Université de Poitiers UFR Sciences Humaines et
Arts Département de Géographie
Master 1 Migrations internationales
Année 2010-2011
Ségrégation et dynamiques multiculturelles
à Séville:
le cas du quartier "El Cerezo"
Source: photographies personnelles, mars 2011. Montage
effectué sous Picasa, 2011. (c) B-W Matthieu
« En matière d'immigration, l'intégration
est un chemin de crête, la voie étroite entre deux
précipices, entre deux conceptions extrêmes. La première
est celle qui considère le pays d'accueil comme une page blanche
où chacun pourrait écrire ce qui lui plait, ou pire , comme un
terrain vague où chacun pourrait s'installer avec armes et bagages, sans
rien changer à ses habitudes. L'autre conception extrême est celle
qui considère le pays d'accueil comme une page déjà
écrite et imprimée, comme une terre dont les lois, les valeurs,
les croyances, les caractéristiques culturelles et humaines auraient
déjà été fixées une fois pour toutes, les
immigrants n'ayant plus qu'à s'y conformer ».
Amin Maalouf, romancier Franco-Libanais (1998).
Remerciements :
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m'ont
aidé dans l'élaboration de cette recherche.
Merci tout d'abord à ma tutrice Naik Miret de m'avoir
guidé durant cette année d'étude, merci également
à Marie-Antoinette Hily, Maria Angeles Huete et Francisco Torres pour
leur soutien.
Un grand merci aux différents membres d'associations
rencontrés à Séville ainsi qu'aux habitants d'El Cerezo
qui ont répondu à mes questions. Leurs témoignages m'ont
grandement aidé à réaliser cette étude.
Pour finir, un remerciement tout particulier à mes
proches, ma famille, mes amis et notamment à Claire pour m'avoir
accompagné tout au long de cette aventure. Je n'oublie pas tous mes
lecteurs qui m'ont aidé à concrétiser ce
mémoire.
A tous MERCI
Sommaire
Introduction p.1
Chapitre I : Évolution de l'immigration et
insertion urbaine des étrangers à Séville p.6
A/ Séville: une ville « récente »
d'arrivée de migrants 1/ Évolution de la population
immigrée dans la ville
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p.6
p.7
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2/ Répartition des immigrés dans la ville
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p.12
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3/ L'influence des logements collectifs en Espagne
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p.17
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B / Les politiques publiques : enjeux de l'immigration
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p.20
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1/ Différences et points communs entre la Junta
d'Andalousie et la Mairie de Séville
|
p.21
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2/ La délégation des relations institutionnelles
sur l'immigration
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p.24
|
3/ Des services publics de la mairie au service de
l'immigration
|
p.26
|
C/ La Macarena : un district multiculturel
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p.28
|
1/ Diversité culturelle et évolution de
l'immigration
|
p.29
|
2/ El Cerezo : un quartier de concentration de populations
immigrées
|
p.35
|
Chapitre II : Enjeux et évolution de l'immigration
: le cas du quartier El
|
|
Cerezo
|
p.42
|
A/ Visibilité des immigrés à Séville,
particulièrement dans le quartier d'El Cerezo
p.42
1/ L'investissement des immigrés dans la vie culturelle de
Séville
|
p.42
|
2/ Mise en avant de l'immigration dans le discours
électoral
|
p.45
|
B/ L'importance des acteurs associatifs locaux
|
p.48
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1/ Les projets associatifs : enjeux de cohabitation
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p.48
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2/ Le plan pilote de la Macarena : la tentative de créer
du « vivre ensemble » collectivement
C/ Transformations urbaines du quartier El Cerezo
|
p.54
p.58
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1/ Une situation géographique avantageuse
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p.59
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2/ Des changements urbains visibles
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p.63
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3/ La place de Punta Umbria: illustration des transformations
urbaines et sociales
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p.69
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Chapitre III : Représentations et pratiques
liées à l'immigration dans le quartier d'El Cerezo
|
p.73
|
A/ Effets de la multiculturalité pour El Cerezo
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p.73
|
1/ Le point de vue des habitants dans leur choix et leur
représentation du quartier El Cerezo
p.73
2/ Ségrégation spatiale : entre espaces
partagés et espaces « réservés »
|
p.79
|
B/ L'immigration comme bouc émissaire
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p.83
|
1/ Un espace conflictuel
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p.84
|
2/ De la réalité au stéréotype
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p.87
|
C/ Les jeunes : première cible des ONG
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p.93
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1/ Un défi multiculturel
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p.93
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2/ Intervention dans les établissements scolaires
|
p.96
|
Conclusion
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p.100
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Bibliographie
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p.104
|
Annexes
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p.111
|
Sigles:
ACCEM: Association Commission Catholique
Espagnole de Migration (Asociación Comisión Católica
Española de Migración)
APDHA: Asociación Pro Derechos Humanos de
Andalucía
ATIME: Association des Travailleurs Immigrants
Maghrébins en Espagne CEAR: La Comisión
Española de Ayuda al Refugiado
CEPAIM: Consortium des Agences de l'action
globale avec les migrants (Consorcio de
Entidades para la Acción Integral con Migrantes)
CMPM: Consejo Municipal de Participación
de Migrantes
CODENAF: Association de Coopération et
Développement avec les pays du Nord de l'Africain
EMASES: Empresa Metropolitana de
Abastecimiento et Saneamiento de aguas de Sevilla
IMEDES: Instituto de Migraciones y Desarrollo
Social de la Universidad Autónoma de Madrid INE:
Instituto Nacional de Estadística
INSEE: Institut National de la Statistique et
des Etudes Economiques
MEPSYD: Ministerio de Educacion de Politica
Social y Deporte
MPDL : Mouvement pour la Paix, le
Désarmement et la Liberté
OBCS: Observatorio Castello Social
OCDE: Organisation de Coopération et de
Développement Économiques
ODS: Office de Droits Sociaux
ODI: Office des Droits des Immigrés
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OPIA: Observatoire Permanent de l'Immigration en
Andalousie
OPIS: Observatoire Permanent de l'Immigration
à Séville
PIN: Parti des Immigrés Nouvelle
génération: Partido de los Inmigrantes Nueva Generación
PIRUM: Partido Iberico de los Rumanos
SOMAÏ: Support Minimum d'attention à
l'immigré
UPO: Université Pablo de Olavide
Introduction
Migrer est un phénomène social complexe autant
pour les causes que pour les conséquences que cela implique. Les
migrations ont formé et transformé les sociétés
contemporaines en les rendant plurielles, c'est-à-dire qu'actuellement
de nombreux espaces urbains sont composés d'habitants originaires de
pays différents.
L'Espagne a été pendant longtemps un pays
d'émigration. Mais depuis plus de vingt ans, il est devenu un pays
d'immigration. Ce changement relativement récent s'est accru suite aux
différentes vagues migratoires et n'a pas permis aux administrations
publiques de se préparer à accueillir et intégrer les
immigrés.
Deux particularités propres à ce pays nous
intéressent car elles divergent de la situation française. Tout
d'abord, l'Espagne est un pays de propriétaires, cela concerne plus de
80% de sa population. Ensuite, comme nous venons de le souligner, c'est un
territoire d'immigration relativement nouveau. En effet, en 2000, les
immigrés représentaient 2,1% de la population totale alors qu'en
2010 ils étaient 12,2% selon l'Institut Nationale de Statistique
(INE).
Notre étude traite des conséquences de la
multiculturalité dans une ville, ici Séville. Ayant eu diverses
expériences en Espagne et particulièrement à
Séville (études, emploi, loisirs), le choix de cette ville pour
aborder notre sujet s'est rapidement imposé à nous. Par ailleurs,
suite à de multiples lectures, recherches et au visionnage d'un
reportage télévisé de la chaîne Canal Sur :
Inmigrantes en el barrio sevillano de « El Cerezo »
(Immigrés dans le quartier sévillan El Cerezo) du 29
septembre 2010 sur les problèmes de cohabitation entre autochtones et
immigrés dans le quartier El Cerezo; cet espace est apparu comme
étant au coeur de notre recherche. De là s'est confirmé
l'intérêt que nous portons aux minorités et à leur
intégration dans un espace urbain, ici El Cerezo. Certaines de ses
caractéristiques en font un objet d'étude intéressant.
Tout d'abord, il est situé au coeur de la Macarena, district où
se trouve le plus grand nombre d'immigrés à Séville.
Ensuite, ce quartier est celui qui dénombre le plus grand chiffre
d'habitants d'origines étrangères de façon relative.
Enfin, c'est la zone où il y a le plus de commerces au mètre
carré.
Se concentrer sur cet espace pour analyser la question de
l'articulation ségrégation- multiculturalité permet
d'aborder les quartiers multiculturels depuis un cas concret et de se
positionner dans le processus de recomposition sociale du
district de la Macarena durant les dix dernières années.
L'étude de cas prend tout son sens par le biais de la
diversité ethnique et des évolutions récentes dans El
Cerezo. "On réaffirme là le lieu comme une relation
d'expériences entre le sujet et le focus, un lieu en constante
évolution, de par ses « effets multiples » et son
fonctionnement particulier, il doit rester au centre des recherches
géographiques" (ROZENHOLC, 2010, p.26).
Concrètement, l'apport de cette recherche se trouve
principalement dans l'échelle choisie, celle d'un quartier : El Cerezo,
se trouvant au Nord du centre ancien de la ville. En cela, elle se
démarque des recherches effectuées récemment sur les
thèmes de la ségrégation et du "vivre ensemble" dans des
espaces multiculturels tels les travaux des chercheurs et professeurs Maria
Angles Huete Garcia (tutrice de stage) et Francisco Jose Torres Gutierrez. En
effet, ces deux personnes ont effectué avec des équipes de
chercheurs, des travaux sur des thèmes similaires mais pour des
destinataires différents (l'un pour la mairie de Séville et
l'autre pour la communauté autonome d'Andalousie). La première
travaille dans le département de sociologie et le second dans celui de
géographie de la faculté Pablo de Olavide à
Séville. Ils ont permis de restructurer notre étude et de mettre
en avant son aspect innovant. C'est pourquoi ce sont des ressources
incontournables à la rédaction de ce mémoire. Or, leurs
recherches s'inscrivent dans des échelles géographiques
macroscopiques en étudiant des phénomènes de
ségrégation et de multiculturalité de manière
générale et non microscopique dans le sens d'une étude de
cas en particulier comme il est question dans notre sujet.
Comme nous le verrons, s'installer dans un quartier se fait
par choix ou par contrainte, suivant des critères personnels
(coût, amis, famille, proches, situation géographique, etc.). Une
fois installée, chaque personne va s'approprier l'espace dans lequel
elle vit, l'appartement, l'immeuble, les rues et les espaces publics. Accepter
« l'autre » est souvent difficile, c'est ce que nous verrons dans le
quartier El Cerezo. Afin de rendre compte de ce qui est mis en place pour
développer le "vivre ensemble" au sein de ce quartier, nous nous
attacherons aux actions et projets des acteurs qui agissent au niveau local
(mairie, région, associations, etc.) en lien avec les habitants. Nous
partons ici du postulat que dans le quartier étudié, les
immigrés sont victimes de discrimination et de
ségrégation. Cela nous amène à poser
l'hypothèse suivante:
La mise en place de projets d'interactions
multiculturelles entre autochtones et immigrés permet de faire face aux
discriminations.
En partant de ces idées préconçues, nous
avons pu élaborer notre étude en nous intéressant
particulièrement aux associations humanitaires et politiques publiques.
Ceci nous a ensuite mené à un questionnement principal qui a
guidé nos recherches et qui nous amènera à valider une
problématique par la suite. Cette question est:
De quelle façon les politiques publiques et
les acteurs associatifs luttent-ils contre le phénomène de
ségrégation et qu'est-ce que cela implique de vivre dans un
espace multiculturel?
Nous chercherons à savoir si les immigrés sont
intégrés parmi les autochtones ou s'ils sont mis à
l'écart. Voilà pourquoi cette étude a pour objectif de
s'inscrire dans l'analyse des phénomènes de
ségrégation et de connaître les politiques publiques et
projets associatifs qui tentent de créer du « vivre ensemble
».
En conséquence, l'étude de terrain
effectuée en mars 2011 a été le moyen de confronter la
réalité à notre hypothèse et de mettre à
l'épreuve nos outils conceptuels1. Durant cette
période, nous avons pu rencontrer les acteurs intervenant sur les
questions de cohabitation dans le quartier et pour la ville de Séville
tels que Teresa Maqueda, qui est responsable de la délégation des
relations institutionnelles relatives à l'immigration ; Mercedes, qui
est coordinatrice de l'Association Commission Catholique Espagnole de Migration
(ACCEM) ou encore Ousseyma, coordinateur de la fondation Sevilla Acoge. Ces
deux Organisations Non Gouvernementales (ONG) interviennent sur les
problématiques liées au « vivre ensemble » tout comme
la fondation Cepaim qui illustrera également notre recherche.
C'est pourquoi, durant ce mois passé à
Séville, nous nous sommes rendus quasiment chaque jour dans le quartier
El Cerezo pour observer ses fonctionnements et voir quelles sont les
interactions entre habitants. Cette phase d'observation fût
nécessaire afin de s'immerger dans cet espace, de prendre des habitudes
et d'être visible. En l'explorant, il fût possible de se rendre
compte des pratiques sociales (convivialité, exclusion, etc.) et
spatiales (ex: lieux de regroupements, d'interactions) propres à ce
quartier. Cela a permis d'élaborer une carte du quartier où sont
répertoriés les lieux de regroupements ethniques.
1 Nous avons fait le choix de développer
l'argumentaire théorique au fur et à mesure de notre
composition.
De surcroît, fréquenter différents
commerces du quartier et y interroger les employés fût aussi
enrichissant dans le sens où cela a été l'occasion
d'obtenir des témoignages sur les évolutions du quartier,
particulièrement depuis les années 2000 ainsi que de percevoir
les discriminations entre les habitants. Par ailleurs, rencontrer les gens qui
vivent ou interviennent dans ce quartier aura permis de leur proposer de
répondre à notre questionnaire et parfois de continuer avec des
questions plus approfondies. Il n'en reste pas moins qu'aborder des individus
n'est pas une chose facile, nous avons été confrontés
à différents refus de personnes ne voulant pas remplir de
questionnaire ni discuter de la diversité culturelle présente
dans le quartier. Les réactions furent diverses en fonction du groupe
ethnique des personnes interrogées ce qui permet d'effectuer une
typologie. Nous verrons les limites de notre terrain au cours de notre
développement.
Enfin, la prise de nombreuses photographies a également
permis d'illustrer les sujets évoqués dans notre recherche. Elles
apparaissent comme les révélateurs des changements et des
recompositions urbaines du quartier. Un de ces changements pourrait être
l'apparition, il y a deux ans, d'un local partagé par des membres de
l'association Acoge et d'autres de la Cepaim sur la place principale du
quartier El Cerezo (place Punta Umbria). Les deux associations ont des projets
similaires, particulièrement en ce qui concerne l'immigration
(intégration, respect des droits, accès à la
citoyenneté, etc.). Ce lieu est d'un grand intérêt
puisqu'il est révélateur d'un besoin en terme de médiation
culturelle mais également au niveau de l'accompagnement
réalisé par les membres de ces associations auprès des
habitants du quartier (ex: aide pour constituer des papiers, trouver un
travail, régler les conflits). Il fût possible d'interroger trois
membres de l'association Acoge (Gabi, Sonia et Ousseynou) et un membre de
Cepaim (Demba) ce qui nous a permis de cerner leurs actions et intentions au
niveau d'El Cerezo mais également au niveau du district de la Macarena
dont il fait partie.
De plus, ayant effectué ce terrain en mars 2011, deux
mois avant les élections municipales à Séville, il a
été possible d'ouvrir notre recherche à une dimension
politique concernant l'utilisation de la multiculturalité dans le
discours électoral.
Nous allons à présent voir l'évolution de
l'immigration à Séville, les conséquences des
arrivées récentes et les propositions des politiques publiques.
Pour cela nous utiliserons principalement les statistiques de l'INE (Instituto
Nacional de Estadistica) afin de connaître la population habitant
à Séville et plus particulièrement dans le district de la
Macarena (nombre, nationalités et évolutions). Nonobstant, cela
reste une source insuffisante puisque ces chiffres ne concernent que les
personnes inscrites en mairie "empadronados" .
Puis, nous aborderons l'insertion socio-spatiale des
immigrés dans le quartier d'El Cerezo en nous intéressant
particulièrement aux projets associatifs et aux transformations
urbaines.
En dernier lieu, nous nous consacrerons aux pratiques et
interactions des habitants dans leur quartier ainsi qu'à leurs
représentations et à l'image que les médias renvoient d'El
Cerezo. Nous essayerons de comprendre comment se construisent des conflits dans
ce type d'espace et de quelle façon les acteurs de la vie associative
tentent de mettre en place un "vivre ensemble".
Chapitre I : Évolution de l'immigration et
insertion
urbaine des étrangers à Séville
Notre recherche s'inscrit dans un tournant de l'immigration en
Espagne, pays qui a connu de nombreux changements urbains suite à
l'arrivée massive d'immigrés essentiellement durant les dix
dernières années. En effet, en 2010 pour 47 021 031 espagnols on
dénombrait 5 747 734 citoyens étrangers (INE) soit 12,2% de la
population. Ces arrivées ont entraîné une augmentation de
la population dans la majorité des villes espagnoles ce qui a
donné lieu à diverses mesures politiques comme celles concernant
des régularisations massives2.
Afin d'étudier ce phénomène, nous allons
nous intéresser plus particulièrement aux évolutions, aux
conséquences et aux transformations liées à l'immigration
dans la ville de Séville. Pour illustrer nos propos, nous parlerons
principalement du district de la Macarena ainsi que du quartier El Cerezo qui
sont des espaces pluriethniques où l'immigration joue un rôle
important. Nous tâcherons de savoir si les politiques publiques
facilitent ou non l'intégration des immigrés.
A/ Séville: une ville « récente
» d'arrivée de migrants
D'après une étude de l'Organisation de
Coopération et de Développement Économiques (OCDE) de
2009, la crise économique a provoqué une baisse des migrations de
travail vers les pays membres de cette organisation. Ce phénomène
s'observe plus particulièrement en Espagne, en Irlande et au
Royaume-Uni. Par ailleurs, il est à mettre en relation avec le
durcissement des politiques migratoires de ces différents pays. Le
secteur du bâtiment qui emploie un grand nombre de travailleurs
immigrés, a été particulièrement touché par
cette crise. Ainsi, en Espagne, la part de chômage concernant les
immigrés a pratiquement doublé. A ce titre, il y avait 492 491
chômeurs immigrés en 2009. (MIRET b/ 2009). En outre, pour tenter
de répondre à ce problème, le pays a mis en place des
politiques qui encouragent la migration de retour pour les immigrés sans
emploi, notamment en leur proposant une somme d'argent.
Cependant, depuis vingt ans, différentes lois et
réformes montrent le besoin et l'importance des étrangers en
Espagne3. Les migrations sont de plus en plus encadrées en
2 Cf: tableau des principales mesures politiques
concernant l'immigration en annexe, p.118
3 Cf: Ibid p.118
accord avec les politiques de l'Union Européenne.
Malgré cela, l'Espagne garde une liberté dans l'application et la
mise en place de ses mesures politiques. En effet, en 2005, 700 000
étrangers inscrits au "padron" (registre d'inscription municipale) ont
été régularisés de manière
exceptionnelle.
L'arrivée de nombreux migrants est une "composante
majeure du paysage espagnol contemporain" (MIRET, b/ 2009 p.129), nous
tâcherons de connaître le nombre d'arrivées, les
évolutions et la répartition de la population immigrée
à Séville.
1/ Évolution de la population immigrée dans la
ville
Pour parler d'immigration et de multiculturalité
à Séville, il est primordial de connaître la population
immigrée présente dans cette ville ainsi que sa
répartition et sa localisation. Dans ce cadre, nous utiliserons
essentiellement les chiffres de l'Institut National de Statistiques Espagnol
(INE). Bien que ces données comptabilisent seulement les
étrangers inscrits à la municipalité (« padron
») car cela reste la source la plus fiable pour connaître les
évolutions de l'immigration. Par ailleurs, les associations ajoutent
"20% au nombre total d'immigrés" (Mercedes, coordinatrice ACCEM) car
c'est pour eux, tout du moins pour l'Association Commission Catholique
Espagnole de Migration (ACCEM), la proportion d'individus qui ne sont pas
inscrits à la mairie.
a/ Comparaison avec Madrid, Barcelone et Valence
Capitale régionale, Séville est la
quatrième ville d'Espagne en termes d'habitants, derrière Madrid,
Barcelone et Valence (journal ABC, du 21/09/10). Aussi, le taux de population
immigrée pour Séville est plutôt faible en comparaison avec
ces trois autres agglomérations.
Ainsi, la municipalité de la ville comptait en 2010,
5,3% d'étrangers selon l'inscription municipale (le « padron
», INE) pour 12,2% d'étrangers sur le territoire espagnol. La
même année, la population des étrangers à
Séville a augmenté. Le nombre de résidents
étrangers est ainsi passé de 29954 en 2008 à 37352 en 2010
(chiffre du recensement municipal à destination de l'INE). De plus, en
2000, le nombre de personnes immigrées n'était que de 5026, ce
qui montre une forte augmentation. Par ailleurs, durant cette même
décennie de nombreux sévillans ont déménagé
vers d'autres communes de l'aire périurbaine à la recherche de
logements moins chers et d'une meilleure qualité de vie. Cela justifie
la faible augmentation de la population totale de la ville entre 2000 et 2010,
passant de 700716 habitants à 704138.
Graphique 1: Evolution du nombre d'immigrés en
pourcentage à l'échelle nationale et locale entre 1996 et 2006
Source, INE et HUETE, Diagnóstico de la
población inmigrante en la ciudad de Sevilla, 2011, p.15
Bien qu'allant seulement jusqu'à l'année 2006,
le graphique 1 nous montre que malgré une évolution importante de
l'immigration à Séville, essentiellement durant les années
2000, la proportion d'immigrés reste faible en comparaison avec la
moyenne nationale ainsi qu'avec les villes de Valence, Barcelone et Madrid
(graphique 2) qui ont connu une forte croissance durant la même
période.
Les quatre villes présentes sur le graphique ont vu le
nombre d'immigrés augmenter fortement les dix dernières
années bien qu'il y ait une différence entre Séville et
les trois autres villes.
Graphique 2: Evolution du nombre d'immigrés en
pourcentage dans les quatre plus grandes villes d'Espagne de 1996 à 2006
Source : INE et HUETE, Diagnóstico de la
población inmigrante en la ciudad de Sevilla, 2011, p.16
En 1996, Séville et Valence avaient le même
pourcentage de population étrangère mais cette similitude n'a pas
duré. En effet, le nombre d'étrangers à Valence a
augmenté beaucoup plus vite qu'à Séville. Pour les villes
de "Madrid et Barcelone, la population étrangère semble augmenter
à un rythme similaire à l'exception de l'année 2006
où Barcelone a connu une plus forte augmentation" (HUETE, 2011,
p.17).
Cela montre l'attraction des deux grandes villes espagnoles.
Séville a été un espace de passage où les
immigrés qui se déplaçaient pour travailler partaient pour
d'autres villes (Huelva, Almería, Jaén y Málaga) où
ils trouvaient des emplois dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie
mais également dans la construction. Depuis plus de dix ans avec le
développement économique, de nouveaux secteurs de production ont
émergé, principalement ceux des services (domestiques,
hôtellerie, aide à la personne, etc.) qui ont permis l'embauche de
nombreux immigrants. Séville s'est alors transformée en ville
réceptrice où l'immigration commence à se stabiliser.
Cependant avec l'actuelle crise économique, il y a eu «
détérioration de l'accès à l'emploi pour les
immigrés » (UNIA). Cela pousse certains immigrés à
repartir dans leurs pays d'origine ou à aller dans d'autres pays de
l'Union Européenne tels que la France. C'est pourquoi, si la crise
continue ainsi, il devrait être possible d'observer prochainement une
baisse de l'immigration en Espagne.
Graphique 3: Répartition en pourcentage de la
population immigrée par continents dans les quatre plus grandes villes
d'Espagne en 2006
Source : INE et HUETE, Diagnóstico de la
población inmigrante en la ciudad de Sevilla, 2011, p.19
Pour finir, le graphique 3 nous montre le pourcentage
d'étrangers par continents dans les quatre villes
énoncées. Il est important de souligner qu'il y a dix ans, la
majorité des immigrés à Séville étaient
européens. Aujourd'hui, grand nombre d'entre eux sont d'origine
sud-américaine et africaine.
Concernant le nombre d'arrivées de personnes
d'Amérique du Sud en Espagne, il a augmenté de manière
significative depuis dix ans par rapport aux autres nationalités (SIMO,
2006). En 2006 comme l'indique ces diagrammes, la majorité des
immigrés étaient originaires d'Amérique et plus
particulièrement de la partie Sud de ce continent. En 2000, il y avait
en Espagne, 647.364 immigrés d'Amérique du Sud et en 2010, ils
étaient 1.591.302 selon l'INE. Ce constat se retrouve pour la ville de
Séville. En 2000, d'après l'inscription municipale (INE), il y
avait 1.540 personnes d'origine d'Amérique du Sud pour 17.183 en 2010.
Cette augmentation montre le poids important de ces migrants dans la
société espagnole. D'ailleurs, selon l'ouvrage du chercheur et
professeur Francisco Torres (2011), en 2008, "45% des immigrés à
Séville sont originaires d'Amérique latine" (p.54).
Par ailleurs, ce graphique nous permet d'observer à
nouveau, l'importante différence entre Séville et les trois
autres villes. D'autre part, le poids de l'immigration à Séville
reste également faible en comparaison à d'autres villes
d'Andalousie. En 2010, il y avait 5,3% d'étrangers à
Séville, 10,5% à Almeria et 6,2% à Grenade (INE). Bien
qu'en valeur absolue Séville soit plus peuplée que ces deux
autres villes, cela nous amène à penser que l'immigration est un
sujet d'intérêt dans de nombreuses agglomérations
espagnoles.
Malgré que le poids de l'immigration à
Séville ne soit pas aussi considérable que pour d'autres
agglomérations, il est suffisamment important pour avoir des
répercussions aussi bien sur les politiques publiques et les habitants
que sur les acteurs associatifs. Nous allons à présent, nous
attacher à l'évolution et aux conséquences de
l'immigration à Séville.
b/ Identification des populations immigrées dans
la ville de Séville
Pour parler de l'évolution de l'immigration à
Séville, nous avons essentiellement utilisé les données de
l'INE relatives à l'inscription municipale. Nombre des immigrés
en Espagne la sollicitent car par exemple, elle donne accès aux soins
élémentaires de santé et à l'école publique
pour les enfants. Elle permet également de s'abonner au gaz, à
l'électricité et au téléphone. Cependant ce n'est
pas un permis de séjour (délivré par le ministère
de l'intérieur)
qui permet entre autres, de se déplacer sur le
territoire et de changer de résidence avec peu de difficultés. La
limite de ces données vient du fait qu'elles ne comptabilisent pas les
étrangers en situations irrégulières, néanmoins
elles restent une référence pour parler d'immigration. Dans une
enquête de 2008 de l'association ACOGE qui travaille dans trois domaines
: le droit citoyen, l'intégration sociale et la cohabitation
interculturelle, les auteurs nous informent que 57% des étrangers ne
sont pas régularisés.
Si nous observons la place des différentes
nationalités dans la ville de Séville, les six groupes
majoritaires sont : les Marocains (3 681), les Boliviens (3 355) suivis des
Équatoriens (2 712), puis les Colombiens (2 564), les Chinois (2094) et
enfin les Roumains (1967) (INE, 2009). L'importance des personnes d'origine
bolivienne est assez récente. En effet, dans le classement des groupes
d'immigrés majoritaires dans la ville, les Boliviens sont passés
en 2006 : "de la quinzième place à la seconde en 2008" (TORRES,
2011, p.55). Par ailleurs, le poids des personnes originaires de Roumanie et du
Maroc reste conséquent. Leur présence est importante au sein de
la ville et elle est plus ancienne que les arrivées relativement
récentes des personnes d'Amérique du Sud. Quant aux Chinois avec
une augmentation impressionnante entre 2000 et 2009 (de 382 à 2094
habitants), ils sont la cinquième population d'immigrants la plus
présente dans la ville, ce qui permet de comprendre l'essor des
épiceries et commerces bons marchés tenus par des personnes
d'origine chinoise dans la capitale régionale (Diaro de Sevilla,
2010).
Ensuite, concernant les immigrés habitant dans la ville
de Séville, 46% d'entre eux ont entre 25 et 35 ans (ACOGE SEVILLA,
2008). Cela induit une des caractéristiques de l'immigration de cette
ville. Cette tranche d'âge correspond à des personnes pouvant
s'insérer dans le monde du travail. Nous reviendrons sur ce point un peu
plus loin.
Pour finir, comme nous l'avons soulevé, le poids de
l'immigration est important dans la ville de Séville. Bien que
relativement récent, il n'en est pas moins un sujet majeur dans les
questions du « vivre ensemble ». Le nombre d'étrangers nous
amène à nous intéresser à leur répartition
dans la ville, à savoir s'il y a des regroupements ou non, et si cela
peut mener au phénomène de ségrégation.
2/ Répartition des immigrés dans la ville
Nous pouvons distinguer des zones de regroupements de
population de même origine dans la ville de Séville. Ceci est
visible à l'échelle des pays d'origine mais aussi des continents
tout en apportant quelques nuances (ex: Maghreb et Afrique Subsaharienne). Les
regroupements ethniques peuvent générer des
phénomènes de ségrégation qui peuvent
s'avérer positifs mais également négatifs.
a/ La ségrégation: aspect majeur de la
vie en communauté
La ségrégation qui désigne
étymologiquement l'action de mettre à part, de séparer,
apparaît dans le domaine scientifique avec W. Burgess et l'école
de Chicago. Ce terme a évolué et n'est toujours pas figé
dans une définition. Il est traité par différentes
disciplines des sciences sociales.
Les causes de ségrégation seraient dues à
des « motifs socio-économiques (classes sociales
défavorisées mises à l'écart du reste de la ville,
etc.), démographiques, ethniques ou raciales » (FULLAONDO, 2007,
p.3). Bien souvent, la ségrégation est perçue comme «
ayant une connotation fortement péjorative » (BOURDON, 1996, p.
204) et générerait des problèmes entre individus. C'est un
processus de division sociale et « de répartition spatiale des
groupes sociaux et des individus ». (LEVY et LUSSAULT, 2003,
p.830). Ce phénomène positionne habituellement les
immigrés en tant que victimes. La ségrégation
« implique à la fois un mouvement de rejet, d'exclusion, qui
peut même prendre des formes légales ; et un mouvement
d'agrégation qui réunit les semblables » (BRUNET, 1993
p.450). L'agrégation traduit les liens immédiats qu'ont les
nouveaux arrivants avec leurs semblables, leur permettant ainsi de commencer
à s'intégrer.
C'est pourquoi, des avantages de la ségrégation
sont mis en avant tels que la proximité spatiale vue comme une aide dans
la création de réseaux sociaux, d'accès à l'emploi
et au logement par le biais de ces réseaux qui améliorent les
conditions de vie (FULLAONDO, 2007). Burgess « montrait que la
ségrégation est une composante normale de la vie urbaine et que
dès lors qu'elle est socialement acceptée et qu'elle ne produit
pas de l'enfermement, elle est une ressource pour les habitants, puisqu'elle
leur permet de se mouvoir et de vivre au sein de mondes largement
séparés » (BACQUE, LEVY, 2009, p.345). Par
conséquent, la
ségrégation peut se percevoir comme une forme
d'intégration4 (MARTINEZ ARANDA, 2005). Nous pouvons donc
trouver des aspects positifs à la ségrégation même
si ce concept renvoie à un éventuel renfermement communautaire et
à des interactions cloisonnées entre les différents
groupes ethniques.
De plus, le phénomène de
ségrégation peut s'identifier par le regroupement de façon
habituelle d'un groupe reconnaissable (genre, âge ou origine). Certains
utilisent d'ailleurs le terme de ségrégation résidentielle
pour parler de situations montrant une sur-représentation d'une
communauté localisable dans une zone précise de la ville
(FULLAONDO, 2007).
