CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
Il a été question dans cette deuxième
partie de présenter le hiatus qui existe entre la protection des droits
de l'homme dans le cadre institutionnel des OMP et cette protection dans le
cadre opérationnel. En effet le cadre opérationnel des
opérations de maintien de la paix présente une protection
mitigée des droits l'homme. L'on constate que malgré
l'intervention des OMP, la situation des droits de l'homme ne connaît pas
une amélioration considérable. Les violations des droits de
l'homme persistent et les rapports des différentes missions, ainsi que
ceux du SGNU permettent de le vérifier. Malgré la présence
des OMP, l'on peut constater que le Conseil de sécurité s'est
continuellement inquiété sur la situation des droits de l'homme
en RDC, en Côte d'Ivoire, au Tchad, en RCA, au Soudan. Mais, nous ne
pouvons mettre de côté l'effet positif de l'intervention d'une OMP
en ce qui concerne les droits de l'homme. Les OMP mènent dans leur
déploiement des activités dans le cadre de la protection et la
promotion des droits de l'homme, ce qui permet de constater une
évolution fusse t- elle légère de la situation des droits
de l'homme dans leurs zones d'intervention.
139
CONCLUSION GENERALE
140
Au terme de notre réflexion, nous retenons que
l'étude sur les opérations de maintien de la paix de l'ONU et les
droits de l'homme dans le continent africain, permet de dégager un
double constat sur le sort des droits de l'homme dans ces opérations. Ce
double constat reflète la nature institutionnelle et
opérationnelle des OMP.
Sur le plan institutionnel des OMP, les droits de l'homme font
l'objet d'une protection affirmée. Cela se vérifie tant au niveau
des normes qui régissent ces opérations, qu'au niveau des
contingents qui les conduisent. Sur le plan normatif, les exigences de
protection des droits de l'homme sont prises en compte, et cela de deux
manières. Les OMP ont d'une part la mission de protéger les
droits de l'homme dans leurs mandats. Cette protection concerne les droits de
l'homme proprement dits et certaines catégories de personnes (civils,
femmes et enfants). D'autre part, ces opérations ont l'obligation de se
conformer aux normes relatives au droit international des droits de l'homme et
au droit humanitaire, ceci en tant qu'agents de l'ONU et en tant qu'acteurs au
conflit. Sur le plan des organes qui conduisent les OMP, on remarque la
présence de sections chargées de la protection des droits de
l'homme. L'on compte la division des droits de l'homme de ces opérations
et d'autres sections telles que la section de protection de l'enfance,
l'unité genre, la section chargée du DDR, la section
chargée des affaires civiles. Toutes sections qui ont des missions dans
le domaine des droits de l'homme.
En ce qui concerne le cadre opérationnel des OMP
déployées en Afrique, l'on constate que les droits de l'homme y
font l'objet d'une protection mitigée. En effet, malgré la
présence des OMP, les violations des droits de l'homme persistent dans
leurs zones d'intervention. Cela s'est vérifié en Côte
d'Ivoire, en RDC, au Tchad, en RCA, au Soudan, au Libéria et au Rwanda.
Malgré la présence des Casques bleus, les civils continuent
d'être massacrés, de faire l'objet de viols et de traitements
inhumains et dégradants. Néanmoins la présence des OMP a
des avantages sur le plan de la protection des droits de l'homme. Car
même si les violations des droits de l'homme persistent, ce n'est plus
avec la même intensité. À travers leur présence
militaire, les OMP réduisent l'intensité des violations des
droits de l'homme et aident les États dans leurs stratégies de
protection des droits de l'homme, ceci à travers la promotion des droits
de l'homme. En un mot, les OMP contribuent à une amélioration
légère de la situation des droits de l'homme.
141
L'ampleur des espoirs fondés sur les OMP par les
populations des pays en crise et la communauté internationale dans son
ensemble, tient au fait de leurs mandats ambitieux et l'ensemble des moyens
logistique, humain et financier mobilisés pour elles. Ce qui semble
échapper aux détracteurs des OMP est que, dans leurs
interventions, les OMP ont dans le domaine des droits de l'homme une
responsabilité subsidiaire et non principale. Cela est perceptible dans
les résolutions du Conseil de sécurité mettant sur pied
ces opérations. Dans la résolution 1925(2010) du CS sur la
MONUSCO, il souligne que « c'est au gouvernement de la RDC qu'il incombe
au premier chef d'assurer la sécurité sur son territoire et de
protéger les civils, dans le respect de l'État de droit, des
droits de l'homme et du droit international humanitaire »343.
