INTRODUCTION GENERALE
Le concept de croissance économique semble de plus en
plus difficile à cerner de nos jours. Les économistes
s'interrogent encore aujourd'hui sur ce qu'ils savent de la croissance et sur
la meilleure manière de définir une politique économique.
Toutefois, il n'en demeure pas moins que l'accélération de cette
croissance économique de manière durable demeure encore
aujourd'hui une des préoccupations sinon la grande priorité des
responsables économiques et politiques dans la plupart des pays dans
l'espoir de régresser la pauvreté et de relever le niveau de vie
des populations. S'il est vrai que des politiques économiques favorisant
la croissance économique sont élaborées continuellement,
il demeure encore contraignant aujourd'hui aux décideurs
économiques de déterminer et de choisir de manière
efficiente les instruments pouvant promouvoir et assurer une croissance
économique durable. Pour l'Afrique qui n'est pas en marge du
phénomène, le problème ne se pose différemment.
Selon les théories de la croissance, une croissance économique
durable ne peut s'obtenir que par la capacité à relever les taux
d'accumulation de capital physique et humain et de la capacité à
utiliser les moyens de production plus efficacement. En effet l'accumulation du
capital physique et humain est perçu depuis fort longtemps comme le
facteur clé de la croissance économique (King et Levine 1994,
Easterly 1998). Cependant cette idée relevant du fondamentalisme de
l'accumulation du capital ne pouvait expliquer qu'une petite partie des
écarts de niveau de développement entre les pays. Pour King
(1994), favoriser une croissance économique ne peut être possible
qu'en adoptant une combinaison efficace des facteurs de production et en
prenant en compte le rôle de la combinaison de trois variables à
savoir : l'investissement, le facteur travail et le développement
financier.
Les crises financières qui ont secoué
successivement ces dernières années les différentes zones
du monde ont relancé le débat sur la place que doit occuper la
finance dans la sphère économique d'un pays et ont
renforcé la thèse du rôle prééminent du
secteur financier dans la croissance et la nécessité d'organiser
le mieux possible son fonctionnement. Schaw (1973) définissait
sommairement le développement financier comme « l'accumulation
d'actifs financiers à un rythme plus rapide que l'accumulation d'actifs
non financiers ». Levine (1997) définit le développement
financier en ces termes : « il y a développement financier lorsque
les instruments financiers, les marchés, et les intermédiaires
financiers réduisent, sans toutefois éliminer les coûts
d'obtention de l'information, les coûts d'exécution des contrats
et les coûts de transaction ».
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
Alors que plusieurs études ont porté sur la
relation que la finance peut entretenir avec la croissance, il semble de
manière explicite ou implicite qu'un système financier efficient
active le développement économique ou encore qu'un
développement du secteur financier est un instrument efficace de
promotion d'une croissance économique durable. Le développement
des institutions financières pour une croissance économique
rapide est récemment devenu un axiome central de la théorie
économique, renforcé par le soutien apparent des études
empiriques de la relation entre les indicateurs de développement
financier et les taux observés de la croissance. Dès lors la
structure financière est devenue même l'un des
éléments de la stratégie de développement
économique des pays. C'est ainsi que la relation entre le
développement financier et la croissance économique a connu un
renouveau particulier au début des années quatre- vingt dix. La
relation entre finance et croissance a été le sujet d'une grande
attention ces récentes années depuis les études de Bagehot
et de Schumpeter (1911). Schumpeter (1911) atteste que le crédit sert le
développement industriel et qu'il est une condition nécessaire
à la création et au développement de l'innovation et donc
à la croissance économique. Le Rapport sur le
développement dans le monde (1989), publié par la Banque mondiale
présente une étude approfondie du lien entre finance et
croissance économique en insistant sur le développement du
secteur financier dans les pays en voie de développement afin de
renforcer la croissance économique. Pour Gurley et Schaw (1960),
l'innovation financière qui accompagne le développement financier
réduit le risque attaché à l'investissement ainsi que les
coûts de l'intermédiation financière, et stimule
l'épargne. Levine (1997), soutient que les intermédiaires
financiers grâce aux services qu'ils fournissent, stimulent la croissance
économique par l'accumulation du capital et la productivité des
facteurs.
La plupart des travaux réalisés ces
dernières années mettent en relief le fait que d'une
manière générale un système financier
développé stimule le développement économique. Vu
qu'il est largement admis que le développement financier a tendance
à aller de pair avec la croissance, on comprend mieux les politiques de
modernisation du secteur financier menées depuis quelques
décennies dans les économies africaines en général
et en particulier dans les pays de la zone franc. En Afrique subsaharienne et
dans les pays de la zone franc, la poursuite de la croissance se heurte
à un obstacle fondamental : la fragilité des secteurs financiers
dominés essentiellement par les institutions bancaires. Dans un contexte
géographique où les pays africains de la zone franc (PAZF) se
répartissent en union économique et en communauté
économique à savoir l'UEMOA et la CEMAC, il
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apparait selon les études de l'AFD (2007) que le
système bancaire de l'UEMOA fort d'une bourse régionale des
valeurs mobilières (BRVM), d'institutions financières à
compétences régionales et de banques plus riches se
révèle plus diversifié avec une taille globalement deux
fois supérieure à celui de la CEMAC (AFD, 2007). Ainsi donc face
à ce prétendu déséquilibre entre le secteur
financier de l'UEMOA et celui de la CEMAC, la pérennité de la
croissance économique dans les pays africains de la zone franc ne peut
se faire sans la mise en place d'une infrastructure financière sur
laquelle elle peut s'appuyer. Des secteurs financiers solides, profonds et
efficients seraient donc indispensables pour « booster » la
croissance ans la zone.
