c) Les vertus
L'agir humain ne repose cependant pas sur rien, mais sur des
dispositions de l'âme que l'on appelle vertu. La vertu est un avoir
(habitus) acquis et possédé durablement dans l'âme
qui "favorise chez l'homme le bon agir" (Somme contre les gentils, III,
CXLI) et grâce auquel il atteint le bonheur et aide à
l'adéquation raisonnable entre les fins et la nature humaine. C'est donc
un principe intérieur des actes humains. Etant donné que les
vertus sont indispensables pour le bon développement de la vie morale,
et donc des biens qui va en découler, il est nécessaire de les
inclure dans cette étude sur le bien de l'homme. D'autant plus que la
vertu est définie comme étant une bonne disposition et
comme ce qui rend bon: "la vertu est ce qui rend bon celui qui la
possède" (Somme théologique, Ia IIae, qu. 55, art. 4,
concl.), car la vertu est ce qui oriente durablement l'âme vers le
bien. On ne peut ainsi demeurer dans une disposition bonne, orientée
vers le bien, sans la vertu. Saint Thomas d'Aquin distingue les vertus
appétitives (ou morales selon la terminologie
aristotélicienne), qui sont dans la partie sensible (ou irrationnelle)
de l'âme, les vertus intellectuelles, qui sont dans l'intellect,
soit spéculatif, soit pratique (Somme théologique, Ia IIae,
qu. 56, art. 3, concl) et les vertus théologales, ou dons
du Saint-Esprit. La vertu morale maintient l'homme qui les possède dans
le juste milieu entre différents états qui tiennent de sa
sensibilité ; par exemple le courage est l'état de l'homme qui
n'est ni lâche, ni téméraire (commentaire de l'Ethique
à Nicomaque, II, leçon 2, 264). Or ce milieu est celui qui
convient à l'être humain : il est ainsi à sa place, ni dans
un agir par défaut (lâcheté), ni dans un agir par
excès (témérité), mais dans un agir proprement
humain car raisonné par une vertu intellectuelle qu'Aristote et saint
Thomas nomment la tempérance (c'est la vertu qui a rapport
à la capacité calculatrice de l'âme rationnelle). Ainsi
l'agir vertueux est celui qui ordonne au bien parce qu'il est l'agir qui
correspond le mieux à la forme substantielle de l'homme qui est
d'être une créature raisonnable. Le problème proprement
moral de la distance entre l'homme et sa nature humaine trouve sa solution (qui
ne reste plus qu'à être mise en pratique) dans la vertu : c'est en
agissant vertueusement que l'homme agit en homme, et agit donc bien. D'autre
part, la vertu permet d'introduire dans la vie morale de l'homme ce
critère par lequel un aristotélicien peut considérer un
homme comme étant heureux : la constance. La vertu permet à
l'homme de rester constamment dans la quête et dans la
jouissance de son bien et de ses biens propres ; elle lui permet
d'être en acte de tout son être ; nous verrons par la suite
que c'est ce qui définit le bonheur.
Nous avons donc traité du bien en tant que
puissance motrice, c'est à dire le bien comme fin en puissance
: c'est ce qui provoque le désir et la volonté ; puis nous avons
traité du bien en tant qu'activité c'est à dire
entant que mouvement, réalisation et action. il nous faut maintenant
traiter du bien en tant que fin en acte et en tant que
retour. C'est l'objet de la partie suivante.
|