CHAPITRE UN
INTRODUCTION
Endémie depuis des siècles due aux agents
parasitaires (le plasmodium) inoculé à l'hôte
essentiellement par une piqûre de moustique de genre Anophèles
(femelle), le paludisme cause des dégâts irréparables dans
le monde entier et en particulier dans les pays du tiers monde et zones
tropicales. L'Organisation Mondiale de la Santé montre que 90% des 250
millions de cas mondiaux surviennent en Afrique sub-saharienne ; plus de
25millions de femmes enceintes habitent des zones de haute transmission
palustre, mais seulement une petite minorité de ces femmes ont
accès à des interventions efficaces pour prévenir le
paludisme [1]. C'est la raison pour laquelle l'Organisation
des Nations Unies [2] lors de sa 55ème
assemblée générale en Septembre 2000, a défini les
huit Objectifs du Millénaire pour le Développement et en
particulier l'OMD volet paludisme dont la principale cible est de
réduire de 75% d'ici 2015 le taux de morbidité et de
mortalité lié au paludisme. En Novembre 2005 lors de l'atelier du
Forum du partenariat Faire Reculer le Paludisme (RBM) à Yaoundé,
au Cameroun, on a mis au point un « Appel de Yaoundé
à l'action sur le paludisme ».L'appel réclame la mise
en oeuvre du plan global stratégique de RBM [3] qui
comprend les buts d'Abuja pour 2010 résumés comme suit :
80% de personnes à risque du paludisme seront
protégées ;
80% des patients atteints du paludisme seront
diagnostiqués et traités ;
80% des femmes enceintes dans les régions de
transmission stable recevront le traitement préventif intermittent, Le
paludisme est une maladie due à l'infection par des hématozoaires
du genre Plasmodium. Il existe quatre espèces Plasmodium
parasites de l'homme : P.falciparum, P.vivax,
P. ovale et P.malariae. Ces parasites vivent dans le foie de
l'homme, puis dans ses globules rouges, dont ils provoquent la destruction
(hémolyse responsable d'anémie), ce qui déclenche
l'accès fébrile chez les groupes les plus vulnérables.
Les différentes interventions en matière de
paludisme concernent :
La prévention qui comprend : la distribution des
moustiquaires imprégnées, pulvérisations
intra-domiciliaires, ainsi que les traitements préventifs
intermittents.
La prise en charge des cas de paludisme Au Cameroun et selon
l'OMS [4] le paludisme est un problème de santé
publique majeur car il constitue la première cause de morbidité
et de mortalité. La bataille contre les moustiques paludiques a
été véritablement lancée en 2005 avec la
création du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP).
D'après une enquête du PNLP [5], la malaria est
responsable de :
40% de morbidité dans la population
générale
22% de mortalité dans la population
générale
Les enfants de moins de 5 ans (17%) et les femmes enceintes
(5%) représentent un total de 22% de la population totale avec les
risques de morbidité et mortalité les plus élevés
(PNLP, 2004). Ils constituent donc les simple chez les enfants de 0 à 5
ans qui comprend, le diagnostic et la distribution des traitements en
combinaison a base d'Artémissinine (ACT), constitue la stratégie
la plus indiquée pour réduire la au palud.
Depuis 2006, le Cameroun a adopté une nouvelle
politique médicamenteuse pour le traitement des formes simples de
paludisme, basée sur les associations avec les l'Arté missinine.
En dehors de la volonté de contrôler la maladie
avec la prévention, les autorités sanitaires ont exprimé
une grande nécessité de contrôler aussi les ACT en curatif
afin que leur prescription soit limitée aux cas de paludisme
avérés. [6]. Cette préoccupation est
d'autant plus essentielle si on sait que la circulation des antipaludiques
utilise des canaux autres que ceux officiels (multiplication des prescripteurs
et des fournisseurs) et leurs utilisations par les soignants et les
communautés pas toujours en adéquation avec les recommandations
officielles.
C'est dans ce cadre que cette étude sera menée
afin de documenter l'impact socio-économique, politique et culturel de
la distribution des moustiquaires imprégnées. Une telle
entreprise devrait permettre au PNLP de disposer d'informations et de
données qui lui permettraient de mettre en place une politique efficace
en direction des prestataires et des communautés pour accompagner
l'introduction de ces nouveaux moyens thérapeutiques. Cette approche
vise à mettre en adéquation les produits en tenant compte des
perceptions et usages locaux des médicaments et moustiquaires
imprégnées.
Cette volonté de contrôler l'usage des ACT et
moustiquaires passe par une maîtrise des ressorts de leur utilisation.
Une telle connaissance pouvant déboucher sur une stratégie
d'action et de sensibilisation avec des messages d'éducation et
d'information sanitaires adaptés aux perceptions, aux vécus et
aux conditions des populations et des Professionnels de santé.
