
Aymeric Guittet Sous la direction de Jean-Paul
Maréchal,
Mai 2013 Maître de conférences
La décroissance : panacée ou illusion face
aux
grands problèmes contemporains ?

Remerciements
Merci à Monsieur Maréchal.
Merci également à Monsieur Azoulay pour cette
année universitaire.
A Violette T., qui a contribué à me donner envie
de travailler sur ce sujet.
A Simone R., pour son travail dévoué.
1
Table des Matières
Résumé p.2
Introduction p.3
Partie I : Les failles de la croissance p.5
1) La dégradation de l'environnement et des ressources
naturelles p.5
Les atteintes portées par le processus de production
à l'homme p.5
Les atteintes portées par le processus de production aux
écosystèmes p.6
2) La création et la subsistance
d'inégalités économiques et sociales p.8
Les écarts de richesse entre pays p.8
Les écarts de richesse au sein des pays p.9
3) Une définition du bonheur inadéquate
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p.10
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Partie II : La décroissance, une solution ?
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p.12
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1) Une décroissance du PIB ?
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p.13
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2) Relocalisation et solidarités face à la raison
technique et économique
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p.15
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1935, Les « Directives pour un manifeste personnaliste
»
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.p.16
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Le « Penser globalement, agir localement »
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p.16
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3) Une nouvelle approche de la soutenabilité : l'effet
débond
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p.18
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La critique du développement durable
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p.18
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L'effet débond
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p.19
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4) La simplicité volontaire
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p.20
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Partie III : Critique de la décroissance
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p.22
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1) L'absence de vision macro-économique
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p.22
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2) Une approche pessimiste du progrès
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.p.24
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3) La croissance, facile bouc-émissaire
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.p.26
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Conclusion
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p.28
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Bibliographie
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p.29
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2
Résumé
Il faut replacer la croissance dans une perspective historique
: celle-ci, contrairement aux apparences, est un phénomène
contingent, historiquement situé. Sa place économique et
politique est pourtant très importante, ainsi que son poids dans
l'imaginaire social. Un tel contexte laisse t-il place à une alternative
? La décroissance en est-elle une ?
Comprendre le mouvement de la décroissance
nécessite, avant même de le définir, de revenir sur les
griefs qu'on impute à la croissance. Trois se détachent
nettement. Le premier porte sur les dommages environnementaux qu'entraîne
le processus de production. Il y a d'abord les dommages directement
portés à l'homme : raréfaction des ressources et donc
augmentation de leur prix, externalités... D'autre part, les dommages
portés aux écosystèmes, qui affectent la nature
elle-même mais également les plus pauvres. Le second grief tient
à l'accroissement des inégalités que le processus de
production, généralisé à l'échelle mondiale,
développe directement ou indirectement : inégalités entre
les pays - dette, conséquences de la spécialisation fonctionnelle
pour certains pays en développement - et inégalités au
sein même des pays, où la croissance laisse un nombre de
laissés-pour-compte inacceptable. Enfin, plus philosophiquement, on peut
attaquer la vision réductrice de la vie induite par la poursuite de la
production et donc de la consommation, qui fonde le bonheur sur la possession
toujours grandissante de biens matériels.
Face à ces grands problèmes, quelles solutions
proposent ceux qu'on appelle les « décroissants » ?
Après un retour sur les racines et l'évolution de la mouvance,
est proposé une analyse synthétique de leurs différentes
idées mais également de leurs débats internes. La
première question concerne celle du produit intérieur brut : la
décroissance signifie t-elle, comme elle semble si évidemment
l'indiquer, une décroissance du PIB ? Vient ensuite la
présentation de quelques autres idées novatrices des
décroissants : l'effet débond, qui contre l'effet rebond mis en
lumière par Jevons, et repose notamment sur la gratuité de
l'usage - activités écologiquement et socialement responsables -
et le renchérissement du mésusage - l'inverse ; la relocalisation
de l'économie, autour d'un artisanat et d'une agriculture locale ; des
choix de sociétés forts, comprenant entre autres la forte
diminution du temps de travail et l'instauration d'un revenu inconditionnel. Un
développement particulier est enfin consacré à cette
« innovation de style de vie », la simplicité volontaire,
démarche privée cherchant à réduire l'impact
écologique et tentant de respecter le principe « moins de biens
pour plus de liens ».
Afin de ne pas remplacer un dogme par un autre, notre
démarche s'est voulue ensuite critique. Est en effet
dénoncé et argumenté l'irréalisme et
l'imprécision de certaines mesures préconisés par les
objecteurs de croissance, ainsi que leur vision limitée des
phénomènes macroéconomiques. Dénonçant la
croissance, ceux-ci ne voient également pas les liens qui la relie
à un modèle plus global de libéralisme, et identifient des
maux non nécessairement issus de la seule croissance, tel
l'épuisement des ressources naturelles. L'approche du progrès est
également problématique car fondamentalement pessimiste, oubliant
la capacité d'invention de l'homme pour se réfugier parfois dans
un certain archaïsme. Enfin, le rapport au travail et aux choix personnels
des décroissants est contestable, niant l'intérêt que l'on
peut porter au premier et la liberté inhérente aux seconds.
La décroissance a le grand mérite de replacer
l'économie comme moyen et non comme fin. Elle ni illusion, ni
panacée, mais permet, au-delà des contradictions et des
débats internes, d'ouvrir les imaginaires. Des propositions
concrètes et lignes d'action, telles la décroissance
sélective ou la simplicité volontaire, sont applicables
immédiatement.
3
INTRODUCTION
La croissance est un phénomène relativement
nouveau à l'échelle de l'Histoire. Les sociétés
n'ont pas toujours connu des phases de croissance. Mais que signifie ce terme,
aujourd'hui si employé qu'il en devient galvaudé, et que son sens
échappe ?
La croissance est l'augmentation d'une année sur
l'autre du Produit Intérieur Brut (PIB), qui correspond à la
somme des valeurs ajoutées (valeur de la production diminuée de
la valeur des consommations intermédiaires) réalisée par
les entreprises et les administrations publiques d'un pays sur cette
période. À ce titre, on assimile le PIB à l'ensemble de la
richesse créée.
Pourtant, malgré qu'elle nous apparaisse presque comme
un phénomène économique naturel, la croissance est de
nature contingente : elle n'a pas toujours existé. Si on ramène
l'augmentation du PIB à celle de la population, on constate que du XVe
siècle au début du XIXe siècle, celle-ci ne s'est accrue
que très modestement : l'augmentation de la production était
compensée par celle de la population. Après les guerres
napoléoniennes, l'amélioration spectaculaire des techniques
agricoles et industrielles changent la donne. L'Europe de l'Ouest connaît
un taux de croissance moyen du PIB par habitant de 1,2 % de 1820 à 1913,
les États-Unis de 1,5%, et le mouvement se diffuse progressivement aux
autres régions du monde'.
Dès lors, la croissance sera continue, et malgré
des ralentissements, les épisodes de retour à la croissance nulle
(ou « stagnation ») voire même de récession, seront,
hormis l'Asie jusqu'en 1950, rares et limités dans le temps. Les plus
notables ont eu lieu au début des années 30, après le choc
pétrolier de 1973, et très récemment en 2010.
Aujourd'hui, l'enjeu de la croissance est omniprésent.
Celle-ci est considérée comme le ressort de la richesse, de
l'emploi, du pouvoir d'achat, des politiques publiques, de l'avancée
technologique, en somme de la prospérité d'un pays. Elle
mérite les mensonges plus ou moins conscients du gouvernement, lequel,
pour redonner confiance, annonce des taux de croissance optimistes, revoit
ensuite pas à pas ses prévisions, et en dernier ressort, pour
sauvegarder l'espérance et les apparences, prédit une croissance
tout juste positive2. La croissance, et avec elle le spectre de la
récession, font les beaux jours des médias, qui en font
régulièrement leurs gros titres3, et le moteur de
recherche « Google actualités » donne plus de cent
résultats d'articles au
'VIDAL (J.-F.), « La régulation de l'économie
: théories et applications à l'économie internationale
», cours de Master 1 Études Internationales, Université
Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013, tome 2.
2« Croissance : Moscovici officialise les prévisions
de +0,1% en 2013 et +1,2% en 2014 », article du quotidien La Tribune, 7
avril 2013,
http://www.latribune.fr/.
3Citons notamment Le Figaro des 9 et 10 mars, Le Monde
du 21 mars, le site internet du Point les 22 et 28 mars.
4
cours du dernier mois pour la recherche « croissance
économique »4.
La chute du communisme semble donc avoir consacré le
modèle capitaliste et son corollaire, l'augmentation continue de la
production, censée apporter richesse à la société
entière. Il n'y a pas de débat, encore moins d'alternative : il
faut coûte que coûte encourager la croissance, sans cesse la
stimuler ou le chaos arrivera : l'économie et le modèle social
s'effondreront, des emplois seront perdus, le pouvoir d'achat baissera, la
pauvreté augmentera.
Il est nécessaire de combattre cette orthodoxie et de
permettre les interrogations pour débattre des bases de notre
raisonnement et de nos modes de pensée. Dès la décennie
1970, a été mise en avant l'idée qu'au lieu de s'accrocher
à un modèle en déclin car à de nombreux
égards non tenable, et de subir finalement la récession, il faut
choisir librement le changement, par la décroissance.
La décroissance constitue-elle un solution
alternative viable face aux grands problèmes contemporains ?
