription au Tableau de l'Ordre du Barreau du
Québec » (ibid, 5). L'examen de
17
contrôle des connaissances sur la réglementation
et déontologie des avocats a lieu deux fois par an et il consiste en un
examen oral devant un jury de trois avocats, la note de passage est de 60 %.
Pour exercer en France, il faut que le demandeur ait obtenu un
baccalauréat en droit dans une des six universités16
qui dispensent la formation en droit civil et possèdent un permis
d'exercice de la profession d'avocat. L'avocat demandeur doit alors passer une
épreuve portant sur la réglementation de la profession et la
déontologie. Il doit aussi « être inscrit au Tableau de
l'Ordre du Barreau du Québec à titre d'avocat en exercice [et]
justifier d'une assurance responsabilité professionnelle couvrant son
activité professionnelle au Québec par une protection
égale ou supérieure à celle en vigueur pour les avocats
inscrits au barreau français concerné » (ibid, 5).
Ainsi, à partir du moment où les différentes conditions
énumérées ci-dessus sont réunies l'avocat peut
demander son inscription au Tableau d'un barreau français. Notons que
dans les deux cas, il n'existe pas par la suite d'obligations pour le demandeur
de rester membre de son barreau d'origine.
Pour les avocats la reconnaissance est donc une
reconnaissance quasi automatique puisqu'ils doivent simplement
démontrer « l'acquisition de connaissances dans le domaine
déontologique et de la réglementation professionnelle ».
(Côté, 2008 : 370) La répartition des avocats
étrangers selon leur nationalité, effectuée par le
Ministère de la Justice française au 1er janvier 2011,
dénombrait 30 avocats canadiens inscrits à un barreau
français. Les statistiques fournies par le Conseil des Barreaux
établis qu'entre 2010 et 2012, 58 avocats québécois ont
été admis. Ainsi, si l'on enlève les 11 admis en 2010 aux
30 avocats canadiens exerçant sur le sol français au
1er janvier 2011, le nombre d'avocats canadiens exerçant en
France a été multiplié par trois sur une période de
trois ans. Au 31 décembre 2012, on évalue à 77 le nombre
d'avocats canadiens exerçant dont au moins 58 provennant du
Québec17. À l'étude des données, il est
indéniable que la signature de l'ARM a permis d'augmenter le nombre
d'avocats exerçant en France, mais
16 L'université d'Ottawa est aussi dans
l'entente puisqu'elle possède une section de droit civil et que ses
étudiants peuvent appliquer à l'École du Barreau du
Québec
17 Ministère de la justice, D.A.C.S Ð
Pôle d'évaluation de la justice civile -, « Statistiques sur
la profession d'avocat Ð situation au 1er janvier 2012 »
18
ils demeurent moindres par rapport à d'autres
nationalités comme l'Allemagne (214) ou les États-Unis (140). Les
chiffres n'étant malheureusement pas disponibles pour le Québec
nous ne pouvons pas effectuer le même exercice.
L'ARM prend de la « valeur » lorsqu'on analyse les
démarches exigées pour les avocats non assujettis à l'ARM.
Il est excessivement difficile de faire reconnaître ses diplômes
afin de devenir avocat en France ou Québec. Par exemple, un avocat
canadien provenant d'une autre province doit passer le même examen de
déontologie que l'avocat français voulant exercer au
Québec, mais doit en plus repasser deux examens de droit civil et
procédures afférentes alors même qu'il s'agit d'avocats
exerçant dans le même pays (Barreau du Québec, 2013). En
France, les avocats non membres de l'UE doivent repasser un examen d'aptitude
qui comprend un écrit et un oral, avec deux épreuves à
chaque fois. Les avocats québécois sont dispensés de trois
des quatre examens puisqu'ils ne doivent passer que « l'entretien de
quinze minutes environ avec le jury, portant notamment sur la
réglementation et la déontologie de la profession » (Conseil
National des Barreaux, 2009 : 7).
On peut conclure que la quasi-disparition de barrière
institutionnelle a encouragé un nombre d'avocats, plus important
qu'à l'habitude, à effectuer les démarches afin d'exercer
dans l'autre pays. Cette affirmation confirme notre hypothèse H1 voulant
que la suppression de barrière institutionnelle favorise
l'établissement de professionnels étrangers sur son territoire.
On doit toutefois relativiser l'augmentation des flux puisque que le nombre de
demande reste limité et ne représente même pas 0,2% des
avocats français et québécois.
19
iv. Infirmière : une réalité si
semblable ?
À première vue, on pourrait croire que les
ressemblances entre les infirmières québécoises et
françaises sont plus grandes, car elles vivent la même
réalité au contact des malades, pourtant l'analyse laisse
apparaitre des différences, principalement sur le plan institutionnel.
Inévitablement, un des points communs est la féminisation de la
profession qui atteint plus de 90 % dans les deux pays. Cette place des femmes
dans les soins infirmiers s'explique pour des raisons historiques, et
malgré une très légère hausse des hommes, la
tendance lourde n'est pas au changement. Dans les deux systèmes de
santés, il existe un manque chronique d'infirmière et les
moyennes par habitant sont équivalentes18 (Barlet et
Cavillon, 2010 et OIIQ, 2009). Les infirmières sont aussi, et de loin,
la première profession de santé et c'est sur elles, en grande
partie, que le système de santé est bâtie (Cohen, Pepin,
Lamontagne et Duquette, 2002 : 294). Des deux côtés de
l'Atlantique, les infirmières connaissent le plein emploi et elles sont
particulièrement sujettes à exercer leur emploi à temps
partiel. Au Québec, c'est 42,5 %19 des effectifs totaux qui
travaille à temps partiel alors qu'en France 23 %20
travaillent à mi-temps.
Dans les deux systèmes, les infirmières
s'opposent à certains changements que connaissent les systèmes de
santés occidentaux et qui bouleverse leurs méthodes de travail.
En effet, les administrations mettent en place le principe de flux tendu,
créant une parcellisation des tâches. Ces changements impactent
directement le coeur de leur travail : « l'attention aux problèmes
personnels et sociaux du patient » (Acker, 2005 : 163 et 164). Le rapport
d'autorité, par rapport au médecin, est aussi une question
soulevée des deux côtés, car il existe encore des
préjugés de supériorité ce qui entraine parfois une
« mauvaise relation de travail entre les infirmières et les
médecins » (Shields et Wilkins, 2006 : 71).
18 France : 822 pour 100 000 habitants - Québec
: 850 pour 100 000 habitants
19 Tiré de Graphique 11 - Situation d'emploi
des infirmières exerçant la profession au Québec,
2006-2007 et 2010-2011 (Marleau, 2011 : 28)
20 Tiré de Tableau 3 - Évolution de
la part du travail à temps partiel selon l'âge des infirmiers
salariés - (Barlet et Cavillon, 2010 : 15)
20
Une des différences importantes réside dans
l'organisation professionnelle et institutionnelle de la profession. Au
Québec elle est très organisée et possède un
réel poids politique. Par conséquent, la « profession
d'infirmière québécoise [É] (statut de profession,
code de déontologie, ordre des infirmières) a largement servi de
référence » pour le mouvement infirmier français
(Gardin, Grojean, 2006 : 105). L'importance de l'Ordre se traduit au
Québec par l'obligation de réussir ses examens afin de devenir
infirmière. Cette différence de poids et de place de
l'institution explique, en partie, pourquoi au Québec les
infirmières sont considérées comme une profession à
part entière alors qu'en France le passage de métier à
celui de profession est moins évident (Jouet le Pors, 2004 ; Broutelle,
2009). L'autre différence est l'existence d'une discipline universitaire
propre aux soins infirmiers qui n'existe pas en France. Au Québec, les
infirmières ont développé depuis déjà une
vingtaine d'année une science indépendante des médecins ou
autres protagonistes de la santé alors qu'en France l'université
n'a pas encore ouvert ces portes aux soins infirmiers en tant que science.
Par ailleurs, à la différence de la France qui
possède une seule formation d'infirmière, délivrée
après trois ans d'étude supérieure, au Québec, il y
a plusieurs types de formation d'infirmière. Actuellement, il y a deux
formations dites de base avec soit l'obtention d'une technique en soins
infirmiers délivrée par les Cégeps ou l'obtention d'un
baccalauréat en soins infirmiers (Cohen, Pepin, Lamontagne et Duquette,
2002 : 157). Les infirmières québécoises peuvent ensuite
poursuivre des études de cycles supérieurs (maitrise, doctorat).
Ces quatre formations octroient des « grades » d'infirmières
distincts tout en étant membre du même Ordre professionnel,
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).
