1
SIGLES ET ABREVIATIONS
AC : Avis Consultatif
AFDI : Annuaire Français de Droit
International
AIEA : Agence internationale de l'énergie
atomique
BM : Banque Mondiale
CERDIA : Centre d'Etudes, de Recherche et de
Documentation
sur les Institutions Africaines
CIJ : Cour Internationale de Justice
CJCE : Cour de Justice de la Communauté
Européenne
CPJI : Cour Permanente de Justice
Internationale
CS : Conseil de Sécurité
FMI : Fonds Monétaire International
FUNU : Force d'Urgence des Nations-Unies
IMCO : Organisation Internationale Consultative
de la
Navigation Maritime
LGDJ : Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
MARC : Modes Alternatifs de Règlement des
Différends
OI : Organisation Internationale
OIT : Organisation International du Travail
OMS : Organisation Mondiale de la
Santé
ONUC : Opération des Nations-Unies au
Congo
ONU : Organisation des Nations-Unies
OSCE : Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en
Europe
RADIC : Revue Africaine de Droit International
et Comparé
2
RBSJA : Revue Béninoise des Sciences
Juridiques et
Administratives
Rec. CIJ : Recueil de la Cour Internationale
de Justice
SDN : Société des Nations
TAOIT : Tribunal Administratif de
l'Organisation International
du Travail
TANU : Tribunal Administratif des
Nations-Unies
TPIY : Tribunal Pénal International
pour l'ex-Yougoslavie
UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour
l'Education et la
Culture
UPU : Union Postale Universelle
URSS : Union des Républiques
Socialistes et Soviétiques
USA : United States of America
3
SOMMAIRE
INTRODUCTION 07
PREMIERE PARTIE : UNE FONCTION CONTRIBUTIVE ..
13
CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU
DROIT
INTERNATIONAL CLASSIQUE
|
14
|
Section I : Contribution au développement du droit
international général 14
Section 2 : Contribution au développement du droit des
organisations internationales... 25
CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE
LA SECURITE INTERNATIONALES
37
..............................................................
Section I : La pacification de la société
internationale . 37
Section 2 : La paix et la sécurité internationales
dans la jurisprudence de la Cour 44
DEUXIEME PARTIE : UNE FONCTION REVALORISABLE
55
CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION CONSULTATIVE
56
Section I : Une saisine moins généreuse 56
73
Section 2 : Une fonction consultative ombragée 64
CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION DE
LA
FONCTION CONSULTATIVE
Section I : Les pistes de la revalorisation .. 73
Section 2 : Une réforme incertaine 80
CONCLUSION . 87
4
INTRODUCTION
5
La Cour Internationale de Justice (CIJ) dont le siège
se trouve au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas)1,
héritière de la défunte Cour Permanente de Justice
Internationale (CPJI)2, occupe, contrairement à cette
dernière, une place non négligeable dans le système
général des Nations-Unies plus particulièrement dans le
rôle fondamental du règlement pacifique des différends. En
effet, la CIJ, bâtie sur les fonts baptismaux depuis 1946, est le fruit
d'un vaste courant de réformes et de modernisation du système
international vis-à-vis des fluctuations nouvelles qu'a connu et
connaît encore la société internationale depuis la fin de
la seconde guerre mondiale3. Sa mission consiste à
régler conformément au droit international les différends
d'ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et donner des avis
consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes ou
institutions autorisés à le faire4.
Continuité dans la rupture ou rupture dans la
continuité, il est souvent malaisé de prendre position quand il
s'agit de faire une étude comparée entre les deux plus grandes
institutions judiciaires étant surtout entendu que le remplacement de la
CPJI n'est en aucune façon synonyme de son désaveu ou de son
échec5.
La première position consiste à déceler
une certaine continuité entre les deux institutions judiciaires. Cette
continuité s'observe sur plusieurs plans. D'abord, s'agissant du
fonctionnement de la CIJ, l'article 92 de la Charte des Nations-Unies dispose
qu' « elle fonctionne strictement sur la base du statut de la Cour
Permanente de Justice Internationale ».En effet, la nouvelle Cour de
justice fonctionne strictement selon le modèle qu'a connu sa
devancière ; qu'il s'agisse de sa composition, de sa compétence
ou de la procédure suivie. Ensuite, comme pour la CPJI, la CIJ est une
institution permanente
1 Pour l'histoire, c'est dans ce palais, sous
l'initiative de Sa Majesté Wilhelmine, qu'a été tenue la
première conférence de la paix en 1899. Cette conférence
déboucha sur l'adoption d'un Traité qui prévoyait entre
autres, l'établissement, à La Haye, d'une cour permanente
d'arbitrage.
2 La Cour Permanente de Justice Internationale
créée depuis 1922 est l'aboutissement d'un processus
enclenché par la SDN (Société Des Nations). En effet,
selon l'article 14 de son statut « le conseil est chargé de
proposer un projet de la CPJI et de le soumettre aux membres de la
Société ». Le comité de juristes mis en
place à cet effet (10 membres) prépara un avant-projet qui fut
examiné par le Conseil le 28 octobre 1920 puis par l'Assemblée le
13 décembre 1920.
3 Pour plus de détails, cf. BENDJAOUI (M.), in
RADIC, « La place de la Cour internationale de justice dans le
système général de maintien de la paix institué par
la Charte des Nations Unies », septembre 1996, n°4, p. 542.
4Article 96 de la Charte des NU.
5 En effet, le remplacement de la CPJI se justifie
fondamentalement par des raisons d'ordre technique et politique, Cf. NGUYEN
QUOC DINH, DAILLIER (P.), PELLE (A.), Droit international public,
Paris, LGDJ, 2002, p. 525.
6
différente des autres institutions judiciaires à
caractère éphémère ou ad' hoc. L'avantage de ce
caractère permanent est qu'il permet de construire une certaine
constance de la jurisprudence6. On peut dès lors affirmer que
la CIJ a hérité d'une part belle du capital juridique de la
CPJI7.
La discontinuité, ensuite, est largement
évidente. D'abord, la CIJ, aux termes respectivement des articles 7 et
92 de la Charte des Nations-Unies, est d'abord un organe principal de
l'Organisation des Nations-Unies (ONU) et ensuite l'organe judiciaire principal
du système onusien. L'analyse montre clairement que, contrairement
à la CPJI qui n'était pas un organe de la SDN, la CIJ est
foncièrement attachée à l'ONU. Intégrée
pleinement à l'organisation et au fonctionnement des Nations-Unies, la
nouvelle Cour de justice se voit, en principe, aux côtés de
l'institution mère appelée à la réalisation de
l'objectif primordial du maintien de la paix. Ensuite, linéairement, la
politique judiciaire8 n'est strictement pas la même que celle
rencontrée dans le cadre de la CIJ. On justifie cela très souvent
par l'environnement juridico-institutionnel propre à chacune d'elle.
La création de la CIJ a suscité tant d'espoir
dans l'échafaudage d'un monde nouveau. Il est, en effet, peu opportun de
s'attarder sur les débats préliminaires qui ont
présidé à sa création. La toile de fond
était incontestablement « la création d'une
société internationale entièrement nouvelle, en
évolution constante vers le progrès, plus juste, plus
égalitaire, plus universelle, dont les membres devaient oeuvrer
activement et collectivement à l'avènement d'une paix
complète et durable »9. Cette paix était
justement la finalité de la création de la CIJ organe principal
et surtout comme organe judiciaire principal de l'ONU. Il n'est pas superflu de
relever que comme tel, la Cour est considérée comme un rouage
essentiel non seulement du mécanisme de règlement pacifique des
différends mis au point par la Charte, mais aussi du système
général du maintien de la paix.
6 Dans cette optique disait le professeur HEMBRO
(E). « Lorsqu'on a songé à constituer la CIJ, une
juridiction de caractère permanent, une des idées directrices a
été le souci d'assurer, par cette permanence même, la
constitution d'une jurisprudence, c'est-à-dire d'un corps de
décisions doté d'une certaine unité ». HEMBRO (E.),
la jurisprudence de la CIJ, Leyden, 1952, p. V.
7Cf. ARECHAGA (E. J.), « Commentaire de
l'article 92 de la charte des Nations Unies » in, COT (P.) et PELLET (A.),
Charte des Nations unies commentaire article par article, ECONOMICA,
Paris, 1991, p.349.
8 La politique judiciaire résume
l'activité d'une Cour de justice. On retrouve pour l'essentiel les
fonctions législatives des juges, la position des juges, la technique
d'interprétation des textes, la jurisprudence etc. Cf KOLB (Robert),
Interprétation et création du droit international, Esquise
d'une herméneutique juridique moderne pour le droit public,
Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 342 - 345.
9 Propos du Président de la CIJ, BENDJAOUI
(M.) lors de la cérémonie marquant les 50 ans de la cour en 1990
in RADIC, op. cit., p. 542.
7
Pour parvenir aux côtés des Nations-Unies
à préserver la paix mondiale, la Cour dispose de certaines
compétences aussi bien en matière contentieuse qu'en
matière consultative. Alors qu'en matière contentieuse, la Cour
est habilitée à trancher sur la base du droit international
général les différends entre Etats, en matière
consultative, la saisine de la Cour est l'apanage de certaines entités
seulement des Nations-Unies. En cette dernière matière, la
compétence de la Cour est strictement liée en ce qu'elle ne peut
répondre qu'aux questions qui lui sont posées par les organes et
institutions de l'Organisation.
La fonction consultative de la CIJ est encadrée par
l'article 96 de la Charte des Nations-Unies et par l'article 65 et suivants de
son statut situé dans le chapitre IV intitulé « Avis
consultatifs ». Si certains s'obstinent à admettre la conciliation
possible de la fonction consultative d'une Cour avec sa vocation d'origine
judiciaire10, il ne fait pas de doute qu'entre les deux fonctions,
il n'existe aucune dichotomie. Bien au contraire, l'avis consultatif contribue,
d'ailleurs efficacement, bien sûr, prononcé sur la base du droit
international, à résoudre, freiner une situation susceptible de
mettre en mal la paix mondiale. Cette pratique innovante existait
déjà dans certaines juridictions anglo-saxonnes et à la
Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique notamment au
Massachussetts11.
Le régime juridique des avis consultatifs est
caractérisé par le fait qu'ils sont dépourvus, en
principe, d'une force obligatoire ; leur portée est non contraignante.
N'étant pas un acte juridictionnel et ne possédant pas une force
obligatoire, l'avis consultatif s'analyse non comme une décision mais
comme une opinion de la Cour destinée à éclairer l'organe
qui la consulte12. Il appartient à l'institution ou à
l'organe international qui en fait la demande de décider par les moyens
qui lui sont propres de la suite à réserver à ces avis.
10 Certains auteurs ont émis des
réserves quant aux effets de la fonction consultative sur
l'intégrité judiciaire de la Cour. Si celle-ci prononçait
de simples opinions dont il serait loisible de ne tenir aucun compte, elle
risque de statuer prématurément en donnant son avis sur une
affaire qui pourrait ultérieurement lui être soumise par voie
contentieuse. Aussi, la Cour ne court-elle pas le risque de se transformer par
le biais des avis consultatifs en un conseiller juridique des organes de l'ONU
?
11 Créée depuis 1692, outre sa
compétence en matière d'Appel, la Cour suprême de
Massachussetts rend des avis sur demande du Gouverneur et de la Cour
générale sur diverses questions légales.
12 Il s'agit là d'un principe qui n'est pas
sans exceptions ; voir à cet effet, AC de la CPJI de 1923 sur les
décrets de nationalité, série B, n°4 entre la France
et le Royaume Uni ; AC de la CIJ du 23 octobre 1959 sur les jugements du
Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail (TAOIT) sur
requête de l'UNESCO. L'acte constitutif de certaines organisations
prévoit que les avis que la Cour émettra sur les questions
juridiques qu'elles lui soumettront auront une portée obligatoire. Voir
aussi la Convention sur les privilèges et immunités des NU ;
Convention sur les privilèges et immunités des institutions
spécialisées des NU ; l'accord de siège entre l'ONU et les
USA.
8
A la lumière de l'intérêt incontestable
qu'offrent les avis consultatifs de la Cour dans le cadre de la sauvegarde de
la paix universelle par la promotion et le respect du droit international, il
est opportun de mener des réflexions sur sa revalorisation face à
une société mondiale quasiment instable.
La fonction consultative de la CIJ joue-t-elle le rôle
qu'ont voulu lui confier les rédacteurs de la Charte eu égard
à son sous-utilisation actuelle ? Il semble que cette sous-utilisation
est en partie inhérente à l'organisation même de la Cour
notamment du point de vue de sa compétence et de la procédure
à suivre. Il ressort inévitablement que la Cour ne fait pas
preuve d'une grande générosité en matière de la
compétence à la saisir. Comment expliquer par ailleurs
l'hésitation des organes et institutions à saisir la Cour par
voie consultative malgré l'autorisation qui leur est accordée ?
Le caractère permanent de la Cour offre l'avantage de consolidation de
sa jurisprudence. A l'analyse de cette jurisprudence, peut-on affirmer que la
Cour par le biais des avis contribue d'une part, à la consolidation de
la paix et de la sécurité internationales, et d'autre part,
à l'édification du droit international ?
Il s'agit, somme toute, de se prononcer sur l'enjeu actuel de
la réforme de la Cour notamment en matière consultative face aux
exigences nouvelles qu'imposent les relations entre acteurs de la
société internationale. L'une des idées essentielles
serait sans nul doute la « décentralisation » de la
compétence à saisir la Cour en matière consultative.
L'inclusion d'autres acteurs dont le rôle au plan régional ou
même local est déterminant, constituerait une réelle
avancée.
Le travail n'a pas pour ambition de faire une étude
exhaustive de la fonction consultative de la Cour vu les difficultés que
cela représente mais de partir de simples constatations et analyse des
avis rendus par la Cour pour, d'une part, relever les apports et d'autre part,
faire ressortir les dysfonctionnements et proposer des pistes de
réflexion pour la revalorisation d'une fonction si importante.
La fonction consultative, il est vrai, ne suscite pas un grand
intérêt au point d'attirer l'attention des chercheurs. On en veut
pour preuve la rareté des études et ouvrages dédiés
au sujet. Les raisons sont entre autres le caractère non contraignant
des avis et sa très moindre sollicitation. Mais, ceci ne doit en aucun
cas mettre en sourdine l'intérêt qui s'y attache. Il est double.
D'abord, d'un point de vue institutionnel, l'organisation et le fonctionnement
de la
9
Cour en matière consultative permet de faire ressortir
les limites inhérentes à la Charte de l'ONU et au Statuts de la
Cour qui délimitent sa compétence. Sur un plan purement juridique
ensuite, la jurisprudence de la Cour en matière consultative, l'attitude
des juges et le droit appliqué sans omettre l'attitude des organisations
et des Etats vis-à-vis des avis de la CIJ, permettent de revenir sur les
points saillants de la fonction consultative de la CIJ à savoir la
sauvegarde de la paix mondiale par le canal de sa diplomatie
préventive13 et l'évolution du droit international.
L'étude sur le thème « Réflexions
sur la fonction consultative de la Cour internationale de justice » sera
abordée sous deux axes. Après avoir relevé les
contributions de la fonction consultative de la Cour dans le premier axe
(Première partie), nous analyserons dans le second, la
nécessité de sa revalorisation (Deuxième partie).
13 Selon l'ex Secrétaire
Général de l'ONU GHALI (B. B) (1992-1996), « La
démocratie préventive a pour objet d'éviter que les
différends ne surgissent entre partie, d'empêcher qu'un
différend existant ne se transforme en conflits ouvert et, si un conflit
éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible »
cf. Agenda pour la Paix, New-York, 1992.
10
PREMIERE PARTIE
UNE FONCTION CONTRIBUTIVE
Les débats préliminaires qui ont prévalu
à San Francisco font croire que c'est de haute lutte que la fonction
consultative de la CIJ a obtenu droit de cité dans la Charte des
Nations-Unies. La Cour, organe principal des Nations-Unies a toujours
considéré que sa mission était d'aider l'organisation dans
la réalisation des objectifs qu'elle s'est donnés à savoir
la sauvegarde de la paix par la soumission sans réserve au droit
international par tous les Etats membres.
La paix mondiale ne serait qu'un leurre si au sein de la
Communauté internationale il existe des Etats qui se situent dans des
zones de « non droit » au détriment d'autres Etats. La loi de
la jungle se renforcerait davantage s'il n'existe au sein de cette
Communauté internationale d'autorité ou d'organe habilité
à dire et faire respecter la règle de droit.
L'étude de la jurisprudence de la Cour en
matière consultative laisse apparaître une contribution
significative en matière de la consolidation du droit international
classique (Chapitre I) et de la sauvegarde de la paix universelle (Chapitre
2).
11
CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU
DROIT INTERNATIONAL CLASSIQUE
« Hors de l'empire du droit, l'humanité ne peut
atteindre ni la paix, ni la liberté, ni la sécurité qui
lui permettront de poursuivre le développement d'une
société civilisée »14.
La primauté du droit international15 doit un
devoir de gratitude aux avis de la CIJ. Les contributions des avis au
développement du droit international ont été
considérables en matière du droit international
général (Section 1) et en matière du droit des
organisations internationales (Section 2).
Section I : Contribution au droit international
général
La politique judiciaire de la Cour aux lendemains des
soubresauts mondiaux est empreinte d'une bonne dose du droit humanitaire et du
respect des droits de l'homme (Paragraphe 1). Le droit des traités par
ailleurs, a connu sous l'impulsion des avis de la Cour, guidés par les
vertus de paix, des avancées considérables (Paragraphe 2).
Paragraphe I : Développement du droit humanitaire
et des droits de l'homme
Le droit humanitaire ou jus in bello (A) et les droits de
l'homme (B) sont deux branches de droit complémentaires visant la
protection de la vie, de la santé, de la dignité de la personne
humaine mais, seulement, sous des angles différents.16
14 Propos tirés du discours prononcé
par son excellence M. AMARAl (D. F.), Président de l'Assemblée
Générale de l'ONU à l'occasion du 50ème
anniversaire de la CIJ, in RADIC, 1996, p. 6.
15 Certains nient l'existence même du droit
international ou du moins son effectivité en évoquant entre
autres la politique du standard (la politique dite de deux poids deux mesures)
qui traduit le respect sélectivement dosé du droit en fonction
des intérêts qu'ils suscitent ou des sympathies qu'ils
inspirent.
16 Le droit humanitaire s'applique dans des
situations de conflit ou de guerre, alors que les droits de l'homme visent la
protection de la personne humaine en tout temps. Aussi, s'il est possible de
mettre entre parenthèse certains droits de l'homme en certaines
circonstances (excepté le noyau dur des droits de l'homme : droit
à la vie, interdiction de la torture, des peines et traitement
dégradants et inhumains, l'esclavage, la non rétroaction de la
loi), il en va autrement en droit humanitaire qui n'admet aucune
dérogation. Conçu essentiellement pour des périodes
troubles, il n'est point possible aux parties en conflit de se soustraire
à ses obligations.
12
A- Le renforcement du droit humanitaire
Le droit humanitaire ou le jus in bello est une
branche du droit qui règlemente la manière dont la guerre doit
être conduite. Le droit humanitaire vise à limiter les souffrances
causées par la guerre, indépendamment des considérations
ayant trait à la justification ou aux motifs de la guerre. Il
protège les personnes qui ne participent pas ou plus aux
hostilités, les malades et les blessés, les prisonniers et les
civils, et définit les droits et les obligations des parties à un
conflit dans la conduite des hostilités. Ses obligations s'imposent aux
parties en conflit.
La substance de ce droit dont le but est d'humaniser la
guerre, se trouve compilée dans le droit de Genève et celui de La
Haye. On peut relever entre autre, la Convention de Genève relative au
traitement des prisonniers en période de guerre(1949) ; le Protocole
additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif
à la protection des victimes des conflits armés internationaux
(Protocole I).
La Cour internationale de Justice a eu l'occasion de mettre
l'emphase sur les contours du droit international humanitaire dans plusieurs de
ses avis consultatifs. Le développement retiendra essentiellement
certains de ces avis dont l'apport est jugé plus important.
Dans son avis de 1951 sur les réserves à la
convention sur le génocide17, la Cour a
réitéré son attachement aux valeurs cardinales du droit
humanitaire. Dans une interprétation téléologique de la
Convention litigieuse, la Cour, pour répondre à la question de la
licéité des réserves, s'est attardée sur le but
même de celle-ci. En effet, suivant le préambule de la Convention
sur le génocide, les Etats signataires se sont engagés à
« libérer l'humanité d'un fléau aussi odieux ».
A la lumière de la position de la Cour, on note, une condamnation sans
réserve du génocide défini comme un « crime du droit
des gens » impliquant le refus du droit à l'existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine et inflige de
grandes pertes à l'humanité18. Ainsi, toute
réserve dans le cadre de cette Convention, pour être licite ne
peut méconnaître le but et l'objet qu'elle s'est donnée
à savoir exclure définitivement le crime de génocide.
17Réserves à la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide, AC, 28
mai 1951, Rec. CIJ 1951.
18 Voir la Résolution de l'AG de l'ONU du 11
décembre 1946.
13
Le droit humanitaire n'a pas échappé à la
vigilance de la Cour dans la demande d'avis relative à la
licéité de la menace ou de l'utilisation effective d'armes
nucléaires introduite par l'AG de l'ONU19. Pour
répondre à la question de savoir s'il est permis en droit
international de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes
nucléaires en toute circonstance, la Cour a fait une large
référence aux textes et aux conventions qui régissent la
matière, notamment les conventions de Genève de 1864, de La Haye
de 1899 et 1907 sur les lois et coutumes de la guerre et celles de 1906, 1929
et 1949 qui visent la protection des victimes de la guerre et la sauvegarde des
membres des forces armées mis hors de combat et les personnes
étrangères aux hostilités20. De l'avis de la
Cour et suivant les règles et principes du droit humanitaire, il est
aujourd'hui incontestable que les Etats ou les belligérants n'ont pas un
droit illimité quant au choix des moyens de nuire à
l'ennemie21.Certains types d'armement ont ainsi fait l'objet
d'interdiction. On peut entre autres faire référence aux
projectiles explosifs d'un poids inférieur à 400 g, les balles
dum-dum et les gaz asphyxiants, les armes chimiques et bactériologiques,
les armes incendiaires, les mines anti-personnelles dont la Convention fut
amendée le 03 mai 1996. De tout ce qui précède et eu
égard aux conséquences dévastatrices de l'arme
nucléaire, malgré l'absence de texte ou de convention interdisant
d'une manière complète son recours ou son emploi, la Cour
à l'unanimité a retenu que : « La menace ou l'emploi d'armes
nucléaires devrait être compatible avec les exigences du droit
humanitaire ainsi qu'avec les obligations particulières en vertu des
traités et autres engagements qui ont expressément trait aux
armes nucléaires ».
On ne peut passer sous silence, l'avis de la Cour relatif
à l'édification de mur en territoire palestinien
occupé22. Saisie par l'AG de l'ONU par sa résolution
ES-10/14, la Cour devait répondre à la question libellée
comme suit « Quelles sont les conséquences de l'édification
du mur qu'Israël, puissante occupante, est en train de construire dans le
territoire palestinien occupé, y compris à l'intérieur et
sur le pourtour de Jérusalem Est ». La Cour, justifiant sa
compétence à répondre à l'avis sollicité, a
montré qu'en l'espèce, les arguments évoqués par
Israël pour justifier la légalité de son action ne
répondent aucunement aux exigences et
19Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, AC, 08 juillet 1996, Rec. CIJ 1996.
20 L'ensemble de ces conventions forme la substance
du droit humanitaire dont les principes cardinaux sont entre autres la
protection des civils et des biens à caractère civil, la
distinction entre combattants et non combattants et l'interdiction de causer
des maux superflus aux combattants par l'utilisation d'armes ou d'outils
largement disproportionnés.
21 Cf. article 22 du règlement de la Haye
de1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre.
22Conséquences juridiques de l'édification d'un mur
dans le territoire palestinien occupé, AC, 09 juillet 2004, Rec. CIJ,
2004.
14
principes du droit international23. Par contre,
précise la Cour, il s'agit simplement d'une violation fragrante et
intolérable du droit humanitaire applicable en période de guerre
et des droits de l'homme notamment le droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes et la protection des civils.
Il est important de relever que le droit international
humanitaire, malgré la consistance de ses dispositions actuelles
capables de régir les différentes facettes des conflits
armés, fait face à certains défis qui commandent son
évolution et sa clarification. Il s'agit entre autres de la
nécessité de la clarification des notions de conflit armé
(international, non international ou internationalisé), d'occupation
etc. et l'adaptation aux nouvelles armes et
technologies de guerre, aux actes de terrorisme. Aussi, le champ d'action de la
notion d'ingérence humanitaire (droit d'ingérence, ou devoir
d'assistance ou le principe du libre accès aux victimes) doit-il faire
l'objet d'une grande et nette précision eu égard aux
écarts constatés.
Ces différents défis relatifs au droit
humanitaire s'invitent de facto dans la sphère plus pointue du droit de
l'homme.
B- La consolidation des droits de l'homme
La Cour internationale de justice a eu l'occasion de mettre
l'emphase sur les droits de l'homme dans plusieurs de ses avis. Dans son avis
sur la réparation des dommages subis au service des
Nations-Unies24, outre l'aspect important de la personnalité
juridique objective de l'organisation à agir, la Cour n'a pas
manqué de revenir sur les aspects des droits de l'homme notamment le
droit à la protection reconnu à tout le monde ou le devoir de
protéger qui incombe non seulement aux Etats à l'égards de
leurs citoyens et même des étrangers résidants sur leur
territoire, mais aussi aux organisations internationales pour le compte
desquelles agissent les personnes employées. La Cour a mis l'emphase sur
l'obligation de cette protection internationale qui en pratique reste
partagée entre l'organisation au nom et pour le compte de laquelle
l'agent travaille et l'Etat hôte. Il n'y a pas de raisons pour qu'il en
soit
23 Israël pour justifier la
légalité de la construction du mur a évoqué deux
arguments. D'abord le droit naturel de légitime défense
prévu à l'article 51 de la Charte de NU. Cet argument pour
être recevable doit mettre aux prises deux Etats ; or l'Etat
l'Israël ne reconnait pas le territoire palestinien comme un Etat. Aussi
les mesures de riposte se révèlent largement
disproportionnés.