Par ailleurs, analyser les conséquences de la
ségrégation permet de comprendre les représentations
sociales des individus entre eux, et donc, d'essayer d'évaluer la
discrimination5. Par conséquent, c'est un concept majeur dans
notre recherche pour tenter de savoir si les interactions entre habitants de
quartiers multiculturels sont révélatrices de mise à
distance de certains groupes d'individus et si nous avons à faire
à une mise à l'écart de populations ou à la
formation d'un aspect de la multiculturalité.
Nous reviendrons sur ce concept pour parler des politiques
publiques. Pour l'instant, nous allons distinguer des zones de Séville
en fonction de la visibilité et de l'importance en termes de nombre
d'individus de certains groupes ethniques.
b/ Les zones de concentration urbaine
D'après Ibán Díaz, professeur de
géographie à l'université centrale de Séville :
"Il n'y a pas de ghetto d'étrangers à Séville mais des
points de localisation" (documentaire ODS, 2011). Les immigrés
seraient localisés dans des zones plus ou moins précises de la
ville. Ceci peut se mesurer à l'échelle d'un district et d'un
quartier. Pour connaître la concentration et
4 Nous reviendrons sur la définition
d'intégration dans la partie B du chapitre II.
5 La discrimination désignerait la « faculté
à faire des distinctions dans la vie sociale aux dépens de
certains groupes, qui sont jugés inacceptables par la
majorité », car ils ne respecteraient pas « les normes
sociales». La discrimination peut être fondée sur la race, la
religion, l'origine nationale ou la culture. Cette définition serait
adaptée aux sociétés occidentales dans un souci
d'égalité mais ne conviendrait pas aux sociétés
fondées sur les différences de statut ou de caste où ce
concept apparaîtrait comme « neutre, descriptif, dépourvu de
la connotation péjorative que nous lui connaissons dans nos
sociétés » (BOURDON, p.73). Quand à la discrimination
positive, elle désigne « des mesures qui consistent à aider
ceux qui subissent un handicap (économique, social, physique, etc.)
». (DORTIER, 2004 p.157).
répartition de l'immigration à Séville,
nous utiliserons principalement, dans cette sous partie et la suivante, la
recherche de Francisco Torres qui traite des questions de
ségrégation et de multiculturalité dans le district de la
Macarena (2011)6.
La répartition de la population dans les
différents districts de la ville Séville dépend de
l'utilisation des chiffres et de la manière de traiter les
résultats que ce soit de façon relative ou absolue. Par exemple,
"les quartiers du district Est de Séville, qui comptent de nombreux
étrangers en valeur absolue représentent un faible pourcentage en
valeur relative (...) tout comme Triana" (p.53), qui est un district central,
situé sur la rive gauche du Guadalquivir, face au centre ancien de
Séville.
Pour le centre historique, ce serait le cas contraire, "une
grande proportion de migrants mais avec une faible valeur en terme absolu due
à la faible densité de population intramuros" (p.53). Aussi,
comme nous l'indique la cartographie 1 ci-dessous, c'est une zone de forte
concentration d'immigrés de façon relative en comparaison avec le
reste de la ville. Par ailleurs, les districts de la Macarena et de Cerro-Amate
connaissent également une forte proportion d'immigrés. "A
l'intérieur des districts où se trouvent la plus grande
proportion de migrants, la répartition des individus n'est pas
homogène" (p.54). Ainsi, le quartier de La Plata dans le district
Cerro-Amate est celui qui a le plus fort taux d'immigrés, "de
façon absolue, ces individus représentent plus de 10% de la
population totale" de cet espace en 2008 "suivi du quartier Los Pajaritos, avec
8%".
Pour le district de la Macarena, c'est au niveau du quartier
d'El Cerezo que se situe la majorité des immigrés. En effet,
environ 35% de la population de cet espace est d'origine
étrangère, suivi par les quartiers "de Doctor
Marañón et El Rocío avec plus de 25% de la population,
puis ceux de Begoña et Villegas, avec plus de 15%"(p.54).
Ensuite, pour le district Casco Antiguo, la majorité
des étrangers se trouve dans les quartiers de San Bartolomé,
Feria y Encarnación. Pour le district Sud, c'est dans le quartier de
Polígono Sur que se trouve le plus grand nombre d'étrangers.
Quant au district de Triana, il est constitué de trois
quartiers de plus de 500 individus immigrés, ce sont Triana Casco
Antiguo, Triana Este et Triana Oeste. Pour le district de Macarena Norte c'est
dans les quartiers Pino Montano et San Jerónimo que se trouve la
majorité des immigrés de cette zone.
6 Pour chaque citation émanent de cette
étude nous ajouterons entre parenthèses la page de l'ouvrage
d'où est extrait chaque commentaire. Dans le cas de
références d'auteurs différents, nous ajouterons le nom
ainsi que l'année de publication de la recherche citée.
N'oublions pas les espaces récents d'urbanisation
à l'Est de la ville près de l'aéroport, où se
trouve également un nombre non négligeable d'immigrés,
comme c'est le cas pour le quartier Polígono Aeropuerto. Ces
subdivisions sont des "nouvelles" zones d'immigration dont l'évolution
et les transformations peuvent faire l'objet de nouvelles recherches.
Cartographie 1: Répartition de la population
d'origine étrangère dans les différents districts de
Séville en 2008
Source: TORRES, El Distrito Macarena de Sevilla,
Migraciones recientes y transformaciones urbanas sociales 2011,
p.52.
La cartographie 1 montre le poids du district de la Macarena
en termes d'habitants immigrés, qui représentent entre 8 à
10% de la population totale du district (environ 7 000 personnes soit
près de 10% de la population totale de la ville). Le centre historique
est lui aussi une zone importante d'immigration, entre 6 à 8% de la
population du district, alors que la moyenne de la ville est de 5%. En raison
d'un manque de données, nous ne pouvons pas révéler quel
est le quartier de Séville où se trouve le nombre le plus
important d'immigrés. Cependant, nous reviendrons sur les quartiers de
la Macarena dont nous possédons les chiffres.
c/ Localisation par nationalités
Nous allons voir à présent les distinctions de
localisation de la population immigrée en fonction de leur
origine7. Pour cela nous utiliserons à nouveau, la recherche
de Francisco Torres (2011) réalisée pour la Communauté
Autonome d'Andalousie: la Junta.
De façon générale, nous pouvons dire que
les personnes d'origine d'Amérique latine et du Maghreb ont tendance
à se retrouver dans la partie septentrionale de la ville, ce qui inclut
le district de la Macarena dont nous venons de voir l'importance quant au
nombre d'immigrés. D'autre part, en valeur absolue, il apparait que les
migrants des pays de l'Union Européenne (UE) ainsi que des Etats-Unis et
du Canada "se concentrent dans les districts Casco Histórico, Triana,
Los Remedios, Sevilla Este, Nervión et Buhaira8." (p.55),
c'est-à-dire principalement dans le centre historique de la ville ainsi
que dans le quartier populaire de Triana. Tous ces secteurs sont très
demandés par les classes moyennes et hautes, autant pour être des
quartiers conformes aux attentes de ces profils sociaux qu'en étant des
secteurs historiques récemment requalifiés.
Ensuite, les individus d'origine de pays appartenant au
Mercosur (Argentine, Paraguay, Uruguay, Brésil et Venezuela) se
retrouvent dans des zones similaires bien que cette fois-ci extérieures
au centre historique : "Sevilla Este, Nervión, La Buhaira, Los Remedios
et Triana"(p.56). Ceci signifierait que ces migrants ont un niveau de vie
plutôt convenable.
Au sujet des personnes d'origine d'Amérique latine des
pays ne faisant pas partie du Mercosur, ils sont "le groupe le plus important
et le plus dispersé" (p.56) des étrangers à Séville
en valeur absolue. En effet, d'après le professeur Iban Diaz dans le
film documentaire de l'Office des Droits Sociaux (ODS, 2011), ces individus se
situent particulièrement au Nord de la ville, dans le district de la
Macarena, essentiellement dans les quartiers El Cerezo, Polígono Norte,
El Rocío et Begoña où ils représentent entre 7
à plus de 18% de la population. Par ailleurs, "le second secteur
où se rencontre de grandes concentrations des Andins9 est
Cerro-Amate, particulièrement dans les quartiers de La Plata et Los
Pajaritos,
7 Cf: cartographie en annexe p.117 Cartographie B :
Localisation par continents, zones ou pays d'origine des immigrés
présents dans les différents districts de Séville.
8 Cf: cartographies en annexe p.116 de la
répartition par groupe de nationalité dans Séville.
9 Les Andins sont les personnes d'origine de pays
appuyés par la Cordillère des Andes en Amérique du Sud :
la Colombie, l'Equateur, le Pérou, la Bolivie et le Chili.
(...) bien que dans les deux cas, les andins
représentent moins de 4% de la population totale" (p.56) .
Concernant les populations d'origine Maghrébine, elles
se situent notamment dans le district Cerro-Amate, dans les quartiers "La Plata
et Los Pajaritos ainsi que dans les quartiers San Jerónimo et Doctor
Marañón du district la Macarena et celui de Bellavista du
district Bellavista la Palmera au Sud de la ville" (p.56).
Par ailleurs, la population d'origine d'Afrique subsaharienne
est présente principalement dans les districts de la Macarena et
Macarena Norte, en particulier dans les quartiers Polígono Norte, Doctor
Marañón, Begoña et San Jerónimo, mais
également dans le district Cerro Amate. Le documentaire sur la
multiculturalité à Séville (ODS, 2011), vient confirmer
ces données. Concernant les quartiers La Plata, la Rochelambert, et Los
Pajaritos, "le poids de ce groupe par rapport à la population de chaque
quartier est assez faible, c'est seulement dans les quartiers El Cerezo,
Begoña et Doctor Marañón de la Macarena que cette
population dépasse les 2% " (TORRES, 2011, p.58).
Enfin, les habitants originaires du reste de l'Europe et de
Russie se retrouvent particulièrement dans des quartiers tels que
"Doctor Barraquer au Nord de la ville, Bellavista au Sud et Los Remedios
à l'Ouest (...). La Plata à l'Est est le quartier où se
trouve le plus grand pourcentage de ces personnes" (p.58).
Pour finir, le district Cerro Amate est également la
zone "où prédomine la présence du groupe Asie et
Océanie en particulier des habitants d'origine chinoise (...) avec les
quartiers la Plata, Palmete, Santa Aurelia, Entrepuentes et Parque Alcosa
"(p.58), où vivent entre 100 et 221 individus pour chaque quartier.
Suite au constat qu'il existe des zones de regroupements
d'immigrés d'origines communes, nous pouvons supposer que l'aspect du
regroupement familial ou par affinité est important puisqu'il
justifierait ces points de concentration par nationalités. De plus,
l'attraction pour une zone urbaine est liée au coût des logements,
c'est ce que nous allons voir maintenant.
3/ L'influence des logements collectifs en Espagne
Les villes sont les premiers secteurs investis par les
immigrés à la recherche de logement et de travail. De plus, la
ville comme espace social complexe est un endroit où se mélangent
travail, logement, lieux de services et de consommations. Dans ces espaces,
les
politiques en matière de logement, d'accès à
l'école, à l'emploi ou bien aux services de soins, jouent un
rôle prépondérant dans le traitement des questions
migratoires.
a/ Les années 1960/1970: les quartiers
ouvriers
L'Espagne est considérée comme une nation de
propriétaires (ce qui la différencie de la France). En effet, en
1998, durant le boom immobilier espagnol, de nombreux propriétaires de
logements dans le collectif ont accédé à la
propriété individuelle en périphérie des villes
entraînant un déclin du nombre d'habitants en appartements. Cette
évolution concerne les habitants des grands ensembles construits dans
les années 1960-70 dans des quartiers de Séville, mais
également dans d'autres villes comme Madrid ou Barcelone. Ces espaces
urbains ont connu de grandes transformations autant sociales qu'urbaines
essentiellement durant les vingt dernières années. Ce sont les
zones où viennent vivre de nombreux immigrés, c'est en cela qu'il
est important d'en faire part dans notre développement.
Les polygones (poligonos : grand ensemble d'habitat collectif)
ont été construits pour recevoir la vague migratoire des ruraux
venant s'installer en ville durant les années 1960-70 (MIRET, b/ 2009).
Ces habitats sont le résultat de politiques sociales en faveur du
logement et de l'équipement. Ils répondent à un besoin :
loger de nombreux travailleurs dont la majorité d'entre eux avaient pour
objectif de travailler dans le domaine de la construction.
La période d'arrivées dans ces appartements dans
les années 1970 correspond à la période des grands projets
d'aménagement urbain mis en place par Franco pour montrer la puissance
de l'Espagne. D'autre part, pour pouvoir accueillir l'exposition Universelle de
1992 qui a eu lieu à Séville, la ville a employé de
nombreuses personnes pour construire des bâtiments propres à cet
événement dans le quartier de la Cartuja. Séville s'est
dotée à cette occasion de nombreux hôtels, de huit ponts
traversant le Guadalquivir ainsi que d'une nouvelle ligne ferroviaire à
grande vitesse AVE (Alta Velocidad Española) la reliant à Madrid.
C'est à partir de cette date que nous pouvons parler d'un nouveau boom
immobilier pour cette ville. Suite à un développement
économique, certains quartiers ont vu ces logements
désertés par les autochtones à la recherche de logements
individuels, laissant place aux nouveaux arrivants dont font partie les
immigrés.
b/ Changements de populations : le cas du district de
la Macarena
Déménager, changer de lieu de vie est de plus en
plus banal, particulièrement en Occident. Cela est dû à
différents facteurs (sociaux, naturels ou encore économiques) et
implique des conséquences dans les transformations urbaines.
- Facteurs économiques : accès à la
propriété individuelle
Durant les années 1990, suite à une
amélioration des conditions de vie des populations de classe modeste,
ces quartiers d'habitat collectif se sont "vidés". C'est notamment le
cas du district de la Macarena (où se situe le quartier El Cerezo) qui a
perdu 4,5% de sa population entre 2000 et 2009 (UCA, 2010). En effet, les
habitants qui sont partis, ont déménagé vers d'autres
communes de l'aire périurbaine (ex: Ajarafe) à la recherche d'une
meilleure qualité de vie, laissant des logements vides. "Une partie
importante de la population autochtone semble partir vivre vers des
municipalités proches de Séville. Il y a différentes
possibilités de départs (...) comme celles de la promotion
sociale et le déplacement vers un logement de meilleure qualité"
(TORRES, 2011, p.78). Par ailleurs, les départs sont également
dus à la dégradation de ces logements collectifs. En dernier
lieu, suite à l'arrivée de migrants durant la seconde vague
migratoire, les propriétaires de ces habitats ont trouvé le moyen
de les revaloriser par des prix attractifs (MIRET, b/ 2009). Tout ceci a induit
un intérêt économique (faible coût des loyers) pour
certaines populations modestes, comme peuvent l'être de nombreux
immigrés particulièrement touchés par le chômage.
- Les immigrés : nouveaux locataires
Ainsi, ces habitats ont été très
convoités par les personnes immigrées à la recherche de
loyers bon marché et proches des centres-villes. Mais les quartiers
où se trouvent ces habitats collectifs "bons marchés" sont des
zones dévalorisées où l'arrivée de populations
modestes accentue le processus de ségrégation. Ce sont des
espaces où bien souvent, nous retrouvons de forts taux de concentration
de populations immigrées. La carte de Séville ci-dessous, est
issue d'une enquête sur les quartiers défavorisés
d'Andalousie de 200810. Elle montre en rouge les zones très
défavorisées, notamment le quartier de notre étude : El
Cerezo situé dans le district de la Macarena, mais également
d'autres quartiers multiculturels tels que Torre Blanca, Palmilla et Poligono
Sur.
10 Projet de recherche ayant pour titre
Vulnerabilidad del tejido social de los barrios desfavorecidos de
Andalucia, Analisis y potencialidades. Financé par la Junta
d'Andalousie et le centre d'étude Andalou.
Cartographie 2: Localisation des zones
défavorisées dans la ville de Séville.
Source :EGEA JIMENEZ, Carmen, NIETO CALMAESTRA, Jose Antonio,
DOMINGUEZ CLEMENTE, Javier, GONZALES REGO, René A. 2008, p.239
Comme nous venons de le voir précédemment,
nombre de ces quartiers dits "très défavorisés" et
"défavorisés" sont des lieux de concentration urbaine de certains
groupes d'immigrés (Poligono Norte, la Palmilla, los Pajaros, Torre
Blanca, la Plata, etc.). Ces quartiers souvent "délaissés"
intéressent les politiques publiques de la ville aussi bien concernant
les "nouveaux" habitants et leur insertion dans la ville, qu'au niveau de la
rénovation urbaine.
B / Les politiques publiques : enjeux de
l'immigration
La ségrégation est utilisée, dans les
études urbaines, « pour parler de la perception des individus des
différenciations socio-spatiales qui opposent les quartiers bourgeois et
huppés aux quartiers populaires ». Elle représente « un
des axes des politiques publiques contemporaines de l'habitat et de l'urbanisme
qui se sont attachées à diminuer ses effets et son
intensité » (politique de déségrégation aux
États-Unis, politiques de lutte contre l'exclusion en Europe, etc.).
« Dans la période récente, ce terme devient aussi synonyme
des difficultés
sociales de la banlieue assimilée au `ghetto'. »
Cela est dû en partie aux médias et aux discours politiques
(BACQUE, LEVY, 2009, p.303). Les politiques publiques auraient alors pour
objectif de répondre aux problèmes évoqués.
Celles qui nous intéressent concernent les faits
migratoires, c'est-à-dire celles qui mettent en place des
"modèles de cohabitation où la différence n'est pas un
problème" (p.12 SERRA). Il est intéressant de connaître la
manière dont elles sont appliquées dans le district de la
Macarena.
1/ Différences et points communs entre la Junta
d'Andalousie et la Mairie de Séville
Ces deux entités politiques travaillent dans les
mêmes domaines mais à des échelles différentes. La
Junta, siège du gouvernement autonome d'Andalousie tente de
répondre aux besoins et problématiques de la région
Andalouse, agissant pour cela au niveau régional mais aussi local en
accord avec la mairie. Dans la hiérarchie des normes11, cette
dernière doit être en accord avec les politiques de la Junta
concernant ses compétences. Elle agit au niveau de la ville de
Séville en s'intéressant aux acteurs de la vie publique tels que
les associations, les regroupements citoyens, etc.
a/ Similitudes entre deux travaux de recherches :
points de départ pour la mise en place de nouvelles politiques
publiques
Pour la Junta d'Andalousie, le professeur et chercheur
Francisco José Torres a participé avec huit autres
investigateurs, à l'étude qui a pour titre : Le district
Macarena de Séville: Migrations récentes et transformations
urbaines et sociales.
Le projet a pris forme suite à la préoccupation
des autorités régionales que se forment des mouvements de
contestations dans ce district. Cela fait écho aux émeutes de
2005 dans certaines banlieues parisiennes qui furent des actions de
contestation de la jeunesse défavorisée contre le gouvernement
(incendies, saccages, confrontations avec la police, etc.). Durant ces
manifestations, les immigrés ont été mis en avant sur la
scène publique, c'est en partie pour cela que les concentrations de
populations d'origine étrangère inquiètent les
autorités en place.
11 La hiérarchie des normes est une vision
hiérarchique du droit suivant l'importance des normes juridiques, dont
la Constitution est souvent la référence principale.
Dans cette recherche, plusieurs phénomènes sont
soulevés tels que les mauvaises conditions de logement auxquelles sont
confrontées les populations immigrées, les problèmes
liés à la régularisation et l'absence de travail qui sont
décrits comme des facteurs de mise à l'écart et de
ségrégation. A cela vient s'ajouter l'importance de mettre en
place une politique d'intégration. "Pour moi l'intégration
des minorités est à mettre en lien avec l'acceptation par des
autochtones de celle-ci" (Francisco Torres, chercheur et professeur
à l'UPO).
La seconde recherche menée par Maria Angeles Huete
aidée de trois autres chercheurs et financée par la mairie de
Séville s'intitule : Diagnostic de la population immigrante dans
la ville de Séville. Cette étude a reçu le
prix de la ville de Séville en 2010 pour sa pertinence. En effet,
l'objectif principal était d'élaborer un diagnostic de la
population immigrée dans la ville en prenant en considération les
caractéristiques sociodémographiques, la localisation et la
répartition des étrangers dans les différentes zones de
Séville grâce aux données de l'inscription municipale. Ce
travail est fait à l'échelle de quartiers sous forme de typologie
et suite aux données d'une enquête administrée à
2274 personnes immigrées. Cette étude fournit des données
sur la population immigrée pour onze quartiers de la ville
(caractéristiques, profils, typologies, principales demandes, etc.) dont
fait partie El Cerezo. Ces quartiers ont été
sélectionnés selon différents indicateurs statistiques :
indice d'hétérogénéité entre habitants de
ces quartiers, indice de ségrégation et en fonction de la
concentration urbaine des populations immigrées. Nous reviendrons sur
les données de cette investigation pour parler du quartier El Cerezo.
Dans ces deux recherches, les auteurs dénoncent le
manque d'instruments juridiques et politiques pour lutter contre la fracture
sociale présente qui exclut une partie de la population dont font partie
de nombreux immigrés. Ils critiquent également le fait que dans
les espaces urbains, des plans d'intégration ne sont mis en place qu'en
situation de crise sociale entre habitants. De plus, il apparaît dans
leurs comptes-rendus respectifs, la nécessité d'intégrer
dans la législation et le droit espagnol, des principes comme la
cohésion sociale et territoriale, le droit à la solidarité
et la lutte contre la ségrégation urbaine.
Ces travaux publiés en 2011 montrent la
préoccupation actuelle pour la ville de Séville et la Junta de
connaître et de considérer les résidents immigrés de
cet espace urbain. Ces investigations ont pour objectif d'aider à la
mise en place de nouvelles politiques publiques et plans d'action sociale afin
de répondre aux problèmes qui sont dénoncés dans
ces écrits.
b/Des organes politiques en désaccords
L'Espagne a un fonctionnement différent de celui de la
France en termes de politique. En effet, les pouvoirs sont davantage
décentralisés, les régions ont plus de pouvoir grâce
au système de communautés autonomes et d'auto-gouvernance. Pour
l'Andalousie, il y a la Junta Andalouse, qui est composée de trois
organes dont le Parlement d'Andalousie qui se réunit dans l'ancien
Hôpital "Cinco Llagas", bâtiment qui se trouve dans le district de
la Macarena. Il y a également la présidence de la Junta qui
détient le pouvoir exécutif en Andalousie et enfin le Conseil du
Gouvernement chargé de définir et diriger les politiques
Andalouses. C'est le Parlement d'Andalousie qui détient le pouvoir
législatif. Il est composé de députés élus
au suffrage universel direct.
A la Junta s'ajoutent les pouvoirs locaux identifiables par la
figure des maires. Actuellement à Séville, la mairie est
gérée par deux partis politiques : le parti socialiste dont fait
parti le maire, Alfredo Sánchez Monteseirín et l'Union de Gauche
qui s'occupe notamment de la participation citoyenne. L'Union de Gauche
travaille, à titre d'exemple, sur les "presupuestos participativos". Ce
sont des demandes faites par les habitants de la ville propre à leurs
besoins et attentes. Ce système qui a été
créé en 2000 donne l'opportunité aux sévillans
d'être force de propositions. Pour cela, 25% du budget de la mairie sert
à réaliser certains de ces projets validés en
commission.
Or, d'après Teresa Maqueda, responsable des relations
institutionnelles, "il n'y a pas de coordination entre la Junta et la mairie".
De plus, elle ajoute que les politiques appliquées par la mairie de
Séville doivent concorder avec celles de la Junta selon la
hiérarchie des normes. A titre d'exemple, les deux recherches que nous
venons de voir dans la partie précédente ont été
réalisées sans concertation et d'après Francisco Torres,
c'est lors d'un congrès que les chercheurs de ces études ont
réalisé qu'ils travaillaient sur le même sujet. Le savoir
au préalable aurait pu permettre un échange et un partage
d'informations.
De surcroît, la mairie ne serait pas en accord "avec la
politique de surveillance des frontières, la politique d'aide au retour
ou encore la carte bleue" (Teresa Maqueda). La "carte bleue" permet de
travailler en Espagne durant une période déterminée. C'est
pourquoi la politique de la ville se démarque sur quelques points, de
celle de la Junta.
Teresa Maqueda travaille à la délégation
des relations institutionnelles sur l'immigration, son point de vue est donc
orienté particulièrement sur l'immigration. Nous allons
dès à présent parler de cette organisation.
.
2/ La délégation des relations
institutionnelles sur l'immigration
Différentes délégations ont
été mises en place par la mairie (éducation, immigration,
etc.) pour permettre d'approfondir certains domaines en les
déléguant à des personnes jugées
compétentes. En accord avec la politique municipale, ces
délégations peuvent proposer et mettre en place des projets.
a/ Un organisme de la Mairie qui se différencie
de la Junta
En 2007, la mairie de Séville a mis en place une
délégation des relations politiques sur l'immigration pour
pouvoir proposer le suivi ou parfois des alternatives aux lois sur les
étrangers mises en place par le gouvernement espagnol. Cette
délégation coordonne le thème de l'immigration en lien
avec les autres délégations de la mairie (sport, santé,
etc) qui intègrent également les immigrés dans leurs
projets mais en moindre proportion. Elle mène des campagnes sur des
thèmes tels que la xénophobie ou bien le racisme (sensibilisation
dans les écoles, débats, etc). Ces actions et projets sont
parfois en lien direct avec des associations humanitaires. Par exemple, un
partenariat avec l'association Acoge facilite l'accès au travail dans le
domaine de l'aide à la personne pour les étrangers.
Les documents publiés au sein de la
délégation des relations politiques sur l'immigration sont
traduits en anglais, français, russe, arabe et roumain. Actuellement et
grâce à l'étude de l'équipe de la chercheuse et
enseignante Maria-Angeles Huete, un projet social est en préparation
dans le but "que la Macarena ne devienne pas un ghetto. Nous aimerions que
d'autres quartiers deviennent attractifs en faisant baisser les prix de
locations des logements. Notre délégation permet
à la mairie d'avoir une position moins stricte que l'Etat et la Junta
avec qui nous sommes parfois en désaccord malgré que nous n'ayons
pas de pouvoir exécutif." (Teresa Maqueda, responsable des
relations institutionnelles)
La Junta d'Andalousie (siège du gouvernement autonome
Andalou), quant à elle, met en place des projets en accord avec
différents ministères, en particulier celui de
l'éducation. Elle a mis en place le troisième plan
intégral pour l'immigration en Andalousie qui prendra cours de 2010
à 2013 visant à planifier et coordonner les politiques de la
Junta en matière
d'immigration (le dernier a eu lieu entre 2006 et 2009). Elle
est également à l'initiative du plan d'insertion sociale
d'Andalousie de 2003 à 2006. Leurs objectifs principaux dans la
réalisation de ces projets furent la répartition spatiale et
l'accès au logement dans différentes zones d'interventions
(contextes ruraux et urbains), d'autant qu'une des problématiques
principales était celle des logements à destination des
travailleurs à contrats déterminés.
Au niveau local, des projets se sont réalisés
pour venir compléter ces plans "intégraux" tel celui
d'intégration des étrangers qui s'est déroulé pour
la seconde fois entre 2004 et 2009 et qui a concerné essentiellement le
quartier Poligono Sur. En ce moment, un nouveau projet est en cours
d'élaboration en lien avec le plan pilote "barrios plurales" qui a pour
zone la Macarena située au Nord de la ville. Ces différents plans
prennent tous en considération les domaines tels l'emploi, la
santé, l'éducation, le sport, etc.
De plus, la Junta finance également certains projets
associatifs malgré des budgets de plus en plus restrictifs
particulièrement dans le domaine de l'éducation et de la
santé. Elle permet, par exemple, de financer trois employés de
l'Organisation non gouvernementale (ONG) Sevilla Acoge qui travaillent comme
assistants de service social.
b/ Participation des immigrés dans cette
délégation
Le Conseil Municipal de Participation des Migrants (CMPM) est
un organisme consultatif qui regroupe une fois par mois des associations et ONG
(dont 78 associations d'immigrés) ainsi que des membres de la mairie,
pour débattre autour de quatre tables rondes sur différents
domaines. Cela peut porter sur le sport comme le travail ou bien
l'éducation. Ces discussions doivent permettre l'élaboration de
projets d'intérêts généraux. A titre d'exemple, ces
réunions ont permis l'accès aux sans papiers à des
formations professionnelles sans avoir à montrer une homologation de
diplôme. C'est également au cours de ces réunions que s'est
mis en place le programme Sevilla Solidaria qui permet à
différentes associations de la ville de faciliter l'obtention de
subventions, non seulement à celles s'occupant des migrants mais aussi
aux associations n'ayant aucun lien avec l'immigration.
De surcroît, pour lutter contre les
stéréotypes que subissent parfois les immigrés dans les
médias ainsi que pour permettre aux habitants d'origine
étrangère de pouvoir s'exprimer grâce à un support
médiatique, le CMPM a proposé la création d'un journal
mensuel gratuit : "De Sur a Sur" (de Sud à Sud) mis en place et
publié en 2009 par la délégation des relations politiques
sur l'immigration. Rédigé entièrement par des
immigrés, il propose "un regard
différent sur l'immigration que celui qui est
montré à la télévision ou dans les journaux"
(Teresa Maqueda, responsable des relations institutionnelles). Ce mensuel donne
entre autres, l'occasion de parler et de s'intéresser aux
différents événements qui se déroulent dans les
pays dont sont originaires de nombreux immigrés (Amérique du Sud,
Roumanie, Maroc, etc.). Cela permet la mise en avant de la
multiculturalité et son expression dans un journal accessible à
tous les citoyens de Séville.
D'autres organismes de la mairie permettent
particulièrement d'orienter les immigrés dans leurs
démarches administratives, nous allons voir lesquels dans la partie
suivante.
3/ Des services publics de la mairie au service de
l'immigration
Pour être en capacité de répondre aux
besoins en matière d'immigration, la mairie, par le biais de la
délégation des relations institutionnelles sur l'immigration a
mis en place différents organismes. Ils permettent de répondre
aux demandes et besoins principaux de tous les immigrés venant
s'installer à Séville. Ces établissements fonctionnent en
réseau pour ainsi optimiser les services qu'ils proposent. Il est
important pour les immigrés de les identifier et les localiser
puisqu'ils sont des éléments essentiels à leur
intégration et à leur insertion dans la ville. Ce sont des lieux
de référence pour les populations étrangères qui
ont besoin d'une orientation et d'informations dans différents domaines,
aussi bien juridiques que sanitaires.
a/ Support Minimum d'Attention à
l'Immigré (SOMAÏ) : premier lieu d'accueil pour tout
immigré.
En 2003, la mairie a mis à disposition des
immigrés, le local SOMAÏ qui est le premier lieu d'accueil pour
toute personne d'origine étrangère qui arrive à
Séville. En effet, des personnes compétentes dans
différents domaines (justice, santé, logement, assistance
psychologique, etc.) peuvent intervenir auprès de ces populations pour
les renseigner et les guider dans leurs démarches administratives. Les
employés de ce local dirigent les étrangers vers des emplois,
formations ou encore les renseignent sur la procédure d'inscription
municipale.
Du fait de sa multiplicité de services proposés,
cet établissement travaille avec de multiples organismes tels que la
délégation des relations institutionnelles, celle des jeunes et
du sport, la délégation de l'économie et de l'emploi ainsi
que celle de la participation citoyenne, tout en collaborant avec la Commission
Espagnole d'Aide au Réfugié (CEAR). Ces différents
partenariats permettent à SOMAÏ d'améliorer
l'intégration des immigrés dans la ville ainsi que
d'effectuer un suivi dans l'accompagnement des immigrés
et les nouvelles mesures politiques sur l'immigration.
Dans la brochure de présentation (imprimée par
la mairie), cet office dont les bureaux sont situés au centre de la
ville, est présenté comme accueillant aussi bien des
étrangers en situation régulière que des sans papiers.
