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Les principales causes et perspectives de développement pour la lutte contre la pauvreté urbaine à  Kinshasa

( Télécharger le fichier original )
par Isaac MAYELE
Université catholique du Congo  - Gradué en économie et développement 2008
  

Disponible en mode multipage

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    EPIGRAPHE

    Paresseux, jusqu'à quand seras-tu couché ? Quand te lèveras-tu de ton sommeil ? Un peu de sommeil, un peu d'assoupissement, un peu croiser les mains pour dormir ! Et la pauvreté te surprendra comme un rôdeur. Bible, Proverbe 6 : 9-11 (Traduction Louis Second).

    DEDICACE

    A toi mon Papa Victor LUPUNGU ;

    A toi ma Maman chérie Bernice KAMUELE ;

    A vous mes frères et soeurs ;

    A vous mes très chers amis et collègues ;

    Je vous aime de tout mon coeur !

    Isaac MAYELE LUPUNGU

    AVANT PROPOS

    "Chaque enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne". C'est par cette célèbre citation de Victor Hugo que nous tenons à l'accomplissement de notre tâche, celle de remercier les personnes qui ont tenu fort de près ou de loin en vue d'atteindre la finalité de cette brave aventure.

    Nos vifs remerciements s'adressent de prime à bord au très Haut, qui ne cesse, malgré les vents et tempêtes de la vie, de m'accorder gratuitement le précieux souffle de vie. Puis à toutes les autorités des Facultés Catholiques de Kinshasa (FCK) pour leur engagement dans le grand combat de l'encadrement et de la formation des élites congolais. Par ricochet, nous pensons également aux différentes autorités de la faculté d'économie et développement, que les corps académique et scientifique de cette faculté trouvent à travers ce paragraphe l'expression de notre profonde gratitude.

    Que notre maître de pensée, le Professeur Télesphore CHELO DHEBBI qui, en dépit de ses lourdes et multiples occupations a su diriger cette recherche scientifique avec beaucoup de rigueur et de fermeté trouve à travers ces lignes nos très sincères remerciements, à jamais vos actes seront toujours graver dans notre esprit.

    A vous monsieur Hervé NLANDU, nous vous assurons qu'en réalité vous n'étiez pas qu'un assistant pour nous, mais plutôt un grand frère par vos conseils, vos remarques très pertinentes et surtout votre encadrement, recevez nos vifs remerciements et l'expression de notre profonde reconnaissance.

    A toi mon Papa Victor LUPUNGU, ma maman chérie Bernice KAMUELE, vous êtes des super-parents que je n'ai malheureusement pas vu au monde, ce travail est un fruit des vos efforts, témoigne des sacrifices endurés.

    A vous mes frères et soeurs Franklin KIZETI, Georgette LUPUNGU MUTSUMBWA,  Marie MBALO, Justine LUPUNGU, Auguy NYANGA, Maurice KABATSHI et Neneth LUPUNGU NYANGE, vous êtes les meilleurs par vos conseils, vos aides tant morales que matérielles et surtout vos encouragements, tenez bon "Yes we can".

    A vous les Wauters, il s'agit bel et bien de madame Wauters LUPUNGU Georgette ; Wauters Vic, Wauters Bruno et Wauters Marie-Paule ; respectivement soeur, neveux et nièce remplis de compassion, de générosité, de gentillesse et de modestie comme vous, jamais vu au monde. Trouvez à travers ces mots ma sincère reconnaissance traduite par les efforts accomplis par votre jeune oncle !

    Le ciel nous en voudra et la nature nous taxera d'une ingratitude notoire si nous bouclons ces mots sans penser à la famille KIKONDA, il s'agit de monsieur Akim KIKONDA, madame Marie KIKONDA, Thiery KIKONDA, Serge KIKONDA, Bénédicte KIKONDA et Bonheur KIKONDA. Nous mourons d'envie de dire merci car les actes que vous avez toujours posé à notre endroit nous emporte parfois dans une émotion intrinsèque, voilà le concret résultat de vos efforts, vous êtes un très bon modèle pour nous à suivre, nous ne cesserons guère de vous avouez que ce qui est semé en nous au jour le jour, est une moisson de l'avenir !

    Que nos amis et connaissances, toutes les personnes qui nous ont soutenu de près ou de loin, tous nos encadreurs, tous les lecteurs du présent travail scientifique trouvent ici notre franche collaboration et reçoivent des bénédictions venant d'en haut.

    Isaac MAYELE LUPUNGU

    Etudiant

    LISTE DES ACRONYMES

    ACF : Action Contre la Faim

    ASBL : Associations Sans But Lucratif

    ASS : Afrique au Sud du Sahara

    CNDRI : Centre National de Développement Rural

    Intégré

    DAIPN : Domaine Agro-Industriel Présidentiel de la

    N'sele

    DDL : Degré de Liberté

    DSCRP : Document de Stratégie de Croissance et de

    Réduction de la Pauvreté

    FAO : Organisation des Nations Unies pour

    l'Alimentation et l'Agriculture

    FEC : Fédération des Entreprises du Congo

    FMI : Fonds Monétaire pour le Développement

    HCDH : Haut Commissariat des Nations Unies aux

    Droits de l'Homme

    JTLF  : Journal Télévisé en Lingala Facile

    LOGEC  : Logement Economique

    MONUC : Missions des Nations Unies au Congo

    OMD : Objectifs du Millénaire pour le

    Développement

    OMS  : Organisation Mondiale de la Santé

    ONL : Office National de Logement

    PAM : Programme Alimentaire Mondial

    PME : Petites et Moyennes Entreprises

    PNA  : Programme National d'Assainissement

    PNUD  : Programme des Nations Unies pour le

    Développement

    PVD  : Pays en Voie de Développement

    PRSP   : Poverty Reduction Strategy Papers

    PDU : Projet de Développement Urbain

    RDC   : République Démocratique du Congo

    REGIDESO : Régie de Distribution d'eau

    SIDA  : Syndrome Immuno-Déficience Acquise

    SMIG : Salaire Minimum Garanti

    SNEL : Société National d'Electricité

    TPAT-UH : Travaux Publics, Aménagement du

    Territoire, Urbanisme et Habitat

    UNICEF : Fond des Nations Unies pour l'Enfance

    UNOPS : Bureau des Nations Unies pour les Services D'Appui aux Projets

    VIH : Virus d'Immuno-Déficience Humaine

    INTRODUCTION

    1.1. PROBLEMATIQUE

    Vaincre la pauvreté au milieu des hommes est devenu une des préoccupations majeures pour l'humanité toute entière. La lutte contre la pauvreté peut paraître à la fois comme un slogan et un véritable but des instances internationales et des acteurs de développement national.

    En République Démocratique du Congo en général, et dans la ville de Kinshasa en particulier, la pauvreté n'est plus un mythe mais une réalité de masse qui sévit tous les jours. Elle ne renvoie pas qu'au manque de revenus, elle est un concept multidimensionnel. La multidimensionnalité du concept pauvreté conduit à opérer une soigneuse distinction entre "la Pauvreté" et "la Précarité". Il s'agit pour les Kinois de deux états de vie que les auteurs ont parfois difficile à distinguer parce que leurs conséquences convergent à long terme.

    Signalons que depuis plusieurs décennies, les rapports entre pays colonisateurs et pays colonisés sont remplacés par un nouveau type des relations : il s'agit des relations de coopération ou la coopération au développement. L'objet ou la matière de cette coopération est jalonné des stratégies, des plans triennaux, quinquennaux et décennaux. Chacun de ces plans porte un nom sous forme de slogan, par exemple : "Industries Industrialisantes" ; "Développement Rural (Intégré)" ; "Ajustement Structurel" ; "Appui au Secteur Informel ou Economie Populaire" ; "Education pour Tous" ; "Développement Humain" ; "Gender et Développement"...et aujourd'hui "Lutte Contre la Pauvreté".

    Ces coopérations et discours traduisent à notre avis, l'évolution des préoccupations pour le phénomène de la pauvreté et constituent à chaque fois des nouveaux paradigmes, des différents souhaits ou différentes théories qui guident les différentes stratégies d'actions à entreprendre1(*).

    Malheureusement, cette même préoccupation ne constitue souvent qu'un simple effet de mode pour certains acteurs de développement qui restent au niveau des lois et décrets sans jamais avoir la ferme résolution politique de traduire réellement les intentions en actes ou en actions publiques concrètes.

    De ce qui précède, il nous revient de nous poser quelques questions fondamentales qui demeurent ipso facto une préoccupation si l'on veut rendre effective la lutte contre la pauvreté à Kinshasa. Ces questions sont les suivantes :

    · Quelles sont les principales causes ou fondements de la pauvreté à Kinshasa ?

    · Pourquoi la pauvreté persiste-t-elle à Kinshasa malgré les différentes théories et pistes misent en place par le gouvernement congolais et les institutions internationales ?

    · Que faire pour réduire le taux de la pauvreté à Kinshasa ?

    1.2. HYPOTHESES

    Considérant l'ampleur de la dégradation des conditions de vie de la population kinoise prise dans son ensemble, il est important en tant que scientifique d'en tenir compte et d'en déduire un certain nombre des causes explicatives et aussi mener une analyse scientifique importante pour la réduction du taux de la pauvreté. Deux facteurs justifieraient la détérioration des conditions de vie à Kinshasa, il s'agirait notamment :

    v De l'explosion démographique : à ce stade on remarque que la population kinoise a augmentée de façon vertigineuse. En 1881 il n'y avait que 5 000 habitants à Kinshasa, la population a augmentée à plus de 6 000 000 d'habitants en 2003 et elle s'est rapidement accrue pour atteindre plus de 9 000 000 d'habitants à ce jour. L'exode rural, l'accroissement naturel et l'incorporation des certains villages environnants sont en principe les principales causes de l'explosion démographique à Kinshasa2(*).

