2.2. Analyse globale des Résultats
Le modèle VAR utilisé pour analyser l'impact de
la performance du secteur agricole et les autres secteurs a relevé une
relation causale unidirectionnelle entre le secteur agricole, le secteur
service et le niveau de vie de la population béninoise. La performance
du secteur non agricole n'a pas d'effet sur celle du secteur agricole. On note
une totale indépendance entre le secteur agricole et le secteur
industriel.
Les résultats montrent que le secteur agricole cause et
influence positivement le niveau de vie de la population béninoise et le
secteur service. Une croissance de 1% du PIB agricole au cours d'une
année « n », toute chose étant égale
par ailleurs, entraine une croissance de 0,320166% et 0,398734% respectivement
du niveau de vie de la population béninoise et du secteur service au
cours de l'année suivante. En outre la performance du secteur service a
aussi une influence positive sur le PIB par habitant au Bénin. Une
augmentation de 1% de la performance du secteur service au cours d'une
année « n », a une influence positive de 0,386359%
sur le niveau de vie de la population, toute chose étant égale
par ailleurs à l'année suivante. Ce qui signifie donc que le
niveau de vie de la population béninoise et la performance du secteur
service au cours d'une année reste lier aux résultats obtenus
dans le secteur agricole au cours de la campagne agricole antérieure. En
outre, le niveau de vie de la population béninoise dépend plus du
secteur service que du secteur agricole. La relation constatée entre
l'agriculture, le secteur service et le niveau de vie peut s'expliquer. En
effet, si l'on considère que le segment portuaire est au coeur de ce
secteur on observera une augmentation de ses activités suite à un
accroissement de la production notamment en ce qui concerne les produits
d'exportations comme le coton qui contribue seul à près de 85% de
nos recettes d'exportations. On note d'ailleurs une légère
organisation de la filière noix de cajou qui devra avoir aussi son
impact. Par ailleurs, l'intrant agricole est totalement importé. Plus
l'activité agricole est intense, plus la quantité d'intrants
à importer sera grande et donc les Droits et Taxes à
l'Importation (DTI) vont s'accroitre. Selon les résultats du suivi de
l'Enquête Modulaire Intégrée sur les Conditions de Vie des
Ménages (EMICoV) 2010, le seuil de pauvreté monétaire
annuel est estimé à 145 279 FCFA en 2009 contre 116 545 FCFA en
2007 et connaît ainsi sur la période une hausse de 24,7%. On note
sur le plan national que 35,2% de la population béninoise vivent en
dessous du seuil de pauvreté monétaire. En milieu urbain, cette
proportion est de 29,8% contre 38,4% en milieu rural. 51,8% de la population
rurale dépense moins d'un dollar par jour contre 24,0% pour la
population urbaine. On peut donc conclure que la pauvreté est plus
rurale qu'urbaine. D'ailleurs ce rapport de suivi de EMICoV, 2010 signale que
la pauvreté et l'insécurité alimentaire se sont
aggravées notamment en milieu rural avec en particulier une incidence de
la pauvreté monétaire qui est de 43,1% dans la branche
d'activité agriculture. Or, nos producteurs sont dans les milieux
ruraux. Lorsque les revenus agricoles sont accrus, toutes choses étant
égales par ailleurs, cela améliore le niveau de vie dans les
milieux ruraux. Cela favorise ainsi la commercialisation des denrées
alimentaires, ainsi que la hausse de la demande en produits et en services
intermédiaires. Ces revenus sont donc dépensés pour
acheter des biens et des services qui sont pour la plupart importés, ce
qui a donc un impact sur l'activité du secteur service.