4
https://www.google.fr/search?hl=fr&gl=fr&tbm=nws&q=croissance+%C3%A9conomique&oq=croissance+%C3%
A9conomique&gs l=news-
5
PARTIE I : Les failles de la croissance
Analyser les idées des auteurs et mouvements partisans
de la décroissance, et tenter de comprendre pourquoi il est
nécessaire de passer à une société de
décroissance, n'est possible que si l'on envisage d'abord les
difficultés engendrées par la croissance, ses failles.
Trois problèmes majeurs consécutifs à la
croissance ressortent, sur une échelle qui est aussi bien celle d'un
pays que celle du monde.
1) La dégradation de l'environnement et des
ressources naturelles
L'environnement est ici à prendre dans un sens large :
l'ensemble des éléments naturels et artificiels qui constituent
le cadre de vie des humains, animaux ou végétaux.
Nous pouvons immédiatement distinguer deux cas : les
atteintes que le processus de production porte à l'homme et celles qu'il
porte aux écosystèmes.
Les atteintes portées par le processus de production
à l'homme
La croissance implique un prélèvement important
sur les ressources naturelles. Quel que soit le secteur envisagé, il
faut disposer de matières premières nécessaires au
processus de production. Certains métaux rares, particulièrement
utilisés dans les technologies informatiques, peuvent venir à
manquer si des moyens de recyclage ne sont pas mis en place5; le
sous-secteur des transports a le besoin vital des différents carburant
issus du pétrole.
Ce type de prélèvement sur les ressources
naturelles n'affecte que l'homme : il épuise les stocks et amène
progressivement à une contraction de l'offre, voire même à
une pénurie. Celle-ci est dommageable à l'homme en ce qu'elle
engendre un surcoût, à la fois pour se procurer la même
quantité de matière première et pour changer de
technologie dans l'urgence. Le processus de production actuel, qui ponctionne
toujours et de plus en plus les matières premières,
n'apparaît ici pas tenable : les ressources naturelles n'étant pas
infinies, il est donc impossible de continuer à produire de façon
infinie dans un monde fini.
L'argument d'une économie d'énergies ou de
ressources permise par l'utilisation d'une
5Mathieu HESTIN, conférence du 13
décembre 2012, Faculté Jean Monnet - Université Paris
Sud-XI.
6
nouvelle technologie reste à prouver, en raison de
l'apparition de l'effet rebond6. L'idée que de nouvelles
sources de matières premières sont régulièrement
découvertes, remettant toujours à plus loin la question de
l'épuisement des ressources, notamment en ce qui concerne les
hydrocarbures, fait aussi surface. Il est certes vrai que les
prédictions sur l'épuisement des ressources en pétrole se
sont pour l'instant révélées inexactes. Mais il faut avant
tout souligner que désormais, la quête d'hydrocarbures sera de
plus en plus difficile : exploration de zones de plus en plus lointaines pour
creuser de plus en plus profond, causer de plus en plus d'externalités
avec un coût de plus en plus important. Retenons deux choses : le prix
général d'un certain nombre de matières premières
(pétrole, terres productives, métaux) augmente de façon
constante, et particulièrement depuis les dix dernières
années : à partir d'une base 100 en janvier 2003, ils ont atteint
un sommet à l'été 2008 et se situent aujourd'hui autour de
l'indice 200, soit le double7.Il semble donc qu'il y ait un pic dans
l'utilisation de certaines ressources. De plus, arguer que pour la
décennie actuelle et même la suivante, la question de
l'insuffisance de matières premières ou d'énergie ne se
posera pas, justement en raison de la découverte régulière
de gisements ou de mines, témoigne d'une vision étroite car de
court terme : il est absolument certain qu'arrivera le moment où ces
ressources arriveront à leur terme, dans cinquante, cent ou deux cents
ans. Bouleverser brusquement les modes de vie et de production sera alors
inévitable, et l'économie internationale entrera dans une crise
profonde et subie.
Le processus de production doit être également
envisagé sous l'angle des externalités négatives qu'il
entraîne. Les nuisances8 ainsi créées sont
appelées à augmenter avec la poursuite de la croissance. Elles
peuvent affecter la santé (pollution de l'eau et de l'air, du fait des
rejets industriels et agricoles) mais également le cadre de vie, et
d'une manière générale le bien-être (pollution
visuelle et sonore générée par les sous-secteurs
aéronautiques et ferroviaires).
Les atteintes portées par le processus de production
aux écosystèmes
La ponction de certaines ressources naturelles cause un
dommage direct aux écosystèmes9. Lorsqu'une
étendue est utilisée par l'homme pour les besoins de la
production, cela entraîne un
6Voir à ce sujet la partie II.
7Données tirées de l'indice des prix
des matières premières exprimé en dollars, sur le site de
l'hebdomadaire The Economist,
http://www.economist.com/markets-data
8« Les nuisances (sonores, olfactives, visuelles) sont
liées à la vie urbaine ou à l'industrie et
désignent les effets négatifs de leur déroulement sur la
santé, le bien-être, l'environnement », CHAMBAULT (J.F.),
« Droit de l'environnement », Cours de Master Environnement,
Université Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013.
9« Ensemble interactif d'une communauté d'organismes
vivants et de l'environnement physique et chimique dans lequel ils
évoluent », CHAMBAULT (J.F.), op.cit.
7
stress ou une destruction de l'habitat naturel pour plusieurs
espèces, et menace donc leur survie. Le processus agricole exige par
exemple un prélèvement important sur les ressources en eau, en
plus des vastes étendues de terres qu'il mobilise déjà, et
cela peut limiter l'aire de répartition d'une espèce
marine10 ; les constructions de bâtiments ou d'infrastructures
routières ont des impacts parfois décisifs sur les chances de
survie de certains animaux, en restreignant leur accès à la
nourriture ou aux lieux de reproduction. Les externalités
négatives mentionnées précédemment affectent
également grandement la biodiversité, en particulier les
pollutions à grande échelle de l'air et des eaux.
Réduire les atteintes directes et indirectes
causées par le mode actuel de croissance économique est
justifié par des raisons éthiques et esthétiques.
Éthiques, car des formes de vie sont susceptibles d'être
éliminées au profit de l'homme, or, bien que cette idée
tende à devenir un poncif, l'homme n'est pas propriétaire de la
nature et n'a donc pas le droit de la détruire. Esthétiques, car
la contemplation de la diversité du vivant et de la beauté des
richesses naturelles sont des facteurs important de bien-être pour
l'homme et témoignent d'un rapport harmonieux avec son environnement.
60% des services écosystémiques ont
été dégradés ou surexploités depuis le
milieu du XXe siècle, et 80 % de la perte de biodiversité affecte
directement la subsistance et la vie quotidienne des 3,2 milliards
d'êtres humains vivant avec moins de 2 dollars par jour11.
Cette dégradation a correspondu à une multiplication de la taille
de l'économie par cinq.
L'augmentation incessante du PIB d'une année sur
l'autre induit ainsi des dommages collatéraux considérables que
les outils actuels (réglementations, taxes, marché de permis
d'émission...) semblent inaptes à freiner, peut-être parce
qu'ils n'en prennent pas suffisamment la mesure. La croissance a des effets
pervers considérables dont le principal est le réchauffement
climatique provoqué par le rejet de gaz à effet de serre (GES),
qui touchera aussi bien la biodiversité (perturbation des cycles de
reproduction, inadaptation à de nouvelles températures,
espèces invasives) que l'homme (canicules fréquentes,
remontée des virus par le Nord,...)12. Si l'économie
mondiale continue de grandir de la même manière, elle atteindra 80
fois la taille de 1950 en 2100, avec des conséquences environnementales
immenses.
10 Par le biais de l'assèchement d'un cours
d'eau par exemple.
11« Protéger la biodiversité »,
document de la Direction générale de la mondialisation, du
développement et des partenariats, Ministère des Affaires
Etrangères et Européennes, 2010.
12GIRONDOT (M.), « Ecologie et
écosystèmes », cours de Master Environnement,
Université Paris Sud-XI, année universitaire 2012-2013.
8
2) La création et la subsistance
d'inégalités économiques et sociales
La croissance du PIB permet la création d'un surplus,
qui s'il est bien utilisé, permettra l'accumulation de capital et le
développement économique.
Pourtant, ce mode de développement, s'il a
indéniablement permis d'augmenter le niveau de vie général
d'un certain nombre de pays, laisse une part de laissés-pour-compte
inacceptable.
Les écarts de richesse entre pays
La croissance, et plus généralement le
modèle économique qui la sous-tend, n'a délivré ses
avantages qu'inégalement.
Ainsi, l'augmentation de la production d'une année sur
l'autre repose sur des investissements conditionnés par des flux de
capitaux. À partir du début des années 1970, les pays en
développement (PED) ont emprunté massivement sous forme
d'eurocrédits en dollars, bénéficiant de taux
d'intérêt peu élevés et d'un prix de vente des
matières premières important. De l'augmentation du premier et de
la baisse du second naîtra la crise de la dette qui frappa plusieurs PED
à partir de 1982. Ceux-ci ont été contraints, pour
bénéficier des aides financières du Fonds Monétaire
International (FMI), de mettre en place des politiques d'ajustement
structurelles (PAS), dont les conséquences sociales et
économiques ont été désastreuses (baise du revenu
moyen par habitant, investissements dans les structures de base
limitée...)13 . Ces politiques ont fortement grevé le
développement économique et social de ces pays et renforcé
l'écart avec les pays développés. Aujourd'hui, d'aucuns
PED subissent toujours les conséquences des PAS, mais plus encore,
beaucoup semblent se trouver dans une situation d'endettement similaire :
malgré les prêts accordés à des taux
d'intérêt inférieurs à ceux du marché,
ceux-ci pâtissent énormément du remboursement de leur dette
: trente-huit pays en développement ont un ratio dette sur Produit
National Brut supérieur à 80%14.