    En effet, cette explosion a permis à la population kinoise de voir non seulement les infrastructures de base, mais aussi toutes les conditions de vie détériorées au jour le jour et la population ne cesse sans doute de s'exclamer chez les autorités tant municipales que provinciales à travers des vieux adages nostalgiques « Kin la belle ekoma Kin la poubelle » qui veut dire littéralement « Kinshasa, qui était la ville propre sur tous ses aspects, est devenue aujourd'hui une poubelle ».

    v De la crise politique et économique, les différentes guerres civiles qui se sont succédées depuis 1960 jusqu'à présent ont aggravé la crise économique qui, elle-même, fut accentuée par la nationalisation des entreprises certaines étrangères ayant leur champ d'activités au pays.

    C'est Kinshasa qui paie le lourd tribut des crises politiques et économiques, car la paupérisation des milieux ruraux ne fait que s'accentuer au fil du temps poussant ainsi les paysans à quitter la campagne pour venir gonfler les effectifs de la population kinoise, contrainte de vivre dans la précarité. D'où, les infrastructures du secteur formel sont dépassées par le boom démographique.

    L'Etat comme garant de la nation, devrait user, à notre avis, des mesures d'encouragement des politiques productives (ne pas s'axer qu'aux slogans). Il doit promouvoir l'éradication des certaines failles pour la motivation du secteur formel à produire les richesses, de stimuler la production en vue de garantir la satisfaction des besoins minima de la population qui ne fait que sonner l'alarme.

    1.3. INTERET DU SUJET

    L'intérêt de ce travail vient du constat que nous avons aperçu dans la ville de Kinshasa, le taux de chômage élevé (le sous emploi) créant des multiples incidences sur la vie de la population kinoise et la crise générale que traverse la population. Il nous servira d'un grand bagage en vue d'approfondir notre connaissance participative dans la gestion de la chose publique tout en se dotant d'une conviction d'assurer un minimum vital à la population Kinoise qui ne cesse de se dégrader au jour le jour. Cependant, Une pareille étude revêt de l'intérêt dans la mesure où :

    · Elle sera une analyse objective des principales causes de la pauvreté à Kinshasa ;

    · Elle dégagera l'incidence de la pauvreté sur la vie de la population kinoise dans  l'ensemble ;

    · Elle proposera aux décideurs politiques différentes stratégies ou perspectives de développement en vue d'une réduction du taux de la pauvreté urbaine à Kinshasa.

    1.4. METHODES ET TECHNIQUES

    Toute étude qui soit purement scientifique, pour lui donner un caractère rationnel évident, procède par une méthode accompagnée des techniques.

    A. METHODES

    Dans son sens large, on définit la méthode comme étant une démarche ou l'ensemble des démarches que suit l'esprit pour découvrir et démontrer une vérité. Dans son sens philosophique la méthode se définit comme une attitude d'esprit vis-à-vis de l'objet qu'on étudie et la logique de l'objet scientifique qui en découle. Pour le cas qui est le notre, nous utiliserons ainsi :

    · La méthode statistique ;

    · La méthode descriptive ;

    · La méthode comparative

    La méthode statistique interviendra lorsqu'on se servira des chiffres pour dégager l'état de lieu, l'évolution de la démographie et l'évolution de l'économie dans la capitale. Tandis que les méthodes descriptive et comparative nous seront d'une grande utilité pour appréhender chaque donnée et elles nous aiderons à schématiser, expliquer et comparer les données afin d'en tirer des conclusions qui en découlent.

    B. TECHNIQUES

    Nous utiliserons à ce niveau deux grandes techniques, à savoir:

    · La recherche documentaire ;

    · L'observation participante.

    Nous allons parcourir les différents ouvrages se référant à l'évolution de l'économie congolaise en général et de la ville de Kinshasa en particulier. Nous observerons ensuite sur terrain l'évolution de la vie sociale, économique,... que traverse la population kinoise ; puis ferons l'analyse des principaux obstacles que rencontre cette dernière.

    1.5. DELIMITATION DU SUJET

    Dans notre étude, nous ne saurons pas analyser toutes les causes de la pauvreté à Kinshasa. Ainsi, nous allons plus nous atteler à notre niveau sur les principales causes, comme l'indique ci-haut notre intitulé. Nous nous situerons ipso facto en République Démocratique du Congo et plus précisément dans la ville-province de Kinshasa, de 2001 à 2008.

    1.6. CANEVAS DU TRAVAIL

    Pour rendre claire son contenu, notre travail sera divisé en trois grands chapitres, dont le premier s'articulera autour de l'approche notionnelle, où nous allons plus mettre l'accent sur la manière dont la pauvreté est perçue à l'échelle mondiale.

    Le deuxième abordera l'état de lieu tout en soulevant les différents problèmes que connait la ville province de Kinshasa.

    Et le troisième sera consacré à l'étude des diverses politiques de développement que peuvent adopter les opérateurs économiques en vue de notre implication dans le processus de lutte contre la pauvreté urbaine à Kinshasa.

    CHAPITRE I

    APPROCHE CONCEPTUELLE

    INTRODUCTION

    Il sied de spécifier que la pauvreté demeure un concept multidimensionnel, du fait que ses manifestations qui en découle se font savourer presque dans tous les domaines de la vie de l'homme. C'est de cette façon que nous voulons, avant de l'aborder comme tel, évoquer certains points des vues théoriques et définitionnels soulevés par divers auteurs en vue de rendre compréhensif le contenu de notre étude.

    I.1. LUTTE CONTRE LA PAUVRETE : UNE PREOCCUPATION

    MONDIALE

    La lutte contre la pauvreté est devenue, l'une des préoccupations importantes des institutions internationales et des gouvernements. De par son importance et son impact socio-économique, ils s'en préoccupent davantage depuis les années 1990, durant lesquelles l'assemblée générale des Nations Unies avait fait de l'élimination de la pauvreté l'un des ses objectifs prioritaires de la décennie pour l'Afrique subsaharienne. En effet, lors du sommet mondial pour le développement social à Copenhague en mars 1995, les gouvernants s'étaient engagés à éliminer la pauvreté.

    L'assemblée Générale des Nations Unies avait proclamé par la suite l'année 1996 « Année internationale pour l'élimination de la pauvreté » et la période de 1997-2006 « Premières décennies des Nations Unies pour l'élimination de la pauvreté ». Près de la moitié de 6 billions de la population mondiale vit avec moins de 2$ par jour, seuil de la pauvreté3(*). C'est dans le cadre de cette lutte que le sommet de Libreville de février 2000 avait regroupé les institutions de « Breton Wood » et les Gouvernements des pays en développement afin de réfléchir sur les stratégies de réduction et/ou d'éradication de la pauvreté.

    Le sommet de millenium de septembre 2000 avait lui aussi réfléchi sur le même sujet. Les Nations Unies ont fixé les objectifs suivants pour le millénaire :

    · Réduire l'extrême pauvreté et la faim ;

    · Assurer l'éducation pour tous ;

    · Promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ;

    · Réduire la mortalité infantile ;

    · Améliorer la santé maternelle ;

    · Combattre le VIH/SIDA ;

    · Assurer un environnement durable et mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

    La Banque Mondiale et les F.M.I (Fonds Monétaire International) ont mis en oeuvre un programme dénommé "Poverty Reduction Strategy Initiative (PRSI)" destiné à réduire la pauvreté dans les pays pauvres. Dans le cadre de ce programme, chaque pays concerné devra élaborer son "Poverty Reduction Strategy Papers (PRSP)". Ainsi, la République Démocratique du Congo s'est dotée d'un "Document de la Stratégie de croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP)".

    Le DSCRP congolais vise principalement le rétablissement de la paix, la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur des frontières nationales et le rétablissement d'un état de droit d'une part, la relance et la consolidation de l'économie sur base saine prenant en compte les objectifs du millénaire pour le développement (OMD), d'autre part.

    I.2. BREFS REGARDS SUR LE CONCEPT » PAUVRETE »

    La « pauvreté » ne renvoie pas qu'au manque de revenu, elle est un concept multi dimensionnel. Pour le courant WELFARIST, l'utilité est une fonction croissante de la consommation, c'est-à-dire une fonction croissante du revenu d'un individu ou d'une nation. Il fallait dès lors accroître la richesse pour améliorer les conditions de vie. D'autres courants mettent l'accent sur les besoins de base, soit sur les capacités. Il a fallu attendre une période relativement récente pour voir apparaître des théories proposant une vision plus large du développement humain.

    C'est dans ce contexte qu'intervient l'approche par les capacités d'ARMATYA SEN4(*). Il remet en question le lien direct entre les ressources dont dispose un agent et son niveau de bien-être. D'après lui, il existe quelques points qui ne garantissent pas l'équivalence entre les ressources d'une personne et son niveau de bien-être. Il part ainsi de deux faits, à savoir :

    · Le niveau de vie d'une personne ne dépend pas de ses ressources (Commodities) mais aussi de sa capacité à les transformer en paniers de biens dont il peut disposer (Entitlement).

    · L'usage qu'une personne peut faire des ressources dont il dispose et qui dépend d'un certain ensemble de caractéristiques personnelles et sociales.

    Ces différents faits déterminent en soi l'espace de choix possible d'une personne. Plus l'espace des capacités est réduit, plus l'individu sera pauvre en termes de choix de vie. SEN note l'existence d'un lien étroit entre les dénis de libertés qui conduisent à l'impossibilité de développer ses facultés individuelles et le maintien des revenus à un niveau bas. Il considère dès lors la pauvreté comme une privation des capacités de base et non pas comme simplement un revenu faible. Les différents dénis de libertés qui ne font qu'accentuer la pauvreté des ménages sont principalement : la famine, la sous alimentation, la malnutrition, les conditions de logement précaires, l'accès à l'éducation et aux soins de santé, les conditions d'existence précaires, le bas niveau d'éducation et d'instruction, l'exclusion du monde de travail, les discriminations sexuelles et la réduction des libertés civiles et politiques. L'auteur ajoute que, la pauvreté est un monde complexe, multiforme, qui exige une analyse précise de toutes ses nombreuses dimensions car les êtres humains sont extrêmement divers de par leur mode de vie.

    La définition de la pauvreté varie généralement selon deux types d'approches, l'une plus globalisante et l'autre basée sur les trois dimensions de la pauvreté suivante : l'alimentation, les revenus et les besoins fondamentaux. Cette dernière approche est celle qui est souvent la plus utilisée. Elle englobe dès lors trois types de pauvreté :

    · La pauvreté alimentaire ;

    · La pauvreté monétaire et ;

    · La pauvreté humaine.