24Réparation des dommages subis au service des
NU, AC, 11 avril 1949, Rec. CIJ 1949. L'espèce est relative à
l'assassinat d'un diplomate suédois envoyé en Palestine par
l'ONU, M. Compte Folke Bernadote, par un groupe extrémiste
israélien à Jérusalem le 17 septembre 1948.
15
autrement. L'agent doit pouvoir compter sur la protection que
lui assure l'organisation qui l'emploie et non s'en remettre à la
protection de son Etat d'origine ce qui compromettrait son indépendance
contrairement au principe de l'article 100 de la Charte25. La Cour
souligne qu'il est essentiel que l'agent, qu'il appartienne à un Etat
puissant ou faible, à un Etat plus ou moins touché par les
complications de la vie internationale, à un Etat en sympathie ou non
avec sa mission, jouisse d'une protection pleine et totale.
La Cour dans cette lignée de protection des agents
internationaux a contribué
significativement en 1999, dans l'affaire relative à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme26, à la compréhension
de la notion d'agents internationaux plus spécifiquement celle d'expert
au service des Nations-Unies. Il ressort de l'espèce qu'en 1995, M.
Dato' Param Cumaraswamy, juriste malaysien, rapporteur spécial
nommé par la Commission des droits de l'homme chargée de la
question de l'indépendance des juges et des avocats, a accordé au
Journal International Commercial Litigations (Revue publié au
Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord et en Malaisie) une
interview commentant certaines affaires portées devant les tribunaux
malaisiens. Deux entreprises nationales estimant que ledit article contenait
des termes diffamatoires qui les avaient exposés au scandale, à
la haine et au mépris du public ont engagé des poursuites contre
le rapporteur spécial en réclamant des dommages. La question
posée à la Cour et pour laquelle elle devait répondre
prioritairement consistait à déterminer si les propos du
rapporteur pouvaient être considérés comme se rattachant
à sa fonction et donc couvert d'immunité. La Cour
répondant à la question a fait appel à la Convention sur
les privilèges et immunités des Nations-Unies adoptée par
l'Assemblée Générale en application de l'article 105 de la
Charte des Nations-Unies notamment en ses articles 22 et 2327. La
Cour retient alors
25 Cet article dispose que, « Dans l'exercice
de leurs devoirs, le Secrétaire Général et le personnel ne
sollicitent ni n'accepteront d'instructions d'aucun gouvernement ni d'aucune
autorité extérieure à l'Organisation. Ils s'abstiendront
de tout acte incompatible avec leur situation de fonctionnaires internationaux
et ne sont responsables qu'envers l'Organisation. Chaque membre de
l'Organisation s'engage à respecter le caractère exclusivement
international des fonctions du Secrétaire Général et du
personnel et à ne pas chercher à les influencer dans
l'exécution de leurs tâches ».
26 Différend relatif à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
commission des droits de l'homme, AC, 29 avril 1999, Recueil CIJ, 1999.
27 Article 22 et 23 de la Convention sur les
privilèges et immunités des Nations-Unies : « Les experts
lorsqu'ils accomplissent des missions de l'Organisation des Nations-Unies,
jouissent, pendant la durée de cette mission y compris le temps de
voyage, des privilèges et immunités nécessaires pour
exercer leurs fonctions en toute indépendance. Ils jouissent en
particulier des privilèges et immunités suivants :
immunité de toute juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par
eux au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et écrits).
Cette immunité continuera à leur être accordée
même après que ces personnes auront cessé de remplir des
missions pour l'Organisation des Nations-Unie etc. ».
16
l'applicabilité de la Convention citée à
M. Cumaraswamy et fait obligation au gouvernement malaisien à
transmettre l'avis aux tribunaux saisis de l'affaire pour qu'une suite
favorable soit donnée. La Cour affiche ainsi sa volonté à
défendre le respect scrupuleux des droits de l'homme.
Dans son avis sur les réserves sur la convention sur la
prévention et la répression du crime de génocide, la Cour,
pour admettre la validité des réserves formulées par les
Etats, a mis l'accent sur l'exigence de la conformité de celles-ci au
but de la Convention. Le but de la Convention, adoptée à
l'unanimité des Etats membres de l'ONU, consiste à
protéger la race humaine contre « un fléau aussi odieux
» et réprimer les auteurs de ces graves violations des droits
humains. Ainsi, ne seront acceptées que les réserves qui ne
contredisent pas, de quelques manières que ce soit, les principes et
buts de l'organisation résolue à favoriser le respect des droits
fondamentaux de l'homme, la dignité et la valeur de la personne humaine,
l'égalité entre nations et les personnes et maintenir la paix et
la sécurité collectives.
Eu égard aux menaces de paix voire sa rupture au
Moyen-Orient et au Congo dans les années 1960, des opérations de
rétablissement de paix ont été autorisées et
menées sous l'égide de l'Assemblée Générale
et du Conseil de Sécurité28. Seulement, les
dépenses autorisées à cet effet ont fait l'objet de vives
contestations. La Cour était sollicitée pour déterminer si
ces dépenses qui ont été autorisées pour couvrir
les frais de ces opérations constituent des dépenses de
l'organisation. Il était donc demandé à la Cour de se
prononcer sur la nature même de ces dépenses. La Cour dans son
avis, s'est fondée essentiellement sur le but poursuivi par ces
opérations à savoir le rétablissement de la paix en ces
régions dévastées par des crises à
répétition pour conclure qu'il s'agit bien évidemment des
dépenses de l'organisation et qu'il revenait à chaque Etat membre
de l'organisation de satisfaire aux exigences relatives à ses
contributions aux dépenses de l'organisation.
Les droits de l'homme ont été également
au premier plan dans l'avis de la Cour dans l'affaire relative aux
conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
territoire palestinien occupé du 09 juillet 2004.
28 Il s'agit des opérations de la force
d'urgence des Nations-Unies au Moyen-Orient (FUNU) et des opérations des
Nations-Unies au Congo (ONUC).
17
Malgré l'incorporation de ces différentes
règles dans des conventions par le biais de la codification, les
réserves dont elles font l'objet rendent complexe leur
interprétation et leur application.
Paragraphe 2 : Développement du droit des
traités
Les avis de la Cour ont apporté de véritables
contributions aux techniques d'interprétation des traités (A) et
aux conditions de validité des réserves émises par les
parties (B).
A- Les techniques d'interprétation des
traités
La question de l'interprétation des traités en
général en droit international public n'est pas
définitivement tranchée. La polémique gravite autour de la
compétence interprétative s'agissant des personnes ou organes
habiletés à le faire d'abord, et de la cohérence
même du droit qui l'abrite, le droit international public, ensuite.
Au plan des organes, il est patent qu' il n'existe pas en
droit international en général de hiérarchisation
d'organes ou de personnes pouvant imposer leur interprétation d'un
traité ou d'un accord à tous les acteurs contrairement au droit
communautaire qui a institué un organe supra centralisé et
autoritaire pouvant imposer son interprétation aux Etats membres, gage
d'unité et de l'autorité du droit communautaire29.
En droit international, on note une certaine
dispersion30 de la compétence à interpréter un
traité. Cette compétence est partagée entre trois
entités, acteurs de la vie internationale. Il s'agit d'abord des Etats,
acteurs fondamentaux des relations internationales, ensuite des organisations
ou organes internationaux et enfin des organes à vocation judiciaire.
S'agissant tout d'abord des Etats, ils disposent au nom de leur
souveraineté la compétence à donner un sens qui est le
leur aux engagements auxquels ils ont souscrit. Cette compétence leur
est inhérente. Seulement, et ce au nom du principe de la
souveraineté des Etats, cette
29 La Cour de Justice de la Communauté
Européenne (CJCE) s'est vue attribuer aux termes de l'article 177 du
Traité de Rome une compétence obligatoire en matière
d'interprétation des Traités. Son interprétation fait donc
autorité et s'impose à tous les Etats membres.
30 Cette dispersion, outre l'avantage qu'elle a de
contribuer à l'évolution du droit international, présente
l'inconvénient de générer des « conflits
d'interprétation et rend opaque la question de l'appréciation de
la validité constitutionnelle des actes des organes de l'organisation
» ; Cf. BEDJAOUI (M.), Nouvel ordre mondial et contrôle de la
légalité des actes du Conseil de Sécurité,
Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 22.
18
interprétation n'a de valeur supérieure à
celle d'un autre Etat. L'interprétation des Etats peut prendre des
formes diverses : elle peut s'illustrer soit par des déclarations ou des
attitudes contemporaines ou même postérieures à leurs
engagements, soit par des pratiques juridiques, de conduites ou de
comportements31.
Les organisations internationales ensuite, ont une
compétence interprétative non seulement des traités
auxquels elles sont parties mais aussi de leur charte constitutive. S'agissant
des traités auxquels elles ont souscrit, la compétence
interprétative des organisations internationales s'exprime le plus
souvent par voie de résolution. Ces résolutions constituent dans
la plupart des cas la position concertée des Etats membres servant ainsi
de solution à la dispersion des points de vue. Pour ce qui est des
traités constitutifs, le pouvoir interprétatif est encadré
par le principe de spécialité des organisations internationales.
C'est ainsi, qu'il arrive fréquemment qu'un Etat membre d'une
organisation s'estime ne pas se reconnaitre dans une résolution de cette
organisation parce qu'ayant excédé ses compétences
attributives32.
Pour pallier les contradictions d'interprétations
souvent rencontrées sur la scène internationale, les Etats et
organisations internationales procèdent le plus souvent par voie
d'interprétation concertée. L'interprétation qui en
découle fait autorité parce que provenant des parties ayant
elles-mêmes élaboré la règle en question. Cette
concertation peut se faire soit d'une manière authentique
c'est-à-dire formelle ou par des comportements des différentes
parties.
La compétence reconnue à des organisations
à vocation judiciaire d'interpréter des traités litigieux
est une sorte d'interprétation concertée en ce qu'il faut au
départ que les parties consentent leur soumettre le différend. La
CIJ s'est vue reconnaitre la compétence d'interpréter les
traités suivant les dispositions de l'article 36 alinéa a de son
statut. Mais si le principe est largement accepté en ce qui concerne les
traités bilatéraux et multilatéraux, la réticence
demeure grande s'agissant notamment de la compétence de la Cour à
se prononcer
31 Il faut relever que ces possibilités sont
déduites des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des
traités pouvant aider à élucider un traité
ombrageux. Cf. les articles 31 et suivants de ladite Convention.
32 Tel a été l'attitude de l'ex URSS
et d'autres pays socialistes par rapport à la résolution A/37/98
D du 13 décembre 1982 de l'AG confiant des pouvoirs d'enquête au
Secrétaire Général. La polémique a
été grande s'agissant de la résolution de l'AG 1583 (XV)
et 1590 (XV) du 20 décembre 1960 ; 1595 (XV) du 03 avril 1961, 1619N
(XV) du 21 avril 1961 et 1633 (XVI ) du 30 octobre 1961 relatives aux
opérations des NU au Congo entreprises en exécution des
résolutions du Conseil de Sécurité en date des 14 juillet,
22 juillet, et 09 aout 1960 et 21 novembre 1960 ainsi que les
résolutions de l'AG 1474 (ES-IV) du 20 septembre 1960.
19
sur le contenu de la Charte. Elle est encore plus accrue
s'agissant du contrôle effectué par la Cour sur les actes du
Conseil de sécurité pris suivant les dispositions de la Charte.
Les raisons évoquées sont entre autres, la crainte d'une
paralysie ou d'un retardement de l'action du Conseil33 et la crainte
de voir le Conseil enserrer dans un carcan juridique défini par la Cour
et incompatible aux fins politiques34.
La CIJ dans l'exercice de sa compétence
interprétative des traités s'inspire des modalités et
méthodes d'interprétation définies dans la Convention de
Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 (entrée en vigueur
le 27 janvier 1980). La Convention de Vienne en ses articles 31 à 33
définit la règle générale à suivre en
matière d'interprétation des traités et les
méthodes complémentaires lorsque l'application de la règle
générale se révèlerait insuffisante. Ainsi, suivant
l'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, «
Un traité doit être interprété de bonne foi suivant
le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur
contexte et à la lumière de son but ».
On note trois méthodes dans cette règle
générale d'interprétation des traités. D'abord, il
faut s'en tenir au sens ordinaire des dispositions du traité. A cet
effet, la CIJ dans son avis consultatif du 08 juin 1960 a déclaré
que « Les termes doivent être interprétés suivant leur
signification naturelle et ordinaire, selon le sens qu'ils ont normalement dans
leur contexte. C'est seulement si leurs termes sont équivoques qu'il
faut recourir à d'autres interprétations »35.
Ensuite, on peut faire recours au contexte d'élaboration du
traité. Le contexte selon la Convention de Vienne sur les traités
se résume au texte, au préambule et aux annexes inclus, les
accords ayant des rapports avec le traité en cause, et instruments
acceptés par les parties36.
33 « Si nous prenons chaque fois la décision de
renvoyer une question à la Cour avant de décider de prendre une
mesure quelconque, en définitive nous n'aurons jamais la
possibilité d'agir ». Cf. Conseil de Sécurité,
195ème séance, 26 aout 1947, p.2215 (sur la question
indonésienne).
34« Si nous nous enfermons dans ce cadre rigide, nous
trouverons sans doute fort gênant quand nous essayerons de
résoudre les problèmes d'un monde qui évolue très
rapidement » Cf. Conseil de Sécurité,
195ème séance, 26 aout 1947, p.2215 (sur la question
indonésienne).
35 Cf. « la composition du comité de
sécurité maritime de l'organisation intergouvernementale
Consultative de la navigation Maritime » CIJ, 08 juin 1960, Rec. CIJ 1960,
P.36 ; « Interprétation de la convention de l'OIT de 1929 sur le
travail de nuit des femmes » CPJI, avis n°50, 15 novembre 1932 «
le texte de l'article 3 considéré isolement ne soulève par
lui-même aucune difficulté : il est rédigé en termes
généraux exempts d'ambigüités ou d'obscurités
» ; « Interprétation de l'article 4 de la Charte » «
pour admettre une autre interprétation que celle qu'indique le sens
naturel des termes, il faut une raison décisive », CIJ, AC, du 28
mai 1948, Rec. CIJ 1948.
36 Voir CPJI, arrêt du 30 aout 1924, affaire
Mavrommatis « Pour examiner la question pendante devant la cour, à
la lumière des termes mêmes du traité, il faut
évidemment lire celui-ci dans son ensemble, et l'on ne saurait
20
Enfin, la Cour fait souvent recours au but de la convention ou
à l'effet utile du traité37.
Au rang des moyens complémentaires
d'interprétation des traités, on retrouve l'interprétation
du comportement des parties38, les travaux
préparatoires39 et les circonstances de conclusion du
traité.
La Cour très souvent, en matière
d'interprétation des traités, s'écarte de la question qui
lui a été posée si celle-ci se trouve être mal
formulée40, ou examine le contexte de la demande41
ou encore cherche à clarifier la question lorsque celle-ci est floue ou
vague42.
L'aspect épineux des réserves aux conventions,
pratique suivie souvent par les Etats au nom de leur souveraineté, a
fait aussi l'objet de clarification dans les avis de la haute Cour.
B- La validité des réserves aux
traités
Outre l'aspect de l'interprétation des traités,
la Cour s'est prononcée, par ses avis sur les réserves faites aux
traités, les objections faites à ces réserves et l'effet
de ces dernières.
Saisie par l'AG des NU le 16 novembre 1950, la CIJ devait se
prononcer sur non seulement la place des réserves faites par certains
Etats à la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide mais en même temps sur la portée des
objections faites à ces réserves.
Dans son avis du 28 mai 1951, la Cour, pour répondre
à la question libellée comme suit « l'Etat qui a
formulé la réserve peut-il être considéré
comme partie à la Convention aussi longtemps qu'il maintient sa
réserve si une ou plusieurs parties à la Convention font une
déterminer sa signification sur la base de quelques
phrases détachées de leur milieu et qui, séparées
de leur contexte, peuvent être interprétées de plusieurs
manières ».
37 Cf. Affaires minoritaires en Albanie, CPJI, avis
n°64 du 06 avril 1935, Rec. CPJI Série A/B 1935 ; Affaire de
l'interprétation des traités de paix du 2 février 1947,
CIJ, AC, 30 mars 1950, Rec. CIJ 1950.
38Affaire du Sud-ouest Africain, CIJ,
AC du 11 juillet 1950, Rec. CIJ 1950.
39Affaire du statut de la ville de
Memel, CPJI arrêt du 24 juin 1932, Rec. CPJI 1932, p. 249.
40Voir par exemple, Interprétation de l'accord
gréco-turc du 1er décembre 1926 (protocole final,
article IV), avis consultatif, 1928, C.P.J.I. série B no16.
41Interprétation de l'accord du 25 mars 1951
entre l'OMS et l'Egypte, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1980, p. 89, par.
35.
42Demande de réformation du jugement no 273 du
Tribunal administratif des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1982, p. 348, par. 46).
21
objection à cette réserve, les autres parties
n'en faisaient pas », a fait référence aux grands principes
qui gouvernent le droit des traités.
L'analyse de la question posée à la Cour
révèle qu'en réalité, il ne se pose pas de
problèmes majeurs sur le droit d'existence ou non des réserves
aux conventions. En effet, le débat sur ce point a presque perdu de
pertinence. Le souci de donner un plus grand champ d'effet aux traités a
conduit à accepter que les Etats puissent émettre des
réserves. La pratique observée dans les conventions
multilatérales confirme cette position. En l'espèce, on peut
admettre que c'est grâce justement à cette possibilité
reconnue, au nom de leur souveraineté, aux Etats que la Convention sur
le génocide a été approuvée à
l'unanimité.
Seulement, relève la Cour, la possibilité
d'émettre les réserves n'est pas sans limites. Certains Etats,
dans le cadre de cette affaire, ont évoqué la théorie
selon laquelle la souveraineté de chaque Etat lui donne la latitude de
formuler des réserves quelles qu'elles soient43. D'autres,
par contre, pour évincer le droit d'existence des réserves ont eu
recours à la théorie dite de l'intangibilité absolue des
traités44.
La Cour ayant examiné toutes ces théories,
retient qu'en réalité, c'est « La compatibilité de la
réserve avec l'objet et le but de la convention qui doit fournir le
critère de l'attitude de l'Etat qui joint une réserve à
son adhésion et de l'Etat qui estime devoir y faire une objection
».
S'agissant essentiellement de la question de l'effet des
réserves à l'égard des objections qui lui ont
été faites, la Cour rappelle toujours que c'est l'objet et le but
du traité qui déterminent la liberté d'apporter les
réserves et d'y objecter. Une fois donc que les réserves sont
émises, il revient à chaque Etat partie de la convention de juger
de la conformité ou non de cette réserve à l'objet et au
but de la convention. L'Etat qui reconnait la compatibilité de la
réserve aux fins du traité se trouve ipso facto lié par
cette réserve. Par contre, si un Etat émet une objection à
la réserve, il est évident qu'il ne serait pas lié, ne
serait-ce sur les clauses de la réserve avec l'Etat auteur de la
réserve.
43 Selon cette théorie dite de la
souveraineté absolue de l'Etat à émettre des
réserves, l'Etat partie ou qui veut faire partir à une convention
peut, au nom de sa souveraineté, y apporter à volonté
n'importe quelle réserve fut-elle destructive des fins que les parties
ont assigné à la convention.
44 Selon la théorie de
l'intégrité absolue des traités, toute réserve,
pour être acceptable, doit recevoir l'assentiment tacite ou exprès
de toutes les parties à la Convention.
22
La Cour devait également se prononcer sur l'effet des
réserves vis-à-vis d'un Etat qui n'a pas ratifié la
convention et de l'Etat qui a le droit de signer ou d'adhérer mais qui
ne l'a pas fait. Dans le cas d'un Etat signataire qui n'a pas encore
ratifié ou adhéré, l'objection ne produit qu'un effet
« d'avertissement » d'une future objection à la
réserve émise. L'objection dans ce cas ne produira d'effets
juridiques qu'à compter de la ratification du traité. Par contre,
par rapport à l'Etat qui n'a ni signé ni ratifié la
convention, les objections ne produisent aucun effet.
Outre le droit international classique, celui
spécifique aux organisations internationales45 a connu une
portée significative grâce à la fonction consultative de la
Cour qui non seulement le crée mais aussi le clarifie.
Section 2 : Contribution au développement du
droit des organisations internationales
Il est généralement admis que la Cour dans sa
fonction consultative est plus au service des organisations internationales.
Les avis de la Cour ont ainsi contribué de façon significative
à l'échafaudage du droit des organisations internationales. La
consécration historique de la personnalité juridique des
organisations internationales par la Cour (Paragraphe 2) a permis de renforcer
le principe de spécialité qui encadre leur champ d'action
(Paragraphe I).
Paragraphe I : Le principe de spécialité
des organisations internationales
Le principe de spécialité est un principe
fondamental en droit des organisations internationales46. Il permet
non seulement de définir les organisations en question mais aussi de les
identifier.
Le principe de spécialité47
évoque l'idée selon laquelle les organisations internationales
sont des sujets dérivés du droit international
créées pour atteindre des objectifs particulièrement
45 Certains auteurs par contre contestent une
éventuelle existence du droit des organisations internationales. Voir
sur ce point, Reuter (P.), Le développement de l'ordre juridique
international, Ecrits de droit international, Paris, Economica, 1995, p.
189-190.
46 Certains auteurs répugnent l'idée
d'existence du droit international propre aux organisations internationales.
Ils arguent qu'étant donné que chaque organisation dispose d'un
acte créateur qui lui est propre, définissant son organisation et
son fonctionnement, on se retrouve en présence de plusieurs droits des
organisations internationales. Il conviendrait de parler « des droits
des organisations internationales » que « du droit des
organisations internationales ». Cf. Reuter (P.), Le
développement de l'ordre juridique international, Ecrits de droit
international, Paris, Economica, 1995.
23
fixés par les Etats membres et que c'est la
réalisation de ces objectifs qui détermine l'étendue de
leur compétences (Avis consultatif CIJ 8/07/1996). Le principe de
spécialité clairement reconnu par la Cour internationale de
justice (A) a connu une évolution dynamique dans la jurisprudence de
celle-ci (B).
A- La reconnaissance du principe de
spécialité
Les organes principaux et institutions
spécialisées de l'ONU, aux termes de l'article 96 al.2 de la
Charte des Nations-Unies, ont compétence pour saisir la Cour pour
solliciter des avis consultatifs. A l'analyse de cet article, trois conditions
cumulatives sont requises pour fonder la compétence de la Cour à
donner un avis à la question que lui poserait une organisation
internationale. D'abord, l'institution dont émane la requête pour
avis doit être une organisation dûment autorisée,
conformément à la Charte, à demander des avis à la
Cour. Ensuite, l'avis sollicité doit porter sur une question purement
juridique. Enfin, cette question doit se poser dans le cadre de
l'activité de l'institution.
Si au demeurant, les deux premières conditions ne
posent pas de problèmes majeurs, la troisième condition fait elle
souvent l'objet de controverses eu égard à la multitude des
théories en présence.
C'est justement cette dernière condition qui a permis
à la Cour, dans sa fonction consultative d'exercer un contrôle sur
lesdites organisations et contribuer de ce fait à l'édification
du droit qui doit les régir. Il s'agit ici essentiellement du principe
de la spécialité. La Cour a eu à plusieurs reprises
l'occasion de mettre l'emphase dans ses avis sur le principe de
spécialité qui doit gouverner l'action des OI. Mais c'est dans
son avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi de l'arme
nucléaire qu'elle se fera beaucoup plus explicite. Saisie pour avis sur
la base de la résolution WHA46.40 de l'OMS, la question à
laquelle la Cour devait répondre est la suivante : « Compte tenu
des effets des armes nucléaires sur la santé et l'environnement,
leur utilisation par un Etat au cours d'une guerre ou d'un conflit armé
constituerait-elle une
47 Selon Chaumont (Ch.), « la
spécialité, trait commun de toutes les organisations
internationales, signifie donc l'affectation d'une structure à un but
d'intérêt commun, affectation qui implique la limitation de
compétences. Cette limitation s'étend au point de vue des Etats
membres de l'organisation », Chaumont (Ch.), « La signification du
principe de spécialité des organisations internationales »,
in Mélanges Rolin (H.), Problèmes
de droit des gens, Paris, Pedone, 1964, p. 58.
24
violation de ses obligations au regard du droit international
y compris la constitution de l'OMS ?».
A la question de savoir si l'organisation mondiale pour la
santé était fondée à saisir la Cour, après
analyse des règles pertinentes de l'organisation notamment sa
constitution48 et la pratique coutumière de l'organisation,
la Cour retient essentiellement « Qu'aucune desdites fonctions
n'entretient avec la question qui lui a été posée de
rapport de connexité suffisant pour que cette question puise être
considérée comme se posant dans le cadre de l'activité de
l'Organisation mondiale pour la santé». Il est important de relever
que de l'avis de la Cour, la question de l'OMS portait directement sur la
licéité de la menace et de l'utilisation de l'arme
nucléaire. Ceci explique parfaitement la position de la Cour lorsqu'elle
a accepté donner son avis sur pratiquement la même question
posée cette fois-ci par le Conseil de
sécurité49. Il s'agit de toute évidence d'une
interprétation restrictive du principe de spécialité.