Entre 1970 et 2007, la dette extérieure des PED a
été multipliée par 48 ; entretemps, ils ont
remboursé l'équivalent de 102 fois ce qu'ils devaient en
197015. Le mode de croissance de ces pays, reposant sur de nombreux
emprunts, les a desservis et a accentué les écarts avec les
pays
13AZOULAY (G.), Les théories du
développement, Presses universitaires de Rennes, 2002, 332 p.
14MOISSERON (J.-Y.), COTTENET (H.), « Les pays
pauvres très endettés : spécificité et traitements
traditionnel de leur dette », in MOISSERON (J-Y) et RAFINOT (M.),
Dette et pauvreté, Paris, Economica, 2001.
15MILLET (D.), TOUSSAINT (E.), 60 questions, 60
réponses sur la dette, le FMI, la Banque mondiale, Edition
Syllepses, Paris, 2008, p.182.
9
développés.
Le commerce international est également largement
défavorable aux pays en développement. Si les politiques
d'ouverture ne sont pas contraintes par le remboursement de la dette, elles le
sont par l'assujettissement aux règles de l'organisation mondiale du
commerce (OMC). Cette ouverture les contraint à
l'ultra-spécialisation dans les matières premières, et
soumet leurs revenus au cours de celles-ci. En cas d'effondrement, il y a des
graves répercussions, notamment sur le plan alimentaire. De plus, elle
exclut beaucoup de PED de la production nationale de produits
manufacturés, les condamnant à importer à des prix souvent
coûteux. S'il y a une croissance, elle ne favorise qu'une infime partie
de la population : le commerce international échoue à
créer une croissance dont les effets ruisselleraient sur l'ensemble des
couches sociales.
1/5e de la population mondiale gagne à peine 2% des
revenus mondiaux, quand le quintile le plus riche en possède 74%. Ces
disparités soulignent peut-être que, loin d'élever le
niveau de vie de ceux qui en ont le plus besoin, la croissance a
délaissé une grande partie de la population mondiale au cours de
ces 40 dernières années.
Les écarts de richesse au sein des pays
Dans les pays développés, il y a une
quantité importante de personnes « hors-jeu »,
c'est-à-dire qui ne bénéficient pas des apports de la
croissance. Celles-ci vivent sous le seuil de pauvreté. En France, elles
sont en 2010 de plus de 8 millions16. Les États-Unis, pays le
plus riche du monde, sont parmi les derniers pays développés en
matière de redistribution des richesses, selon le classement de l'indice
de pauvreté humaine 2 (IPH-2) effectué en 2009, avec par exemple
une protection sociale qui ne couvre que 85% de la population 17 .
Ces laissés-pour-compte sont facilement oubliés, mais ils sont
pourtant des victimes collatérales de la croissance.
Dans beaucoup de pays en développement, la
répartition des revenus est également très
problématique : une petite minorité possède un revenu
considérable en s'accaparant les aides internationales et les
liquidités tirées de l'exploitation des ressources naturelles,
alors que l'immense majorité vit dans la pauvreté. Au Kazakhstan
par exemple, le sous-sol possède des richesses colossales en termes
d'hydrocarbures et de métaux non-ferreux, mais 40% des foyers ne gagnent
pas plus de 400 dollars par mois, quand le clan du président de la
république possède des
16INSEE,
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=natccf04405
17KASPI (A.), Les Etats-Unis d'aujourd'hui, Plon, Paris,
p.183.
10
milliards de dollars d'avoirs à
l'étranger18. Les taux de croissance à deux chiffres
observés dans nombre de ces pays, et qui promettent beaucoup selon
certains observateurs19, ne sont peut-être
alors que de la poudre aux yeux : la croissance ne semble pas
permettre le développement, le freine même peut-être.
Tim Jackson20 résume bien le défi devant
lequel se trouve le monde aujourd'hui :
« Dans un monde caractérisé par des
îlots de richesse, perdus au milieu d'océans de pauvreté,
est-il légitime que l'augmentation permanente des revenus des
déjà-riches constitue le centre de gravité de nos espoirs
et de nos attentes ? Existe - il une autre voie conduisant vers une forme de
prospérité plus durable, plus équitable ? ».
3) Une définition du bonheur
inadéquate
Au-delà des failles de la croissance
précédemment décrites, existe-il peut-être un
problème plus profond et subtil. Il concerne notre philosophie de
vie.
La croissance repose pour une large part sur la consommation
de masse des ménages. Par conséquent, il faut inciter ceux-ci
à consommer toujours et le plus possible, ou la production diminuera,
entraînant avec elle des pertes d'emplois et l'effondrement des revenus :
la « crise » s'installera. Vu positivement, si la croissance remplit
sa mission, les revenus seront plus élevés, donnant en principe
plus de choix aux individus pour diriger leur vie, et de façon
générale amélioreront leur qualité de vie :
l'augmentation du PIB par tête paraît donc se justifier.
Pourtant, dans nos pays développés, une grande
partie de la population a déjà satisfait ses besoins essentiels,
la prolifération des biens de consommation ne va donc pas ajouter grand
chose au confort matériel. Il n'y a pas de relation linéaire
simple entre le flux matériel et l'épanouissement : « plus
» ne veut pas nécessairement dire « mieux ». Pourquoi
alors vouloir toujours plus ? Il apparaît que cet objectif de croissance
a pris trop de place dans nos conduites de vie : s'est insinuée
l'idée que le bien-être passait nécessairement par la
consommation, la possession, le confort et le luxe. La société de
croissance pousse au consumérisme, qui recèle l'idée qu'il
faut toujours plus pour se sentir toujours mieux (« j'ai, donc je suis
»).
Ceci d'abord parce que le fait de posséder quelque
chose est un marqueur social très fort : notre échelle de
réussite se définit par rapport à l'échelle du prix
des biens que nous avons pu
18ACKERMAN (G.), « Kazakhstan, le vrai visage du
régime », Politique Internationale, 2012, n°137, page
280. 19Citons par exemple l'hebdomadaire Le Point, qui consacre sa
une du 9 août 2012 à l'Afrique.
20JACKSON (T.), Prospérité sans
croissance, éd. De Boeck, Paris, 2010.
11
acquérir. Les objets sont imprégnés d'un
sens social et psychologique, qui met en place un langage symbolique permettant
de communiquer avec les autres. Le fait de ne pouvoir accéder à
tel bien ou adopter tel mode de vie fait naître un sentiment
d'infériorité, parfois même de pauvreté. Le
désir, le besoin, stimulés par la publicité et la
société de croissance, créent un décalage par
rapport à la situation présente et entraînent ce sentiment.
Publius Syrus écrivait : « le moins pauvre des hommes est celui qui
désire le moins »21. Ressort l'idée que la
richesse est relative : si l'on sait maîtriser ses désirs, l'on
peut être riche en ayant peu. Changer cette façon
d'appréhender la vie pourra permettre de se recentrer sur des projets
véritablement personnels et pertinents.
Ce que la société de consommation fait ressentir
en fin de compte, c'est une perpétuelle fuite du présent : le
bonheur promis s'échappe, son horizon est perpétuellement
repoussé. Il n'y a pas la satisfaction de posséder quelque chose
de durable et de véritablement bon et utile, car cette
société pousse à croire que le meilleur est devant, dans
le prochain objet à acquérir, le prochain mode de vie à
adopter, et cela infiniment répété par une propagande plus
pernicieuse que celle d'un régime totalitaire. La fin extrême, le
but ultime du processus n'est jamais atteint, et c'est plutôt la
frustration qui règne. Cette pensée de Lucrèce
résume: « Mais si tu désires toujours ce que tu n'as pas, tu
méprises ce que tu as, ta vie s'est donc écoulée sans
plénitude et sans charme »22
Pour Tim Jackson, « c'est finalement l'accès au
bonheur que la croissance semble avoir compromis en nous poussant à
instrumentaliser toute relation, cherchant à la rendre
systématiquement efficace, productive et marchande »23.
Au delà d'un certain point, la recherche permanente de la croissance
économique peut ne plus favoriser le bonheur humain et même
l'empêcher : il y a une régression malgré la
réussite économique. Le modèle idéal de la famille
aisée d'un pays développé, qui vit dans un appartement ou
une maison, possède deux voitures, une ou deux télés, un
animal de compagnie, et suffisamment d'argent pour partir en vacances trois
semaines par an, est-il vraiment synonyme de réussite et de bonheur ?
Il faut revoir les modes de pensée : l'augmentation de
la richesse ne doit pas passer exclusivement par une augmentation du PIB/
habitant, parce que celui-ci interdit la prise en compte d'un certain nombre de
« facteurs de bonheur » (harmonie familiale, liens avec la nature...)
d'une société et l'enferme dans l'aspect de la production et de
la consommation. Toutefois, bien que des recherches24 aient
été menées pour le remplacer ou le tempérer, les
difficultés à surmonter sont nombreuses, lui permettant de
préserver encore nettement sa place d'indicateur phare de
21SYRUS (P.), Sentences, Ier siècle
av. J.-C.
