I) contexte métaphysique de la notion
transcendantale de bien
La science morale s'enracine dans la métaphysique et
dans la théologie, car l'homme est partie intégrante d'une nature
entièrement tournée vers le transcendant ; de plus, les actes qui
constituent l'objet de la morale proprement dite sont déterminés
en leur cause formelle et en leur finalité par l'orientation
métaphysique de la nature humaine et se réalisent à partir
de ses critères. Saint Thomas d'Aquin ne sépare jamais l'homme de
sa nature, et la morale n'en est en aucun cas un dépassement ou une
quelconque artificialité : c'est en ce sens que l'on qualifie la morale
Thomiste de naturaliste. Le cadre de la science morale se délimite ainsi
; et le bien s'y place comme un transcendantal qui est le principe moteur et la
fin de tout agir moral - nous y reviendrons par la suite.
Mais avant tout, il faut commencer par définir le
cadre théologico-métaphysique dans lequel le monde entier se
situe, l'homme et ses actes y compris, car c'est ce cadre qui va
délimiter la sphère épistémologique dans laquelle
Saint Thomas d'Aquin va énoncer ses vérités. Il convient
ensuite de situer la place de l'homme au sein de la nature, car l'homme est
intégré au système des êtres et est soumis aux lois
métaphysiques ; et c'est cette place qui va déterminer les
finalités et les limites de l'homme en tant que sujet et acteur
responsable de la science morale, car comment penser ce qui est bon pour
l'homme sans connaître le schème métaphysique dans lequel
il se trouve, schème qui le détermine en tout ? C'est la question
du statut de la nature humaine parmis la création toute entière.
Après avoir considéré la place de l'homme dans son
contexte naturel et métaphysique, c'est tout naturellement qu'il faut en
déceler les lois interne, c'est-à-dire la structure ontologique
du monde ; en effet, être une créature parmis un ensemble
d'êtres, c'est être soumis aux lois générales de ces
êtres. C'est la question de l'analogie de l'être, qui va nous
permettre d'anticiper le dernier point : le Bien comme transcendantal.
a) le cadre théologico-métaphysique de la
morale
La nature dans sa totalité est entièrement
tourné vers Dieu comme son principe, son fondement et sa fin
dernière, et la Révélation identifie Dieu comme
étant le Bien absolu ; l'être humain n'échappe pas à
cet état de fait et toute réflexion morale doit s'inscrire dans
cette dynamique métaphysique, car l'on trouve chez Saint Thomas
une continuité parfaite entre la morale et la métaphysique, tout
comme il existe une continuité parfaite entre la nature humaine et la
destinée surnaturelle. C'est d'ailleurs cette continuité qui est
le principe d'unification de l'homme avec le monde et avec Dieu dans toute son
oeuvre. La créature raisonnable qu'est l'homme dans le monde en tant que
système de choses est pris dans cette dynamique qui part de Dieu comme
en son principe et qui y retourne de façon rationnelle (Somme
théologique, Ia, qu. 44, art. 4) : c'est le mouvement de
l'exitus reditus où l'homme provient de son Créateur et
y retourne au moyen d'actes ordonnés à sa propre nature
(Somme théologique, Ia, prologue de la question 2). Dieu
imprime donc une direction aux choses en les créant, et la direction
imprimée à la créature raisonnable est de retourner
à Dieu au moyen de leurs actions qu'ils choisissent eux-mêmes
librement (qu. de veritate, qu.13, art. 1 et 2). Nous verrons que
l'homme est une créature qui possède le libre-arbitre : elle
peut choisir librement les moyens qui vont lui permettre d'acceder à
cette fin ultime. C'est la question du choix de ces moyens corrélatifs
à cette fin ultime qui constitue le propre de la science morale pour
saint Thomas.
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