Cela montre l'intérêt que porte la mairie aux personnes en
situation de "non droit", c'est-à-dire n'ayant pas de titre de
séjour sur le territoire espagnol. Certains de ces aspects sont repris
par des associations tel l'Office des Droits Sociaux.
b/ L'Office des Droits des Immigrés (ODI)
L'ODI a vu le jour en 2008 grâce à l'intervention
de la Mairie. Elle est le lieu de défense des droits collectifs et
individuels de la population migrante détectée à partir du
travail de développement du CMPM. Son objectif est de favoriser
l'intégration sociale, la participation et la mise en avant culturelle
des immigrés. Cet office se veut être un point de rencontre
interculturelle, avec les habitants d'origine étrangère et avec
les collectifs de migrants pour ainsi consolider le réseau associatif de
la ville.
De plus, l'ODI permet de détecter et répertorier
les transformations sociales avec pour objectif de proposer la mise en place de
nouvelles politiques publiques. Là encore, différents services
sont proposés comme des cours de formations professionnelles, une
assistance sociale et affective, l'accès à internet, des conseils
sur les services municipaux ou encore un programme d'alphabétisation. En
outre, l'Office des Droits Sociaux (ODS) fonctionne de manière similaire
mais est financé principalement de manière autonome bien qu'il
reçoit des subventions de la mairie de Séville. D'après
Carlos, coordinateur de l'ODS, l'ODI aurait repris leur système
d'actions et d'interventions mais de façon plus formelle: "L'ODI
s'est créé après l'ODS, la mairie a repris nos
idées et notre concept".
Néanmoins, l'ODI répond davantage aux politiques
de la mairie, il met en avant l'intérêt de l'inscription
municipale dans la communication qu'il fait autour de ce sujet telle la
distribution de prospectus. Cela passe également par une sensibilisation
à certains avantages tels le droit de vote aux élections
municipales, la preuve de résider sur le territoire espagnol permettant
d'obtenir certaines cartes de séjour, la possibilité d'inscrire
ses enfants dans un établissement scolaire, etc. Le problème
reste le fait que pour s'inscrire il faut être dans une situation
administrative régulière. Cet élément
créé un désavantage pour les sans papiers car
cela les empêche d'accéder à certaines
prestations sociales. Par conséquent, la politique joue un rôle
prépondérant dans le traitement de ces questions, le non droit de
libre accès aux élections municipales est une marque
d'inégalité. En effet, le fait de voter est un acte citoyen
important pour une meilleure cohésion sociale dans une démocratie
plus respectueuse des différences. (TORRES, 2006). A Séville
l'accès au vote ne dépend pas seulement du fait d'être "en
règle" mais résulte également des accords entre l'Espagne
et le pays d'origine de la personne, ce qui limite une fois de plus
l'accès au vote.
Les deux organismes que nous venons de décrire sont
l'illustration du grand intérêt que porte la mairie dans ses
politiques publiques et ses projets pour ne pas délaisser les
populations d'origine étrangère. Cet aspect est essentiel dans la
mise en place d'un "vivre ensemble" dans des espaces pluriethniques. Par
ailleurs, l'ODI tient actuellement des permanences au centre civique Hogar San
Fernando, situé dans le district de la Macarena à
côté de l'hôpital du lundi au vendredi (seulement le matin
le vendredi). De ce fait, cela donne un avantage d'accès pour les
immigrés du district, plus proches de ce lieu. C'est également
intéressant pour cet organisme d'intervenir dans cette zone car cela lui
assure un public de personnes potentiellement intéressées par ses
services.
C/ La Macarena : un district multiculturel
La Macarena est le district de Séville où se
situe le plus fort taux de population immigrée de la ville. Il a subi
différentes transformations, essentiellement depuis les années
2000, aussi bien sur le plan urbain que social. Nous tâcherons, dans
cette partie, d'observer les groupements dans cette zone, puis nous verrons les
évolutions et métamorphoses de cet espace dans le chapitre
suivant. La carte ci-dessous situe le district de la Macarena au Nord du Centre
Ancien. Nous pouvons voir sa situation périphérique, proche du
centre ville.
Cartographie 3 : Le district de la Macarena,
situé au Nord du Centre Ville
Source: Google Maps, image satellite de la ville de
Séville, modifications par Paint. (c) Bouchet W. Matthieu
1/ Diversité culturelle et évolution de
l'immigration
a/ Progression de l'immigration dans le district de la
Macarena
L'arrondissement de la Macarena (comprenant 25 quartiers dont
: El Cerezo, Begoña, El Rocio, etc.) est un des onze districts de
Séville. Il fût principalement habité par des ouvriers dans
les années 1960-70. Il est proche du centre ville et enregistre des
loyers peu élevés (FERNANDEZ SALINA, 2007). De surcroît,
d'après une enquête de l'Université de Cadiz (UCA, 2010),
il comprend 11,7% d'immigrés en 2009, alors que la moyenne de la ville
est inférieure à 5%. Dans ce district, les communautés les
plus représentées sont les Boliviens (1763 personnes) puis les
Equatoriens (1383) et les Marocains (785). Dans la même recherche de
l'Université de Cadiz, il est spécifié que ces
étrangers travaillent principalement dans le domaine de la construction,
de l'hôtellerie et des services domestiques.
Malgré l'arrivée de nombreux immigrés, le
district de la Macarena a perdu 4,5% de sa population entre 2000 et 2008. La
population immigrée du district quant à elle, a augmenté
de plus de 6% entre 2006 et 2009. Cela nous indique une évolution rapide
impliquant des changements sociaux et spatiaux dans cet espace (commerces
ethniques, regroupement de nouveaux groupes ethniques dans les lieux publics,
etc.). « Le migrant international apparaît comme un acteur urbain
original et producteur de nouvelles dynamiques économiques et sociales
» (SIMON, 2008 p.87). C'est durant cette période que dans ces
quartiers, les commerces ethniques (commerces de proximité) se sont
multipliés, répondant ainsi aux besoins de ces populations
(MIRET, a/ 2009). Suite aux changements de population, nous assistons à
des écarts intergénérationnels entre les personnes
arrivées à la création de ces logements et qui ne sont
jamais partis et les nouveaux arrivants, majoritairement jeunes (UCA, 2010).
C'est pourquoi, l'implantation nouvelle d'une population
étrangère a modifié le paysage de ces quartiers comme
à El Cerezo. D'ailleurs, selon Fernandez Salinas (2009 cité dans
UCA, 2010), cela a contribué à rendre visible des conflits entre
générations : « La plupart des problèmes de
cohabitation ne sont pas dus aux différences culturelles, mais à
ce que les immigrants sont plus jeunes et utilisent de façon dynamique
l'espace public tout comme les jeunes d'ici, ce qui génère des
problèmes de cohabitation avec la population autochtone vieillissante
».
La cartographie 4 situe le district de la Macarena, au Nord du
centre ancien de Séville. La seconde représente, quant à
elle, les onze districts de la ville. Ces cartes nous permettent de situer les
différents districts de Séville ainsi que les quartiers de celui
de la Macarena. Tout au long de cette étude, elles permettront de
repérer les zones citées pour illustrer nos propos.
Cartographie 4 : Noms des districts de Séville
et des quartiers de la Macarena
Source : TORRES, 2011, p.28
Suite à l'augmentation récente du nombre
d'immigrés dans le district de la Macarena, il apparaît comme un
espace de concentration récente de l'immigration. C'est principalement
pour cela qu'il nous est apparu comme un espace de grand intérêt
au cours de nos recherches pour illustrer notre thématique qui porte
comme vous le savez, sur la ségrégation et la
multiculturalité. Ce district est révélateur des
changements sociaux et urbains qui sont le produit de l'arrivée de
nouveaux voisins à intégrer : les immigrés.
b/ Les facteurs de concentration urbaine dans un
district voulant répondre aux besoins des immigrés
La concentration urbaine d'une population en un lieu
dépend très souvent de facteurs identifiables tels le coût
des logements, la proximité de sa famille, de ses amis ou encore de
commerces. Elle peut également être la conséquence de
politiques publiques attractives. Tout ceci peut permettre de comprendre la
répartition ici des immigrés, dans les différents
quartiers de la Macarena.
Différents bâtiments et événements
se trouvent ou ont lieux dans le district de la Macarena, ce qui pourrait
correspondre à une volonté de la mairie de regrouper les
différents organismes qui se préoccupent de l'immigration dans
une même zone.
Suite à un entretien avec la professeure et chercheuse
Maria Angeles Huete, il apparaît que différents édifices
à destination des populations immigrées sont regroupés
dans le district de la Macarena tel que l'ODI, l'organisme qui lutte pour les
droits des immigrés.
De plus, le centre civique San Fernando a été
construit il y a plus d'un an dans le but de permettre aux associations
d'immigrants de pouvoir se regrouper en un même lieu. C'est
également dans ce district que se trouve la délégation du
ministère du travail et de l'immigration, rue Sánchez Perrier,
proche de l'hôtel Macarena. Elle travaille sur le respect et la
coordination des politiques migratoires sur le territoire. C'est pourquoi, elle
met en place chaque année, le forum Andalou de l'immigration qui permet
de réfléchir à l'élaboration de nouvelles
politiques sociales pour les immigrés. Ce forum a pour objet de
créer des débats et de faire participer le maximum d'agents
sociaux impliqués dans le phénomène de la migration. Il
met également en avant l'intégration sociale des immigrés
qui habitent en Andalousie. A titre d'exemple, les fonctions de ce forum sont
entre autres de faciliter le dialogue entre les collectifs d'immigrés et
la société d'accueil, de formuler des propositions et
recommandations pour l'intégration sociale des immigrés ou encore
d'agir activement pour lutter contre le racisme et la xénophobie et pour
la tolérance. Le CMPM avec l'appui de la délégation des
relations institutionnelles et de l'immigration organise lui aussi dans le Nord
de ce district12, un forum sur le thème de l'immigration avec
la participation d'immigrés, des autorités municipales et de
représentants de l'Etat espagnol. Les sujets concernent aussi bien le
respect des droits que la situation des immigrés en Espagne. De plus,
des journées interculturelles ont lieu au centre civique Hogar San
Fernando à la fin de l'automne (la
12 Dans les locaux du Centre Avancé de
Ressource d'Entreprise (CREA) avenue José Galán Merino.
seconde édition a eu lieu en 2010). Elles ont pour
objectif d'améliorer la cohabitation entre autochtones et
immigrés grâce à des débats et des tables rondes.
Ces différents lieux et moments d'interactions des
immigrants mis en place en grande partie par les politiques locales
créent, d'après Maria Angeles Huete, "une réalité
artificielle" puisqu'ils ne permettent pas aux populations immigrées de
ces quartiers de sortir du district de la Macarena. Le regroupement de ces
types de lieux est facteur de ségrégation puisque cela limite les
déplacements des populations concernées et donc la
possibilité de s'intégrer en rencontrant de nouvelles personnes
au cours d'activités diversifiées. Dans son travail collectif
cité précédemment, la chercheuse avec ses
différents collaborateurs tentent de "combattre les politiques
publiques visant à regrouper les bâtiments à destination
des immigrés dans le district de la Macarena" (M-A Huete). Leur
objectif est de disperser les bâtiments d'utilité publique pour
les immigrés, ce qui devrait les pousser à se déplacer
vers d'autres zones pour effectuer des activités ou démarches
administrative et ainsi leur permettre d'étendre leur réseau
social voire d'en créer de nouveaux. Ceci semble un point important de
lutte contre la ségrégation et d'amélioration du "vivre
ensemble" puisque cela pourrait permettre d'établir de nouvelles
rencontres aussi bien entre immigrés qu'entre immigrés et
autochtones.
c/ Répartition hétérogène
des immigrés
La carte ci-dessous nous indique la répartition des
immigrés dans le district de la Macarena. Le quartier El Cerezo, au
centre du district, apparaît comme la zone où habite le plus grand
nombre de personnes d'origine étrangère. "Six quartiers
concentrent la majorité des immigrés et sont El Cerezo, La
Palmilla, El Rocío, Las Avenidas, Begoña-Santa Catalina et El
Torrejón : tous appartiennent au district de la Macarena, ne faisant que
confirmer la situation du district comme pôle d'attraction en
étant la zone de Séville dans laquelle la présence
d'étrangers est la plus notable" (HUETE, 2011, p.21). Or,
l'équipe de Maria Angeles Huete utilise dans sa recherche des chiffres
principalement de 2006 alors que l'équipe de Victor Salinas (auteur de
la carte) fait appel à des données de 2008. C'est pour cela que
nous pouvons observer sur la carte qu'il y a un plus grand nombre
d'immigrés dans le quartier Villegas (1557) que dans celui El Torrejon
(1351) évoqué dans la citation. De plus avec le nombre
d'immigrés qui a continué d'augmenter entre 2006 et 2010 dans le
district mais également dans le reste de la ville, nous ne pouvons plus
affirmer que les quartiers cités concentrent la majorité des
immigrés bien qu'ils en regroupent un nombre non négligeable.
En conséquence, "la distribution de la population
étrangère n'est pas homogène. Cependant à quelques
exceptions près, tous les quartiers ont une proportion de population
étrangère au dessus de la moyenne de la ville" (SALINA, 2008,
p.6). Comme nous pouvons le voir, c'est dans les quartiers de la partie
centrale du district que se concentrent les plus forts taux d'immigrés.
Ce sont des quartiers multiculturels, où se trouvent des commerces
ethniques, situés à proximité du centre ancien dans une
zone de reconsidération urbaine. Cela correspond au "profil typique
identifié dans d'autres villes européennes" (SALINAS, 2008,
p.6).
Cartographie 5 : Localisation des immigrés dans
les différents quartiers du district de la Macarena en
2008
Source : Carte tirée du Diagnostico sobre el
asentamiento de poblacion inmigrante extranjera en el distrito Macarena de
Sevilla. FERNANDEZ SALINA, D. Victor. (dir.) Séville, 2008, p.6.
"Le district de la Macarena avait de nombreuses
possibilités pour se convertir en un district d'immigration : certains
stigmates historiques, participant à l'imaginaire collectif, le bas prix
des logements, leur disponibilité et possibilité de location, la
tradition de louer aux immigrés grâce à la faculté
de médecine et aux étudiants étrangers, les bonnes
connexions métropolitaines et l'importante concentration des commerces"
(SALINAS, 2008, p.7). Du fait de ces divers facteurs, la Macarena est devenue
un espace attrayant pour les immigrés ou du moins une zone qui
correspondait à leurs attentes.
Actuellement, avec les mutations du marché du logement
dans ce district, "les prix ont subi une augmentation, si bien que l'on assiste
à un changement de tendance qui amène à une question
importante : Où les immigrés trouvent-ils à se loger quand
ils quittent le district de la Macarena ?" (SALINAS, 2008, p7). Des zones comme
"Torre Blanca, Cerro Mate, Poligono Sur sont moins chères au niveau
du prix des logements que le district de la Macarena" (Mercedes,
coordinatrice ACCEM). Ce sont des zones situées au Sud et à l'Est
de la ville.
En conséquent, les concentrations d'immigrés
à Séville sont amenées à évoluer et se
déplacer dans d'autres espaces de la ville que le district de la
Macarena.
2/ El Cerezo : un quartier de concentration de populations
immigrées
Le choix de centrer notre recherche autour d'un quartier se
justifie dans sa définition. En effet, un quartier est un espace
délimité, inscrit au sein d'une ville. C'est un lieu de
cohabitation et d'interactions entre les habitants. De plus, c'est un espace
mouvant, fort d'une identité matérielle et immatérielle :
cela passe par le biais de commerces ethniques, des tags, des
déplacements d'un endroit à l'autre, etc. (LADIRE, 2004). «
Le quartier, loin de représenter une sphère idéale,
constitue un lieu de vie bien réel » (Authier cité dans
LELIEVRE, 2005, p.1). Cette idée renvoie au fait que
"l'intégration dans le quartier et l'intégration dans la ville
sont liées" (LELIEVRE, 2005, p1), ce que nous pourrons approfondir dans
les deuxième et troisième chapitres.
Dans le quartier El Cerezo, la part d'immigrés est
d'environ 38% soit sept fois plus que pour la ville de Séville. Cette
originalité en fait un espace particulièrement
intéressant. La diversité culturelle de ce quartier devrait nous
permettre de décrire les phénomènes de
ségrégation et de multiculturalité.
a/ Evolution du nombre d'immigrés
Le quartier El Cerezo est composé de logements
collectifs principalement construits en briques. Il est constitué de 22
bâtiments collectifs qui représentent 60 immeubles dont trois
tours de neuf étages. Cela correspond à environ 1052 logements.
Selon l'inscription municipale (INE), 2612 habitants vivent dans ce quartier
dont 1008 étrangers, ce qui représente 38% de la population. En
moyenne, il y aurait quatre individus par appartement. De surcroît,
d'après la recherche El Distrito Macarena de Sevilla,
Migraciones recientes y transformaciones urbanas sociales de Francisco
Torres Gutierrez (2011), le quartier serait occupé par moins d'habitants
qu'il le pourrait. En effet, moins des trois quart des logements seraient
habités. Il faut savoir que ses chiffres datent de 2008 et
qu'actuellement ce taux serait supérieur à 75%. Le nombre
important d'habitations vacantes est dû à l'augmentation des
coûts des logements comme nous l'avons signalé
précédemment.
Graphique 4 : Evolution de la population dans le
quartier El Cerezo entre 2004 et 2010
2500
2000
1500
1000
500
0
Evolution de la population dans le quartier El Cerezo
entre 2004 et 2010
2004 2006 2008 2010
Espagnols autochtones Etrangers
Source : élaboration personnelle, Excel, données de
l'INE. (c) B-W Matthieu.
Entre 2004 et 2010, nous pouvons observer une augmentation de
la population étrangère ainsi qu'une baisse de la population
autochtone comme l'indique le graphique précèdent. En effet, la
population immigrée a plus que doublé durant ces six ans, elle
est passée de 14,8% en 2004 à 38,6% en 2010. Cela est dû
principalement à une arrivée massive d'immigrés en
provenance d'Amérique du Sud durant la dernière décennie
tel que nous l'avons vu précédemment (Cf : I/ 1/ b/).
Graphique 5 : Répartition des habitants
immigrés d'El Cerezo par continents en comparaison avec les autochtones
en 2010.
Répartition des habitants d'El Cerezo par
nationalités en 2010
Européens Américains Espagnols Africains
Asiatiques
Source : élaboration personnelle, Excel, données de
l'INE. (c) B-W Matthieu.
Le graphique 5 nous permet de confirmer le poids des
immigrés originaires d'Amérique dans El Cerezo. Ils
représentent près d'un quart de la population du quartier ce qui
permet de dire que c'est un point de localisation pour ces individus. A
l'intérieur de ce groupe d'américains, les personnes originaires
des Etats-Unis et Canada sont pratiquement inexistantes dans cet espace. Le
graphique suivant nous indique le nombre et la répartition des
immigrés par nationalités. Il nous amène à regarder
l'importance des personnes originaires des pays andins.
Graphique 6 : Evolution du nombre d'habitants
étrangers dans le quartier d'El Cerezo entre 2008 et 2010.
Evolution du nombre d'habitants étrangers du
quartier El Cerezo par nationalité
Nombre d'habitant
400
350
300
250
200
150
100
50
0
2008
2010
Nationalité
Source : élaboration personnelle, Excel, données de
l'INE. (c) B-W Matthieu.
Nous pouvons remarquer suite au graphique 6, que les
immigrés présents dans ce quartier sont essentiellement d'origine
latino-américaine en particulier de Bolivie et d'Equateur comme
l'indique les diagrammes du graphique pour ces deux pays, hautement
supérieurs aux autres. De plus, l'augmentation entre 2008 et 2010 de la
population Bolivienne est considérable. Ceci montre un fort
intérêt de ces habitants pour ce quartier.
Par ailleurs, le poids des personnes d'origine Marocaine,
Colombienne puis Nigérienne dans cet espace est également
conséquent. Seules les nationalités étrangères qui
dominent au niveau de leur nombre d'individus dans ce quartier sont
représentées. La Roumanie fait exception puisqu'elle est
indiquée seule en plus d'être comprise dans le diagramme des
individus originaires de l'Union Européenne. Sa double présence
dans ce graphique s'explique ainsi : avec 23 roumains en 2010, c'est la
dixième nationalité étrangère la plus
présente dans El Cerezo.
Les communautés majoritaires peuvent expliquer le
développement de certains commerces (boucherie hallal, kebab,
boulangerie équatorienne, restaurant bolivien, etc.) ainsi que certaines
représentations que peuvent avoir les habitants de ce quartier en vu du
nombre et de la visibilité de certains groupes d'individus de même
origine. C'est ce que nous tâcherons d'analyser dans le chapitre III.
b/ De 2000 à 2010, entre changement et
adaptation
La population d'El Cerezo a augmenté de 4% entre 2000
et 2008. De plus, durant cette période, la population autochtone «
a perdu 713 individus ce qui correspond à une perte de moins 30% pour le
quartier » bien que « 820 personnes nouveaux habitants, espagnoles et
immigrées sont venues s'installer» (TORRES, 2011, p.87) ce qui a
maintenu le solde migratoire positif. La population autochtone qui est partie
l'a fait majoritairement en direction de l'aire métropolitaine pour les
raisons précédemment énoncées.
Graphique 7 : Evolution démographique des
habitants du quartier El Cerezo entre 2004 et 2010
400
900
800
700
600
500
300
200
100
0
0 à 15 ans 15 à 29 ans 30 à 44 ans 45
à 59 ans Plus de 60 ans
Evolution démographique des habitants du
quartier El Cerezo entre 2004 et 2010
2004 2006 2008 2010
Source : élaboration personnelle, Excel, données de
l'INE.
Le graphique ci-dessus nous renseigne sur l'évolution
démographique de la population du quartier El Cerezo entre 2004 et 2010.
Il indique une légère baisse de la population de plus de 60 ans
ainsi qu'une hausse importante de celle ayant entre 30 et 44 ans. Cela montre
également la nouvelle dynamique démographique de ce quartier
revitalisé par des nouveaux arrivants, principalement des
immigrés, dans cet espace où la population autochtone est
vieillissante.
c/ La multiculturalité: une
réalité
Ce concept définit les sociétés
multiculturelles comme étant celles où il y a des situations de
coprésence et d'interactions entre différentes communautés
dans un contexte donné (Lévy et Lussault, 2003). Il
caractérise les situations du "vivre ensemble" dans des
sociétés plurielles. De surcroît, d'après la
chercheuse Cynthia Ghorra-Gobin, une ville multiculturelle désigne un
espace où vivent différents groupes culturels. L'adjectif
"multiculturel" lui sert à « identifier une réalité
pluriethnique ou encore multiethnique » (1999, p.2). Ces termes
correspondent à la définition du quartier El Cerezo ainsi que du
district de la Macarena. Ce concept est un fait qui permet d'identifier et
qualifier un espace en fonction de ses habitants et des transformations
urbaines et sociales auxquelles ils ont contribué : le quartier d'El
Cerezo en est une parfaite illustration.
En effet, dans les villes qui accueillent des migrants et
c'est le cas de Séville, il apparaît primordial de passer du
« savoir vivre au singulier au savoir vivre au pluriel » (CONSTANT,
2000 p.88). Par conséquent, l'espace public multiculturel apparaît
comme un
lieu de construction de l'altérité et de
l'identité de l'individu par des pratiques liées au « vivre
ensemble » (GHORRA-GOBIN, 1994). En politique, ce concept est
utilisé pour parler d'espace où le mélange des cultures
serait positif par souci de tolérance et de respect, il est question ici
de multiculturalisme utilisé essentiellement comme une doctrine.
« La question multiculturelle lorsqu'elle se
décline dans le champ urbain exige de définir les
caractéristiques et les enjeux de ce nouvel espace public »
(GHORRA-GOBIN, 1999, p.2). Car, dans la ville, « l'urbanité est
indissociable d'un devoir d'exposition qui exige des compétences
sociales relatives à la présentation de soi en public et à
la considération de l'autre en tant que personne humaine » (STEBE,
2010 p.109). C'est en cela qu'il apparait important de lutter contre les
discriminations et pour l'amélioration du "vivre ensemble" en donnant
des opportunités aux habitants de se connaître.
Pour finir, la diversité culturelle abordée dans
le « traitement politique, soulève des enjeux importants, notamment
en ce qui concerne la citoyenneté » (DORTIER, 2004, p.575). C'est
pourquoi l'écrivain et journaliste J-F Dortier remet en cause le terme
« citoyen » qui ne prend pas en considération les
spécificités de chacun et qui, toujours selon sa
définition, devrait être protégé par des lois.
D'ailleurs, pour le chercheur Michael Walzer, « la communauté peut
être le lieu d'apprentissage de la citoyenneté » (DORTIER,
2004 p.576). Il est important de prendre en considération ce terme
puisqu'il permet d'intégrer les immigrés dans le pays
d'arrivée (ici l'Espagne) en leur donnant la possibilité de voter
et d'être considérés comme des personnes du territoire dans
lequel ils vivent.
Nous utilisons les termes d'espace multiethnique,
pluriethnique ou encore diversité culturelle pour parler de zones
où se rencontrent différents groupes d'origines
différentes. Celui d'interethnique nous sert à indiquer des
regroupements entre personnes d'origines étrangères. Quant
à la multiculturalité, elle illustre des espaces où se
retrouvent aussi bien des populations autochtones qu'immigrées.
Le concept de multiculturalité nous permet d'introduire
nos prochains chapitres qui parlerons davantage du quartier El Cerezo, de ses
transformations (urbaines et sociales), des associations et bien
évidemment des habitants. Nous verrons aussi les représentations
des habitants et comment se construit le "vivre ensemble" dans les quartiers
multiculturels où se concentrent de nombreux immigrés sujets au
phénomène de ségrégation.
Comme nous venons de le constater, Séville est une
ville où l'immigration a une place importante, aussi bien dans les
politiques publiques que par son impact dans certaines zones de la ville.
L'intérêt que les politiciens de la ville portent à
l'immigration est assez récent puisque l'importance de la
présence de personnes d'origines étrangères date des
années 2000, période durant laquelle se sont créés
divers organismes de défense et de soutien des étrangers tel
l'ODI ou encore SOMAÏ.
Nous pouvons à présent annoncer et valider notre
problématique:
Dans quelle mesure les interactions entre
habitants de quartiers multiculturels peuvent-être
révélatrices de mise à distance des populations
immigrées et quels sont les enjeux des politiques locales et des
initiatives associatives pour fabriquer "du vivre ensemble"?
Pour y répondre, nous tâcherons de comprendre
comment se créé du "vivre ensemble" au sein de ce type d'espace
en utilisant comme exemple le quartier d'El Cerezo et en nous appuyant sur
certains projets associatifs tout en tenant compte du discours des
habitants.
Chapitre II : Enjeux et évolution de
l'immigration : le
cas du quartier El Cerezo
Le nombre d'immigrés présents dans El Cerezo en
fait un quartier atypique oül'immigration joue un rôle
majeur. Ce constat peut se lire dans les différents projets et
ouvrages associatifs ainsi que dans les discours politiques,
les événements multiculturels ou encore dans les transformations
urbaines apparues durant l'époque des grandes vagues migratoires
particulièrement depuis les années 2000. "L'arrivée de
population en provenance de pays étrangers durant les dernières
années a participé à l'accélération des
changements sociaux (...) pouvant mener jusqu'au ghetto et aux conflits ou, au
contraire, générer de nouveaux espaces d'interactions et de
richesses socioculturelles" (VECINA MERCHANTE, 2010, p.227). Tous ces
changements affectent les habitants autochtones avec qui les immigrés
partagent les espaces publics. Les projets associatifs essayent de pacifier la
cohabitation dans les espaces multiculturels en évitant qu'il y ait un
cloisonnement immigrés/autochtones. Nous allons tenter de savoir s'ils
facilitent ou non l'intégration des immigrés.
Pour cela nous verrons tout d'abord la participation des
immigrés au sein de la ville de Séville puis nous montrerons
l'importance des acteurs associatifs avant de terminer par
révéler les transformations urbaines induites par les migrations
qui nous amèneront à l'aspect social que nous
développerons dans le chapitre III.
A/ Visibilité des immigrés à
Séville, particulièrement dans le quartier d'El Cerezo
L'importance de l'immigration à Séville, bien
qu'étant relative à côté de certaines villes
espagnoles, peut se lire parmi les différents événements
multiculturels qui ont lieu chaque année. De plus, les immigrés
sont de plus en plus présents dans le discours politique, notamment par
exemple, dans le cadre des élections municipales de mai 2011.
1/ L'investissement des immigrés dans la vie
culturelle de Séville
La multiculturalité est de plus en plus visible au sein de
la ville de Séville. Différents festivals
célébrés tous les ans en sont la vitrine. Constater la
présence d'une diversité
culturelle dans cette agglomération provient de
l'implication d'associations et d'habitants qui mettent en avant des cultures
d'autres pays.
a/ Les associations d'immigrés: nouvelles
dynamiques urbaines
Le centre civique "hogar San Fernando", situé en face
de la faculté de médecine, accueille de nombreuses associations
d'immigrés comme "Asi es mi Peru" qui propose des cours de
danse et musique andine ou celle des Russes à Séville" qui
propose des cours de russe. Ce centre civique est l'un des plus grands de la
ville. Il a été aménagé pour répondre aux
besoins des différentes associations du district. "Le
problème de ce centre est le manque de publicité et
d'informations dans les quartiers, les gens ne savent pas ce qui s'y
passe"(Gabi, équatorien, volontaire ACOGE). Les habitants des
quartiers environnants ne connaîtraient que très peu les
activités qui se déroulent dans ce centre du fait d'un manque de
communication, ce qui ne permettrait pas de maximiser les différents
ateliers proposés. Malgré cela, diverses associations participent
à des festivals qui se déroulent dans la ville.
Rythmée par des festivals multiculturels tout au long
de l'année, la ville de Séville montre ainsi son aspect
pluriethnique. Nous allons en citer quelques uns qui nous permettent de
comprendre comment il est possible pour des immigrés de faire partager
sa culture dans un pays étranger. Ceci revient à lutter contre
les discriminations voire à créer du "vivre ensemble".
Tout d'abord, se déroule la fête des Nations qui
a lieu au début de l'automne dans le parc du Prado de San
Sebastian13 et qui propose des stands de vente d'artisanat et de
nourriture de divers pays du monde ainsi que des spectacles de musiques
ethniques. De plus, en mars et avril 2011, la fête des Nations
(gérée par une fondation du même nom) a organisé le
premier festival solidaire au niveau du pont de Triana en partenariat avec
l'association Terre des Hommes. Le festival solidaire présente, comme le
précédent, différents pays des différents
continents14 aussi bien par la gastronomie que par la musique ou
encore l'artisanat. "Moi je vais chaque année à la fête
des Nations, quand je peux me rendre à des événements j'y
vais mais c'est pas évident avec mon travail. En ce moment il y a le
festival solidaire au niveau du pont de Triana et je ne peux même pas y
aller à cause du travail" (Carlos, Vénézuelien).
13 En 2010 a eu lieu la quinzième
édition de ce festival. Il a changé de zone durant toutes ces
années.
14 28 pays sont représentés dans ces
festivals en fonctions des disponibilités de chacun (ex: Pérou,
Canada, Australie, Maroc, France, Afrique du Sud, etc.)
Par ailleurs, le carnaval péruvien qui se
déroule habituellement en mars15, a pour but de mettre en
avant la culture du Pérou et des pays voisins. Dans ce cadre, des
danseuses équatoriennes ont participé à cet
événement cette année. "Dès qu'il y a une
fête de ma culture, on vient danser avec mon groupe comme au carnaval du
Pérou, durant l'Inti Raymi" (Betty, équatorienne). Ensuite,
l'Inti Raymi, qui est la fête du soleil (ancienne cérémonie
religieuse Inca en l'honneur du soleil qui marque le solstice d'hiver pour les
pays andins), vivement célébré à Cuzco au
Pérou, s'est déroulée en juin 2010 dans le parc Miraflores
au Nord-est de la ville. Cette fête est organisée par
l'association de danse et chant équatoriens "Tungurahua", avec la
participation de l'association humanitaire Acoge16.