22LUCRECE, De la nature des choses, Ier
siècle av. J.-C.
23JACKSON (T.), op.cit.
24Citons à ce titre les travaux de la
Commission sur la mesure des performances économiques et du
progrès social,
réunie en 2009 sous la présidence de Joseph E.
Stiglitz.
12
l'épanouissement humain.
PARTIE II : La décroissance, une solution ?
Répondant aux failles de la croissance, un mouvement
proposant un modèle social et économique original est apparu : la
décroissance.
Bien qu'ayant des racines plus anciennes que nous
entreverrons, l'idée de décroissance se forge en 1971 avec
rapport Halte à la croissance ? rédigé par le
Massachusetts Institute of Technology (MIT) et commandé par le club de
Rome, lieu de réflexion sur des questions économiques et sociales
: celui-ci s'interroge sur la pérennité du modèle de
croissance alors à son apogée avec les Trente Glorieuses et
annonce son arrêt au cours du siècle suivant, et peut-être
même avant. Le rapport prend une grande ampleur médiatique,
relayée par la parution en 1979 du recueil d'articles Demain la
décroissance : Entropie, écologie, économie
écrit par l'économiste et mathématicien hongrois
Nicholas Georgescu-Roegen, qui propose une série de mesures visant
à surmonter la crise du modèle économique dominant, selon
lui inévitable car consécutive à l'épuisement de
nos ressources fossiles.
Toutefois, la contestation de la croissance va ensuite
connaître une longue traversée du désert consécutive
à la fin des Trente Glorieuses et aux crises économiques
résultant des différents chocs pétroliers. Elle revient
pourtant en force au début des années 2000, et devient un
thème militant en France avec les numéros 280 et 281 de la revue
écologiste Silence, sous la direction de Vincent Cheynet et
Bruno Clémentin, qui la revendiquent également dans leur magazine
« Casseurs de pub ». En 2002, l'Organisation des nations unies pour
l'éducation, la science et la culture (UNESCO) fait de la
décroissance un des thèmes de sa conférence «
Défaire le développement, refaire le monde », et elle est
mise à l'agenda de nombreuses autres rencontres par le réseau
« Pour une insurrection des consciences ».
En 2004, le mouvement des objecteurs de croissance semble
vouloir sortir de l'écologie, à la fois pour s'en
différencier et s'adresser à un public plus large : La
décroissance, le journal de la « joie de vivre » est
créé par François Schneider, qui organise dans le
même temps plusieurs conférences publiques. De nombreux sites
internet se spécialisent sur le sujet25. L'organisation de
25Citons à ce titre :le site participatif
www.decroissance.info, le site officiel de l'Institut d'études
économiques et sociales pour la décroissance soutenable
www.decroissance.org,
et le site du journal La Décroissance
www.ladecroissance.net.
13
rassemblements pacifiques débute, dont les plus
notables sont les « marches de la décroissance » regroupant
jusqu'à 500 personnes. En 2005, le courant « Utopia »
dépose une motion lors du congrès du Parti socialiste, mais ne
recueille que 1,05 % des voix. L'année 2007 voit alors l'apparition du
premier parti politique consacré à la décroissance, le
« Parti pour La Décroissance » (PPLD), mais également
la création de la revue Entropia et du groupe a-partisan,
écologiste et anticapitaliste « Mouvement des objecteurs de
croissance » (MOC). Un colloque rassemblant 140 scientifiques et des
mouvements écologistes et de développement durable est
organisé en 2008 à Paris par l'association « Recherche et
décroissance », et publie une déclaration se voulant
retentissante.
Le terme « décroissance » renvoie donc
à une réalité large : il regroupe tous ceux qui souhaitent
la réduction de la taille physique du système économique
et son renouveau, par moins de prélèvements de ressources
naturelles, moins de rejets polluants, pour des raisons écologiques,
sociales et démocratiques et proposent des réponses
inédites aux défis de ce temps.
Plutôt que de regrouper les auteurs, mouvements par
leurs thèses et positions, ce qui ressemblerait à une compilation
brute, ou d'étudier l'apparition et l'évolution des mouvements et
de leurs idées au fil des quarante dernières années, ce
qui a déjà été proposé par de nombreux
ouvrages, notre démarche se voudra résolument synthétique
et analytique, recoupant les grands thèmes des objecteurs de croissance
pour faire ressortir leurs solutions mais également leurs débats
internes.
1) Une décroissance du Produit Intérieur
Brut ?
Lorsque survient aux oreilles l'idée de
décroissance, apparaît conjointement et immédiatement son
antinomie avec la croissance économique. La décroissance semble
donc, à première vue, une mouvance prônant non seulement la
cessation de l'augmentation de la production des biens et services d'une
année sur l'autre, mais leur véritable diminution, année
après année.
Pourtant, cette volonté de décroissance du PIB,
qui a fait la célébrité des décroissants et
constitue en quelque sorte leur étendard, n'est finalement pas si
évidente.
Nicholas Georgescu-Roegen26 , un des pionniers du
mouvement, voit pourtant dans la décroissance du PIB un moyen
nécessaire pour éviter la fin de la vie humaine sur terre. Il
dresse
26GEORGESCU-ROEGEN (N.), La décroissance :
Entropie, écologie, économie, éd. Le sang de la
Terre, 2008, 3e éd.
14
le constat que les hommes ont choisi de baser leurs
activités sur des énergies fossiles, et qu'à ce titre,
celles-ci ne dureront pas 5 milliards d'années mais s'éteindront
avec leur consommation irréversible : c'est la loi thermodynamique de
l'Entropie. Celle-ci peut être considérée comme la mesure
du désordre énergétique régnant dans un
système ; à l'entrée, l'énergie est de basse
Entropie (énergie libre) ; à la sortie, l'énergie est de
haute Entropie (énergie liée), c'est-à-dire des
déchets inutilisables et sans valeur27. Pour
Georgescu-Roegen, dans un système clos ou quasi-clos, tel que la Terre,
l'énergie libre baisse et l'énergie liée augmente de
façon irréversible : l'entropie augmente donc en continu. La
bioéconomie, dont il est l'un des précurseurs, contribue donc
à replacer la biologie au coeur de l'économie, en prenant en
compte l'interaction fondamentale entre le processus économique et son
environnement matériel. Georgescu-Roegen voit donc dans la
décroissance du PIB le passage obligé pour répondre
à la disparition des ressources naturelles causée par la
croissance économique.
A l'heure actuelle, les mouvements comme l'Association pour la
décroissance (PPLD et MOC) et des auteurs tels Cheynet28 ,
promeuvent la décroissance, mais davantage comme une réponse aux
inégalités entre les pays du Nord et du Sud : la croissance
économique a échoué à apporter le
développement à ces pays, les enfonçant même dans la
spirale de la pauvreté : elle ne doit donc se poursuivre.
Mais ces courants n'emportent pas la majorité du sein
de la vaste mouvance que constituent les décroissants, et d'aucuns
voient plutôt, à l'instar de Paul Ariès, la
décroissance comme un « mot-obus »29, créant
un choc, une remise en question de notre modèle économique, bien
plus que comme un programme dont l'élément phare serait
l'arrêt de la production des biens et services. Pour celui-ci, la
décroissance peut se traduire par une baisse du PIB, mais pas
nécessairement : la décroissance n'est pas forcément la
« croissance négative »30 . Il est rejoint en cela
par Serge Latouche 31 , pour qui il s'agit surtout d'abandonner une
foi, une religion, celle de « l' économisme » et de la
recherche du profit, en considérant la croissance comme l'unique moyen
du progrès. Pour faire face aux défis de notre temps et
résoudre les problèmes posés par la croissance
économique, il est selon lui possible de poursuivre une certaine
croissance économique. L'essentiel, semblent alors nous dire dans un
article commun Ariès, Clémentin et même
Cheynet32,
27Pour donner un exemple simple, un glaçon
ayant fondu dans un verre ne redeviendra jamais un glaçon ; de
même,
un ordinateur ne pourra jamais revenir à la matière
première qui a été utilisée pour le produire et
l'énergie utilisée
pour le construire ne pourra plus jamais être
utilisée
28LAVIGNOTTE (S.), La décroissance est-elle
souhaitable ?, éd. Textuel, 2010, p.35.
29ARIES (P.), Décroissance ou
barbarie, éd. Golias, 2005, 163 p.
30ARIES (P.), La décroissance : un nouveau
projet politique, éd. Golias, 362 p.
31LATOUCHE (S.), Le pari de la
décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
32ARIES (P.), CLEMENTIN (B.), CHEYNET (V.), « Ce
que la décroissance n'est pas », La décroissance,
février
2006, n°30.
15
est de ne pas voir la décroissance comme un objectif
strict, une fin en soi, mais plutôt un combat pour une certaine
conception de l'homme.
Mais ni l'une ni l'autre de ces deux approches ne semblent
satisfaire Jean-Marie Harribey, qui adopte une position originale33
: la décroissance au Nord, la croissance au Sud. Ses idées
convergent avec celles de l'association ATTAC34 (Association pour la
taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne), qui
voit une injustice dans la tentative d'imposer un arrêt de croissance aux
pays du Sud, eux qui n'ont pas, contrairement aux pays
développés, joui des bénéfices de la croissance
pour satisfaire leurs besoins fondamentaux.