L'organisation n'a de compétence que celles qui lui ont
été expressément reconnues par les Etats et contenues dans
le traité qui l'institue. La Cour estime que « La
licéité ou l'illicéité de l'utilisation d'armes
nucléaires ne conditionne en rien les mesures spécifiques, de
nature sanitaire ou autres qui pourraient s'imposer pour tenter de
prévenir ou de guérir certains de leurs effets. Que des armes
nucléaires soient utilisées licitement ou illicitement, leurs
effets sur la santé restent identiques ». De la sorte, l'OMS est
incompétente pour saisir la Cour pour avis sur la question
épineuse de l'utilisation ou du recours à l'arme
nucléaire.
Le principe de spécialité, pris sous l'angle
d'une interprétation stricto sensu, a été et même
continue de s'appliquer à des organisations et institutions. En
témoigne la prolifération d'organisations internationales avec
des spécifications précises50. Outre l'avantage de
l'efficacité des organisations internationales du fait de leur
spécialisation, le principe de spécialité contribue dans
une large mesure à éviter les chevauchements de
compétences entre elles.
48 Les fonctions de l'OMS sont résumées
en 22 points de a à v à l'article 2 de son traité
constitutif.
49 Dans sa résolution 49/75K, le Conseil de
Sécurité a saisi la Cour pour qu'elle se prononce sur la
licéité de la menace ou de l'utilisation de l'arme
nucléaire. Ici, contrairement à ce qui était retenu dans
le cas de l'OMS, la Cour a estimé que le Conseil était dans son
domaine de spécialité, savoir la recherche et le maintien de la
sécurité internationale, et donc pleinement recevable au
rôle de la Cour. Cf. Licéité de la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires, AC, 08 juillet 1996, Recueil CIJ 1996.
50 Voir sur ce point KPODAR (A.) « Le principe
de spécialité dans la définition des organisations
internationales », R.B.S.J.A, n°17, 2006, p. 59-61.
25
Mais le principe de spécialité a connu, sous
l'influence de plusieurs théories, un certain dynamisme dans son
interprétation et dans son application au point qu'il est, aujourd'hui
légitime de s'interroger sur sa réelle
portée51. La Cour n'a pas manqué de suivre cette
évolution.
B- L'évolution du principe de
spécialité
L'évolution du principe de spécialité est
marquée, à la lumière des avis consultatifs, par deux
éléments essentiels. Il s'agit tout d'abord de l'émergence
commandée de la théorie des pouvoirs ou compétences
implicites et, ensuite, au plan international de la nécessité
pour les Organisations internationales de sortir de leur carcan de textes, qui
les réduit en un état d'inaction face aux faits assez
bouleversants, au nom de leur responsabilité internationale.
S'agissant d'abord de la théorie dite des
compétences implicites, il est question d'une interprétation
extensive du principe de spécialité. D'origine
jurisprudentielle52, les compétences implicites,
opposées aux compétences d'attribution limitées aux textes
fondateurs de l'organisation, ne résultent d'aucun acte juridique
pertinent mais se déduisent des dispositions des textes constitutifs.
Le but visé en réalité par la
théorie des compétences implicites est de permettre justement
l'effectivité institutionnelle de l'organisation c'est-à-dire
permettre à l'organisation d'accomplir sa finalité53
lorsqu'il parait exister des handicaps d'ordre textuel, du fait du mutisme de
son acte constitutif, pour son action dans une situation donnée.
L'exemple de la pratique des institutions financières est assez
éloquent lorsque celles-ci subordonnent à l'octroi de leurs aides
aux Etats le respect scrupuleux des droits de l'homme et les principes de la
démocratie et de la bonne gouvernance54.
51KPODAR (A.), Op. cit., p. 60 - 61.
52 Les compétences implicites d'origine
jurisprudentielle (cf. Affaire Mc Culloc V/ Maryland de 1819 relative à
la répartition des compétences entre l'Etat fédéral
et les Etats fédérés), sous-tendent l'existence de
compétences au profit de l'organisation même si elles ne figurent
pas expressément dans les compétences à elle
attribuées dans l'acte constitutif. Leur déduction
nécessite une interprétation extensive des textes constitutifs.
Voir dans ce sens, Responsabilité pour les Etats des dommages subis au
service des NU, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949, p. 182 ; Certaines
dépenses des NU, AC, 20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962, p. 151.
53ROUSSEAU (Ch.), Droit international
public, Tome II, Paris, Sirey, 1974, pp. 453, 461.
54FIERENS (J.), « La
violation des droits civils et politiques comme conséquence de la
violation des droits économiques, sociaux, culturels », RBDI,
1999, p. 46-57.
26
La Cour a dans plusieurs de ses avis consultatifs reconnu au
profit de certains organes des Nations Unies l'existence de compétences
implicites. Dans son avis de 194955 s'agissant de la capacité
de l'ONU à présenter une réclamation internationale, la
Cour a relevé dans un premier temps que cette compétence
appartient initialement aux Etats et que même si la Charte n'a pas
reconnu cette compétence explicitement à l'organisation,
étant donné que la question de la personnalité juridique
n'est pas tranchée par les termes de la Charte, il s'est
avéré utile de considérer les caractères que
celle-ci a entendu donner à l'organisation. Dans cette démarche,
la Cour passant en revue les missions assignées à l'Organisation
par les Etats (article 1 p4 ; article 2 p5), retient « Qu'on doit admettre
que ses membres, en lui assignant certaines fonctions, avec des devoirs et les
responsabilités qui les accompagnent, l'ont revêtu de la
compétence nécessaire pour lui permettre de s'acquitter
directement de cette fonction » et conclu que « La compétence
de l'organisation à assurer une protection de ses membres est
nécessairement impliquée par la Charte »56.
Pour répondre à la question qui lui était
posée à savoir si certaines dépenses autorisées par
l'Assemblée générale étaient des dépenses de
l'organisation au sens du Paragraphe 2 de l'article 17 de la Charte des
Nations-Unies, et sans se cantonner dans la définition des concepts (il
était question du sens des dépenses, de certaines
dépenses, du budget etc.), la Cour a examiné le problème
général de l'interprétation de l'article litigieux
à la lumière de la structure d'ensemble de la Charte et des
fonctions assignées à l'Assemblée générale
et au Conseil de sécurité57 et est parvenue à
la conclusion selon laquelle « les dépenses doivent être
appréciées d'après leurs rapports avec les buts des
Nations-Unies, en ce sens que si une dépense a été faite
dans un but qui n'était pas l'un des buts des Nations-Unies, elle ne
saurait être considérée comme une dépense de
l'organisation »58. Etant donc donné que ces buts
tels
55Réparation des dommages subis au service
des Nations Unies, AC, 11 avril 1949, Recueil CIJ 1949.
56DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G.),
Bréviaire de jurisprudence internationale, les fondamentaux du droit
international public, Bruylant, Bruxelles, 2005, p. 236-237. « Comme
la commission européenne n'est pas un Etat, mais une institution
internationale pourvue d'un objet spécial, elle n'a que les attributions
que lui confère le Statut définitif, pour lui permettre de
remplir cet objet ; mais elle a compétence pour exercer ces fonctions
dans leur plénitude, pour autant que le Statut ne lui impose pas de
restriction » compétence de la Commission européenne de
Danube, AC, 1927, CPJI, Série B N° 14, p. 64.
57 Il a été soutenu devant la Cour
que dans les circonstances où il s'agit du maintien de la paix et de la
sécurité internationales, seul le Conseil est autorisé
à prendre une décision prescrivant une action et le pouvoir de
l'Assemblée Générale se bornant à discuter,
examiner, étudier et recommander, celle-ci ne peut pas imposer
l'obligation de couvrir des dépenses qui résultent de la mise en
oeuvre de ses propres recommandations.
58Certaines dépenses des Nations Unies, AC,
20 juillet 1962, Recueil CIJ 1962 ; DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G), Op. cit.,
p. 374-390.
27
que énoncés dans la Charte sont très
larges et illimités, il va s'en dire que les pouvoirs
conférés pour les atteindre revêtent également ce
caractère.
La Cour n'a pas manqué de relever l'existence de
compétences implicites dans l'affaire « Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie nonobstant la résolution 270 du Conseil de
sécurité »59 lorsqu'il a été
soutenu en l'espèce que le pacte de la SDN (article 22) ne
conférait pas au Conseil le pouvoir de mettre fin à un mandat en
raison d'une faute du mandataire et que les Nations Unies ne sauraient donc
exercer un tel pouvoir puisqu'elles n'ont pu hériter de la SDN de
pouvoirs étendus que celle-ci n'en avait. Elle retient qu'il «faut
voir avant tout dans l'ONU, successeur de la SDN, agissant par
l'intermédiaire de ses organes compétents, l'institution de
surveillance qui a compétence pour se prononcer, en sa qualité,
sur le comportement du mandataire à l'égard de ses obligations
internationales et pour agir en conséquence ».
La Cour a aussi et très souvent, face à
l'objection faite à sa compétence pour se prononcer sur des
questions et affaires qui lui sont soumises, évoqué cette
théorie de compétences implicites pour fonder sa
compétence.60
Mais, la théorie des compétences implicites n'a
pas été toujours retenue. L'espèce relative à la
menace ou à l'utilisation des armes nucléaires en est une
illustration. La Cour affirme que «Reconnaitre la compétence de
l'OMS de traiter de la question de la licéité de l'utilisation
d'armes nucléaires, équivaudrait à une négation du
principe de spécialité et une telle compétence ne saurait
en effet être considérée comme nécessairement
impliquée à la constitution de l'organisation au vu des buts qui
ont été assignés à cette dernière par les
Etats»61.
59 AC, Conséquences juridiques pour les
Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, 21 juin
1971, Recueil CIJ 1971.
60 En effet le caractère permissif de
l'article 65 permet à la Cour d'apprécier
discrétionnairement sa compétence à se prononcer par avis
sur certaines questions. Dans la plupart des cas, la Cour a toujours soutenu
qu'entend qu'organe judiciaire des NU, elle ne peut se refuser de se prononcer
sur des questions qui lui sont posées même si celles-ci n'ont
directement pas un aspect juridique, son avis peut concourir à
résoudre des aspects typiquement juridiques de certaines situations
complexes. Cf. Affaire du Statut de la Carélie Orientale, 23
juillet 1923, CPJI, Série B, n°5, p. 29 ; AC, interprétation
des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie,
1950, p. 72.
61Licéité de l'utilisation des armes
nucléaires par un Etat lors d'un conflit armé, AC, 08 juillet
1996, Recueil CIJ, 1996.
28
Le principe de spécialité a été
largement influencé par la nécessité faite aux
organisations internationales de mener certaines actions sur le plan
international sous peine de voir leur responsabilité engagée (du
fait de leur action ou même de leur inaction) à la lumière
des obligations du droit international. Si dans la première
hypothèse, il s'est agi d'une interprétation extensive du
principe de la spécialité, dans ce second aspect, la rupture se
révèle être beaucoup plus brutale62.
Les missions des organisations internationales issues de leur
acte créateur ou soit expressément ou simplement
impliquées induisent à leur profit la capacité à
être sujet de droit laquelle reste distincte de celle des Etats
fondateurs.
Paragraphe 2 : La personnalité juridique des
organisations internationales
La reconnaissance de la personnalité juridique des
organisations internationales, après une période de balbutiements
et d'hésitations a été consacrée par la CIJ dans
une décision récente hautement courageuse (A). Cette
consécration a contribué de façon significative à
la montée des organisations internationales sur la scène
internationale (B).
A- La reconnaissance de la personnalité juridique
des organisations internationales
Les organisations internationales63 sont un
regroupement d'Etats indépendants et souverains. C'est une entité
autonome des Etats à l'origine de laquelle se trouve la volonté
de coopérer à la réalisation d'un objectif
déterminé inscrit dans son acte constitutif. Ce
sont en principe des sujets dérivés du droit international public
en ce sens qu'elles ne doivent leur existence qu'à la volonté
commune des Etats qui les composent. Il est donc évident qu'au
départ, seuls les Etats, sujets principaux du droit international
public, bénéficient de la personnalité
juridique64.
62 Voir dans ce sens, KPODAR (A.),
op. cit., p. 57-70.
63 Selon l'article 1er de la Convention
de Vienne sur la représentation de l'Etat et sur les relations avec les
organisations internationales du 14 mars 1975, « L'organisation
internationale s'entend d'une association d'Etats constituée par un
traité, dotée d'une constitution et d'organes communs, et
possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats
».
64 La personnalité
juridique s'entend en une compétence entrainant une autonomie d'action.
On comprend aisément pourquoi les Etats ont très tôt
manifesté une farouche réticence à la reconnaissance de la
personnalité juridique au profit des OI.
29
Même si aujourd'hui les débats ne sont pas
totalement tranchés s'agissant essentiellement de son contenu et de son
volume, la reconnaissance de la personnalité juridique des organisations
internationales, fait aussi bien au sein de la doctrine que dans l'ensemble de
la jurisprudence l'objet d'un large consensus.
Cette reconnaissance, dont les prémisses étaient
déjà ressenties avec la SDN puis la CPJI, a été
explicitement consacrée par la CIJ en 1949 dans l'affaire relative
à la compétence de l'organisation (ONU) à réclamer
réparation du fait des dommages subis. En l'espèce, pour
répondre à la question de savoir si l'organisation a une nature
qui comporte la qualité pour présenter une réclamation
internationale, la Cour devait répondre indirectement à la
question de la personnalité juridique de l'organisation. Il faut
rappeler que la question n'est pas tranchée par les termes mêmes
de la Charte. La haute Cour, pour retenir cette personnalité juridique
internationale de l'organisation, a considéré les
caractères qu'a voulu lui donner la Charte. Elle a fait appel à
deux principes à savoir celui de la spécialité et celui
des compétences implicites.
S'agissant d'abord du principe de spécialité des
OI, la Cour a examiné les missions et les fonctions assignées
à l'organisation. Entre autres attributions de l'organisation on peut
faire ressortir le maintien de la paix et de la sécurité
internationale (mission à caractère large), la réalisation
de la coopération internationale en matière économique,
sociale, intellectuelle et humanitaire (cf. article 1 de la Charte de l'ONU).
En plus des missions de l'ONU, la Cour a joint son organisation interne. A la
lumière des missions assignées à l'Organisation par les
Etats, la Cour en vient à la conclusion selon laquelle, l'organisation
n'étant pas simplement un centre où s'harmoniseraient les efforts
des Nations, elle a besoin pour pouvoir exercer les missions qui lui sont
confiées de posséder une capacité juridique
internationale.
Ce faisant, la Cour lie intimement le principe de
spécialité à la personnalité juridique. En effet,
« le principe de spécialité caractérise la
personnalité juridique »65. Il s'agit d'une
personnalité fonctionnelle66. C'est à la
lumière des missions confiées à l'organisation que non
seulement se défini les limites de ses compétences mais aussi la
légalité de ses actions. La Cour estime donc que «
L'organisation était destinée à exercer des fonctions et
à jouir des
65KPODAR (A.), « Le principe de
spécialité dans la définition des organisations
internationales », op. cit., p. 53. 66Nguyen
Quoc Dinh, Daillier (P.) et Pellet (A.), « Les
privilèges et immunités des Organisations internationales
d'après les jurisprudences nationales depuis 1945 », AFDI, 1957, p.
593.
30
droits qui ne peuvent s'expliquer que si elle possède
une large mesure de personnalité juridique internationale et la
capacité d'agir sur le plan international. Elle ne peut en toute logique
répondre aux intentions de ses fondateurs si elle était
dépourvue de la personnalité juridique ».
Dans la même logique et pour affirmer son postulat, la
Cour déduit, par le biais de la méthode d'interprétation
extensive incluant le but et l'objet du texte constitutif, implicitement
l'existence sans conteste de la personnalité juridique au profit de
l'organisation. Elle affirme qu'on« doit admettre que ses membres (les
Etats) en lui assignant certaines fonctions avec des devoirs et les
responsabilités qui l'accompagnent, l'ont revêtu de la
compétence pour lui permettre de s'acquitter directement de ses
fonctions ». Dans cette même lignée, affirme Pierre Marie
Dupuy qu'il « existe en droit international une présomption de
personnalité juridique au bénéfice des organisations
internationales. Cette présomption n'est cependant pas
irréfragable et doit être confirmée par l'examen des termes
de la charte constitutive de chacune d'entre elle »67 peu
importe, selon M. Yassen68 « que celle -ci soit implicitement
insérée dans l'acte constitutif, il suffit qu'il l'implique
».
La personnalité juridique reconnue doit faire l'objet
de précision. D'abord, elle reste purement fonctionnelle en ce sens
qu'elle s'exerce dans le cadre de ses attributions alors qu'elle reste pleine
et entière pour les Etats. Ainsi, l'organisation n'étant pas un
Etat, elle ne possède guère les mêmes droits et devoirs
qu'un Etat. Ensuite, la personnalité juridique de l'organisation ne fait
pas d'elle un « super-Etat » disposant d'un absolu pouvoir sur les
Etats. En effet, la reconnaissance de la personnalité juridique signifie
que « l'organisation est un sujet de droit international, qu'elle a la
capacité à être titulaire de droits et devoirs
internationaux et qu'elle a la capacité à se prévaloir de
ses droits par voie de réclamations internationales
»69.
67DUPUY (P. M.), Droit international
public, Paris, Dalloz, 1995, p. 179. C'est aussi la position de
l'école d'accès inductif qui lie la personnalité juridique
des organisations internationales à la volonté des Etats membres
exprimée dans l'acte constitutif ; voir dans ce sens BOWET (D.
W), The internationals institutions, London, 1970, p. 303-304 ;
YASSEN (M.) « La personnalité juridique a pour fondement,
d'après le droit international, l'acte constitutif qu'exprime la
volonté des Etats qui créent une organisation internationale
» ; BROWNILE (I.), Principles of public international law,
Oxford, 1973, p. 520.
68YASSEN (M.), op. cit., p. 54.
69DISTEFANO (G.) et BUZZINE (P. G.), Op. cit., p.
237.
31
La personnalité juridique reconnue aux organisations
internationales leurs permet, sur la scène internationale, de jouer un
rôle non négligeable aux côtés des traditionnels
sujets de droit international.
B- Les implications de la personnalité juridique des
organisations internationales
La personnalité juridique des organisations
internationales entraine certaines conséquences dans leurs actions sur
le plan interne et international. Ces conséquences pour l'essentiel se
résument en des compétences reconnues à l'organisation.
S'il est indéniable que la personnalité
juridique des organisations internationales se déduit de l'ensemble de
ses attributions et missions et donc de ses compétences, le raisonnement
contraire n'est pas réfutable. On peut faire aussi la lecture selon
laquelle les compétences des organisations internationales sont une
conséquence immédiate de cette personnalité juridique. Les
compétences, explicites c'est-à-dire mentionnées dans le
texte constitutif ou implicites c'est-à-dire déduisables en cas
de silence du texte constitutif des organisations internationales se
manifestent par des actions aussi bien au plan interne qu'international. La
personnalité juridique interne de l'organisation, toujours
fonctionnelle, varie suivant les organisations. Elle se manifeste le plus
souvent par l'acquisition de biens meubles et immeubles lors de sa constitution
sur le territoire d'un Etat. Cette constitution se matérialise dans bien
de cas par la signature d'un accord de siège avec l'Etat hôte.
L'organisation a également des compétences normatives se
traduisant par la rédaction de règles techniques ou
financières nécessaires à son bon fonctionnement.
La personnalité juridique internationale des
organisations internationales leur permet de mener certaines actions de grande
importance. D'abord, la personnalité juridique donne aux organisations
internationales le droit de créer des actes juridiques dans leur domaine
de compétence. Il s'agit de la capacité à prendre des
actes unilatéraux comme des résolutions (ayant juridiquement
force obligatoire) et des recommandations (si la décision ne constitue
qu'une simple invitation)70 et des traités.
Sur ce dernier point, les points de vue au sein de la
70 Cette distinction entre
résolution et recommandation a été proposée par
certains auteurs comme critère de classification des OI. Mais il
n'apparaît pas assez déterminant en ce qu'il fera tantôt
d'une organisation un organe consultatif tantôt un organe normatif ou
encore exécutives « selon qu'elles ont ou non le pouvoir de prendre
des résolutions obligatoires pour leurs membres et peuvent ou non
assurer elles-mêmes l'exécution de leurs décisions »
cf. KOUASSI (E. K.), Cours d'institutions internationales,
Lomé, CERDIA, p. 106-107.
32
doctrine ne sont pas unanimes. Pour le premier courant, la
capacité des organisations internationales à conclure des
traités est une conséquence de leur personnalité
juridique. Selon cette école dite d'accès objectif, le droit de
conclure des traités n'est rien d'autre qu'une expression du fait que
les organisations internationales disposent de la personnalité juridique
car s'il a été instauré que l'organisation internationale
est un sujet de droit international, elle est alors ipso facto titulaire de la
capacité à conclure des traités et il serait illogique que
celle-ci, en tant que participant des relations internationales, soit
privée du droit de confirmer et d'exprimer sa personnalité par la
conclusion des traités avec d'autres sujets.71 Cette
conception est critiquable sur le point qu'elle positionne les organisations
internationales au même diapason que les Etats72 et qu'elle
tend à universaliser cette compétence à toutes les
organisations à caractère général73.
Pour la seconde école, la capacité des
organisations internationales à conclure des traités ne peut se
comprendre que comme étant une preuve de leur personnalité
juridique. La Cour Internationale de Justice en déclarant que « la
pratique, surtout au point de vue de la conclusion des conventions dont la
partie contractuelle est l'ONU, confirme sa personnalité juridique
internationale »74 s'inscrit indiscutablement à
l'école de déduction inductive de la capacité à
conclure des traités comme preuve de la personnalité
juridique.
Pour la troisième école, il n'existe aucun lien
nécessaire entre la personnalité juridique et la capacité
de conclure des traités ; elle les considère comme les
catégories indépendantes75. Quoiqu'il en soit, le lien
entre la capacité juridique des organisations internationales à
conclure des traités internationaux et leur personnalité
juridique ne peut pas être sérieusement nié.
Par ailleurs la personnalité juridique des
organisations internationales leur donne la capacité de faire des
réclamations internationales (même si celle-ci n'a pas fait
l'objet de reconnaissance explicite par la Charte) dans le cadre des dommages
propres (directement
71 Voir dans ce sens, P. Reuter, Les institutions
internationales, Paris, 1956, p. 232.
72 En principe si les Etats possèdent ex
iure proprio cette compétence, les organisations internationales ne
l'acquièrent qu'ex consenso c'est-à-dire par la conjonction des
volontés des Etats exprimées dans l'acte créateur.
73 Il se révèle que dans la pratique
la capacité des organisations n'est pas identique ; tout est question du
contenu de son texte constitutif. Voir Kasme (B.), La capacité de
l'Organisation des Nations Unies de conclure des traités, Paris,
1960, p. 25
74 CIJ, Recueil 1949, pp. 174 et 179.
75 Pour cette école, la capacité de
conclure des traités des organisations est donnée aux
organisations internationales par la force des règles du droit
international général.
33
causés à son patrimoine) ou des dommages
indirects (causés à l'un des agents de l'Organisation). Il est
important de relever, comme la Cour l'a d'ailleurs fait, que
l'opposabilité (notamment à un Etat tiers) de cette
compétence n'est pas la même pour toutes les organisations
internationales. Ainsi à l'exception de l'ONU qui possède une
personnalité internationale objective, les effets de la
personnalité internationale des autres Organisations internationales ne
concernent pas les Etats tiers.
Les attributions de la Cour internationale de justice
répondaient à l'ultime souci de contribuer à la
préservation de la paix et de la sécurité internationale.
Dans ce sens, les avis ont apporté une contribution significative.
34
CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA PAIX ET
DE LA SECURITE INTERNATIONALES
La recherche de la paix et de la sécurité
internationales est l'un des objectifs principaux des Nations-Unies et c'est
d'ailleurs la raison fondamentale de l'existence de l'organisation mondiale.
L'organisation et le fonctionnement76 du système onusien sont
élaborés de manière à parvenir à la
réalisation de cet objectif. La CIJ occupe dans cette mission de
pacification de la Société internationale une place de
référence (Section I). Sa contribution en la matière est
assez éloquent (Section 2).
Section I : La pacification de la société
internationale
La CIJ en tant qu'organe judiciaire principal des
Nations-Unies joue un rôle déterminant dans la quête de la
paix et de la sécurité internationales (Paragraphe I). C'est fort
de ce rôle que la Cour, en cas de litispendance, ne se laisse pas
empiéter par le Conseil de sécurité de l'ONU (Paragraphe
2).
Paragraphe I : Une mission attributive de la Cour
La mission de la Cour en matière de paix et de la
sécurité internationales se déduit d'abord de sa
qualité d'organe judiciaire principale des Nations-Unies (A) et ensuite
du fait que sa saisine se situe dans le cadre des modes de règlement
pacifique des différends (B).
A- La Cour, organe judiciaire principal des
Nations-Unies
Le système des Nations-Unies en matière de paix
et de la sécurité internationales est en réalité
complexe. Il met en place des organes principaux d'une part et des organes
subsidiaires d'autre part. Alors que les premiers sont des organes
créés et désignés comme tel par l'acte constitutif,
les seconds sont ceux dont la création résulte de la
volonté des organes principaux à la lumière des
circonstances et des nécessités du moment.
76 Les différents organes principaux et
organes spécialisés ont chacun un rôle à jouer pour
la sauvegarde de la paix dans le monde. De ce fait, leurs actions non seulement
sont encadrées mais aussi doivent se loger dans la dynamique de
collaboration ou de complémentarité.