    Il sied à ce stade de spécifier que les auteurs distinguent généralement la pauvreté en l'opposant à la richesse. Les indicateurs qu'ils utilisent pour appréhender peuvent être différents. Suivants les pays et /ou les contextes, l'idée qu'on se fait de la pauvreté change. Si l'opposition entre la pauvreté et la richesse reste permanente, elle prend néanmoins des sens très différents. A chaque contexte correspond une conception de la pauvreté. La plupart des auteurs ont essayé de donner une définition de la pauvreté. Mais un parcours cursif des définitions proposées montrent combien chaque auteur se sent « limité » pour donner une définition précise.

    Certains auteurs évoquent seulement l'aspect argent pour distinguer le pauvre du riche, mais cela ne suffit pas, il faut y ajouter quelque chose de plus pour faire cette distinction. Parmi ces auteurs, nous pouvons évoquer le cas de WRESINSKI (1987) qui définit la pauvreté en la distinguant de la précarité. Pour lui, la pauvreté est l'absence d'une ou de plusieurs sécurités notamment celle de l'emploi qui permet à la personne d'assurer ses obligations professionnelles, familiales et sociales et de jouir de ses droits fondamentaux. Tandis que GILLIS (1990) définit la pauvreté en parlant de l'individu qui s'estime pauvre parce que privé des avantages dont jouit autrui dans la société. L'auteur, dans ce sens, a mis l'accent sur le caractère relatif et subjectif de la pauvreté. VANDERSCHUEREN (1996), quant à lui, définit la pauvreté comme l'incapacité pour un individu, une famille ou une communauté de satisfaire certains besoins minima. L'accent est mis chez lui sur le caractère absolu et objectif de la pauvreté. CAMARA (2001) désigne par la pauvreté comme un certain niveau de manque ou d'insuffisance dans l'existence ou le bien être de l'homme. Pendant que KALONJI NTALAJA (2001) catégorise trois sortes de pauvreté, à savoir : la pauvreté primaire, secondaire et tertiaire. Selon lui, la pauvreté primaire est un manque intrinsèque de capacités d'actions nécessaires à une existence humaine alimentaire, dont la responsabilité n'incombe pas à la personne concernée (un handicapé physique ou un retraité par exemple).

    L'existence d'un système de sécurité sociale efficace permet de pallier cette catégorie de pauvreté. La pauvreté secondaire, selon le même auteur, est une pénurie intrinsèque des capacités d'actions nécessaires à la satisfaction des besoins de base surtout l'alimentation, la santé, et l'instruction par une personne physique ou morale apte. La pauvreté tertiaire ou de performance, d'après lui, est une pénurie des capacités d'actions instrumentales ou fonctionnelles indispensables pour obtenir et/ou soutenir certaines performances, nécessaires à un fonctionnement viable5(*).

    En dehors des auteurs chercheurs, il y a aussi de grandes institutions qui s'intéressent au concept de pauvreté. Par exemple, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), distingue trois types de pauvreté : la pauvreté monétaire, alimentaire et humaine.

    Le PNUD parle de la pauvreté monétaire lorsqu'on est dans une situation où le revenu du citoyen est insuffisant pour satisfaire ses besoins de subsistance. Il parle de la pauvreté alimentaire en prenant en compte les besoins minima en termes alimentaires.

    D'habitude, les Institutions des Nations Unies utilisent deux méthodes de la prise en compte de la pauvreté :

    · La méthode de l'équilibre calorico-protéine de la FAO ;

    · La méthode anthropométrique de l'OMS.

    Selon la FAO, toute personne adulte qui consomme moins de 2 300 calories/jour est considérée comme pauvre. L'OMS, quant à elle, utilise le rapport anthropométrique chez les enfants. Cette méthode met l'accent sur le rapport poids/âge, le rapport poids/taille et le rapport taille/âge qu'elle compare aux indicateurs retenus pour une population d'enfants normaux.

    Le PNUD définit la pauvreté humaine comme étant le manque de capacités humaines essentielles. La pauvreté humaine touche les aspects économiques de la pauvreté à travers les conditions de vie mesurables, par des indicateurs composites comme : accès à l'assainissement, au logement, à l'eau potable, aux soins de santé, à l'éducation, à l'espérance de vie, etc.

    La Banque Mondiale mesure la pauvreté monétaire en fixant le niveau de revenu à 1 $ /personne/jour. Il est généralement mesuré en termes de parité de change pour pouvoir saisir le pouvoir d'achat.

    Ces différentes définitions témoignent des difficultés et des divergences au sein parfois d'une même école ou discipline scientifique ou encore d'une même institution. C'est ainsi qu'il est incertain que les individus ressentent identiquement leur situation de pauvreté. Le relativisme de la situation de pauvreté émane des différences que l'on observe entre les différents groupes de référence des individus, entre les communautés, entre les pays. Ceci rend inévitablement difficile et hardeuse une définition univoque de la pauvreté. Néanmoins, la littérature autour du concept de pauvreté nous donne quatre éléments importants.

    Le premier élément propose de faire la distinction entre le concept pauvreté et celui de la précarité comme un état de vulnérabilité. Elle est une insécurité qui devient "indicateur de pauvreté" quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, quand elle devient persistante et qu'elle compromet, pour un individu, les chances de réassumer ses responsabilités et de conquérir ses droits par lui-même, dans un avenir prévisible6(*).

    Cette situation conduit les individus à perdre le sens de la perspective ou l'espoir de changement. Dans ce sens, on peut distinguer :

    v Les pauvres chroniques touchés dans leur capital des dotations (en anglais "endowment") en termes physiques ;

    v Les pauvres temporaires, qui nécessitent essentiellement une « aide- passerelle » pour traverser une période difficile, celui que les Kinois nomment en général Mpiaker, Mpiaka en français qui signifie dénuement temporaire ; 

    v Les personnes invalides ou très âgées qui peuvent glisser vers l'état de pauvreté. Cette distinction met l'accent tant sur le caractère chronique que sur l'aspect multidimensionnel de la pauvreté.

    Le deuxième élément explique que les définitions de la pauvreté sont souvent moins strictes. Cette tendance définit les pauvres comme ceux qui s'estiment privés des avantages dont jouit autrui dans la société où ils se jugent partie intégrante selon leur groupe de référence en termes psychologiques. Les définitions moins strictes mettent l'accent sur le caractère relatif et subjectif de l'individu (l'individu compare sa situation à celles de ses concitoyens).

    Dans la troisième tendance, nous pouvons compter les organismes comme la Banque Mondiale qui définissent la pauvreté à partir d'un critère absolu. Ils décrivent la pauvreté comme l'incapacité pour un individu, pour une famille ou une communauté de satisfaire certains besoins minimums. Il s'agit notamment de l'avoir, du revenu, du niveau de consommation dont l'indicateur le plus usité est le seuil de pauvreté absolu d'1$ par jour et par personne.

    Le quatrième élément est d'une importance capitale par son innovation de la définition de la pauvreté qui n'est plus décrite uniquement en terme instrumental du niveau de revenu et de capital humain. La pauvreté est alors défini comme un état des privations des capacités élémentaires qui permettent aux individus de réaliser un certain nombre de choses et de jouir de la liberté de mener la vie qu'ils ont raison de souhaiter et non une simple faiblesse des revenus même si l'absence de ceux-ci constitue la principale source de privation de capacités d'un individu. C'est d'ailleurs ce que développe ARMATYA SEN en identifiant la pauvreté en termes de privations des capacités, privations qui ont une importance intrinsèque (à la différence des revenus dont la signification est instrumentale).

    En effet, d'autres facteurs influencent la privation des capacités ou la pauvreté réelle, hormis la faiblesse des revenus (le revenu n'est pas le seul instrument qui produise des capacités). La relation instrumentale entre pénurie des revenus et pénurie des capacités varie d'un pays à l'autre, d'une famille à l'autre, d'un individu à l'autre (l'impact du revenu sur les capacités est contingent et conditionnel).

    Ces sont souvent des variations sur lesquelles le contrôle des individus est inexistant ou limité. En d'autres termes, il peut y avoir un couplage des avantages associant pénurie des revenus et difficultés à convertir ceux-ci en fonctionnements (capacités). Certains groupes n'ont pas de revenus, d'autres sont affectés par des difficultés de conversion qui se surajoutent à de faibles revenus. Enfin, l'approche de la pauvreté par le revenu peut être limitée par la nature de la répartition familiale du revenu. Si une part disproportionnée de revenu est affectée aux besoins de certains membres au détriment des autres, dans ce cas la prise en compte du revenu familial comme critère d'évaluation des politiques publiques d'aide ne va pas refléter nécessairement les privations auxquelles certains de ses membres sont confrontés.

    En d'autres termes, ARMATYA SEN fait une distinction entre la pauvreté comme faiblesse des revenus et la pauvreté comme inadéquation ou privations des capacités (santé, éducation, alimentation, etc.). Il souligne également la relation étroite qui existe entre les deux réalités : pour un individu, le revenu est un moyen essentiel pour développer ses capacités et, le fait d'améliorer les capacités dont il dispose pour conduire sa vie, tend à faciliter ses possibilités d'accroître sa productivité et ses revenus. Non seulement l'accès à l'éducation et aux soins a des conséquences positives sur la qualité de la vie, mais il accroît la faculté d'une personne de gagner sa vie et d'échapper à la pauvreté par le revenu ou la pauvreté monétaire. L'approche de SEN en termes des capacités humaines de fonctionnement a fait évoluer le concept de développement vers celui de développement humain. Ce dernier permet de définir aujourd'hui la pauvreté non plus uniquement comme un état de pénurie matérielle et de détresse mais aussi en prenant compte de la dimension complexe et pluridimensionnelle de l'existence des individus par laquelle le phénomène de la pauvreté ou de la misère se manifeste. Les deux concepts « Développement humain » et « Pauvreté » ont donc un caractère complexe.