Le dilemme avancé par Stéphane
Lavignotte35, « la poursuite de la croissance infinie n'est pas
forcément vertueuse, mais le contraire non plus » résume
bien la situation et les difficultés à estimer les
conséquences, particulièrement négatives, qu'une
décroissance économique du pays pourrait avoir. Notons aussi que
la question plus générale du développement
économique suscite des remous au sein de la mouvance : celui-ci,
inséparable de la croissance, témoignerait d'une vision
ethnocentriste et ne pourrait apporter « qu'aliénation, perte de
souveraineté et concurrence entre les peuples et les individus »
(MOC)36 ; d'autres penseurs, au contraire, sont plus nuancés
et recherchent un autre mode de développement. Si l'on revient à
la problématique de la stricte décroissance économique,
l'indicateur du PIB peut traduire par son augmentation une bonne
évolution, par exemple une hausse des produits non marchands
(éducation, santé...) ou de la production des énergies
renouvelables au détriment des énergies fossiles. L'essentiel est
donc, somme toute, d'opérer avec discernement ce qui, dans le PIB, doit
décroître et ce qui ne le mérite pas : c'est l'idée
de décroissance sélective. En tout état de cause, les
divers mouvements distinguent nettement récession de décroissance
: cette dernière est voulue et non subie, ne constitue pas une
brève halte avant de retrouver la croissance mais explore des voies
inédites.
2) Relocalisation et solidarités face à
la raison technique et économique.
L'idée de décroissance vient, en un sens, d'une
colère. Elle refuse l'économisme, la recherche
effrénée au profit, le sens de la vie dictée par la
jouissance des biens matériels, la domination de l'argent et la lecture
comptable du monde ; mais récuse également la
33HARRIBEY (J-M), « Vers une
société économe et solidaire : développement ne
rime pas forcément avec croissance », Le Monde
Diplomatique, juillet 2004.
34ATTAC, Le développement a t-il un avenir
?, éd. Mille et une Nuits, 2004.
35LAVIGNOTTE (S.), op.cit.
36« La décroissance comme projet politique de gauche
», site internet du MOC,
http://www.les-oc.info/2010/08/la-decroissance-comme-projet-politique-de-gauche/
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complexification et la technicisation des outils de
production, du droit et de l'administration, de la vie elle-même en
somme.
1935 : Les « Directives pour un manifeste personnaliste
»
Dès les années 1930 a émergé une
résistance à cette « modernité » de la
société. Jacques Ellul et Alain Charbonneau en sont les
précurseurs. Ils sont les premiers à s'élever contre
l'expansion des pouvoirs bureaucratiques et des grandes infrastructures
techniques (autoroutes, centrales de production d'électricité...)
qui balaye les savoirs vernaculaires et soumet la vie des
sociétés humaines au système économico-politique,
à la division du travail et à la complexité technique.
Leur approche, aux accents révolutionnaires mais novateurs, se
cristallise dès 1935 avec la rédaction des Directives pour un
manifeste personnaliste : est posé le constat de l'impuissance de
la politique pour maîtriser la suprématie technicienne et son
gigantisme et la nécessité pour les hommes de s'émanciper
au sein d'une « révolution de civilisation ». Celle-ci veut
l'établissement d'une société « personnaliste »
à l'intérieur de la société globale : des petites
communautés électives, cités « à hauteur
d'homme » doivent s'ériger pour remplacer les grandes
concentrations urbaines ; les grands pays seront ainsi divisés en
régions autonomes où la politique sera plus authentique et la
communication plus directe. Au sein de celles-ci, un salaire gratuit assurant
un minimum vital sera accordé, et les progrès de la technique
seront utilisés de manière altruiste pour réduire le temps
de travail de l'ouvrier, dans le cadre d'une réduction de la production
à des niveaux strictement nécessaires.
Ces « contre-sociétés » bâties
autour des principes de la définition de la qualité de vie et de
la solidarité sociale seront appelées à une grande
postérité.
Le « Penser globalement, agir localement »
Les partisans contemporains de la décroissance,
lorsqu'ils avancent leur modèle économique et social
différent, s'inspirent directement de ceux qui ont pensé avant
eux l'alternative à la société productiviste et
technique.
Le réaménagement d'un territoire centré
non plus sur les grands ensembles mais sur le local constitue ainsi un souhait
commun à presque l'ensemble d'entre eux. Serge Latouche veut par exemple
l'émergence de communautés organiques régionales,
échelons autonomes fondés sur le principe de subsidiarité
promouvant l'autoproduction et, d'un point de vue politique, la
17
« démocratie écologique locale
»37. La relocalisation de l'économie sur de petites
entités doit se faire sur une échelle plus petite que le
département, baptisée « pays » ou « bio
région » selon les cas ; mais presque toujours elle implique de
retrouver des territoires avec une certaine unité sociale et
écologique et, en tout cas, une identité culturelle forte
associée à des valeurs propres, qui paraissent faire nettement
défaut dans le découpage actuel des collectivités locales.
Ce recentrement de l'activité sur un espace à taille humaine
(Latouche parle de communautés de 500 personnes) permettra
d'éliminer les grandes surfaces, destructrices de la production et de
l'artisanat locaux, et donc de relations humaines fortes. Stéphane
Lavignotte rappelle à ce propos l'idée de remplacer
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) par l'Organisation Mondiale pour la
Localisation (OML)38, qui donnerait la primeur à
l'agriculture et aux monnaies locales, proposition reprise par Vincent Cheynet
lors de sa candidature aux législatives en 2007. Les effets indirects de
cette relocalisation seraient par ailleurs multiples : elle permettrait d'une
part une redistribution de la terre dans le cadre d'une agriculture
véritablement biologique, avec les emplois qui en découlent, et
d'autre part, une réduction des transports inutilement producteur de CO2
et un recentrement de l'individu sur son environnement immédiat («
l'être au monde »). Pour Jean-Pierre Tertrais, cela signifierait in
fine avoir la maîtrise sur la gestion de l'oeuvre commune : « une
population qui aurait, par l'autogestion généralisée, la
maîtrise de la production, n'aurait aucun intérêt à
entretenir le gaspillage sur lequel est fondé le capital
»39.
Mais la bataille pour une meilleure distribution des
richesses, un plus grand respect des ressources naturelles et d'une certaine
sensibilité face à la raison technique et économique ne
s'arrête pas là ; l'écrasante majorité des partisans
de la décroissance plaide en effet pour des choix de
société forts, notamment en ce qui concerne la distribution des
revenus : le « revenu d'existence », encore appelé «
universel » ou « inconditionnel », versé
indépendamment de tout travail ou de toute autre variable
économique (âge, niveau de richesse...) est
revendiqué40, en raison du droit qu'a chacun, dans nos
sociétés prospères, d'avoir sa part de richesse, et lui
permettant par ailleurs de se consacrer plus aisément à toutes
sortes d'activités d'épanouissement (engagement associatif,
loisirs, liens sociaux...). Des changements dans le monde du travail sont
également appelés : resserrement de l'écart entre le
salaire minimum et un salaire maximum
37LATOUCHE (S.), Le pari de la
décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
38LAVIGNOTTE (S.), op.cit.
39TERTRAIS (J.-P.), Du développement
à la décroissance, de la nécessité de sortir de
l'impasse suicidaire du capitalisme, éd. Libertaire, 2006.
40Citons notamment : MYLONDO (B.), (dir.), La
décroissance économique : pour la soutenabilité
écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant,
2009, 239 p. ; LAVIGNOTTE (S.), op.cit. ; CHEYNET (V.), Le choc de
la décroissance, éd. Seuil, 2008, 213 p. ; LATOUCHE (S.),
Le pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p. ;
ARIES (P.), Décroissance ou barbarie, éd. Golias, 2005,
163 p.
18
(quatre fois le salaire minimum pour Latouche41 ),
passage à la semaine de trois jours (Ellul préconisait deux
jours42), possible en raison des immenses gains de
productivité réalisés depuis plusieurs décennies et
de l'idée qu'il ne faut pas « perdre sa vie à la gagner
» et au contraire libérer du temps pour s'épanouir autrement
; enfin, dans la même perspective, avancer l'âge de départ
à la retraite. Concernant les infrastructures et institutions
économiques, l'Association Recherche et Décroissance
milite43 : réduction des infrastructures
dédiées à la production, la consommation et au transport
(centrales, aéroports, autoroutes, lignes à haute tension...) et
abolition progressive des droits de propriété permettant
d'exploiter les ressources naturelles, qui seraient ainsi
propriété collective. La limitation de la taille, voire le
démantèlement des firmes multinationales, ainsi que de certaines
banques, pour éviter que les dérives liées à la
spéculation et l'exploitation sous ses diverses formes
n'entraînent un creusement des inégalités de richesses, est
également une idée défendue avec vigueur44.
Loin de se contenter de la critique, les objecteurs de
croissance possèdent une vision globale de la société et
proposent des mesures novatrices pour combler ses failles.
3) Une nouvelle approche de la soutenabilité :
l'effet débond
La critique du développement durable
La décroissance, pourrait-on croire, a beaucoup
à voir avec le développement durable : même volonté
de proposer un nouveau modèle, prise en compte des problèmes
énergétiques et environnementaux... Or, les partisans de la
décroissance, pour l'essentiel, récusent le développement
durable tel qu'il a été envisagé avec le rapport
Brundtland en 1987.