35
Les organes principaux jouent un rôle fondamental dans
le système de fonctionnement mis en place à San Francisco. Ces
organes à la lecture des dispositions de la Charte sont régis
essentiellement par quatre (4) principes cardinaux. D'abord, le principe de
spécialité fait référence à la mission
particulière confiée à l'organe ou à un faisceau de
tâches auxquelles correspondent des moyens et pouvoirs explicites ou
implicites. Le principe d'égalité, ensuite, sous-tend qu'il
n'existe en principe aucune subordination entre les différents organes
et donc que chaque organe jouit d'une parfaite autonomie. Le principe de
compétence résulte du principe de spécialité et
d'égalité et fonde la compétence de l'organe dans un
domaine bien déterminé. Enfin, le principe de coordination dont
la finalité est de permettre l'atteinte des objectifs globaux de
l'organisation. C'est l'Assemblé générale qui joue le
rôle de coordination en vertu de sa compétence
générale prévue à l'article 12 de la Charte.
La mission générale confiée à
chaque organe principal de l'organisation est de concourir au « maintien
de la paix et de la sécurité internationales ». De ce fait,
la CIJ participe d'une manière indiscutable et fondamentale à la
réalisation de cet objectif.
En effet, contrairement à la CPJI dont la mission
était, conformément à son environnement
juridico-institutionnel, le rétablissement de la paix et qui
n'était pas intégrée à la SDN, la CIJ suivant les
dispositions de l'article 7 de la Charte, fait partie intégrante de
l'organisation mondiale. De ce fait, elle apparaît comme un rouage
essentiel non seulement du mécanisme de règlement pacifique des
différends mis au point par la Charte mais aussi du système
général du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. La Cour ne peut se départir de
cette fonction. L'article 92 en faisant d'elle « l'organe
judiciaire principale » de l'organisation, met l'emphase non seulement
sur ses activités purement judiciaires, mais aussi sur le
caractère d'indépendance dont elle jouit à l'égard
de tous les autres acteurs de la vie internationale.
Par ailleurs, l'organisation et le fonctionnement de la Cour
sont assez d'éléments prouvant son attachement à la
mission de sauvegarde de la paix aux côtés et conjointement avec
d'autres organes. La Cour ayant pour mission de dire le droit dans
l'intérêt de la paix prend en considération tous les
aspects du litige et ne se borne nullement à une application «
aveugle » du droit. On peut citer en exemple la prise en compte de
l'équité qui constitue une méthode
36
d'interprétation du droit77. La Cour a su
faire preuve d'impartialité de ses juges et du souci constant de paix
qui l'anime en excluant toutes considérations des parties qui se
remettent à sa juridiction78. La composition de la Cour
précisée à l'article 9 de son statut est en outre un gage
indiscutable du souci permanant de paix entre les nations.
La Cour n'a jamais hésité d'affirmer dans
plusieurs de ses arrêts et avis son attachement à la paix et
à la sécurité internationale. Dans son avis de 2004 sur
l'édification du mur en Palestine par exemple, elle affirme être
« soucieuse d'apporter son soutien aux buts et aux principes inscrits dans
la Charte des NU, en particulier le maintien de la paix et de la
sécurité internationales et le règlement pacifique des
différends »79.
B- La saisine de la Cour comme moyen de règlement
pacifique des différends
L'ensemble des Etats présents à San Francisco,
animés par le souci principal du maintien de la paix, ont défini
un système pour parvenir à cette fin. L'un des moyens mis en
place pour la sauvegarde, la consolidation et le rétablissement de la
paix est le règlement pacifique des différends organisé au
chapitre VI de la Charte.
Le principe de règlement pacifique des
différends intimement lié à l'interdiction formelle
énoncée à l'article 2 paragraphe 4 de la Charte suivant
laquelle « Les membres de l'Organisation s'abstiennent dans leurs
relations internationales de recourir à la menace ou à l'emploi
de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de tout Etat soit de toute autre manière
incompatible avec les buts des Nations-Unies ». Cette interdiction
formelle faite aux Etats de ne recourir à la force dans leurs rapports
ne souffre d'aucune exception seulement en cas de légitime
défense qui reste d'ailleurs bien encadrée (article 51 de la
Charte).
L'obligation de régler pacifiquement les
différends, corollaire de l'interdiction de recourir à la force,
revêt un caractère largement impératif. Elle est clairement
affirmée à l'article 2 paragraphe 3 de la Charte qui dispose que
« Les membres de l'organisation règlent leurs
77 Cf. Affaire de la délimitation maritime et
questions territoriales, Qatar contre Bahreïn, 1994.
78 Cf. Affaire Activité militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, 27 juin 1986.
79 Cf. Avis 2004, Conséquences juridiques de
l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, 09
juillet 2004.
37
différents internationaux par des moyens pacifiques, de
telle manière que la paix et la sécurité internationales
ainsi que la justice ne soient pas mis en danger » et à l'article
33 qui énumère les différents moyens de règlement
pacifique des différends auxquels peuvent recourir les Etats. La
Déclaration de Manille relative aux principes de droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats
votée par l'Assemblée générale des NU le 24 octobre
1970 se fait plus incisive : « Tous les Etats doivent régler leurs
différends internationaux avec d'autres Etats par des moyens pacifiques,
de telle manière que la paix et la sécurité internationale
ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».
Il faut remarquer que la Charte en faisant obligation aux
Etats de régler pacifiquement leurs différends, ne laisse
paraître aucune injonction ou préférence à un mode
de règlement donné. Il existe en la matière une
liberté de choix laissée à la discrétion des
protagonistes. Même le Conseil de sécurité qui a
compétence à inviter les parties à régler
pacifiquement leurs différends doit éviter de faire, selon le
professeur SUR S. « de l'aiguillage politique »80 entre
les moyens de règlement. Etant donné que chaque mode de
règlement pacifique des différends a ses vertus propres, non
seulement d'un point de vue intrinsèque mais aussi au regard de chaque
situation particulière, il est normal, que la Charte en faisant
obligation aux Etats d'y recourir n'en impose aucun.
L'article 33 n'établit d'ailleurs aucune
hiérarchie entre les différents modes de règlement
pacifique des différends. Les parties sont donc libres de recourir soit
aux modes dits politiques (négociation, médiation, conciliation),
soit aux modes juridictionnels (arbitrage81, saisine de la Cour), ou
encore faire appel au régionalisme (accords régionaux).
Le recours à la Cour comme mode juridictionnel de
règlement pacifique des différends fait d'elle un rouage
essentiel dans la sauvegarde de la paix et de la sécurité
internationales. La Cour, par ses arrêts et avis, contribue d'une
manière significative à la consolidation de la paix. Ceci se
déduit à la lumière de sa jurisprudence. Mais ce
rôle important que jouent les avis dans la sauvegarde de la paix a
été longtemps ignoré. Selon M.
BENDJAOUI82« Ce n'est en réalité
récemment que l'on a réellement pris conscience de l'impact que
les avis de la Cour
80 Voir, Combacau et SUR (S.),
Droit international public, Paris, Donnat, Montchrestien, 2001, p.
323.
81 A l'exception des autres procédés
qui peuvent être utilisés parallèlement, seul le recours
à l'arbitrage est soumis à l'échec d'un des modes
politique ou non juridictionnels.
82BENDJAOUI (M.) « La place
de la Cour internationale de justice dans le système
général de maintien de la paix institué par la Charte des
Nations Unies » RADIC, septembre 1996, N°3, p. 546.
38
peuvent avoir en matière de la paix, soit directement,
soit indirectement. Une question juridique pertinente posée en temps
opportun à la Cour, peut, de par la réponse qui est faite voire
par elle-même, s'avérer être un instrument efficace de
diplomatie préventive 83».
Le rôle de la Cour dans le maintien de la paix et de la
sécurité internationales ne souffre d'aucune contestation. Dans
la pratique, cependant, on constate que ce rôle est partagé avec
le Conseil de sécurité ce qui ne manque de soulever quelques
chevauchements.
Paragraphe 2 : Un rôle partagé en pratique
avec le Conseil de sécurité
Il ne fait pas de doute qu'en matière de maintien de
paix et de sécurité internationales, le Conseil de
sécurité jouit d'une certaine primauté vis-à-vis de
la CIJ comme à l'égard des autres organes principaux de
l'organisation (A). Cette prééminence n'exclut cependant pas la
possibilité d'action conjointe avec la Cour pour la sauvegarde de la
paix (B).
A- La prééminence du Conseil de
sécurité en matière de paix et de la
sécurité
Le Conseil de sécurité occupe dans le
système des NU une place incontestable et joue un rôle hautement
déterminant dans le cadre du maintien de la paix et de la
sécurité internationales. Son rôle et son autorité
ne peuvent être mis en cause. La Charte lui confère un rôle
de premier plan pour l'atteinte de l'objectif ultime que s'est donné
l'Organisation mondiale. Selon l'article 24 de la Charte, le Conseil de
sécurité a une responsabilité principale en matière
du maintien de la paix et de la sécurité
internationales84. Cette responsabilité a été
à plusieurs reprises confirmée par la CIJ dans ses
différents avis85.
Plusieurs dispositions de la Charte font apparaître
cette prééminence du Conseil de sécurité en
matière de paix et de la sécurité internationales. Ainsi,
suivant les dispositions de l'article 24 de la Charte, les décisions du
Conseil sont obligatoires et s'imposent aux Etats membres pour qui il est
mandataire. Le Conseil de sécurité se voit reconnaitre aussi un
certain nombre de
83« La diplomatie préventive a pour objectif
d'éviter que des différends ne surgissent entre les parties,
d'empêcher qu'un différend ne se transforme en conflit ouvert et,
si un conflit éclatait de faire en sorte qu'il s'étende le moins
possible » GHALI (B. B.), Agenda pour la paix, 2éd, NU,
1995, p. 64-66.
84KOUASSI (K. E.), Cours d'institutions
internationales, CERDIA, Lomé, p. 143 « Ce texte fait
expressément du Conseil l'organe mandataire de tous les Etats et lui
confère la responsabilité principale dans un domaine qui
pratiquement, constitue l'objet exclusif de toute l'action politique de
l'Organisation ».
85 Cf. Avis consultatif sur la construction du mur
en territoire palestinien occupé par Israël puissance occupante,
op. cit., Avis relatif à l'emploi ou à l'utilisation de l'arme
nucléaire (AG).
39
pouvoirs spécifiques dans l'accomplissement de ses
missions. En exemple, il a compétence à « élaborer
des plans en vue d'établir le système de règlement des
armements » (Article 26)86.
Dans le cadre du chapitre VI relatif au règlement
pacifique des différends, le Conseil de sécurité peut
inviter les parties à régler pacifiquement leurs
différends par des procédés pacifiques (sans pour autant
en imposer un des moyens) (article 33).
En cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et
d'acte d'agression, le Conseil de sécurité a le pouvoir
d'enquêter, de constater l'existence d'une menace contre la paix, d'une
rupture de la paix ou d'acte d'agression, prendre des mesures provisoires,
décider de recourir à la force pour faire rétablir la paix
(chapitre VII).
La prééminence du Conseil n'est pas absente dans
le cadre du régionalisme organisé au chapitre VIII de la Charte.
S'il est indéniable que la Charte attribue un rôle important aux
accords régionaux87, il n'est pas tout de même
contestable que ces derniers sont supplantés par la toute-puissance du
Conseil. Le Conseil conserve dans ce cadre des prérogatives qui lui sont
dévolues aux articles 34 et 35 de la Charte. Ainsi les organisations
régionales dans le cadre des accords régionaux ne peuvent
recourir à la force pour rétablir la paix que sur l'accord
exprès du Conseil de Sécurité88.
Le Conseil de Sécurité n'a pourtant pas le
monopole du maintien de la paix et de la sécurité mondiale. La
Cour y contribue significativement même en cas de litispendance.
86 Voir dans ce sens l'avis, Licéité de
la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, 08 juillet
1996.
87 La charte n'a pas donné de
définition expresse des accords régionaux. « Cette souplesse
permet à des groupes d'Etats d'intervenir pour régler une
question qui se prête à une action de caractère
régional et de contribuer également au maintien de la paix et de
la sécurité internationale » GHALI (B.B.) in COT (J. P.) et
PELLET (A.), Charte des NU commentée article par
article. Op. cit., KELSEN (H.) considère «
Qu'un accord régional en tant que pacte, est une association volontaire
d'Etats souverains d'une certaine aire ou ayant des intérêts
communs dans cette aire avec des buts communs qui ne soient pas de nature
belliqueuse en rapport avec cette aire ». Selon le dictionnaire de droit
international Public, l'accord régional « est un accord de
sécurité mutuelle conclu entre Etats appartenant à une
région géographique ou politique donnée ».
88 Le représentant du Venezuela faisait
déjà remarqué à San Francisco que cet encadrement
« ébranlerait l'autorité morale de l'organe régional,
provoquerait son affaiblissement et sa dégradation progressive ou tout
au moins diminuerait son esprit de coopération en faveur de
l'Organisation mondiale » KOUASSI (K. E.), op. cit., p.165.
40
B- Exercice conjoint de compétence entre la Cour et
le Conseil
Dans son avis sur l'édification par Israël du mur
en Palestine, la Cour internationale de justice a clairement affirmé que
« La responsabilité du Conseil de sécurité en
matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales est principale et non exclusive
»89. Cette assertion de la Cour évoque
l'existence de « querelles » entre les deux organes principaux des NU
en matière du maintien de la paix et de la sécurité
internationales. En effet, en la matière au moins quatre organes
principaux peuvent agir à des degrés divers. Il s'agit du Conseil
de sécurité, de l'Assemblée générale, du
Secrétaire général et de la CIJ.
La Charte tranche les rapports entre le Conseil de
sécurité et l'AG en son article 12 qui dispose que « Tant
que le Conseil de sécurité remplit, à l'égard d'un
différend ou d'une situation quelconque, les fonctions qui lui sont
attribuées par la présente Charte, l'Assemblée
générale ne doit faire aucune recommandation sur ce
différend ou à cette situation, à moins que le Conseil de
sécurité ne la lui demande ». Par contre, en cas de
litispendance (litige ou situation dans laquelle deux ou plusieurs tribunaux
sont simultanément saisis pour trancher une affaire, de même
nature, comportant le même objet et opposant les mêmes
parties)90, la Charte garde un curieux mutisme.
Il n'existe dans la Charte, en principe, aucune disposition
semblable à l'article sus évoqué qui oblige la Cour
à ne pas se prononcer sur une affaire en cours de traitement par le
Conseil de sécurité ou tout autre organe de l'institution. Dans
la pratique cependant, certains ont voulu dénier à la Cour toute
possibilité à se prononcer en cas de litispendance. Tel ne
devrait pas en principe être le cas. Etant donné que les organes
des NU fonctionnent sur des principes de spécialité,
d'égalité, de compétence et de
complémentarité, l'action de chacun de ses structures concourt
à la réalisation de l'objectif de paix que vise l'Organisation.
Ainsi, la Cour a toujours considéré que la pluralité de
saisine n'était pas en soi un obstacle à ce qu'elle fasse son
devoir une fois que sa compétence est clairement
établie91. Selon le représentant des
USA dans l'affaire du personnel diplomatique et consulaire à
Téhéran, M. OWEN affirme que « Le
89 Cf. Avis sur la construction du
mur en territoire palestinien occupé (2004).
90 En l'espèce certains
éléments diffèrent : on est en présence d'un seul
organe judiciaire, la Cour et la même affaire peut faire l'objet de
différentes requêtes (aspects politiques devant le Conseil et
aspects juridiques devant la Cour).
91 Voir dans ce sens, l'affaire
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci,
26 novembre 1984.
41
Conseil de Sécurité est un organe politique qui
a la responsabilité de rechercher des solutions aux problèmes
internationaux par des moyens politiques. Par contre, la Cour
est un organe judiciaire qui possède la responsabilité d'utiliser
les méthodes judiciaires pour résoudre les problèmes
lorsqu'ils entrent dans sa compétence. Il n'y a absolument rien dans la
Charte des NU ou dans le statut de la Cour qui suggère que l'action du
Conseil exclut celle de la Cour, même si les deux actions peuvent
être de quelque manière parallèles »92.
La réponse de la Cour à une question qui lui est
posée peut jouer un rôle important, parfois déterminant
dans le règlement pacifique d'un différend aux contours
politiques complexes. C'est souvent lorsque la Cour semble glisser sur le
terrain du contrôle de légalité des actes du Conseil de
Sécurité que les résistances s'intensifient comme on peut
le déduire de l'avis relatif à certaines dépenses de
l'ONU93.
La jurisprudence de la Cour en matière de paix et de
sécurité internationale est assez fournie.
Section 2 : La paix et la sécurité
internationales dans la jurisprudence de la Cour
Les avis consultatifs de la CIJ ont contribué
significativement à la consolidation de la paix et de la
sécurité internationale en reconnaissant d'une part le droit
à l'autodétermination de certains peuples (Paragraphe I) et
d'autre part en limitant l'usage de la force (Paragraphe 2).
Paragraphe I : En matière du droit à
l'autodétermination
Nous examinerons le contenu du principe du droit à
l'autodétermination (A) avant de relever la position de la Cour en la
matière (B).
A- Le contenu du droit à
l'autodétermination
Le droit à l'autodétermination est un principe
cardinal du droit international public. L'idée de liberté qu'il
véhicule découle directement de la philosophie des
lumières, notamment celle de
92 CIJ, Mémoires, Personnel diplomatiques et
consulaires des Etats-Unis à Téhéran, p. 29.
93 Voir, Avis sur certaines dépenses des
Nations Unies, Avis Consultatif, 20 juillet 1962.
42
J. J. ROUSSEAU94. Encore appelé le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, le droit à
l'autodétermination95 des peuples est le principe selon
lequel chaque peuple dispose d'un choix libre et souverain de déterminer
la forme de son régime politique et de sa voie de développement
sans aucune ingérence externe. Il sous-tend par ailleurs la
souveraineté pleine et entière sur les ressources dont regorge
son territoire.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes fut
consacré par des textes aussi bien internationaux que régionaux.
Sur le plan international, on peut faire référence entre autres
à la Charte des NU qui énonce déjà dans son article
premier que l'objectif de l'Organisation est de « développer entre
les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité des droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes ». Dans son article 55, la Charte rappelle le
même objectif, en prévoyant que l'ONU entend promouvoir le
développement économique et social, la coopération
internationale et le respect universel des droits humains « en vue de
créer les conditions de stabilité et de bien-être
nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et
amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité
des droits des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmes». La contribution concrète de l'ONU
relative à l'autodétermination des peuples a été
matérialisée par la résolution 1514 (XV) de l'AG en date
du 14 décembre 1960. Dans cette résolution sur « L'octroi de
l'indépendance aux pays et peuples coloniaux », les Etats ont
reconnu que « Tous les peuples ont le droit à
l'autodétermination » et ont proclamé solennellement
que« La sujétion des peuples à une subjugation,
à une domination et à une exploitation étrangères
constitue un déni des droits fondamentaux de l'homme, est contraire
à la Charte des Nations - Unies et compromet la cause de la paix et de
la coopération mondiales ».L'article 1er commun aux deux
Pactes - le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux
et culturels et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques-
se fait plus explicite sur la question de la libre disposition des peuples
:« 1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En
vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développement économique, social et
culturel.2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples
94Ce principe fut reconnu premièrement par
Lénine qui dans son écrit « La révolution sociale
et le droit des Nations à disposer d'elles-mêmes »
considérait le droit à l'autodétermination comme un
critère général de la libération des peuples
opprimés. Il fut proclamé pendant la première guerre
mondiale dans les 14 points de Wilson afin de légitimer les nouvelles
frontières de l'Europe.
95 Certains auteurs lient le droit à
l'autodétermination au principe des nationalités, cf. DALLIER(P.)
et PELLET (A.), Droit international public,Nguyen Quoc Dinh, Paris,
LGDJ, 6éd., 1999, p. 61. D'autres par contre les différencient.
Selon SCELLE (G.), alors que dans la première hypothèse la
volonté prédomine, dans la seconde, elle est purement secondaire,
cf. SCELLE (G.), Précis du droit des gens, Paris, Sirey, 1932,
II, p. 257.
43
peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs
ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui
découlent de la coopération économique internationale,
fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit
international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses
propres moyens de subsistance.3. Les Etats parties au présent Pacte, y
compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non
autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la
réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et
de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des
Nations-Unies ». La Déclaration relative aux principes de
droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre les Etats conformément à la Charte met l'accent sur «
Le droit des peuples à déterminer leur statut politique, en toute
liberté et sans ingérence extérieure et de poursuivre le
développement économique, social et culturel
»96.
Sur le plan régional, la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples dispose à son article 20 que « Tout peuple a
droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et
inaliénable à l'autodétermination. Il détermine
librement son statut politique et assure son développement
économique et social selon la voie qu'il a librement choisie. Les
peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer
de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus
par la communauté internationale. Tous les peuples ont droit à
l'assistance des Etats parties à la présente Charte, dans leur
lutte de libération contre la domination étrangère,
qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel
»97.L'acte final d'Helsinki qui constitue le texte fondateur de
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe (OSCE) adoptée le 1er aout 1975 consacre le principe
de l'autodétermination dans son chapitre VIII. La Convention
Américaine des Droits de l'Homme pour sa part ne consacre pas
explicitement le principe. Mais plusieurs de ses dispositions peuvent
être utilisées pour sauvegarder ce droit98.
Le droit à l'autodétermination a
contribué à l'indépendance entière de certains
peuples colonisés ou occupés. Seulement il n'est pas sans
soulever certaines inquiétudes notamment le
96 Cf. la Résolution 2625 de l'AG
adoptée le 24 octobre 1970. On retrouve les mêmes dispositions
à l'article 1.2 de la Déclaration et le programme d'action de
Vienne adoptée en juin 1993 à l'issu de la 2ème
conférence sur les droits de l'homme.
97 Le droit à l'autodétermination des
peuples est fortement exprimé dans la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples. Qualifié de droit imprescriptible et
inaliénable, le droit à l'autodétermination peut
être, suivant les dispositions de cette Charte, arraché par tout
moyen et si nécessaire avec le concours des autres Etats partis à
la Charte (articles 20 et 21 de la Charte).
98On peut faire référence aux
articles 4 (droit à la vie) ; 11 (droit à la protection de
l'honneur et de la dignité de la personne) ; 21 (droit de la
propriété privée).
44
risque de balkanisation du monde que le principe contient en
germe. C'est dans cette optique que le droit à
l'autodétermination fut encadré par deux principes cardinaux que
sont, le principe de l'intégrité territoriale et celui de la
non-ingérence. Le paragraphe 6 de la Résolution 1514 (XV) dispose
en effet que « Toute tentative visant à détruire
partiellement ou totalement l'unité nationale et
l'intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts
et les principes des Nations Unies ». Mais cette Résolution,
à partir de 1990 fut l'objet de nombreuses transgressions avec la
reconnaissance internationale de l'indépendance de l'Erythrée et
du démembrement de la Yougoslavie ou de l'URSS. Le principe de
non-ingérence défini à l'article 2 du Chapitre I de la
Charte ne connait d'exception qu'en cas de non-respect des droits de l'homme ou
de menace contre la paix.
La position de la Cour en matière du droit à
l'autodétermination se déduit largement de plusieurs de ses avis
consultatifs.
B- La position de la Cour
Le droit à l'autodétermination des peuples est
un droit fondamental reconnu à chaque peuple. Il n'y a plus, de l'avis
de la Cour, de raisons qu'un peuple soit privé de ce droit par le biais
d'un quelconque assujettissement. Telle est la position de la Cour dans son
avis sur l'indépendance de la Namibie du 21 juin 197199. Les
faits de l'espèce sont assez complexes. En effet, il s'est agi d'une
requête pour avis adressée à la Cour par l'AG suite au
refus d'obtempérer de l'Afrique du Sud à la résolution 276
du Conseil de Sécurité de l'ONU lui demandant de mettre fin
à son mandat sur le territoire de la Namibie. Il faut préciser
que le mandat en question confié par la SDN à l'Afrique du Sud
visait en général le bien-être et le développement
des peuples qui n'ont pas encore la capacité de se gouverner par
eux-mêmes ; c'est la mission sacrée de civilisation suivant les
dispositions de l'Article 22 p1 du Pacte de la SDN. Cette mission était
confiée à des Nations dites civilisées qui sont capables
de l'assumer en raison de leurs ressources, de leurs expériences et de
leur position géographique. A l'exception des mandats de type A
utilisés pour des communautés déjà dotées
d'une constitution et appelées à accéder rapidement
à l'indépendance, la Cour devait, pour répondre à
la question qui lui est posée, reconsidérer et ré-encadrer
la mission confiée à l'Afrique du Sud par le mandat de type C qui
excluait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
99Conséquences juridiques pour les Etats de
la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie, AC, 21 juin 1971,
Rec. CIJ 1971.
45
De l'avis de la Cour, à la lumière de
l'évolution des relations internationales et du droit international, les
termes (rédigés en caractères évolutifs) de
l'article 22 du mandat litigieux notamment la notion de « mission
sacrée de civilisation » doit exclusivement s'entendre en une
mission qui a pour objectif ultime l'autodétermination et
l'indépendance des peuples en cause. Par son avis, la Cour a ainsi
contribué à l'indépendance si attendue de la Namibie.
Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes a
retenu également l'attention de la Cour dans son avis sur la
construction d'un mur par Israël en territoire palestinien occupé
qui était à l'issue de la première guerre mondiale
placé sous mandat de type A par la SDN et confié à la
Grande - Bretagne. Il devait donc acquérir son indépendance
provisoirement suivant l'article 22 du Pacte de la SDN qui dispose que «
Certaines communautés, qui appartenaient autrefois à l'Empire
Ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur
existence comme nations indépendantes peut être reconnue
provisoirement ».
Les évènements postérieurs n'ont pas
permis l'accession de la Palestine à l'indépendance, notamment
l'annexion israélienne. La Cour, pour se prononcer sur la
légalité ou non du mur construit par Israël, a tout d'abord
rappelé sa position exprimée dans son avis sur « Le statut
international du Sud-Ouest africain » relative aux mandats en
général à savoir que : « Le mandat a
été créé, dans l'intérêt des habitants
du territoire et de l'humanité en général, comme une
institution internationale à laquelle était assigné un but
international : la mission sacrée de civilisation » avant de viser
les différents textes qui consacrent le droit
ergaomnes100 des peuples à leur libre disposition.
