Contribution des nouvelles religions à la reconstruction du lien social au Rwanda. Cas de l'Evangelical Restoration Church. (1994- 2004 )( Télécharger le fichier original )par Jeanette NTAWUHIGIMANA Université libre de Kigali - Bachelor 2005 |
1.2.2 La politique de l'exclusion de l'autre et les EglisesA l'instar des politiciens, beaucoup de responsables des Églises d'avant 1994 étaient animées d'esprit ségrégationniste. Les batutsi étaient marginalisés, exclus de tous les postes de grande responsabilité et opprimés48(*). Actuellement les Églises essaient, par l'évangile, de guérir les blessures du génocide mais quelques séquelles résistent encore. C'est pourquoi dans certaines Églises la collaboration est encore difficile. Quoique les responsables viennent de toutes composantes de la population, les sentiments de méfiance et des préjugés tacites à l'égard de l'autre dénotent encore la culture de l'exclusion. De 1994-1998, certaines personnes quittent leurs Églises d'origine pour chercher celles où ils peuvent collaborer aisément, d'autres en créent de nouvelles. Des Églises mono-ethniques voient le jour. Actuellement l'exclusion s'amenuise mais des germes de division subsistent encore. Il faudrait les exorciser avant qu'ils n'explosent à nouveau 49(*). J. CARBONAIRE recommande : « Entre la vie et la mort, la division, la haine et l'amour, l'Église doit toujours être du côté de la vie et de l'amour qui sont seuls dans le plan de Dieu. L'Église doit être la première à combattre le mécanisme de division, de haine. Elle doit savoir que son rôle dans la réconciliation du peuple est irremplaçable. L'Église doit sortir de la routine du folklore, des rites et des symboles et des stéréotypes, pour s'engager dans des changements en profondeur. Les enseignements de l'Église doivent viser la qualité, la profondeur et non la quantité et le superficiel 50(*)». 1.2.2.1. Situation socio - culturelle et Eglises au Rwanda.La population rwandaise est la plus dense du continent africain sa densité moyenne est de plus de 424 hab./km2 51(*). Elle comprend trois groupes sociaux à savoir : les batutsi, les bahutu, les batwa. Le génocide de 1994 à aggravé la désintégration des institutions sociales et familiales en cours avant 1990. A ce propos CATHERINE A. affirme : « le tissu social avait été fortement éprouvé par les conditions socio-économiques difficiles de la paysannerie . Pendant la guerre, ,familles et communautés ont éclaté et le nombre des catégories vulnérables a augmenté : enfants orphelins ou non accompagnés, veuves, handicapés et individus traumatisés par leurs expériences durant la guerre52(*) ».
Ce qui montre que le tissu social du Rwanda est actuellement fragmenté plus jamais. G.PRUNIER explique l'état de certains Rwandais : « bapfute bahagaze (des morts qui marchent). D'après lui, « le pays en est plein et bien des Rwandais qui semblent normaux à première vue, en font partie par certains aspects de leur personnalité qu'ils réussissent à cacher53(*) ». En outre, la société rwandaise est actuellement marquée par la tendance au repli sur soi. Beaucoup de gens se réfugient dans leurs vies privées, mais il y aussi quelques autres qui sont en quête de la chaleur communautaire. Les problèmes sociaux se répercutent souvent dans les Églises et constituent un obstacle à la cohabitation et à la collaboration franche entre les membres de l'une ou de l'autre Église54(*). En effet, dès 1994, tous ces groupes sociaux ci-dessus se côtoient dans leur vie quotidienne ou se retrouvent dans les Églises. Mais il n'est pas facile de se parler franchement et de s'accueillir mutuellement dans une même Église, de partager la Parole de Dieu, de communier et de vivre comme frères et soeurs en Christ. Certains optent pour la création de nouvelle religion où ils se sentent plus à l'aise ; d'autres ferment la porte de leurs églises aux nouveaux venus, ils les trouvent gênants et craignent qu'ils soient animés de l'esprit de « kubohoza »55(*).
Après 1994, ce phénomène de « kubohoza », d'après J.NDAGIRO, avait aussi réanimé la tension et l'animosité surtout entre les propriétaires des maisons qui les réclamaient et les occupants qui n'avaient pas les moyens de construire les leurs. Pour le moment les uns payent le loyer et les autres ont construit leurs maisons. Quelques-uns ont remis les biens pillés d'autres n'y songent pas. Certains demandent pardon et se réconcilient, mais d'autres endurcissent leurs coeurs et freinent la coexistence pacifique entre les différents groupes, même dans les Églises. Au lieu de régler des différends qui les opposent, certains chrétiens quittent leurs Églises d'origine et adhérent à d'autres où ils se sentent en paix. D'autres créent des Églises pour célébrer le culte sans sentiment de peur. Les problèmes perdurent et la création de nouvelles religions continue, sans cesse ! Face à tous ces problèmes cités-ci haut il fallait qu'il ait l'intervention des Églises pour les surmonter ainsi que pour construire un pays orienté vers un développement durable. Car, comme l'affirme Kaïmana: « quand les habitants du pays sont croyants et ce pays sombre dans l'appauvrissement, l'insécurité, l'immoralité, l'injustice, il faut conclure que la faillite est également spirituelle56(*)».
* 48 NDAGIRO, J., Op. cit., p.11 * 49 NDAGIRO, J., Op. cit., p.11 * 50 ibidem * 51 Ibidem * 52 NDAGIRO, J., Op.cit., p.11 * 53 NDAGIRO, J., Op. cit., p.12 * 54 NDAGIRO, J., Op.cit., p.13 * 55 Selon J. NDAGIRO, le mot dérive du verbe « kubohoza » qui signifie « délier ce qui est lié, détacher ce qui est attaché(chèvre), défaire ce qui est tressé(natte), libérer un captif ou délivrer un prisonnier ». Ce verbe a connu une évolution sémantique dans le temps et pendant le génocide le terme « kubohoza » a eu différents sens : délivrer, libérer, voler ou piller, s'approprier temporairement. Cf. NDAGIRO, op.cit.,p.13 * 56 KÄMANA, Foi Chrétienne, crise africaine et reconstruction de l'Afrique : sens et enjeux des théologies africaines contemporaines, collection Défi Africain, Éditions CETA/HAHO/CLE , 1992 , p.100 |
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