Leurs critiques sont virulentes. Nombreux sont ceux qui, comme
Serge Latouche, voient dans le développement durable une simple
manière de changer les mots pour ne rien changer aux pratiques, tout
simplement parce que le développement ne saurait être durable : il
y a une contradiction entre les termes, une oxymore45 . Tout
d'abord, car tout développement, même
41LATOUCHE (S.), Le pari de la
décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
42ELLUL (J.), CHARBONNEAU (A.), « Directives
pour un manifeste personnaliste », in Cahiers Jacques-Ellul, N°
1/2003 : Les Années personnalistes.
43Par le biais de l'ouvrage collectif comprenant la
« Déclaration finale de la première conférence
internationale sur la décroissance économique pour la
soutenabilité écologique et l'équité sociale »
de Paris d'avril 2008, consultable sur la réf. MYLONDO (B.), (dir.),
La décroissance économique : pour la soutenabilité
écologique et l'équité sociale, Editions du Croquant,
2009, 239 p.
44CHEYNET, op.cit. ; LATOUCHE (S.), Le
pari de la décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
45LATOUCHE (S.), Le pari de la
décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
19
durable, impose de puiser dans les ressources naturelles, et
que selon la loi de l'Entropie de Georgescu-Roegen, ce modèle finira par
causer la fin de l'humanité : avec une croissance « durable »,
ou une croissance « zéro », les ressources
s'épuiseront, plus lentement certes, mais tout aussi sûrement.
Ensuite, parce que certains des instruments de la soutenabilité faible,
la taxation et les permis d'émission, postulent une
substituabilité des éléments naturels (eau, paysage,
biodiversité...) qui ne peut être précisément «
durable », en ce qu'elle est impossible. Mais surtout, le
développement durable a foi dans une croissance économique moins
consommatrice d'énergie et de ressources naturelles, ce qui ouvre un
boulevard à un effet rebond encore plus destructeur de la
planète.
Cet effet a été mis en lumière par
Stanley Jevons46 à la fin du XIXe siècle. Il
apparaît que les gains de productivité, donc d'énergie et
de ressources, sont rendus nuls par une production et une utilisation plus
intensives. Du côté des producteurs, la réduction des
coûts par unité de production n'est pas utilisée pour
réduire les impacts absolus, mais pour permettre de gagner des parts de
marché et d'augmenter la production47 . Du côté
des consommateurs, l'effet rebond se manifeste par l'augmentation de la
consommation liée à la réduction des limites
(environnementales, financières, pratiques...) à l'utilisation
d'une technologie : une voiture qui consomme moins n'incite pas à rouler
moins. De même, l'économie immatérielle s'ajoute plus
qu'elle ne se substitue à l'économie matérielle.
Voilà le paradoxe dans lequel semble se mouvoir le développement
durable : la croissance est à la fois la solution et ce qui la rend
inefficace. Solution parce qu'elle implique un progrès dans les
techniques, les rendant moins énergivores ; annihilateur de cette
solution, parce qu'elle permettra de ce fait une consommation et une production
plus facile, plus grande et en apparence moins coupable, et cherchera
même à la susciter, puisqu'elle ne peut survivre sans.
L'effet débond
Face aux difficultés que pose l'effet rebond, plusieurs
auteurs et mouvements proposent un nouvel instrument, que certains nomment de
soutenabilité forte, l'effet débond.
Au sein de l'ouvrage collectif lancé par l'association
« Recherche et décroissance » dans la lignée de la
Conférence de Paris en 2008, les auteurs annoncent les conditions de
mise en oeuvre
46Aussi appelé « Paradoxe de Jevons
», il a été développé dans son ouvrage de 1865
Sur la question du charbon. 47Jevons donne l'exemple
suivant : si les machines à vapeur sont de plus en plus économes,
la consommation totale
de charbon ne baisse pas, car l'économie « par
machine » est « rattrapée » et dépassée par
l'augmentation du
nombre total de machines.
20
d'une stratégie d'effet débond. Il s'agira, en
premier lieu, de décourager les solutions basées sur
l'efficacité et l'individualité (prendre sa voiture seul ou le
Train à Grande Vitesse pour parcourir des distances encore plus
grandes), car sujettes à des micro ou macro-rebonds. Dans un
deuxième temps, favoriser les solutions qui créent une
satiété de la demande, en posant des limites à la
production et à la consommation : celles-ci sont appelées «
innovations frugales ». Pour Paul Ariès48, ces deux
faces d'une même pièce ont un nom : accorder la gratuité de
l'usage et renchérir le mésusage. Rendre gratuit l'usage, cela
signifie favoriser l'accès aux produits, transports, services qui sont
à la fois indispensables, efficaces écologiquement et permettent
de combler en partie les inégalités de richesse. Renchérir
le mésusage, en faisant payer les comportements individualistes car peu
soucieux de l'environnement, et par ce biais chercher à les
décourager. Par exemple, rendre gratuits les transports non polluants et
de l'autre côté, taxer lourdement les détenteurs d'un
véhicule type 4x4. Mais Ariès avance également des
idées beaucoup plus radicales dans la quête de l'effet rebond,
rompant ainsi avec ces propositions écologistes somme toutes classiques
: transformer les routes et autoroutes en chemins de fer et pistes cyclables,
aménager les centres-ville en jardins urbains. Baptiste Mylondo et les
co-auteurs de l'ouvrage Demain la décroissance pensent eux plus
concrètement donner la primeur à des projets locaux et
réalisables : co-habitat, réutilisations des produits, partage
d'automobile et d'objets de consommation courante dans le but d'éviter
la multiplication des produits, et privilégier les moyens d'existence
qui n'ont pas la capacité de créer de nouveaux besoins. Est
même introduite l'idée de « débond temporel »,
qui consiste à préférer les activités longues,
conviviales et enrichissantes (repas de famille, randonnée...) et qui
permettent de réduire le temps disponible pour polluer. En quelque
sorte, favoriser les comportements qui reconnaissent les limites.
4) La simplicité volontaire
Le débat sur la décroissance du PIB donne
l'occasion à plusieurs auteurs d'expliquer que la décroissance
est beaucoup plus qu'une stricte diminution de la production. Le but est de
montrer que celle-ci, finalement bien avant de se jouer sur un éventuel
terrain économique, se définit comme un art de vivre : C'est
l'idée de « simplicité volontaire ». En réponse
à la définition du bonheur de nos sociétés
contemporaines, caractérisé par le consumérisme,
l'accaparement de biens matériels et la concentration des richesses, au
mépris de leurs conséquences environnementales et sociales, la
simplicité volontaire est un chemin alternatif permettant à
chacun de vivre facilement
48ARIES (P.), Le Mésusage, essai sur
l'hypercapitalisme, éditions Parangon/Vs, 2007, 172 p.
21
et immédiatement ce qu'est la décroissance.
Jean-Marie Harribey en explicite d'emblée les
fondements 49 : il s'agit d'abord de bouleverser nos représentations
culturelles, et particulièrement celles ayant trait à la
finalité du travail et au but de la vie en société. Et ce,
d'autant plus que ces représentations sont devenues largement
inconscientes, intégrées dans nos modes de pensée,
laissant difficilement le choix ; Ivan Illich 50 parle ainsi de
« monopole radical », chaque fois que la société, par
des pressions normatives implicites, élimine notre liberté de
choisir une voie différente : il faut posséder une voiture,
consommer, respecter des codes dans l'expression de ses idées et de sa
créativité. Face à cela, les tenants de la
simplicité volontaire prônent, par leurs choix de vie quotidiens,
la rupture. Réduire ses besoins, tout d'abord, pour se
débarrasser de la croyance qu'il faut avoir toujours davantage pour
mieux être, et limiter ses impacts sur l'environnement : distinguer le
nécessaire du superflu, notamment par la fuite de la mode,
réparer et non remplacer les objets endommagés. Abandonner la
multitude d'objets technologiques (portable, télévision,
ordinateur) altérant les rapports humains, permet de redonner du sens
à la vie, et libère du temps pour l'introspection, la
contemplation et la création. Qui sont ces adeptes d'une vie simple,
parfois appelés « décroissants » ? Le journal La
Décroissance, qui va chaque semaine à leur rencontre, les
fait apparaître comme des personnes aux profils à la fois normaux
et atypiques : une professeur à la retraite en charge de trois
adolescents, des artisans luthiers dans un village isolé, un couple en
pleine campagne exploitant une microbrasserie,... Ni des marginaux, ni des
révolutionnaires en fin de compte, ce que semble signifier Paul
Ariès: « la simplicité volontaire est l'oeuvre d'individus
qui simplifient volontairement leur existence pour retrouver une meilleure
qualité de vie »51. Ceux-ci privilégient le local
sous toutes ses formes (autoproduction alimentaire, abandon des trajets en
voiture, rencontres avec les voisins) et, in fine, une certaine pauvreté
: l'existence pleine passe par moins de biens pour plus de liberté
intérieure, moins de temps de travail pour moins de salaire, moins de
consommation et plus de temps pour soi et les autres. En un sens, ce n'est donc
pas un hasard si, comme le remarque Ariès, ce sont souvent des personnes
aux revenus déjà modestes qui se retrouvent dans la
simplicité volontaire, dans la mesure où elle leur permet de se
replacer dans la société, de retrouver une estime de soi en
coupant le lien entre l'être et la richesse.
« Sois le changement que tu veux voir dans le monde
»52 semble s'appliquer parfaitement à ces «
résistants non-violents » tenants de la simplicité
volontaire, qui choisissent de modifier dès
49HARRIBEY, op.cit.
50ILLICH (I.), Energie et
équité, Seuil, 1975, 2e éd.