Actuellement, il existe au Québec un débat important autour de la
formation de base des infirmières puisque l'Ordre souhaite que
l'obtention du baccalauréat deviennent obligatoire pour avoir le droit
d'exercer.
21
1. Arrangement en vue de la reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles des infirmières
Signé en juin 2010 par les autorités
compétentes21, l'arrangement en vue de la reconnaissance
mutuelle des qualifications professionnelles des infirmières et
infirmiers est entré en vigueur en juin 2011. Avant tout, l'ARM exclut
à l'article 5 les infirmières québécoises
diplômées d'un DEC en soins infirmiers « étant
donné que le programme français comporte au moins 1395 heures
d'enseignement théorique et clinique de plus que le DEC
québécois » (ARM infirmière, 2010 : 5). Pour
les autres infirmières québécoises inscrites au Tableau de
l'Ordre et possédant un permis d'infirmière, il faut
réussir « un stage d'adaptation en milieu clinique d'une
durée de 75 jours, dont le contenu et les modalités sont
agréés par l'Ordre national des infirmiers de France »
(ibid, 6). Le demandeur qui satisfait au stage se voit autoriser par le
ministère de la Santé à exercer sur le territoire
français la profession d'infirmière sans distinction avec
personne diplômée en France.
Pour une infirmière française, la
démarche est similaire puisqu'elle doit aussi réussir un stage
d'adaptation de 75 jours en milieu clinique afin d'être inscrite au
Tableau de l'Ordre22. Si en théorie la situation semble
claire dans les faits les infirmières françaises immigrantes au
Québec ont eu la surprise de pas être considérées
comme des infirmières cliniciennes (baccalauréat), mais comme des
infirmières techniciennes (DEC). La situation a depuis
évolués puisque les cohortes françaises
diplômées après 2009 sont reconnues comme des
infirmières cliniciennes. Par conséquent, le Québec a
créé une démarcation entre les infirmières
françaises en fonction de leurs années de diplomation,
distinction qui n'existe pourtant pas en France23.
21 Pour le Québec : l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec ; pour la France : la
ministre de la santé et des sports et l'Ordre national des infirmiers de
France
22 Les infirmières doivent aussi être
à jours dans leurs cotisations à leurs Ordres professionnels.
Québec (2012-2013) : 411,03$ ; France (2013) : 30 € pour les
infirmiers salariés (secteurs public et privé), les infirmiers
inscrits à l'Ordre exerçant à l'étranger et les
infirmiers inscrits pour exercer uniquement à titre
bénévole (retraités ou non, hors réserve sanitaire)
; 75 € pour les infirmiers libéraux.
23 Code de la santé publique
française
22
Comme pour les avocats il n'existe pas d'obligation de rester
membre de son Ordre d'origine. Pour les infirmières dans les deux
territoires la reconnaissance est une reconnaissance conditionnelle
puisque les demandeurs se voient imposés des « mesures de
compensation significatives pour combler les différences substantielles
dans la formation professionnelle reçue dans le territoire d'origine
» ici sous la forme d'un stage de 75 jours (Côté, 2008 :
370). Si les démarches demandées se classent au niveau le plus
exigeant de l'échelle de Côté, elles ne semblent pas pour
autant arrêter les infirmières françaises, puisqu'au 31
décembre 2012, 373 ont obtenu l'autorisation légale d'exercer sur
le sol québécois, alors qu'elles ne sont que 6 a avoir fait le
chemin inverse.
Afin de pouvoir comparer l'avant et l'après-ARM, nous
allons revenir sur les démarches demandées aux infirmières
diplômées hors du Canada puis aux infirmières hors UE.
Premièrement, l'infirmière doit constituer son dossier de demande
de reconnaissance afin d'obtenir la reconnaissance d'équivalence. Le
comité d'admission par équivalence de l'OIIQ analyse le dossier
et établit si l'infirmière doit ou non repasser des formations
complémentaires. Deuxièmement, l'infirmière doit
réussir un programme d'intégration professionnelle, même si
l'OIIQ a établi une équivalence parfaite. Cette formation varie
de « quelques semaines à quelques mois selon le profil de chaque
infirmière » (OIIQ, 2013). Troisièmement,
l'infirmière doit passer et réussir l'examen professionnel de
l'Ordre, indépendamment de son expérience et de son lieu de
provenance (ibid, 2013).
En France les démarches ne sont pas plus simples
puisqu'il faut réussir les épreuves de sélection pour les
infirmiers ayant un diplôme hors Union européenne d'un Institut de
Formation en Soins infirmiers (IFSI) qui déterminera si le candidat peut
ou non bénéficier « d'une dispense de scolarité pour
l'obtention du diplôme d'État d'infirmier ». Si l'IFSI
décide que non, le demandeur doit suivre la totalité où
une partie de la formation initiale. (CRIPP, 2013)
En conclusion, l'ARM est venue transformer les
démarches demandées aux candidats par rapport à ce qui
était exigé avant l'entrée en application de
l'arrangement. Ces modifications qui facilitent les démarches expliquent
en partie pourquoi les infirmières
23
françaises viennent en grand nombre travailler au
Québec. Toutefois, malgré la réciprocité des
démarches pour les infirmières québécoises il
semble que cela n'est pas suffisant pour entrainer une immigration vers la
France. Par conséquent, l'ARM des infirmières confirme que plus
les barrières institutionnelles sont réduites, plus le volume du
flux est important, ce qui confirme notre hypothèse H1. Il est essentiel
de tester notre hypothèse H2 afin de vérifier si celle-ci peut
expliquer l'asymétrie très forte entre le flux des
infirmières françaises et le flux des infirmières
québécoises.
v. Validation de H1
L'hypothèse (H1) que nous avons formulée, selon
laquelle plus les démarches demandées sont simplifiées,
plus le flux du volume de demandeurs augmente, est partiellement
validée. En effet, elle va dans le sens de l'OIM pour qui des «
mesures strictes risquent de ralentir l'entrée ou décourager les
migrants [É] [alors que] de manière générale, les
systèmes laxistes favorisent l'immigration » (OIM, 2008 : 62).
Toutefois, l'examen des infirmières et des avocats démontre qu'on
ne peut pas baser uniquement notre analyse sur les échelles de
reconnaissance auxquelles les ARM ont abouti.
En effet, dans les vingt-trois métiers et cinq
professions qui ont une reconnaissance automatique il n'y a pas
d'arrivée massive d'immigrant. Notre analyse a démontré
qu'un des éléments qui semble important à prendre en
considération est la différence entre ce qui était
demandé avant l'entrée en vigueur de l'ARM et ce qui est
demandé maintenant. Pour valider cette affirmation, il faudrait
répéter la démarche pour les soixante-dix-neuf ARM
restant, ce que nous ne pouvons malheureusement pas faire dans le cadre de cet
essai.
Par ailleurs pour certains ARM, la différence dans les
échelles reconnaissances peut avoir des conséquences sur la
direction des flux et pas simplement sur le volume des flux migratoire. En
effet, si d'un côté les barrières institutionnelles sont
importantes, mais que de l'autre côté elles sont inexistantes
alors il peut y avoir des conséquences importantes sur la direction des
flux. Dans le cas de l'Entente, il ne semble pas que cela ait été
assez important pour renverser la direction des flux migratoires. En effet,
ceux-ci vont
24
quasiment toujours vers le Québec alors que c'est
là où il y a encore le plus de barrières
institutionnelles. Cela nous amène donc à notre deuxième
partie qui s'intéresse à l'influence des différences
socio-économiques dans la direction des flux.
25
II. Les facteurs socio-économiques
Dans cette seconde partie, nous allons tenter de
répondre à notre hypothèse H2 qui postule que la direction
des flux migratoires dépend des conditions socio-économiques du
pays d'accueil. Pour ce faire, nous reviendrons sur l'importance des facteurs
socio-économiques dans l'immigration économique et nous
chercherons à éliminer l'argument purement démographique.
Dans un second temps, nous définirons les limites d'une telle recherche
quantitative et mettrons en place des outils afin de contrôler les
différences de monnaie. Finalement, nous comparerons pour les
infirmières et les avocats les revenus et les heures travaillées
afin d'identifier si les flux migratoires vont dans la direction où les
conditions socio-économiques sont les plus élevées.
1. Non-causalité entre la démographie et la
direction des flux migratoires
Dans cette partie, nous avons cherché à
démontrer que l'argument démographique24 voulant que
les mouvements des flux migratoires s'expliquent par la différence de
taille de population entre les deux pays n'est pas viable. Pour ce faire, nous
avons identifié trois pays, les États-Unis, la Tunisie et
l'Allemagne, que nous avons comparés à la France afin d'observer
si les flux migratoires vont toujours du pays le plus peuplé vers le
pays le moins peuplé. Pour le Canada, les statistiques des
ressortissants par pays ne sont pas disponibles, nous ne pourrons donc pas
effectuer la même démarche.