C'est ainsi qu'après les violentes crises
financières qui les ont affectées dans les années 1980 et
conscients de leur fragilité et de leur faible apport à la
croissance, les systèmes financiers des pays africains de la zone franc
(PAZF) ont subi de profondes restructurations marquées par la
liquidation de certaines institutions financières, la privatisation des
établissements financiers, la fin de la régulation directe du
crédit et des établissements financiers par les Etats, la mise en
place d'autorités de régulation monétaire
indépendantes et l'adoption de réglementations prudentielles plus
contraignantes dans les deux unions économiques et monétaires que
sont l'UEMOA et la CEMAC (Joseph,2002). Ces mesures qui faisaient partie
intégrante du noyau dur des mesures de libéralisation
préconisées par la communauté des bailleurs de fonds ont
été mises en oeuvre sous l'égide des institutions
financières internationales pour que le secteur financier active la
croissance économique dans ces pays. D'après l'Agence
Française de Développement (AFD, 2007), plus de vingt ans
après le déclenchement des crises financières dans les
pays de la zone franc, les performances des établissements financiers de
la zone franc figurent parmi les plus élevées au monde. Si tel
est le cas, le fait que les pays de la zone franc occupent six des dix
dernières places du classement de l'indice du développement
humain (IDH) du PNUD (2006) et que dix d'entre eux soient classés parmi
les PMA conduit à revoir spécifiquement pour les pays de la zone
franc la relation de causalité entre développement financier et
croissance économique. De plus selon la Banque Mondiale (2009) dans le
cadre de ses enquêtes sur le climat de l'investissement ( Investment
Climate Assessment) sur les chefs d'entreprises dans les pays africains de la
zone franc (PAZF), la contrainte financière est systématiquement
citée parmi les principaux goulets d'étranglement freinant leurs
activités économiques. La contrainte financière est
fortement ressentie par les chefs d'entreprises de la PAZF (et africains en
général) que dans les autres régions du monde. Par
ailleurs malgré que les performances des
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
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établissements financiers de la zone franc figurent
parmi les plus élevés au monde selon l'agence française de
développement (AFD, 2007), le total des bilans des banques de l'UEMOA et
de la CEMAC est inférieur à la somme des actifs de la
première banque sud-africaine (ICA, 2006). Les systèmes
financiers des PAZF seraient-ils si peu profonds à tel point que
malgré leurs performances, ils expliqueraient les piètres
performances économiques des dernières années des pays
africains de la zone franc ?
Aussi la question principale de cette étude dans le
cadre des pays de la zone franc est de déterminer la nature de la
relation entre développement financier et croissance économique
et d'étudier l'impact du développement financier sur la
croissance des pays de la zone franc. La croissance économique dans les
pays africains de la zone franc est-elle tirée par le
développement des systèmes financiers de la zone ?
Cette étude se veut de déterminer la nature de
la relation du développement financier sur la croissance de la zone
franc. Spécifiquement il s'agira :
? De déterminer si le développement financier
stimule la croissance économique dans la zone franc.
? De faire une analyse comparative de l'apport des
systèmes financiers de l'UEMOA et de la CEMAC aux différentes
économies des deux unions et de la zone franc.
Pour atteindre ces objectifs, nous formulons les
hypothèses suivantes :
H1 : il existe une relation positive entre
développement du secteur financier et croissance économique afin
d'étudier son impact réel sur la croissance économique
dans les pays africains de la zone franc.
H2 : l'effet positif du développement financier sur la
croissance dans la zone franc se traduirait plus par le canal du système
financier ouest-africain compte-tenu de sa taille que par celui de la CEMAC.
La vérification de ces hypothèses a conduit
à adopter la méthodologie suivante : la question du rôle du
système financier dans la réalisation de la croissance
économique étant à la fois ancienne et récurrente,
une revue de la littérature s'avère légitime de même
qu'une analyse empirique basée sur les données des variables
financières et des variables macroéconomiques. En effet,
l'analyse repose sur un modèle de croissance reliant le
développement financier à travers les variables
financières à la croissance économique. Cette
représentation permettra
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
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d'évaluer l'impact du développement financier
sur la croissance économique des pays de la zone franc.
La structure de cette étude s'organise autour de deux
parties :
Dans la première partie on abordera la revue de la
littérature, la présentation et l'historique du paysage financier
de la zone franc. Quant à la deuxième partie, elle s'appesantira
sur l'analyse empirique de l'impact du développement financier sur les
économies de la zone franc, les éventuelles recommandations de
politique de développement financier et les pistes d'amélioration
de son efficacité.
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
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