51ARIES (P.), La simplicité volontaire
contre le mythe de l'abondance, éd. La Découverte, 2010, 301
p.
52POTTS (M.), Arun Gandhi Shares the Mahatma's
Message, India - West [San Leandro, California] Vol. XXVII,
No. 13 (1er février 2002), p. A34
22
à présent leurs façons d'être pour
vivre en conformité avec leurs valeurs, et ne plus renvoyer le
changement qu'ils espèrent voir à un hypothétique «
Grand Soir ».
PARTIE III : Critique de la décroissance
Le mouvement de la décroissance se targue d'être
une véritable alternative au modèle dominant de la
décroissance. Toutefois, afin de ne pas se laisser berner par
d'éventuelles illusions et de voir en la décroissance le
remède, unique et indispensable, aux maux de notre temps, il est apparu
nécessaire d'en opérer la critique. Dans le même temps,
opérer cette démarche critique permettra de
réfléchir aux apports indéniables de la
décroissance, la « substantifique moelle » en somme.
La critique s'est voulu constructive, en ce sens qu'elle prend
en compte les failles de la croissance et les idées des partisans de la
décroissance au lieu de les ignorer ; elle laisse donc de
côté les arguments des modèles de croissance (Rostow,
théorie de la croissance endogène...) eu égard aux
problèmes indiscutables qu'ils entraînent et que nous avons
déjà envisagés.
1) L'absence de vision macro-économique
Cette idée peut paraître surprenante : les
décroissants ne rejettent-ils pas eux-mêmes l'existence d'une
vision économique (ou plus précisément, «
économiste ») globale ? Certes, mais on peut leur rétorquer
que concevoir la discipline, l'outil de réflexion qu'est la
macroéconomie comme le simple vecteur d'une pensée productiviste
est singulièrement réducteur et quelque peu paranoïaque. Au
contraire, la macroéconomie permet de comprendre les dynamiques et
relations unissant l'ensemble des agents du système économique et
de trouver une solution aux problèmes se posant. Or, les
différentes propositions des mouvements et auteurs favorables à
la décroissance éludent rapidement cette question. Comment
réagir, si la baisse de la consommation entraîne une baisse de la
production, et donc chômage et potentiellement pauvreté
forcée pour des milliers de personnes ?
De même, certaines des solutions avancées pour
réduire l'empreinte écologique (prendre peu sa voiture, acheter
« bio ») ne sont-elles pas inenvisageables, en raison du
surcoût qu'elles entraînent, pour les ménages les moins
aisés ? Penser global permet ainsi de toucher des problématiques
très concrètes qu'oublient de résoudre les
décroissants, à force de dédaigner les
23
instruments économiques courants.
Plus fondamentalement, en remettant en cause la croissance
« démesurée » et le « productivisme à tout
crin », les décroissants ne songent pas que ce profil de croissance
est lui-même inscrit dans un modèle plus général de
capitalisme libéral, caractérisé par la primauté
donnée aux marchés, l'ouverture aux échanges
extérieurs et à la propriété privée :
remettre vraiment en cause la croissance reviendrait à remettre en cause
tout cela. Or, quel modèle global proposent-ils ? Souvent, leurs
propositions gardent le cadre et ne modifient que des portions, ce qui souligne
selon Jean-Marie Harribey « l'incapacité à penser
simultanément la critique du productivisme et celle du capitalisme :
seule la première est menée, mais sans qu'elle soit
rattachée à celle des rapports sociaux dominants
»53.
S'agissant de la préservation des ressources
naturelles, les objecteurs de croissance ont le mérite de rappeler la
loi de l'Entropie qui fait prendre conscience de la finitude inéluctable
des ressources naturelles. Mais là est également leur faiblesse :
les mouvements et auteurs ne s'accordent pas sur le moyen de pallier à
cette consommation inéluctable, pas plus qu'ils ne proposent un objectif
clair de décroissance économique. L'association
ATTAC54 se saisit d'ailleurs de ce point et critique vertement le
flou qui entoure la question de la décroissance ou non de la production
et ironise : il faudrait « sortir d'une économie de croissance qui
n'est pas une décroissance de la production dans une
société de décroissance ». Le problème, plus
large encore du « développement » des pays du Sud, qui
provoque d'intenses débats au sein de la mouvance, n'est pas non plus
résolu : les pays du Sud sont-ils victimes d'une vision occidentale
ethnocentriste ou doivent-ils se développer ? Si oui, comment : par la
croissance, le développement durable ? Sinon, par quel autre moyen ?
Latouche55 avoue lui-même, malgré les années
qu'il a passées en Afrique, ne pas avoir de réponse à
cette question. En relation étroite avec cette interrogation,
résiste le doute, non éludé, sur le point de savoir si la
décroissance des pays du Nord n'entraînerait pas, par ricochet,
celle des pays du Sud ?56
La décroissance sélective, vraie bonne
idée, est également insuffisamment creusée : quels
secteurs choisir ? A partir de quelle année de référence ?
Au lieu d'approfondir ces questions, les auteurs ont tendance à se
réfugier derrière des mots vagues et passe-partout, comme les
concepts de « viabilité écologique » et « justice
sociale » de Serge Latouche57 censés se substituer
à la
53HARRIBEY (J-M), op.cit. 54ATTAC,
op.cit.
55 « De Marx à la décroissance »,
Entretien avec Serge Latouche, Professeur émérite
d'économie de l'Université de Paris-Sud, 25 janvier 2006.
56Notamment en ce qui concerne les exportations de
produits primaires.
57LATOUCHE (S.), Petit traité de la
décroissance sereine, éd. Mille et Une Nuits, 2007, 171
p.
24
croissance. La critique du développement durable pour
une « vraie » soutenabilité possède également
des accents irréalistes : transformer une économie basée
sur des infrastructures polluantes et des énergies fossiles en une
économie utilisant des énergies renouvelables, un nouvel
urbanisme et de nouveaux transports demande du temps et des investissements.
Or, cette prise de relais est ignorée par les partisans de la
décroissance, mettant là encore en exergue leur peine à
réfléchir concrètement.
2) Une approche pessimiste du progrès
Une nouvelle fois, cette idée peut faire l'objet de
polémiques : les décroissants soutiennent que le
développement induit par la croissance économique n'est pas le
progrès, qui provient au contraire d'une plus grande harmonie avec la
nature et les autres, d'une redéfinition de la richesse
matérielle et spirituelle en somme. Toutefois, on ne peut pas nier que,
jusqu'à présent au moins, ce modèle économique a
permis un véritable progrès : temps de travail divisé et
espérance de vie multipliée par deux depuis 1850, accès
beaucoup plus important à l'éducation, à la culture... La
question soulevée par les décroissants - et qui mérite
d'être posée - est alors finalement : le progrès, est-ce
toujours cela ? Ce modèle économique est-il encore susceptible
d'apporter des améliorations qualitatives dont nous profiterions
vraiment ? Dans le cas contraire, est-il dans la nature de l'homme d'aller
à contre-sens de cette marche en avant ? L'inventivité de l'homme
a toujours été le moteur de son épanouissement,
matériel et intellectuel, et de son affranchissement aux besoins
primitifs. La vision très pessimiste du progrès
développée par l'un des penseurs les plus importants de la
décroissance, Ivan Illich, apparaît en le sens contestable : la
voiture est inutile car, en prenant en compte l'ensemble du temps qui y est
consacré (travail pour la payer et l'entretenir, réparations,
embouteillages...) la bicyclette est plus rapide ; la médecine moderne a
tué la médecine traditionnelle et ses bienfaits, et favorise les
secteurs de pointe au détriment du plus grand nombre (un greffé
du coeur pour des milliers de mots de maladies bénignes) ;
l'école, enfin, produit des exclus et ne réduit pas les
inégalités (« trois ans d'école ont plus d'effet que
l'absence de scolarité : ils font de l'enfant qui abandonne un
raté »)58. On voit bien les limites de ce raisonnement
et les fausses impressions qu'il peut induire : à force de se focaliser
sur les défauts apportés par le progrès - et il y en a -
on en oublier ses innombrables avantages. Plusieurs auteurs refusent ainsi de
considérer simplement que tout progrès n'est pas absolument bon
en toutes circonstances, mais comporte des failles, et reportent leur soif de
perfection sur un « anti-progrès » pourtant loin
d'être
58ILLICH (I.), Le Chômage
créateur, Seuil, 1977 ; Energie et équité,
Seuil, 1975, 2e éd.
25
parfait. L'apologie d'une société primitive (les
« chasseurs cueilleurs » de Latouche) aux accents rousseauistes
présente des dangers : culte d'une « tribu locale » et de ses
normes étriquées, absence d'ouverture géographique et
culturelle au monde, sentiment de frustration... Besson - Girard résume
bien : « un lien subi et non choisi est vécu comme une contrainte
»59.
Tout progrès est-il donc nécessairement pervers
? Ne peut-on pas utiliser la télévision, la voiture et le
téléphone portable pour leurs avantages, sans pour autant nier
les inconvénients qui y sont inhérents ? Plutôt qu'au
progrès, ces questions renvoient en fin de compte directement à
la question du choix et du discernement. D'une manière plus
générale, il faut aussi s'interroger sur le bien fondé de
la défiance des décroissants à l'égard d'une
croissance plus propre, équitable et réorientée sur
l'utilité sociale. Robert Malthus, en son temps, avait
négligé de considérer les progrès technologiques
dans ses prévisions, et bien qu'aucun auteur ni mouvement ne
préconise de politique anti-natalité, ceux-ci font
peut-être la même erreur. Il est nécessaire de continuer
à encourager l'investissement dans de nouvelles techniques, mais
gourmandes en énergie, donc plus respectueuses de la planète.