    Dans ce sens, la notion de capacités-potentialités "endowments" de SEN couvre cette dimension complexe et multidimensionnelle de l'existence d'un individu en se définissant comme l'ensemble des opportunités dont il dispose mais aussi en fonction de ses souhaits et de ses volontés (un développement humain intégral prendrait donc en compte la spécificité de l'homme en favorisant l'épanouissement de toutes ses capacités). De cette façon la pauvreté est comprise comme l'impossibilité pour un individu ou une personne d'utiliser ses capacités ou les opportunités dont il est privé au cours de son existence.

    Notre choix pour l'approche de SEN se justifie donc par sa vision plus globale du phénomène de la pauvreté (en termes de revenus et capacités) et par le fait qu'elle nous paraît être la plus adéquate pour analyser la situation de pauvreté que traverse notre pays, la République Démocratique du Congo. Comme la pauvreté est définie par SEN comme l'impossibilité pour un individu d'utiliser ses capacités, le déni de libertés (choix) et la privation des opportunités pour améliorer son existence, elle nous aidera de chercher à percevoir la situation de la pauvreté kinoise sous l'angle ci-haut présenté par ARMATYA SEN.

    Toutefois, l'élément « manque » se retrouve dans presque toutes les définitions. Mais cet élément « manque » est difficile à établir et n'est pas toujours défini suivant les mêmes normes. Il reste cependant que, si on superpose tous ces essais de définitions, il se dégage quelques traits communs qui sont considérés comme indicateurs de pauvreté.

    I.3. LES INDICATEURS DE LA PAUVRETE

    Un indicateur de pauvreté diffère de la mesure de pauvreté ou de l'indice de pauvreté du fait qu'il est un nombre synthétique qui renseigne sur l'état de manifestation ou de manque de capacités. Il n'a guère de contenu éthique ou de considération normative. L'indicateur de pauvreté identifie les pauvres en étudiant les variables mesurables qui permettent de palper approximativement la réalité de cette pauvreté.

    Tandis que les mesures et les indices de pauvreté, quant à eux, donnent un sens précis au niveau critique appelé seuil de pauvreté. Ces deux concepts sont plus fréquemment utilisés lorsque l'indicateur est une variable numérique. L'étude sur les indicateurs de pauvreté s'intéresse au domaine, au niveau, à la fréquence, au groupe d'âge et sexe. Une classification par domaine est étroitement liée aux dimensions de la pauvreté.

    Il en existe vingt : nutrition et sécurité alimentaire, santé et hygiène, revenu, contrôle de naissances, actifs, éducation et information, habitat, propriété terrienne et agriculture, sécurité civile, dignité personnelle, services et dépenses publiques, crédit, implication sociale, vulnérabilité aux crises, travaux ménagers, infrastructures économiques, travail, droit et liberté, perception de la pauvreté et habillement.

    Les différents niveaux sont l'individu, les ménages, la communauté, la région et le pays. La fréquence d'un indicateur de pauvreté est la périodicité attendue de sa mesure, en tenant compte de sa variation dans le temps (sensibilité) : court-terme (un an au moins), moyen terme (un an à moins de 5 ans), long terme (5 ans et plus). Le sexe et le groupe d'âge sont un indicateur spécifique aux femmes, aux enfants, aux aînés, etc. Selon la fixation des grandes institutions citées ci-haut, il convient de noter que l'état d'une personne face à la pauvreté est déterminé à partir du seuil de la pauvreté.

    I.4. LE SEUIL DE LA PAUVRETE, DE QUOI S'AGIT-IL ?

    Le seuil de la pauvreté est une ligne de démarcation à partir de la quelle un individu peut être considéré comme pauvre ou non. La définition du seuil de la pauvreté se fait selon trois approches :

    · La première approche est nutritionnelle, c'est-à-dire le seuil de pauvreté est établi par l'apport minimal en calories pour assurer la survie à terme. L'OMS fixe un seuil absolu sur la consommation journalière d'énergie nutritive à 2 133 calories et selon les normes de FAO, à 2 400 calories pour la pauvreté et à 1800 calories pour l'extrême pauvreté.

    · La deuxième approche élargit le concept de pauvreté à l'ensemble des besoins qui doivent être satisfaits en vue de mener une digne vie en société. A ce stade, la banque mondiale a fixé le seuil de la pauvreté absolue à une consommation journalière des biens et services aux États-Unis en 1985 d'un volume de 1$.

    · La dernière approche postule que le seuil de pauvreté peut être mesuré par la part des déciles inférieurs dans la distribution des revenus et qu'il doit refléter une certaine stratification sociale.

    I.5 LA SPECIFICITE DE LA PAUVRETE URBAINE

    D'une façon générale, la spécificité de la pauvreté urbaine est due à la croissance de la population, sous la pression de l'exode rural et de la croissance naturelle de la population urbaine, elle représente le double de la moyenne de l'ensemble des villes dans le monde. Cela risque d'aggraver le phénomène déjà plus fort par rapport à d'autres régions. On assiste donc à une urbanisation de la pauvreté.

    En effet, les préoccupations actuelles des instances internationales (voire nationales) autour de la pauvreté urbaine constituent une évolution dans les stratégies de développement. Par le passé, le choix s'opérait entre deux orientations : soit vers les zones rurales et peu d'intérêt pour le phénomène de la pauvreté urbaine, soit vers les mécanismes économiques et sociaux débouchant sur la recherche d'un développement industriel et urbain.

    Aujourd'hui, la Banque Mondiale tire la sonnette d'alarme en estimant que la pauvreté urbaine ou l'urbanisation de la pauvreté se présentera comme l'un des problèmes les plus graves de la planète, et cela surtout en Afrique7(*). La population urbaine vivant en deça du seuil de pauvreté s'estimerait à 28% pour l'ensemble des pays en développement, à 42% pour l'Afrique subsaharienne, à 23% pour l'Asie sans la Chine, à 27% pour l'Amérique Latine, à 34% pour l'ensemble Europe-Moyen-Orient-Afrique du Nord.

    Les mouvements démographiques entre les zones rurales et urbaines conduisent donc à l'augmentation de l'urbanisation de la pauvreté. Il conviendrait d'ajouter le fait que le taux de croissance annuel de la population urbaine en Afrique se maintiendrait donc au niveau du double du taux mondial dans les 20 prochaines années8(*), soit 4%.

    Pour la République Démocratique du Congo, les prévisions indiquent le passage du taux de 3,8 entre 1960-1963 à 4,4 entre 1993-2000. A ce rythme, la population dans les villes congolaises doublera dans seize ou vingt ans. Ainsi par exemple, d'ici 2020, Kinshasa abritera toute la population actuelle de la Belgique, soit 10 millions d'habitants.

    Dès lors, l'exode rural et une telle croissance naturelle de la population urbaine auront une incidence certaine sur le nombre des pauvres dans les villes africaines en général et celles de la RDC en particulier. Cette incidence est plus forte par rapport à d'autres régions et a atteint 42% de la population urbaine. Nous pouvons visualiser notre propos sur le tableau ci-après :

    TABLEAU 1 :  POPULATION URBAINE VIVANT EN DEÇA DU SEUIL DE LA PAUVRETE ET INCIDENCE GENERALE DE PAUVRETE PAR REGIONS (EN %).

    REGIONS

    POP.URB.PAUVRE*

    INDICE GENERALE DE PAUVRETE**

     
     

    1985

    1990

    2000

    PVD

    28

    30,5

    29,7

    29,7

    ASS

    42

    47,6

    47,8

    49,7

    ASIE (-CHINE)

    23

     
     
     

    ASIE EST

     

    3,2

    11,3

    4,2

    ASIE SUD

     

    51,8

    49

    36,9

    EUROPE EST

     

    7,1

    7,1

     

    AM. LAT. & CAR.

    27

    22,4

    25,2

    24,9

    EUR-M.O+AFR. DU NORD

    34

    30,6

    33,1

    30,6

    Sources : * Vanderschueren (1996), ** Staes (1995), PVD : Pays en Voie de Développement, ASS : Afrique au Sud du Sahara.

    Avec l'urbanisation croissante de la pauvreté, les questions et les caractéristiques associées à la situation des villes de l'Afrique subsaharienne conduisent à mettre l'accent sur les contraintes liées à l'accès des personnes ou des ménages aux réseaux de services urbains. Dans le cadre des relations espace urbain/espace rural, nous nous trouvons aujourd'hui en présence d'un problème de choc que provoque l'aspiration des flux ruraux par les villes. Ce choc produit un déficit en termes d'infrastructures, il s'agit là de la première forme de l'incapacité d'absorption des changements expliquée par une croissance économique (revenus) qui ne réduit pas la pauvreté. La croissance économique, si elle est stimulée en ville, doit améliorer le niveau ou la qualité de vie des habitants.

    En d'autres termes, il faut que les politiques publiques encouragent la croissance économique en ville en améliorant en même temps le cadre ou la qualité de vie des habitants en développant dans l'espace urbain des capacités  comme écoles, logement décent, services d'alimentation en eau, d'assainissement, de drainage (contre les inondations) et de collecte des ordures des services sanitaires de base, des garderies (des garderies qui peuvent permettre aux parents de s'occuper davantage d'autres tâches et aux enfants d'être suivis pour leur état nutritionnel et leur développement physique et mental), organisation des transports publics économiques et efficaces allégeant les coûts de transport surtout pour les familles pauvres vivant dans les zones périphériques. Par ailleurs, ces cadres ne sont toujours pas montés dans nos pays sous-développés. Ainsi, les bidonvilles comme système d'extension des villes et la détérioration des infrastructures sanitaires publiques des villes congolaises ont par exemple pour conséquence l'expansion des maladies comme la typhoïde, la malaria, etc. Le Tableau 2 nous renseigne sur les disparités entre les zones urbaines et rurales par rapport à la population ayant accès à certains services publics en RDC et dans les pays voisins.

    TABLEAU 2 : DISPARITES ENTRE LES ZONES RURALES ET LES ZONES URBAINES DEVANT L'ACCES DE LA POPULATION AUX SERVICES PUBLICS (EN % DE LA POPULATION URBAINE ET RURALE TOTALE).