Ainsi, a-t-elle évoqué le paragraphe 4 de l'article 2 de Charte
des NU (supra), la résolution 2526 de l'AG 101qui
souligne que « nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou
l'emploi de la force ne sera considérée comme légale
» et fait obligation à « tout Etat de s'abstenir de recourir
à toute mesure coercitive qui priverait (les peuples) de leur droit
à l'autodétermination ».Elle a également visé
l'article premier commun au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et au Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (supra) qui réaffirme le droit de
tous les peuples à disposer d'eux-mêmes et fait obligation aux
Etats parties de faciliter la réalisation de ce droit
conformément aux dispositions de la Charte.
100 Voir Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt CIJ
du 30 juin 1995.
101 Résolution 2526 de l'AG de l'ONU du 24 octobre
1970.
46
A la lumière de tous ces textes et des
différents accords conclus sous l'égide de l'ONU, la Cour
déduit une violation par Israël, puissance occupante, du droit
sacré de la libre disposition du peuple palestinien et fait obligation,
d'une part, à Israël de mettre un terme aux violations du droit
international dont il est l'auteur et cesser immédiatement les travaux
d'édification du mur et, d'autre part, à tous les Etats à
ne pas reconnaitre la situation illégale découlant de la
construction dudit mur. Même si dans la pratique on peut regretter
l'application qui n'est pas faite de cet avis, l'apport de la Cour reste de
toute évidence fondamental.
Tel était également la conclusion de la Cour en
1975 dans son avis sur le Sahara Occidental102, en reconnaissant que
le territoire du Sahara Occidental n'était pas un terra nullius
avant la colonisation par l'Espagne et qu'il avait des liens juridiques
d'allégeance avec le Maroc et l'ensemble mauritanien, lesquels ne sont
pas de nature à entraver « l'application du principe
d'autodétermination grâce à l'expression libre et
authentique de la volonté des populations du territoire ». Ici
aussi, l'on regrette la non flexibilité des puissances impliquées
notamment le Maroc, la Mauritanie et l'Algérie pour un dénouement
de la situation conflictuelle dans la région malgré l'avis de la
Cour.
Par ailleurs, l'avis consultatif de la Cour sur
l'indépendance kosovare103 en estimant « que l'adoption
de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 n'a
violé ni le droit international général, ni la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre
constitutionnel» malgré les multiples critiques dont il fut l'objet
aussi parmi les juges104 qu'au sein de la doctrine, a
considérablement contribué à la consolidation de la paix
dans les Balkans.
L'autodétermination n'est strictement pas synonyme dans
la pratique d'absence d'heurs entre Etats souverains. L'utilisation de la force
souvent rencontrée sur la scène internationale a occupé
une place sensible dans les avis de la Cour.
102Sahara occidental, AC, 16 octobre 1970, Recueil
CIJ, 1976.
103 Cf. Conformité au droit international de la
déclaration unilatérale d'indépendance relative au
Kossovo, AC, 22 juillet 2010.
104 Dans son opinion dissidente, le juge KOROMA estime que la
conclusion de la Cour ne tient pas sur un plan juridique en ce qu'elle risque
de créer un précédent permettant à tout groupe
ethnique, linguistique ou religieux de déclarer son indépendance
et de se séparer de l'Etat dont il fait partie sans le consentement de
ce dernier, et en dehors du contexte de la décolonisation. Ceci
reviendrait ni plus ni moins à annoncer aux groupes dissidents du monde
entier qu'ils sont libres de contourner le droit international, pourvu,
simplement qu'ils agissent d'une certaine manière et rédigent une
déclaration unilatérale d'indépendance dans certains
termes.
47
Paragraphe 2 : L'interdiction du recours à la
force
L'organe judiciaire principal de l'ONU a contribué par
ses avis à éclairer le principe cardinal du non recours à
la force dans les relations entre Etats (A) en précisant les contours
des exceptions qu'il peut connaître (B).
A- Le contenu du principe
L'interdiction du recours à la force dans les relations
entre Etats est un principe fondamental dans le système de pacification
de la société mondiale mis en place par la Charte. Tirant les
conséquences des différents soubresauts qui ont agité le
monde, l'ensemble des Etats ont pris conscience de ces effets tragiques
liés à l'utilisation de la force (armée) sur le plan
international où les rapports entre Etats sont édifiés sur
un principe coutumier de juxtaposition de souveraineté (sur le plan
interne le recours à la force ou à la coercition est une
illustration de la souveraineté absolue de l'Etat).
La consécration du principe a été faite
en plusieurs étapes. Déjà L'article premier de la
Convention de La Haye dite de Drago-Porter (1970) dispose que les parties
contractantes sont « Convenues de ne pas avoir recours à la force
armée pour le recouvrement de dettes contractuelles
réclamées au gouvernement d'un pays par le gouvernement d'un
autre pays comme dues à des nationaux ». La première
consécration formelle sera faite dans le Pacte de la SDN. Dans ce Pacte,
la distinction est faite entre les guerres illicites et celles dites licites
qui implicitement n'étaient pas interdites. L'objectif du principe de
non recours à la force n'était pas l'interdiction stricte de
l'utilisation de la force, mais son encadrement. La Charte des Nations-Unies en
son article 2 paragraphe 4 dispose que « Les membres de l'Organisation
s'abstiennent dans leurs relations internationales, de recourir à la
menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité
territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute
autre manière incompatible avec les buts des Nations-Unies ». A la
lumière de cet article, tout recours à la force n'est pas
illicite. L'illicéité est alors mesurée à la
lumière des « buts » des Nations-Unies. Il n'est donc pas
surprenant que les conflits coloniaux des années1970 ne furent pas
déclarés illicites car conformes à la norme ergaomnes
de la libre disposition des peuples telle que affirmée à
l'article 1 paragraphe 2 de la Charte.
48
La règle de non recours à la force est largement
admise par les Etats même si dans la pratique, elle est très
souvent transgressée. Dans la Déclaration d'Helsinki relative
à la sécurité et à la coopération en Europe,
les « Etats... s'abstiennent dans leurs relations mutuelles de recourir
à la menace ou à l'emploi de la force ». S'agissant de la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, guidée par le
souci ultime de la décolonisation, l'interdiction du recours à la
force n'est pas explicitement exprimée. On peut toutefois affirmer sa
consécration étant donné qu'elle proclame manifestement
son adhésion aux déclarations adoptées dans le cadre de
l'Organisation des Nations-Unies notamment la Charte. Sont
considérés comme forme d'emploi de la force, l'agression d'un
Etat contre un autre, les mesures coercitives contre un Etat et les actes de
représailles.
La Cour affirme son adhésion totale au principe de non
recours à la force dans son avis sur la licéité de
l'utilisation de l'arme nucléaire. Elle rappelle en substance que «
L'interdiction au recours à la force ne concerne pas une arme
donnée ; elle s'applique à n'importe quel emploi de force
(même) indépendamment des armes employés ». Cette
position n'a pas fait l'objet de fluctuations dans les avis105 et
arrêts106 de la Cour.
L'interdiction faite aux Etats de recourir à la force
dans leurs rapports mutuels connaît cependant certaines exceptions dont
le plus marquant est celui de la légitime défense.
B- L'exception au principe : la légitime
défense
L'objectif des Etas n'était pas de mettre hors la loi
l'usage de la force dans leurs rapports mutuels - ce qui serait d'ailleurs
utopiste - mais plutôt de l'encadrer suffisamment. De ce fait, le
principe de non recours à la force dans les rapports entre Etats est
assorti d'exceptions. Il s'agit tout d'abord de la prérogative reconnue
au Conseil de sécurité d'intervenir par la force en cas de
constatation d'une situation de menace contre la paix ou de rupture de la paix
(chapitre VII de la Charte) et ensuite le cas de la légitime
défense.
L'article 2 paragraphe 4 de la Charte doit être en effet
lu en rapport avec l'article 51 du chapitre VII de la Charte, consacré
à l'action du Conseil de sécurité des Nations-Unies en
vue
105 Voir, affaire licéité de la menace ou de
l'emploi d'armes nucléaires, AC, 8 juillet 1996 ; Conséquences
juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien
occupé, AC, 9 juillet 2004.
106 Voir, activité militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.
49
du maintien de la paix et de sécurité
internationales, qui consacre explicitement la légitime défense
comme exception de l'interdiction générale du recours à la
force. La Charte affirme en cet article qu'« Aucune disposition de la
présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime
défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des
Nations-Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que
le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires
pour maintenir la paix et la sécurité internationales ».
La légitime défense exprime l'idée de
défense par un Etat agressé ou la défense d'un autre Etat
par un Etat tiers justifiée par la réciprocité des
relations internationales. L'article 51 tout en donnant les caractères
de la légitime défense, l'assortit de conditions. S'agissant des
caractères de la légitime défense, il précise
qu'elle est un droit naturel, immuable et universel. La Cour précise
qu'il s'agit d'une règle coutumière107. Elle peut
intervenir soit dans un cadre individuel ou dans un cadre collectif surtout
dans le cadre d'accords conclus entre certains Etats108
(Traité de l'Atlantique Nord de 1949 ; Pacte de Varsovie de 1955).
Le recours à la légitime défense est
strictement encadré. D'abord, il doit s'agir d'une agression
dirigée contre un membre des Nations-Unies. Mais la pratique montre
qu'il s'applique aussi à certains Etats comme la Suisse. Les
débats sur son éventuelle application aux organisations
internationales ne sont pas encore tranchés totalement.
Ensuite, il doit s'agir d'un cas d'agression. La Charte ayant
gardé un mutisme sur le sens et la portée de l'agression, la
pratique des Etats ont conduit à une extrapolation du champ d'action de
la légitime défense. Selon la
Résolution109« l'agression est l'emploi de la force
armée par un Etat contre la souveraineté,
l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un
autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des
Nations-Unies ». Pour la Cour, on ne peut parler d'agression « qu'en
cas d'opération militaire de grande ampleur. Il n'y a pas forcement une
confrontation directe d'armée à armée ; l'envoi de bandes
armées dans un
107 Voir, activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.
108 Craignant la menace de la paix du fait de ces accords
entre Etats les amenant à agir au titre de la légitime
défense, la Cour encadre cette faculté en précisant dans
l'arrêt sur les activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984, que
l'Etat agressé doit faire une déclaration expresse
vis-à-vis des Etats dont il sollicite de l'aide.
109 Cf. Résolution 3314 (XXIX) du14 décembre
1974. L'article 3 alinéa g ajoute que l'agression est la « forme la
plus grave et la plus dangereuse de l'emploi illicite de la force ». Cette
résolution donne une liste non exhaustive des actes constitutifs
d'agression : envoi de forces armées dans le territoire d'un autre Etat
sans son consentement, le survol non autorisé du territoire d'un Etat
par des aéronefs militaires d'un autre Etat, la forte concentration des
troupes armées régulières à la frontière
d'un autre Etat etc.
50
autre Etat suffit »110. Dans son avis de 1996,
la Cour précise qu'on ne peut parler d'agression que lorsque celle-ci
« met en cause la survie » de l'Etat agressé111.
Il faut relever que les différentes approches ne
comblent pas le vide juridique relatif aux simples menaces contre un Etat ni le
cas d'agression de groupes terroristes. Cet état de chose a conduit
à des prises de positions diverses par les Etats justifiant leurs
actions par leur droit inaliénable de la légitime
défense.
En matière de menaces, le cas le plus exprès est
celui de l'attaque de l'Irak par les Etats Unis arguant l'existence d'une
véritable menace de leur sécurité par le fait que l'Irak
disposerait d'armes à destruction massive. La fameuse théorie
montée à cette occasion fut celle de la légitime
défense préventive. Même si, au sein de la doctrine, les
pourfendeurs et les défendeurs s'affrontent par leurs argumentaires, il
ne fait pas de doute que cette théorie ne cadre pas avec les exigences
de la légitime défense. En effet, la légitime
défense suppose l'existence réelle et prouvée d'une
agression ; elle doit en outre lui être postérieure et la riposte
doit remplir le critère de proportionnalité. Dans le cadre de
l'attaque des Etats Unis d'Amérique, il est incontestable que ces
conditions sont loin d'être réunies. La position idéale
à adopter en la matière pour être compatible avec les
objectifs de la Charte consisterait à laisser au Conseil de
sécurité la seule compétence à constater
l'existence de menace et à déterminer les actions à mener
pour y mettre fin. Tel semble être la position du Conseil exprimée
dans sa Résolution 1441.
Les cas d'agression du fait de groupes non étatiques
soulèvent également quelques difficultés. En effet peut-on
légitimement évoquer la légitime défense pour
justifier une intervention (recours à la force) contre un groupe
terroriste ? La position de la Cour en la matière n'a pas fluctué
: l'agression doit être imputable à un Etat. Ainsi, la Cour n'a
pas légitimé la construction du mur par Israël en territoire
palestinien occupé112 du fait que les attaques dont il fut
l'objet ne peuvent pas être imputées à la Palestine dont il
nie d'ailleurs l'existence.
Mais la pratique semble laisser croire à une extension
du champ d'action de la légitime défense. Dans l'affaire relative
à l'attaque d'Israël au Liban, la Cour pour exclure le droit de
110 Voir, activité militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 26 novembre 1984.
111Voir, affaire licéité de la menace ou
de l'emploi d'armes nucléaires, AC, 8 juillet 1996.
112 Voir, Conséquences juridiques de
l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, AC,
9 juillet 2004.
51
la légitime défense évoqué par
Israël pour justifier son action, l'a fait sous l'aspect de la
disproportion de la riposte. Il semble exister dès lors une implicite
consécration du droit de légitime défense une fois que le
principe de proportionnalité et le respect du droit international en
général sont réunis. Tel fut la position du Conseil de
sécurité dans sa Résolution S/RES/1368 adoptée en
toute précipitation le 12 septembre 2001. Il serait
préférable dans cette hypothèse de faire agir la
légitime défense dans un cadre collectif pour ne plus retomber
dans les risques liés à l'unilatéralisme des actions des
Etats.
La contribution de la Cour au travers de ses avis dans le
cadre de sa compétence consultative est, on ne peut en douter,
véritablement significative. Cette contribution peut, cependant,
être rehaussée en corrigeant certaines carences et obstacles
inhérents à l'organisation et au fonctionnement de la Cour.
52
DEUXIEME PARTIE
UNE FONCTION REVALORISABLE
La Cour internationale de justice occupe une place
stratégique dans le système onusien de maintien de la paix et de
la sécurité internationales. Elle a fait ses preuves en apportant
sa contribution sur divers plans en vue de la pacification de la
Société mondiale par le bais de la promotion et la valorisation
du droit international.
Etant donné que cette société
internationale est en perpétuelle mutation, la Cour est appelée
à faire face dans le futur à des besoins nouveaux où son
apport serait très important. La Cour, pour être au rendez-vous,
doit pouvoir entreprendre une réforme de son système judiciaire
en introduisant, aussi bien dans son organisation que dans son fonctionnement,
des innovations remarquables et décisives (Chapitre 2) après un
diagnostic des handicaps ou obstacles actuels qui freinent son dynamisme
(Chapitre I).
53
CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION
CONSULTATIVE
L'organisation et le fonctionnement de la Cour laissent
apparaître les raisons de la sous-utilisation actuelle de la
compétence consultative de l'organe judiciaire principal des
Nations-Unies. Cette moindre sollicitation s'explique d'abord par la
très grande restriction de la compétence à la saisir
(Section 1) et ensuite par l'existence d'une concurrence dont elle fait l'objet
avec d'autres moyens de règlement des différends (Section 2).
Section I : Une saisine moins
généreuse
La compétence institue personae (Paragraphe 1) et la
compétence institue materiae
(Paragraphe 2) telles que organisées par la Charte et
le Statut de la Cour en matière consultative ne permettent pas une
plus grande sollicitation de la Cour en matière consultative.
Paragraphe I : La compétence personnelle
limitative
Suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte des
Nations-Unies et l'article 65 du Statut de la Cour, seuls certains organes et
institutions des Nations-Unies sont autorisés à demander l'avis
de la Cour (A). Dans la pratique, les initiatives de ces organes
habilités à saisir la Cour sont fragilisées par
l'existence d'entraves d'ordre procédural (B).
A- Les organes habilités à saisir la Cour
Contrairement à la procédure contentieuse
ouverte aux Etats, la procédure consultative est l'apanage exclusif des
organes et institutions de l'Organisation des Nations-Unies. L'exclusion des
Etats de la procédure consultative peut se justifier sur deux (02)
points essentiellement. D'abord, si l'autorisation était accordée
aux Etats de solliciter (conjointement) l'opinion de la Cour pour un conflit
ouvert ou non, on arriverait à un amalgame notoire entre la
procédure contentieuse et celle consultative. Ensuite, si en cas de
litige pendant entre Etats, l'un d'entre eux était autorisé
à saisir la Cour pour avis, il pourrait mettre les autres Etats devant
le fait accompli.
54
L'inconvénient principal d'une extension de la
procédure consultative à des demandes émanant des Etats
serait d'amener la Cour à devoir, le cas échéant, statuer
deux fois successivement au sujet de la même question, d'abord en
procédure consultative puis en procédure contentieuse. Elle
risquerait ainsi de se trouver moralement liée par un avis qu'elle
aurait donné antérieurement en termes abstraits et
peut-être sans posséder les éléments
d'appréciation précis qui ressortent d'un litige réel ou
de prononcer une solution différente au vu des circonstances de
l'espèce et après un nouvel examen. Ceci pourrait être
préjudiciable à son prestige et à son autorité. Il
a été avancé qu'on peut limiter cet inconvénient en
excluant les demandes d'avis consultatifs sur des litiges actuels.
Aux termes de l'article 96 de la Charte des Nations-Unies,
seuls les organes et institutions de l'ONU sont habiletés à
demander l'avis de la Cour. Suivant les dispositions de cet article, les
organes autorisés à demander l'opinion de la Cour peuvent
être catégorisés en deux groupes en raison des dimensions
variantes de leur saisine (alors que certains organes peuvent saisir la Cour en
matière consultative sans aucune limite - bien entendu sur des aspects
juridiques- les autres sont limités par le principe de
spécialité sus évoqué). Ainsi, tous les organes
principaux des Nations-Unies à savoir, le Conseil de
sécurité, l'Assemblée générale, le Conseil
économique et social, le Conseil de tutelle, sont autorisés
à solliciter l'avis de la Cour. On note l'exclusion notoire du
Secrétaire général113. De tous ces organes,
l'Assemblée générale a été l'organe de loin
le plus enclin à saisir la Cour de ses interrogations.
Ainsi, l'Assemblée générale a eu à
saisir la Cour dans les affaires suivantes : Les conditions de l'admission d'un
Etat comme membre des Nations-Unies (1948), Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(1950), Réserves à la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (1951), Effets de jugements du
Tribunal administratif des Nations-Unies accordant indemnité (1954),
Certaines dépenses des Nations-Unies (1962), Sahara occidental (1975),
Licéité de la menace d'armes nucléaires (1996),
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le
Territoire palestinien occupé (2004), Conformité au droit
international de la déclaration unilatéral d'indépendance
relative au Kossovo (2008) et Jugement N° 2867 du Tribunal administratif
de l'Organisation internationale du travail sur requête contre le Fonds
international de développement agricole (requête pour avis
consultatif(2010).
113Parmi les autres organes habiletés
à solliciter l'avis de la Cour on peut citer la commission
intérimaire de l'Assemblée Générale et le
comité des demandes de reformulation des jugements du TANU.
55
Le Conseil de Sécurité a fait usage de cet outil
seulement dans l'affaire relative aux conséquences juridiques pour les
Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (1971) par
la résolution 284 (1970) adoptée le 29 juillet 1970
Parmi les institutions spécialisées de l'ONU
ayant sollicité l'opinion de la Cour ou peut citer entre autres,
l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime
(1960) sur la composition de son comité ;l'Organisation mondiale de la
santé dans les affaires relatives à l'Interprétation de
l'accord du 25 mars 1991 entre l'OMS et l'Egypte (1980) et à la
Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat
lors d'un conflit armé (1996) ; le Conseil économique et social
(1999) dans l'affaire « Différend relatif à
l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme (1999.
Il faut relever que parmi les institutions
spécialisées de l'ONU, seuls l'Agence international de
l'énergie atomique (AIEA) et l'Union postale universelle (UPU) (devenue
institution spécialisée de Nations Unies le 1er
juillet 1948) ne sont pas autorisés à saisir la Cour pour
avis.
Le caractère restreint de l'ouverture de la saisine
s'agissant de la compétence organique est couplée avec certains
obstacles d'ordre procédural qui entravent la visibilité de la
fonction consultative de la Cour mondiale.
B- Les obstacles procéduraux
La procédure de saisine de la Cour n'est pas la
même pour tous les organes et institutions de l'ONU. Ainsi, suivants les
dispositions de l'Article 96 de la Charte des Nations-Unies, alors que
l'Assemblée générale et le Conseil de
sécurité peuvent directement saisir la Cour, les autres organes
et institutions doivent au préalable obtenir l'avis favorable de
l'Assemblée générale.
En principe, la saisine de la Cour pour avis se fait sur la
base de résolution de l'organe intéressé. Devant
l'Assemblée générale, cette résolution pour
solliciter l'opinion de la Cour n'est pas considérée comme une
question importante qui exige la majorité des deux tiers
56
suivants les dispositions de l'article 18 de la
Charte114. Saisie par la Résolution 49/75 K
du 15 décembre 1994 par l'OMS pour avis, la Cour n'a pas soulevé
la question de sa validé alors même qu'elle n'était pas
adoptée à la majorité des deux tiers des voix.
Par contre, le Conseil de sécurité
considère la résolution servant de base pour la saisine de la
Cour pour avis non pas comme une question de procédure exigeant un vote
affirmatif de neufs membres présents quels qu'ils soient mais comme une
question de fond qui exige un vote affirmatif de neuf voix des membres dans
lequel sont comprises les voix des cinq membres permanents. Ceci pose
inéluctablement le problème d'usage du droit de veto par les
membres permanents lorsqu'il se trouve que leurs intérêts seront
mis en jeux par l'avis de la Cour - qui, même dénué de
force obligatoire, n'en revêt pas moins une certaine autorité
morale, juridique et diplomatique.
Le blocage à la validité de la résolution
du Conseil de sécurité a été de justesse
évité dans l'affaire relative à la présence de
l'Afrique du Sud en Namibie, quand la Cour a considéré que
suivant la pratique constante du Conseil, « L'abstention d'un membre du
Conseil ne signifie pas qu'il s'oppose à l'adoption de
résolutions. L'abstention d'un membre du Conseil ne signifie pas qu'il
s'oppose à l'approbation de ce qui est proposé ; pour
empêcher l'adoption d'une résolution exigeant l'unanimité
des membres permanents, un membre permanent doit émettre un vote
négatif »115.
Aussi, le fonctionnement saisonnier de l'Assemblée
générale n'est pas de nature à favoriser une plus grande
saisine de la Cour en matière consultative. En effet l'Assemblée
générale se réunit seulement une seule fois l'an en
session ordinaire. Les sessions extraordinaires qui constitueraient des
remèdes se révèlent difficiles à organiser
étant donné qu'elles ne peuvent se faire que par le Conseil de
sécurité ou par la majorité des Etats membres de
l'organisation.
114 Sont considérées comme
questions importantes exigeant le vote des deux tiers des membres
présents et votants de l'AG les recommandations relatives au maintien de
la paix et de la sécurité internationale, l'élection des
membres non permanents du CS, l'élection des membres du CES,
l'élection des membres du CT, l'admission de nouveaux membres dans
l'organisation, la suspension des droits et privilèges des membres,
exclusion de membre, les questions relatives au fonctionnement du régime
de tutelle et les questions budgétaires.
115 Voir affaire, Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie, AC, 21 juin 1971, Recueil CIJ 1971. Cette résolution en effet
fut adoptée par 12 voix sans opposition mais avec trois abstentions,
celles de la Pologne, du Royaume-Uni, et de l'URSS.
57
La limitation de l'action consultative de la Cour ne se situe
pas seulement au plan organique. L'extrême délimitation du domaine
d'action des avis de la Cour a également un impact restrictif sur la
portée de la fonction consultative.
Paragraphe 2 : La compétence matérielle
claire obscure
La délimitation de la compétence
matérielle a des contours assez flous (A) de sorte qu'il appartient
à la Cour de se décider en dernier ressort sur la
recevabilité ou non de la requête en faisant usage de sa
compétence discrétionnaire (B).
A- L'exclusivité des questions juridiques
En matière contentieuse tout comme en matière
consultative, la compétence matérielle de la Cour est strictement
encadrée. Suivant les dispositions de l'article 36 alinéa 3 de la
Charte, seuls « Les différends d'ordre juridique devraient
être soumis par les parties à la Cour internationale de justice
». La précision est en outre faite à l'article 96 qui
dispose que « l'Assemblée générale ou le Conseil de
sécurité peut demander à la Cour internationale de justice
un avis consultatif sur toute question juridique. Tous les autres organes et
institutions spécialisées qui, peuvent à un moment
quelconque, recevoir de l'Assemblée générale une
autorisation à cet effet ont également le droit de demander
à la Cour des avis consultatifs sur des questions juridiques qui se
poseraient dans le cadre de leurs activités ».L'article 38 de la
Charte en faisant obligation à la Cour de « Régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis » circonscrit sa compétence au domaine essentiellement
juridique. La compétence matérielle de la Cour est donc
limitée aux questions juridiques.