Depuis trente ans en effet, l'intensité énergétique des
principales économies du monde a notablement en effet diminué
grâce au progrès technique, malgré l'effet rebond
déjà souligné. Sans pour autant tomber dans l'optimisme
béat de certains économistes et croire que toutes les
difficultés seront résolues par la technique, on peut conserver
sa foi en l'homme pour continuer de trouver et développer des
solutions.
L'une d'entre elles est d'entrer dans une économie de
recyclage, notamment en ce qui concerne les métaux, et résoudre -
au moins partiellement - la problématique de l'épuisement de ces
ressources. Aborder nos déchets comme des ressources et puiser dans nos
« mines d'or urbaines » (décharges d'objets technologiques
avec beaucoup de terres rares) pourrait constituer une économie de 72
milliards d'euros à l'échelle de l'Union Européenne si
tous les objectifs en matière de recyclage étaient atteints, avec
à la clé une création de 400.000 emplois60. On
passerait alors véritablement, selon l'expression de Claude
Allègre, « d'une économie unidirectionnelle à
ressources infinies à une économie cyclique à ressources
finies »61.
D'autre part, certains économistes soulignent les
effets immenses sur la biodiversité et le changement climatique qu'une
redirection d'une faible partie des richesses du PIB pourraient avoir : pour
Nicolas Stern, qui a rédigé un rapport en ce sens au
Trésor Britannique, utiliser 1% du PIB actuel suffira pour
empêcher les impacts du réchauffement climatique sur
l'économie
59BESSON - GIRARD (J.-C.), Decrescendo Cantabile :
Petit manuel pour une décroissance harmonique, éd. Parangon,
2005, 170 p.
60Mathieu HESTIN, conférence du 13
décembre 2012, Faculté Jean Monnet - Université Paris
Sud-XI. 61ALLEGRE (C.), Ma vérité sur la
planète, éd. Plon, 2007, p. 144.
26
britannique. Un découplage relatif (selon les termes de
Tim Jackson 62 ) entre croissance économique d'une part et
consommation et pollution de l'autre pourra être dans cette optique
possible, en s'appuyant sur le développement de nouvelles technologies
telles les agrocarburants de troisième génération ou les
énergies marines renouvelables. Les processus de production se
reconfigureront alors, les biens et services seront repensés, et la
production dans son ensemble s'affranchira progressivement de sa
dépendance aux flux de matières. Une croissance
réorientée respectueuse des limites écologiques verrait
alors le jour.
3) La croissance, facile bouc-émissaire
Jetant des anathèmes sur la croissance, les favorables
à la décroissance ont donc le devoir de démontrer quels
sont les chemins à prendre, non seulement pour réduire notre
empreinte écologique, mais aussi pour augmenter notre qualité de
vie au sens de l'Indicateur de développement humain (espérance de
vie à la naissance, niveau d'éducation et niveau de vie). Or, ils
éludent à vraiment répondre à la question de savoir
comment atteindre une certaine richesse, au sens de l'IDH, sans la croissance.
Plaçons-nous en juges honnêtes et impartiaux : la croissance de
l'activité économique et son corollaire, le développement,
ont apporté, comme nous l'avons rappelé
précédemment, plus de bienfaits qu'aucun autre modèle dans
l'Histoire. Une vision de court-terme et engluée dans l'idée de
crise peut donc être trompeuse, comme l'énonçait
déjà Adam
Smith en 1776 :
« Le produit annuel de la terre et du travail de
l'Angleterre est certainement bien plus grand qu'il ne l'était, il y a
un peu plus d'un siècle, à la restauration de Charles II [...].
Cependant, il s'est à cette époque rarement écoulé
cinq années sans qu'on n'ait publié quelque livre ou quelque
pamphlet [...] prétendant démontrer que la richesse de la nation
déclinait rapidement, que le pays était dépeuplé,
l'agriculture négligée, les manufactures périclitantes, et
le commerce perdu »63.
De surcroît, les maux décrits par les
décroissants ne sont pas issus de la seule croissance, mais le
résultat d'une multitude de causes. L'aggravation des
inégalités peut venir d'un rapport salarial défavorable
à certaines catégories de la population (femmes, non
diplômés, jeunes...). La paupérisation et la rupture des
liens sociaux être conséquences de l'affaiblissement voire de
l'inexistence de processus redistributifs ; Jean-Marie Harribey cite à
ce titre les paysans des pays en développement qui n'ont pas
accès à la terre non en raison du modèle de croissance
mais de
62JACKSON (T.), op.cit.
63SMITH (A.), La Richesse des Nations, Livre
II, 1776.
27
structures sociales inégalitaires64. Quant
à l'épuisement des ressources naturelles, il est aussi le fait de
comportements opportunistes (absence de réglementation environnementale
dans les pays du Sud par exemple), égoïstes (au niveau individuel,
le gaspillage, les surconsommations d'énergie) et inévitables
(habiter loin du lieu de travail implique de prendre la voiture). Les maux
décrits par les objecteurs de croissance ne sont-ils pas alors en grande
partie dus à des choix politiques qu'à la croissance qui en
découle ? La vision manichéenne de nombre d'auteurs, qui voient
notamment dans le développement durable qu'un moyen de plus pour
créer de nouveaux marchés et profits, n'est-elle pas
foncièrement réductrice ? La critique d'inspiration
marxiste65 insiste elle aussi sur le manque de discernement des
accusations : pas de distinction entre croissance utile pour tous les
êtres humains et croissance comme recherche de profit pour les
entreprises. La stratégie de décroissance, avec, comme nous
l'avons rappelé, une sélection des secteurs, est donc à
perfectionner.
Par ailleurs, le rapport au travail - ciment de la croissance
- tel qu'il est envisagé dans les propositions des auteurs et mouvements
partisans de la décroissance est contestable. Il n'est vu que sous son
angle négatif, c'est-à-dire comme quelque chose de
pénible, une aliénation, une soumission au système
marchand, et dans cet optique le réduire est une
nécessité. Pourtant, le travail est-il absolument une mauvaise
chose ? Ne peut-on pas aimer son métier et vouloir y consacrer du temps
? Quid des emplois solidaires, artisanaux, créatifs ? Sont-ils
également pénibles ? Les décroissants ont une vision bien
trop uniforme et simpliste du travail, « libérateur » selon
Hegel66 en ce qu'il permet de se construire, de s'approprier le
monde et d'avoir une emprise sur lui.
Demeure en dernier ressort la question fondamentale de la
liberté. S'attaquant à la croissance qui pervertit l'homme et
compromet son accès au bonheur, les décroissants font
malgré eux le procès de la liberté personnelle à
choisir son mode de vie. Niant que chacun a toujours le choix de diriger sa vie
comme il l'entend, de regarder ou non la télévision, d'aller se
fournir dans une grande surface et de prendre son 4x4 pour y aller, certaines
mesures préconisées pour les décroissants infantilisent
l'homme au lieu de le responsabiliser. Le risque est alors de remplacer un
dogme par un autre pour finalement abolir, au sein d'un système aux
allures totalitaires67, la liberté.
64HARRIBEY (J-M), op.cit.
65On peut citer les textes parfois virulents de Lutte
Ouvrière « Décroissance, malthusianisme : le retour de
vieilles idées réactionnaires » et du PCF « Croissance,
décroissance ou nouveau type de développement ».
66Dialectique du maître et de l'esclave, HEGEL (G.-W.), La
phénoménologie de l'esprit, 1807
67Notamment chez Ellul et Illich.
CONCLUSION
Le mouvement de la décroissance a l'immense
mérite de replacer l'économie comme moyen et non comme fin. Les
mots de Nicolas Georgescu-Roegen prennent alors tout leur sens : « Le vrai
but de l'économie est la joie de vivre »68.
Les décroissants forcent à écouter
l'interrogation fondamentale : travailler plus, produire plus, gagner plus,
mais pour aller où ? Quel est le but ultime ? et ce faisant abolissent
le culte de la croissance et du travail.
Malgré ses contradictions et limites, le terme «
décroissance » crée donc un choc. Il permet d'ouvrir une
brèche pour faire passer un discours plus complexe et nuancé, en
même temps qu'il rassemble, au-delà des dissensions et des
débats, tous ceux qui ne se reconnaissent pas entièrement dans le
modèle économique actuel et tentent d'agir pour protéger
la biodiversité, les valeurs humaines, un certain art de vivre et
luttent pour une plus grande solidarité sociale. Il ouvre les
imaginaires.
Bonne idée, la décroissance n'est donc ni
panacée, ni illusion. Elle porte en son sein quelques idées
fortes qui peuvent être appliquées sans attendre : la
décroissance sélective dans certains secteurs et sous-secteurs de
l'économie des pays du Nord, la gratuité de l'usage et le
renchérissement du mésusage, et bien sûr la
simplicité volontaire. Laissons alors à Serge Latouche le soin de
conclure : « Pas de recettes miracles et c'est tant mieux, mais des lignes
de réflexion et d'action »69.
28
68GEORGESCU-ROEGEN (N.), op.cit.
69LATOUCHE (S.), Le pari de la
décroissance, éd. Fayard, 2006, 302 p.
29
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