D'autre part, chaque année a lieu l'Aïd el-Kebir
qui est une fête musulmane célébrée principalement
au Maghreb où un mouton est sacrifié en l'honneur d'Allah. Elle
se passe en octobre ou novembre selon le calendrier musulman. En 2010, elle fut
organisée dans le quartier el Rocio à côté d'El
Cerezo au niveau de la mosquée : "je vais à la fête du
mouton en novembre, le Aïd el-Kebir" (Zico, marocain). A cette
occasion, la fondation ACCEM a participé à la préparation
et au déroulement de cet événement.
Comme nous pouvons le constater, seul l'Inti Raymi et
l'Aïd el-Kebir se déroulent à proximité du quartier
El Cerezo, ce qui oblige les participants et intéressés à
se déplacer pour se rendre sur les différents lieux de
festivités. Ceci influx sur la création de nouveaux
réseaux, sur les rencontres entre habitants de la ville et donc, ces
déplacements participent à la lutte contre la
ségrégation urbaine. De plus, ces événements
publics rendent visible la multiculturalité de la ville et mettent en
avant les groupes minoritaires. Ce sont des occasions pour découvrir des
cultures différentes, de connaître un peu mieux les
immigrés vivant dans son quartier et une fois de plus, de participer
à améliorer le "vivre ensemble".
b/ Propositions d'événements des
habitants d'El Cerezo
Certains habitants d'El Cerezo aimeraient voir davantage
d'événements culturels en lien avec leurs cultures et leurs
passions.
Suite à la question numéro 15 du
questionnaire17 et grâce aux entretiens effectués
auprès de certains habitants du quartier, des propositions
d'événements ont émergé. Nous pouvons
15 En 2011, ce Carnaval a eu lieu dans le parc de "los
Principes" dans le district Los Remedios.
16 Les associations citées seront
décrites dans la partie suivante.
17 Question 15: Aimeriez-vous mettre en place des
activités pour mettre en avant vos traditions
culturelles? Si oui de quelles types?
distinguer les réponses des autochtones de celles des
immigrés puisque les réponses des premiers sont similaires.
Concrètement, parmi les personnes autochtones, cinq ont
répondu qu'elles aimeraient organiser un événement
culturel selon leur tradition, elles souhaiteraient organiser un festival
flamenco, qui est un style musical où se mélange avant tout
chant, danse, guitare, joie et souffrance. Une autre des réponses
obtenues, est le désir de constituer une association de voisins pour les
retraités du quartier, et ainsi d'avoir un espace de rencontre et de
regroupement, ce qui pourrait éviter l'isolement de ces personnes
parfois plus vulnérables.
Par ailleurs, les réponses des immigrés sont
davantage diversifiées et plus personnelles. En effet, certains mettent
en avant l'envie d'organiser un festival de danse, d'autres de gastronomie,
certains des concerts ou encore des compétitions de football. Des envies
plus spécifiques émanent en fonction de chacun "un concert de
gnawa fusion" qui est un style musical africain, "un festival qui met en avant
le côté positif des roumains", de la danse traditionnelle
équatorienne ou encore du "Nigeria". Ainsi, plusieurs immigrés
souhaitent mettre en avant leur culture ou leurs goûts musicaux, cela
peut révéler un manque ou simplement leur envie de faire
découvrir une passion, une partie de leur culture.
Ce désir de faire partager un aspect de leur
spécificité culturelle montre l'importance de l'identification
par rapport à un lieu. C'est-à-dire que les individus ont envie
d'être représentés et identifiés dans leur espace de
vie en montrant aux voisins leur traditions ou encore, leur
références musicales et gastronomiques. Ce désir est
lié aux représentations que peuvent avoir les habitants de leur
quartier, c'est ce que nous verrons dans le prochain chapitre. Nous allons
maintenant nous intéresser à l'utilisation de l'immigration dans
le discours électoral.
2/ Mise en avant de l'immigration dans le discours
électoral
« El Cerezo » est un quartier à forte
densité d'immigrés où la ségrégation
apparaît tel un problème d'exclusion à résoudre. Le
multiculturalisme quant à lui, serait une doctrine à
développer avec les politiques publiques pour lutter contre les
discriminations et développer le "vivre ensemble". Ainsi l'immigration
fait parler d'elle et préoccupe les politiciens qui ne manquent pas d'en
parler dans leurs discours politiques.
a/ Pression politique
En mai 2011, les élections municipales ont lieu à
Séville. Dans ce cadre, certains partis politiques mettent en avant
l'immigration dans leurs discours.
Durant la campagne des municipales, Juan Espadas se
présente comme le successeur de l'actuel maire, Alfredo Sánchez
Monteseirín du Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE). Une brochure de
format A3 récoltée en mars 2011 dans le district de la Macarena
donne à voir, sous forme de bilan, les nouveaux services mis en place ou
en cours dans ce même district. Elle a pour titre "Sevilla, barrios con
corazón" ce qui veut dire: « Séville, des quartiers avec du
coeur ». A titre d'exemple, douze quartiers sont cités dans ce
dépliant dont dix qui appartiennent au district de la Macarena sur les
douze cités. Par ailleurs, elle spécifie les nouveautés
apportées dans ces quartiers ainsi que les projets en cours telles les
lignes de métro 3 et 4, la construction de l'école
d'infirmières ou bien encore, la création d'un cyberlocal et parc
wifi qui verront tous le jour, selon la campagne, dans le district de la
Macarena .
Tous les aménagements en cours ou effectués
cités dans cette brochure se trouvent dans la zone de la Macarena. Le
prospectus ne spécifie pas le programme de la campagne municipale de ce
candidat si ce n'est par les projets en cours, ce qui nous laisse à
penser que d'autres tracts ou brochures ont suivi ce dernier. Cette brochure ne
fait que désigner les innovations récentes mis en place par
décisions du maire actuel socialiste tout comme Juan Espadas.
En ce qui concerne l'immigration, au centre de la brochure
figure un centre de formations professionnelles. Il est spécifié
qu'il a pour cible " les jeunes, les femmes, les immigrés et les
chômeurs". A cela viennent s'ajouter les deux projets
réalisés pour la "cohabitation" qui sont le centre civique San
Fernando et l'aménagement de parcs et places de certains quartiers (las
Avenidas, la Paz, etc.). Par ailleurs, sur son site internet, Juan Espadas dit
des immigrés qui vivent dans Séville que "ce sont des citoyens
sévillans, ils vivent avec nous et l'intégration doit se faire
depuis la cohabitation. Ces personnes ne doivent pas être
isolées". Il ajoute, ensuite, que pour se faire, "l'idée est
qu'il y ait plus d'interlocuteurs pour la cohabitation et l'assistance de la
population immigrée surtout dans des districts comme celui de la
Macarena". Son discours confirme les préoccupations des politiciens aux
problématiques liées à la cohabitation des habitants du
district de la Macarena. Deux articles de journaux, l'un du 13 janvier 2011
tiré du journal "20 minutes" de Séville qui a pour titre
Espadas propose
de renforcer l'attention portée à la
population immigrée dans les nouveaux districts de la
municipalité et l'autre du 14 janvier 2011, du journal "ABC" et
ayant pour titre Espadas recherche à El Cerezo l'appui des
immigrés, mettent en avant les préoccupations du candidat
socialiste envers les immigrés. Par conséquent, pour Juan
Espadas, les immigrés "sont des citoyens sévillans, ils
vivent avec nous et leur intégration doit se faire par la cohabitation"
(Ibid).
Pour clarifier, les populations immigrées
représentent un éventuel électorat dont l'importance n'est
pas négligeable comme nous l'avons constaté. D'un autre
côté, la peur d'émeutes dans ces quartiers, "en
comparaison avec celles des banlieues de Paris en 2005" (Francisco Torres,
professeur de géographie), effraie les politiciens qui tentent de faire
régner une cohésion sociale propre au "vivre ensemble". De ce
fait, la ségrégation devient un phénomène à
"combattre" en prenant des mesures contre les situations d'isolement.
Or, sur le site internet de l'association Acoge
Andalousie18, un article daté du 13 mai 2011 appelle les
politiciens à ne pas utiliser les immigrés dans leur discours
"comme arme électorale pour ne pas porter préjudice à la
citoyenneté". Pour clarifier, cette fondation ne veut pas que les
politiciens utilisent l'immigration comme un argument pouvant nuire aux
principaux concernés, ce qui troublerait l'ordre des projets de
cohabitation en cours. Cela n'est pas respecté comme nous l'avons vu
précédemment. De plus, d'autres partis politiques mettent
également les immigrés en ligne principale dans leurs intentions
électorales.
b/ Les espaces multiculturels: enjeux des nouveaux
partis politiques
Le nouveau parti politique espagnol "PRUNE" (Partido
Renacimiento y Unión de España) a été crée
et enregistré par le ministère de l'intérieur en 2009.
Particulièrement sensible aux problèmes des minorités
musulmanes, ses valeurs sont l'inter-culturalité, la renaissance
intellectuelle ainsi que le respect et l'application des principes universels.
Il a pour dessein de réunir tous les citoyens espagnols sans
différencier ceux "de la première catégorie de ceux de la
seconde", ce qui signifie sans distinction entre les citoyens d'origine
étrangère et les autochtones. Un de ses objectifs est de donner
la parole aux habitants "marginaux" dont
18 Cf: Article Un centenar de organizaciones, contra el uso
electoralista de la inmigración
du 13/05/2011, disponible sur le site:
http://www.acoge.org
font partie les immigrés pour ainsi les
représenter dans les différentes institutions politiques. Mostafa
Bakkach, président de ce groupe politique est intervenu le 31 mars 2011
dans le quartier El Cerezo pour faire connaître son parti en
sensibilisant les habitants. Se rendre dans cet espace n'est pas neutre. La
diversité culturelle présente dans ce quartier a certainement
suscité un intérêt majeur pour ce parti politique.
Ce groupe politique s'ajoute à d'autres existants qui
ont été créés principalement par et/ou pour les
minorités en Espagne tel que le Parti des Immigrés Nouvelle
génération (PIN dont le président est Pedro Ribera
d'origine bolivienne). Ce parti agit pour l'impulsion de la
multiculturalité dans les sociétés espagnoles et la
promotion des logements à faibles coûts, aussi bien pour les
immigrés que pour les autochtones, les regroupant comme étant
tous citoyens d'un même pays et ayant les mêmes droits et
devoirs.
De surcroît, Le Parti Ibérique Roumain (PIRUM)
créé en 2008 se propose également comme alternative
politique pour permettre aux roumains vivant en Espagne de devenir une des
préoccupations principales de la politique espagnole.
Par conséquent, ces partis politiques exposent le
pluralisme des sociétés espagnoles et mettent en avant les
minorités ethniques. "Nous sommes une nouvelle génération
de politiciens qui veut développer une politique différente qui
croit aux valeurs des citoyens et qui considère tout le monde comme
ayant les mêmes droits et devoirs" (RIBERA , 2010). Tout ceci
démontre l'importance de l'immigration dans la ville et dans les
intérêts des politiciens.
Nous allons à présent laisser l'aspect politique
de côté pour nous intéresser aux associations et aux lignes
directrice de leurs projets en lien avec l'immigration.
B/ L'importance des acteurs associatifs locaux
Plusieurs associations participent à la mise en avant
du quartier El Cerezo en proposant des projets de coopération
multiethnique. Les différents organismes travaillent dans l'objectif de
faciliter l'intégration des immigrés au sein de leur quartier
mais aussi dans la société espagnole. Ils tentent
également de contribuer au "vivre ensemble" entre immigrés et
autochtones en mettant en avant dans certains cas, les immigrés dans
d'autres, les autochtones.
1/ Les projets associatifs : enjeux de cohabitation
Il existe de nombreuses associations d'aide aux migrants et
notamment des associations de soutien juridique (O.D.S, Acoge, A.C.C.E.M,
C.E.A.R, etc.) qui informent les immigrés et les étrangers sur
les papiers à fournir pour accéder à un logement, un
emploi, etc. Ils leur expliquent les lois sur l'immigration et assistent les
personnes dans leurs démarches. Par ailleurs, différentes
associations s'occupent également de la traduction des documents (ACOGE,
ACCEM, etc.), (Transfronterizo, 2006).
Nous allons essentiellement nous intéresser aux acteurs
associatifs intervenant dans El Cerezo. Deux locaux des fondations Acoge
Sevilla, Cepaim et ACCEM se trouvent dans les quartiers d'El Cerezo et Las
Avenidas. Le local situé dans le quartier El Cerezo est partagé
par les associations Acoge et Cepaim qui agissent dans trois domaines : la
médiation (de voisinage, interculturelle), l'éducation
(activités extrascolaires, aide aux devoirs, colonies de vacances, etc.)
et les échanges interculturels (ateliers, débats,
événements culturels, sportifs, etc.). Par ailleurs, l'ACCEM,
dont le local se trouve dans le quartier las Avenidas intervient
également dans ce type de domaine. De plus, elle propose une assistance
juridique grâce à la permanence d'un avocat tous les jeudis. A
cela s'ajoute l'association de voisins d'El Cerezo ainsi que l'Office des
Droits Sociaux ayant tous deux des impacts pour ce quartier.
Nous tâcherons de comprendre quels sont les
conséquences des projets de ces associations.
a/ Les associations humanitaires en lutte contre les
discriminations et les conflits multiculturels
Ces associations sont nécessaires pour répondre
aux besoins des nouveaux arrivants et d'une certaine manière pour lutter
contre la discrimination et la ségrégation. Nous nous
intéresserons principalement à celles qui interviennent dans le
quartier El Cerezo ou du moins pour le district de la Macarena. Nous allons
devoir passer par une phase très descriptive pour bien cerner les
associations que nous allons citer à plusieurs reprises dans notre
étude.
Tout d'abord, la fondation Consortium des Agences de l'Action
Globale Pour les Migrants (CEPAIM) est une organisation indépendante
espagnole qui répond aux dynamiques sociales en relation avec les
migrations. Leur politique traite de l'inter-culturalité, de la gestion
de la diversité et du co-développement avec pour base le
territoire espagnol. Leur mission est de promouvoir un modèle de
société interculturelle qui facilite principalement
l'accès aux droits des citoyens immigrés, notamment en
développant des politiques de lutte
contre toutes formes d'exclusion sociale en lien avec les pays
d'origines des immigrants. Leurs valeurs sont l'égalité des
chances entre femmes et hommes, la solidarité, la justice, la lutte
contre les discriminations et la promotion de l'inter-culturalité et de
la diversité. Tout cela, est mis en place pour que les minorités
ethniques aient les mêmes chances et les mêmes droits en Espagne
que les autochtones. Cette association gère, depuis octobre 2010, le
programme de retour volontaire financé par le Ministère du
travail et de l'immigration.
Ensuite, la fondation Acoge Sevilla est une association qui
existe depuis plus de vingt ans et qui aide les immigrés. Elle dirige
ces personnes dans leurs démarches à l'obtention de documents
(permis de travail, permis de résidence, etc.) ainsi que dans
l'accès à l'emploi et la recherche d'un logement. Cet organisme
aide les immigrés à faire un Curriculum Vitae, à apprendre
l'espagnol, leur propose des formations, etc. En lien avec la mairie, des
particuliers peuvent téléphoner à cette association,
devenue une fondation, pour des gardes de personnes
âgées/d'enfants ou pour des services domestiques.
Par ailleurs, cette fondation travaille avec des associations
de voisinage, des centres éducatifs et participe entre autres à
des festivals.
Enfin, l'Association Commission Espagnole Catholique sur la
Migration (ACCEM) est une Organisation Non-Gouvernementale (ONG) à but
non lucratif tout comme les précédentes. Elle travaille sur
l'accueil et l'intégration des réfugiés et des
immigrés en Espagne dans le respect des droits et devoirs espagnols. Son
objectif est d'obtenir une société juste et égalitaire en
mettant en avant la richesse culturelle d'une société plurielle.
Cette fondation propose des formations professionnelles et une aide à
l'insertion au travail. En outre, ils permettent l'accueil dans des centres
spécialisés, mettent en avant la participation à la vie
locale (manifestation contre le racisme et la xénophobie,...) ou encore
proposent des cours de langue. En effet, "le dialecte andalou n'est pas
toujours simple à comprendre même pour des populations
hispanophones" (Tania, volontaire Acoge). Il est vrai que connaître
la langue locale apparaît comme un moyen d'intégration, ici
l'andalou, qui est un dialecte du castillan où certaines consonnes ne
sont pas prononcées.
Les trois fondations ACCEM, Cepaim et Acoge ont toutes les
trois des locaux dans le district de la Macarena19 dans lesquels
sont organisés différents projets de cohabitation, comme des
débats (droits du travail, racisme, etc.), des ateliers ludiques pour
les enfants, des cours de langues, de la médiation auprès des
habitants pour essayer de résoudre tous types de
19 Les fondations Cepaim et Acoge partagent le
même local dans le quartier El Cerezo plaza Punta Umbria tandis que
l'ACCEM a son propre espace de travail, rue Galena dans le quartier Las
Avenidas.
conflits. Elles participent à certaines fêtes
culturelles (Aïd el-Kebir, Inti Raymi, journées de l'immigration,
etc.), dirigent les immigrés dans leurs démarches administratives
ou encore prônent le "vivre ensemble" dont il est essentiel de savoir
comment pour notre recherche.
Le fait d'être présent dans ce district permet
à ces ONG d'améliorer leurs actions auprès d'une
population principalement immigrée et de les rendre plus visibles pour
les habitants de ces quartiers. Nous verrons par la suite les projets locaux de
ces associations, particulièrement ceux auprès des jeunes du
district de la Macarena.
De plus à ces associations très présentes
dans le domaine de la multiculturalité, intervient l'association des
voisins. "Les associations de voisins doivent aller dans la même
direction que les associations humanitaires, avec d'autres acteurs, elles
peuvent garantir la pluralité et les interactions sociales"(VECINA
MERCHANTE, 2010, p.242).
b/ L'association des voisins en lutte contre la
relégation urbaine
L'association des voisins est un regroupement d'habitants qui
s'occupe de la bonne cohabitation entre les personnes d'un même
quartier.
Dans le quartier El Cerezo, ses membres se chargent
également de distribuer de la nourriture grâce à la Banque
Alimentaire et à la Croix Rouge aux personnes répondant à
certains critères sociaux, tels qu'être inscrit au registre
municipal ou encore se trouver au chômage. Seize familles du quartier
bénéficient de ce service d'après le président de
l'association de voisinage, Andres Aranda qui a succédé à
Antonio Rodriguez en 2008. Cette association permet de mener des actions au
niveau du quartier en fonction des problématiques et des besoins des
habitants.
Le président de l'association des voisins, Andres
Aranda, est une figure importante pour le quartier. Personne médiatique,
il est intervenu de nombreuses fois dans les journaux locaux. Actuellement
à la retraite, il vit dans ce quartier depuis 1971. "Ce quartier a
toujours un esprit de village". Les gens du quartier se reconnaissent dans
cet espace "restreint". En effet, de nombreux retraités vivent ici
depuis plusieurs décennies ce qui génère une ambiance
familiale.
Le titre d'un article du journal "Diario de Sevilla": Una
voz y muchos esfuerzos por El Cerezo (Une voix et beaucoup d'effort pour
El Cerezo) daté du 20 janvier 2010, met en avant Andres Aranda, comme
réprésentant du quartier El Cerezo. L'article cite une de ses
principales actions qui fut la vérification des licences et de
l'enregistrement à la mairie des commerces de
ce quartier20, "il est important de savoir que
ce n'est pas un quartier marginal" (Andres). Comme son
prédécesseur, Antonio Rodriguez, Andres a continué d'agir
sur les mêmes problématiques, à savoir les conflits entre
immigrés et autochtones. Voilà pourquoi, la demande d'un plan
d'intégration sociale pour les immigrés d'El Cerezo et des
quartiers voisins a été sa principale requête qui donna
suite à des événements médiatiques (manifestations,
rencontres avec le secteur environnant de la mairie, articles de journaux,
etc.). Actuellement, un plan pilote dans le district de la Macarena traitant
ces questions est en cours. Cela a pour objectif de favoriser la cohabitation
dans le district et ainsi d'éviter tout type de contestation de la part
des habitants. C'est ce que nous verrons dans la partie suivante (Cf: 2/
b/).
"Je veux le respect et je n'admets pas le racisme, ici
quand quelqu'un téléphone pour louer un appartement, on ne lui
demande pas son origine". Ce discours peut s'interpréter comme une
auto-défense aux propos disant de lui qu'il a des comportements
xénophobes envers les étrangers "je ne sais pas si je suis un
peu raciste".
De surcroît, depuis qu'Andres est président de
l'association des voisins, l'ambiance du quartier aurait changé,
"ici on a la réputation qu'on ne peut pas faire tout ce qu'on
veut" dit-il. Par ailleurs, certaines personnes, tel Ousseynou
(coordinateur Acoge) sont assez mitigées sur les actions portées
par Andres, "l'avantage de ce quartier, c'est l'implication et
l'intérêt du président de l'association des voisins dans
tous les événements de la ville mais d'un autre côté
son gros défaut c'est qu'il met d'un côté les Espagnols et
de l'autre les immigrés et reprend les discours politiques qui ne sont
que très peu favorables aux immigrés".
En parallèle, jusqu'au mois de février 2011, une
affiche éditée par le parti Démocrate National (DN,
l'équivalent de l'extrême droite en France), exposée sur la
porte du local de l'association des voisins, sensibilisait les passants aux
problèmes liés au chômage. Un dessin montrait ainsi une
file d'attente de personnes de différentes origines devant l'office du
travail dont le slogan était : "Devine qui sera le dernier? Avec nous
les espagnols en premier !". Afficher ce type de document est
révélateur de la considération que porte cette association
envers les immigrés ou tout au moins certains membres. Il faut rappeler
que nous sommes dans un contexte de crise où le chômage est
supérieur à 25% en Andalousie (El CorreoWeb, 2011). Cette affiche
repousse les possibilités des personnes immigrées de s'investir
dans cette association pour participer ainsi à la vie active du
quartier. "Un de mes projets est de faire en sorte que les locaux des
associations des voisins soient des espaces de collaboration" (Aziz,
médiateur
20 Article disponible sur internet:
http://www.diariodesevilla.es/article/sevilla/611201/una/voz/y/muchos/esfuerzos/por/cerezo.html
culturel ACCEM). Ces locaux seraient des lieux à
investir par les populations immigrées dans le but d'améliorer la
cohabitation entre voisins. Ce projet en cours pourrait alors amener les
habitants immigrés à s'investir davantage dans leur quartier. En
investissant les locaux d'associations des voisins, l'ACCEM veut permettre aux
personnes autochtones et immigrés de se rencontrer, de se connaitre et
d'échanger sur divers sujets que ce soit du fait de la participation
à la vie de l'association des voisins (dans celle d'El Cerezo, les
membres sont tous des habitants autochtones) ou dans le cadre d'une
activité ludique qui pourrait être, par exemple, un cours de
chant. Cela semble être une nouvelle manière de créer du
"vivre ensemble" essentiellement au sein des quartiers multiculturels.
Cette association a un poids important dans l'image du
quartier, nous y reviendrons dans le prochain chapitre. Pour continuer notre
développement sur l'amélioration de la cohabitation, il est
important de parler de l'Office des Droits Sociaux qui opère sur la
scène publique contre les inégalités.
c/ L'Office des Droits Sociaux (ODS): au coeur des
inégalités sociales
L'ODS est un collectif financé principalement par des
fonds propres mais également par des subventions de la mairie. Son
objectif premier est de faire connaître leurs droits aux habitants
concernant aussi bien le droit du travail que celui à la santé.
Les employés et bénévoles sont des éducateurs,
avocats, travailleurs sociaux ou simplement des personnes désirant
donner un coup de main. Cette association défend la justice des droits
sociaux et milite contre la précarité et la répression
dont sont victimes les immigrés. Les membres de l'ODS luttent pour que
tout le monde ait accès à des papiers, à un logement
décent et puisse circuler librement. Ils font des campagnes
dénonçant les injustices telles que la précarité
des employés domestiques, la répression policière dont
sont victimes les immigrés.
Ce collectif compte trois locaux dans la ville de
Séville. Leurs campagnes sont élaborées et soutenues par
d'autres organismes, entre autres Sevilla Acoge et Mad Africa.
Au niveau de la cohabitation entre voisins, ce collectif met
en place des ateliers de débats et réflexions pour "lutter
contre les stéréotypes" (Carlos, coordinateur ODS) sur des
thèmes variés comme par exemple: les immigrés prennent le
travail des autochtones. Il organise également des débats sur
différents thèmes comme les avantages et inconvénients de
l'immigration à Séville. "C'est une association de
revendications" (Carlos). Par ailleurs, le 1er avril 2011, ils ont
organisé le "jour contre la violence institutionnelle dont sont victimes
les
immigrés " et en mai, ils ont organisé la
fête de l'inter-culturalité à Séville. Ces
événements illustrent leur engagement pour la justice et pour
l'égalité des citoyens.
C'est pourquoi l'ODS s'intéresse plus
particulièrement aux quartiers et districts multiculturels de
Séville (Macarena, Bellavista, San Jerónimo, Cerro del
Águila, et Casco Antiguo). Récemment, cette association a
élaboré un projet qui met en avant des immigrés. Pour cela
les responsables de cette association ont répertorié les lieux de
rencontre des habitants, les établissements scolaires ainsi que les
initiatives culturelles prises dans ces quartiers (atelier, animation,
débats,...). L'objectif était de cartographier ces espaces de
regroupements et d'événements pour maintenant les faire
connaître à un plus large public. Toujours dans le cadre de ce
projet, un documentaire a été réalisé qui a pour
dessein de lutter contre les stéréotypes et de donner une image
de la réalité dans ces quartiers. Il s'intitule: Nuevos
vecinos en la plaza: barrios e inmigración en la ciudad de Sevilla
(Nouveaux voisins dans la place : quartiers et immigrations dans la ville
de Séville). Ce film a pour ambition de donner une image
positive de la multiethnicité en présentant les immigrés
comme les "nouveaux voisins". Il est ici question de présenter les
minorités ethniques, de favoriser leur intégration et
participation au sein de la ville en promouvant la cohabitation interethnique
avec la population autochtone.
Ce projet concerne notre étude car le quartier El
Cerezo figure parmi les espaces présentés dans ce documentaire.
Actuellement, les membres de cette association essaient de le diffuser
auprès d'un large public ; les principaux lieux ciblés sont les
locaux des associations humanitaires ou de voisins.
Ce projet s'inscrit dans les tentatives d'amélioration
du "vivre ensemble" et de la cohabitation, particulièrement dans les
espaces multiculturels. Pour rester dans le domaine associatif et dans les
projets de valorisation de la cohabitation multiculturelle, nous allons
à présent présenter un plan pilote qui a pour cible le
district de la Macarena.
2/ Le plan pilote de la Macarena : la tentative de
créer du « vivre ensemble » collectivement.
Avec pour objectif d'améliorer l'intégration des
immigrés à Séville et plus particulièrement dans le
district de la Macarena, différentes associations (ex: Acoge, ACCEM,
Cepaim) mettent en place des projets de coopération,
spécifiquement entre habitants de quartiers qualifiés de
multiculturels comme c'est le cas pour El Cerezo, El Rocio ou encore la
Palmilla (HUETE, 2011) . Ils sont parfois soutenus par la Mairie voire par la
Junta ou
encore par l'Union Européenne. "La cohabitation ne peut
pas être comprise sans l'interaction, sans laquelle nous ne pouvons
parler de partage d'un espace commun" (VECINA MERCHANTE, 2010, p.231). Ainsi,
l'intégration permettrait de cohabiter dans l'espace public.
a/ Définition de l'intégration
Dans le plan stratégique de la citoyenneté, le
concept d'intégration est défini de telle sorte :
"l'intégration n'est pas un état de causes à un moment
déterminé mais un processus social dynamique prolongé dans
le temps qui doit, d'une part, être constamment reproduit et remis
à neuf, d'autre part, exige un effort commun ou bidirectionnel
d'adaptation aux nouvelles réalités, tant de la population
immigrée que de la société d'accueil. De plus, produire
cet effort mutuel doit se faire dans les limites des valeurs fondamentales de
l'Union Européenne" (Ministère du travail et de l'immigration,
2007, p.26). Ainsi dans cette définition, l'intégration concerne
les immigrés mais également les autochtones qui doivent permettre
de la faciliter.
La chercheuse Maria Adoración Martinez Aranda qui
travaille pour l'Institut des Migrations et du Développement Social de
l'Université Autonome de Madrid (IMEDES) définit
l'intégration ainsi: "la plupart des définitions données
pour «l'intégration», qui font références aux
immigrants, se réfèrent au "devoir être" plutôt
qu'à "l'être", c'est à dire, qu'elles ne se centrent pas
sur l'analyse de la réalité. (...) L'intégration de la
population immigrée, indépendamment de l'aspect social,
économique, politique ou culturel, renvoie, d'un côté
à l'individu, de l'autre aux groupes qui sont identifiés par
nationalités, et enfin, au groupe que forme la population immigrante en
général. (...) Contrairement à la logique d
'«inclusion-exclusion», l'intégration propose une alternative
qui prend en compte le communautarisme comme forme d'intégration. (...)
L'intégration est un processus complexe, donnant lieu à
différentes modalités qui peuvent être permanentes ou
temporaires pour un individu ou un groupe de personnes. Par conséquent,
parler de l'intégration des immigrés en général
comme un ensemble homogène peut être simpliste, puisque nous avons
affaire à de nombreux facteurs différents" (MARTINEZ ARANDA,
2005, p.1 et 2). « L'intégration de personnes, d'immigrants dans un
corps social, se marque par leur insertion dans le système productif
ainsi que dans les lois et coutumes du lieu. Mais chacun a conservé
éventuellement son identité et son originalité
contrairement à l'assimilation » (BRUNET, 1993, p.450) qui est le
fait de devenir ou rendre semblable.
Cela signifie que l'intégration est relative à
l'ouverture des uns et des autres à la diversité culturelle dans
un respect réciproque en lien avec les droits et devoirs du pays
d'accueil. Elle se distingue ainsi de l'assimilation qui serait relative
à la disparition de la spécificité culturelle des
étrangers dans une société d'accueil. L'intégration
de personnes, d'immigrants dans un corps social, se marque par leur insertion
dans le système productif ainsi que dans les lois et coutumes du lieu.
Mais chacun a conservé éventuellement son identité et son
originalité contrairement à l'assimilation, qui implique une
soumission et une identification complète du corps dominant (Brunet,
1993). L'assimilation est délibérée ou plus ou moins
contrainte. On peut l'illustrer par le mythe du « melting- pot »
(Lévy et Lussault, 2003) où encore par l'image du "creuset",
symbolisant le mélange et métissage de différentes
cultures dans une même société.
D'après le Haut Conseil à l'Intégration,
les politiques d'intégration s'intéressent à ces questions
principalement pour maintenir une cohésion sociale au sein de leurs
sociétés "de sorte que chacun puisse vivre paisiblement et
normalement dans le respect des lois et l'exercice de ses droits et de ses
devoirs". Elles ne concernent donc pas seulement les immigrés mais
également les autochtones d'un territoire d'accueil. C'est pour cela
qu'il existe des personnes travaillant à des postes de médiateurs
culturels, profession encore peu reconnue qui fait le lien entre autochtones et
immigrés dans un espace délimité.
Comme nous l'avons vu, la ségrégation peut
être perçue de façon positive et amener à faciliter
l'intégration de certains étrangers. Ce concept dépend de
chaque situation. En outre, il semble difficile de faire des plans globaux et
il paraît plus adéquat d'adapter des projets à chaque
population qualifiée de "non intégrée".C'est ce que nous
tâcherons de démontrer maintenant.
b/ Projets de cohabitation pour améliorer le
"vivre ensemble"
Les questions d'intégration concernent la cohabitation
entre population d'origine différente. Le "vivre ensemble" comme
façon de cohabiter, de partager un espace, d'interagir avec ses voisins
est quelque chose de complexe21. "On peut déceler dans le
vivre ensemble, les prémices de la victoire des discours sur la
différence. Le Canada semble être le pays le plus concerné
à la tradition du "vivre ensemble", où il traduit la
volonté de faire coexister des origines multiples" (F. Abrioux dans:
PERRATON, 2009, p.139). C'est pourquoi il n'est pas
21 Cf: définition de l'intégration
p.56
une préoccupation nouvelle. Il est lié à
la «montée de l'individualisme» qui remet en cause la
capacité à vivre ensemble. Le vivre ensemble est le fait de
cohabiter entre personnes d'horizons variés: "la vie en
société a été et est un mélange enrichissant
des uns avec les autres, l'essentiel est de chercher à vivre ensemble"
(SANCHEZ ELIAS, 2005, p.97). Cette notion apparaît telle la manifestation
des interactions entre individus vivant dans un même espace urbain. Ce
serait le partage entre habitants d'un lieu (ex: un quartier) où
"l'interculturalité apparaît comme une possibilité de vivre
positivement dans une société plurielle" (SANCHEZ ELIAS, 2005,
p.98).