Cette exigence ou restriction de la compétence
matérielle de la Cour aux différends et questions juridiques se
justifie essentiellement par le fait que, suivant le schéma mis au point
par la Charte, il doit exister une démarcation nette entre les organes
politiques et ceux juridictionnels. Les organes politiques que sont le Conseil
de sécurité et l'Assemblée générale doivent
connaitre des différends d'ordres politiques et ceux juridictionnels
(dont la Cour) des aspects juridiques des différends.
58
Seulement, la distinction entre différends ou questions
politiques et différends ou questions juridiques n'est pas assez
démarquée dans les faits, ce qui conduit à la sous -
utilisation de la Cour principalement en matière
consultative116.
Par ailleurs, la notion de question juridique fait l'objet de
diverses interprétations de la part des acteurs de la scène
internationale. La compétence de la Cour à donner son opinion sur
certaines questions à elle soumises par des organes ou institutions
habilités a fait l'objet de contestations. Dans l'avis relatif aux
conditions de l'admission d'un Etat comme membre des Nations Unies, il a
été soulevé que la Cour n'avait pas compétence
à donner une suite à la question sous prétexte qu'elle
revêt un caractère purement politique. La Cour a estimé en
effet « Qu'elle ne peut attribuer un caractère politique à
une demande, libellée en des termes abstraits, qui, en lui
déférant l'interprétation d'un texte conventionnel,
l'invite à remplir une fonction essentiellement judiciaire
»117. Aussi, la Cour a relevé qu'il est
impérieux de faire une distinction entre les mobiles et circonstances
(qui peuvent être politiques) de la question rédigée en
terme abstraits118.
La procédure consultative décrite à
l'article 96 de la Charte fait obligation, en dehors de l'Assemblée
générale et le Conseil de sécurité, aux autres
organes et institutions de ne poser des questions que dans le cadre de leurs
activités. C'est dans cette optique que la Cour a estimé en 1996
que la demande d'avis introduite par l'Organisation mondiale de la santé
(OMS) n'était pas recevable par ce que extrapolant le cadre de ses
activités. Par contre la même interrogation introduite par
l'Assemblée générale a été favorablement
accueillie.
Cette obligation de spécialité, quoi que
justifiable, n'est pas sans soulever des difficultés dans la pratique
notamment lorsque la demande pour avis provient d'un organe qui s'intercale
entre celui dont l'acte est soumis à l'avis de la Cour et celle-ci.
C'est le cas du « Comité des demandes de reformulation » des
jugements du Tribunal administratif des Nations-Unies
116 Voir BENDJAOUI (Mohammed), « La
place de la Cour internationale de justice dans le système
général de maintien de la paix institué par la Charte des
Nations-Unies », RADIC, septembre 1996, volume 8, point 3, p.
543.
117 Voir les Avis, Conditions de l'admission
d'un Etat comme membre des Nations-Unies (1948) ; Interprétation des
traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(1950) ; Certaines dépenses des Nations-Unies ; Interprétation de
l'accord du 25 mars 1951 entre l'Egypte et l'OMS.
118 Le caractère abstrait des
questions a été souvent évoqué pour contester la
compétence de la Cour à donner un avis. La Cour estime qu'il
n'existe aucune restriction en ce sens dans la Charte suivant les dispositions
de l'article 65 de son Statut.
59
(TANU). Dans tous les cas où la saisine de la Cour est
controversée, l'habilitation est donnée à la Cour pour
décider.
B- La fiction utile de la compétence
discrétionnaire de la Cour
La notion de discrétion exprime d'une manière
générale l'idée que l'agent ou l'organe
intéressé apprécie, à sa guise,
l'opportunité et les modalités de l'exercice d'une faculté
ou d'une action. Cette approche générale de la notion de
discrétion a connu une véritable mutation en raison des
déviations qui découlent de sa mise en oeuvre. En effet, certains
doctrinaires ont estimé qu'il était scandaleux d'envisager une
certaine discrétion sans aucune limitation. Or, encadrer l'exercice de
cette liberté reviendrait à nier son existence
même119. L'encadrement de la
compétence discrétionnaire soit par des normes commande de
distinguer entre la compétence discrétionnaire
libérée de toutes contraintes du pouvoir d'appréciation
qui reste contrôlable au plan juridique.
La doctrine n'est non plus unanime s'agissant de la
compétence discrétionnaire de la Cour à donner ou non un
avis malgré le fait que celle-ci n'a jamais cessé de la
réclamer et de l'affirmer (même si dans la pratique il en va
autrement).
L'article 65 du statut de la Cour précise qu'elle
« peut » donner un avis consultatif sur toute question juridique. La
Cour a, à plusieurs reprises cité cette disposition du statut de
la Cour qui lui reconnait le pouvoir discrétionnaire à donner ou
pas un avis. Dans l'affaire relative à la licéité de la
menace ou de l'emploi de l'arme nucléaire introduite par
l'Assemblée générale en 1996, la Cour relève «
Qu'elle peut donner un avis consultatif (...) comme..., son statut lui laisse
aussi le pouvoir discrétionnaire de décider si elle a
établi sa compétence pour ce faire ». Il s'agit là
d'une affirmation constante de la Cour120. Il faut
relever que dans l'Avis relatif à l'interprétation des
traités de paix conclus entre la Bulgarie, la Hongrie et le Roumanie
(première phase 1950), la Cour, en évoquant l'Article 65 de son
Statut, a précisé qu'elle « A
119 Avec l'avènement de l'Etat de
droit, la doctrine, surtout germanophone, a contesté le caractère
absolu du pouvoir discrétionnaire. On a estimé que la
compétence discrétionnaire doit être encadrée soit
par des normes ou guidée par l'objet ou le but (la finalité) de
l'ordre juridique. Le pouvoir discrétionnaire devient dès lors un
pouvoir-devoir.
120 Voir les affaires : Certaines
dépenses des Nations Unies (1962) ; Conséquences juridiques pour
les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie
(Sud-ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de
Sécurité (1971) ; Sahara Occidental (1975) ; Demande de
reformulation du jugement n° 333 du TANU (Yakimetz) (1987)
60
le pouvoir d'apprécier si les circonstances de
l'espèce sont telles qu'elles doivent déterminer à ne pas
répondre à une demande d'avis ». C'est en 1962 que la Cour
va affirmer le caractère large de sa compétence
discrétionnaire, « Le pouvoir qu'a la Cour de donner un avis
consultatif procède de l'article 65 du Statut. Ce pouvoir ainsi
attribué a un caractère discrétionnaire ».
Cette discrétion affirmée par la Cour est
diversement appréciée par la doctrine. Tandis que, le premier
courant estime que la compétence discrétionnaire de la Cour est
large et presque illimité121, le second
courant trouve certaines limites à cette compétence
discrétionnaire tout comme la Cour elle-même l'a fait. Il
évoque en occurrence les raisons décisives pour limiter la
compétence de la Cour122. Le
troisième courant quant à lui, nie catégoriquement
l'existence d'un quelconque pouvoir discrétionnaire au profit de la Cour
estimant, qu'une fois que sont réunies les conditions définies
par la Charte et le Statut de la Cour, il ne revient pas à celle-ci,
organe judiciaire, de juger de la recevabilité de la requête.
Selon Scelle (G.), « La Cour étant un organe judiciaire, elle ne
peut se refuser de donner un avis quand une requête tombe dans un domaine
de sa compétence »123.
La Cour elle-même relance les débats lorsqu'elle,
en même temps qu'elle affirme sa compétence
discrétionnaire, relève que la réponse à une
requête d'avis constituant sa participation à l'action de
l'Organisation, elle ne devrait pas en principe être
refusée124.
La Cour indique que seules les raisons décisives
(copellingreasons) pouvaient justifier son refus à donner un avis. La
notion de copellingreasons évoquée par la Cour qui renvoie
à la protection de son intégrité judiciaire couvre
plusieurs aspects. D'abord l'incompétence de la Cour pour des raisons
dites décisives peut être relative à son
incompétence personnelle,
121 Pour Kelsen, «Under Article 65 of
the statue the Court is only authorized, not obliged, to give an advisory
opinions. The Court may, for reasons completely within its discretion, refuse
to give advisory opinion requested in conformity with the Charter and the
Statute», Kelsen (H.), the Law of United Nations, Londres, 1950,
p. 549.
122 Voir, Nguyen Quoc Dinh, Daillier (P.),
Pellet (A.), Droit international Public, 5éd., Paris, 1994, p.
857 ; Daillier(P.), dans : Cot (J.P.), Pellet (A.), La Charte des Nations
Unies, 5éd., Paris, 2002, p. 1292-1296.
123 Pour Abi-Saab (G.) « Si elle est
compétente, la Cour ne peut refuser de donner un avis que pour des
raisons qui touchent à la recevabilité général,
c'est-à-dire à la protection de son intégrité
judiciaire. Il n'y a donc pas de discrétion parce que
l'appréciation de la Cour ne peut porter que sur les limites de la
fonction judiciaire » in Observations de Abi-Saab (G.), Avis relatif
à la Licéité de l'utilisation des armes nucléaires
par un Etat dans un conflit armé (OMS), Audience publique du 1 novembre
1995, Compte rendu, CR 95/23, p. 18-29.
124 Cette position a été
affirmée dans les affaires : Certaines dépenses des NU (1962) ;
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de Sécurité (1971) ;
Sahara Occidental (1975) ; Applicabilité de la section 22 de l'article
VI de la Convention sur les privilèges et immunités des NU
(1989).
61
matérielle ou temporelle. L'incompétence de la
Cour peut être due à l'incompétence de l'organe qui la
saisit125. Le refus de donner un avis sur la base d'une
incompétence matérielle a été relevé par la
Cour dans l'affaire relative à la Licéité de l'utilisation
des armes nucléaires par un Etat lors d'un conflit
armé126. En l'espèce la Cour est arrivée
à la conclusion qu'il n'existe pas de rapport entre l'objet de la
question et l'activité de l'organisation requérante aux termes
des dispositions de l'article 96 de la Charte.
D'autres raisons qui peuvent justifier le refus de la Cour
à donner un avis sont liées non à la compétence
mais à la recevabilité de la demande. Il est question ici des
« limites qui s'imposent lorsque la Cour est appelée à agir
d'une manière qui dépasse ou qui est incompatible avec ses
pouvoirs tels qu'ils sont tracés par le Statut et le Règlement et
par la notion même de la fonction judiciaire »127. On
range dans ces raisons liées à la recevabilité de la
demande les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale
des Etats, les affaires qui conduiraient la Cour à trancher au fond un
litige pendant.
Il apparait, de tout ce qui précède, qu'il ne
s'agit que d'une fiction-utile la prétendue discrétion de la Cour
à donner un avis. En effet, et comme le souligne Kolb (Robert), «
la discrétion suppose un résidu de libre choix qui ne se laisse
pas à des considérations de droit. Il y a dans toute
discrétion un irréductible élément
d'opportunité impossible à enserrer dans des conditions
objectives »128. Or, il est évident que, d'abord, en
matière consultative, une fois que la Cour est saisie, elle doit
appliquer la norme selon laquelle elle peut refuser de donner suite favorable
à la demande. Ensuite, des considérations objectives relatives
à la sauvegarde de l'intégrité judiciaire de la Cour
dictent l'attitude à adopter face à une demande d'avis.
Somme toute, l'intégrité judiciaire de la Cour
que vise la prétendue « compétence discrétionnaire
» pouvait être garantie par des raisons spécifiques
conjuguées avec la finalité objective de la Cour.
125 C'est le cas dans l'Affaire du Statut de la Carélie
orientale où il était question de la position de la Russie qui
n'était pas encore membre de la SDN et n'avait pas donné son
accord pour que le différend sois traité par le Conseil. On peut
relever qu'il s'agissait en l'espèce d'une incompétence mixte
(personae et materiae).
126 Voir, Avis, Armes nucléaires (1996 OMS).
127 Voir, Abi-Saab (G.), ibid. p. 147.
128Kolb (R.), « Prétendue
discrétion de la CIJ de refuser de donner un avis consultatif »,
RADIC, décembre 2000, Tome 12, N°4, p. 810.
62
La moindre utilisation de la fonction consultative de la Cour
se trouve être encore accentuée par d'une part la grande
importance accordée à la concurrente fonction contentieuse et
d'autre part par la prolifération des autres moyens et institutions de
règlement pacifique des litiges.
Section 2 : Une fonction consultative
ombragée
La moindre visibilité des vertus de la fonction
consultative de la Cour est imputable d'abord, suivant le système des NU
à la prééminence de la fonction contentieuse (Paragraphe
1) et à la concurrence dont elle fait l'objet de la part des autres
mécanismes de règlement des différends et la
prolifération de juridictions spécialisées au plan
international (Paragraphe 2).
Paragraphe I : La prééminence de la
procédure contentieuse
La prééminence de la procédure
contentieuse à la procédure consultative est due au fait que,
d'une part, les Etats continuent, suivant le schéma traditionnel,
d'être les « maîtres » de la vie internationale (A), et
d'autre part, que les organes et institutions autorisés à
solliciter l'avis de la Cour, rencontrent certains obstacles (B).
A- Les Etats comme acteurs principaux
Le système mis en place à San Francisco n'est
pas de nature à permettre une plus large utilisation de la fonction
consultative de la Cour internationale de justice, organe judiciaire principal
de l'organisation mondiale. Ce système, en conférant une part
belle aux Etats, acteurs principaux des relations internationales, consacre
indirectement la prééminence de la fonction contentieuse sur
celle consultative de la Cour étant justement donné que seuls les
organes et institutions des Nations-Unies autorisés par la Charte ont la
possibilité de solliciter l'avis de la Cour. L`Article 34 alinéa
1 du Statut de la Cour précise que « Seuls les Etats ont la
qualité pour se présenter devant la Cour ». La
compétence de la Cour est subordonnée au consentement
préalable des Etats. Les Etats peuvent saisir la Cour de trois (03)
manières possibles : 1. Soit en vertu d'un accord «compromis»
conclu entre eux dans le but précis de soumettre leur différend
à la Cour ; 2.Soit en vertu d'une clause juridictionnelle : c'est le cas
surtout où les Etats concernés sont partis à un
traité dont l'une des dispositions permet la soumission à la Cour
des différends concernant l'interprétation ou l'application dudit
traité. A
63
l'heure actuelle, plus de trois cents traités ou
conventions contiennent des clauses de ce genre ; 3. Soit par l'effet
réciproque de déclarations faites aux termes du Statut et en
vertu desquelles chacun des Etats en cause a accepté la juridiction de
la Cour comme obligatoire pour leurs différends avec un autre Etat ayant
fait une telle déclaration. Les déclarations de soixante-sept
(67) Etats sont actuellement en vigueur. Un certain nombre d'entre elles sont
toutefois assorties de réserves qui excluent certaines catégories
de différends.
Ce système n'offre pas la possibilité aux Etats
à saisir la Cour afin d'obtenir son opinion sur une question juridique
qu'ils estiment important. Lorsqu'en 1947, dans l'affaire touchant à la
compétence du Conseil de sécurité, le représentant
de la Colombie affirmait en méconnaissance des dispositions de la Charte
et du Statut de la Cour que, « Le gouvernement des Pays-Bas, après
avoir formulé ses réserves ici, peut, à n'importe quel
moment, saisir la Cour international de justice et lui demander
d'apprécier la légalité de la
Résolution129 », il mettait indirectement en question le
système onusien en matière de demande d'avis. Le
représentant des Pays-Bas lui avait répondu en ces termes, «
Seul peut demander un avis consultatif un organe habileté à le
faire par la Charte des Nations-Unies elle-même ou soit en
conformité de la Charte. Cette demande peut émaner du Conseil de
sécurité ou de certains organes, mais elle ne peut émaner
d'un Etat membre »130. Les Etats ne sont donc pas
autorisés à déférer directement les
décisions ou résolutions de leurs organes ou institutions qu'ils
contestent devant la Cour pour avis. Les différends qui opposeraient
aussi l'organe aux Etats membres ne peuvent directement être
tranchés par avis de la Cour. La seule possibilité offerte aux
Etats est de convaincre l'organe concerné de la nécessité
à saisir la Cour afin d'obtenir de l'éclairage sur la question
juridique en cause.
En effet, les Etats ont la possibilité de demander
à l'organe politique auquel ils appartiennent de solliciter l'avis de la
Cour sur une question juridique controversée donnée. Seulement,
cette possibilité est dans la pratique difficilement utilisable. Selon
Bendjoui (M.), cette difficulté à faire admettre à
l'organe politique l'utilité de consulter la Cour peut avoir deux (02)
origines, soit la question soulevée est d'une moindre importance ou
soit, l'Etat est faible ou isolé131.
129 Conseil de Sécurité, 173è séance,
1er août 1947, p. 1693.
130 Idem.
131BENDJAOUI (M.), Nouvel ordre mondial et
contrôle de la légalité des actes du Conseil de
sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 97.
64
Dans la première hypothèse, en principe, les
décisions des organes politiques s'imposent aux Etats qui ont
l'obligation de s'y soumettre. Les questions de moindres importances ou
frivoles d'un Etat sont considérées comme un frein à
l'action de l'organe politique et donc ne suscitent pas un grand
intérêt au point de convaincre l'organe à saisir la
Cour.
Dans la seconde hypothèse par contre, il n'est pas
aisé pour un Etat faible ou isolé de pouvoir obtenir
l'adhésion d'autres Etats au point d'avoir la majorité
exigée pour faire plier l'organe ou l'institution à la
nécessité de demander l'opinion de la Cour.
Ce schéma entraine de facto une utilisation moindre de
la procédure consultative par rapport à la procédure
contentieuse largement utilisée par les Etats. La pratique de la Cour -
sur le plan quantitatif - est largement illustrative. En effet depuis sa
création en 1946 en lieu et place de la CPJI, la CIJ a rendu cent onze
(111) arrêts contre seulement vingt-sept (27) avis
consultatifs132.
Les organes et institutions habilités à saisir
la Cour pour avis rencontrent en pratique des obstacles à l'utilisation
de cet arsenal juridique qui leur est offert.
B- Les obstacles inhérents aux organisations et
institutions
La compétence consultative considérée
à juste titre comme la fonction de la Cour au service des organisations
internationales souffre d'un manque de visibilité due à sa
moindre sollicitation. La saisine faible du principal organe judiciaire de
l'Organisation des Nations-Unies est en partie due à l'organisation et
au fonctionnement même des organes et institutions ayants reçu
l'onction de l'Assemblée général à en faire
usage.
Le principe de fonctionnement de l'ONU prône une
égalité totale et parfaite entre les Etats. Suivant les
dispositions de l'article 2 paragraphe 1 « L'Organisation est
fondée sur le principe de l'égalité souveraine des Membres
». La souveraineté prohibe en effet, toute subordination à
une quelconque autorité supérieure en dehors du consentement
donné par celui qui en est investi. Cela explique, d'une part, pourquoi
la C.I.J. fait preuve d'une déférence plus grande à
l'égard des parties que ne le font les juridictions de l'ordre interne
et, d'autre part, pourquoi la
132 De 1946 à août 2012.
65
procédure comme les règles de compétence
sont, dans cette enceinte, fortement marquées du sceau du
consensualisme.
Ce principe d'égalité doit normalement
être respecté par les organes133 et institutions
spécialisées de l'ONU autorisés à utiliser la
procédure consultative de la Cour étant donné qu'ils sont
bâtis sur les principes et règles de l'Organisation mère.
Seulement cette égalité formelle ne doit pas être
surestimée car la pratique observée au sein des organes et
institutions de l'ONU laisse lire un flagrant déséquilibre. Cet
état de chose n'est pas de nature à favoriser une plus grande
saisine de la Cour pour avis sur des questions juridiques. Même si le
principe d'unanimité a été abandonné au profit du
principe de la majorité, il est prouvé que certains Etats «
défavorablement clichés » éprouvent des
difficultés pour pouvoir engranger à leur cause la
majorité exigée.
L'unipolarité du monde actuel qui explique largement ce
déséquilibre s'observe beaucoup plus dans la pratique de
certaines institutions spécialisées à caractère
financier notamment la Banque mondiale (BM) et le Fond monétaire
international (FMI). En effet l'influence considérable qu'exercent les
Etats Unis sur ces institutions n'est pas de nature à leur laisser main
libre à demander l'avis de la Cour étant donné qu'il est
patent qu'ils (USA) manifestent une certaine hostilité à
l'égard des décisions de la CIJ134.
Par ailleurs, solliciter un avis par ces institutions revient
à s'engager préalablement de respecter l'avis de la Cour. Mais vu
le manque de démocratie de ces institutions, leur incapacité
à remettre en question leurs politiques et le souci primordial de la
défense des créanciers, s'engager sur cette voie de saisine de la
Cour pour solliciter son avis reviendrait à se faire lier par le droit.
Ce qui est très peu envisageable car, il est difficile d'imaginer que
des institutions qui, par voie de la coercition sur les gouvernements,
mènent des politiques pas toujours conformes au droit international,
acceptent du jour au lendemain de se soumettre à ce même droit en
s'engageant de suivre l'avis consultatif de la CIJ.
133 Voir article 27 de la Charte des Nations-Unies pour ce qui
concerne le Conseil de Sécurité de l'ONU qui dispose que «
chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix
».
134Voir l'exemple de l'Arrêt sur l'Affaire
« Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci » du 26 novembre 1984.En 1986, sur la base de l'arrêt
fraîchement adopté et en vertu de l'article 94 § 2 de la
Charte, le Nicaragua s'adresse au Conseil de sécurité pour faire
exécuter l'arrêt rendu au préjudice des Etats-Unis. Or, eu
égard au statut de membre permanent de ce dernier Etat, le Conseil n'a
pas été en mesure d'adopter une résolution. C'est
finalement l'Assemblée générale qui adoptera une
résolution rappelant aux Etats leur obligation de respecter les
arrêts de la Cour.
66
La fonction consultative de la Cour est ombragée non
seulement par d'autres moyens de règlement pacifique des conflits (MARC)
mais aussi par la prolifération des juridictions
spécialisées.
Paragraphe 2 : Une fonction consultative
concurrencée
La concurrence de la fonction consultative de la Cour
s'explique d'abord par le fait que son recours est subordonné, suivant
les dispositions propres aux organes et institutions à
l'épuisement des moyens de résolutions internes de ceux-ci (A) et
ensuite, à la prolifération des juridictions
spécialisées au plan international (B).
A- Le caractère subsidiaire du recours à
l'avis de la CIJ
Nous avons relevé que la Charte des Nations-Unies, tout
en recommandant aux Etats de faire usage des moyens de règlement
pacifiques des différends conformément aux idéaux de
l'Organisation, n'en impose aucun des moyens. Cela n'est pas surprenant dans la
mesure où chaque mode de règlement pacifique a ses vertus
propres, non seulement d'un point de vue intrinsèque, mais aussi au
regard de chaque situation particulière135.
Dans la pratique, la juridiction de la Cour en
général et en matière consultative en particulier
revêt un caractère subsidiaire dû, d'une part à
l'existence d'une certaine concurrence entre les différents modes de
règlement pacifique des différends et, d'autre part, au fait que
recours à la fonction consultative de la Cour reste subordonné,
dans bien des cas, à l'échec des mécanismes de
règlement propres à chaque organe ou institution.
Le recours aux modes de règlement pacifique de conflit
présente certes des avantages à la fonction judiciaire de la
Cour136. La CPJI dans son arrêt n°2 soulignait
l'importance de cette phase en déclarant que« La Cour se rend bien
compte de toute l'importance de la règle suivant laquelle ne doivent
être portées devant elle que des affaires qui ne sont pas
susceptibles d'être réglées par les négociations ;
elle reconnaît en effet, qu'avant qu'un différend fasse l'objet
135Bendjaoui (M.), op. cit., p. 545.
136 Certains, cependant, estiment que le fait pour la Cour de
demander un recours préalable aux MARC est constitutive d'un déni
de justice ; voir Affaires de la Compétence en matière de
pêcheries Essais nucléaires (Royaume Uni et Irlande du Nord c.
Islande), Arrêt du 25 juillet 1974, CIJ. Rec. 1974, Opinion dissidente du
juge GROS, p. 147.
67
d'un recours en justice, il importe que son objet ait
été nettement défini au moyen des pourparlers
diplomatiques »137. En effet, le recours préalable aux
modes alternatifs de règlement pacifique des différends permet
à la Cour de se libérer de toutes les conceptions limitées
et donc offre une plus grande visibilité sur tous les contours et
particularités du différend ou de la question soulevée.
Quoi qu'il en soit, il est évident que la fonction
juridictionnelle de la Cour intervient le plus souvent à titre
subsidiaire en ce qu'elle est fortement concurrencée par d'autres
mécanismes non juridictionnels de règlement ce qui atténue
non seulement le poids de sa fonction mais aussi l'intérêt
même de celle-ci.
La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est
par ailleurs due au fait que les organes ou institutions autorisés
à la saisir disposent en leur sein des mécanismes de
règlement des différends. Le recours à l'avis dans ce cas
est subordonné à l'échec desdits moyens. La convention de
l'Organisation intergouvernementale consultative de la navigation maritime
(IMCO), institution autorisée à saisir la Cour en matière
consultative138, précise en son article 56 que « Toute
question de droit qui ne peut être réglée par les moyens
indiqués à l'Article 55 est portée, par l'Organisation,
devant la Cour internationale de justice, pour avis consultatif,
conformément à l'article 96 de la Charte des Nations-Unies
». L'article 55 est libellé comme suit « Tout différend
ou toute question surgissant à propos de l'interprétation ou de
l'application de la convention est soumis à l'Assemblée pour
règlement ou réglé de toute autre manière dont les
parties au différend se seraient convenues etc. ». II est clair que
l'article 56 confère à la demande d'avis un caractère
subsidiaire la subordonnant à l'impossibilité d'un
règlement du litige par les procédures prévues à
l'article 55 de la convention. Le recours à l'avis de la Cour sur la
question relative à la composition du comité de l'institution a
été facilité par le fait qu'il s'agissait d'un vote de
l'Assemblée générale de l'institution elle-même. Ce
qui rendait impossible la résolution du problème par
elle139.