    PAYS

    SANTE

    EAU POTABLE

    ASSAINISSEMENT

     

    RURALE

    URBAINE

    RURALE

    URBAINE

    RURALE

    URBAINE

    RDC

    17

    40

    23

    37

    11

    46

    CONGO

    70

    97

    2

    92

     
     

    RCA

     
     

    18

    18

     
     

    SOUDAN

    40

    90

    41

    84

    4

    79

    OUGANDA

    42

    99

    32

    47

    52

    94

    RWANDA

     
     

    62

    75

    56

    77

    BURUNDI

    79

    100

    69

    100

    51

    60

    TANZANIE

    73

    94

    46

    67

    62

    74

    ZAMBIE

    50

    100

    11

    91

    12

    75

    ANGOLA

     
     

    15

    69

    8

    34

    Source : PNUD, rapport mondial sur le développement humain, 1996

    En plus des disparités observées entre l'espace rural et l'espace urbain, nous pouvons constater que dans le domaine de santé, seule la RDC n'en offre pas l'accès à plus de 50% de la population urbaine et elle se situe à l'avant dernière place. Cette situation semble être loin de s'améliorer9(*). L'approche en termes d'espace rural-urbain doit permettre aux politiques de penser à résoudre l'ensemble de ces problèmes urbains en concomitance avec des stratégies adéquates de développement rural pour que les populations rurales se fixent et se sentent mieux là où elles habitent sinon, il sera difficile d'inverser les tendances.

    CONCLUSION PARTIELLE

    En définitive, de cette approche conceptuelle nous avons compris que la lutte contre la pauvreté préoccupe l'humanité entière, qu'il est difficile d'évoquer une définition de la pauvreté qui soit profondément parfaite, du fait que lorsque celle-ci se manifeste elle touche divers domaines de la vie humaine. Elle est donc un concept multidimensionnel.

    Mais cela ne peut nous empêcher de l'expliquer de manière claire, en vue de rendre compréhensif son contenu. C'est de cette façon que la "pauvreté est donc comprise comme l'impossibilité pour un individu d'utiliser ses capacités ou les opportunités dont il est privé au cours de son existence".

    CHAPITRE II

    L'ENVIRONNEMENT SOCIO-ECONOMIQUE DE KINSHASA ET SON VECU QUOTIDIEN

    INTRODUCTION

    Le présent chapitre décrit brièvement la croissance démographique et spatiale de Kinshasa, de ses origines à ce jour. Il passe en revue les problèmes majeurs qui se posent dans la ville : de la crise du logement à celle de l'emploi, en passant par la crise de l'environnement urbain.

    II.1. UN SITE PARTICULIER

    II.1.1. L'AMPHITHEATRE NATUREL

    Kinshasa est une ville de plus de 6 000 000 d'habitants répartis en 24 communes et 310 quartiers. Elle porte plusieurs noms effectifs : Kin-la-belle, Kin-lipopo, Kin-malebo10(*). Elle est construite sur un sol argilo-sableux et un site particulier ressemblant à un amphithéâtre : la plaine au nord et à l'Est et les collines au sud et à l'Ouest.

    La plaine est un site urbanisable en forme de croissant parce qu'elle suit la courbe du fleuve. C'est le secteur le mieux cadastré, urbanisé et industrialisé. Cette plaine abrite près de 18 communes avec environ 4 375 000 habitants. L'administration urbaine l'appelle communément la ville basse. Elle souffre des divers problèmes d'inondations et de marécages non seulement par ce que ses pentes sont trop faibles et le système de drainage défectueux, mais aussi parce qu'elle est traversée par plusieurs rivières qui se jettent dans le fleuve et qui prennent leur source sur les collines du sud et de l'ouest. C'est sur cette plaine que se situe la commune de Lingwala.

    Les collines sont des sites non aedificandi sur plusieurs endroits. Elles ont été occupées après l'indépendance par les Kinois qui ignoraient les normes urbanistiques. Des petites bicoques dans certains endroits et de somptueuses villas dans d'autres ont investi les collines du Mont-amba (417m), Djelo-mbinza (545m au pied de l'antenne tv), Mont-Ngafula (548m) et le contre-bas du pic meuse (675m). Elles abritent six communes avec plus de 1 625 000 habitants.

    L'administration urbaine l'appelle communément ville haute. Elle est aux prises aujourd'hui avec les problèmes d'érosions, d'éboulements, de glissements de terrains et d'effondrement dû au mauvais drainage des eaux. C'est sur quelques unes de ces collines que se situe la commune de Ngaliema.

    PLAN DE LA VILLE DE KINSHASA

    II.1.2. DES CHALEURS SUFFOCANTES AUX VIOLENTES TORNADES

    Selon la classification de Koppen AW4, la ville de Kinshasa a un type climatique, caractérisé par un climat tropical chaud et humide avec quatre mois de saison sèche. Il fait une chaleur torride au mois de mars et la température monte jusqu'à 26,5°C. Cette poussée de température précède bien les violentes averses du mois d'avril et de mai. Ce sont les mois de tous les dangers : inondations, effondrements, éboulements, morts d'hommes, arbres déracinés, maisons détruites etc. Pourtant, ce ne sont pas les mois les plus pluvieux. Le mois annuel le plus arrosé est le mois de novembre avec 268,1mm de pluies douces. Elles ne contraignent pas les rivières Ndjili, N'sele (Rivières allogènes) et Kalamu, Gombe, Makelele, Tshwenge, Basoko, Yolo, Funa, Mbinza etc. (Rivières locales) à quitter leur lit.

    Pendant la saison pluvieuse, ces rivières reçoivent beaucoup d'eaux qui coulent et qui se serpentent au creux des larges vallées : sites d'intenses activités maraîchères de la ville (Funa, pépinière de Bandalungwa, Ndjili Cecomaf, Mayimbi, etc.). Ces vallées sont riches en humus alors que le sol kinois est du groupe des sols tropicaux sableux riches en fer et en alumine soumise à l'action d'un climat chaud et humide.

    II.2. UNE VILLE DES JEUNES » KIN YA BA N'KA ! »

    En 1910, Kinshasa n'est encore qu'une petite bourgade de 10 000 habitants. La période de croissance économique intervient entre 1923 et 1929, elle est marquée par l'augmentation des investissements suite à l'élévation de Kinshasa au rang de capitale nationale en 1922, aux dépens de Boma située sur la côte atlantique. La population augmente et double en cinq ans, avec en moyenne une augmentation annuelle de 4 700 personnes. L'industrie naissante attire une main d'oeuvre abondante. Cependant, le tableau ci-dessous nous décrit l'évolution et le taux de croissance de la population Kinoise de 1881 à 2000.

    TABLEAU 3 : POPULATION ET TAUX DE CROISSANCE A KINSHASA (1881-2000)

    Année

    Population

    Taux annuel de croissance

    Année

    Population

    Taux annuel de croissance

    1910

    10 000

    2,3 %

    1959

    442 422

    2,5 %

    1924

    23 730

    8,1 %

    1967

    901 520

    10,6 %

    1929

    46 088

    14,0 %

    1976

    1 748 000

    8,0 %

    1934

    27 510

    -10,0 %

    1980

    2 400 000

    8,0 %

    1940

    49 972

    10,0 %

    1984

    2 664 200

    2,6 %

    1950

    201 905

    15,0 %

    1991

    3 119 869

    2,0 %

    1955

    365 905

    13,0 %

    2000

    6 062 000

    3,6 %

    Source : Compilation de Mbumba, Joseph Boute et Léon de saint moulin, service des archives du Congo-Belge, rapport aux chambres sur la situation du Congo-belge et du Rwanda-Burundi, marc pain, Institut National de Statistique, division urbaine de l'intérieur, etc.

    La période de la récession mondiale dure quatre ans, soit de 1930 à 1934. Elle est marquée par une stagnation de la population. La plupart des hommes retournent dans leurs villages d'origine par manque d'emplois. La population de Kinshasa chute à 39 530 habitants en 1930 contre 46 088 habitants en 1929, soit un déficit de 14,3% (Mbumba, 1982). A partir de 1935, la population recommence à croître. Le taux de croissance annuel qui est de 1,1% par an s'accélère de 1940 à 1945 pour atteindre 1,5% par an. La politique de « l'effort de guerre » marque la première moitié de cette période. Les alliés sont ravitaillés à leur demande en matières premières d'intérêt stratégique (caoutchouc, étain).

    La reprise des activités économiques nécessite une abondante main-d'oeuvre. La population augmente environ de 7 400 personnes par an. Durant la deuxième guerre mondiale, la population kinoise double. Cette tendance à la forte croissance se poursuit jusqu'en 1955. La population Kinoise augmente de 163 263 personnes avec le solde migratoire, soit une augmentation moyenne de presque 33 000 personnes/an de 1950 à 1955. La ville est à son stade de ville « d'hommes » avec un faible effectif d'enfants de moins de 15 ans et à forte population adulte « célibataire », surtout de sexe masculin entre 20 et 35 ans.

    De 1955 à 1960, la croissance démographique rapide de 1940 à 1950 se ralentit. Malgré le refoulement des chômeurs et des sans emplois dans leurs villages d'origine, la population totale augmente du fait de l'arrivée des épouses venues du milieu rural ainsi que des naissances, mais la population masculine marque un recul. L'augmentation de la population reprend après l'indépendance, c'est-à-dire de 1960 à 1970. Kinshasa est aux prises avec l'exode rural dû au laxisme de certaines administrations et à la rébellion. En effet, la décennie 60 est marquée par la guerre civile qui éclate au Congo quelques mois après l'indépendance et contraint Kinshasa à accueillir des nombreux "réfugiés".

    Ils ne se cantonnent pas dans des camps, mais plutôt dans la ville ou à la périphérie, là où les conditions de vie et de sécurité leur paraissent plus favorables qu'en provinces, dévasté par la guerre civile. De plus, les enjeux politiques après l'indépendance, suite à la création des multiples partis politiques à tendance tribale, poussent les leaders politiques à favoriser l'exode rural pour gonfler leur électorat kinois. Malgré les timides tentatives de renvoi des ruraux désoeuvrés vers les villages d'origine et malgré les programmes d'acheminement des sans emplois vers des camps de travailleurs dans la région de l'équateur, le flux vers Kinshasa augmente entre 1970 et 1980.

