A- En vertu du droit humanitaire coutumier
Le droit international humanitaire coutumier est l'un des
facteurs de consolidation du droit international humanitaire126.
À travers celui-ci, l'obstacle de la non ratification des traités
est écarté. Il permet l'application de certaines règles du
droit humanitaire à tous. Nous montrerons d'abord comment le Droit
humanitaire coutumier protège les
125 Institut de Droit International, L'application du Droit
international humanitaire et des Droits fondamentaux de l'homme dans les
conflits auxquels prennent part des entités non étatiques ,
résolution de Berlin du 25 aout 1999, Edition A Pedone, Art .2
126 Olinga (A-D), « Considérations sur
l'effectivité du droit international humanitaire aujourd'hui »,
Juridis Périodique 79 juillet-aout-septembre 2009, p.110
45
droits de l'homme (1), ensuite nous montrerons le
caractère général de la coutume du droit humanitaire
(2).
1- Les règles de droit humanitaire coutumier
protégeant les droits fondamentaux de l'homme
La mise en exergue des règles de droit humanitaire
coutumier s'est produite de deux manières. D'abord par l'étude du
CICR, mais aussi par la Cour Internationale de Justice qui à travers sa
compétence normative peut constater l'existence ou alors créer
une norme coutumière127.
L'étude du CICR sur le droit humanitaire coutumier
présente les normes de droit humanitaire ayant le caractère de
coutume. Parmi ces normes, nous nous intéresserons à celles qui
protègent les droits fondamentaux de l'homme. Car notre étude
porte sur les OMP et les droits de l'homme, ces deniers étant entendu
comme droit fondamentaux de l'homme128. Dans l'étude du CICR,
les droits fondamentaux de l'homme sont mentionnés à la
cinquième partie intitulé « le traitement des personnes
civiles et des personnes hors de combat » et précisément au
chapitre 32 sur les garanties fondamentales. Ce chapitre montre comment les
droits fondamentaux de l'homme sont incorporés dans le droit humanitaire
coutumier. De telle sorte que l'obligation pour les OMP de l'ONU de respecter
le droit humanitaire coutumier entraine celle de respecter les droits
fondamentaux de l'homme. Ainsi dans les chapitres sur les garanties
fondamentales, il a été relevé 10 règles de droit
humanitaire coutumier protégeant les droits fondamentaux de l'homme. Il
s'agit de : l'obligation de traiter les civils et les personnes hors de combat
avec humanité ; l'interdiction du meurtre ; l'interdiction de la torture
; des traitements cruels ou inhumains et les atteintes à la
dignité de la personne ; L'interdiction des mutilations ; l'interdiction
du viol et des autres formes de violences sexuelles ; l'interdiction de
l'esclavage et de la traite des esclaves ; l'interdiction de la prise d'otage ;
l'interdiction des dispositions forcées ; de l'emploi du bouclier humain
; l'interdiction de la privation arbitraire de liberté.
127 Kamto (M), « La volonté de l'État en Droit
international », RCADI, 2007, P.275
128 Voir la définition des droits de l'homme à
l'introduction
46
Ces dix règles de droit humanitaire coutumier
protègent la dignité de la personne humaine contre les abus de la
guerre. Le plus marquant dans cette étude est qu'à chacune de ces
règles, le CICR a fait un parallélisme avec les traités de
droits de l'homme pour montrer comment le droit humanitaire coutumier contient
les normes de droits de l'homme. Sur la règle concernant le traitement
des civils avec humanité, l'étude mentionne que le droit des
droits de l'homme reconnait également cette exigence129. Le
Comité des Nations Unies pour les Droits de l'Homme s'est penché
sur la question en déclarant que l'article 10 du PIDCP qui exige que les
personnes privées de liberté soient traitées avec
humanité et avec respect de la dignité humaine inhérente
à la personne, ne souffre d'aucune dérogation et est applicable
en tout temps130. Il en va de même pour l'interdiction de
meurtre. Un rapport est fait entre l'interdiction du meurtre des civils et des
personnes hors combat et les traités relatifs aux droits de l'Homme. Les
traités de droit de l'homme stipulent que « nul ne peut être
arbitrairement privé de la vie »131. Cette règle
ne permet aucune dérogation et est applicable en tout
temps132.
Il apparaît que les garanties fondamentales du droit
humanitaire coutumier intègrent les Droits de l'Homme. Ainsi
l'obligation pour les OMP de respecter le Droit humanitaire implique celle de
respecter les Droits Fondamentaux de l'Homme.