Concernant le conflit en Côte d'Ivoire, le CS condamnait les violations
des droits de l'homme et du droit international humanitaire survenues en
Côte d'Ivoire et déclarait qu'il incombe au gouvernement de «
prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher de nouvelles
violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, en
particulier des populations civiles quelles que soient leurs origines
»344. Nous voyons par ces résolutions que les
gouvernements dans lesquels interviennent les Casques bleus ont la
responsabilité principale en ce qui concerne la protection des droits de
l'homme sur leur territoire. Doit-on jeter la pierre dans ces conditions aux
OMP ? Les OMP doivent-elles être accusées de mauvais
résultats dans un contexte où les États africains peinent
à asseoir une stabilité sur les plans politiques et
économiques ?
Il est légitime de répondre à cette
question par la négative. Il est certes vrai que les OMP ont leur part
de responsabilité dans les violations des droits de l'homme que
subissent les populations dans leurs zones d'intervention, mais la
responsabilité principale incombe en premier lieu aux États
africains. Signalons que l'Organisation des Nations Unies est actuellement
asphyxiée par la question des opérations de maintien de la paix,
car les principaux contributeurs en termes de personnel, de moyens financiers
et de logistique honorent de moins en moins pas à leur engagement, et
ceci pour deux raisons. D'abord l'instabilité financière que
connait le monde actuellement contraint ces pays à s'occuper
prioritairement de leur situation économique sur le plan interne, au
détriment de la participation au fonctionnement de l'organisation.
Ensuite, les pertes en vies
343 S/RES/1925 (2010)
344 S/RES/1464 (2004)
142
humaines dans les rangs des contingents Onusiens créent
des réticences au niveau des États dans le cadre de la fourniture
du personnel. L'Afrique qui connait le plus grand nombre d'opérations
souffre particulièrement de ce désengagement, et ceci
s'aperçoit par « une réduction graduelle des forces
françaises basées en Afrique et par l'absence de contingents
occidentaux au sein des grandes opérations de l'ONU sur le continent
noir »345.
Les pays occidentaux préconisent désormais une
gestion des conflits africains par les africains eux-mêmes. Dans ce sens,
de nombreuses initiatives sont nées pour renforcer les capacités
africaines du maintien de la paix, à l'instar du RECAMP, de l'EUROCAMP,
de l'ACRI, de l'ACOTA et du GPOI. Le fait est que malgré l'appui
apporté au continent africain dans le cadre du maintien de la paix,
l'Union Africaine reste dans une léthargie, incapable d'assumer son
rôle central en matière de paix et de sécurité. Ce
n'est donc pas sur cette organisation qu'il faille espérer pour une
gestion satisfaisante des conflits en Afrique, et par conséquence une
cessation des violations massives des droits de l'homme et du droit
international humanitaire sur le sol africain. À notre avis, il est
temps pour le continent africain de sortir de la spécificité
négative346, et cela n'est possible que par l'État
africain lui-même. Comme nous le savons, les États africains
connaissant des crises font partie de la catégorie des États dits
« défaillants », qui sont des États ne pouvant
résoudre seuls leurs problèmes et qui ont besoin d'une
intervention extérieure347. L'un des moyens
privilégiés et sûrs permettant de prévenir ou de
mettre fin à cette défaillance est la loyauté
démocratique, c'est-à-dire la conformité à la
démocratie comme norme d'organisation et de fonctionnement de la vie
politique des États348. Sur le plan international, la
démocratie entretient des rapports étroits avec la paix,
puisqu'elle entraine une pacification de la vie politique, d'où
l'inscription par l'ONU de la démocratie comme mode de prévention
des conflits et de consolidation de la paix. Sur le plan interne, la
démocratie permet d'éviter les conflits et par conséquent
les violations systématiques et généralisées des
droits de l'homme, en vertu de ses implications. Elle
345 Liégeois (M), « Les capacités
africaines de maintien de la paix : entre volontarisme et dépendance
», Bulletin du maintien de la paix, N2 97, p.1
346 Par spécificité négative, nous
exprimons l'idée selon laquelle l'Afrique se particularise par son
instabilité dans la société internationale avec le plus
grand nombre de réfugiés, le plus grand nombre de morts suite aux
guerres et le plus grand nombre de coups d'Etat
347 Sur (S), « Sur les Etats défaillants »,
commentaire N2 112, hivers 2005, p.5
348 Sindjoun (L), « La loyauté démocratique
dans les relations internationales : sociologie des normes de civilité
internationale », Etudes internationales, vol 32, N2 1, 2001, p.