Aux États-Unis, la communauté française
est estimée à 200 000 personnes25 alors que le nombre
d'Américains vivant en France est de 100 000 personnes26.
Proportionnellement, les États-Unis ont 4,77 fois plus de population et
pourtant il y a près de deux fois plus de Français
installés aux États-Unis. L'Allemagne compte 81,89 millions
d'habitants et
24 En terme démographique, la France est 7,45 fois plus
peuplé que le Québec. Il y a en 7,22 fois plus
d'infirmière en France mais seulement 2,14 fois plus d'avocat.
25 Maison des Français de l'Étranger,
http://www.mfe.org/index.php/Portails-Pays/Etats-Unis
26 Ambassade des Etats-Unis à Paris,
http://french.france.usembassy.gov/
26
accueil 110 000 Français27 ; la France
accueille 150 000 Allemands28 et compte 65,7 millions d'habitants.
Finalement, en Tunisie on estime qu'il y a 30 000 Français29
pour un pays de 10 millions d'habitants alors qu'ils seraient 625 000
Tunisiens30 à habiter en France. Cette étude rapide
avec trois pays de taille différente semble confirmer qu'il n'existe pas
de causalité absolue entre la taille de population et la direction des
flux migratoires.
2. L'importance des conditions socio-économiques
lors de la migration
Si la difficulté des démarches à
entreprendre est un élément important dans la décision
d'immigrer, les facteurs socio-économiques semblent l'être tout
autant. Les différents auteurs qui s'intéressent à
l'immigration identifient l'amélioration des conditions de vie comme un
des éléments essentiels dans la migration de pays « en voie
de développement » vers des pays « développés
» (Jayet, 2001 ; Docquier et Rapoport, 2007 ; Baude, 2008 ; Ambrosini,
2010 ; OIM, 2008). Même la définition donnée à
l'immigration économique par l'OIM suppose que l'immigrant quitte «
son lieu de résidence habituelle pour s'installer hors de son pays
d'origine dans l'espoir d'améliorer sa qualité de vie »
(OIM, 2008 : 531). Or nous sommes en présence d'une immigration
différente puisqu'elle concerne deux pays qui ont des niveaux de vie
relativement similaires. Est-il possible que les migrants économiques
entre pays « développés » et occidentaux aient des
attentes et des raisons d'immigrer différentes ? Si on part du postulat,
que les flux d'immigration économique entre pays «
développés » et occidentaux sont poussés par d'autres
raisons que la simple amélioration des conditions
socio-économiques, alors les flux migratoires résultant de
l'Entente ne devraient pas forcément aller dans la direction où
les conditions économiques sont les plus élevées. À
l'inverse, si les flux vont là où elles sont les plus
intéressantes on pourra présumer qu'il
27 Projet de loi autorisant la ratification de
l'accord entre la République française et la République
fédérale d'Allemagne instituant un régime matrimonial
optionnel de la participation aux acquêts.
28 ibid
29Ambassade de France en Tunisie,
http://www.ambassadefrance-tn.org/La-communaute-francaise-de-Tunisie
30 Office des Tunisiens à l'Étranger,
http://www.ote.nat.tn/index.php?id=78
27
n'y a pas de différence entre l'immigration des pays
« en voie de développement» vers les pays «
développés » et l'immigration entre pays occidentaux.
3. Théorie de l'offre individuelle de travail
Par ailleurs, nous sommes face à des migrants qui
individuellement proposent leurs « services », donc nous nous
appuierons sur la théorie de l'offre individuelle de travail
développé par Jevons (1872). L'offre individuelle postule que le
temps de travail qu'un individu est prêt à fournir pour un salaire
donné « correspond à l'optimisation de ses
préférences personnelles » (Vercherand, 2006 : 66). Un
individu travaille jusqu'au « point où l'utilité marginale
de son travail tend à être surpassée par sa
désutilité marginale : c'est à dire jusqu'à ce que
l'utilité, en terme de revenu et autres satisfactions, d'une heure de
travail en plus devienne inférieure à son coût, en terme de
fatigue et de loisirs sacrifiés » (ibid, 66). L'individu
est donc toujours à la recherche de possibilité afin de maximiser
l'utilité marginale de son travail : gagner plus en travaillant autant,
ou travailler moins en gagnant autant. Dans cette théorie les deux
variables sont le salaire et le temps de travail.
Dans le cas qui nous intéresse, nous ne rentrerons donc
pas dans un comparatif global France-Québec qui intégrerait le
taux de chômage général, la vigueur économique ou
encore la qualité des systèmes de santé et
d'éducation. Nous nous limiterons à une analyse des deux
professions afin d'identifier des différences marquantes qui peuvent
jouer un rôle d'attractivité ou au contraire de repoussoir.
Dans notre hypothèse H2, nous postulons que le temps de
travail entre les deux pays ne varie pas ou peu, mais par contre que les
revenus sont plus élevés au Québec. Comme, «
l'utilité du travail dépend du taux de rémunération
» par conséquent, les immigrants vers le Québec augmentent
l'utilité marginale de leur travail, sans pour autant modifier la
désutilité marginale qui est influencée par le temps de
travail (ibid, 66). Cette théorie de l'offre explique, si elle
est confirmée par notre étude de cas, l'asymétrie des
flux
28
d'immigrations au niveau des infirmières, mais aussi
l'asymétrie qui existe dans la quasi-totalité des ARM au profit
du Québec.
En revanche, comme cette asymétrie n'existe pas chez
les avocats, c'est d'ailleurs pourquoi nous avons choisi cette profession, nous
allons tenter d'identifier des raisons qui expliquent la similarité du
flux. Est-il possible que les salaires soient plus proches que prévu
où qu'il existe une différence importante en terme de nombre
d'heure travaillé ?
4. Les difficultés méthodologiques
Au niveau des revenus, une telle tentative de comparaison
soulève des difficultés, notamment la différence de
monnaie et de pouvoir d'achat. Afin de les contrôler, nous appliquerons
à nos variables le taux de conversion monétaire Parité du
pouvoir d'achat (PPA). Le PPA est un taux de conversion monétaire qui
permet « d'exprimer dans une unité commune les pouvoirs d'achat des
différentes monnaies. Ce taux exprime le rapport entre la
quantité d'unités monétaires nécessaire dans des
pays différents pour se procurer le même « panier » de
biens et de services » (INSEE, 2013). Nous utiliserons l'outil
pédagogique Perspective Monde de l'Université de
Sherbrooke31 qui détermine le PPA en dollar
américain constant de l'an 2000. Afin de contrôler la variation
simplement due à la fluctuation des taux de change des monnaies
d'origine, nous utiliserons le PPA des cinq dernières années dont
nous disposons. Pour la France en dollar constant de l'an 2000 le PPA est de
1,21 et pour le Canada de 1,15.
L'autre difficulté est la disponibilité des
données et leurs années de production. Pour les
infirmières, nous connaissons la moyenne des revenus des
infirmières québécoises en 2005, alors que nous disposons
de celle de 2012 pour la France. En France, les infirmières
libérales représentent 15 % du total des infirmières et la
moyenne de leurs revenus est disponible pour 2010. Nous disposons pour les
avocats de la moyenne et la médiane produite par le Barreau du
Québec (2008) et par l'INSEE (2007).
31 http://perspective.usherbrooke.ca/
29
Pour le temps de travail, la démarche n'est pas
aisée puisque les données sont disparates. Nous disposons de
statistiques par semaine pour les avocats québécois (2008) et
français (2008), mais nous n'avons pas le nombre de semaines
travaillées par une année. Pour les infirmières, nous
avons le nombre moyen d'heures travaillées par semaine et le nombre de
semaines travaillées par année en France (2010) et au
Québec (2005)
30
i. Infirmière : des revenus très
différents
Dans la première partie de notre essai, on a
constaté que le profil sociologique des infirmières
françaises et québécoises était relativement
similaire. Elles effectuent les mêmes tâches, leurs places dans les
systèmes de santé et les contraintes auxquelles elles sont
soumises sont relativement proches. Cependant, on a noté qu'il existait
des différences importantes quant à l'institutionnalisation de la
profession. En est-il de même pour leurs revenus et de leurs nombres
d'heures travaillées ?