    Aussi, la décennie 70 est une période très troublé sur le plan économique. La nationalisation « zaïrianisation » des entreprises, plantations et commerces des étrangers précipite l'économie nationale dans le gouffre11(*). Les provinces sont les plus touchées par cette crise économique. La paupérisation des campagnes provoque la migration vers les villes secondaires d'abord, puis vers Kinshasa en définitive.

    Entre 1980-1990, les entreprises agro-pastorales qui encadrent les paysans font totalement faillite après la zaïrianisation. La dégradation des conditions de vie en milieu rural, le manque d'entretien des routes de desserte agricole accentuent l'exode rural vers Kinshasa. Le programme d'ajustement structurel imposé par le FMI et le club de Paris dans les années 80 aggrave encore la crise dans laquelle le Congo s'était engouffré depuis la politique de la zaïrianisation. Les ruraux, confrontés à la nécessité de rechercher des revenus complémentaires, migrent vers Kinshasa où les opportunités d'un emploi rémunérateur leur paraissent plus grandes qu'en province. Malheureusement, ces espoirs et opportunités s'estompent pendant la décennie 90.

    En effet, en 1991et 1992, les scènes de pillage à Kinshasa et en provinces parachèvent le délabrement du tissu économique national déjà précaire depuis les années 80. Et Kinshasa perd du coup 100 000 emplois, selon l'agence nationale des entrepreneurs du zaïre (ANEZA).

    Les tensions ethniques dans les provinces du Katanga et du Kivu dans la première moitié des années 90, suivies des rébellions de l'AFDL, du RCD et de la guerre civile de Brazzaville à la fin de la même décennie poussent les gens à migrer vers les lieux plus sécurisés comme Kinshasa. Des camps existent encore jusqu'aujourd'hui avec des milliers de réfugiés. D'autres réfugiés ont quitté les camps et se font héberger auprès des membres de famille et d'amis.

    TABLEAU 4 : EVOLUTION DES FACTEURS DE CROISSANCE DE LA POPULATION KINOISE

    Période

    Taux de natalité en %

    Taux de mortalité en %

    Taux de croissance en %

    Taux de migration en %

    Taux de croissance en %

    Taux de croissance de la RDC en %

    1985-1990

    58,3

    12,6

    45,7

    10,1

    5,6

    3,3

    1990-1995

    56,0

    11,9

    44,1

    7,7

    5,2

    3,3

    1995-2000

    51,8

    11,0

    40,8

    6,0

    4,7

    3,4

    Source : Delbart, V 2000.

    Les chiffres donnent une structure par âge caractéristique des villes des pays en développement. La pyramide est marquée par une majorité de jeunes. Selon les projections de l'INS (1993), il y avait en 2000, près de 6 062 000 habitants à Kinshasa, dont 3 637 000 de moins de 19 ans, soit 60 % de la population. On constate une concordance des données avec celles de 1984 (pain, 1984).

    TABLEAU 5 : POPULATION KINOISE PAR TRANCHE D'AGE

    Tranche d'âge

    Hommes

    Pourcentage Hommes/Population Totale

    Femmes

    Pourcentage Femmes/Population Totale

    1- 4 ans

    637

    10,5

    632

    10,4

    5- 9 ans

    521

    8,6

    520

    8,6

    10-14 ans

    413

    6,8

    413

    6,8

    15-19 ans

    252

    4,2

    249

    4,1

    20-24 ans

    220

    3,6

    224

    3,7

    25-29 ans

    199

    3,3

    210

    3,5

    30-34 ans

    177

    2,9

    193

    3,2

    35-39 ans

    174

    2,9

    181

    2,9

    40-44 ans

    147

    2,4

    137

    2,3

    45-49 ans

    104

    1,7

    89

    1,5

    50-54 ans

    82

    1,4

    66

    1,1

    55-59 ans

    46

    0,8

    34

    0,6

    60-64 ans

    37

    0,6

    29

    0,5

    65-69 ans

    24

    0,4

    17

    0,3

    70-74 ans

    12

    0,2

    10

    0,2

    75-79 ans

    7

    0,1

    6

    0,1

    TOTAL

    3 052

    50,3

    3 010

    49,7

    Source : Institut National des Statistiques (INS), 1993.

    II.3. UNE VILLE TENTACULAIRE

    L'explorateur Henri Morton Stanley crée le 3 décembre 1881 la station de Léopoldville sur la baie de Ngaliema au bord du fleuve Congo à l'endroit dénommé actuellement Léopoldville 2, à une distance de 7m du village autochtone appelé Kinshasa. La construction des installations portuaires dans le pool du fleuve, l'implantation des industries fluviales de Kintambo et l'arrivée du rail Kinshasa-Matadi transforment la physionomie de la bourgade entre 1890 et 1911. Elle prend l'allure d'un centre urbain et vers 1910, elle couvre 5 000 Ha. Trois cités africaines d'auto-construction se développent en ce moment là : Kintambo (la plus ancienne à l'Ouest), Kinshasa et Barumbu (au centre ville). Le centre urbain commence à devenir important avec sa fonction de ville de transbordement. En 1914, il est élevé au rang de chef-lieu d'un des 6 territoires qui forment le district du Moyen Congo. Signalons ici que l'ascension de la ville ne s'arrête pas là.

    Sa situation géographique de porte d'entrée et de sortie du pays ainsi que son rôle économique font qu'en 1923, Kinshasa devienne la capitale du Congo-Belge aux dépens de Boma, jugée trop excentrée et difficilement urbanisable. L'administration coloniale crée la commune de la Gombe pour accueillir le siège des institutions de la nouvelle capitale. Le tracé de la ville présente déjà un plan urbain ségrégatif. La ville apparait nettement scindée en deux secteurs dès 1931. D'un côté, les quartiers africains dont les plus anciens sont les cités de Kintambo située à l'ouest. Kinshasa et Barumbu localisées au centre. De l'autre côté, le quartier européen, au nord de la ville, au-delà de la voie ferrée et le boulevard du 30 juin. Entre les deux quartiers il y a la zone tampon qui se trouve être l'hôpital général de Kinshasa, le jardin botanique, le jardin zoologique, le chemin de fer, etc.

    A l'Est, les installations industrielles s'installent au bord du fleuve, au-delà des avenues du flambeau, du rail et des poids lourds. La ville européenne se structure, elle aussi, autour d'un axe principal (le boulevard du 30 juin). Après la seconde guerre mondiale, la ville explose sur le plan démographique. L'administration coloniale, par le biais de l'office des cités africaines (OCA, décret du 5 mars 1952) crée les cités planifiées, notamment : Kalamu, Yolo-Nord, Yolo-Sud, Matonge, Bandalungwa, Matete, Lemba, Kintambo/Camp Bayllon. A l'Est dans la plaine, au-delà de la rivière Ndjili, l'OCA crée la commune de Ndjili comme ville satellite et il l'organise en 7 quartiers.

    TABLEAU 6 : PROGRESSION ANNUELLE DE L'HABITAT

    Année

    Population

    Superficie

    Densité

    1884

    5 000

    115 ha

    43,5 h/ha

    1930

    39 950

    1 500 ha

    26,6 h/ha

    1950

    201 905

    2 331 ha

    86,6 h/ha

    1957

    378 628

    378 628 ha

    68,7 h/ha

    Sources : BEAU (1975) et Mbumba (1982).

    L'OCA est le maître d'oeuvre de ces cités planifiées conformément au plan d'aménagement de 1950. Il a pour objectifs de construire à meilleur marché, des logements sociaux et équipements collectifs pour la population africaine. De 1952 à 1960, l'OCA construit 32 224 maisons (19 689 à Kinshasa, 5 832 à Kisangani, 4 082 à Bukavu et 2 621 à Lubumbashi), 2 000 salles de classe, 170 bâtiments communautaires, 393 km de voirie, 241 km de pistes cyclables et piétonnières, 626 km de drains en profondeur et 15 km d'égouts.

    La même époque correspond au début de la conquête des collines par les somptueuses villas de joli parc, de Djelo Mbinza. Les novelles cités (Kasa-Vubu, Ngiri-Ngiri), quant à elles, sont financées par les fonds du Roi et les fonds d'avance vers 1955. L'indépendance en 1960 marque la fin d'une politique d'aménagement du territoire. L'autorité administrative « congolaise » s'effondre et assiste impuissant à la naissance d'une urbanisation spontanée. La ville s'étend en tâches d'huile dans toutes les directions. Les établissements spontanés donnent naissance aux zones d'extension.

    Ce sont alors des communes entières qui naissent comme Selembao, Makala, Bumbu, Ngaba, Kisenso, Ndjili (en partie), Kimbanseke, Masina. Elles naissent dans de vastes concessions que l'administration coloniale avait attribuées jadis à des églises ou à des particuliers comme Wery, Imaf, Profrigo, les frères des écoles chrétiennes, Alhadeff, Foncobel, Herman, Groupe Rodeby, Dufour, De Bonhomme, de Malingrau, etc.

    L'office national de logement (ONL) qui remplace l'OCA en 1965 ne produit que 817 logements, 5 km de voirie, 11 km des drains superficiels, 1,4 km de drain en profondeur et 8,9 km d'égouts pendant sa source existence, avant d'être mis en liquidation.

    En 1967, l'administration élabore le plan régional et définit une structure urbaine et ses grandes lignes de fonctionnement. Mais, ce plan est vite débordé par la rapide croissance urbaine : 12 000 ha de superficie urbanisable retenue par le plan régional et 19 000 ha de superficie urbanisée au 31 décembre 1975 (BEAU, 1996).

    Le gouvernement crée la caisse nationale d'épargne et des crédits immobiliers (CNECI) en 1971 et construit 800 logements (la cité Salongo) à Kinshasa, 30 à Kisangani et 15 à Likasi. La CNECI fait faillite cinq années plus tard et le programme de « congolais, un toit » tombe à l'eau.

    Le gouvernement, par manque de moyens, change de politique de gestion urbaine et adopte la promotion foncière en lieu et place de la production de l'habitat. Voilà pourquoi en 1975, le gouvernement, par le truchement du bureau d'études d'aménagement et d'urbanisme, établit un nouveau plan de la ville qui aboutit au schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) dont les grandes lignes orientent l'urbanisation vers l'Est (ville Est).