137 CPJI, Arrêt n°2, Série A, p. 13.
138L'autorisation a été
accordée par un accord approuvé par la Résolution 204
(III) de l'Assemblée générale de l'O.N.U. et beaucoup plus
tard par la Résolution A 7 (I) du 13 janvier 1959 de l'assemblée
de l'I.M.C.O. L'article 9 de cet accord prévoit la possibilité de
demander des avis consultatifs à la Cour de la manière suivante :
« L'Assemblée générale autorise l'organisation
à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de
justice sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre de son
activité, à l'exception de celles concernant les relations
réciproques entre l'I.M.C.O. et l'O.N.U. ou d'autres Institutions
spécialisées».
139 Voir Avis, Composition du Comité de la
sécurité maritime de l'Organisation intergouvernementale
consultative de la navigation maritime, 8 juin 1960, Rec. CIJ, 196O.
68
La prolifération des juridictions internationales
spécialisées contribue, par ailleurs, sensiblement à
« l'effacement » de la fonction consultative de la Cour
internationale de justice.
B- La prolifération de juridictions
spécialisées
Le phénomène de la multiplication des
juridictions sur la scène internationale, largement commenté au
sein de la doctrine, sera, dans le cadre de notre analyse, abordé sous
uniquement l'aspect de ses incidences sur la juridiction de la
Cour140.
L'architecture du système onusien laisse planer un
doute sérieux sur la qualité de la Cour par rapport aux autres
juridictions au plan international. S'il est en effet, indiscutable que la Cour
jouit d'une grande notoriété et autorité morale, sa
prééminence sur d'autres juridictions n'est pas acquise.
L'Article 92 de la Charte des Nations-Unies, en faisant de la Cour l'organe
judiciaire principal des Nations-Unies, lui accorde, sur un plan purement
institutionnel, une position hiérarchiquement supérieure par
rapport aux autres juridictions. Cette supériorité est rapidement
recadrée voire niée par l'Article 95 qui précise en
substances qu' « Aucune disposition de la présente Charte
n'empêche les membres de l'organisation de confier la solution de leurs
différends à d'autres tribunaux en vertu d'accords
déjà existants ou qui pourront être conclus à
l'avenir ». De ce fait, la Cour apparait, au plan relationnel, comme une
juridiction parmi tant d'autres141. La
prétendue supériorité est décriée par
d'autres juridictions notamment le Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY) dans la célèbre affaire Tadic en ces
termes, « En droit international, chaque tribunal est un système
autonome » et « Il n'existe aucun lien hiérarchique entre le
tribunal et la CIJ »142. Certains auteurs ont
vu dans cette affaire Tadic, à la lumière des conclusions du
tribunal qui sont quasiment opposées à celle de la CIJ, une
certaine « guerre des droits »143.
140 La multiplication des juridictions fait
l'objet de plusieurs analyses doctrinales. Voir à cet effet ABI-SAAB
(G.), « Fragmentation or unification : Some concluding remarks »,
Symposium NYU, 2000, p. 919ss.
141DUPUY (R. -J.), Le droit
international, Paris, PUF, 2001.
142 Celebici, Delalic et Consort, Arrêt du
20 février 2001.
143 Cette lecture est contestée par
une partie de la Cour qui ne voit en cette affaire un cas solitaire. Aussi
relèvent-ils qu'on ne peut prétendre parler d'une fragmentation
du droit international du fait de la multiplication des juridictions
étant donné qu'il reste lui-même profondément
relatif, fragmenté, tiraillé et éclaté aussi bien
dans son interprétation que dans son application. Voir FOURET (J.) et
PROST (M.), « La multiplication des juridictions
internationales : De la nécessité de remettre quelques pendules
à l'heure », Revue québécoise de droit
international, 2002, p. 120ss.
69
La Cour, hors du cadre purement institutionnel est
concurrencée par l'émergence de juridictions
spécialisées permanentes ou non. C'est le cas notamment de
l'arbitrage international qui, malgré son coût assez
élevé, reste largement préféré par les
Etats. Le tribunal de la mer crée par la Convention de Montego Bay du 10
décembre 1982 (entrée en vigueur le 16 novembre 1996) prive, en
ce qui la concerne, la Cour d'un pan considérable de sa
compétence qu'est l'arbitrage des conflits relatifs à la mer.
Dans cette lignée, il convient de faire aussi référence
aux projets judiciaires régionaux.
Somme toutes, l'exercice pour nous n'a pas consisté
à faire un procès au phénomène de multiplication de
juridictions spécialisées et régionales144,
mais de montrer en quoi elles constituent des concurrents sérieux de la
Cour - ce qui explique d'ailleurs sa moindre sollicitation - afin de verser
dans des réflexions pouvant contribuer à son éclosion.
144 Pour CAFLISCH (L.), « Cent ans de règlement
des différends interétatiques », RCADI, 2001, p.
300 : « Il semble préférable de multiplier les moyens de
règlement, même si ceux-ci peuvent se chevaucher, plutôt que
de chercher à les tenir bien distincts et de s'exposer au risque de ne
couvrir que partiellement les différends à venir : le trop plein
dans ce domaine est clairement préférable au trop vide.
70
CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION DE
LA FONCTION CONSULTATIVE
La réforme de la Cour, organe judiciaire principal des
Nations-Unies, s'impose aujourd'hui. En effet, malgré la vague de
réformes qu'a connue l'Organisation mondiale notamment ses organes
politiques après la seconde guerre mondiale étalant les carences
de la SDN, la Cour est restée malheureusement presque identique à
sa devancière, la CPIJ.
La nécessité de sa réforme, à la
lumière des nouvelles exigences de la vie internationale, se
révèle incontournable (Section I). Dans cet ordre d'idée,
des voix, pas des moindres, aussi bien au sein de la doctrine qu'au sein des
acteurs politiques, se sont-elles fait entendre : « Je crois, disais, M.
José Figueres Olsen, que les défis sans précédent
que pose le monde actuel obligent, en effet, la Cour à s'adapter aux
nécessités politiques »145.
Cette réforme, malgré l'adhésion qu'elle
suscite, se heurte à de considérables obstacles aussi bien
politiques qu'institutionnels laissant planer une incertitude sur son heureux
aboutissement (Section 2).
Section I : Les pistes de la revalorisation
La revalorisation de la fonction consultative de la Cour peut
être envisagée d'abord par une ouverture plus grande de sa saisine
(Paragraphe I) et ensuite par un réaménagement fonctionnel
(Paragraphe 2).
Paragraphe I : Une saisine plus
généreuse
Il est impérieux que la Cour procède à
une « décentralisation » de la compétence à la
saisir en procédure consultative. Certains organes et institutions qui
ne sont pas habilités à solliciter l'avis de la Cour (A) et ceux,
qui, au plan local, contribuent par leurs actions au développement et
à la pacification de la Société mondiale (B) doivent
être inscrits dans cette liste de compétence.
145 Discours prononcé par le Président du Costa
Rica, M. José Figueres Olsen, à La Haye devant la CIJ le 04 mars
1996, RADIC, op. cit., p. 669.
71
A- Ouverture de la saisine à d'autres organes de
l'ONU
Nous envisagerons sous cette rubrique la possibilité
pour le Secrétaire général des Nations - Unies et les
Etats membres de l'organisation de solliciter l'avis de la Cour sur des
questions juridiques controversées.
S'agissant tout d'abord du Secrétaire
général de l'ONU, il convient de rappeler qu'il fait partie, aux
termes des dispositions de l'article 7 de la Charte des NU, des organes
principaux de l'organisation. Ces organes principaux sont autorisés,
suivant les dispositions de l'article 96 de la Charte, à demander
à la CIJ un avis consultatif sur des questions d'ordre juridiques (pour
le CS et l'AG) et sur des questions juridiques spécialisées (pour
les autres organes et institutions spécialisées de l'ONU)
après autorisation de l'Assemblée générale. Cette
autorisation est généreusement accordée à tous les
organes et institutions spécialisées à l'exception
remarquable du Secrétaire général. L'exclusion du
Secrétaire générale de l'ONU de la procédure
consultative tient essentiellement à des raisons purement politiques et
institutionnelles. En effet, la réticence de l'Assemblée
générale à autoriser le Secrétaire
général à solliciter l'avis de la Cour est guidée
par le souci d'équilibre institutionnel à sauvegarder. Le but de
cet équilibre ne serait pas de garantir la primauté des organes
principaux sur les organes subsidiaires car le Secrétariat est un organe
principal mais plutôt de ne pas accorder une trop grande autonomie
d'action au Secrétaire général par rapport au Conseil de
sécurité et à l'Assemblée générale.
S'il est fait obligation aux organes et institutions de l'ONU de ne solliciter
l'avis de la Cour que sur des questions juridiques qui se posent dans le cadre
de leurs fonctions, la saisine de la Cour par le Secrétaire
général poserait quelques difficultés dans ce cadre. Etant
le plus haut fonctionnaire de l'organisation et ses fonctions concernant
pratiquement tous les secteurs, le Secrétaire général
serait amené à poser des questions ressortissant du domaine de
compétence des autres organes. Cette crainte de primauté et de
confusion expliquent la réticence de l'Assemblée
général à lui accorder cette autorisation.
Le Secrétaire général en l'état
actuel des choses peut inscrire à l'ordre du jour d'un organe une
question sur laquelle il estime important de solliciter l'éclairage de
la Cour146. Il a
146Selon l'Article 99 de la Charte des
Nations-Unies, "Le Secrétaire général peut attirer
l'attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui,
à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et la
sécurité internationale".
72
également le droit voire le devoir de rappeler aux
organes des NU la nécessité de demander l'avis de la Cour toutes
les fois qu'ils se heurtent à une question juridique importante et
controversée147.Dans ce cadre, dans son rapport de 1991, le
Secrétaire général relevait que « De nombreux
différends internationaux sont justiciables de la Cour ; même ceux
qui semblent purement politiques, ont un élément nettement
juridique. Si pour quelque raison que ce soit les parties ne saisissent pas la
Cour, obtenir de celle-ci un avis consultatif aiderait à parvenir
à un règlement équitable et objectivement satisfaisant et,
partant, à désamorcer une crise potentielle
»148.
Mais nous partageons l'idée d'une possible ouverture de
la saisine de la Cour au Secrétaire général notamment dans
le cadre de ses compétences relatives au maintien de la paix. Il a
été suggérer d'autoriser le Secrétaire
général à demander des avis consultatifs en fonction du
Paragraphe 2 de l'Article 96, en lui permettant de recevoir des avis juridiques
officiels sur des points de droit international qui se posent dans le cadre de
ses activités, en particulier en ce qui concerne les différends
dans le cadre desquels on lui demande de jouer un rôle, notamment en
exerçant ses bons offices ou en intervenant en qualité de
médiateur149.
Par ailleurs, il serait souhaitable de lui accorder le droit
de saisir directement la CIJ d'autant plus qu'une saisine par une seule
personne plutôt que par un organe bénéficierait d'avantages
en termes de rapidité et d'efficacité.
S'agissant ensuite des Etats, acteurs traditionnels et
incontournables de la vie internationale, la Charte des NU leur accorde une
priorité uniquement en matière contentieuse. L'exclusion des
Etats de la procédure consultative s'explique par le fait qu'il y a
risque pour la Cour de statuer deux fois, d'abord en procédure
consultative puis en procédure contentieuse au sujet d'une même
question. La Cour court ainsi le risque de se voir ultérieurement
liée par son avis lorsqu'elle sera amenée à se prononcer
sur la même affaire au contentieux ce qui risque de fragiliser sa
crédibilité.
147M. Boutros Boutros-Ghali avait
suggéré, par exemple, de faire usage de manière plus
fréquente de la procédure consultative : « Je recommande ...
que les autres organes de l'organisation qui sont déjà
autorisés à le faire (demander l'avis de la Cour)
s'adressent plus souvent à la Cour pour obtenir d'elle des avis
consultatifs ».
148 Rapport du Secrétaire général de l'ONU
à l'Assemblée générale, 1991, A/46/1, p. 4.
149 Voir, (GHALI B. B.), in RADIC, Op. cit., p. 9
73
L'ouverture de la procédure consultative aux Etats peut
être envisagée sous l'aspect d'assouplissement des
procédures. En effet, les Etats sont le plus souvent auteurs des
résolutions tendant à demander à l'organe dont il conteste
une décision de solliciter l'avis de la Cour. Pour envisager un plus
grand succès des initiatives des Etats, la demande doit être
considérée comme une question de procédure qui n'implique
pas l'usage du droit de veto. Aussi l'existence d'une minorité
substantielle réunissant les 2/5 des Etats en faveur d'une demande
d'avis devrait-elle être prise en compte par le Conseil.
On peut aussi envisager accorder, eu égard aux
mutations actuelles de la société internationale, la
possibilité de saisine de la Cour en matière consultative
à certains organes et institutions spécifiques.
B- Ouverture de la saisine à certains organes
spécifiques
S'il est incontestable que les Etats sont les acteurs
principaux de la vie internationale, il reste cependant évident
qu'aujourd'hui, on assiste à un changement de données. En effet,
des phénomènes de fragmentation et ou de regroupement contribuent
à une vulnérabilité de l'Etat. De ce fait, « Le droit
international n'est pas exclusivement, et peut être pas principalement,
le droit des relations entre Etats »150. Les
Etats se trouvent submergés par soit des organisations régionales
qu'elles soient de type coopératif ou d'intégration, ou soit, par
des organisations internationales et des organisations non gouvernementales
(ONG). Il est exigeant que les conditions de saisine de la Cour pour avis
notamment soient revisitées à la lumière de ces nouvelles
donnes.
D'abord, le rôle important que jouent les organisations
internationales qui ne sont pas intégrées directement à
l'ONU ne peut être négligé. Le chapitre VIII de la Charte
certes, les place dans un état de subordination vis-à-vis du
Conseil. Seulement eu égard à la place qu'elles occupent au plan
régional, il est indispensable que la procédure consultative leur
soit ouverte afin qu'elles soient éclairées sur des questions
juridiques importantes qui se posent au plan régional. Les conflits
entre les différentes organisations régionales peuvent être
réglés par les avis de la Cour qui en pareils cas revêtira
un caractère obligatoire pour les parties.
150 COMBACAU (J.) et SUR (S.), Droit
international public, Paris, Domat, Montchrestien, 2éd. 1995, p.
311.
74
Ensuite, les organisations non gouvernementales, souvent
considérées comme de simple instruments de lobbying, ont vu leurs
impacts sur la formation du droit international longtemps ignorés. Les
ONG sont par définitions insaisissables avec des contours mal
dessinés151. Elles sont appréhendées par leurs
caractéristiques notamment leur composition internationale, la
constitution privée et leur but non lucratif152. Pour BLAIS
Y. « L'organisation non gouvernementale internationale est une structure
privée du droit international regroupant des personnes privées ou
publiques originaires de plusieurs pays, et qui oeuvrent sans esprit de lucre
à la réalisation d'un but d'intérêt
général international dans les pays autre que celui de sa
fondation »153. A la lumière de l'importance des
missions qu'accomplissent certaines desdites ONG, on estime qu'il serait
judicieux de penser à leur possible saisine de la Cour pour demander des
éclairages sur des questions d'importances fondamentales. Il revient de
faire un certain diagnostic des ONG dont la notoriété est
indiscutable et qui répondent à des critères à
déterminer.
Enfin, et pour contrer le risque de fragmentation du droit
international du fait du manque de coordination et de subordination des
juridictions sur le plan international, une possibilité pourrait
être d'habiliter, sous certaines conditions, d'autres institutions
judiciaires internationales à soumettre à la Cour, par le canal
de l'Assemblée générale, des demandes d'avis sur des
questions de droit international auxquelles elles sont
confrontées154.
La générosité en matière de
saisine de la Cour, qui nécessitera des amendements des articles 96 de
la Charte et 65 du Statut de la Cour, contribuerait à une plus grande
utilisation de la fonction consultative qui favorisera le développement
du droit international. Le risque d'un encombrement de demande d'avis au
rôle de la Cour ne doit pas être perdu de vue d'où la
nécessité de prendre quelques dispositions fonctionnelles.
151 Voir BLAIS (Y.), L'influence des ONG sur la
négociation de quelques instruments internationaux, Bryulant,
Bruxelles, 2001, p. 9.
152 Pour des définitions des ONG voir, la Convention
européenne sur la reconnaissance de la personnalité juridique des
ONG du 24 avril 1986 et la Convention de La Haye concernant la reconnaissance
de la personnalité juridique des sociétés, associations et
fondations étrangères de 1956.
153BLAIS (Y.), Ibid.
154 RADIC, op. cit., p. 648.
75
Paragraphe 2 : Un réaménagement
fonctionnel
La gestion efficace des demandes d'avis consultatifs qui
afflueront devant la Cour du fait de la révision des conditions de sa
saisine exige que des aménagements d'ordre fonctionnel soient
envisagés notamment l'institution et l'utilisation des chambres (A) et
la prise de certaines dispositions pratiques (B).
A- Institution des chambres
L'un des principaux griefs adressé à la Cour et
qui explique l'hésitation des organes politiques à solliciter son
avis est la lenteur dans l'instruction des affaires. En effet, les organes
politiques, eu égard aux exigences du temps, n'envisagent pas une
suspension de leurs décisions du fait de la saisine de la Cour.
Il s'agit ici d'une question assez sensible lorsqu'on sait
qu'il est malaisé de concilier célérité et bon
procès surtout en matière internationale où les exigences
liées à la souveraineté des Etats cumulées à
un droit international instable avec des contours fuyants155.
La Cour, peut, pour contourner cette situation, faire usage
des opportunités que son statut lui offre. Selon les dispositions de
l'Article 68 de son statut, « Dans l'exercice de ses attributions
consultatives, la Cour s'inspirera en outre des dispositions du présent
Statut qui s'appliquent en matière contentieuse dans la mesure où
elle les reconnaitra applicables ». La Cour pourra à la
lumière de cette disposition mettre à profit l'expérience
faite en matière contentieuse par l'institution des chambres.
Aucune disposition ni dans la Charte ni dans le statut de la
Cour n'interdit le recours à ce procédé. Selon l'Article
26 du statut de la Cour, "La Cour peut, à toute époque,
constituer une ou plusieurs chambres, composées de trois juges au moins
selon ce qu'elle décidera, pour connaître des catégories
déterminées d'affaires, par exemple d'affaires de travail et
d'affaires concernant le transit et les communications. La Cour peut à
toute époque constituer une chambre pour connaître d'une affaire
déterminée. Le nombre de juges de cette chambre sera fixé
par la Cour avec l'assentiment des parties."
155 RADIC, op. cit., p. 546-547.
76
Les chambres, qui ne seront que des comités de juristes
avérés, seront chargées, au nom de la Cour, de rendre des
avis sur des questions spécifiques adressées à la Cour.
Leurs avis pourront être présentés à la Cour en une
séance plénière pour des amendements éventuels et
pour adoption. Ainsi l'avis sera considéré comme rendu par la
Cour et non par le comité ou la chambre.
S'agissant de la composition des chambres instituées
dans le cadre de la procédure consultative, ou peut envisager, en cas
d'une demande d'avis formulée par un organe politique, d'accompagner les
trois juges composant la chambre d'un membre désigné par l'organe
politique qui a sollicité l'avis. Certaines dispositions d'ordre
pratique peuvent également contribuer à accroitre
l'efficacité de la Cour en matière consultative.
B- Des dispositions pratiques
Dans le cadre de la réforme de la fonction consultative
de la Cour, il serait aussi important d'envisager revoir, outre, la
portée de l'avis qu'elle rend, certains aspects d'ordres pratiques.
Les avis, de par leur régime juridique, sont
dépourvus de force obligatoire. Il s'agit essentiellement d'un point de
vue ou d'une opinion de la Cour sur une question donnée destiné
à éclairer l'organe ou l'institution qui le sollicite. De ce
fait, il ne lie aucunement les initiateurs de la question qui sont, en
principe, libre de s'y soumettre ou pas. Le débat à San Francisco
sur la compétence de la Cour à donner un avis a été
houleux. En effet, la compétence de la Cour à donner des avis
était jugée incompatible avec sa fonction
judiciaire156.
Les hypothèses dans lesquelles les avis de la Cour ont
une portée contraignante sont très limitées. C'est le cas
notamment lorsque les dispositions de l'organe qui le sollicite en disposent
ainsi et lorsqu'il s'agit de questions relatives aux accords de siège
liant l'organisation à un Etat hôte.
La nécessité de rendre les avis de la Cour
obligatoires se révèle être une exigence de taille. En
effet, il est vrai que même si ces avis ne possèdent pas de force
juridique obligatoire, ils
156 Voir supra, introduction, p. 11-12.
77
s'imposent en raison de leur autorité morale et du fait
qu'ils contiennent une des composantes de tout acte juridictionnel à
savoir la constatation du droit en vigueur. Ainsi, on pourrait envisager que
lorsque la Cour rend des avis sur l'interprétation
générale de la Charte, que l'effet obligatoire
relatif157 de celui-ci s'élargisse à tous les Etats,
organes et institutions de l'Organisation.
Des dispositions d'ordres procéduraux peuvent
être aussi envisagées afin d'accroitre l'efficacité de la
Cour. D'abord, il est important de réduire la longueur des
décisions ainsi que le nombre des opinions individuelles et dissidentes.
Ensuite, l'exigence du bilinguisme qui rend, au plan pratique, lourdes les
charges du greffe avec l'inflation constatée des pièces et des
annexes fournies par les parties, doivent être
aménagées.
Les réformes envisagées pour rendre plus
efficace et plus visible la fonction consultative de la Cour ne semblent pas
trouver malgré les voeux qui y militent, un terreau fertile à
leur mise en oeuvre conditionnée à la modification de la Charte
des Nations-Unies.
Section 2 : Une réforme incertaine
La réforme de la CIJ, notamment en sa fonction
consultative, se situe dans le cadre général de la réforme
du système des Nations-Unies. L'incertitude de son aboutissement tient
d'abord à la rigidité de la procédure de modification de
la Charte et de son Statut (Paragraphe 1) et aux contraintes d'ordre
institutionnel et politique (Paragraphe 2).
Paragraphe I : La lourdeur de la procédure de
modification.
La révision du statut de la Cour obéit suivant
les dispositions de son chapitre V aux mêmes règles
observées pour la modification de la Charte158. Cette
procédure de révision (A) et d'amendement (B) se
révèle assez rigide dans sa mise en oeuvre.
157 L'effet relatif de l'avis fait référence
à l'organe politique qui en prend acte par une résolution et
l'Etat contestateur qui ne peut logiquement s'y opposer.
158 Cf. Articles 69 et 70 du Statut de la Cour.
78
A- La procédure de révision
La procédure de révision mise en place par la
Charte des Nations-Unies s'apparente à celle rencontrée au plan
interne dans le cadre des constitutions dites rigides. Cette rigidité de
la constitution a pour but essentiel d'empêcher des modifications
inopportunes, hâtives et souvent irréfléchies.
Prévue à l'Article 109 de la Charte des
Nations-Unies, la procédure de révision de la Charte se veut
spécifique. Aux termes de cet article, pour entreprendre une
révision de la Charte, la compétence de révision est
confiée à un organe spécial appelé
conférence générale159de révision
convoquée sous l'initiative conjointe de l'Assemblée
générale et du Conseil de sécurité.
La procédure mise en place à l'Article 109 de la
Charte n'est pas en effet aisée à mettre en oeuvre. Elle confirme
l'improbabilité d'un aboutissement de la réforme de la Charte et
donc de la Cour, organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. Cette
procédure est en effet la même pour entreprendre une
réforme des organes principaux de l'ONU. L'actualité en la
matière est assez éloquente si on considère les
difficultés que rencontre la réforme du Conseil de
sécurité de l'organisation160.
La convocation de la conférence générale
de révision est sérieusement encadrée. La
conférence générale de révision ne peut, en effet,
se réunir que sur un vote de l'Assemblée Générale
à la majorité des deux tiers des membres et par un vote de neuf
quelconque des membres du Conseil de sécurité. On se rend compte
qu'au niveau de l'Assemblée générale d'abord, la
procédure est encore plus durcie. En effet, contrairement aux exigences
de l'article 18 de la Charte où les questions jugées importantes
sont prises à la majorité des deux tiers des membres
présents et votants, l'Article 109 exige la même majorité
mais sur l'ensemble des Etats membres de l'organisation.
159 Certains auteurs ont estimé à la
lumière de cet article qu'il s'agit d'un organe important au point de
figurer dans la liste des organes de l'ONU dressée à l'article 7
de la Charte pas certainement comme organe principal ni comme organe
subsidiaire mais, de toutes les façons, un organe dont la
dénomination reste à préciser. Vr. à cet effet,
KELSON (H.) dans son ouvrage intitulé, The Law of the United
Nations.
160 Voir. SANGBANA (K.), Réflexion sur la
réforme du Conseil de Sécurité des Nations-Unies,
mémoire DEA, Université de Lomé, juillet 2008.
79
On se mettra ainsi d'accord sur le souci d'encadrer la
révision de la Charte même si au niveau du Conseil il apparait un
certain assouplissement161.
Mais cet assouplissement est rapidement recadré
s'agissant non plus de la convocation de la conférence mais de la mise
en oeuvre de la modification recommandée par la conférence
à la majorité des deux tiers. Ici, il est exigé pour la
mise en oeuvre de la modification, la ratification des deux tiers des membres
des Nations-Unies y compris tous les membres permanents du Conseil de
sécurité. Cette dernière exigence rend improbable
l'aboutissement de la procédure de la révision de la Charte dans
un monde des plus instable guidé par les intérêts
particuliers des plus « forts »162.
La procédure mise en place pour l'amendement de la
Charte n'est pas non plus d'un maniement facile quoiqu'elle soit de loin la
plus sollicitée dans l'histoire des
Nations-Unies163.