Tableau. 2 : Revenus moyens bruts des infirmières
québécoises et françaises
Infirmière
|
France
|
|
|
|
|
Québec
|
Moyenne
|
Infirmière 85 % :
Infirmière libérale 15 % :
|
25
46
|
836
100
|
€ (2012)
€ (2010)
|
51
|
000
|
$ (2005)
|
Moyenne PPA
|
34 939 $
|
|
|
|
|
58
|
650 $
|
Source : Emploi Québec, Salaires et statistiques,
Infirmiers autorisés/infirmières autorisées (3152), Appel
médical (Groupe Randstad), Le 1er Baromètre des
salaires de la santé
INSEE, Revenu libéral moyen des professions de
santé en 2010
Tableau. 3 Nombre d'heures travaillées par les
infirmières québécoises et françaises
|
France
|
Québec
|
Moyenne d'heures travaillées par semaine
|
35,5
|
33,5
|
Moyenne de semaines par année
|
45
|
42,42
|
Total d'heures travaillées
|
1597,5
|
1421,07
|
Source : Barlet et Cavillon, La profession infirmière :
Situation démographique et
trajectoires professionnelles
Laberge et Montmarquette, Portrait des conditions de pratique
et de la pénurie des effectifs infirmiers au Québec
Castonguay, Montmarquette et Scott, Analyse comparée
des mécanismes de gouvernance des systèmes de santé de
l'OCDE
Nous ne disposons pas pour les infirmières de la
médiane par conséquent, nous n'utiliserons pas les mêmes
mesures statistiques que pour les avocats. Néanmoins, cela ne pose pas
de problème puisque le spectre de salaire est beaucoup moins large
comparativement aux avocats. En effet, les infirmières sont très
majoritairement salariées limitant donc la variation possible dans les
revenus.
31
Dans le tableau 2, malgré les cinq/sept années
qui séparent les données, on constate que les salaires sont
beaucoup plus élevés au Québec. Après l'application
du taux PPA, une infirmière québécoise gagne 23 711 $ de
plus, en dollar américain constant de l'an 2000, qu'une
infirmière française. Cela représente 40 % de salaire
supplémentaire par année. Ces données confirment notre
hypothèse H2 voulant que les flux migratoires aillent vers l'endroit ou
les conditions économiques sont les plus intéressantes et cela
même entre pays « développés » et occidentaux.
Dans le tableau 3, on constate que les infirmières
françaises travaillent en moyenne 173 heures de plus par année
que leurs collègues québécoises. Cela confirme que les
infirmières québécoises ont des conditions de travail plus
intéressantes que les infirmières françaises.
32
ii. Avocat : Une moyenne trompe l'oeil
Tableau. 4 Revenu moyen et médian brut des avocats
français et québécois
Dans la première partie de notre essai, nous avons
constaté des similitudes assez importantes notamment dans le
fonctionnement et l'exercice de la profession entre les avocats français
et québécois. Nous allons tenter d'identifier les
différences et ressemblances au niveau des revenus et du temps de
travail.
Avocat
|
|
France
|
|
Québec
|
Moyenne
|
60
|
900
|
€ (2007)
|
96
|
410
|
$ (2008)
|
Médiane
|
41
|
400
|
€ (2007)
|
84
|
201
|
$ (2008)
|
Moyenne PPA
|
|
73
|
689 $
|
|
110
|
872 $
|
Médiane PPA
|
|
50
|
094 $
|
|
96
|
831 $
|
Source : INSEE, Les professions libérales en 2007
Barreau du Québec, enquête
socio-économique auprès des membres du barreau du Québec
2008
Avant tout, l'utilisation de la moyenne n'est pas l'outil le
plus adapté pour des professions libérales où les revenus
peuvent varier fortement. La moyenne possède le défaut de ne pas
représenter fidèlement la tendance centrale, puisqu'elle est
influencée par des valeurs extrêmes. En France, par exemple,
l'existence d'un « barreau d'affaire » qui ne représente que
25 % des avocats, mais qui possède 75 % des revenus
générés par la profession explique la différence de
plus de 20 000 € entre la moyenne et la médiane (Karpik, 2003 :
204).
Afin de dresser un portrait réaliste du revenu moyen
réel des avocats, nous utiliserons la médiane, puisqu'elle coupe
en deux parties égales l'ensemble des valeurs. La médiane PPA des
revenus des avocats québécois, en dollars américains
constants de l'an 2000, est de 96 831 en 2008, alors qu'il est de 50 094 pour
la France en 2007. La différence qu'on constate entre les deux moyennes
est accentuée lorsqu'on compare les revenus médians. En moyenne,
un avocat québécois gagne 33,5 % de plus qu'un avocat
français, alors qu'il gagne 48,2 % de plus lorsqu'on compare les
médianes. Ces chiffres démontrent qu'il y a plus de valeurs
extrêmes en France qu'au Québec, puisque la différence
entre la moyenne
33
et la médiane est plus forte dans le premier (23 595 $)
que dans le second (14 041 $) cas. Le spectre des revenus, donc les
inégalités, est plus important entre les avocats français
qu'entre les avocats québécois. Finalement, notre
hypothèse selon laquelle la rémunération est plus
importante au Québec est vraie, les avocats québécois ont
des revenus deux fois plus élevés que leurs confrères
français.
Tableau. 5 Nombre d'heures travaillées par les
avocats québécois et français
Heures travaillées
|
France
|
Heures travaillées
|
Québec
|
Moins de 39heures
|
11 %
|
35 heures et moins
|
23,02 %
|
Entre 39 h et 46 heures
|
29 %
|
Entre 36 et 40 heures
|
11,95 %
|
Entre 46 et 55 heures
|
37,50 %
|
Entre 41 et 50 heures
|
37,15 %
|
Plus de 55 heures
|
22,50 %
|
Plus de 50 heures
|
27,88 %
|
Source : Village de la Justice, Quelques chiffres sur les
avocats en 2007...
http://www.village-justice.com/articles/Quelques-chiffres-avocats,6885.html
Barreau du Québec, enquête
socio-économique auprès des membres du barreau du Québec
2008
Au niveau du temps de travail32, les avocats
français travaillent plus d'heures par semaine que les avocats
québécois. En effet, 89 % des avocats français en 2008 ont
travaillé plus de 39h par semaine, mais seulement 65 % de leurs
collègues québécois ont travaillé 41 heures et
plus. En terme de semaines travaillées, les données ne sont
malheureusement pas disponibles en l'état. Toutefois, pour la France si
l'on soustrait les cinq semaines de vacances annuelles « obligatoires
» plus les onze jours fériées on obtient 45 semaines
travaillées par année. Au Québec, il y a huit jours
fériés et entre deux à quatre semaines de vacances.
Arbitrairement, nous prendrons trois semaines de congés, plus huit jours
fériées, cela donne environ 48 semaines travaillées par
année. Malgré l'incertitude autour du temps de travail
réel en moyenne les avocats français travaillent plus par
semaine, mais moins de semaines par année. En grossissant le trait, il
n'existe pas de différence majeure par année en terme d'heures
travaillées comme cela est le cas pour les salaires.
La différence en terme de revenus et
l'équivalence dans le nombre d'heures travaillées confirment que
les conditions socio-économiques des avocats sont plus
intéressantes au
32 Nous tenons à souligner la faiblesse
méthodologique de cette partie, mais le manque de donnée nous
oblige à effectuer une telle démarche.
34
Québec. Si l'on assume que la théorie de l'offre
individuelle de travail est valide, comme cela est le cas avec les
infirmières, alors il existe d'autres raisons qui expliquent la
symétrie du flux migratoire chez les avocats.
Les pistes qu'on peut avancer pour l'expliquer sont diverses.
Il est vraisemblable que le peu d'années de recul dont nous disposons
crée un biais produisant des résultats statistiquement non
significatifs. Cette possibilité est étayée par la
présence de cabinets d'avocats qui ont des bureaux en France et au
Québec (plus d'une quinzaine). Pour ces cabinets, l'ARM permet, sans
difficulté, d'avoir des avocats membres des deux barreaux. Cependant,
ces firmes ont un « réservoir » d'avocat non reconductible
dans le temps.
Une autre raison qui peut expliquer pourquoi la théorie
de l'offre individuelle ne s'applique pas est la différence d'avocat par
habitant. Au Québec, il y a 300 avocats pour 100 000 habitants alors
qu'en France seulement 79. On peut considérer qu'au Québec le
système fonctionne à pleine capacité et ne peut plus
absorber l'arrivée de nouveaux avocats. Alors qu'en France avec un
nombre aussi faible il reste de la place. Si le marché
québécois semble être à maturité,
différentes études, menées par le gouvernement du
Québec, montrent que la profession d'avocat reste une profession
d'avenir, puisque « l'heure de la retraite a sonné pour de nombreux
baby-boomers » (Grégoire, 2013). En France malgré le faible
nombre d'avocats au contraire certaines études laissent entendre que les
barreaux ne réussissent plus à intégrer de nouveaux
avocats (Haeri, 2013).