La CIJ est d'un grand apport dans la mise en exergue des
normes coutumières du droit humanitaire. Comme nous l'avons vu avec le
Professeur Maurice Kamto, « le juge est l'instance ultime de constatation
et de création de normes coutumières»133. Dans
l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, la CIJ relève que «la protection des droits de
l'homme a un caractère strictement humanitaire
»134. La Cour poursuit en déclarant que «
le Nicaragua est accusé de violer les Droits de l'Homme (...) ce point
doit être approfondi, indépendamment de l'existence d'un
engagement juridique pris par le Nicaragua envers l'OEA de respecter ces
droits.
129 Henckaerts (J-M), Doswald-Beck (L), Droit humanitaire
coutumier, op.cit. P.406
130 Comité des Nations Unies pour les Droits de
l'Homme, Observation Générale 29 (art 4 du PIDCP par.321
131 Voir art 6 PIDCP, art 4 CADH, art 4CADHP, et art 2 CEDH.
132 Voir le PIDCP, art 4 par 2
133 Kamto (M), « La volonté de l'Etat en droit
international », op.cit.
134 CIJ, Affaires des activités militaires et
paramilitaire au Nicaragua et contre celui-ci, Arrêt du 27 juin 1986,
par. 268
47
L'inexistence d'un tel engagement ne signifierait pas que
le Nicaragua puisse violer impunément les Droits de l'Homme
»135.
Ainsi la Cour relève l'existence des Droits de l'Homme
dont le respect est obligatoire envers tous sans la présence d'un lien
conventionnel. À travers la coutume, les OMP doivent se soumettre au
droit humanitaire et aux règles relatives aux droits fondamentaux de
l'Homme. Cette obligation est renforcée par le caractère
général de la coutume de droit humanitaire.
2- Le caractère de la coutume de droit
international humanitaire : une coutume générale
L'intérêt de la mise en exergue d'un droit
humanitaire coutumier, est de déterminer quelles sont les règles
de droit international humanitaire qui s'appliquent à toutes les parties
à un conflit, que celles-ci aient ratifié ou non les
traités contenant ces règles ou des règles
similaires136. En droit international, l'opposabilité d'une
norme coutumière est tributaire de sa nature. Les coutumes
régionales ou particulières ne concernent qu'un groupe
d'États, tandis que les coutumes générales concernent tous
les sujets de droit, même si ceux-ci n'ont pas participé à
leur formation137. Le droit humanitaire coutumier rentre dans la
catégorie de la coutume générale, et s'impose de ce fait
à tous les sujets de l'ordre juridique international et bien entendu aux
OMP. Selon la thèse volontariste, l'État est l'agent exclusif de
création de la coutume, et celle-ci ne lui est opposable que parce qu'il
l'a acceptée. Il est important de souligner que les organisations
internationales aussi peuvent être à l'origine des normes
coutumières. Ainsi « la répétition des
opérations de maintien de la paix permet de dégager un
véritable corps de règles coutumières applicables à
ces opérations, ces règles qui résultent à la fois
des résolutions du Conseil de sécurité et de
l'Assemblée générale les créant, des accords
passés avec les États concernés et des pratiques suivies
sur le terrain selon les directives du Secrétaire Général
»138.
135 Ibid. par. 267
136 Henckaerts (J-M), « Etude sur le droit international
humanitaire coutumier. Une contribution à la compréhension et au
respect du droit des conflits armés », RICR, vol 87, 857,
Mars 2005 P.177
137 Combacau (J), Sur (S), Droit international public,
8e édition, 2008, Page 70.
138 Daillier (P), Forteau (M), Pellet(A) Droit international
public, LGDJ 8e édition, 2009 pages 357.
Les OMP sont concernées par le droit humanitaire
coutumier et ne peuvent s'approprier la doctrine de l'objecteur persistant.
Selon cette doctrine, un sujet de droit peut se soustraire à
l'application d'une norme coutumière en s'y opposant de façon
persistante. Il faut distinguer l'objection persistante qui vise à
empêcher l'émergence d'une acceptation à une modification
non conventionnelle d'un traité et l'objection persistante à une
norme coutumière qui vise l'inopposabilité de cette
dernière. La théorie de l'objecteur persistant à une norme
coutumière n'est pas consacrée par le droit international et
s'avère inapplicable à la coutume
générale139. En vertu de son caractère
général, le droit humanitaire coutumier s'applique aux
opérations de maintien de la paix. Ceci revêt une grande
importance sur deux points. D'abord parce que les règles de droit
humanitaire coutumier intègrent les droits fondamentaux de l'homme ;
ensuite parce que pour s'assurer du respect des droits de l'homme en
période de conflit, il est indispensable de vérifier qu'aucune
infraction au droit international humanitaire n'a été commise.
Nous allons maintenant montrer comment les OMP doivent se soumettre aux normes
relatives aux Droits de l'Homme et au droit international humanitaire en vertu
du jus cogens et des obligations erga omnes.
|