D'après l'humaniste Albert Boivin, «
l'émancipation et la promotion du vivre ensemble ne concernent pas
uniquement les pouvoirs publics ; elles sont l'affaire de chacun de nous »
(2009). C'est un fait en soi, tout le monde y est confronté de
manière plus ou moins forte en fonction du mode de vie et des
interactions en société de tout un chacun. La question du "vivre
ensemble" "concerne autant les rapports directs entre les individus que leurs
rapports dans l'espace public" (PERRATON, 2009, p.31). "On ne saurait
s'insurger contre le «vivre ensemble» parce qu'il cherche
plutôt à réconcilier, à ravauder, à
négocier, au contraire du conflit qui effraie"(F. Abrioux dans:
PERRATON, 2009, p.140).
Actuellement, à Séville, un plan pilote
nommé "barrios plurales" mené par quatre associations (ACCEM,
Anima Vitae, Sevilla ACOGE et CODENAF) tente de faire le lien entre les
immigrants et les autochtones en considérant que c'est collectivement
que peut se créer du "vivre ensemble". A l'initiative de la Junta, ce
plan est subventionné par la mairie de la ville, le gouvernement
autonome d'Andalousie, le Ministère du travail et de l'immigration et
l'Union Européenne. C'est le premier projet de ce type qui a pour cible
le district de la Macarena. En mai, cela fera deux ans que ce projet a
commencé, il a d'ailleurs été renouvelé
jusqu'à décembre 2011 "Il est semblable à un projet
financé il y a quelques années par le ministère de
l'emploi. La vraie nouveauté de ce nouveau plan pilote est la
mise en réseaux de différentes ONG et associations. Cela permet
de nous compléter et de ne pas faire la même
chose"(Ousseynou, coordinateur Acoge).
Le plan pilote de la Macarena axe ses projets suivant cinq
domaines : le juridique, l'éducatif, la santé, le dynamisme
communautaire et le travail. Par exemple, un de leurs projets est de permettre
aux clubs sportifs de la Macarena de pouvoir faire de la compétition
dans tous les districts de la ville. C'est la première fois qu'un tel
projet a pour exclusivité le district de la Macarena. Nonobstant, il
s'inscrit dans la continuité des projets associatifs menés par
différentes ONG telles ACOGE, CEPAIM ou encore ACCEM. Ces
associations mettent en place des projets de cohabitation dans les
différents quartiers de ce district.
Nous allons nous attacher à un des projets associatifs
qui prend place dans ce plan pilote. En travaillant sur la médiation
interculturelle, Aziz (marocain, médiateur interculturel) tente de
mettre en avant des espaces publics d'interaction comme les parcs, la porte
d'entrée des écoles, etc. Actuellement, le projet en cours est de
faire en sorte que les parcs et les associations de voisins deviennent des
lieux de collaboration et d'interaction entre les habitants. Ainsi, ces lieux
permettraient des nouvelles rencontres et pourraient générer de
nouveaux contacts entre habitants des quartiers de la Macarena sans
différenciation d'origine. D'après Andres (espagnol,
président de l'association des voisins du quartier El Cerezo), "la
multiculturalité se fait dans les parcs pour enfants et à la
garderie. Ce sont des espaces où les enfants jouent entre eux sans
différence de nationalité, les parents qui les surveillent sont
amenés à discuter par ce biais". Cela démontre
l'importance à accorder à ces espaces, bien qu'il y ait d'autres
lieux et manières d'agir pour créer du "vivre ensemble".
Ainsi, nous pouvons remarquer l'importance de la
présence des médiateurs interculturels. Leur rôle est de
tenter de mettre fin aux conflits. C'est pourquoi, ils sont en contact avec les
associations des voisins et qu'ils essaient également d'apparaître
"comme une référence" (Aziz) pour les jeunes mineurs
sans diplôme avec pour objectif de les mener vers des formations
(menuiserie, jardinerie, etc.).
Dans sa profession de médiateur culturel, Aziz tente,
en investissant les espaces publics, de créer des connexions entre
individus de différentes origines.
La notion de "vivre ensemble" apparaît ainsi comme un
idéal à atteindre dans ce type de quartier. Il tente d'amener
à une cohabitation et à la connaissance entre habitants d'un
même espace. L'intérêt que nous portons pour les
interactions entre individus dans les espaces multiculturels nous amène
à parler des conséquences urbaines suite à
l'arrivée des immigrés dans le quartier d'El Cerezo.
C/ Transformations urbaines du quartier El Cerezo
Le quartier El Cerezo a connu, essentiellement depuis
l'arrivée massive d'immigrés au cours des dix dernières
années, différentes transformations urbaines. Ces changements
sont dus autant aux politiques publiques qu'à l'impact des
immigrés au sein de cet espace. Ces
modifications peuvent être en partie la conséquence
de la situation spatiale de ce quartier, situé au centre du district de
la Macarena, proche de différents bâtiments publics.
1/ Une situation géographique avantageuse
El Cerezo est un quartier contourné par des axes
routiers importants menant vers les grandes dessertes urbaines de la ville
aussi bien pour se rendre dans le centre de Séville que pour partir en
direction des villes environnantes. Il est également bien desservi par
les transports en commun. Cette facilité d'accès permet de lutter
contre le phénomène de ghettoïsation qui est inexistant pour
cet espace. Cela est dû en partie grâce aux ouvertures vers le
reste de la ville que permettent les axes routiers.
a/ Un quartier proche des grands axes routiers et du
centre de la ville
La situation géographique du district lui donne des
avantages sur le reste de l'agglomération. En effet, le quartier est
proche du centre ville et possède de multiples connexions aussi bien
dans Séville que vers l'extérieur grâce aux multiples axes
routiers et aux transports en commun. Il est délimité par des
voies de circulation routière importantes qui lui permettent « une
connexion avec l'aire métropolitaine ainsi qu'avec le réseau
interne de la ville » (TORRES, 2011, p.92). Au Nord, la Ronda de
Circunvalación est un des axes principaux de la ville car elle rejoint
du côté Ouest, les autoroutes A.66 vers Caceres, A.49 direction
Huelva et A.4 pour se rendre à Cadix ; du côté Est elle
atteint la A.4 au Nord qui va vers Cordoue et la A.92 direction Grenade et
Malaga. Par ailleurs, l'avenue Torneo qui longe le fleuve et dessert le centre
ville, la circulaire Ronda de Capuchinos ainsi que la route de Carmona donnent
accès non seulement à la station ferroviaire de Santa
Justa22, mais également à la zone commerciale de
Nervión ainsi qu'au centre ville. Cela en fait donc un lieu de
proximité à l'intérieur de Séville capitale.
De nombreux autobus circulent dans et autour du district de la
Macarena. Les lignes radiales du Nord de la ville du numéro 10 à
16 relient cet espace périphérique au centre de la ville. De
plus, les lignes transversales 1, 2 et 6 contournent le centre ville et donc
rejoignent différents espaces périphériques de
Séville. Enfin, les lignes circulaires C1, , C3 et C5 passent par la rue
Resolana qui délimite le district au Sud de la Macarena, elles sont
utilisées principalement pour les déplacements
périphérie-centre ville.
22 Station ferroviaire la plus importante de
Séville, elle permet de se rendre à Grenade, Cadiz ou encore
Madrid.
Les lignes 1, 6, 10 passent autour du quartier El Cerezo et la
ligne 14, quant à elle, passe à l'intérieur du quartier
par la rue du doctor Jaime Marcos. Elles permettent au quartier d'être
relié au centre ville et à certains espaces
périphériques tel le district de Bellavista-la Palmera
au sud de Séville ou encore celui de Triana à
l'Ouest.
Pour les personnes enregistrées comme vivant à
Séville et ayant de faibles ou aucun revenu, il existe une carte
d'autobus adaptée Bonobus Solidario, attribuée sous
certains critères comme par exemple, être en recherche d'emploi,
percevoir moins de 720 euros mensuels, etc23. Cela permet à
de nombreux immigrés en situation de précarité d'en
bénéficier, ce qui leur facilite l'accès aux
différents quartiers de la ville et les encourage dans leurs
démarches administratives.
La ville a également mis en place un système de
location de vélo qui résulte "d'une proposition des habitants
de Séville (presupuestos participativos) validée dans
les 25% du budget de la mairie orienté pour les projets émanant
des idées et besoins des habitants" (Teresa, responsable de la
délégation des relations institutionnelles). Le Sevici
fonctionne de la même façon que les vélib' à
Paris24. Pour bénéficier de cette offre de service
Sevici, l'usager doit faire la demande d'une carte d'abonnement sur
internet (compagnie JCDecaux en partenariat avec la mairie de Séville :
www.sevici.es). Elle
coûte 25 € pour une année. Pour l'obtenir, il faut vivre
à Séville et pouvoir donner une caution de 150 €
récupérable en fin de contrat. La carte permet d'emprunter un
vélo à des bornes de libre service durant une courte durée
et d'avoir la possibilité de le déposer à une autre des
250 bornes de la ville, ce qui facilite les déplacements courts. Deux de
ces bornes se trouvant à El Cerezo cela permet par exemple, à
certains étudiants du quartier, d'aller à leur université
rapidement et aisément.
Tout cela permet une fois de plus de lutter contre la
ségrégation, en rendant facile d'accès une zone
géographique. Cela permet à de nombreuses personnes de s'y
rendre, aussi bien pour des achats dans les commerces spécialisés
que pour raisons personnelles (ex: rendre visite à un proche). De
surcroît de nombreux bâtiments d'utilité publique sont
concentrés dans le district de la Macarena ce qui donne de nouvelles
raisons pour venir en ce lieu.
b/ Un espace perméable au sein du district de la
Macarena
23 Voir les conditions sur le site internet de la
compagnie d'autobus:
http://www.tussam.es/index.php?id=160
24 La location de vélo se fait à partir
de bornes grâce à une carte d'abonnement ou par carte bancaire.
Cela permet le retrait de bicyclettes dans différents sites de la
ville.
Le district n'est pas seulement un espace "contourné"
puisqu'il est façonné d'avenues importantes, c'est de ce fait un
lieu de passage et d'arrêts pour accéder à certains
bâtiments publics.
- Un district traversé par des axes routiers
importants
Ainsi, l'avenue Doctor Fedriani, qui passe à l'Ouest
d'El Cerezo, connecte le Nord de la ville avec le centre historique au niveau
de la porte de la Macarena où se trouve une église, dont il se
dit que c'est la plus célèbre de la ville. Quant à la rue
Leal Castaño, passant au Sud du quartier El Cerezo, elle va du
Guadalquivir à l'Ouest du district jusqu'à l'axe de l'autoroute
A.4 à l'Est-ce qui en fait également un axe de forte affluence
routière.
Ces deux axes sont perpendiculaires à l'angle Sud Ouest
du quartier El Cerezo d'où il est possible d'observer l'importance du
trafic routier (TORRES, 2011). Ce sont également des voies
d'accès qui permettent d'améliorer les connexions entre les
quartiers du district et le reste de la ville, ce qui facilite les trajets
professionnels des habitants.
Les axes précédemment cités sont
également des points d'entrée vers les infrastructures
principales du district tels l'hôpital universitaire Virgen Macarena, le
Parlement d'Andalousie, l'école officielle de langues (avenue Doctor
Fedriani), la faculté de médecine, celle dentaire et
prochainement l'école d'infirmières. Tous ces bâtiments
sont regroupés dans la moitié Ouest du district. Pour
accéder à ces espaces, il faut parfois se stationner dans des
quartiers environnants tel El Cerezo pour l'école officielle de langue
ou encore l'hôpital. Ce sont des lieux qui encouragent aux
déplacements de personnes extérieures, ce qui permet de
revaloriser certains quartiers du district (logements, restauration, etc.).
Ainsi, ces lieux permettent de lutter contre la ségrégation
urbaine en augmentant la fréquentation de ces espaces.
- Projet d'ouverture des quartiers du district de la
Macarena via le métro
Un des projets de la ville de Séville et de la Junta
d'Andalousie par le biais de la délégation du ministère
des travaux publics serait d'agrandir le réseau de métro.
En effet, il est actuellement composé d'une seule
ligne, la numéro une, qui traverse la ville d'Ouest en Est, de la
station Ciudad Expo à la station Olivar de Quinto. Elle a
été mise en service en avril 2009.
La ville de Séville a pour intention d'agrandir le
réseau de métro par la construction des lignes 2, 3 et 4. Ces
projets ont été validés en même temps que celui de
la ligne 1 en 2002 par la Communauté Autonome Andalouse. Construire une
ligne représente des coûts considérables de l'ordre d'un
milliard d'euros par ligne.25 C'est pourquoi, le projet de
construction des trois autres lignes est toujours en cours d'élaboration
avec comme priorité la construction de la ligne 3 car elle desservira
l'axe Nord-Sud.
Les lignes 3 et 4 passent par le district de la Macrena et se
rejoignent au niveau du carrefour où commence le quartier d'El Cerezo
-délimité sur le plan ci-dessous en vert- entre l'avenue du
Doctor Fedriani et la rue du Doctor Leal Castaño. Elles
représentent une ouverture vers le reste de la ville et favorisent ainsi
les déplacements des habitants du district.
Cartographie 6 : Plan prévisionnel des futurs
lignes de métro dans le district de la Macarena
Source: Affiche de présentation du futur plan de
métro dans le district de la Macarena. Junta d'Andalousie,
délégation du ministère des travaux publics, photographie
personnelle (c)Bouchet-Wacogne Matthieu.
Il serait intéressant de voir quel sera l'impact
engendré par ces futurs réseaux de transports en commun aussi
bien sur les trajets des habitants que sur les quartiers eux-mêmes. Cela
devrait occasionner un nouvel attrait pour les logements dans cette zone,
une
25 Budget et projets des lignes de métro sur le site
internet: http://www.metrodesevilla.org/
augmentation dans les coûts des loyers ainsi qu'un
éventuel renforcement de la position de "cité dortoir" de ce
district.
Bien qu'il soit difficile de se projeter dans l'avenir, la
création de ces lignes de métro renforcera certainement la
fréquentation de ces quartiers et joueront ainsi un rôle de
désenclavement, de lutte contre la ségrégation en
renforçant les connexions entre les différentes zones de la
ville.
2/ Des changements urbains visibles
Depuis les années 2000, période d'arrivée
de nombreux immigrés dans le district de la Macarena et
particulièrement dans le quartier El Cerezo, des transformations
urbaines visibles ont eu lieu. A titre d'exemple, en 2008, dans le quartier El
Cerezo, l'ancien stade de football qui était en face de l'école
de langues, avenue Doctor Fedriani, est devenu un parc pour enfants. En effet
"il y a trois ans c'était un stade de foot mais les voisins se
plaignaient du bruit" (Gabi, équatorien, volontaire Acoge).
L'ancien stade, à en écouter les habitants, servait de lieu de
regroupement à des jeunes qui y consommaient de l'alcool et
dérangeaient le voisinage, maintenant ils iraient dans des quartiers
plus au Nord du district tel San Jeronimo. Ceci est l'un des changements
urbains qu'on peut observer dans ce quartier, nous allons en évoquer
d'autres ayant également des répercussions dans les espaces
publics.
a/ L'évolution des espaces publics en espaces
« fermés »
Au début des années 2000, différents
plans de réaménagement des espaces publics ont eu lieu dans
différents quartiers de la Macarena comme celui d'El Cerezo.
Les bancs publics ont été retirés dans de
nombreux quartiers de la Macarena sous prétexte d'«
éviter que les alcooliques et toxicomanes qui se faisaient soigner
à l'hôpital de la Macarena viennent dès leur sortie s'y
asseoir" (Aziz, marocain, médiateur ACCEM). Actuellement, il n'est
possible de s'asseoir que dans deux des trois parcs pour enfants d'El Cerezo.
Par ailleurs, dans les espaces dits "ouverts" du quartier il n'y a pas de banc.
En effet, les seuls endroits pour s'asseoir restent les chaises en terrasses
des bars et restaurants, qui sont des zones en principe réservées
aux consommateurs.
Nous pouvons y voir, de ce fait, une forme de lutte contre les
rassemblements dans l'espace public (ex: botellon26) ce qui peut
engendrer un manque à gagner de même qu'une déconcentration
urbaine vers de nouveaux espaces comme c'est le cas en direction des quartiers
du district Macarena Norte.
En ce qui concerne les grillages qui encerclent les places
publiques, ils auraient été mis en place pour que "les jeunes
de ces quartiers ne dégradent pas ces espaces, on peut parler de
ségrégation générationnelle mais pas
ethnique". Ces deux mesures "résultent d'un certain refus de
l'autre" dans des justifications "détournées" de la
réalité (Aziz). Le montage photos ci-dessous illustre ce constat
dans les trois espaces de jeux pour enfants du quartier. Ces structures sont
généralement très utilisées, en partie grâce
au climat ensoleillé du sud de l'Espagne. Par conséquent, il
apparaît normal de mettre un système de protection pour
éviter que les enfants sortent seuls du parc et ne risquent ainsi un
accident. Mais ce qui est étonnant, c'est la hauteur de ces
barrières d'environ deux mètres, au lieu d'un mètre
habituellement, qui bloquent l'accès à toutes personnes. Elles
sont donc un moyen de contrôle ne permettant le passage des usagers que
par les portes d'entrées et de sorties.
Les photos qui sont en haut à gauche et en haut
à droite montrent les aménagements qui ont été
faits pour limiter l'accès à certains espaces. Le grillage de
forme rectangulaire le long du trottoir de l'avenue du Doctor Fedriani
empêche les personnes de traverser la rue à n'importe quel niveau
et ne permet pas de s'asseoir le long du mur. Le grillage installé en
bas des escaliers qui donnent accès à la place de Punta Umbria,
quant à lui, limite les possibilités de regroupement à cet
endroit. Le peu d'espaces disponibles qui n'aient pas la fonction de
"trottoirs"(lieux de passage) dans El Cerezo sont délimités par
des obstacles, laissant peu de possibilité pour se réunir.
"Mettre des barrières ressemble à une prison, c'est plus
triste, c'est un espace public mais au final non." (Rober, bolivien).
Cette réaction témoigne du ressenti que peuvent avoir certains
habitants de ces quartiers. Les espaces publics leur semblent «
verrouillés », ce qui montre l'aspect négatif des
barrières.
26 Botellons : rassemblements de personnes pour
consommer des boissons alcoolisées dans des espaces publics.
Planche photo 1: El Cerezo, un espace aux nombreuses
barrières
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
"Ainsi, l'espace public a perdu sa qualité de
socialisation, il a vieilli et il est l'objet d'une plus grande vigilance
policière : le retrait des bancs, la délimitation de certains
espaces publics et la gestion de certains par les associations de voisins
majoritairement autochtones" ont transféré "les problèmes
d'usage de l'espace public dans d'autres zones qui se doivent d'absorber ce que
le district de la Macarena ne peut plus offrir" (SALINAS, 2008, p.7). Par
conséquent, ces espaces publics deviennent des espaces fermés
voire "surveillés" créant ainsi un manque de zone "libre"
où il serait possible de se réunir dans le respect de chacun. De
plus, les problèmes qui étaient présents dans ce district
avant ces aménagements se retrouvent dans le district Macarena Norte ce
qui n'a fait que les déplacer au lieu de les résoudre.
b/ El Cerezo : centre commercial de la Macarena
El Cerezo est le quartier de la Macarena qui enregistre le plus
grand nombre de commerces en terme de densité urbaine. C'est un lieu de
concentration commerciale.
Par ailleurs, malgré la petite taille du quartier, El
Cerezo est un quartier où se trouvent « 143 locaux commerciaux pour
1185 logements » (TORRES, 2011, p.125), ce qui en fait un espace
commercial non négligeable pour le district dans lequel il s'inscrit.
La carte ci-dessous, issue de la recherche de Francisco Torres
(2011) nous montre la répartition des commerces dans le district de la
Macarena. Le quartier d'El Cerezo, délimité en rouge,
apparaît comme l'espace de regroupement de la majorité des
commerces du district. Les triangles en jaune représentent les commerces
ethniques (tenus par et principalement à destination des
immigrés) et les ronds noirs les commerces espagnols. Ainsi, cette carte
légitime l'aspect multiculturel du district.
Cartographie 7: Répartition des commerces dans
la zone centrale du district de la Macarena en 2008
Source: El Distrito Macarena de Sevilla, Migraciones
recientes y transformaciones urbanas sociales , Torres, 2011 p.123
Au total il y a seize bars, quatre coiffeurs, quatre
boucheries Halal, une crèche, un bureau de tabac, un supermarché
(Dia), trois bazars, des boutiques d'appels et d'envois d'argent à
l'étranger etc. Dans ces commerces, travaillent environ 1000
personnes.
Par ailleurs, avec ces 160 commerces, il est dit de cet espace
que "c'est le centre commercial de la Macarena" (Andres,
président de l'association des voisins d'El Cerezo). Il y a encore peu,
200 commerces étaient en activité, certains ont dû fermer
suite à des contrôles de licences de la part des forces de l'ordre
motivées par l'association de voisins du quartier indignée des
horaires d'ouverture tardives de certaines boutiques et de la multiplication
des services dans un même lieu, augmentant la concurrence entre vendeurs.
Au sujet des
commerçants, certains vivent dans le quartier mais la
majorité vit en dehors ce qui les confronte aux problèmes de
stationnement du quartier, point que nous aborderons ultérieurement.
c/ les commerces ethniques : illustration d'un espace
mondialisé
Dans le district de la Macarena, "le phénomène
d'augmentation de la population étrangère s'est produit avec une
grande rapidité, de la même manière que les transformations
qu'elle a induit." (SALINAS, 2008, p.7). Cela concerne particulièrement
le quartier d'El Cerezo où la diversité culturelle se
révèle grâce aux enseignes commerciales et la
diversité des commerces ethniques.
Ce quartier commercial multiethnique comprend aussi bien des
commerces qui répondent aux besoins spécifiques des Espagnols
qu'à ceux des clients d'origine d'Amérique latine, d'Afrique,
etc. (ex: les boucheries Halal, la boulangerie équatorienne, etc.). Les
commerces ethniques sont des solutions professionnelles non négligeables
pour les immigrés puisqu'ils créent des emplois répondant
aux demandes des populations. Malgré cela, ouvrir un commerce n'est pas
chose facile, "la moindre activité qu'on met sur pied en deux ou
trois semaines, la police y met fin avec n'importe quel alibi" (Alain,
Camerounais). Les commerçants sont soumis à des
vérifications de licences. Nonobstant ceci, nous pouvons observer dans
le quartier de nombreux commerces ethniques.
Planche photo 2: Illustration de la
multiculturalité du quartier: les enseignes commerciales
internationales
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
Les boutiques d'envois d'argent vers l'étranger et
celles d'appels, très présentes dans ce quartier (parfois les
deux se retrouvent sous la même enseigne) répondent principalement
aux besoins des populations immigrées. Elles permettent de garder un
contact entre le lieu de vie des usagers et leurs pays d'origine.
Planche photo 3: Illustration de l'importance des
lieux de connections entre Séville et le pays d'origine
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011 (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
De ce fait, il semble que tout ces commerces permettent un
"mieux vivre" de la population immigrée, "c'est facile de trouver
des magasins adaptés à nos besoins, c'est le quartier le plus
compatible pour nous" (Zico, marocain). Cela donne au quartier un aspect
de "forteresse de l'immigration": Alain (camerounais), témoigne:
"comme conseil je dirais à n'importe quel immigré que c'est
le lieu où il peut trouver refuge". Nous reverrons dans le
troisième chapitre les descriptions faites du quartier en fonction des
perceptions des habitants. C'est pourquoi, suite au nombre et à la
diversité de ces commerces, cet espace serait le plus apte à
répondre aux besoins des immigrés en ce qui concerne la
nourriture et les services que proposent les différentes enseignes
(coiffeur, téléphone, envoi d'argent, etc.).
Les deux montages photos ci-dessus montrent des enseignes
commerciales qui sont autant de marqueurs multiculturels que de symboles de la
diversité des nationalités qui composent le quartier. Ils nous
montrent ainsi comment les différentes communautés
ethniques se sont appropriées cet espace
mondialisé où il est possible de trouver des produits provenant
des quatre coins du monde.
Ces commerces représentent également « une
possibilité de rencontre entre les habitants de différentes
origines et entre les commerçants et les clients» (TORRES, 2011,
p.129). Malgré cela, dans la recherche menée, entre autre, par
Francisco Torres (2011), les auteurs mettent en avant le manque de connexions
entre commerçants car ils n'ont pas d'association propre à leur
activité dans cette zone et la seule entité disponible reste
l'association de voisins du quartier.
Par conséquent, les enseignes commerciales nous
indiquent la diversité ethnique et son importance à
l'intérieur d'El Cerezo. Bien qu'ayant une forte influence dans le
quartier, les immigrés sont toujours stigmatisés ce qui laisse
une "barrière" entre eux et les autochtones. A cela, s'ajoute le peu
d'espace public non délimité par des obstacles qui
créé un manque pour les habitants désireux de se regrouper
entre eux. Pour y pallier certaines personnes, comme des groupes de
Camerounais, se retrouvent place Punta Umbria.
3/ La place de Punta Umbria: illustration des
transformations urbaines et sociales
La Place de Punta Umbría est certainement le lieu le
plus symbolique du quartier aussi bien pour l'aspect multiculturel, conflictuel
ainsi que pour celui des transformations urbaines.
Cet endroit est très présent dans la presse car,
entre autres, nous y retrouvons l'association des voisins, le local des
associations Acoge et Cepaim et un des parcs pour enfants qu'utilise la
crèche, située également sur cette place. (TORRES, 2011).
Bien que se trouvant au Sud du quartier, elle est la place centrale du
quartier. Il y a, à titre d'exemples, des commerces de produits
d'Amérique Latine (Mundo latino, etc.), d'autres d'Afrique subsaharienne
(Faith Afro Line, Afro American cosméticos, etc), des centres d'appels
(locutorio latino, etc.), une droguerie espagnole, un supermarché "Dia"
ainsi que la garderie. Tous ces lieux cités sont des pôles
d'attraction puisqu'ils attirent aussi bien les habitants du quartier que ceux
des quartiers voisins pour effectuer des achats ou se rendre dans les locaux
d'utilité publique que sont les associations et la garderie.
a/ Espace aux multiples changements
Deux églises évangélistes place Punta
Umbria et rue playa de Mazagon au Sud-Ouest du quartier recevaient des
populations principalement d'origine africaine pour célébrer le
dimanche, une messe dans des rythmes musicaux (utilisation de percussions,
etc.). En lien avec l'augmentation de l'immigration à Séville,
ces messes eurent de plus en plus de succès. Mais, suite à des
plaintes de la part du voisinage et du fait de l'étroitesse de ces lieux
au vu du nombre grandissant de fidèles, elles ont été
transférées en 2008, d'après Ousseynou (coordinateur
Acoge) dans le quartier San Jeronimo plus au Nord du district de la
Macarena.
Une épicerie espagnole, implantée depuis environ
trente ans sur la place, vendait il y a encore dix ans, des produits espagnols.
Suite à l'arrivée massive d'immigrés depuis les
années 2000, majoritairement en provenance d'Amérique du Sud, le
propriétaire du magasin à décidé de modifier son
commerce et d'y vendre des produits d'origine d'Amérique du Sud et ainsi
de faire venir une nouvelle clientèle. Le magasin se nomme actuellement
"Mundo Latino". "Au cours des années, on a adapté notre
marchandise à la population du quartier" (Monsieur X, espagnol,
commercial).
En ce qui concerne le commerce "Afro American Cosmetic",
à son ouverture ce n'était qu'un simple salon de coiffure tenu
par des personnes d'origine nigériane. "On n'est pas
énormément ici mais quand j'ai vu que les nigérians
allaient à Madrid acheter des produits de notre pays je me suis dis que
j'allais monter mon magasin" (Doris, nigériane, reportage de Canal
Sur, 2010). Au vu de ces besoins, ce salon s'est transformé en vrai
commerce qui assure actuellement les fonctions de centre d'appel
téléphonique et d'envoi d'argent s'ajoutant aux activités
précédemment citées.
b/ Le parc pour enfants : espace central de la
place
Le parc pour enfants, situé au centre de la place
fût durant quelques mois en 2009, fermé le midi, en plus de
l'être la nuit (principalement pour restreindre les bottelons). En effet,
ce lieu qui est clôturé par des barrières, était
utilisé comme point de rendez-vous pour déjeuner de même
que comme zone de rencontre la nuit. Sa fermeture provisoire le midi provient
d'une demande de l'association de voisinage pour limiter à nouveau les
dégradations. Cela n'a pas duré car en étant fermé
régulièrement à l'heure du déjeuner, les
travailleurs de l'entreprise publique de la mairie Lipasam, s'occupant de
l'entretien des espaces publics, ne
pouvaient plus y accéder et donc ce lieu devenait sale.
La saleté devenant une nouvelle source de problème, il a ainsi
fallu rouvrir ce parc en journée.
De plus, depuis un an, il est "réservé" de 10h
à 12h pour les enfants de la crèche situé en face de
l'entrée de ce lieu, cela leur permet l'accès à
l'extérieur dans une zone délimitée et donc plus facile
à surveiller. Pour que cet espace convienne à des enfants en bas
âges, il est nécessaire qu'il reste propre et en bon état
pour éviter toute forme de danger lié à du matériel
défectueux comme le bois utilisé pour les structures de jeux ou
encore le fer des barrières.
Les contraintes de ce temps de récréation
utilisé par la crèche et les fermetures la nuit rendent ce parc
de moins en moins disponible pour les habitants du quartier, leur limitant
ainsi l'accès aux rares bancs publics se trouvant dans El Cerezo.
c/ Du partage à la répression
La place Punta Umbria est un lieu de rencontre où se
retrouvent principalement certains immigrés d'origine camerounaise mais
également les amateurs de football. En effet, un bar de supporters de
l'équipe de football de Séville où sont diffusés de
nombreux matchs se trouve sur cette place, c'est une Peña Sevillista.
"Deux fois par mois on se regroupe entre immigrés africains pour
parler de nos problèmes plaza Punta Umbria. On y vient également
tout les samedis après nos matchs de foot. " (Alain, camerounais).
Cela montre le soutien qui peut exister entre immigrés de même
origine géographique (ici, d'Afrique subsaharienne). Ces rencontres
permettent de résoudre des problèmes à plusieurs,
d'échanger des offres d'emploi, etc. Nous pouvons qualifier ce
phénomène de ségrégation positive puisque le but de
ces moments est de s'entraider pour ainsi améliorer ses conditions de
vie ou celles des autres.
C'est également dans cet espace que se situent les
locaux de l'association des voisins et celle des fondations Acoge et Cepaim.
Les conflits qui ont lieu sur la place Punta Umbria sont
actuellement moindre comme il est possible de le remarquer chaque jour en ce
lieu. En effet, au vu de l'augmentation de la présence policière
dans le quartier qui « limite l'utilisation de cet espace public »
(TORRES, 2011, p.128), les tensions sociales ont diminuées. " Il y
avait des conflits par rapport au bruit, avant les jeunes qui buvaient
squattaient la place Punta Umbria. Maintenant avec l'aménagement des
barrières, c'est plus tranquille. La police passe plus souvent, ils
contrôlent les papiers. Les jeunes ont changés de lieu, ils vont
dans d'autres quartiers". (Betty, équatorienne).
Par ailleurs, d'après un article du journal "el
diario" de 2005 ayant pour titre "El Cerezo se vuelve global"
(EURABIA, 2005), les plaintes concernaient principalement la forte
émission de musique en provenance de divers appartements. De plus,
l'utilisation de la place Punta Umbria comme lieu de botellon donnait place
à des disputes ainsi qu'à la dégradation de cet espace
public.