Une autre possibilité est le champ de pratique
exercée par les avocats québécois qui viennent en France.
En France, le barreau d'affaires gagne 75 % du chiffre d'affaires global de la
profession, mais seulement 25 % des avocats en font partie. Il est donc
possible que la disparité des revenus entre les avocats français
soit encore plus grande que ce que nous avons identifié au profit des
avocats d'affaires. Par le fait même, un avocat québécois
exerçant dans ce champ de pratique ne serait pas touché autant
par une diminution de revenus. Pour confirmer cette supposition, il faudrait
obtenir les champs de pratique dans lesquels les avocats
québécois exercent après qu'ils aient obtenu l'ALE.
35
En conclusion il existe différentes pistes pour
expliquer la symétrie du flux de l'ARM des avocats. Toutefois, il nous
semble qu'une étude similaire dans quelques années montrera que
les ARM ont drainé plus d'avocat au Québec que le contraire.
36
iii. Validation partielle de H2
En conclusion, cette seconde partie confirme en partie notre
hypothèse H2, voulant que les facteurs socio-économiques
expliquent la direction que prennent les flux migratoires. Cependant, on ne
peut pas affirmer que plus les différences socio-économiques sont
élevées, plus les flux migratoires sont asymétriques.
La théorie de l'offre individuelle de travail explique
relativement bien l'asymétrie du flux de migration pour les
infirmières. En effet, une infirmière française verra
l'utilité marginale de son travail augmentée puisqu'en moyenne
les salaires sont 40 % plus importants au Québec. Pour les avocats la
théorie de l'offre individuelle n'est pas confirmée, car le flux
migratoire est similaire alors qu'un avocat français verrait
l'utilité marginale de son travail augmenter fortement en venant au
Québec.
Par ailleurs, pour valider la théorie de l'offre
individuelle, il faudrait effectuer la même démarche pour
l'ensemble des ARM. Cela permettrait de confirmer, où d'infirmer que
l'asymétrie dans les flux migratoires est la résultante d'une
volonté des migrants d'améliorer leurs conditions
socio-économiques. Nous pourrions aussi développer une approche
par l'inverse, c'est-à-dire trouver une activité professionnelle
où les revenus sont plus élevés en France et observer la
direction du flux migratoire. Un contre-exemple intéressant serait les
notaires, puisqu'en moyenne un notaire en France gagne 229 700 € par
année, alors qu'au Québec un notaire a des revenus similaires aux
avocats (INSEE, 2007). Malheureusement pour le moment nous n'avons pas
été en mesure d'identifier une activité professionnelle
où les revenus sont plus importants en France et où il y ait des
mouvements migratoires réels.
Dans un autre ordre d'idée, cette seconde partie
démontre qu'il est complexe de vouloir analyser une entente
quantitativement simplement quelques années après son
entrée en vigueur. Le manque de recul représente un risque,
d'autant plus que certains ARM doivent encore rentrer en application. Nous
reviendrons plus en détail sur notre méthodologie dans la
troisième partie. Nous tenons à souligner que notre seconde
partie
37
ne prend pas en compte le statut d'immigrant alors que leurs
revenus sont quasiment toujours plus faibles. La raison est que certains
auteurs ont démontré que les immigrants qui parlent le
français et qui viennent de pays occidentaux ne sont pas
confrontés aux mêmes difficultés d'intégration que
les autres (Picot et Hou, 2003 ; Boudarbat et Boulet, 2010 ; Blaser, 2010 ;
Forcier, 2012).
38
III. Les dangers de notre recherche exploratoire :
Influence communicationnelle et limite méthodologique
Dans cette partie, nous tenterons d'établir les limites
de notre recherche exploratoire. Le premier volet s'intéressera à
l'importance relative de l'Entente dans l'immigration France-Québec. Un
des points que nous souhaitont aborder est l'analyse du bruit médiatique
qui a entouré les ARM. Le second volet portera sur les
difficultés rencontrées dans notre essai au niveau
méthodologique. Nous soulignerons la difficulté d'obtenir des
données exhaustives, et questionnerons notre choix d'utiliser l'aspect
quantitatif par rapport au qualitatif.
i. Beaucoup de bruit pour rien ?
L'intérêt porter aux relations
France-Québec, tant sur le plan institutionnel qu'individuel, nous a
incité à choisir l'Entente de reconnaissance mutuelle des
qualifications professionnelles comme sujet d'essai. Ce choix a
été accentué par l'impression d'être face à
un sujet porteur, novateur, important et peu étudié. Depuis la
signature de l'Entente, les deux gouvernements ont eu une communication
politique abondante sur l'accord et encore aujourd'hui toutes les rencontres
entre des responsables politiques français et québécois
abordent la question des ARM. Pourtant, cette médiatisation est
disproportionnée par rapport à ce que représente
quantitativement l'Entente. En effet, seulement 5 % au maximum de l'immigration
régulière par année a recours à un ARM et si on
prend l'ensemble de l'immigration France-Québec, c'est moins de 0.45 %
des immigrants qui sont concernés. Malgré cela, nous allons voir
que les médias, lorsqu'il est question de l'immigration
France-Québec, abordent souvent la question des ARM comme quelque chose
de central, particulièrement au Québec.
39
Afin d'analyser le poids médiatique, nous avons choisi
de compter le nombre d'articles de journaux consacré aux ARM depuis
200733. Pour ce faire, nous utiliserons l'outil Eureka, qui
est un serveur d'information en ligne permettant d'avoir accès aux
articles publiés dans les principaux journaux.
Pour notre recension nous avons utilisé au
Québec les mots clés « entente France Québec »
qui doivent apparaître dans le titre des articles. Les articles qui
apparaissent portent donc spécifiquement sur l'Entente et non pas sur
l'immigration française ou québécoise de manière
globale. Au Québec, entre 2007 et 2013, pas moins de 38 articles ont
été publiés sur le sujet dans les journaux papier des
principaux quotidiens québécois (la Presse 6 ; le Devoir 11 ; le
Journal de Québec 4 ; le Soleil 3 ; le Journal de Montréal 4 ;
autres 11).
Pour la France nous avons choisi les mots clés «
Québec » et « mobilité » ou « immigration
» qui doivent apparaître dans le texte et nous effectuerons
l'analyse pour neuf quotidiens, dont un quotidien économique (les
Échos) et un quotidien régional (Ouest France). Les articles sont
donc plus généraux, mais nous ne relevons que ceux qui font
référence à l'Entente. Depuis 2007 il y a dix articles qui
ont été écrits sur le sujet dans le Monde, neuf dans le
Figaro, cinq dans le Parisien et dans la Croix, 3 dans Ouest-France, un seul
dans les Échos et libération et aucun dans l'humanité.
Notre recherche sur Eureka montre qu'il y a une différence dans
le traitement médiatique entre le Québec et la France sur la
place qu'occupe les ARM lorsqu'on parle de l'immigration France-Québec.
Si nous avions utilisé les mêmes mots clés que ceux pour le
Québec notre recherche aurait été réduite
drastiquement, par exemple, pour le Monde aucun résultat ne sort
lorsqu'on utilise « entente France Québec ».
En outre, l'utilisation du terme « immigration des
Français » est volontaire, attendu que sur l'ensemble des articles
analysés en France l'accord est toujours présenté comme
unidirectionnel. Au Québec, sur les 38 articles il n'y a que deux qui
s'intéressent à la question de l'immigration dans l'autre sens.
Le premier publié par la Presse du 23 mai
33 Un an avant la signature officiel de l'Entente
40
2009, « Une carrière en France, ça vous
dirait ? ». L'autre le 15 juin 2012, par le Journal de Québec,
« ENTENTE FRANCE-QUÉBEC Une première infirmière
québécoise reconnue ». Il semble qu'on puisse faire un lien
entre cette présentation de l'Entente par la presse et la direction
qu'on a pu observer dans les flux migratoires résultants des ARM.
On constate aussi que les articles font souvent
référence à des domaines particuliers notamment
médicaux. Au Québec, huit articles sont consacrés
exclusivement au domaine médical. Sur les huit articles, quatre parlent
des médecins dont un article peu flatteur publié dans le Devoir
du 22 janvier 2008 intitulé « Lamontagne craint l'afflux de
médecins des colonies ». Il y a eu deux articles sur les
infirmières et deux sur les avocats. Notons un article sur les avocats
dans le Monde du 17 juin 2009, « Exercer au Québec, c'est possible
», une année avant que l'ARM ne rentre en application.