Il est à noter une indépendance entre le secteur
industriel et le secteur agricole. Ce résultat montre que le secteur
agricole n'a pas encore totalement joué son rôle moteur de
l'économie Béninoise, c'est- à dire, le secteur qui par sa
performance peut induire le développement des autres secteurs. Si
l'industrie était développée au Bénin, elle
bénéficiera des ressources issues du secteur agricole comme le
montrent les différentes théories présentées dans
la revue de littérature, la productivité du secteur agricole
s'améliore aussi par l'utilisation des machines et engrais issus du
secteur industriel. Pourtant la contribution de ce secteur au PIB qui est
environ 32%, laissait envisager qu'il serait le moteur du développement
de tous les autres secteurs. En effet, le revenu tiré du secteur
agricole était censé financer le développement du secteur
industriel, plus apte à mettre sur pied de véritables conditions
d'un développement économique, et, dans le même temps, la
part du secteur agricole dans le développement était vouée
à la décroissance telle que le prévoient les
théories de développement. Ce résultat peut s'expliquer
par la désarticulation des économies subsaharienne en
général et du Bénin en particulier. En effet,
l'économie Béninoise est extravertie. Les produits agricoles ne
sont pas transformés, ce qui explique l'indépendance
constatée entre les deux secteurs. L'intrant agricole est totalement
importé alors qu'il devrait être produit sur place par nos
industries pour tourner le secteur agricole. S'il l'était, on pouvait
observer tout autre résultat. Par exemple, l'augmentation de la
superficie emblavée dans le secteur agricole devrait avoir un impact sur
la quantité d'intrant à produire dans les usines, ce qui devrait
avoir un impact sur la valeur ajoutée des industries d'intrant et donc
sur le PIB industriel. Le même phénomène devrait être
observé dans les industries agro-alimentaires qui sont les plus
utilisatrices des produits agricoles. Or au Bénin, les produits finis
commercialisés sont issus des importations pour la plupart. Cependant
l'agriculture étant le secteur le plus grand, elle joue un rôle
important dans la fourniture de ressources pour le développement de
l'économie dans son ensemble. D'ailleurs, les pays dits
développés ont investi dans l'agriculture pour stimuler la
croissance tout en taxant une partie des surplus générés
afin de financer le développement industriel. Dans son rapport sur le
développement dans le monde 2008, la banque mondiale a
noté « La croissance agricole a préludé aux
révolutions industrielles qu'a connues le monde tempéré,
depuis l'Angleterre au milieu du XVIIIème siècle jusqu'au Japon
à la fin du XIXème siècle. Plus récemment, en
Chine, en Inde et au Viêt Nam, une croissance agricole rapide a
précédé le développement de l'industrie.
L'accroissement de la productivité agricole qui a entraîné
un surplus agricole (en partie taxé pour financer le
développement industriel) et permis une baisse des prix de
l'alimentation a été à la base des succès de la
transformation structurelle. Le paradoxe dans cette transformation est qu'une
croissance agricole plus forte était nécessaire pour stimuler la
croissance économique en général, ce qui a ensuite
causé le déclin de la part du secteur agricole dans le produit
intérieur brut (PIB) ».
On peut aussi noter qu'au vue de ses résultats,
l'activité industrielle due à la production cotonnière au
Bénin n'est pas significative dans le cadre de l'analyse du secteur.
L'absence d'une relation de cointégration entre les
séries montre une non stabilité de l'économie
béninoise à long terme. Ainsi, dans le long terme, la structure
économique a changé. On entend par structure la part de chaque
secteur dans l'économie. Ce résultat est tout de même
surprenant car cette part n'a pas forcement changé de façon
significative de 1970 à 2011 pour les trois secteurs.
L'analyse des résultats des fonctions de réponse
impulsionnelle permet de noter encore que le secteur agricole reste au centre
de tous les autres secteurs. Un choc sur ledit secteur se répercute
immédiatement sur les autres secteurs malgré
l'indépendance constatée entre le secteur industriel et le
secteur service. Par contre l'effet sur les autres variables n'est pas
instantané quand on produit un choc sur le secteur service et le secteur
industriel sauf que le choc du secteur industriel sur le secteur service est
immédiat. Ces résultats confirment que l'amélioration du
niveau de vie au Bénin passe par l'accroissement de la performance
agricole. Aussi faut-il noter le résultat important observé au
niveau du secteur service qui peut connaître un accroissement sur
plusieurs périodes suite à un choc positif sur le secteur
industriel. Donc une meilleure politique industrielle peut permettre d'avoir un
meilleur résultat dans le secteur service.
Tous ces résultats ont été
confirmés par l'analyse de la décomposition de la variance de
l'erreur de prévision. Un choc sur le secteur agricole a plus d'impact
sur les autres variables, ce qui signifie donc que le décollage dans
tous les secteurs et du niveau de vie au Bénin, toute chose étant
égale par ailleurs reste liée à l'activité
économique dans le secteur agricole.
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