    En matière de production de l'habitat social, les promoteurs immobiliers privés hésitent d'intervenir là où l'Etat a échoué. Le Logec (Logement économique) produit timidement à Kinshasa au début des années 80 la cité verte (442 logements) et la cité Mama Mobutu (674 logements). Il en est de même des ASBL qui hésitent à s'y impliquer. Seule l'ONG « habitat pour l'humanité », appuyée par les églises protestantes américaines, construit de 1974 à 1994 près de 142 logements à Kinshasa. Comme on le voit, l'intervention des privés dans le secteur est négligeable. C'est ainsi que la ville continue spontanément à étendre ses tentacules dans toutes les directions.

    Sous l'impulsion de la banque mondiale, le projet de développement urbain (PDU) voit le jour en 1985. Il a des objectifs précis : développer, maintenir les infrastructures de la voirie et des réseaux divers, réhabiliter les services pour l'assainissement des marchés, l'évacuation des ordures ménagères, la circulation des biens et des personnes, la modernisation des procédures foncières, l'aménagement des terrains, la construction des voies de désenclavement, la réhabilitation et l'aménagement de la voirie, le drainage des anciennes cités et l'étude du plan de circulation au centre ville. Retenons que depuis 1960, aucun plan n'est concrétisé sur terrain. Tous sont restés lettre morte !

    TABLEAU 7 : PROGRESSION ANNUELLE DE L'HABITAT APRES 1960

    Année

    Population

    Sup. urbaine

    Densité

    1960

    476 819

    4 100 ha

    116,0 h/ha

    1967

    864 284

    9 400 ha

    91,9 h/ha

    1968

    939 317

    12 863 ha

    73,0 h/ha

    1975

    1 679 091

    17 922 ha

    93,6 h/ha

    1981

    2 567 166

    20 160 ha

    127,3 h/ha

    1998

    4 131 845

    59 000 ha

    70,0 h/ha

    Sources : Boute, J. (1980), Boute, J. et de saint moulin, L. (1978), PNUD/Habitat, 2000. NB. Hormis les populations des camps militaires et policiers.

    II.3.1 LA PHYSIONOMIE DE L'HABITAT

    Les quartiers de Kinshasa sont souvent stratifiés et classifiés en cinq groupes selon le type d'habitat, le niveau socio-économique, les infrastructures, les équipements existants et la chronologie de leur création.

    a) Les quartiers résidentiels

    Ces quartiers se trouvent dans les communes de Lemba (Righini), de la Gombe, de Limete (résidentiel et industriel), de Ngaliema (Mbinza ma campagne et Mbinza UPN)12(*). Ce sont donc des quartiers résidentiels de haut standing avec des routes bitumées et des parcelles spacieuses souvent supérieures à 1 000 m². Les eaux usées et les eaux de ruissellement sont évacuées grâce à un système de canalisation généralement fonctionnel en majorité à « la bourgeoisie nationale ».

    Les activités informelles sont faibles dans les rues. L'accessibilité automobile et pédestre est bonne et aménagée. Les infrastructures sont présentes en bon état mais sous-utilisées. Il n'y a pas de forte demande de transport en commun car les déplacements se font en véhicules individuels. Les densités sont faibles : moins de 20 habitants à l'hectare. A présent, ces quartiers de Ngaliema, Limete et Lemba (Righini), principalement ces derniers commencent à perdre leurs valeurs immobilières à cause de l'insécurité à certains endroits causés par les habitants des quartiers populaires environnants et de la présence des ravins destructeurs. Le quartier Righini est occupé en partie par les professeurs de l'université de Kinshasa. Seule la commune de la Gombe qui est sécurisée, souffre à présent de la spéculation immobilière hormis les quartiers résidentiels de Gombe et Limete, tous les autres sont situés sur les collines. A ma campagne (Ngaliema) et à Gombe, les spacieuses villas rangées en chapelet le long des grandes avenues ornées d'arbres côtoient le golf, le cercle hippique, le tennis, les piscines, les hôtels-bars-restaurants, etc.

    b) Les quartiers des anciennes cités

    Ce sont des quartiers qui se trouvent dans les communes de Kinshasa, Lingwala, Barumbu, Kintambo. Les habitations sont vétustes et taudifiées. Ce sont des très vieux quartiers. Les rues sont parfois bitumées, les canalisations d'eau sont complètement bouchées là où elles existent. La population est de niveau moyen, la densité de la population est très forte, Les emplois informels sont très présents, la marche à pied comme mode de transport est très importante. Les infrastructures sont insuffisantes et dégradées et les densités sont fortes : près de 400 habitants/ha.

    Les chaussées piétonnières ne sont pas aménagées, les communes de Kinshasa, Lingwala et Barumbu souffrent des sérieux problèmes d'assainissement. L'administration de la santé publique y recense souvent des cas de choléra. Les parcelles sont spacieuses mais suroccupées. Une parcelle peut contenir dix (10) ménages dans certains cas. Kintambo comprend deux (2) types d'habitat : vieux et auto-construction d'un côté, récent et planifié (Camp Bayllon) de l'autre, construit par l'OCA en 1954.

    c) Les quartiers des cités planifiées

    Ils se trouvent dans les communes de Lemba, Matete, Ndjili (quartiers 1 à 7), Kalamu, Bandalungwa. Ce sont des quartiers cadastrés, planifiés, dotés des commodités urbaines. Les canalisations sont vieilles et sous-dimensionnées. La population a un niveau de vie moyen, la densité de la population est très forte : 350 habitants/ha, les emplois informels sont très importants. La circulation piétonne est très importante. Les maisons construites par l'OCA, il y a 50 ans, sont vétustes et superpeuplées.

    Elles étaient conçues pour un couple avec deux enfants, aujourd'hui elles en logent 7 en moyenne dans des parcelles qui ne dépassent pas 300 m². Les infrastructures sont saturées et dégradées. Le système de canalisation des eaux ménagères est inexistant. Là où il en existe, il est défectueux et hors usage. Ce sont des quartiers très animés tant le jour que la nuit. C'est ici que se trouve le quartier Matonge (dans la commune de Kalamu), la célèbre cité d'ambiance !

    d) Les quartiers excentriques et d'extension

    Ils se trouvent dans les communes de Masina, Kisenso, Selembao, Makala, Ndjili extension, Bumbu, Kimbanseke, Ngaba. Ce sont les quartiers d'auto-construction. Ils sont souvent isolés, non cadastrés, en majorité habités par des gens à faibles revenus. Certains de leurs quartiers sont nés sur des sites non aedificandi : inondables et érodables. L'accessibilité est aléatoire et à certains endroits impraticables. L'occupation du sol est faible mais en densification. La marche à pied est importante, les infrastructures publiques sont quasi-inexistantes à certains endroits. Les transports en commun sont aléatoires, l'accessibilité piétonne est difficile et non aménagée. Certains auteurs les qualifient de banlieues abandonnées. Selembao, Bumbu et Kisenso se sont développés sur des collines érodables tout comme une partie de Makala. Les communes de Kimbanseke, Masina, Ngaba se trouvent en grande partie dans la plaine. Leurs rivières les inondent à certains endroits.

    e) Les quartiers semi-ruraux

    Ce sont les communes de Maluku, N'sele, Mont-Ngafula. Elles sont faiblement occupées. Les emplois informels sont faibles et dépendent de l'ancienneté du quartier. Les deux communes (N'sele et Maluku) situées dans la partie Est occupent plus de 50% de la superficie de la ville.

    TABLEAU 8 : OCCUPATION DU SOL DANS LE DISTRICT URBAIN

    Affection

    Surface

    en km²

    Aires agglomérées

    % sur surface totale et aires urbanorurales

    Aire métropolitaine

    Habitat planifié

    70,0

    11,9

     
     

    Habitat non planifié

    150,0

    25,4

     
     

    Zones industrielles et commerciales

    18,0

    3,1

     
     

    Equipement

    26,0

    4,4

     
     

    Infrastructures de transport

    35,1

    5,9

     
     

    Espaces agricoles

    191,5

    32,4

     
     

    Autres

    100,0

    16,9

     
     

    Total zone agglomérée

    590,6

    100,0

     

    5,9

    Espaces agricoles

    850,0

     

    9,1

     

    Espace d'élevage

    360,0

     

    3,8

     

    Réserves terres cultivables

    7 112,8

     

    25,9

     

    Autres zones non aedificandi+surfaces d'eau

    1 051,7

     

    11,2

     

    Total zones

     
     
     
     

    Urbano-rurales

    9 374,6

     

    100,0

    94,1

    Total aire métropolitaine

    9 965,6

     
     

    100,0

    Source : Service national des statistiques agricoles (1991), centre national de développement rural intégré CNDRI (1993).

    Il s'agit d'un secteur autrefois essentiellement agricole. Le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de 1975 les a incorporés dans l'agglomération urbaine. Elles sont quasiment vides et se situent à plus de 60 km du centre-ville. Leurs quartiers sont multifonctionnels, ils remplissent à la fois les fonctions de banlieue agricole avec la présence des vastes espaces agricoles intensifs et extensifs (DAIPN13(*)), de banlieue industrielle (la sidérurgie de Maluku), de banlieue de récréation (la cité des pécheurs de Kinkole), de banlieue dortoir (Mpasa), etc.

    Le tableau ci-dessus montre que la superficie agglomérée de Kinshasa n'occupe pas plus de 6% de la superficie totale de district urbain, soit 590,6 km². Cette superficie totale agglomérée abrite l'habitat planifié et non planifié, les zones industrielles et commerciales, les équipements publics et de transport.

    A cela, il faut ajouter les espaces agricoles et autres usages du sol. Au fait, les 94% des limites administratives de Kinshasa, soit 9 375 km² sont occupées par des zones urbano-rurales : les domaines agro-pastoraux, les terrains non aedificandi et les eaux.

    II.3.2 DE LA MEGACITE AUX MEGAPROBLEMES

    Kinshasa vit de grandes mutations depuis 196014(*). Elle est de plus en plus peuplée et spacieuse. Avec un taux de fécondité d'environ sept enfants par femme, avec un taux de croissance de sa population estimé à environ 6% et avec un nombre moyen de 6,7 membres par ménage (MICS)15(*), la ville de Kinshasa compte aujourd'hui plus de 8 millions d'habitants.