Sans revenir dans les détails, d'autres types de
médias ont consacré des sujets à l'immigration
France-Québec, et à l'Entente indirectement. Cette observation
d'autres types de source d'information, notamment la télévision,
confirme que les articles sont toujours orientés vers les
Français qui partent ou habitent au Québec. En France par exemple
le Journal télévisé de France 2, le 14 novembre 2012, a
consacré un grand reportage, « Québec, la
ruée des Français » de plus de 7 minutes. Au Québec,
Radio-Canada a consacré dans son journal télévisé
trois reportages de plus 8 minutes le 18, 19 et 20 février 2013 sur
l'immigration des Français au Québec.
Le traitement médiatique de l'immigration
française vers le Québec n'est pas en soi étonnant
puisqu'il semble y avoir effectivement un phénomène
spécifique d'immigration française au Québec. « Au
cours des dix dernières années, 30 000 immigrants français
se sont établis au Québec, soit le plus fort contingent national
devant l'Algérie, le Maroc et la Chine. Sélectionnés au
terme d'un long processus, les nouveaux arrivants ont en commun la jeunesse
(25-40 ans) ainsi qu'un haut niveau de formation et de qualification »
(Consulat général de France à Québec, 2013). Il est
évident que l'intérêt médiatique pour ce
phénomène s'inscrit dans le contexte global de mauvaise
santé du marché du travail en France. Avec plus de 10 % de
chômage, 24,6 % chez les moins de
41
24 ans, les Français sont tentés par le chemin
du départ. Surtout chez les jeunes avec « [un jeune sur trois] qui
déclare avoir l'intention de s'installer à l'étranger
» (Opinionway, 2013 ; INSEE, 2013). Si l'intérêt
médiatique est logique, il est étonnant de voir que l'Entente
de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles est
toujours citée, où mise de l'avant, alors même qu'elle ne
représente qu'une infime partie des 30 000 Français qui arrivent
par année au Québec.
On peut se demander si la place de l'Entente dans les
médias ne s'explique pas en partie par la communication politique que
les deux États, particulièrement le gouvernement du
Québec, ont développée à son endroit. Par exemple
au Québec, les sites internet gouvernementaux comme immigration
Québec où celui du ministère des Relations internationales
de la Francophonie et du Commerce extérieur affichent des onglets sur le
sujet directement sur leurs pages d'accueil plus de 5 ans après
l'accord. Pour le Québec, cette Entente semble être une vitrine
afin d'illustrer le souhait de recruter des personnes formées. Cette
démarche s'inscrit dans le cadre des deux derniers plans d'action du
Ministère des Relations internationales, La force de l'action
concertée et plus spécialement dans le volet sur Le
développement du capital humain. Il y énonce vouloir «
attirer et retenir davantage d'immigrants qualifiés » (Gouvernement
du Québec, 2006 : 56). Sans faire de lien direct avec la
problématique entourant le chômage en France, l'Entente prend
beaucoup moins de place sur les sites officiels, à l'exception du
Consulat de Montréal et de Québec.
Si la machine de communication politique a fonctionné
à plein régime, réussissant à ce qu'on parle
abondamment l'Entente dans les médias, il n'en est pas de même
pour les résultats. Pour le moment, aucune évaluation des
résultats n'a été publiée. Alors même
qu'à chaque rencontre entre dirigeant français et
québécois l'Entente est citée en exemple, ils sont
incapables de « déterminer si la politique est un succès, ou
si, au contraire, le problème subsiste » (Kübler et de
Maillard, 2009 : 17). En effet, dans ce genre d'Entente où l'on peut
utiliser « des évaluations quantitatives [É] objectives et
justes », notamment en comptant le nombre d'autorisations légales
d'exercer émises, il est essentiel de connaître les
résultats afin d'avoir la capacité de s'ajuster en cas de
42
manque de réussite (Amar et Berthier, 2007 : 2). Il
semble que le Comité bilatéral France/Québec cherche
à faire un suivi chiffré puisque nous avons obtenu, lors de notre
entretien avec Monsieur Yves Doutriaux (secrétaire
générale du Comité bilatéral France/Québec),
un document papier (Annexe 1) portant sur le nombre d'autorisations
légales d'exercer émises au 31 décembre 2012. Est-il
possible que les gouvernements fassent de la rétention d'information ou
bien sont-ils confrontés à une difficulté de faire
remonter les chiffres afin d'être exhaustif dans leurs données ?
Soulignons que pour les politiques, cette Entente dans son fonctionnement est
particulièrement novatrice et permet de souligner la relation
exceptionnelle qui uni les deux États. Par la même occasion, cela
offre au Québec une occasion de faire un pied de nez au reste du Canada
attendu qu'un tel accord n'existe pas au sein même de la
fédération. Souligner la faiblesse des résultats
quantitatifs ne semble à l'évidence pas être une de leur
priorité.
43
ii. Les limites méthodologiques
Sur le plan méthodologique notre analyse fut parfois
difficile, compliquée et limitée scientifiquement. Le
problème majeur a été le manque de recul temporel dont
nous disposions. Si l'Entente a été signée en 2008, les
ARM sont entrés en vigueur de manière disparate au cours des cinq
dernières années, ce qui explique le manque de donnée
brute à exploiter.
Alors même que nous disposions de données que
pour 742 autorisations légales d'exercer nous avons établi que
les flux migratoires des ARM vont quasiment systématiquement de la
France vers le Québec. Pourtant, il est compliqué de parler de
tendance lourde et définitive alors que l'ensemble des ARM ne sont pas
entrés en application. Par exemple, notre étude ne prend pas en
compte les ingénieurs, alors que dans les années futures ils vont
jouer un rôle de moteur dans l'émission des ALE. On peut
prévoir que la direction des flux va rester la même, voir
être accentuée avec les ingénieurs, lorsqu'on analyse les
données fournies par le Portrait statistique des immigrants
permanents et temporaires dont le pays de dernière résidence est
la France 2008-2012 de Benzakour. Il n'en reste pas moins que pour notre
essai nous ne disposions pas de l'ensemble des données (Benzakour,
2012). Ce manque de donnée a une incidence directe puisqu'une des
raisons du choix des avocats et des infirmières résulte du fait
qu'ils sont les deux ARM à avoir émis le plus d'ALE. Cela
démontre qu'il est compliqué de vouloir effectuer une
étude approfondie notamment quantitative tant que les données
« officielles » n'ont pas été publiées.
Dans un autre ordre d'idée, dans notre seconde partie
nous avons tenté d'effectuer une analyse la plus juste possible en
comparant les situations socio-économiques entre la France et le
Québec. Si nous avons bien réussi à contrôler avec
le taux de change Parité du pouvoir d'achat (PPA) les variations de
monnaie afin que la comparaison entre les différents revenus soit
fiable, nous avons été mis en difficulté sur
l'inégalité des sources d'informations. Ce manque de
cohérence dans les données crée des biais entre la
réalité et les résultats de notre analyse. Par exemple,
nous avons comparé les revenus des
44
infirmières alors même qu'au Québec nous
avions les salaires de 2005 et en France ceux de 2012, il est pourtant
évident qu'en 7 ans les revenus évoluent.
Afin de contrôler les biais de notre analyse
quantitative, nous aurions dû mettre en place une méthodologie
tournée davantage sur les méthodes qualitatives avec par exemple
une série d'entretien des immigrants ayant eu recours à un ARM.
Si nous avions interrogé directement les personnes ayant obtenu une
autorisation légale d'exercer, notre contact avec notre sujet
d'étude aurait été direct donc moins biaisé par les
aléas de la disponibilité des données (Groulx, 1997 ;
Anadon et Guillemette, 2006 ; Gauthier, 2008). Si nous avions voulu rester dans
une démarche quantitative, l'utilisation de questionnaire aurait pu
être une solution. Dans une future recherche sur le sujet, il est
primordial de mettre en place une collaboration étroite avec les ordres
professionnels, car ils disposent autant des données quantitatives,
puisqu'ils émettent les ALE, et qualitatives. Une recherche qui
s'intéresserait aux métiers semble plus aléatoire et
compliquée puisqu'il n'y a pas forcement d'organismes de
représentation auxquelles se référer.
Finalement, un des points essentiels d'une recherche
tournée autour des méthodes qualitatives est de permettre de
comprendre s'il est possible de parler d'immigration de manière macro
sans s'intéresser à la spécificité de chaque
parcours.
45
Conclusion
Au cours de cet essai, nous avons tenté d'identifier,
à travers l'Entente de reconnaissance mutuelle des qualifications
professionnelles et plus particulièrement les avocats et les
infirmières, certaines différences et ressemblances des
marchés du travail entre la France et le Québec. Afin de pouvoir
répondre à cette problématique, nous voulions comprendre
pourquoi ces deux ARM sont ceux qui ont attiré le plus de travailleurs.
Dans un second temps, nous avons cherché à comprendre pourquoi
chez les infirmières il existe une asymétrie dans le flux
migratoire qui n'existe pas chez les avocats.
