Les opérations de maintien de la paix de l'ONU et les droits de l'homme( Télécharger le fichier original )par Christian Brice NTSAMA BALLA Université de Yaounde II - Diplôme d'Etudes Approfondies 2013 |
B- « Les droits de l'homme »L'une des plus grandes difficultés en matière de protection internationale des droits de l'homme est l'absence d'une définition commune de cette notion50. Si la déclaration universelle des droits de l'homme et les Pactes internationaux relatifs à la protection des droits de l'homme ont eu le mérite de présenter un ensemble de droits inhérents à la personne humaine, elles ont présenté la limite de ne pas fournir une définition des droits de l'homme. La notion de droits de l'homme est récente car, c'est celle de libertés publiques qui a été retenue pendant longtemps. Mais il est désormais acquis que la notion de droits de l'homme diffère de celle des libertés publiques. Les libertés publiques sont celles que le droit positif de l'État a consacré, aménagé l'exercice et assuré le respect. Elles se conçoivent uniquement dans un État et par rapport à ces nationaux. Quant aux droits de l'homme, ils constituent une valeur internationalisée51, en raison de leur domaine plus vaste car ils concernent tous les individus sans considération 48 Académie Internationale de la paix, Guide des forces chargées du maintien de la paix des Nations Unies, New York, 1978, p.11/7 et s 49 Coulon(J), Liégeois(M), Qu'est-il advenu du maintien de la paix, Institut Canadien de la Défense et des Affaires Etrangères, 2010, p.40 50 Voir Carreau(D), Droit International, 7e édition, A Pedone, p.413 51 Cohen-Jonathan, « Les droits de l'homme, une valeur internationalisée », Droits fondamentaux, 1, juillet-décembre 2001, www.droits-fondamentaux.org, p.164 14 de nationalité52. C'est dans la doctrine que la définition des droits de l'homme de l'étude sera recherchée. Selon Nicolas Valticos, les droits de l'homme sont complémentaires, interdépendants et indivisibles. L'auteur distingue d'une part les droits civils et politiques qui sont les libertés que l'État assure aux individus. Et d'autre part les droits économiques et sociaux qui sont des créances des individus qui devraient bénéficier de certaines conditions de vie ou prestations comme travailleurs ou membres de la société. Selon l'auteur, c'est «l'ensemble de ces deux catégories de droit qui correspond à la notion internationale des droits de l'homme »53. Avec Yves Madiot, les droits de l'homme sont « les droits subjectifs qui traduisent dans l'ordre juridique, les principes naturels de justice qui fondent la dignité de la personne humaine »54. Pour Pierre Marie Dupuy, les droits de L'homme renvoient à l'identité de la personne humaine ; et selon celle-ci, elle est dotée de mêmes attributs et aspire aux mêmes libertés quels que soient la race, l'ethnie, le sexe les croyances ou la nationalité qui sont les siens55. Selon Keba Mbaye, les droits de l'homme se présentent comme « un ensemble de principes juridiques fondamentaux qui s'appliquent partout dans le monde tant aux individus qu'aux peuples et qui ont pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les hommes pris collectivement en raison de l'existence d'une dignité attachée à leur personne et justifiée par leur condition humaine »56. Selon le Dictionnaire de droit international public, les droits de l'homme désignent « l'ensemble des droits et libertés fondamentales inhérents à la personne humaine et qui concernent tous les êtres humains »57. 52 Sur la distinction entre droits de l'homme et libertés publiques, voir Jean Rivero, Les libertés publiques, PUF, « Themis », tome1 8e édition 1997. 53 Valticos(N), « La notion des droits de l'homme en droit international », Mélanges Michel Virally, Paris, Pedone, 1991, p.485 54 Madiot(Y), Droits de l'homme, 3e édition, Masson, 1991, p.26 55 Dupuy(P.M), Droit International Public, 9e édition, Dalloz, 2008, p.220 56 Keba baye, Les droits de l'homme en Afrique, 2e édition, Edition Pedone, p.35 57 Salmon(J), Dictionnaire de Droit International Public, op.cit. 15 Il ne s'agit pas dans cette étude de porter des jugements de valeur sur toutes ces définitions d'auteur, ni de tabler sur leur pertinence ou non. L'ambition est de trouver une définition des droits de l'homme adéquate pour la présente étude. La définition des droits de l'homme dans notre étude doit épouser le contexte visé, à savoir les périodes de conflit. Les définitions sus évoquées ne cadrent pas avec ce contexte car elles intègrent aussi bien les droits civils et politiques que les droits économiques et sociaux ; et certaines vont jusqu'à intégrer les droits de solidarité. Il faut préciser qu'en période de conflit, les violations massives des droits de l'homme concernent un type particulier de droits de l'homme à savoir les droits fondamentaux de l'homme. Si le Pacte international relatif aux droits civils et politiques autorise aux États à suspendre la jouissance et l'exercice des droits proclamés en période de guerre ou de danger public exceptionnel, il ne leur permet pas de porter atteinte aux droits intangibles. Il en ressort qu'il existe des droits inhérents à tous les êtres vivants et en toutes circonstances. La Cour Internationale de Justice va dans le même sens dans l'Affaire de la Barcelona Traction lorsqu'elle déclare qu' « une distinction essentielle doit en particulier être établie entre les obligations des États envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent vis-à-vis d'un autre État dans le cadre de la protection diplomatique. Vu l'importance des droits en cause, tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés. Les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes. Ces obligations découlent par exemple dans le droit international contemporain de la mise hors la loi des actes d'agression et du génocide, mais aussi des principes et règles fondamentaux concernant les droits fondamentaux de la personne humaine. »58. Cet obiter dictum de la CIJ a consacré l'existence des droits fondamentaux de la personne humaine. Ces droits sont les droits auxquels aucune dérogation ne peut être apportée même en cas de conflit armé. Ils appartiennent aux normes de jus cogens et forment ce que la doctrine appelle « le noyau dur des droits de l'homme »59. À la lecture de l'article 4 du PIDCP, de l'article 15 de la CEDH et des articles 4 et 5 de la CADHP, le noyau dur des droits de l'homme est constitué de quatre droits élémentaires qui sont : le droit à la vie, le droit de n'être pas soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumaine et dégradants, le droit de ne pas être placé en 58 Affaire Barcelona Traction light and power company limited, CIJ, Receuil 1970, p.32 59 Sudre (F), « Quel noyau intangible des droits de l'homme ? », Maugenest (D) et Pougoue (P-G) (Dir), Droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque de Yaoundé (9-11 novembre 1994), Presses de l'UCAC, Edition Karthala, p ; 267 et s 16 esclavage ou servitude, le droit à la légalité des délits et des peines60. Il s'agira donc dans cette étude de ces droits sus énumérés en dehors du droit à la non rétroactivité de la loi pénale. La définition des droits de l'homme retenue dans cette étude est celle donnée par Frédéric Sudre qui définit les droits fondamentaux de l'homme comme « les attributs inaliénables de la personne humaine, normes fondamentales bénéficiant à tous et partout en toutes circonstances »61 |
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