B- La procédure d'amendement
La procédure d'amendement de la Charte n'est pas moins
mobilisable que celle de la révision. Il témoigne du souci des
pères fondateurs de la Charte de la verrouiller suffisamment.
L'article 108 de la Charte dispose en effet que « Les
amendements à la présente Charte entreront en vigueur pour tous
les membres des Nations-Unies quand ils auront été adoptés
à la majorité des deux tiers de l'Assemblée
générale et ratifiés, conformément à leurs
règles constitutionnelles respectives, par les deux tiers des membres de
l'organisation, y compris tous les membres permanents du Conseil de
Sécurité ».
L'analyse de cet article laisse apparaitre une certaine nuance
entre la procédure d'adoption des questions import antes et la
procédure d'adoption des amendements au sein de
161 Au niveau du Conseil de
Sécurité, il n'est pas exigé le vote affirmatif des cinq
membres permanents. Le veto ne peut non plus juridiquement faire obstacle
à la convocation de la conférence.
162 Voir DEHAUSSY (J.), « Commentaire de
l'article 119 » in la Charte des Nations-Unies, commentaire article
par article, COT (J. P.), PELLET (A.), 2ed. Paris,
Economica, 1991, p. 1444-1446.
163 C'est le cas en 1963
(élargissement du Conseil de Sécurité de 11 membres
à 15 membres) ; en 1963 (élargissement du Conseil
économique et social de 18 à 27 membres) puis (à 54
membres) en 1971 ; en 1965 (sur les articles 109 relatif à la
convocation de la conférence de révision de la Charte).
80
l'Assemblée générale164. Si
dans les deux cas, il est question de la même majorité (deux
tiers) des membres, l'exigence n'est pourtant pas la même. Dans le cadre
des décisions importantes de l'Assemblée générale,
le décompte est fait par rapport aux membres présents et votants.
Ce qui est de toute évidence plus réalisable. L'exigence en
matière d'amendement de la Charte est la majorité des deux tiers
sur l'ensemble des membres de l'organisation.
Cette différence de degré permet de mettre en
exergue la particularité de la procédure d'adoption des
amendements prévue à l'Article 108 de la Charte des
Nations-Unies. Il s'agit d'établir une corrélation entre
l'importance d'une question et l'appui des Etats. Plus une question se
révèle importante, plus la décision s'avèrera
essentielle, et donc plus il est indispensable de rassembler les membres de
l'Assemblée générale en sa faveur.
L'exigence est justifiée par le fait qu'un amendement
n'ayant acquis que l'approbation des deux tiers des membres présents et
votants, sans avoir obtenu les suffrages des deux tiers des membres de
l'Assemblée, n'aurait que d'infimes chances de se voir par la suite
ratifier par les deux tiers des membres de l'Assemblée
générale, comme l'exige l'entrée en vigueur des
amendements de l'Article 108 de la Charte.
Sur ce dernier point relatif à la ratification,
condition essentielle pour l'entrée en vigueur de l'amendement,
l'exigence de la réunion de l'ensemble des membres du Conseil de
sécurité constitue en effet un verrou de plus.
La stabilité précaire que connait l'institution
mondiale aujourd'hui est imputable à la répartition sur mesures
des compétences de chacun des organes et institutions. De ce fait, les
différents organes rechignent toute initiative de réforme pouvant
entraine un bouleversement de cet équilibre,
164 Suivant les dispositions de l'article 18 de la Charte,
« Les décisions de l'Assemblée Générale sur
les questions importantes sont prises à la majorité des deux
tiers des membres présents et votants (...). L'idée ici
consisterait à considérer les absents et les abstentions comme ne
comptants pas dans le décompte final.
81
Paragraphe 2 : Le souci d'équilibre et les
pesanteurs politiques
L'idée de la réforme de l'organisation et du
fonctionnement de la Cour se trouve heurtée d'abord au souci majeur
d'équilibre des organes au sein de l'organisation (A) et ensuite aux
intérêts politiques de certaines supers-puissances de
l'organisation mondiale (B).
A- L'exigence de l'équilibre institutionnel
L'équilibre dans le fonctionnement des organisations
internationales a toujours été un des soucis principaux des
fondateurs. Les débats qui ont présidé à la
création de l'organisation des Nations Unies ont été
marqués foncièrement par ce souci d'équilibre. Le
problème était de savoir quel sera parmi les organes politiques
et l'organe judiciaire celui qui aura la prééminence sur les
autres165.
Il est évident que la réponse à cette
interrogation sur le plan purement théorique n'a pas de réelles
difficultés. En effet, les différents organes principaux de
l'organisation mondiale, suivant les dispositions de la Charte, fonctionnent
sur la base des principes de complémentarité et
d'égalité ou plus exactement de la non subordination.
Dans la pratique cependant, les choses en vont autrement
surtout envers l'organe judiciaire. L'institution de la Cour parmi les organes
principaux de l'ONU avait pour objectif d'assurer une protection contre les
excès de pouvoir d'un certain autre organe notamment politique. Cette
prétention a été contestée par certains auteurs qui
ont vu en cette institution le gouvernement des
juges166. C'est sur ce point justement que les
hostilités se renforcent toujours face à l'idée de
réformer le fonctionnement de la Cour. Le Conseil de
sécurité n'a pas été et ne sera jamais tendre
lorsqu'il s'agit de reconnaitre à la Cour la capacité à
exercer un contrôle de légalité sur ses actes.
165 Voir BENDJAOUI (M.), Nouvel ordre
mondial et contrôle de la légalité des actes du Conseil de
sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p. 573.
166 Les propos du gouvernement britannique
à l'égard de la Cour européenne des droits de l'homme et
de son appréciation des effets de l'état d'urgence sont
illustratifs « they are not matters to beassessed ... those again are
politicaldecisions and cannot in ourviewbedecided on purelylegal grounds
», in, BENDJOUI (M.) op. cit., p. 573.Pour John Foster Dulles, « Le
Conseil de Sécurité n'est pas un organe qui simplement applique
le droit convenu. Il est par lui-même un droit » BENDJOUI (M) in,
Nouvel ordre mondial et contrôle de la légalité des
actes du Conseil de Sécurité, Bruylant, Bruxelles, 1994, p.
11.
82
Le souci d'équilibre est la base des justifications
avancées pour ne pas admettre l'ouverture de la saisine de la Cour en
matière consultative au Secrétaire générale de
l'organisation des Nations-Unies. Il a été avancé
qu'ouvrir le prétoire de la Cour au Secrétaire
général reviendrait à fausser l'équilibre de la
Charte. On a craint une certaine autonomie du Secrétaire
général vis-à-vis des autres organes principaux politiques
notamment le Conseil de sécurité et l'Assemblée
générale. Aussi, le principe de spécialité
exigé dans la sollicitation de l'avis de la Cour serait battu en
brèche si cette autorisation était validée étant
prouvé que le Secrétaire général n'a pas un domaine
de spécialité propre.
Le même raisonnement peut être mené
s'agissant de l'idée d'autoriser les Etats à solliciter l'avis de
la Cour. Il est craint ici le sevrage du Conseil de sécurité et
de l'Assemblée générale d'une importante partie des
affaires au profit de la Cour. Ceci risquerait, en outre, de porter sans nul
doute une atteinte sérieuse aux intérêts de certaines
grandes puissances.
B- Les pesanteurs politiques
Les contraintes politiques sont considérables et
imputables aux Etats. En effet, qu'il s'agisse de la procédure de
révision ou de la procédure d'amendement de la Charte, il est
procédé indiscutablement à des négociations
politiques entre les Etats sur les différents points à soumettre
à leur approbation.
L'aboutissement heureux de toute démarche de
modification de la Charte et donc de réforme d'un organe des
Nations-Unies est strictement conditionné aux succès
préalables - au plan politique - entre les Etats. Les Articles 108 et
109 de la Charte font du consensus non seulement entre les Etats membres de
l'organisation mais aussi des membres du Conseil de sécurité un
élément nécessaire pour toute réforme.
Il est patent, sur ce point justement que, les points de vue
des Etats sur des sujets de réforme divergent. Cette divergence reste le
plus souvent le résultat des intérêts politiques de chacun
des Etats. Ce qui constitue un obstacle sérieux à la
réforme des organes des Nations-Unies. L'exemple actuel de la
réforme du Conseil de sécurité illustre plausiblement
cette réalité. D'abord sur le plan des intérêts
politiques propres, les membres permanents se sont toujours montrés
hostiles à toute idée d'élargissement du Conseil de
sécurité. Qu'il s'agisse des Etats
83
Unis d'Amérique167, de la
Chine168, de la
France169, de la
Russie170 ou du Royaume
Uni171, chacun joue sur ces intérêts
qui risquent ou non de disparaître en cas d'élargissement des
membres permanents. S'agissant ensuite de la divergence des points de vue,
illustrons avec les conceptions disparates qui sont avancées dans le
cadre de la réforme du Conseil. En effet, les Etats africains ne
s'accordent pas sur la procédure de la réforme. Alors que
certains soutiennent et défendent l'idée de membres permanents
(on y retrouve l'Afrique du Sud, le Nigéria), d'autres optent pour un
système de rotation (l'Angola, l'Egypte, le Sénégal).
Ces exemples empruntés aux difficultés qui font
obstacle à l'aboutissement de la réforme du Conseil de
Sécurité s'appliquent parfaitement à la Cour
internationale de justice.
Ainsi, relève Bendjaoui (M.) « L'essentiel pour
l'avenir immédiat de la Cour est donc que s'affirme dans les
chancelleries la volonté politique de lui porter un regard neuf, plus
empreint de réalisme »172.
167 Pour les Etats Unis,
l'élargissement du Conseil de sécurité risque fortement de
paralyser le fonctionnement de l'organe. Ils posent en outre des conditions qui
sont loin de faire l'unanimité notamment la condition de
démocratisation des pays en développement. Cette condition
à laquelle ne souscrivent pas certains Etats comme la Russie et le
Chine. Le souci pour la super puissance mondiale est de garder sans nul doute
son influence sur cet organe qui décide de l'état des relations
mondiales.
168 La Chine montre son hostilité
vis-à-vis de la candidature du Japon qui risque de concurrencer son
rôle de leader en Asie. Elle n'hésitera donc pas à brandir
son veto en cas d'une candidature de son rival de longue date.
169 S'agissant de la France, son
intérêt immédiat se mesure par rapport à
l'Allemagne, locomotive de l'économie de l'Union Européenne. La
présence de l'Allemagne en qualité de membre permanent du Conseil
de sécurité ne fera qu'enfoncer le rayonnement de la France qui
se trouve déjà en mauvaise posture sur la scène
internationale.
170 Pour la Russie, l'admission des pays
émergeants en qualité de membres permanents auront pour principal
inconvénient son effacement progressif sur la scène
internationale eu égard à sa faible économie et à
son instabilité économique.
171 Le Royaume Uni - eu égard à sa
politique extérieure - peut s'adapter aisément à toute
réforme du Conseil.
172 Voir Bendjaoui (M.), RADIC,
Septembre 1996, Volume 8, numéro 3, p. 546.
84
CONCLUSION
85
La place et le rôle de la Cour internationale de justice
au sein de l'Organisation des Nations - Unies sont d'une grande portée.
Instituée depuis 1945 en lieu et place de la CPJI, la Cour est non
seulement perçue comme un des organes principaux de l'ONU mais aussi et
surtout comme l'organe judiciaire principal de l'organisation mondiale. En
cette dernière qualité, la Cour a entre autres missions de
contribuer au règlement pacifique des différends entre Etats au
travers de sa fonction contentieuse et à l'éclairage des organes
et institutions de l'ONU sur des aspects juridiques controversés
auxquels ils se verront confrontés dans le cadre de leur
spécialité à travers sa fonction consultative.
Cette dernière fonction de la Cour, objet de notre
réflexion, malgré son apport incommensurable notamment sur le
fonctionnement des organes et institutions de l'ONU et sur le
développement du droit international général, se trouve
être largement peu utilisée. Il s'est révélé
impérieux, dans la marche globale de la réforme de l'ONU, que les
attentions se tournent vers la Cour en général et
particulièrement vers sa fonction consultative.
L'apport de la fonction consultative a été
démontré essentiellement par l'analyse et l'étude de sa
jurisprudence. Cette démarche se justifie par les avantages qu'offre la
jurisprudence qui revêt un rôle de premier plan dans le
système international. L'Article 38 du statut de la Cour abonde dans ce
sens en affirmant que « La Cour, dont la mission est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis, applique... les décisions judiciaires...comme moyen auxiliaire
des règles de droit ».173
La sous-utilisation de la fonction consultative de la Cour est
imputable à la rigidité de la Charte des Nations-Unies et de son
Statut qui restreignent l'ouverture du prétoire de la Cour.
Limitée sur le plan institue personnae seulement aux organes principaux
(à l'exception du Secrétaire général) et à
certaines institutions spécialisées de l'ONU et sur le plan
matérielle à des aspects spécifiquement juridiques, la
fonction consultative de la Cour a moins d'opportunités - contrairement
à la fonction contentieuse - de faire valoir ses
potentialités.
La relance de cette fonction consultative de la Cour est plus
qu'une exigence. La Cour doit de s'adapter aux réalités
politiques d'un monde en mutation perpétuelle. Les
réalités politiques
173 La jurisprudence considérée
non pas comme une source formelle du droit international mais une source
d'inspiration aide considérablement à identifier et à
interpréter les règles du droit international quelle que soit
leur source. Elle se révèle aussi être un puissant moteur
de l'évolution des règles de droit par l'effet qu'elle peut
générer sur la pratique et l'opinio iuris des sujets de droit
international et de renforcement des institutions.
86
d'après-guerre ne sont aucunement plus les mêmes
aujourd'hui. L'avènement du nouvel ordre mondial174 constitue
une exigence de plus à l'évolution de la Cour appelée
à faire triompher le règne du droit en lieu et place de la force
et de la violence.
L'idée essentielle de la réforme de la fonction
consultative de la Cour tient à la décentralisation de la
capacité de sa saisine. D'abord au sein des organes principaux des
Nations-Unies, le Secrétaire général de l'Organisation
doit pouvoir être autorisé à saisir la Cour pour solliciter
son éclairage - eu égard à la relation
complémentaire qu'il entretient avec le Conseil de
sécurité - sur certains aspects juridiques des affaires dans
lesquelles il joue un rôle de premier plan. Ensuite, il est
proposé à d'autres institutions qui sont hors du cadre de l'ONU
de pouvoir exploiter la fonction consultative de la Cour. Il s'agit
essentiellement des institutions d'ordre régionales et sous
régionales qui jouent un rôle non négligeable en
matière de paix et de sécurité internationale. Par
ailleurs, on ne peut aujourd'hui sous-estimer l'apport considérable de
certaines organisations non gouvernementales en matière de la promotion
des droits humains. Ce serait donc une avancée significative de leurs
permettre dans l'exercice de leurs activités de soumettre à
l'avis de la Cour les questions juridiques problématiques auxquelles
elles seront confrontées. Enfin, la possibilité doit être
offerte aux acteurs principaux de la vie internationale que sont les Etats
à solliciter le point de vue de la Cour en assouplissant les
procédures au sein des organes et institutions auxquels ils sont
partis.
Sur le plan matérielle, il s'agira de lancer « un
appel aux Etats pour qu'ils révisent leurs critères de saisine de
la Cour en ne perdant à aucun moment de vue que cette saisine,
même si elle ne concerne qu'un aspect juridique subsidiaire d'un
différend politique beaucoup plus vaste, peut avoir des vertus
apaisantes immédiates et transformer avec bonheur la physionomie de ce
différend »175.
L'avantage immédiat de cette ouverture de la saisine de
la Cour en matière consultative est sans nul doute l'accroissement
sensible des affaires à porter au rôle de la Cour. L'aspect
quantitatif, même s'il n'est pas le seul élément rendant
compte de l'efficacité d'une Cour, il constitue néanmoins un
élément essentiel dans l'apport de celle-ci en ce qu'il permet
à la
174 Le Nouvel ordre mondial forgé dans les
années 1990 envisage un règne sans partage du droit. S'adressant
au Congrès des Etats-Unis le 11 septembre 1990, le Président
Georges Bush annonce « Une nouvelle ère... un monde où la
primauté du droit remplace la loi de la jungle ; une ère nouvelle
moins menacée par la terreur, plus forte dans la recherche de la justice
et plus sûr dans la quête de la paix ». Pour le
Président français, Mitterrand François, il s'agit «
d'une guerre du droit ».
175Bendjaoui (M.), RADIC, op. cit., p.
543.
87
Cour de contribuer par ses décisions à
l'éclairage et au développement du droit en
général. Mais ceci ne doit pas masquer le risque de «
surchauffage de la machinerie » de la Cour. A ce niveau, doit être
mise à profit l'opportunité de l'utilisation des chambres par la
Cour.
L'avenir de la fonction consultative de la Cour mondiale doit
être pensé notamment sur les aspects relatifs au contrôle de
légalité des actes des organisations internationales notamment
ceux du Conseil de sécurité qui reste largement rudimentaire avec
des limites vite atteintes. Il est admis que chaque organe de l'institution
dispose, dans le cadre de ses fonctions, du pouvoir d'interprétation de
la Charte et de leur acte constitutif. La problématique se dégage
justement dans l'hypothèse d'existence de plusieurs
interprétations de surcroit contradictoires. Jusqu'où peut aller
cette interprétation et comment résoudre d'éventuelles
contradictions s'il n'est pas reconnu à la Cour une compétence de
contrôle de constitutionnalité des actes des organes politiques
notamment le Conseil de sécurité.
88
ANNEXES
89
BIBLIOGRAPHIE
90
I- OUVRAGES GENERAUX
BENDJAOUI (Mohamed), Nouvel ordre mondial et contrôle de
la légalité des actes du Conseil de sécurité,
Brylant, Bruxelles, 1994, 634 Pages.
COLONOMOJ (Ariel), La morale dans les relations
internationales, Odile de Jacob, Bruxelles, 2005, 356 Pages.
COT (Jean-Pierre), PELLET (Alain), FORTEAU (Mathias), La
Charte des Nations Unies : commentaire article par article, Economica,
3èm Ed., Paris, 2005, 2363 Pages.
DAILLIER (Patrick), PELLET (Alain), Droit international
public, 7èm Ed., LGDJ, Paris, 2002, 1510 Pages.
DECAUX (Emmanuel), Droit international public,
5ème éd., Dalloz, Paris, 403 Pages.
DREYFUS (Simone), Droit des relations internationales,
éléments de droit international public, 4èm Ed., CUJAS,
1992.
HENCKAERTS (Jean-Marie) et DOSWALD-BECK (Louise), Droit
international humanitaire coutumier, Volume I : Règles, Brylant,
Bruxelles, 2007, 868 Pages.
KOUASSI (Edmond Kwam), Organisations internationales
africaines, Berger-Levraut, Paris, 1987, 486 Pages.
LIEGEOIS (Michel), Maintien de la paix et diplomatie
coercitive, l'organisation des Nations Unies à l'épreuve des
conflits de l'après-guerre froide, Brylant, Bruxelles, 2003, 236
Pages.
NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (Patrick), PELLET (Alain), Droit
international public, LGDJ, Paris, 2002, 1270 Pages.
NOVOSSELOFF (Alexandra), Le Conseil de sécurité
des Nations Unies et la maitrise de la force armée: dialectique du
politique et du militaire en matière de paix et de
sécurité internationales, Brylant, Bruxelles, 2003, 660 Pages.
RIGAUDIERE (Albert), Introduction historique à
l'étude du droit des institutions, Economica, Paris, 2002, 490 Pages.
SOCCOL (Brice), Relations internationales, Paradigme,
Orléans, 2005-2006, 405 Pages.
91
II- OUVRAGES SPECIALISES
AZAR (Aïda), L'exécution des décisions de la
Cour Internationale de Justice, Brylant, Bruxelles, 2003, 330 Pages.
KOLB (Robert), Interprétation et création du droit
international, esquisse d'une herméneutique juridique moderne pour le
droit international public, Brylant, Bruxelles, 2006, 959 Pages.
KOLB (Robert), Le droit relatif au maintien de la paix
internationale : Evolution historique, valeurs fondatrices et tendances
actuelles, Pedone, 2005, 118 Pages.
TCHIKAYA (Blaise), Mémento de la jurisprudence du droit
international public, les fondamentaux, Hachettes Supérieurs, Paris,
2005.
III- ARTICLES
AKANDE (Dapo), « The role of the International court of
justice in the maintenance of international peace », RADIC,
septembre 1996Tome 08 n° 3, 592 - 616 pages.
BENDJAOUI (Mohamed), « La place de la Cour internationale
de justice dans le système général de maintien de la paix
instituée par la Charte des Nations Unies », RADIC,
septembre 1996 Tome 08 n° 3, 541 - 548 pages.
BULA-BULA (Sayeman), « L'idée d'ingérence
à la lumière du nouvel ordre mondial », RADIC,
septembre 1994 Tome 06 n° 1, 14 - 44 pages.
KOLB (Robert), « De la prétendue discrétion
de la Cour internationale de justice de refuser de donner un avis consultatif
», RADIC, Tome 12 n° 4, décembre 2000, 799 - 814
pages.
KPODAR (Adama), « Le principe de spécialité
dans la définition des organisations internationales », RBSJA,
décembre 2006 n° 17, 47- 77 pages.
ROSENNE (Shabtai), « Decolonisation in the International
court of justice », RADIC, septembre 1996, Tome 08 n° 3, 564
- 576 pages.
IV- DOCUMENTS OFFICIELS
- Charte des Nations Unies ;
- Statut de la CIJ ;
- Convention de Vienne sur le droit des traités (1969)
;
- Convention de Vienne sur le droit des traités (1986)
;
- Convention de Genève relative aux traitements des
prisonniers en période de guerre et
son protocole additionnel (1949) ;
- Recueil des décisions de la CIJ.
V- 92
DICTIONNAIRE
SALMON (Jean), Dictionnaire de droit international
public, Brylant, Bruxelles, 2001, 1198 Pages.
VI- SITES INTERNETS
-
www.un.org (site officiel de l'ONU) ; -
www.cij-icj (site officiel de la CIJ).
93
TABLE DES MATIERES
94
DEDICACE 01
REMERCIEMENTS 02
AVERTISSEMENT 03
04
..
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE : UNE FONCTION CONTRIBUTIVE......
13
CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU
DROIT INTERNATIONAL CLASSIQUE 14
Section I : Contribution au développement droit
international général ..... 14
Paragraphe I : Développement du droit humanitaire et des
droits de l'homme. 14
A- Renforcement du droit humanitaire 15
B- Consolidation des droits de l'homme . 17
Paragraphe 2 : Développement du droit des traités
.. 20
A- Les techniques d'interprétation des traités .
20
B- La validité des réserves aux traités .
23 Section 2 : Contribution au développement du droit des
organisations
internationales .. 25
Paragraphe I : Le principe de spécialité des OI
25
A- La reconnaissance du principe de spécialité
26
B- L'évolution du principe de spécialité .
28
Paragraphe 2 : La personnalité juridique des OI dans les
avis de la CIJ . 31
A- La reconnaissance de la personnalité juridique des OI
.. 31
B- Les implications de la personnalité juridique des OI .
34
CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA
PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES
. 37
95
Section I : La pacification de la société
internationale 37
Paragraphe I : Une mission attributive de la Cour 37
A- La Cour, organe judiciaire des Nations-Unies 37
B- La saisine de la Cour comme moyen de règlement
pacifique des
39
41
41
différends
Paragraphe 2 : Un rôle partagé en pratique avec le
Conseil de sécurité
A- La prééminence du Conseil de
sécurité
B- Exercice conjoint de compétence entre la Cour et le
Conseil .. 43 Section 2 : La paix et la sécurité
internationales dans la jurisprudence de la
Cour 44
Paragraphe I : En matière du droit à
l'autodétermination 44
A- Le contenu du droit à l'autodétermination .
44
B- La position de la Cour 47
Paragraphe 2 : L'interdiction du recours à la force ..
50
A- Le contenu du principe .. 50
B- L'exception au principe : la légitime défense
51
DEUXIEME PARTIE : UNE FONCTION REVALORISABLE..
55
CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION
CONSULTATIVE . 56
Section I : Une saisine moins généreuse . 56
Paragraphe I : La compétence personnelle limitative ..
56
A-
96
Les organes habilités à saisir la Cour 56
B- Les obstacles procéduraux .. 58
Paragraphe 2 : La compétence matérielle claire
obscure . 60
A- L'exclusivité des questions juridiques 60
B- La fiction de la compétence discrétionnaire
de la Cour 61
Section 2 : Une fonction consultative ombragée . 64
Paragraphe I : La prééminence de la
procédure contentieuse .. 65
A- Les Etats comme acteurs principaux .. 65
B- Les obstacles inhérents aux organes et institutions
67
Paragraphe 2 : Une fonction consultative concurrencée
.. 68
A- Le caractère subsidiaire du recours à l'avis
de la CIJ 69
B- La prolifération des juridictions
spécialisées 70
CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION
DE LA FONCTION CONSULTATIVE . 73
Section I : Les pistes de la revalorisation 73
Paragraphe I : Une saisine plus généreuse 73
A- Ouverture de la saisine à d'autres organes de l'ONU
74
B- Ouverture de la saisine à d'autres organes
spécifiques .. 76
Paragraphe 2 : Un réaménagement fonctionnel
77
A- Institution des chambres . 78
B- Des dispositions pratiques .. 79
Section 2 : Une réforme incertaine .. 80
Paragraphe I : La lourdeur de la procédure de
modification. .. 80
A- La procédure de révision 80
B- La procédure d'amendement . 82
97
Paragraphe 2 : Le souci d'équilibre et les pesanteurs
politiques . 83
A- L'exigence de l'équilibre institutionnel . 83
B- Les pesanteurs politiques 85
CONCLUSION 87
ANNEXE 90
BIBLIOGRAPHIE 92
TABLE DES MATIERES . 96
|