1.1 PROBLEMATIQUE
Depuis l'échec du programme d'éradication du
paludisme qui s'est heurté à la résistance de
l'Anophèles au DDT, l'OMS [7] a recommandé
d'autres stratégies pour lutter contre cette maladie,
notamment :
Le diagnostic précoce et le traitement rapide de tous
les épisodes cliniques (si possible dans les 24heures suivant
l'apparition des symptômes) ;
La planification et la mise en oeuvre de mesures de
prévention viables y compris l'utilisation des moustiquaires
imprégnées d'insecticide et la lutte contre les
vecteurs ;
La détection précoce pour la prévention
ou la limitation des épidémies ;
Le renforcement des capacités locales de recherche pour
promouvoir l'évaluation régulière de la situation dans les
pays ; en particulier sur les déterminants
écologiques ; sociaux et économiques de la maladie.
La deuxième stratégie de prévention est
basée sur l'utilisation des moustiquaires imprégnées
d'insecticide à longue durée d'action. Ces moustiquaires se sont
avérées instrumentales à réduire la
mortalité due au paludisme d'en moyenne 20% chez les enfants en Afrique
subsaharienne et à accroître la proportion de meilleures issues de
la grossesse [8]. Cette méthode est la moins
chère et la plus efficace des moyens de prévention
identifiés.
Plusieurs recherches menées de 1988 à ce jour
ont mis en évidence l'efficacité des moustiquaires
imprégnées dans la lutte contre le paludisme, notamment au
Burkina Faso, Cameroun, Gambie, République Démocratique du Congo,
Kenya, Ghana, Benin et en Cote d'Ivoire. Ces études ont produit des
données convaincantes sur l'efficacité des moustiquaires
imprégnées par rapport aux couts de chaque décès
évité ; celui ci était estimé à plus de
600 dollars américains [9]. D'autres études
faites à l'échelle de villages en Papouasie-Nouvelle
Guinée [10] ont montré que les moustiquaires
imprégnées d'insecticide peuvent contribuer à
détourner les moustiques des hommes vers les animaux par leurs effets
répulsifs pour chercher le repas sanguin, piquant ainsi moins les
humains.
Malheureusement, selon Memain [11], les
populations ont souvent difficilement accès à ces moustiquaires.
Les commandes faites par les agents de santé sont rares et
insuffisantes, les populations signalent des difficultés
financières qui limitent leur acquisition. Elles ont des arguments et
des contraintes domiciliaires défavorables à l'utilisation
correcte et régulière de ces moustiquaires. Les constats faits
à partir des comportements quant à l'utilisation des
moustiquaires, montrent que la population n'est pas toujours convaincue des
multiples messages que diffuse le système de santé. Ces
situations qui limitent l'accès massif aux moustiquaires d'insecticide
ne sont pas spécifiques à un pays. En 2009, Dieng
[12] rapportant les données de l'OMS au niveau de la
région Africaine sur la lutte contre le paludisme en 2008 indiquait que
dans cette région abritant 43% des populations exposées au risque
de paludisme, en moyenne 34% des ménages possèdent au moins une
Moustiquaire imprégnée .En 2009 en Guinée Conakry, une
enquête du Ministère de la santé [13]
rapportait que seuls 28% des enfants de moins de 5 ans et 24 ,1%des femmes
enceintes avaient dormi sous une moustiquaire (imprégnée ou non)
la veille de l'enquête. En 2009 au Mali malgré la distribution
gratuite de moustiquaires aux femmes enceintes et aux enfants par le
Ministère de la santé [14] ,69% des
ménages possédaient au moins une moustiquaire avec seulement
41% des enfants et 42% de l'ensemble des femmes de 15 -49ans ayant dormi sous
une moustiquaire la veille de leur interview. En 2006 au Benin,
[15] rapportait que 41% d'enfants de moins de 5 ans et 32% des
femmes enceintes avaient dormi sous des moustiquaires imprégnées
distribuées gratuitement. En 2008 en République
Démocratique du Congo, Akilimali [16] indiquait un taux
de 43% chez les enfants de moins de 5 ans ayant passé la nuit sous
Moustiquaire imprégnée d'insecticide. Au Cameroun comme dans la
majorité des pays au sud du Sahara, le paludisme représente le
premier motif de consultations ainsi que la principale cause
d'absentéisme à l'école et au travail, perpétuant
de ce fait le cercle vicieux de la maladie et de la pauvreté
[17]. Dans le dernier plan stratégique 2007-2010, le
PNLP [18] a défini les objectifs à atteindre
afin de réduire la mortalité et la morbidité liée
au paludisme. Pour atteindre ces objectifs, les 8 axes stratégiques
suivants ont été retenus ; les 3 premiers étant
techniques et les 5 autres des axes d'appui :
1. le renforcement de la prise en charge des cas à
domicile et dans les formations sanitaires publiques et privées ;
2. la prévention ;
3. la promotion de la lutte contre le paludisme par
l'Information, Éducation, Communication et plaidoyer ;
4. la surveillance épidémiologique
5. le processus gestionnaire ;
6. la formation et développement de la recherche
opérationnelle sur le paludisme ;
7. le développement du partenariat pour la lutte contre
le paludisme ;
8. le renforcement des capacités institutionnelles.