Pour ce faire, notre première hypothèse
postulait que la réduction des barrières institutionnelles
permettait d'augmenter le volume des flux migratoires. Dans notre
première partie, nous nous sommes appuyés sur l'échelle de
reconnaissance de Charles-Emanuel Côté afin de déterminer
si les ARM ayant le plus diminué leurs barrières
institutionnelles étaient ceux avec les plus importants flux
migratoires. Nous n'avons pas totalement validé notre Hypothèse
H1 puisqu'on constate que dans vingt-trois métiers et cinq professions
il y a une reconnaissance qui est automatique et pourtant il n'y a pas
particulièrement d'arrivées dans ces champs d'activités.
Est-il possible que la différence entre les démarches à
faire afin de pouvoir exercer dans l'autre pays avant et après
l'entrée en vigueur des ARM soit faible ? Si c'est le cas, ça
confirmerait qu'un des éléments importants à prendre en
considération pour comprendre le volume des flux est la
différence entre ce qui était demandé avant et
après l'entrée en vigueur de l'ARM, comme cela a
été démontré avec les avocats et les
infirmières.
Par ailleurs, on a constaté qu'il existe plusieurs ARM
où les échelles de reconnaissance ne sont pas les mêmes
entre la France et le Québec. Si cela ne semble pas avoir eu une
incidence marquée sur la direction des flux migratoires, il n'en reste
pas moins que cela peut dans le futur avoir un impact. L'exemple des
médecins est intéressant à ce sujet. On constate que la
levée des barrières institutionnelles a joué dans la
direction du flux en faveur de la France (pas jusqu'à le renverser, mais
tout de même). En effet, lorsqu'on
46
connaît la différence de revenus entre les
médecins québécois et français34 il
semble anormal, lorsqu'on applique la théorie de l'offre individuelle,
que près de trente médecins québécois aient fait le
choix d'exercer en France, mais surtout que seulement soixante médecins
français est fait le chemin inverse. Il semble évident qu'il
existe un lien avec les barrières institutionnelles qui sont
inexistantes en France, mais encore contraignantes au Québec. Il
apparaît donc indéniable que les barrières
institutionnelles peuvent jouer un rôle dans la direction et pas
simplement dans le volume des flux migratoires, comme nous l'avions
supposé au départ. En ce qui a trait à l'ARM des
médecins, il semble intéressant, dans une étude
ultérieure, de s'y intéresser. Notamment afin de comprendre
pourquoi l'échelle de reconnaissance est si différente entre les
deux pays.
Dans notre seconde partie, nous postulions (112) que les
immigrants vont toujours majoritairement vers l'endroit ou les conditions
socio-économiques sont les plus intéressantes. Pour ce faire,
nous avons notamment utilisé la théorie de l'offre individuelle
de travail, c'est-à-dire que le temps de travail qu'un individu est
prêt à fournir pour un salaire donné « correspond
à l'optimisation de ses préférences personnelles »
(Vercherand, 2006 : 66). Nous avons démontré que le temps de
travail entre les deux pays n'est pas très différent, mais que
les revenus sont beaucoup plus élevés au Québec. Par
conséquent, comme nous considérons que pour les immigrants
l'amélioration de leurs conditions socio-économiques est
essentielle, cela explique pourquoi les flux migratoires partent de France pour
aller au Québec. Cependant, si notre hypothèse 112 a
été totalement confirmée pour les infirmières, nous
n'avons pas été en mesure d'expliquer de manière certaine
pourquoi le flux migratoire des avocats est symétrique, alors qu'en
terme de revenus les avocats québécois touchent 48,2 % plus que
leurs confrères français. Nous avons avancé un certain
nombre de pistes notamment en lien avec le manque de recul temporel puisque
l'ARM des avocats est entrée en vigueur
34 Québec : 253 539$ (CAMERON, Daphné,
Les médecins québécois parmi les moins bien payés
au Canada, La Presse, 22 janvier 2010,
http://www.lapresse.ca/actualites/sante
/201301/22/01-4613923-les-medecins-quebecois-parmi-les-moins-bien-payes-au-canada.php)
France : 94 110 € (BIENVAULT, Pierre, Revenus des
médecins, le grand écart, La Croix,
http://www.la-croix.com/Ethique/Medecine/Revenus-des-medecins-le-grand-ecart
-_NP_-2013-03-01-916620
47
seulement en 2010. En conséquence, dans notre
deuxième partie, nous avons conclu que notre hypothèse H2 nous
semble tout de même valable, mais qu'en plus de devoir refaire le test
dans quelques années il nous faudrait utiliser un contre-exemple.
C'est-à-dire trouver une activité professionnelle plus
rémunératrice en France afin d'observer son flux migratoire. En
outre, dans le cadre d'un travail plus poussé, nous aurions l'obligation
de mener la même démarche pour l'ensemble des ARM afin de
confirmer nos suppositions.
En conclusion, on constate l'existence d'un lien entre les
barrières institutionnelles et le volume des flux d'immigration. Plus
les barrières sont contraignantes, plus le volume des flux est faible et
plus les barrières sont levées, plus les flux sont importants.
Par ailleurs, il semble évident que les facteurs
socio-économiques expliquent en partie la direction des flux
migratoires, même si d'autres facteurs doivent être pris en
considération.
Dans un autre ordre d'idée, notre essai
s'intéresse à une partie de l'immigration moins
étudiée. En effet, si l'immigration nord-sud est un sujet
important des sciences sociales, on constate que la recherche sur l'immigration
entre pays développés à encore beaucoup de place à
prendre. Les chercheurs qui travaillent sur la question s'intéressent
principalement au volet européen à travers le prisme de l'UE et
de la libre circulation des personnes (Blumann, Defalque, Pertek, Steinfeld et
Vigneron, 2006). Une autre force de notre essai est d'analyser un accord qui
pour le moment a été très peu étudié. En
effet, simplement deux articles scientifiques portent spécifiquement sur
celui-ci et ils s'intéressent principalement aux conséquences
juridiques (Côté, 2008 ; Côté, 2012). Pourtant,
simplement dans son fonctionnement l'Entente mérite d'être
étudiée. Plutôt que d'imposer par le haut et créer
des risques de blocages avec la base lors de la mise en place, les
gouvernements ont intégré les acteurs de terrain en créant
une entente globale dans lesquels viennent s'insérer chacun des ARM. De
plus, l'Entente a l'intelligence de laisser la porte ouverte à d'autres
ARM comme le montre l'exemple des vétérinaires actuellement en
négociation alors qu'ils n'y étaient pas prévu au
départ.
Par ailleurs, un tel accord semble être un facteur
favorisant l'immigration féminine puisque les infirmières
représentent plus de 40 % de l'ensemble des ALE pour le
48
moment, alors que traditionnellement l'immigration est
majoritairement masculine. Toutefois, il faudrait pousser notre étude
plus loin afin de déterminer si les infirmières françaises
qui ont recours à l'ARM s'inscrivent dans une démarche
individuelle ou dans une démarche familiale notamment de « suivre
» leurs conjoints (Dallera et Ducret, 2004 ; Morokvasic, 2008 ; Tattolo,
2008). Quoi qu'il en soit, les ARM permettent aux femmes d'exercer une
activité réglementée dans le pays d'accueil plutôt
que d'être dans l'impossibilité d'exercer leurs emplois de
formation.
Par ailleurs, l'Entente s'inscrit comme le préambule
d'une partie de l'accord global que signent actuellement le Canada et l'UE. Cet
accord, le plus important depuis l'ALENA pour le Canada, est un accord de
deuxième génération c'est-à-dire qu'il n'est pas un
simple accord de libre-échange, mais a des visées plus larges
notamment sur la main-d'oeuvre. En effet, cet accord commercial prévoit
un volet portant sur la reconnaissance mutuelle des qualifications afin
d'établir une « future reconnaissance mutuelle des qualifications
dans des professions telles que celles d'architecte, d'ingénieur ou
d'expert-comptable » (Commission européenne, 2013). L'Entente est
d'ailleurs un modèle privilégié pour cette partie de
l'accord Canada-UE.
Précédemment, nous avons souligné que les
ARM représentent de 0,4 à 0,5 % des Français qui arrivent
par année au Québec. Il n'en reste pas que chez les migrants
français « près d'une personne sur deux (46 %)
détient un très haut niveau de scolarité (17 années
et plus), 27,1 % totalisent 14 à 16 années » et vingt-cinq
pour cent « ont exprimé l'intention d'occuper un emploi au
Québec dans une profession régie par un ordre professionnel ou
une autre profession ou métier réglementé »
(Benzakour, 2013 : 5 et 9). Par conséquent, la question n'est pas la
pertinence des ARM, mais pourquoi ils n'arrivent pas à occuper plus de
place dans l'immigration française ? Répondre à cette
question est difficile, une des possibilités est que les
autorités qui délivrent les ALE ne souhaitent pas
réellement l'arrivée de professionnels français et ne
facilitent donc pas leur intégration. Une autre possibilité est
la non-connaissance du dispositif par les migrants. Encore une fois, le manque
de recul temporel nous empêche de répondre à la question de
manière formelle.