Des mesures ont alors été prises il y a quelques
années pour mettre fin aux conflits liés au bruit et à la
concentration d'étrangers sur cette place. Ce sont principalement
l'association de voisins du quartier en lien avec la délégation
de l'environnement de la mairie et les forces de l'ordre qui sont intervenues.
Les mesures concernaient notamment la restriction des heures d'ouverture au
public du parc pour enfants situé au centre de la place. De plus, des
contrôles de licences ont été effectués dans
certains commerces pour vérifier qu'ils étaient en règle
selon ce qu'ils vendaient. A cela s'ajoute une forte répression
policière faisant régulièrement des rondes dans le
quartier et vérifiant les papiers d'identité des
étrangers. Ces interventions nous indiquent l'existence de conflits
liés à la multiculturalité mais également des
problèmes de discrimination que subissent certains immigrés.
En outre, ces mesures montrent que les habitants du quartier
observent ce qui se passe dans leur espace de vie quotidienne et que certains
n'hésitent pas à dénoncer des situations illégales,
comme le propriétaire de la droguerie de la place Punta Umbria qui a
été suspecté d'héberger des immigrés
clandestins d'Afrique subsaharienne. Après des plaintes provenant de
voisins du quartier, "une vérification a été faite mais
n'a rien révélé". (TORRES, 2011, p129). Tout ceci est
lié aux conflits entre habitants dont est victime ce quartier. Nous
reviendrons sur certaines querelles dans la seconde partie du chapitre
suivant.
Nous pouvons en conclure qu'il est important de
connaître ses voisins pour éviter ainsi de les suspecter pour
d'innombrables raisons et souvent sans preuves. Les associations humanitaires
ont un rôle important à jouer pour limiter les accusations entre
habitants et surtout, faire en sorte que ne s'installe pas un climat de
méfiance dans les quartiers multiculturels. Pour cela, les projets et
actions des associations qui portent sur la cohabitation multiethnique sont
essentielles pour limiter les conflits et lutter contre les
stéréotypes. Les spécificités de la place Punta
Umbria et les changements qu'elle a subis nous permettent d'annoncer la suite
de notre recherche qui concerne les représentations qu'ont les habitants
de leur quartier, les conflits présents dans cet espace et la
préoccupation envers les jeunes dans les inquiétudes liées
au "vivre ensemble". Pour cela nous allons analyser les discours des habitants
et mettre en relation avec les faits.
Chapitre III : Représentations et pratiques
liées à
l'immigration dans le quartier d'El Cerezo
En connaissance du poids de l'immigration dans le quartier El
Cerezo et des acteurs locaux qui interviennent sur le plan de la
multiculturalité dans cette zone, nous allons pouvoir nous
intéresser aux pratiques des habitants dans leur quartier ainsi
qu'à leur représentations. Ceci devrait nous permettre de savoir
si les immigrés sont victimes ou non de mise à l'écart et
dans quelle mesure. Il sera donc possible de déterminer s'il s'agit
d'une vraie multiculturalité ou de ségrégation sans
interaction entre communauté ethnique. De plus nous devrions être
amené à savoir si les conflits s'estompent ou non avec la
connaissance de "l'autre".
A/ Effets de la multiculturalité pour El
Cerezo
La majorité des magasins du quartier sont fermés
l'après midi entre 14h30 et 17-18h comme le veut la coutume espagnole
à l'heure de la sieste. Durant ce laps de temps, les rues du quartier
sont "désertes" tout comme le sont les rues commerçantes du
centre ville. C'est le moment où ceux qui ne font pas la sieste ont
davantage de temps pour discuter, ce fût donc un temps adapté pour
effectuer quelques entrevues ainsi que pour proposer aux habitants et
employés des quelques commerces restés ouverts, de remplir un
questionnaire.
1/ Le point de vue des habitants dans leur choix et leur
représentation du quartier El Cerezo
Choisir un espace de vie se fait en fonction de
critères variés (économiques, familiaux, etc.). Ensuite,
connaître son quartier et le décrire, dépend de
l'utilisation que chaque individu en fait. "Une formulation unanime de
l'habiter n'existe pas pour les différentes disciplines qui abordent la
notion : philosophie, géographie, sociologie, anthropologie,
psychosociologie, psychologie environnementale, architecture. Chacun en fait
usage à son gré, l'entendant selon ses méthodes et ses
objets" (HEROUARD, 2007, p.159). Ainsi, l'espace de vie des habitants d'un
quartier va se construire en lien avec leur manière de l'habiter,
c'est-à-dire la façon dont ils vont utiliser cet endroit, les
interactions qu'ils auront ou encore les déplacements qu'ils
réaliseront dans cette zone. Tout cela va permettre de se forger une
opinion personnelle d'El Cerezo et de leur propre espace de vie.
a/ Les raisons de la venue des habitants dans le
quartier
Venir vivre dans un quartier n'est pas neutre, les raisons
sont variées. L'une d'elles serait le profil économique de ces
espaces, quartiers anciennement ouvriers de classe moyenne. De plus, "beaucoup
d'anciens résidents ont opté pour un meilleur logement mettant
leur ancienne résidence en location" (HUETE, 2011, p.22) ce qui a
libéré des logements les rendant ainsi disponibles. Depuis
plusieurs années, dans divers quartiers du district de la Macarena, "les
propriétaires essayent de louer ces logements à des
étudiants, situation qui ne les oblige pas à réaliser des
rénovations trop importantes(...) au détriment de la
qualité de ces immeubles". La dégradation des logements aurait
généré une baisse "de l'offre résidentielle
étudiante (...) en favorisant l'ouverture de ce marché pour un
autre secteur demandeur : les immigrés"(HUETE, 2011, p.23). Les
étudiants recherchent des appartements convenables, c'est-à-dire
conforment à leurs attentes en matière d'hygiène et de
propreté. Les propriétaires refusant de faire des travaux de
rénovation dans des habitations où cela semble nécessaire,
ils doivent à présent trouver des locataires moins exigeants
comme peuvent l'être certains immigrés.
Lors d'un diagnostic sur la population immigrée
résidant à Séville (HUETE, 2008), un questionnaire a
été complété par des habitants immigrés de
certains quartiers dont celui d'El Cerezo. Les résultats ont
révélé que les principaux motifs de la venue des
immigrés en Espagne et à Séville plus
particulièrement, sont d'ordre économique et socioculturel
(retrouver leurs famille ou amis) : 61% de ces immigrés se sont
installés dans tel ou tel quartier par rapport au coût immobilier
« accessible » et 73% d'entre eux expriment que leur choix a
été motivé par la présence d'un proche dans ce
quartier. "Pour établir domicile en un lieu, les citoyens prennent en
compte le réseau d'appui sur lequel ils vont pouvoir compter, qui dans
le cas des personnes immigrées pourrait être des personnes du
même pays d'origine" (HUETE, 2011, p.20).
Les résultats obtenus suite au questionnaire que nous
avons réalisé en mars 2011 auprès de personnes du quartier
El Cerezo27 sont similaires. Les réponses des autochtones
interrogés correspondent principalement à des choix
professionnels, familiaux et économiques (prix des logements et des
loyers). Par ailleurs, en ce qui concerne les immigrés, leurs raisons
sont analogues, bien que le nombre de commerces ethniques ainsi que le
phénomène de
27 Question 11 du questionnaire disponible en annexe p. 114 :
Pour quelles raisons avez-vous décidé de
vivre dans ce quartier?
mutation urbaine lié au développement
économique28 soient également à prendre en
considération. "La communauté étrangère montre, par
l'importance de sa présence dans cette zone, la nécessité
de maintenir un contact avec d'autres membres de son groupe ethnique. Cette
situation permet l'accès à l'information, le partage de
ressources et la possibilité ou la facilité de trouver un
emploi." (HUETE, 2011, p.23) Nous pouvons alors parler d'agrégation qui
comme nous l'avons vu dans le chapitre I, peut s'avérer être un
élément positif dans l'intégration de population dans un
nouvel espace urbain.
Par ailleurs, l'enquête de la chercheuse, Maria-Angeles
Huete, met également en évidence le fait que les immigrés
perçoivent l'Espagne comme une société d'accueil.
Malgré cela, ils disent se sentir discriminés lorsqu'il s'agit
d'obtenir un logement ou de trouver un emploi. Ces résultats
correspondent aux réponses obtenues lors de notre enquête. De
plus, la présence de nombreux commerces spécialisés dans
le quartier El Cerezo mais également dans le district de la Macarena est
également un argument pour venir vivre dans cette zone, bien qu'il soit
d'ordre secondaire. "J'aime le fait de vivre ici car je peux manger de la
nourriture de différents pays" (Angelines, espagnole). "Si je
n'ai pas le temps de manger je peux m'acheter un kebab, en centre ville il y en
a quasiment pas" (Zico, marocain). L'accès à certains types
de nourriture constitue ainsi un avantage pour les habitants leur permettant en
partis de s'approprier le quartier.
b/ Le quartier : un espace d'appropriation
Toute personne possède son propre espace de vie qu'elle
se constitue en fonction de ses pratiques sociales. La territorialité,
"est ce qui relie des lieux éventuellement éloignés les
uns des autres et parfois de soi, pour former nos parcours individuels et
collectifs (...) en nouant des liens avec les lieux, quelqu'en soient
d'ailleurs les modalités" (ROZENHOLC, 2005, p.32). Habiter un lieu et
effectuer des déplacements est une forme de fabrication de son propre
territoire. Les liens créés dans son quartier vont permettre une
identification au lieu.
D'après le géographe Armand Frémont,
cette identification au lieu ferait partie de "l'espace vécu" qui serait
la zone que s'approprie chaque habitant, influencé par la
société dans laquelle il se trouve. Ce serait donc l'espace dans
lequel se déplace, vit et se reconnait chaque individu, cela peut
être un appartement, des rues, une place, un parc ou encore le lieu de
travail. Il est donc subjectif puisqu'il découle des
représentations de tout individu dans un
28 Cf: chapitre I, partie A/ 3/ b/
"espace perçu" qui dépend de la manière
personnelle de chacun de voir et vivre dans un espace. Sa terminologie "rompt
avec la primauté spatiale accordée par la géographie
vidalienne. Elle insiste sur les rapports 'intimes' que les hommes tissent avec
leur espace de vie" (HEROUARD, 2007, p.161). La notion d'espace vécu
s'intéresse à l'homme, à ses pratiques, à ses
perceptions et non plus seulement à la description de son espace de vie.
"L'homme n'est pas un objet neutre (...). Il perçoit inégalement
l'espace qui l'entoure, il porte des jugements sur les lieux, il est retenu ou
attiré, consciemment ou inconsciemment" (FREMONT, 1976). Dans son
ouvrage29, il parle de l'espace vécu en prenant comme espace
la région : "la région, si elle existe, est un espace
vécu. Vue, perçue, ressentie, aimée ou rejetée,
modelée par les hommes et projetant sur eux les images qui les
modèlent". Dans notre recherche, et en reprenant ses propos, nous
pouvons dire la même chose d'un quartier, et c'est entre autre, avec
l'expérience des habitants que nous pouvons décrypter comment cet
espace existe au sein de la ville. "L'espace vécu, dans toute son
épaisseur et sa complexité, apparaît ainsi comme le
révélateur des réalités" (FREMONT, 1976). Dans
l'espace vécu, se "réalise une maximisation des interactions
sociales et qui est un espace défini «du dedans» par ses
habitants" (LELIEVRE, 2005, p.1). Il peut se refléter
dans des dessins suite à une enquête oüle sujet
doit dessiner par exemple, son quartier et à partir duquel il est
possible de connaître
"l'espace vécu" de l'enquêté à une
échelle restreinte. Il est donc important de situer
l'enquêté en fonction de son "espace actuel (...) défini
par le lieu de résidence, d'activité actuelle, de
résidence actuelle de ses parents, de ses enfants, de ses frères
et soeurs et des parents de son conjoint, ses résidences secondaires
actuelles, ainsi que les autres lieux cités qu'il/elle fréquente
au moment de l'enquête. Le lieu de résidence de l'individu est
alors un point central de cet espace de vie, le lieu de départ et de
retour de la majorité de ses déplacements" (LELIEVRE, 2005, p.9)
qui serait d'après Poulain (cité dans LELIEVRE, 2005, p.9) "le
centre de gravité de l'espace de vie de l'individu".
Ainsi le lieu de vie au sein d'un quartier prend toute son
importance. En effet, c'est dans cet espace que se passent de nombreuses
interactions entre habitants. L'échelle du quartier peut faciliter la
compréhension des changements urbains mais peut aussi aider à
connaître le rôle des acteurs ou encore à saisir les
perceptions des habitants.
De plus, pour reprendre les termes de la chercheuse Caroline
Rozenholc dans sa thèse sur le quartier de Florentin situé
à Tel Aviv en Israël : "c'est ce mélange d'individus
différents,
29 Une partie de son ouvrage La région, espace
vécu, de 1976 est repris dans un article de
l'encyclopédie
électronique: Hypergeo (voir bibliographie).
de modes de vie et de pratiques spatiales, qui fait
l'irréductibilité de ce lieu à d'autres lieux.(...)
L'atmosphère du lieu peut constituer ce qui en fait son
authenticité, à travers une perception habitante" (p.33). Les
habitants participent ainsi à "l'atmosphère" et l'ambiance d'un
quartier.
c/ Les perceptions d'El Cerezo selon les habitants du
quartier
A présent, nous allons nous intéresser aux
perceptions qu'ont les habitants d'El Cerezo de leur quartier. En partant du
fait que « l'urbanité est indissociable d'un devoir d'exposition
qui exige des compétences sociales relatives à la
présentation de soi en public et à la considération de
l'autre en tant que personne humaine » (STEBE, 2010, p.109). Toute
présence dans l'espace public donne lieu à des jugements, des
représentations, parfois même à des interprétations
pouvant mener aux stéréotypes.
Suite aux réponses au questionnaire30,
certaines différences des descriptions faites d'El Cerezo apparaissent
en fonction de l'origine des habitants du quartier. Bien qu'il soit impossible
de faire des généralités au vu du nombre restreint de
questionnaires réalisés auprès de la population (35), il
apparaît que les Espagnols utilisent un vocabulaire majoritairement
négatif : dangereux, mal, délinquance, sale, épineux,
chômage, anciennement bien, conflictuel, éteint, etc. Bien
que nombre d'entre eux ne manquent pas d'ajouter des adjectifs positifs parfois
en opposition avec les premiers tels que : propre, familiale, joyeux, bien,
beau, bien desservis, etc. Ce paradoxe est lié à
différents éléments. Tout d'abord, ce quartier a
gardé un caractère familiale où des habitudes perdurent
entre les autochtones qui ont grandi ici, ensuite les changements de population
ont déclenchés de nombreux stéréotypes que nous
verrons plus loin (partie B/2/). C'est pourquoi, « la crainte de se
retrouver en minorité face à un groupe étranger ou de ne
pas se reconnaître dans ceux avec qui on cohabite, dans un même
immeuble voire dans le même couloir, affecte de manière
concrète et génère des tensions dans les relations
sociales et dans les contacts au quotidien » (ESEVERRI MAYER, 2010,
p.490). Cela peut se retrouver dans le vocabulaire utilisé.
Concernant les Latino-américains, ils utilisent des
qualificatifs disparates : bruyant, désordonné, bien, sale,
concurrence, interculturel, méfiance, problématique, racisme de
la part des personnes âgées, tranquille, actif, bruyant,
intéressant, tranquille, industriel. En conséquent, nous ne
pouvons pas en tirer de conclusion exhaustive. Bien que cela indique un
intérêt particulier pour ce quartier, ces personnes semblent
attentives aussi bien aux aspects
30 Cf: Le questionnaire est disponible en annexe,
p.114
positifs que négatifs. Cela peut montrer une
volonté d'améliorer les conditions de vie dans cet espace en
améliorant le "vivre ensemble".
Quant aux habitants d'origine Sub-saharienne
interrogés, ils décrivent le quartier de manière
enthousiaste : parfait, bonne ambiance, calme, multiculturel, harmonieux,
bien, etc. tandis que les Maghrébins sont plus sceptiques :
stressant, pauvre, quartier d'immigrés, populaire, conflictuel,
instable. Les descriptions faites sont à mettre en relation avec la
culture de chaque personnes interrogées, à l'année
d'arrivée dans ce quartier mais également du fait qu'elles ont
été questionnées dans le but d'aider un étudiant
Français à réaliser sa recherche. Cela peut remettre en
cause l'objectivité des réponses puisqu'elles ont pu être
influencées par les différents éléments que nous
venons de citer.
Néanmoins, l'utilisation de certains mots tels que :
délinquance, bruyant, conflictuel ou encore racisme,
nous permet de mettre en évidence qu'il existe des conflits entre les
habitants du quartier. Ces termes agissent comme les révélateurs
d'une certaine ambiance. "Dire qu'il n'y a pas de problème c'est
nier l'évidence" (Andres, espagnol), "maintenant je suis devenu
raciste" (Christina, espagnole), "les personnes âgées
sont plus fermées à l'immigration surtout avec la race
nègre" (Alain, camerounais). « La peur que suscite la
différence ethnique, et surtout la méconnaissance de celle ci,
est la véritable nouveauté (...) ce qui veut dire qu'aujourd'hui,
au malaise que produisent les différents modes de vie, les us et
coutumes, s'ajoutent la peur et la méfiance » (ESEVERRI MAYER,
2010, p.490).
Toutefois, nous ne pouvons pas désavouer l'aspect
convivial d'El Cerezo dans les descriptions faites : actif,
intéressant, harmonieux, etc. " C'est calme, on peut
goûter et connaître de nouvelles choses" (Angelines,
espagnole), "je n'ai pas de problème dans le quartier. Ici les
espagnols se sont habitués aux immigrés même si certains
sont un peu racistes" (Carlos, vénézuélien), "il
y a une bonne ambiance" (Betty , équatorienne). Nous retrouvons
donc des opinions qui divergent dans la qualification de cet espace urbain.
Cela dépend du vécu et ressenti de chacun. L'expérience de
vie des habitants dans le quartier d'El Cerezo est à mettre en relation
avec les géosymboles31 qui donnent à chaque individu
une dimension personnelle d'un espace en perpétuel mouvement. Les
géosymboles peuvent permettre de s'identifier à un espace ainsi
que de se l'approprier par des lieux de culte, des épiceries, des
restaurants ou encore des tags.
31 "Un géosymbole peut se définir
comme un lieu, un itinéraire, une étendue qui, pour des raisons
religieuses, politiques ou culturelles prend aux yeux de certains peuples et
groupes ethniques, une dimension symbolique qui les conforte dans leur
identité" extrait du résumé de l'ouvrage Voyage autour
du territoire de Bonnemaison, 1981.
C'est pourquoi, suite aux changements urbains du quartier, les
lieux d'identification ont changé tels les commerces ou encore les lieux
de regroupements, c'est en cela que les descriptions peuvent diverger. De plus,
en fonction du ressenti des habitants, s'ils se sentent intégrer ou non
et s'ils portent de l'intérêt pour d'autres cultures, leurs
représentations peuvent changer et évoluer. Pour cela la
médiation interculturelle menée par les associations
citées auparavant est essentielle. Malgré tout, un
communautarisme subsiste, c'est ce que nous allons voir maintenant.
2/ Ségrégation spatiale : entre espaces
partagés et espaces « réservés »
A l'intérieur du quartier, les habitants cohabitent,
c'est-à-dire qu'ils partagent le même espace public pour se rendre
dans leur logement qui serait, quant à lui, l'espace privé. Cela
peut engendrer des affinités entre voisins mais également des
tensions.
a/ Le "vivre ensemble" dans le discours des
habitants
"Le «vivre ensemble» n'a pas une définition
figée et unidirectionnelle. Il s'enrichit de la diversité, ce qui
l'élève au rang de valeur universelle".32
Dans le quartier d'El Cerezo les avis et les perceptions sur
le "vivre ensemble" divergent, certains sont satisfaits de l'aspect
multiculturel du quartier, d'autres en parlent comme d'un problème.
"J'ai été habitué dans mon pays à
vivre avec d'autres nationalités, ça me plaît, ça
permet d'avoir l'esprit plus ouvert. J'ai eu aucun problème
d'intégration à Séville mais ici l'ambiance n'est pas
très familiale avec les espagnols"(Alain, camerounais). L'avis qu'il
émet quant à une entente difficile entre autochtones et
immigrés est renforcé par celui de Carlos
(vénézuélien) "les équatoriens et les noirs sont
ceux qui souffrent le plus du racisme des espagnols".
Par ailleurs, pour certains espagnols interrogés les
immigrés intégrés sont ceux qui se
sont assimilés33 : "La cohabitation, si les gens savent
bien se comporter avec nous ça me va. Il y a
32 Citation extraite de la lettre de la campagne
nationale d'éducation au développement et à la
solidarité internationale mis enplace par le ministère de
l'éducation française et ayant pour titre "Demain Le Monde...Les
migrations pour vivre ensemble", PDF :
http://migration.demain-le-monde.org/rubrique115.html
33 L'assimilation est le fait de devenir ou rendre
semblable. C'est le processus par lequel un nouveau venu, un immigré,
adopte les usages et coutumes du milieu d'accueil; résultat du
processus. (Lévy et Lussault, 2003)
des gens bien et d'autres qui sont tout le contraire. Je ne
suis ni raciste ni rien. Un noir qui vient me parler, ça me pose pas de
problème mais il doit savoir bien se comporter"(Antonio, espagnol).
"Cohabiter avec certains étrangers c'est possible mais avec d'autres non
car ils ne s'adaptent pas à nous" (Christina, espagnole), cette
dernière faisait ici référence aux équatoriens
qu'elle n'apprécie guère depuis une querelle qu'elle a
vécue, son discours est donc subjectif. « Clairement, les
immigrés doivent s'accommoder aux règles urbaines et respecter
les espaces publics dans nos villes. Mais nous devons également nous
accommoder aux nouveaux voisins » (TORRES, 2006 p.128). Cet auteur montre
ici l'importance d'un effort partagé entre autochtones et
immigrés dans le souci du vivre ensemble. Ces préoccupations
concernent notre quartier où des changements de population ont eu lieu
depuis trente ans et plus particulièrement depuis les dix
dernières années. De surcroît, une étude de
l'Observatoire Permanent de l'Immigration en Andalousie (OPIA) en 2005 montre
que l'adaptation des immigrés aux valeurs et normes du pays se fait par
rapport à l'ouverture des autochtones vis-à-vis d'eux.
C'est-à-dire lorsqu'il y a des échanges un intérêt
mutuel entre autochtones et immigrés. Il y a cohésion sociale si
la société est perméable, ouverte et intégrante
sinon les immigrés se renferment dans leur propre monde (mode de vie).
La citoyenneté apparaît alors telle une reconnaissance des
immigrés comme des voisins et non pas comme des étrangers, en
leur permettant de posséder les mêmes droits que les autochtones
(RINKER, 2007). "Personne n'a vraiment de problème avec la cohabitation.
Quelqu'un qui vient dans un autre pays doit respecter les coutumes et les
personnes. Pour vivre ensemble, il faut essayer de connaître notre
culture et de la respecter simplement" (Elena, espagnole). De plus,
d'après Zico (marocain) dans le quartier "les immigrés sont
à part". Il y aurait pour lui une frontière entre les
immigrés et les autochtones, séparant ainsi les habitants en deux
groupes distincts.
En conséquence, nous pouvons remarquer un manque de
cohésion sociale ainsi qu'une différence entre autochtones et
immigrés. Nous pouvons également constater que les habitants,
selon des critères personnels, font une différence entre les
immigrés qui se seraient adaptés aux us et coutumes des
autochtones et ceux qui rejetteraient la culture espagnole.
Pour mieux comprendre ces sentiments opposés, nous
allons essayer d'examiner concrètement l'organisation spatiale des lieux
d'interactions entre individus.
b/ Lieux de rencontres et de regroupements : des
différences Nord-Sud
Dans El Cerezo, il y a des zones de regroupements identifiables
entre individus du même groupe ethnique. Par exemple, l'angle Sud-ouest
du quartier se fait nommé le coin des
péruviens34, c'est un point de
rendez-vous entre personnes originaires du Pérou. Ce type de
dénomination montre l'importance des regroupements ethniques.
C'est pourquoi, les journées passées dans ce
quartier en mars 2011 nous permettent de distinguer et de différencier
les lieux de regroupement en fonction des nationalités. En effet, des
personnes d'origine maghrébine se retrouvent devant le restaurant Eliza
Victoria sur l'avenue de San Lazaro. Les personnes d'origine sub-saharienne
sont, elles, souvent par groupes au niveau de la place Punta Umbria. Quant
à ceux d'Amérique latine, nous pouvons les localiser au
croisement de la rue Leal Castano avec l'avenue Doctor Fedriani au niveau du
coin des péruviens. La carte ci-dessous répertorie ces
points de rencontres et d'interactions.
Cartographie 8 : Lieux de regroupements ethniques dans
El Cerezo
Dans la légende, apparaissent les symboles qui
indiquent les lieux de regroupements de différentes nationalités.
Certains endroits concernent un public composé en majorité
d'adultes et d'autres se rapportent à des regroupements ethniques entre
jeunes. Nous pouvons définir la notion de "regroupements de jeunes" qui
apparaît sur cette carte ainsi : ce sont généralement des
personnes entre 12 et 20 ans se retrouvant régulièrement entre
individus de même origine dans un lieu défini.
De plus, tous les endroits de regroupements ethniques se
trouvent dans la partie Sud d'El Cerezo. D'après Demba (médiateur
culturel Cepaim, sénégalais), qui travaille notamment à
créer des connexions entre les habitants d'origine diverses, "il est
difficile d'éviter la ségrégation au Sud du quartier car
pour changer les opinions chacun doit faire un effort", il ajoute que
"s'habituer aux immigrés est un long chemin". Il aurait
tendance à penser que les regroupements communautaires
pourraient-être amenés à disparaître au cours du
temps mais que cela reste complexe. La moitié Nord du quartier
apparaît, quant à elle, comme un espace partagé où
les individus se déplacent et se croisent. Dans cet espace, des bars
comme "el Xanti" ou "el Palomo" sont révélateurs de lieux non
partagés où se retrouvent seulement des populations autochtones.
Le point de location de vélo (borne Sevici) situé au Nord du plus
grand parc pour enfants du quartier, face à l'école de langues,
permet de prendre ou de déposer un vélo sous conditions
d'abonnement35. C'est là encore un espace de passage et non
de regroupement.
Nous pouvons ainsi parler de ségrégation sociale
malgré des avis divergents. "Je pense qu'El Cerezo est un quartier
où il n'y a pas ou peu de ségrégation car il est
très diversifié par rapport aux différentes
nationalités qui cohabitent, on constate une mixité
démographique entre retraités et jeunes travailleurs bien que la
proximité spatiale ne veut pas dire proximité sociale" (Francisco
Torres, UPO). La ségrégation se lit ici à l'échelle
d'un quartier, elle se traduit par des regroupements ethniques d'un nombre
réduit de personnes (4 à 12 par groupes). "Dire que les
habitants du quartier ne se mélangent pas est radical car ils vivent
dans les mêmes immeubles ce qui oblige à un contact entre
eux" (Tania, péruvienne, volontaire ACOGE). De plus, malgré
ces regroupements ethniques visibles, il existe différentes formes
d'interactions entre les habitants du quartier de différentes
nationalités. Tout d'abord dans les espaces de vie en commun comme le
sont les halls d'entrée de chaque immeuble. Ensuite, dans les commerces
qui sont des lieux de services et d'échanges verbaux, au moins entre le
commerçant et ses clients."Des habitants de différentes
nationalités
35 Se référer à la partie II/ 1/
a/
viennent acheter de la viande dans notre magasin"
(Ahmed, marocain, boucher, produits Halal). La peña sevillista est
également un lieu d'échange entre habitants, sans
différence d'origine mais avec un attrait commun pour le football, en
particulier pour l'équipe de Séville. "Avec les jeunes, on
sympathise dans les bars, on commente les matchs, on mange ensemble" au
minimum avec (Alain, camerounais). Il y a également les salles de
musculation et terrains de sport comme celui de la Barzola qui permettent
là encore, des contacts entre habitants bien que cela reste faible.
Enfin, les parcs pour enfants, qui sont des espaces publics mais
également des lieux de rencontres, de connaissances et
d'échanges.
Par conséquent, nous supposons que le "vivre ensemble"
n'est pas une chose aisée et que c'est pour cela qu'interviennent les
associations et les politiques publiques. Se réunir entre personnes du
même groupe ethnique est une forme de protection qui permet d'être
davantage en sécurité en cas de conflits. Ainsi, les
problèmes de cohabitation peuvent mener à la stigmatisation des
minorités, dans le cas présent, des immigrés. C'est ce que
nous tâcherons de comprendre dans le point suivant.
B/ L'immigration comme bouc émissaire
Les représentations propres à chaque individu se
font dans leur espace de vie. "L'espace public est le champ de la formation
symbolique d'une opinion publique à travers toutes les formes de
communication existantes dans la société, (...) il n'est pas un
lieu abstrait de consensus démocratique idéal, c'est un espace
conflictuel exprimant des rapports sociaux d'inégalité et de
domination" (FLORIS, 2003). Ce qui nous intéresse ici est de savoir,
s'il y a des rapports de domination et d'inégalité entre
immigrants et autochtones qui se révèlent parmi les conflits et
stéréotypes rencontrés dans El Cerezo.
1/ Un espace conflictuel
La population autochtone est démographiquement
vieillissante dans le district de la Macarena, cela concerne également
El Cerezo. "Une grande partie des problèmes de cohabitation ne sont pas
dus à l'apparition de nouvelles cultures mais parce que les immigrants
sont plus jeunes et ont un usage de l'espace public dynamique et donc plus
bruyant, tout comme les jeunes autochtones, ce qui génère des
problèmes avec la population locale âgée" (SALINAS, 2008,
p.7). Ceci est une des causes de conflits entre Espagnols autochtones et
immigrés. De surcroît, suite au questionnaire effectué
durant le mois de mars 2011 et aux différentes rencontres faites durant
cette période dite de terrain, d'autres types de
contestations se sont révélées. Durant
cette étape, il fut impossible de faire remplir le questionnaire
à trois personnes d'origine africaine qui ont rétorqué ne
pas parler castillan et ont suggéré de "demander aux
Espagnols de répondre à ce questionnaire". Ce propos peut
révéler un mécontentement de la part de ces personnes, qui
peut s'interpréter de diverses manières, par exemple, cela peut
être dû au fait qu'ils se sentent mis à part dans ce
quartier ou bien du fait que cela ne leur apporte rien de manière
instantanée. A cela s'ajoute parfois la difficulté pour certains
étrangers à vivre en Espagne du fait de la complexité
à obtenir des papiers relatifs à leur présence dans ce
pays. Cela peut générer peur et méfiance vis à vis
d'un questionnaire inconnu.
a/ Litiges liés à la consommation de
l'eau courante
La source récente de conflits dans le quartier est due
à la consommation d'eau. En effet, les habitants utiliseraient beaucoup
plus d'eau que ce qui est prévu pour le nombre de personnes vivant dans
chaque immeuble. En Espagne, très souvent, les immeubles ont un compteur
collectif donc le coût de la consommation d'eau pour chaque logement est
estimé en statistiques par rapport au nombre de personnes et
d'appartements de chaque bâtiment. "Les compteurs d'eau collectifs
ont été créés sous Franco" (Andres,
président de l'association des voisins d'El Cerezo). La compagnie qui
s'occupe de la distribution d'eau courante dans ce quartier est l'EMASESA
(entreprise de traitement et d'assainissement des eaux
métropolitaines).
Suite à des augmentations de factures d'eau, des
habitants se sont plaints auprès de l'association des voisins, ce qui a
engendré des conflits entre habitants. En effet, il était dit que
les personnes immigrées étaient plus nombreuses dans les
logements que ce qu'elles déclaraient et qu'elles laissaient de
nombreuses personnes venir se doucher dans leur logement. Par la suite, il a
été proposé de poser des compteurs individuels pour
régler la situation. Ceci a été refusé car non
seulement cela implique de nouvelles dépenses pour l'installation de
matériel mais également parce que, dans certains cas, les
coûts de consommation d'eau courante seraient plus élevés.