En 2010, le Cameroun a bénéficié du
financement du Fond Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le
Paludisme pour mettre en oeuvre le projet round 9 de lutte contre le paludisme
intitulé « scaling up malaria control for impact in Cameroun
2010 -2014 » [19]. L'une des activités
majeures de ce projet est la distribution gratuite des moustiquaires
imprégnées à longue durée d'action (MILDA) à
toute la population Camerounaise. Pour permettre la mesure des progrès
réalisées et assurer une meilleure compréhension du niveau
actuel d'atteinte des objectifs fixés dans le cadre du plan
stratégique de lutte contre le paludisme 2006-2010 et collecter des
données de base qui permettront d'évaluer les progrès
réalisés dans la mise en oeuvre du Round 9, il est important de
procéder à une enquête ménages à indicateurs
sur le paludisme. C'est donc dans ce contexte que le MINSANTE et l'Institut
National de la Statistique ont réalisé en
2011[20] l'enquête sur les indicateurs du paludisme.
Celle-ci a révélé que :
Seulement 21 % des membres des ménages
enquêtés ont dormi sous une moustiquaire quelconque la nuit
précédent l'enquête.
Par ailleurs, seulement 14 % des membres des ménages
ont déclaré avoir dormi sous une moustiquaire
imprégnée à un moment quelconque
Et 13 % sous une moustiquaire de type MILDA. Parmi les
ménages disposant de moustiquaires MILDA, 35 % des membres ont dormi
sous ce type de moustiquaire la nuit précédente.
Les enfants de moins de 5 ans bénéficient d'une
attention particulière par rapport aux autres membres des
ménages, car ils constituent le groupe qui a le plus souvent dormi sous
une moustiquaire.
En général, selon la même enquête
menée par MEMAIN SRADO [21], les femmes sont
relativement plus nombreuses à avoir dormi sous une moustiquaire. Par
exemple, dans les ménages disposant d'au moins une MILDA, 14 % des
femmes (contre 12 % des hommes) ont dormi sous une moustiquaire de ce type. De
façon générale, les populations urbaines sont
légèrement plus nombreuses à dormir sous une moustiquaire
que les populations rurales.
Les différences interrégionales sont assez
importantes. La région du Littoral reste en tête avec 37 % de la
population dormant sous une moustiquaire imprégnée à un
moment quelconque ; elle est suivie de la région du Sud (28 %), de la
région du centre (27 %). Les populations les moins utilisatrices de
moustiquaires sont celles des régions de l'Extrême Nord (10 %), du
Nord (16 %) et de l'Ouest (18 %).
Les résultats de la même enquête
révèlent que les pourcentages de femmes enceintes ayant
utilisé une moustiquaire quelconque et une moustiquaire de type MII sont
plus élevés en milieu urbain (32 % et 21 % pour la MII)
qu'en milieu rural (24% et 17 % pour la MII) alors que le pourcentage
d'utilisation d'une moustiquaire de type MILDA est le même dans les deux
milieux (17 %). Par ailleurs, les femmes enceintes utilisent les
moustiquaires en général dans des proportions différentes
selon les régions. L'enquête révèle que ce sont les
régions de Nord-Ouest (38 % pour la MII et 40 % pour la MILDA),
Littoral (35 % pour la MII et 37 % pour la MILDA), Sud (29 % pour la MII
et 23 % pour la MILDA) et l'Est (27 % pour la MII et 24 % pour la
MILDA) qui détiennent les proportions de femmes enceintes utilisatrices
de moustiquaires les plus élevées, alors que les proportions plus
faibles sont observées dans les régions de l'Extrême-Nord
(10 % pour la MII et 9 % pour la MILDA), du Sud-ouest (13 % pour la MII et
10 % pour la MILDA) et de l'Ouest (14 % pour la MII et la MILDA).
Au Cameroun, 52 % de ménages possèdent au
moins une moustiquaire imprégnée ou non. La proportion de
ménages qui possèdent au moins une moustiquaire MI est de 36 % et
celle des ménages qui possèdent au moins une MILDA est de 33 %.
Les enquêtes montrent que la proportion des ménages qui
possèdent des moustiquaires diminue avec la qualité et le nombre
de moustiquaires puisque les MILDA sont moins présentes dans les
ménages que les MII et ces dernières sont moins
possédés par les ménages que les moustiquaires
quelconques. PNLP [21a].
Si l'usage approprié des MILDA est
présenté par les experts en santé publique comme l'une des
méthodes principales de lutte contre le paludisme et recommandée
par l'OMS à côté de la pulvérisation
intra-domiciliaire dans le cadre de la lutte anti-vectorielle, les
récentes données issues des formations sanitaires montrent une
régression du taux de morbidité liée à cette
maladie. Entre 2008 et 2012, ce taux de morbidité est passé de
49% à 29,3 %. Ceci du fait notamment de l'accélération des
méthodes préventives notamment par la distribution des
moustiquaires imprégnées aux couches vulnérables depuis
2003 et à l'ensemble de la population depuis 2011, en addition a
d'autres mesures. PNLP [21b].
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