49
Finalement, cet essai nous invite à nous questionner
sur deux problématiques. La première, beaucoup plus
générale, est de comprendre pourquoi l'immigration entre pays
développés est aussi peu abordée dans la
littérature sur l'immigration. Il semble important de
s'intéresser à cette question, qui pourrait devenir centrale s'il
apparait un marché du travail qui soit de plus en plus
mondialisé. L'autre question en lien encore plus direct avec notre sujet
de recherche est la question de la migration effrénée des
Français au Québec puisqu'en dix ans le nombre a
été multiplié par deux (30 000 nouveaux arrivant par
année, dont 6 000 en immigration régulière). Plusieurs
pistes de réflexion sont possibles : la mauvaise santé
économique, le rêve américain francophone ou simplement
l'expérience à l'étranger puisque près de 25 % des
Français sont déjà rentrés avant leurs
quatrièmes années en sol québécois (Miron, 2013 :
26). Il n'en reste pas moins que cette nouvelle vague migratoire semble prendre
de l'ampleur et mérite qu'on s'y attarde.
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57
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58
Annexe 1
Reproduction du tableau obtenu lors de l'entretien du 1 mars 2013
avec Monsieur Yves Doutriaux secrétaire générale du
Comité bilatéral France/ Québec
Entente entre le Québec et la France en matière
de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles
Statistiques sur les autorisations légales d'exercer
émises
Professions
|
Autorisations légales d'exercer émises au
Québec au 31 décembre 2012
|
Autorisations légales d'exercer émises en France au
31 décembre 2012(1)
|
Administrateur agrée
|
4
|
1
|
Agronome
|
3
|
1
|
Architecte
|
29
|
4 (+1 en cours)
|
Arpenteur-géomètre
|
0
|
Non en vigueur en France
|
Audioprothésiste
|
0
|
(1 en cours)
|
Avocat
|
56
|
58
|
Chimiste
|
2
|
2
|
Comptable agrée
|
1
|
5 (+1 en cours)
|
Comptable généraux accrédités
|
6
|
(2 en cours)
|
Dentiste
|
2
|
1
|
Évaluateur agrée
|
0
|
0
|
Infirmière
|
373
|
4 (+2 en cours)
|
Ingénieur
|
0 - non en vigueur
|
7
|
Ingénieur forestier
|
0
|
0
|
Médecin
|
64
|
33
|
Opticien
|
32
|
0
|
Pharmacien
|
6
|
1
|
Physiothérapeute/ thérapeute en réadaptation
physique
|
0 - non en vigueur
|
Non en vigueur
|
Sage-femme
|
2
|
0
|
Technicien dentaire
|
1
|
n.d.
|
Technologues en imagerie médicale et radio-oncologie
|
4
|
0
|
Technologiste médical
|
0
|
0
|
Technologue professionnel
|
0 - non en vigueur
|
n.d.
|
Travailleur social
|
35
|
2 (+4 en cours)
|
Urbanistes
|
4
|
n.d.
|
Total professions
|
624
|
118 (non compris 13 dossiers en cours)
|
Métiers hors construction
|
Autorisations légales
d'exercer émises au Québec
|
Autorisations légales d'exercer émises en France
|
Mécaniciens de machineries fixes
|
2
|
0
|
Pâtissiers
8(2)
0
59
Boulanger
|
2
|
0
|
Frigoriste
|
2(3)
|
1
|
Technicien de maintenance des systèmes
énergétiques et climatiques
|
2
|
0
|
Métier de l'eau potable
|
0
|
2
|
Total métiers hors construction
|
16
|
2
|
Métiers Constructions
|
Autorisations légales
d'exercer émises au Québec
|
Autorisations légales d'exercer émises en France
|
Briqueteur-maçon
|
1
|
1
|
Électriciens
|
11
|
0
|
Frigoriste
|
1
|
0
|
Mécanicien de chantier
|
1
|
0
|
Peintre
|
3
|
0
|
Charpentier-menuisier
|
0
|
1
|
Couvreur
|
0
|
1
|
Plombier
|
0
|
1
|
Total métiers construction
|
17
|
4
|
Métiers de l'automobile
|
Autorisations légales
d'exercer émises au Québec
|
Autorisations légales d'exercer émises en France
|
Débosseleurs
|
3
|
n.d.
|
Mécaniciens
|
12
|
n.d.
|
Mécaniciens de véhicules routiers lourds
|
3
|
n.d.
|
Peintres
|
2
|
n.d.
|
Total métiers de l'automobile
|
20
|
n.d.
|
Fonctions
|
Autorisations légales
d'exercer émises au Québec
|
Autorisations légales d'exercer émises en France
|
Assurances
|
0
|
n.d.
|
Valeurs mobilières
|
0
|
n.d.
|
Total fonctions
|
0
|
n.d.
|
GRAND TOTAL
|
677 autorisations légales d'exercer
émises au Québec 124 autorisations légales d'exercer
émises en France
|
60
Annexe II
Échelle de reconnaissance France-Québec
Professions/métiers/
|
Échelle de
reconnaissance Québec
|
Échelle de
reconnaissance France
|
Administrateur agréé
|
Automatique
|
Automatique
|
Agronome
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Architecte
|
Quasi-automatique
|
Quasi-automatique
|
Arpenteur géomètre
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Audioprothésiste
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Avocat
|
Quasi-automatique
|
Quasi-automatique
|
Chimiste
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Comptable agréé
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Comptable général accrédité
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Dentiste
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Évaluateur agréé
|
Quasi-automatique
|
Quasi-automatique
|
Infirmière
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Ingénieur
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Ingénieur forestier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Médecin
|
Conditionelle
|
Automatique
|
Opticien d'ordonnance
|
Conditionelle
|
Quasi-automatique
|
Pharmacien
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Physiothérapeute Thérapeute en réadaptation
physique
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Sage-femme
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Technicien dentaire
|
Automatique
|
Automatique
|
Technologue imagerie médicale et en radio-oncologie
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Technologue professionnel
|
Automatique
|
Automatique
|
Technologiste médical
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Travailleur social
|
Automatique
|
Automatique
|
Urbaniste
|
Automatique
|
Automatique
|
Boucher de détail
|
Automatique
|
Automatique
|
Boulanger
|
Automatique
|
Automatique
|
Briqueteur-maçon
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Carreleur
|
Automatique
|
Automatique
|
Charpentier-menuisier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Cimentier-applicateur
|
Conditionelle
|
Automatique
|
Couvreur
|
Conditionelle
|
Automatique
|
Débosseleur
|
Automatique
|
Automatique
|
Électricien (construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
61
Électricien (hors construction) (voir email pour le
nombre)
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Frigoriste (construction)
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Frigoriste (hors construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien d'ascenseurs (hors construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien d'automobiles
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de chantier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de machines fixes (classe A)
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de machines fixes (classe B)
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de machines fixes- production d'énergie-
classe 1
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de machines fixes- production d'énergie-
classe 2
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de machines fixes- production d'énergie-
classe 3
|
Conditionelle
|
Conditionelle
|
Mécanicien de machines fixes- production d'énergie-
classe 4
|
Automatique
|
Quasi-automatique
|
Mécanicien de machines lourdes
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de remontées mécaniques
|
Automatique
|
Automatique
|
Mécanicien de systèmes de chauffage (hors
construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
Monteur-mécanicien (vitriers)
|
Conditionelle
|
Automatique
|
Opérateur d'équipements lourds
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Opérateur de pelles mécaniques
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Pâtissier
|
Automatique
|
Automatique
|
Peintre
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Peintre d'automobiles
|
Automatique
|
Automatique
|
Plâtrier
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Plombier (construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
Plombier (hors construction)
|
Automatique
|
Automatique
|
Poissonnier
|
Automatique
|
Automatique
|
Poseur de revêtements souples
|
Conditionelle
|
Automatique
|
Poseur de systèmes intérieurs
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Serrurier de bâtiment
|
Quasi-automatique
|
Automatique
|
Soudeur
|
Automatique
|
Quasi-automatique
|
Quatre qualifications dans le domaine de l'eau potable
|
Automatique
|
Automatique
|
Six qualifications dans le domaine du gaz
|
Automatique
|
Automatique
|
|
|