En effet, les factures sont calculées sur une moyenne
évaluée en fonction de la taille du logement et du nombre
d'habitants. Ceci donne le montant qui est censé correspondre à
la consommation de chaque foyer. Dans le cas de compteur individuel, le
coût minimum pour ce service peut se révéler souvent
supérieur au prix mensuel que paye chaque foyer calculé avec le
système des compteurs collectifs. C'est d'autant plus vrai pour les
petits consommateurs d'eau courante comme le sont bien souvent
les couples à la retraite. De tels changements
"pourraient impliquer le déménagement de nombreuses personnes
âgées qui n'ont ni l'envie ni les moyens de payer davantage les
factures de consommation d'eau courante" (Tania, péruvienne,
volontaire ACOGE). Par la suite, les volontaires de l'association ACOGE sont
intervenus pour mettre à jour ce conflit et voir quelle était la
situation réelle. Pour cela, différents membres du groupe local
de l'association se sont rendus dans plusieurs immeubles pour rencontrer les
présidents de chaque bâtiment36 ainsi que les habitants
(locataires et propriétaires) et leur demander s'ils avaient des
problèmes liés à leur consommation d'eau. Il est ressorti
de leur investigation qu'effectivement plus de personnes que celles
recensées à la mairie vivaient dans ces logements mais que cela
concernait en majorité les étudiants espagnols. En effet, dans le
but d'obtenir davantage de bourses d'aide sociale, les étudiants se
déclarent comme vivant toujours dans le logement familial et ne
déclarent pas leur habitation dans la ville de Séville
(augmentation de la bourse par rapport à la distance lieu de
vie/université) : beaucoup d'immigrés ne sont pas
recensés et nous estimons qu'il y a plus de personnes dans les
appartements que seulement celles déclarées. Il faut prendre en
compte que beaucoup d'étudiants universitaires qui louent des
appartements ici ne sont pas recensés, ce qui génère des
problèmes avec les factures Emasesa (Andres, espagnol). D'autant
que, pour les 60 immeubles, il y en aurait moins de cinq où ce
problème apparaît comme étant réel ce qui montre une
exagération dans les conversations et articles de journaux sur ce sujet.
"Le problème dans ce type de quartier, c'est que très vite
les habitants généralisent un problème dès qu'un
cas est démontré" (Ousseynou, sénégalais,
coordinateur Acoge).
A cela s'ajoute le fait que des logements restés
vacants dans certains immeubles sont saisis par des banques quand les
propriétaires ne peuvent plus payer et restent vides en attendant de
futurs propriétaires. Il paraît donc difficile de mettre en place
des compteurs individuels pour ces appartements vides.
b/ Problèmes relatifs au stationnement
En termes de conflits, le stationnement des voitures est un
sujet qui fait débat dans le quartier. En effet, les voitures
garées en grand nombre font parties du décor du quartier. Les
habitants reprochent un manque de place pour garer leurs véhicules
à cause de nombreux
36 Chaque immeuble privé élit un
"président" parmi les propriétaires des appartements pour
permettre, par exemple de gérer les rénovations à
établir dans le bâtiment, de répartir les factures de
consommation d'électricité des couloirs, de mise aux normes de
sécurité ou encore de gérer les problèmes de
voisinage.
clients qui viennent faire leurs achats dans cet espace
commercial. Par leur nombre conséquent à toute heure de la
journée, nous pouvons y voir un manque d'emplacements. Bien qu'il y est
environ 700 places de parking dans le quartier, cela n'est pas suffisant, des
véhicules en surnombre viennent s'y stationner. C'est pourquoi "on
dit de ce quartier que c'est un parking géant" (Andres). Il est,
par ailleurs, difficile de se stationner car il n'y a pas assez de places en
comparaison avec le nombre de personnes qui vivent dans le quartier et dans les
quartiers à proximité. Comme nous pouvons l'observer sur le
montage ci-dessous, les voitures bordent chaque rue et sont parfois
stationnées en double files : pour sortir de la première file, il
faut pousser les voitures garées sur la seconde dont le frein à
main n'est pas enclenché, ce qui est chose commune à
Séville et dans d'autres villes espagnoles telle que Madrid.
Planche photo 4 : L'importance des automobiles dans le
paysage urbain d'El Cerezo
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
Dans certains quartiers du district (La Palmilla, el Carmen,
etc.) des barrières automatiques ont été mises en place
pour limiter l'accès à certaines zones de stationnement aux
habitants. Elles permettent de réguler les entrées et sorties des
véhicules dans certaines rues mais cloisonnent des zones d'habitat,
"elles engendrent de la ségrégation" (Aziz, marocain).
Les places de stationnements dans le district se faisant plus rares, cela
entraîne des répercussions dans le quartier d'El Cerezo en
augmentant le nombre de véhicules dans cet espace. D'autre part, mettre
un système de barrière37 dans ce quartier pourrait
représenter une
37 Mettre des barrières est une proposition de
l'association des voisins qui a été récemment
refusée par la
perte de clientèle pour cette zone commerciale qu'est
El Cerezo. En effet, en empêchant l'entrée aux véhicules
des personnes qui ne vivent pas dans cet espace, elles limiteraient
l'accès à certaines zones d'El Cerezo, ce qui suscite des
craintes pour certains commerçants et clients du quartier: "cela va
encore nous obliger à fermer nos commerces" (Alain, Camerounais).
Pour Andres (espagnol), si le quartier se voit équiper à son tour
de barrières automatiques, cela pourra bénéficier aux
résidents, "pour 1050 appartements et 714 places de stationnement,
si on met des barrières, nous aurons suffisamment de places pour tout le
monde"38. Une autre solution pourrait être d'enlever
toutes les barrières automatiques installées dans le district
pour désengorger le quartier d'El Cerezo en permettant ainsi
l'accès à d'autres zones publiques pour se stationner.
Ces différents conflits sont souvent influencés
par les représentations que se font les habitants du quartier et de
leurs voisins. Cela peut entraîner des rumeurs et de fausses informations
pouvant perturber l'ordre social que tente d'établir les associations et
les politiques publiques.
2/ De la réalité au
stéréotype
Les autochtones des quartiers dits multiculturels sont souvent
méfiants vis-à-vis de leurs voisins d'origine
étrangère. De plus, dans le monde du travail, ils les prennent
parfois pour des adversaires, particulièrement en période de
crise comme c'est le cas actuellement. Ainsi, les immigrés sont
régulièrement victimes de stéréotypes provenant de
l'imagerie de leurs voisins, terme que nous définirons dans cette
partie. Cela peut se retrouver dans le discours des voisins mais aussi dans
certains médias tels les journaux ou encore la
télévision.
a/ El Cerezo un quartier « habitué »
à la présence de populations immigrées
Depuis dix ans, la population du quartier à
changé. Actuellement, la présence des immigrés est devenue
ordinaire." L'immigration n'est pas une apparence mais une
réalitéqu'il faut accepter, si on ne l'accepte pas les
conflits apparaissent. S'habituer aux immigrés
est un long chemin, actuellement les gens se sont
habitués mais il reste des conflits à résoudre. La
solution c'est la médiation " (Demba, médiateur culturel,
sénégalais). Le quartier
Mairie.
38 Citation de Andres de l'article du journal La Razon , du 9
janvier 2011 qui a pour titre: Si se cierra el
Cerezo no hay zona azul.
http://www.larazon.es/noticia/5556-si-se-cierra-el-cerezo-no-hay-zona-azul
El Cerezo apparait comme un " lieu de regroupement des
étrangers" (Alain, camerounais), "c'est un quartier où
il y a des gens de mon pays" (Zico, marocain).
D'après Demba, le problème viendrait du fait que
certains autochtones n'acceptent pas tous les changements de population du
quartier, "avant il y avait des gens bien qui sont partis à cause
des étrangers. En plus ils sont en train de nous prendre notre travail
" (Christina, espagnole), "un faux discours circule à propos des
commerces disant que les immigrés expulsent les individus locaux, alors
qu'avant l'arrivée des immigrés depuis les dix dernières
années, le district de la Macarena souffrait d'un déclin
commercial. D'autre part, le commerce ethnique propose des produits
particuliers en dehors des offres traditionnelles " (SALINAS, 2008, p.7). En
outre, les immigrés ont permis de redynamiser l'économie du
district sans pour autant prendre le travail des autochtones.
De surcroît, certains habitants parlent de la
période précédant l'arrivée des immigrés
comme d'un temps volatilisé : "c'était merveilleux avant,
maintenant non à cause des immigrés" (Antonio, espagnol).
Les évolutions du quartier ne plaisent pas à certains autochtones
qui ont l'impression qu'une partie de leur culture a disparu suite à
l'apparition des commerces ethniques, de l'augmentation des immigrés,
etc. "Avant il y avait plus d'événements festifs des gens
d'ici, maintenant il y a des événements des gens de
l'extérieur" (Elena, espagnole). Cela montre la faiblesse des liens
sociaux qui «n'est pas la simple cause du changement de population ou du
nouveau mélange culturel. L'individualisme est né durant la
transformation socio-économique et culturelle. Les liens entre un
travail stable, le lieu de résidence et la socialisation se sont
transformés » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.252)
C'est pourquoi, d'après la chercheuse Cécilia
Eseverri Mayer39, la frontière entre immigrés et
autochtones viendrait d'un individualisme qui est apparu avec le
développement économique du pays et notamment suite à
l'entrée de l'Espagne dans l'Union Européenne en 1986. Le
développement économique et l'augmentation du pouvoir d'achat ont
augmenté les différences sociales parmi les individus.
L'arrivée des immigrés dans ce contexte les a mis "à
l'écart", ils ont été perçus comme une
éventuelle concurrence et non pas comme des alliés au
développement économique. Les autochtones appréhendent
ainsi la multiculturalité de manière négative alors
qu'elle devrait "être perçue comme un fait neutre" (SANCHEZ ELIAS,
2005, p. 97), ce qui éviterait certainement les conflits et
améliorerait le "vivre ensemble".
39 Cette jeune chercheuse a fait sa thèse
sur la trajectoire des jeunes issu de l'immigration qui vivent à Madrid
et qui ont "abandonnés" l'école. Elle s'intéresse
particulièrement aux équatoriens, marocains et dominicains de 14
à 18 ans tout en tenant compte des contrastes avec les jeunes
espagnols.
Cela donne à la multiculturalité un aspect
particulier. Ce concept n'est pas seulement considéré comme un
fait en soi mais comme une évolution logique des espaces urbains dans
des pays ouverts à la mondialisation.
b/Les immigrés stigmatisés
Les médias sont "les lieux autorisés de
diffusion des interrogations ou des doutes propres à la majorité.
Les lignes ouvertes, les forums de discussion, les blogs, les commentaires se
multiplient et une tendance à la stigmatisation de l'Autre
apparaît : celui-ci est tenu responsable de la destruction des fondements
de la culture", ici espagnole (C. Agbobli dans PERRATON, 2009, p.126).
-Les journaux accusés de
discriminations
Dans les journaux, les conflits dans le quartier El Cerezo
apparaissent de façon simplifiés en comparaison avec la
réalité. En effet, les articles opposent radicalement les
immigrés aux autochtones en positionnant les Espagnols comme victimes de
l'arrivée de populations d'origine étrangère. Cela peut se
lire notamment grâce aux titres de journaux de certains articles
principalement issus du journal ABC, ce dernier se positionnant dans ses
articles comme étant tourné vers le parti politique de droite :
le Parti Populaire (PP).
Planche photo 5 : Titres d'articles de journaux
faisant référence au quartier El Cerezo
Source: photographies personnelles, montage effectué sous
Picasa, 2011. (c) Bouchet-Wacogne Matthieu
Dans les journaux, nous pouvons remarquer l'utilisation de
stéréotypes et de généralisations pour parler des
immigrés (ex : "Tour de Babel", "bruyant", "se battent entre eux"). Le
titre de l'article du journal ABC de Séville du 11/07/07 s'intitulait :
" les voisins dénoncent l'impunité des botellons d'immigrants
dans El Cerezo". Il relatait ainsi qu'il y aurait deux groupes opposés,
celui des « voisins » qui seraient les autochtones victimes du groupe
des « immigrés » qui représenteraient par
conséquence, la source de conflits. "La stigmatisation d'El Cerezo est
conditionnée par l'existence de stéréotypes sur
l'immigration (...) et l'idée d'une différence
irréductible entre endo et exo-groupes" (TORRES, 2011, p.167). Dans ces
articles, les immigrés d'El Cerezo ne sont pas considérés
comme des habitants du quartier mais comme des personnes à part qui ne
seraient pas réellement membres de cet espace bien qu'y habitant, cela
pose la question de citoyenneté, à savoir à quel moment un
nouvel arrivant est-il considéré comme citoyen d'une ville ?
Le problème des médias serait qu'ils informent
"de manière négative et quasiment jamais positive de
l'immigration" (SANCHEZ ELIAS, 2005, p.97). Nous pouvons donc parler de
discrimination sous forme écrite qui participe aux discours des
habitants et à l'image globale du quartier.
Par ailleurs, en règle générale, les
articles évoquant le quartier proposent seulement la vision des
autochtones et très rarement celle des immigrés, ce qui ne permet
pas de tirer des conclusions exhaustives sur les auteurs des conflits
existants.
-L'imagerie: déformation de la
réalité
L'imagerie est d'après Yves Chalas, professeur et
chercheur sur les Politiques Publiques Action Politique et Territoires (PACTE)
: "l'ensemble des préjugés, des idées toutes faites, des
lieux communs et des clichés qui sont dans l'air du temps et qui ne
manquent jamais de resurgir en tout premier lieu dans une conversation". (2000,
p.10) Il ne faut pas la confondre avec l'image qui "est une présence
sémantique des rapports vécus" alors que l'imagerie appartient au
"registre du non-vécu (...) et de la représentation" (2000,
p.24). Ainsi, l'imagerie semble proche de la caricature et de la rumeur qui
sont toutes dans le champ de la représentation et du
stéréotype.
De plus, le chanteur sénégalais Bibalo, en
venant rendre visite à son oncle qui vit dans le quartier San Jeronimo
au Nord de la Macarena, a écrit une chanson sur l'immigration qui a pour
titre "Inmigrantes"40. Le refrain de cette chanson est en
espagnol, il traite des problèmes
40 Cf: documentaire Nuevos vecinos en la
plaza, 2011
que peuvent rencontrer les étrangers sans papier avec
la police : "je n'ai pas de papier, je suis illégal, je sors dans la
rue, ils me jettent en prison". Les paroles sont le reflet de ce que ce
chanteur a pu voir, entendre, percevoir dans le district de la Macarena, elles
traduisent la représentation qu'il s'est fait de cet espace. Cela
revient à dire que ces paroles font parties de l'imagerie du chanteur.
Sa chanson illustre des problèmes que rencontrent certains
étrangers et montre l'importance de l'immigration dans cette zone.
- El Cerezo : mise en avant des
stéréotypes
Dans le quartier, en fonction de l'actualité, des
références et de l'imagerie de chacun, des
stéréotypes apparaissent renvoyant une image parfois
dégradante pour certaines populations.
Pour Andrés Aranda, président de l'association
des voisins d'El Cerezo, "le grand problème de l'immigration, se
sont les «pisos patera»41" (cité dans
Codenaf42, 2010). Il parle ainsi pour qualifier le regroupement en
surnombre de plusieurs individus voire de différentes familles dans le
même appartement par rapport à la capacité d'accueil du
logement. D'après Andres, une personne qui a des papiers en règle
loue un appartement et ensuite elle fait venir sa famille, ses amis et parfois
des inconnus et des connaissances pour obtenir de l'argent (EURABIA,
2005)."Nous savons que davantage de personnes que celles habitant dans
certains appartements utilisent les douches pour 3€, des lits sont
loués pour 8€. L'objectif est de rentabiliser au maximum le
privilège d'avoir un logement" (Andres). Ces propos concernent des
cas particuliers mais il n'a nullement été démontré
que ce phénomène apparaissait de façon significative dans
le quartier pour en faire une généralité. Malgré
tout, cela a suffi pour que le dessinateur, Rafael Calderon qui travaille pour
le journal ABC, en fasse une caricature (cf. : document ci-dessous). Cette
représentation peut être perçue comme étant de
mauvais goût puisqu'en jouant sur les mots, elle renvoie à
l'aventure mortelle dont sont victimes, chaque année, des
étrangers prenant des embarcations souvent de mauvaises qualités,
de plus en surnombre, au péril de leur vie afin d'effectuer un trajet
Maroc-Espagne de manière illégale. Cela montre une convergence
des regards portés sur l'immigration à El Cerezo.
41 Les "pisos patera" définissent les
appartements où se regroupent plusieurs familles d'étrangers.
Cette adaptation provient des bateaux de fortune (patera) où s'entassent
les immigrés pour traverser la méditerranée et arriver en
Espagne.
42 CODENAF: Association de Coopération et
Développement avec les pays du Nord de l'Africain
Document 1: Des boat people aux appartements de
fortune
Source: caricature du journal ABC, 11 juillet 2007
Ce quartier aurait une mauvaise image du fait de la
focalisation d'acteurs tels l'association de voisins, les associations
humanitaires, la presse, des politiciens et du fait que ce soit l'espace urbain
où le nombre d'habitants immigrés est le plus
élevé. "El Cerezo présente le plus fort taux de
résidents étrangers, mais d'autres zones, comme le quartier
Begoña, présentent aussi un taux important de population
immigrée sans souffrir autant de stigmatisation. Par ailleurs, dans le
quartier El Rocío, il n'y a pas autant de point d'attractions entre
immigrés comme le sont les commerces ethniques, les associations
"(TORRES, 2011, p.167) et il y a encore peu, les lieux de culte. La
visibilité des immigrés dans El Cerezo est plus importante que
dans les quartiers environnant du fait des lieux de regroupements et du nombre
important de commerces ethniques qui contribuent à lui donner une image
de référence pour parler d'immigration.
Habiter en surnombre dans un même appartement est
souvent dû à un malaise social et à un manque de
ressources. «Le malaise augmente dû aux conditions du logement dont
souffrent les habitants. On en déduit que les différences
culturelles seules n'expliquent pas les tensions vécues à l'heure
actuelle, mais que les discours fondés sur l'ethnicité et la
xénophobie, quand à eux peuvent influencer voire
déchaîner des conflits sociaux axés autour de ces
différences » (ESEVERRI MAYER, 2010, p.491). Si bien que, les
tensions entre habitants peuvent parfois amener à des changements
urbains.
Toutes ces déformations de la réalité
donnent une image "faussée" de l'immigration. Liées à
l'imagerie, elles peuvent générer tensions et conflits à
l'intérieur d'un espace urbain comme c'est le cas pour El Cerezo. Pour
cela les associations ont un rôle fondamental à jouer. Une des
cibles les plus importantes qui semble pouvoir influencer toutes les
générations confondues reste les jeunes.
C/ Les jeunes : première cible des ONG
D'après Jean-Yves Authiers, professeur et chercheur en
sociologie, le quartier occupe une place importante chez les jeunes. "Il est
d'abord un espace familier dans lequel ces individus ont «leurs
repères» (...) si le quartier de ces jeunes est bien un espace
familier, il n'est pas, contrairement à leur logement, un espace
familial" (2006). Le quartier devient un espace d'appropriation des jeunes avec
leurs amis. Bien que cela soit à nuancer pour certains quartiers comme
El Cerezo où des populations accordent davantage de place à la
famille dans les espaces publics tels plusieurs marocains. Pour certains, ce
sont des lieux où il est possible de se réunir en famille (avec
ses tantes, oncles, cousins, neveux, etc.). Toujours d'après Jean-Yves
Authier, dans son enquête sur des lycéens de Lyon, les quartiers
seraient "investis selon les temporalités qui scandent la vie sociale de
ces jeunes citadins" (2006), ils vont sortir en semaine davantage dans leur
quartier et le week-end, plutôt en centre ville. Leurs besoins sont
relatifs à leurs passions et au niveau de vie de leurs parents ou des
aides sociales en fonction de la situation familiale.
1/ Un défi multiculturel
Pour les association, les jeunes apparaissent comme une cible
de grand intérêt pour amener à des interactions entre
groupes ethniques mais c'est aussi un public difficile dont la situation
familiale joue un rôle important pour leur développement. En
partant du principe qu'ils peuvent faire changer le point de vue de leurs
parents, qu'ils sont de futurs travailleurs et que les laisser sans occupation
peut mener à des situations de troubles et de conflits ;
différentes associations interviennent et mettent en place des projets
auprès d'eux.
a/ Le discours et les pratiques des jeunes
envisagés comme solutions aux conflits multiculturels
Pour Aziz, médiateur culturel ACCEM, l'intégration
des jeunes enfants est importante puisqu' "ils ne font pas de
différence ethnique entre eux, ils ne peuvent que s'en enrichir.
Nous
pouvons dire que nos enfants nous enseignent la
multiculturalité". C'est pour lui un des axes principaux dans le
travail de cohabitation entre population de différentes origines.
Travailler auprès des enfants permettrait d'atteindre par la même
occasion les adultes, parents de ces derniers. De même, comme nous
l'avons vu, des lieux se prêtent aux contacts entre individus tels les
parcs pour enfants où les parents communiquent entre eux au sujet de
leurs enfants. Ceci peut créer du lien social, c'est-à-dire
permettre des connexions entre habitants, leur donnant ainsi l'occasion de
faire connaissance.
Un autre public est visé par les associations : les
adolescents. Il apparaît important de les connaître, de comprendre
leurs envies et leurs besoins, ainsi que leur donner l'opportunité de
développer des projets selon leurs désirs.
Par ailleurs, les jeunes sont souvent accusés de
vandalisme dans le quartier que ce soit sous forme de tags, de propos
injurieux, de destruction d'infrastructures publiques ou encore en termes de
bagarre. Tous ces stéréotypes sont accolés aux jeunes, les
mettant ainsi dans un groupe homogène alors que ces qualifications ne
définissent fréquemment qu'un groupe minoritaire. « Les
jeunes immigrés vivent entre l'illusion d'un nouveau projet et la peur
de l'exclusion» (Llorens T. cité dans SIMO, 2006, p86). C'est
pourquoi, l'intervention des médiateurs culturels auprès des
adolescents de ces quartiers a pour objectif de les orienter vers des
propositions d'activités ludiques, de formations professionnelles,
"on essaye d'être une référence pour ces jeunes, de
leur créer des nécessités, chercher pour eux des
ressources et les mettre dans des domaines professionnels" (Aziz). Le but
des médiateurs est d'accompagner les adolescents et jeunes adultes vers
le monde du travail en essayant de les rendre responsable, de leur attribuer
des valeurs tels le partage, l'égalité ou encore le civisme.
b/ Activités et sociabilité hors des
temps scolaires
L'association ACOGE met en place des ateliers du lundi au
vendredi en fin de journée, qui permettent aux jeunes du quartier de
pratiquer diverses activités comme les jeux sportifs tels le football,
des cours de langues, l'aide aux devoirs scolaires, le théâtre,
des activités manuelles, etc., qui ont principalement lieu dans le local
qui se trouve place Punta Umbria. De manière similaire, l'association
ACCEM propose diverses activités du lundi au jeudi, telles des cours de
langues (français, anglais, arabe), également de l'aide aux
devoirs et des activités plus ludiques (sports, jeux, etc.) dans son
local situé dans le quartier las Avenidas. De plus, deux samedis par
mois, l'association Acoge invite les jeunes et leurs parents à des
excursions dans Séville et les alentours (ex: plaza de España,
parc Alamillo, etc.).
Ces moments permettent aux jeunes du quartier de se
connaître, de se mélanger et de se rencontrer. Ainsi, la
cohabitation entre les différentes nationalités du quartier peut
être améliorée. "C'est en agissant auprès des
jeunes que nous pouvons sensibiliser les familles à nos
différents projets" (Gabi, équatorien, volontaire ACOGE). Il
apparaît important que les projets associatifs concernent un public aussi
bien d'adultes que de jeunes pour ne pas se limiter à un groupe
d'individus mais bien prendre en compte les habitants dans leur ensemble. Pour
cela, s'ajoutent à ces activités, des formations
professionnelles, des conférences informatives ainsi que des
débats à destination d'un public d'adulte. Les membres d'ACOGE et
ACCEM interviennent également dans les établissements scolaires
au niveau de l'aide aux devoirs et des activités extra scolaires.
Par ailleurs, durant l'année, trois colonies de
vacances se déroulant sur trois à dix jours sont
organisées par les fondations ACOGE et CEPAIM pour permettre aux jeunes
de partir en vacances. Cela leur permet de voyager, de découvrir un
nouvel espace, de vivre en communauté durant un temps de vacances et
d'apprendre à devenir autonome en participant aux tâches de la vie
quotidienne. Les jeunes participants avec l'aide d'un ou plusieurs
référents de ces fondations forment un groupe dont le nom est
"Raices", qui signifie « les racines » ce qui peut-être
interprété comme la métaphore de la
multiculturalité: la diversité culturelle serait
représentée par les racines d'un arbre dont le tronc serait le
mélange des cultures. Ce groupe de jeunes recherche des subventions,
mette en place des événements comme des concerts, de la vente
d'artisanat, des repas collectifs ou encore des spectacles de
théâtre pour financer leurs projets de vacances. Le
problème est que, durant ces événements, "la grande
majorité des participants sont des immigrés" (Gabi,
équatorien, volontaire Acoge). Il semble alors difficile de sensibiliser
un public autochtone à ce type de manifestation, ce qui est lié
aux perceptions et aux pratiques de chacun comme nous l'avons vu
précédemment (Cf: III/ A/ 2/).
Pour réaliser ces événements, les locaux
des associations ODS et "el colectivo" sont souvent utilisés, ce qui
montre une cohésion dans les projets de toutes ces associations.
L'ACCEM, quant à elle, met également en place un séjour de
vacances pour jeunes d'une durée d'une semaine durant
l'été. Cela semble être une solution pour sensibiliser les
jeunes à la multiculturalité et également pour toucher les
familles, au retour de leurs enfants suite à ces périodes de
vacances. Les relations amicales qui ont pu se créer durant ce type de
séjour entre des enfants d'origines différentes peuvent permettre
une ouverture d'esprit à certains parents.
2/ Intervention dans les établissements
scolaires
Intervenir dans les bâtiments scolaires permet de
sensibiliser les enfants et jeunes du district de la Macarena à des
projets multiculturels que mettent en place les différentes associations
humanitaires que nous avons présenté précédemment.
Entre 2003 et 2007 le nombre d'élèves étrangers dans le
secondaire est passé de 80286 à 169490 (MARTINEZ DE LIZARRONDO
ARTOLA, 2009, M.E.P.S.Y.D., p.95).
L'idée d'ouvrir les programmes scolaires à
l'inter-culturalité apparaît comme une solution face aux
problèmes de ségrégation. Cela passe par la formation aux
valeurs humaines d'égalité, de respect, de tolérance, de
diversité et de coopération; en reconnaissant le droit personnel
de chaque élève, en admettant le respect de la différence,
la lutte contre le racisme, la discrimination et les stéréotypes
et enfin, en intégrant les parents des élèves
immigrés dans la vie des établissements scolaires (PENALVA VELEZ,
2009). Tout ceci ne peut se faire que lorsque que c'est jugé "important"
par les professeurs, c'est pourquoi il est essentiel que des membres
d'associations participent également à la mise en avant des
valeurs humaines dans les lieux de scolarisation.
a/ La cour de récréation : espace de
visibilité
Les cours de récréation sont des lieux
révélateurs de ségrégations sociales entre groupes
ethniques. En effet, il suffit de se rendre dans les deux établissements
scolaires les plus proches du quartier El Cerezo43 pour s'apercevoir
que les différents jeunes restent entre groupe de même origine
géographique. "C'est le reflet de l'éducation qu'ils ont
à la maison" (Tania, péruvienne, volontaire Acoge). Les
enfants se mélangent peu car leurs parents ont, en règle
générale, de faibles contacts avec les différents groupes
ethniques du quartier. Mais cela dépend bien souvent du travail que les
parents exercent. En effet, beaucoup de femmes travaillent dans l'aide et
l'assistance à la personne et peuvent être perçues comme
des personnes "aux services des espagnols dans des situations
d'infériorité". Cette perception de Tania fait partie de son
imagerie, et donc de ses perceptions. Sa réponse expliquerait les motifs
de mise à l'écart entre autochtones et immigrés dans des
situations de dominant/dominé. Cela est bien évidemment le
constat d'une personne et ne peut donc pas être
généralisable.
43 Ces deux établissements sont l'école
San Jose Obrero dans le quartier El Rocio et le lycée Miguel Cervantes
dans le quartier Leon XIII
Par ailleurs, pour Demba (médiateur culturel, Cepaim)
"il existe un phénomène de ségrégation visible
durant la récréation au collège José Obrero".
C'est pourquoi une de ses actions est de lutter contre cela en mettant en place
des activités d'interactions ouvertes à tous les
élèves. En revanche, pour Aziz (médiateur culturel, ACCEM)
qui intervient lui aussi dans ce collège, "il n'y a pas de groupes
de jeunes qui forment des groupes par nationalité".
Nous avons donc ici deux avis qui divergent dans la
description d'un même lieu. Cela signifie que leurs
représentations des attitudes sociales des enfants dans cet espace sont
influencées, autant par leur imagerie que par leur profession ainsi que
par le désir d'influencer et de créer de la
multiculturalité. C'est seulement en se rendant dans l'école
primaire San Jose Obrero pendant la récréation qu'il est possible
de remarquer des regroupements communautaire entre enfants. Bien que, de
nouveau d'après Aziz, les enfants jouent entre eux sans
"différence ethnique, les jeunes ne forment pas de groupes par
nationalité". Suite au constat que nous avons pu faire il est
évident que son avis est n'est pas neutre. D'après lui,
rechercher à tisser des liens avec des personnes de son groupe ethnique,
concerne principalement les mineurs non accompagnés44, sans
repère familial, ce qui ne concerne pas les enfants de cette
école. En effet, les jeunes se regroupent davantage pour leur
goûts sportifs, musicaux, vestimentaires, etc. De plus, toujours selon
Aziz, "la diversité culturelle n'est pas dans les gènes"
ce serait propre à chaque individu par rapport "aux croyances, aux
goûts, à la composition familiale, aux revenus" etc. En cela
les enfants n'ont pas ou peu de préjugé concernant les
différences culturelles. "Les enfants ont des amis de
différents pays avec qui ils jouent sans problème" (Elena,
espagnole). Il n'y aurait alors pas de conflits directs entre jeunes en lien
avec leurs origines. Nous ne pouvons pas en dire davantage puisque l'enfance et
l'adolescence sont de vastes sujets dont certains raccourcis seraient
malvenus.
A l'indifférence des jeunes vis-à-vis de la
diversité culturelle, s'ajoute le désintérêt de
certains habitants de quartiers multiethniques aux difficultés des
autres, "les gens ne s'intéressent aux problèmes de
discrimination que quand cela les concerne personnellement" (Tania,
volontaire Acoge). Sensibiliser les individus aux discriminations et au "vivre
ensemble" apparaît alors comme un défi où il importerait
que chacun trouve un intérêt personnel. De plus, dans ces
quartiers "le racisme existe mais il n'est pas flagrant même s'il y a
des problèmes d'exclusion sociale" (Esteban, coordinateur Acoge).
Il est possible de distinguer une mise à l'écart de certains
groupes ethnique par les autochtones, ce qui créée de
44 Selon la legislation de l'Union Européenne,
un mineur non accompagné est un ressortissants de pays tiers
âgés de moins de dix-huit ans qui vit dans un territoire dont il
n'est pas originaire sans être accompagnés d'un adulte qui soit
responsable de lui, de par la loi ou la coutume.
l'exclusion sociale dans certains lieux tel des bars ou encore
des salons de coiffure. Le but des interventions de différents acteurs
associatifs dans les établissements scolaires est bien de créer
une cohésion entre les jeunes, principalement durant les temps de
récréations pour ainsi lutter contre d'éventuelles mises
à l'écart. Intervenir dans les écoles est une forme
d'action sociale et de sensibilisation pour éviter l'exclusion.
Il n'en reste pas moins que cela ne concerne pas seulement les
enfants. La médiation interculturelle avec les voisins de
différentes origines est également une façon d'aider
à créer du "vivre ensemble" de la part des membres des
associations (Cepaim, ACCEM et Acoge).
b/Utiisation du collège durant les vacances
d'été
Le collège San José Obrero du quartier el Rocio,
situé à l'Est d'El Cerezo est utilisé par des membres de
la fondation ACCEM durant l'été.