31-50
143
permet une meilleure distribution des richesses dans
l'État. Ainsi, nous pouvons suivre cet auteur qui pense que «
la démocratie s'installe lorsque les ressources du pouvoir sont si
largement reparties qu'aucun groupe n'a la capacité de supprimer ses
concurrents ni de maintenir son hégémonie, le facteur
déterminant de la démocratie serait la répartition
relative des ressources économiques, intellectuelles et autres
ressources de pouvoir entre les diverses couches de la population
»349. La démocratie se présente donc pour
les États africains comme l'une des solutions privilégiées
pour éviter les conflits et préserver les populations africaines
des massacres et vastes tueries. Au lieu de compter sur le système des
opérations de maintien de la paix de l'ONU pour la
sécurité du continent et la protection des populations, les pays
africains doivent revoir leur fonctionnement en intégrant le respect de
la démocratie et de l'État de droit. Notre étude sur les
opérations de maintien de la paix de l'ONU et les droits de l'homme
permet de mettre en exergue le lien entre la démocratie, la paix et les
droits de l'homme. En effet, « la démocratie contribue au
maintien de la paix et de la sécurité, à la justice et au
respect des droits de l'homme, au développement économique et
social. (...) l'action pro démocratique de l'ONU contribue à
prévenir des agressions entre pays et favorise l'édification et
le maintien de nations indépendantes et viables de façon que
l'État soit le premier garant des droits fondamentaux, l'institution
responsable au premier chef des solutions à apporter aux
problèmes nationaux et l'élément de base d'un
système international de coopération pacifique
»350 ; « en tant que concept universel, la
démocratie a gardé tout son intérêt au fil des
siècles. Elle est maintenant, dans la pratique, plus essentielle aux
activités des Nations Unies qu'elle ne l'a jamais été.
(...)La communauté internationale s'occupe désormais moins des
guerres entre États et d'avantage de conflits internes, et l'aspiration
à la démocratie intéresse immédiatement des
millions de personnes envers qui l'organisation des Nations Unies a
l'obligation morale de mettre en action une action mieux définie, plus
cohérente »351. C'est pour cette raison que dans le
cadre des opérations de consolidation de la paix des Nations Unies, la
démocratie occupe une place
349 Venhanen (T), The process of democratization :A
comparative study of 147 states, 1980-1988, new York, crane russak,
1990,p.50
350 A/51/761 du 17 janvier 1997, Appui du système des
Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour
promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies,
Annexe « Supplément aux rapports sur la démocratisation
» par. 16 et 59
351 A/52/513 du 21 octobre 1997, Appui du système des
Nations Unies aux efforts déployés par les gouvernements pour
promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies,
par. 53
144
prioritaire352. La relation entre la
démocratie, le maintien de la paix et le respect des droits de l'homme
ainsi présentée, nous amène aux interrogations suivantes :
les violations massives des droits de l'homme, conséquences directes des
conflits pourront-elles cessez en Afrique dans un contexte de simulation
démocratique ? ; Comment parvenir à une consolidation
démocratique en Afrique, source de paix et de stabilité, et par
conséquent d'une meilleure protection des droits de l'homme ?
352 Voir à ce sujet Ntumba kapita (P-E), La
pratique onusienne des opérations de consolidation de la paix : analyse,
bilan et perspectives, Thèse pour le doctorat de droit public,
Université de Nancy, 2010.
145
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