Les responsables du local ACCEM se trouvant dans le quartier
las Avenidas à l'Ouest d'El Cerezo, organisent durant
l'été, des "classes d'été" ouvertes à des
horaires similaires que ceux des établissements scolaires (de 9h
à 12h), où ont lieu des cours de rattrapages et des
activités ludiques. Cela permet aux enfants dont les parents travaillent
d'occuper leurs journées ainsi que de maintenir et d'approfondir leurs
connaissances scolaires. Ils organisent et proposent également à
ces jeunes, par le biais d'une entreprise, une semaine de vacances hors de
Séville chaque été. Ceci permet à des jeunes,
soutenus par des aides sociales, de partir en vacances alors que cela n'est
souvent pas le cas dans le cadre familial en raison des problèmes
d'argent qui subsistent.
De cette manière, l'ACCEM lutte contre l'isolement des
enfants et des jeunes, ce qui peut être considéré comme une
mesure pour améliorer le "vivre ensemble" dans ces quartiers. C'est
pourquoi, les différentes activités proposées ne
concernent pas seulement les immigrés mais également les jeunes
autochtones.
Les enfants et les jeunes en général
interviennent comme des miroirs de la société dans laquelle ils
évoluent, leurs comportements, leurs actes et leur développement
dépendent de facteurs multiples. Cette transition vers l'âge
adulte est une question délicate et nous n'avons pas pour
prétention d'y répondre, seulement de montrer l'importance de
l'intervention des acteurs associatifs pour améliorer le "vivre
ensemble" en visant ce public.
Comme nous venons de le constater, l'étude des
quartiers multiculturels est quelque chose de complexe. Aussi bien dans la
relation entre voisins, que celle entre habitants et pouvoirs publics ou encore
acteurs associatifs. C'est pourquoi il est primordial d'observer les
évolutions de ces espaces urbains pour permettre ainsi, la mise en place
de nouvelles politiques publiques ou bien de projets associatifs adaptés
aux problèmes qui peuvent survenir dans ce type de quartier.
Vivre dans un espace multiculturel, c'est se confronter
à partager son "espace de vie" avec des individus de cultures
différentes. Par conséquent, comme nous l'avons signalé,
la méconnaissance de "l'autre" peut être facteur de troubles
sociaux. Voilà pourquoi autant d'acteurs se mobilisent autour des
questions de multiculturalité et de "vivre ensemble". C'est dans la
combinaison d'acteurs que se trouvent des solutions aux conflits
multiethniques.
De plus, l'influence des médias et des politiciens
inspirent les représentations des gens et sont à
considérer dans les réponses à apporter aux
problèmes liés à la multiculturalité.
Conclusion
L'analyse de la ségrégation, de la
multiculturalité et du "vivre ensemble" dans le quartier d'El Cerezo
nous permet d'entrer dans les débats actuels concernant ces questions
aussi bien en Espagne qu'en France.
Cette étude nous montre la place importante qu'a pris
l'immigration en Espagne. Présente aussi bien dans le débat
public que politique, c'est un sujet auquel s'intéressent de nombreux
chercheurs et acteurs de la vie publique. L'immigration est un
phénomène qui a commencé à être important
vers 1995 à Séville, et qui s'est amplifié dans les
années 2000. Les immigrés habitent principalement dans des
quartiers en reconversion, anciennement ouvriers, où les logements sont
à des prix plus abordables (districts de la Macarena, CerroAmate,
Macarane Norte, etc.) et disponibles du fait d'un déplacement de
nombreux autochtones vers la périphérie de Séville pour
obtenir un logement individuel.
La Macarena étant le district qui regroupe le plus
grand nombre d'immigrés de la ville, il n'est pas étonnant de
voir un phénomène de ségrégation dans une telle
zone.
En effet, comme nous l'avons décrit, la
ségrégation apparaît comme un "entre-soi" n'ayant pas
qu'une portée négative puisque cela amène à un
soutien psychologique, à résoudre certains problèmes ou
encore à élargir son réseau social. Ce
phénomène peut donc contribuer à la
multiculturalité qui se traduit par le fait de partager son "espace
vécu" avec des personnes d'origines différentes même si
cela a lieu de façon restreinte. Dans El Cerezo, nous pouvons parler de
ségrégation choisie puisqu'elle se fait par affinité et
donne lieu à des situations d'entraide entre personnes d'origines
similaires malgré qu'elle soit influencée et donc subie par le
comportement xénophobe de certains autochtones. Nous n'avons pas
traité la question de la ségrégation comme elle peut
être abordée dans les médias, c'est-à-dire que nous
n'avons pas parlé de ghetto car ce n'est pas le cas pour le quartier El
Cerezo ni pour les quartiers environnants. Nous pouvons simplement parler de
regroupements communautaires qui participent à la visibilité du
phénomène migratoire dans cet espace.
Par ailleurs, les questions liées à la
ségrégation sont importantes pour les politiciens qui craignent
d'éventuelles émeutes et situations de crise. Cela pourrait avoir
lieu en cas d'affrontements non maîtrisables entre individus d'origine ou
de religion différentes voire entre immigrés et pouvoirs locaux
pour cause de mécontentement. Cela n'est pas sans rappeler
les violentes émeutes raciales et xénophobes
d'El Ejido45 en 2000. Pour éviter les conflits et
maîtriser l'immigration, la mairie de Séville a mis en place
différents organismes qui traitent de ces questions. Ils ont pour
objectif d'intégrer les immigrés dans la ville de Séville
que ce soit aussi bien grâce au travail, au logement, à
l'éducation que l'accès à la santé. Les
différents services propres à l'immigration rendent visible le
grand intérêt que portent les pouvoirs publics en place à
ce sujet.
A cela s'ajoute les actions des organismes associatifs. Pour
leur part, ils luttent davantage contre l'exclusion sociale mais aussi spatiale
et pour l'égalité des droits dans un souci de justice sociale.
Ils permettent également de faciliter l'intégration et
d'éviter les situations conflictuelles. Voilà pourquoi,
participer à la mise en avant de la cohabitation est une de leur ligne
directrice qui permet d'éviter la ghettoïsation dans les quartiers
multiculturels. Ces espaces sont prédisposés au
phénomène de ségrégation qui lui-même peut
mener au ghetto lorsqu'il n'est pas maîtrisé. Ainsi, les projets
associatifs viennent souvent compléter les politiques publiques. Ils
permettent d'agir directement auprès des migrants et leurs projets sont
compatibles avec ceux de la mairie et de la région. Le plan pilote de la
Macarena en est l'illustration.
Par conséquent, il est essentiel de combiner les
actions politiques à celles des associations pour être plus
à même de répondre aux attentes et besoins des
immigrés en matière du "vivre ensemble" bien que ça ne
soit pas suffisant pour lutter contre les discriminations. Tous les projets
réalisés sont nécessaires puisqu'ils évitent que
les immigrés soient "mis à côté" en essayant de les
valoriser et les intégrer parmi les autochtones. Aussi, suite à
cette étude nous pouvons constater qu'il faut beaucoup de temps ainsi
que l'implication de nombreux acteurs (politiques, associatifs,
médiatiques, etc.) pour pouvoir affirmer que les interactions entre
immigrés et autochtones améliorent le "vivre ensemble" dans les
espaces pluriethniques et font diminuer les discriminations. Souvent dû
à la méconnaissance de certaines cultures, religions ou autres,
les interactions entre individus peuvent se transformer en conflits. Ce qui est
particulièrement le cas dans les espaces multiculturels. Dans ce type de
lieu, il semble indiqué de ne pas être fermé à des
cultures différentes dans un souci de cohabitation.
D'une part, vivre dans une société plurielle
implique de cohabiter avec des individus de cultures différentes, ce qui
est parfois mal perçu. D'autre part, cela suppose souvent des
changements sociaux et urbains qui sont pour certains, difficiles à
accepter, c'est pourquoi des
45 Ville de la Costa del Sol, département
d'Almeria, en Andalousie. En février 2000, de violents affrontements ont
eu lieu entre immigrés et autochtones visant essentiellement les
marocains installés dans la ville.
conflits persistent. Cela concerne essentiellement les
populations installées avant l'arrivée des immigrés. Si
bien que, pour El Cerezo, les conflits concernent principalement les jeunes
immigrés récemment arrivés et les seniors installés
dans ce quartier depuis plusieurs décennies. Dans ce cas, les
contestations sont essentiellement d'ordre générationnelles en
lien avec l'appropriation de chacun de l'espace public. Vient s'ajouter les
préjugés et stéréotypes qui engendrent une
stigmatisation des immigrés. Tout cela entraîne des
incompréhensions pouvant mener à des situations conflictuelles.
Voilà pourquoi, dans l'objectif de limiter les querelles, les quartiers
de ce type sont enclins à des fermetures ou à des contraintes
dans l'usage des espaces publics. Par ailleurs, les conflits sont
fréquemment liés aux représentations des habitants qui
émanent des discours politiques, des journaux ou des émissions de
télévision, qui s'opposent trop souvent aux intérêts
et aux bienfaits du "vivre ensemble". Ces propos sont ensuite repris et
interprétés par la population locale pour donner place la plupart
du temps à des stéréotypes encore bien trop présent
dans ce type de quartier. C'est pourquoi, les immigrés sont toujours
stigmatisés et que l'action coopérative d'acteurs publics est
primordiale pour tenter de mettre fin aux stéréotypes et aux
dénonciations abusives. Actuellement le poids médiatique est trop
important pour lutter efficacement contre les préjugés et pour
une insertion rapide des immigrés dans des sociétés
multiculturelles. Comme nous l'avons vu "le manque d'interaction sociale entre
la population rend difficile la connaissance mutuelle et augmente la jalousie
entre les uns et les autres" (VECINA MERCHANTE, 2010, p233), ce qui mène
souvent à des relations conflictuelles ou tout au moins à de la
méfiance. Le problème est lié à un désir
d'assimilation des étrangers au lieu de vouloir les intégrer,
c'est-à-dire qu'ils aient les même droits et devoirs que les
autochtones tout en conservant leur culture d'origine. C'est pour cela que la
présence d'acteurs associatifs est essentielle au "vivre ensemble" dans
les quartiers multiculturels, elle permet, de plus, d'éviter les
incompréhensions face à "l'inconnu" qui peuvent être
illustrées dans les différences culturelles. Pour finir, la forte
visibilité des immigrés dans le quartier El Cerezo, aussi bien
par la concentration urbaine que par le nombre important de commerces
ethniques, a fait qu'il est "devenu un quartier d'hyper visibilité de
l'immigration" (TORRES, 2011, p. 176). Ceci contribue à
générer une peur de "l'autre" perçue comme un envahisseur
qui "prend la place" des autochtones ce qui engendre de la xénophobie.
D'autant que les associations qui luttent contre ces stéréotypes
sont parfois contrées par des discours extrémistes émanant
de partis politiques radicaux tel le parti Démocrate Espagnol. Si bien
qu'une des solutions pour "banaliser" la présence des immigrés
est de leur laisser accès régulièrement à la
scène publique. Ce qui se fait grâce à la
multiplicité d'événements pluriethniques qui ont lieu tout
au
long de l'année dans divers lieux de la ville. Cela
augmente les situations de coprésence et les rend neutre. De plus, lors
de ces festivités l'immigré n'apparaît plus comme quelqu'un
qui "dérange" mais comme une personne d'intérêt au niveau
de sa culture et de ses coutumes. Bien que tout le monde ne se déplace
pas à ce type d'événements, se sont des moments essentiels
à l'amélioration de l'image que peuvent avoir les
immigrés.
Il faudrait ajouter à cela une visibilité
médiatique mettant en avant les immigrés en parlant d'eux comme
des voisins et non pas comme des étrangers comme c'est trop souvent le
cas jusqu'à présent. Le journal fait par et pour les
immigrés à Séville (De Sur a Sur) n'a pas cette
portée. Diffuser régulièrement une image positive des
immigrés permet de lutter contre la xénophobie et contre les
discriminations raciales encore présentes dans le discours de certains
sévillans mais aussi de compléter les actions des associations et
des politiques publiques qui ne suffisent pas à changer les
représentations et les préjugés que peuvent avoir les
habitants. Cela nécessite beaucoup de temps et doit se faire à
toutes les échelles aussi bien locale que nationale voire internationale
pour ainsi correspondre à l'ère de la mondialisation.
Les pistes de travail pour approfondir ce sujet sont nombreuses.
Nous en évoquerons une qui nous intéresse
particulièrement.
Comme nous l'avons vu, El Cerezo est un quartier où la
population immigrée est à majorité andine, il pourrait
être pertinent d'étudier un quartier à majorité
d'immigrés d'Europe de l'Est ou bien des gitans, population
officiellement intégrée mais en marge de la société
espagnole comme c'est le cas dans le quartier Poligono Sur
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.Disponible sur Internet:
http://www.transfronterizo.net/spip.php?article16
Table des figures
GRAPHIQUES:
- Graphique 1: Evolution du nombre d'immigrés en
pourcentage à l'échelle nationale et locale entre 1996 et 2006
p.8
- Graphique 2: Evolution du nombre d'immigrés en
pourcentage dans les quatre plus grandes villes d'Espagne de 1996 à 2006
....p.8
- Graphique 3: Répartition en pourcentage de la population
immigrée par continents dans les quatre plus grandes villes d'Espagne en
2006 p.9
- Graphique 4 : Evolution de la population dans le quartier El
Cerezo entre 2004 et 2010..p.36
- Graphique 5: Répartition des habitants immigrés
d'El Cerezo par continents en comparaison avec les autochtones en 2010 p.37
- Graphique 6 : Evolution du nombre d'habitants étrangers
dans le quartier d'El Cerezo entre 2008 et 2010 .p.37
- Graphique 7 : Evolution démographique des habitants du
quartier El Cerezo entre 2004 et
2010 ....p.39
CARTOGRAPHIES:
- Cartographie 1: Répartition de la population d'origine
étrangère dans les différents districts de Séville
en 2008 p.15
- Cartographie 2: Localisation des zones
défavorisées dans la ville de Séville p.20
- Cartographie 3 : Le district de la Macarena, situé au
Nord du Centre Ville ..p.29
- Cartographie 4: Noms des districts de Séville et des
quartiers de la Macarena .p.31
- Cartographie 5: Localisation des immigrés dans les
différents quartiers du district de la Macarena en 2008 p.34
- Cartographie 6 : Plan prévisionnel des futurs lignes de
métro dans le district de la Macarena p.62
- Cartographie 7: Répartition des commerces dans la zone
centrale du district de la Macarena en 2008 .p.66
- Cartographie 8 : Lieux de regroupements ethniques dans El
Cerezo .p.81
PLANCHES PHOTOS:
- Planche photo 1: El Cerezo, un espace aux nombreuses
barrières p.65
- Planche photo 2: Illustration de la multiculturalité du
quartier: les enseignes commerciales internationales ..p.67
- Planche photo 3: Illustration de l'importance des lieux de
connections entre Séville et le pays
d'origine
|
p.68
|
- Planche photo 4 : L'importance des automobiles dans le paysage
urbain d'El Cerezo
|
p.86
|
- Planche photo 5 : Titres d'articles de journaux faisant
référence au quartier El Cerezo
|
p.89
|
DOCUMENTS:
|
|
- Document : Des boat people aux appartements de fortune
|
p.92
|
ANNEXES
Table des annexes
Table des matières p.114
Cartographie A: Répartition des différents groupes
ethniques dans la ville de Séville en 2008 p.116
Cartographie B: Localisation par continents, zones ou pays
d'origine des immigrés présents dans les différents
districts de Séville p.117
Législation et réglementation concernant
l'entrée et le séjour des étrangers en
Espagne
|
p.118
|
Bilan du terrain de Mars 2011
|
p.120
|
Cuestionario
|
p.121
|
Questionnaires approfondis
|
p.124
|
Table des matières
Introduction 1
Chapitre I : Évolution de l'immigration et insertion
urbaine des étrangers à Séville 6
A/ Séville: une ville « récente »
d'arrivée de migrants 6
1/ Évolution de la population immigrée dans la
ville 7
a/ Comparaison avec Madrid, Barcelone et Valence 7
b/ Identification des populations immigrées dans la ville
de Séville 10
2/ Répartition des immigrés dans la ville 12
a/ La ségrégation: aspect majeur de la vie en
communauté 12
b/ Les zones de concentration urbaine 13
c/ Localisation par nationalités 15
3/ L'influence des logements collectifs en Espagne 17
a/ Les années 1960/1970: les quartiers ouvriers 18
b/ Changements de populations : le cas du district de la Macarena
19
B / Les politiques publiques : enjeux de l'immigration 20
1/ Différences et points communs entre la Junta
d'Andalousie et la Mairie de Séville 21
a/ Similitudes entre deux travaux de recherches : points de
départ pour la mise en place
de nouvelles politiques publiques 21
b/Des organes politiques en désaccords 23
2/ La délégation des relations institutionnelles
sur l'immigration 24
a/ Un organisme de la Mairie qui se différencie de la
Junta 24
b/ Participation des immigrés dans cette
délégation 25
3/ Des services publics de la mairie au service de l'immigration
26
a/ Support Minimum d'Attention à l'Immigré
(SOMAÏ) : premier lieu d'accueil pour
tout immigré. 26
b/ L'Office des Droits des Immigrés (ODI) 27
C/ La Macarena : un district multiculturel 28
1/ Diversité culturelle et évolution de
l'immigration 29
a/ Progression de l'immigration dans le district de la Macarena
29
b/ Les facteurs de concentration urbaine dans un district
voulant répondre aux besoins
des immigrés 32
c/ Répartition hétérogène des
immigrés 33
3/ El Cerezo : un quartier de concentration de populations
immigrées 35
a/ Evolution du nombre d'immigrés 36
b/ De 2000 à 2010, entre changement et adaptation 38
c/ La multiculturalité: une réalité 39
Chapitre II : Enjeux et évolution de l'immigration : le
cas du quartier El Cerezo 42
A/ Visibilité des immigrés à Séville,
particulièrement dans le quartier d'El Cerezo 42
1/ L'investissement des immigrés dans la vie culturelle de
Séville 42
a/ Les associations d'immigrés: nouvelles dynamiques
urbaines 43
b/ Propositions d'événements des habitants d'El
Cerezo 44
2/ Mise en avant de l'immigration dans le discours
électoral 45
a/ Pression politique 46
b/ Les espaces multiculturels: enjeux des nouveaux partis
politiques 47
B/ L'importance des acteurs associatifs locaux 48
1/ Les projets associatifs : enjeux de cohabitation 48
a/ Les associations humanitaires en lutte contre les
discriminations et les conflits
multiculturels 49
b/ L'association des voisins en lutte contre la relégation
urbaine 51
c/ L'Office des Droits Sociaux (ODS): au coeur des
inégalités sociales 53
2/ Le plan pilote de la Macarena : la tentative de créer
du « vivre ensemble »
collectivement. 54
a/ Définition de l'intégration 55
b/ Projets de cohabitation pour améliorer le "vivre
ensemble" 56
C/ Transformations urbaines du quartier El Cerezo 58
1/ Une situation géographique avantageuse 59
a/ Un quartier proche des grands axes routiers et du centre de la
ville 59
b/ Un espace perméable au sein du district de la Macarena
60
2/ Des changements urbains visibles 63
a/ L'évolution des espaces publics en espaces «
fermés » 63
b/ El Cerezo : centre commercial de la Macarena 65
c/ les commerces ethniques : illustration d'un espace
mondialisé 67
3/ La place de Punta Umbria: illustration des transformations
urbaines et sociales 69
a/ Espace aux multiples changements 69
b/ Le parc pour enfants : espace central de la place 70
c/ Du partage à la répression 71
Chapitre III : Représentations et pratiques liées
à l'immigration dans le quartier d'El Cerezo 73 A/ Effets de la
multiculturalité pour El Cerezo 73 1/ Le point de vue des habitants
dans leur choix et leur représentation du quartier El
Cerezo 73
a/ Les raisons de la venue des habitants dans le quartier 74
b/ Le quartier : un espace d'appropriation 75
c/ Les perceptions d'El Cerezo selon les habitants du quartier
77
2/ Ségrégation spatiale : entre espaces
partagés et espaces « réservés » 79
a/ Le "vivre ensemble" dans le discours des habitants 79
b/ Lieux de rencontres et de regroupements : des
différences Nord-Sud 80
B/ L'immigration comme bouc émissaire 83
1/ Un espace conflictuel 83
a/ Litiges liés à la consommation de l'eau courante
84
b/ Problèmes relatifs au stationnement 85
2/ De la réalité au stéréotype 87
a/ El Cerezo un quartier « habitué » à la
présence de populations immigrées 87
b/Les immigrés stigmatisés 89
C/ Les jeunes : première cible des ONG 93
1/ Un défi multiculturel 93
a/ Le discours et les pratiques des jeunes envisagés comme
solutions aux conflits
multiculturels 93
b/ Activités et sociabilité hors des temps
scolaires 94
2/ Intervention dans les établissements scolaires 96
a/ La cour de récréation : espace de
visibilité 96
b/Utilisation du collège durant les vacances
d'été 98
Conclusion 100
Bibliographie 104
Table des figures 110
Table des annexes 113
Table des matières 116
Cartographie A: Répartition des différents
groupes ethniques dans la ville de Séville en 2008
Source: Torres 2011. p.57
Cartographie B: Localisation par continents, zones ou
pays d'origine des immigrés présents dans les différents
districts de Séville.
Source: Mairie de Séville, Adobe Illustrator (c)
Bouchet-Wacogne Matthieu
Législation et réglementation concernant
l'entrée et
le séjour des étrangers en
Espagne:
Politiques Espagnoles en matière
d'Immigration
|
Descriptif
|
Loi de 1984
|
Relative au droit d'asile et à la condition de
réfugié.
|
Loi de juillet 1985
|
Loi des Droits et Libertés des Etrangers en Espagne
(Ley de Extranjeria), qui porte sur l'intégration, les droits et devoirs
des étrangers en Espagne. Elle a connu différentes modifications
en 2000.
|
Régularisation exeptionnelle de 1986
|
Le gouvernement espagnol régularisa la
situation des étrangers, pour la première fois et
de façon exceptionnelle
|
Loi de 1993
|
Première loi espagnole des quotas pour
l'attribution des permis de travail. (PERES, 1999)
|
Loi de 2000 et 2001
|
Régularisation automatique de tout étranger en
situation irrégulière au bout de deux ans, elle permit la
régularisation de 200 000 personnes (TANDONNET, 2003). En 2001 une
seconde loi l'a modifié en portant la régularisation au bout de
cinq ans.
|
Nouveau système de recrutement en 2001
|
Recrutement par quotas de métiers définis au
niveau de chaque région est mis en place (idem en Italie).
|
Réforme du code civil en 2002
|
Toute personne ayant un père, une mère, un
grand-père ou une grand-mère nés en Espagne peut
acquérir la nationalité espagnole sans limite d'âge.
|
Loi de 2003
|
Elle impose aux étrangers extra-communautaires de se
réinscrire tous les deux ans sur le registre municipal (padron). Cela a
amener des immigrés a quitter l'Espagne du fait de leur situation qui
n'était plus en règle.
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Régularisation de 2005
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José Luis Rodríguez Zapatero, chef du
gouvernement Espagnol, a régularisé 700 000 sans
papiers. Son objectif est de réduire les travailleurs sans papiers et de
les faire participer aux cotisations sociales (sixième
régularisation exceptionnelle depuis 1986).
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Loi de 2005
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Elle favorise l'immigration légale mais met
de nouvelles règles restrictives à respecter. Le
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Numéro d'Identification des Étrangers (NIE)
permet de résider en Espagne, il est donnée par les
autorités espagnoles. Toute personne ayant un visa ou une autorisation
permettant de rester en Espagne pour plus de six mois peut en
bénéficier en la demandant auprès des autorités
compétentes durant le mois suivant son arrivée.
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Cette loi met également en place de
nouvelles conditions pour limiter le regroupement familial.
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Pour faire venir sa famille, un étranger doit avoir une
autorisation de résidence, de travail et de regroupement.
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Bilan du terrain de Mars 2011:
Questionnaires:
Nationalités Nombre de personnes
interrogées
Espagnols 17
Camerounais 1
Nigérians 4
Ivoiriens 2
Vénézuéliens 2
Equatoriens 3
Bolivien 1
Mexicain 1
Marocains 3
Roumains 1
Total 35
Entretiens avec les habitants d'El Cerezo (9 personnes):
Prénoms des personnes interrogées
Nationalités
Angelines Espagnole
Elena Espagnole
Antonio Espagnol
Christina Espagnole
Betty Equatorienne
Rober Bolivien
Carlos Vénezuelien
Zico Marocain
Alain Camerounais
Entretiens avec acteurs locaux:
Prénom Fonction Origine
Ousseynou Coordinateur Acoge Sevilla Sénégalais
Demba Médiateur interculturel Sénagalais
Cepaim
Mercedes Coordinatrice ACCEM Espagnole
Aziz Médiateur interculturel, Marocain
ACCEM
Gabi Volontaire Acoge Sevilla Equatorien
Tania Volontaire Acoge Sevilla Péruvienne
Andres Président de l'association de Espagnol
voisinage d'El Cerezo
Carlos Coordinateur ODS Espagnol
Teresa Responsable délégation de Espagnole
l'immigration
Francisco Chercheur, géographe UPO Espagnol
Maria-Angeles Chercheuse, sociologue Espagnole
Cuestionario
Soy estudiante en la universidad de Poitiers en Francia. Para
llevar a cabo mi tesina necesito saber más de su vida en el barrio del
Cerezo. Por favor, ayúdeme rellenando este cuestionario, es
rápido, fácil y anónimo.
I/ Conocerle
1. ? Hombre ?
Mujer
2. Edad: n entre 18 y29 años n entre 30 y 65
años n más de 65 años
3. Desde cuando vive en España?
n Menos de un año n de 1 a 3 años n de 3 a 5
años
n de 5 a 10 años n más de 10 anos n nacido en
España
4. Cuál es su lengua maternal ?
5. En una escala de 1 a 5, Cómo valoraría su nivel
de español? : (1=no habla , 5=corrientemente)
1 2 3 4 5
6. Cuál es su situación profesional?
? Estudiante n Parado
n Sin trabajo n Ama de casa
? Trabajador; puede escribir usted su
profesión:
7. Con quién vive?
? Solo n En familia n Con
amigos
8. Tiene niños entre 1 y 18 años? n Sí
n no 8 bis. Si tienes niños escolarizados en Sevilla, qué
centro escolar frecuentan?
II/ Usted y El Cerezo
9. Desde cuando vive en este barrio?
n Menos de un año n de 1 a 3 años n de 4 a 10
años n más de 10 años
10. Cómo describiría el barrio en tres palabras? -
-
-
11. Porque vive en este barrio?
12. Con qué frecuencia va en los barrios siguientes?
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4 veces o más a la semana
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De 1 a 3 veces a la semana
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De 1 a 2 veces al mes
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Casi nunca
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Distrito de la Macarena (sin el Cerezo)
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Santa Cruz y Arenal
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Triana
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13. Normalmente, con qué tipo de transporte va a otros
barrios?
n en coche n en transportes públicos n en bici n en
moto n andando
14. Está usted apuntado en un club deportivo o una
asociación?: n sí n no
14 bis. Si es el caso, cuáles?
15. Le gustaría organizar eventos o actividades que pongan
de relieve sus tradiciones culturales? n sí n no
15 bis.Si es el caso, de qué tipo?
III/ Usted y los habitantes del Cerezo
16. En el bloque en el que vive, tiene usted vecinos de estos
orígenes?
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Espanoles
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Otros Europeos
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Americanos
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Latinoamericanos
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Africanos
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Asiáticos
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SI
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NO
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17. Ha tenido usted problema(s) con los habitantes del barrio?
? sí ? no: puede ir a la pregunta 18
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17 bis.Sí esel caso, de qué tipo?
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18. Suele usted relacionarse con gente de estos origenes?:
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Espanoles
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Otros
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Americanos
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Latinoamericanos
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Africanos
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Asiaticos
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Europeos
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SI
NO
19. Puede situar el lugar o los lugares dónde va lo
más a menudo? (mínimo: una vez a la semana): (máximo 5
lugares)
Nombres de los lugares que frecuenta:
1 :
2 :
3 :
4 :
5 :
Muchas gracias por el tiempo que ha dedicado a contestar a este
cuestionario.
Si está interesado en estar entrevistado puede dejar su
número de teléfono:
Questionnaires approfondis
Pourquoi avez-vous fait le choix de venir vivre ici?
Pouvez-vous me décrire l'ambiance dans votre quartier?
Que pouvez-vous dire du fait que des études
décrivent votre quartier comme étant multiculturel du fait qu'il
y a des habitants de différentes nationalités dans votre
quartier?
Appréciez-vous le fait de vivre avec des voisins de
différentes origines?
D'après certains journaux, il y aurait des conflits dans
votre quartier, êtes-vous d'accord avec cela et si oui, pouvez-vous m'en
parler?
Participez-vous à des actions ou événements
dans ce quartier? Si oui pouvez-vous en parler?
Comment d'après vous est-il possible de "créer" du
"vivre ensemble" dans votre quartier ?
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El Cerezo
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Pratiques
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Contacts entre
voisins
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Evénements et
Lieux symboliques
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Quoi? Lesquels ?
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Où? Avec Qui?
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Pourquoi,
comment et quels problèmes rencontrez-vous?
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Résumé :
La multiculturalité et la ségrégation
sont des termes qui, dans une certaine mesure, peuvent s'opposer. Dans le
référentiel commun, l'un fait davantage renvoi à des
situations de pluralité tandis que l'autre se rapporte essentiellement
à une mise à l'écart. Cette recherche propose d'aller plus
loin dans la définition de ces concepts et de les illustrer en
s'appuyant sur le quartier pluriethnique d'El Cerezo situé au Nord de la
ville de Séville dans le district de la Macarena.
Par ailleurs, dans un contexte d'espace mondialisé,
l'intérêt de cette recherche est de comprendre comment se fabrique
le "vivre ensemble" et quelles sont les interactions entre autochtones et
immigrés. Pour cela, cette étude s'intéresse aussi bien
aux associations, qu'aux habitants des quartiers multiculturels mais aussi aux
politiques publiques.
Mots clés : Séville,
immigrés, discriminations, ségrégation,
intégration, vivre ensemble, représentation, interactions,
multiculturalité.
Abstract :
Multiculturalism and segregation are notions which, to a
certain extent, can oppose each other. In their common usage, the first refers
to situations of plurality, as the other pertains essentially to the act of
isolation. This research is proposing to deepen the comprehension of these
concepts, and to illustrate the findings according to the results of an
empirical work led in the multiethnic neighborhood of El Cerezo, located in the
district of Macarena in northern Sevilla.
Furthermore, considering the context of globalization, the
focus of this study is to understand how the «living together»
process is constructed, and the interactions between natives and immigrants.
Consequently, equal consideration is given to the study of the local
associations, of the inhabitants of the multicultural neighborhoods, and of the
public policies.
Key words : Seville, immigrants, discrimination,
segregation, integration, «living-together», representation,
interaction, multiculturalism.
Resumen :
Multiculturalidad y segregación son dos términos
que, en cierta medida, pueden oponerse. En un sentido referencial común,
el primero hace más hincapié en situaciones de pluralidad
mientras que el otro se relaciona principalmente con algún tipo de
aislamiento. Esta investigación se propone ir más allá en
la definición de estos conceptos ilustrándolos y
apoyándose en el barrio pluriétnico del Cerezo ubicado en el
Norte de la ciudad de Sevilla, en el distrito de la Macarena.
Además, en un contexto espacial mundializado, el
interés de este estudio es entender cómo opera el «vivir
juntos» y cuáles son las interacciones existentes entre oriundos e
inmigrados. De modo de qué este trabajo pretende interesarse tanto en
las asociaciones implicadas, como en los habitantes de barrios multiculturales,
y también en las políticas públicas desarrolladas.
Palabras claves : Sevilla, inmigrados,
discriminación, segregación, integración, vivir juntos,
representación, interacciones, multiculturalidad.
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