    En 1960, elle n'avait que 400 000 habitants, sa population a plus que décuplé, car elle est plus de 6 fois millionnaire. Les projections du FNUAP16(*) (1996) montrent que Kinshasa va continuer à se développer avec un taux supérieur à 3% par an entre 2000 et 2015 pour abriter un effectif de plus de 10 millions d'habitants. Ces chiffres montrent que l'explosion urbaine de Kinshasa ne va pas s'estomper de sitôt, bien que le taux de sa croissance démographique aille baisser par rapport aux années 90.

    Entre 2000 et 2015, les villes de Dhaka, Heyderabad, Kerachi, Lagos, Lahore et Kinshasa vont continuer à se développer à ce taux supérieur à 3% l'an. En Afrique, seules Lagos et Le Caire seront plus peuplées que Kinshasa. Avec ses 10 millions d'habitants en 2015, Kinshasa fera partie du club très réduit des 30 plus grandes villes au monde. Plus précisément, elle occupera le 28ème rang avant Paris et Madrid. L'explosion de Kinshasa n'est pas seulement démographique mais aussi spatiale. Sa superficie urbanisée avait atteint déjà 60 000 hectares en 2 000 contre 18 000 en 1975, 13 000 en 1968, 4000 en 1960 et 2 300 en 1950. Kinshasa consomme beaucoup d'espace et la demande en logement croît rapidement. On estime à 500 000 le nombre de parcelles actuellement à Kinshasa.

    Selon les experts de l'archidiocèse de Kinshasa (1990), Kinshasa s'établit sur 375 540 ha en 1989, 187 770 ha en 1975, 106 297 ha en 1967. L'accroissement naturel, l'exode rural et l'incorporation dans la ville des périphéries rurales sont les causes de l'explosion urbaine. Selon les experts de l'archidiocèse de Kinshasa, la ville s'étalait « sur plus de 30 km d'Est en Ouest et sur plus de 15 km du nord au sud ».

    Les conséquences de cette explosion urbaine ne se font pas attendre : étirement des distances ; « squattérisassions » des espaces, construction sur des terrains non aedificandi, chômage, pollution urbaine, criminalité, déperdition scolaire, VIH/SIDA. En effet, Kinshasa est devenue une ville mastodonte très étalée. Se déplacer à Kinshasa pour le travail, pour se rendre à l'école ou au centre-ville est un besoin primordial de plus en plus difficile à satisfaire. Les distances à parcourir sont très longues. La marche à pied devient le mode le plus simple de déplacement à cause de l'insuffisance des transports publics. Les emplois urbains sont rares même pour les diplômés. Seul le secteur informel reste le gros pourvoyeur d'emplois. Kinshasa abrite de plus en plus d'agro-citadins qui font de l'agriculture intra et interurbaine. A titre d'exemple, la foire agricole organisée du 17 au 31 août 1996 à Mont-Ngafula (148 000 habitants) avait rassemblé les représentants des 15 000 exploitants agropastoraux de la commune répartis en quatre catégories : les concessionnaires et les fermiers, les maraîchers flottants et les pisciculteurs. Selon l'enquête du BIT, le secteur informel offre des emplois à plus de deux millions de travailleurs à Kinshasa (PNUD, 2000).

    Parmi ces millions de travailleurs informels, il y avait en 1997 près de 7 255 agriculteurs urbains qui pratiquaient du maraîchage dans un espace total de 720 ha dans les vallées aménagées de Ndjili, Kimbanseke, Funa, Manzanza, Kinsenso, Tadi, Bandalungwa, Lemba-Umbu, Masina Pool, Bono, Mokali, Lukaya, Tshangu, Mangu et Dingidingi. Ils produisent par an 30 000 Tonnes de fruits et légumes. Plus ou moins 8 000 kinois font du jardinage parcellaire ou le long des artères principales. Malheureusement, le volume de leur production n'a jamais été étudié ou quantifié. Les femmes, quant à elles, subissent la ville. En effet, la pauvreté urbaine se féminise. Ce sont elles qui subissent de plein fouet les insuffisances des services urbains : non autonomisation, corvée d'eau, portage du bois de chauffe, impossibilité de soigner et de scolariser les enfants, femmes chef de ménage, discrimination sur le marché de l'emploi, violence faite aux femmes, VIH/SIDA, etc. La prise en considération des besoins des femmes et de leur association à la gestion de la ville est ignorée par les hommes.

    Se loger à Kinshasa est un casse-tête à cause de la spéculation foncière et immobilière. Après les années fastes du boom du cuivre et confronté aujourd'hui à un lourd endettement, le gouvernement s'est engagé de la politique d'habitat qu'il avait pourtant très amorcé avec la création de la caisse d'épargne et crédit immobilier (CNECI) dans les années 70. Les graves conséquences se font aujourd'hui sentir. La bidonvilisation de Kinshasa est en marche. Des millions des kinois sont mal logés et des vastes bidonvilles (Pakajuma, grand mode, Bribano dans la commune de Limete) se sont développés au coeur de Kinshasa.

    Or, la croissance rapide d'une ville impose non seulement de créer des nouveaux quartiers mais aussi de structurer en profondeur les établissements humains et les infrastructures publiques existantes. Hélas ! Rien de concret n'est fait. Les témoignages sur la crise du logement abondent. Ici, le Kinois ne ferme pas la porte de la chambre par ce que les jambes dépassent le seuil. Là, ce sont les voitures en panne dans les garages qui servent des couchettes. Plus loin sur le fleuve, le Kinois dort dans des épaves des bateaux en ruine. Sur le rail, ce sont des vieux wagons abandonnés qui sont transformés en logis. Il arrive que certains sans abris transforment les égouts ou encore les buses abandonnées en logis. C'est le cas dans les communes de Lingwala et de Kinshasa.

    Kinshasa a perdu son éclat de Kin-la-belle des années 50 à cause de son insalubrité croissante. En haut sur les collines, les 1 625 000 Kinois produisent quotidiennement 1 500 m3 de déchets qu'ils éliminent en les jetant carrément dans les ravins destructeurs du site. En bas dans la plaine, l'état de l'environnement est tout autre. La crasse est partout. Ici, il n'y a pas des ravins où 4 375 000 kinois vont jeter les 3 500 m3 qu'ils produisent par jour. Par conséquent, les dépotoirs anarchiques s'implantent n'importe où et n'importe comment : dans les ronds-points, dans les marchés, dans les cours des édifices publics, dans les emprises ferroviaires et routières, sur les berges et cours d'eau et même dans les hôpitaux.

    L'hôtel de ville s'en charge pour l'évacuation des ordures par l'entremise de PNA, mais nous remarquons que les résultats sur terrains ne représentent qu'une gouttelette dans la mer, faute de moyens. Faire face à cette insalubrité, la municipalité de Kinshasa lance presque toutes les années, les opérations « Kin propre », mais qui échouent par manque des moyens et de planification : la collecte, le transport, le traitement/élimination et la valorisation des ordures pas bien organisés. Il existe des asbl qui organisent à leur manière les opérations "Kin propre", mais celles-ci échouent également par manque des matériels efficaces.

    En 1992, l'UNICEF a tenté la même opération, soit 400 000 USD utilisés pour protéger les enfants contre l'insalubrité et leurs conséquences. Cette fois-là encore les résultats furent mitigés. Cette insalubrité est à la base de la recrudescence dans la ville de certaines maladies comme la fièvre et la typhoïde. A Kinshasa, la structure argilo-sableuse du sol, les fortes pentes, la détérioration du système d'égout, l'urbanisation anarchique, le déboisement, la pluviométrie, etc. sont les facteurs à la base des ravinements des quartiers. Des grands ravins17(*), par des glissements de terrain, des éboulements, des affouillements causent beaucoup de dégâts à l'habitat, l'environnement et aux infrastructures socio-économiques au sud et à l'ouest de la ville.

    Les études de NZUZI avaient inventorié 723 logements détruits par ces érosions cités ci-haut alors que 403 autres étaient menacés de destruction aux prochaines pluies, plus de 7 230 personnes sinistrées étaient sans logement et près de 5 000 autres étaient en instance de les perdre, des centaines d'élèves n'avaient plus d'écoles pendant que des milliers étaient menacés car leurs établissements risquaient d'être emportés lors des prochaines averses. Les pluies diluviennes de mai 2000 avaient tué 54 personnes sur les collines de l'Ouest de la ville. Malgré les forts dégâts, en matériel et en vies humaines, les travaux de génie civil de lutte antiérosive démarrent difficilement par manque de bailleurs. Du haut des collines, les érosions ravagent, alors que, dans la plaine, le relief est moins élevé et le site Est, à certains endroits marécageux et généralement inondé en saison pluvieuse. La boue et le sable des érosions, en amont, transportés par les eaux pluviales, se déposent en aval dans la plaine et bouchent les collecteurs et ensablent les lits des rivières. Ces masses de sable qui sont emportées par les érosions des versants et qui sont venus s'accumuler dans le fond de la plaine et des vallées modifient le tracé et la morphologie des rivières.

    Ces cours d'eau deviennent incapables de charrier le sable et les ordures que la population y jette et leur profondeur se réduit progressivement. Les faibles valeurs des pentes empêchent aussi un écoulement rapide. Par conséquent, les eaux divaguent et leurs lits deviennent irréguliers. Elles débordent et inondent les vastes quartiers riverains sur une profondeur variant entre 0,5 et 1,5 m. Ces inondations s'aggravent parfois avec les crues du fleuve Congo, occasionnant ainsi des contre-courants dans les rivières.

    Ce phénomène s'observe surtout sur les rivières Kalamu (Funa), Ndjili, Basoko, Lubudi, Lukunga, Mbinza, Ikusu qui sont des véritables collecteurs naturels de la ville. En 1997, le gouvernement avait financé le curage de la rivière Gombe (1,5 millions de $) pour assainir les quartiers environnants qui étaient souvent sous eaux, après les crues de ce cours d'eau. En 1999, le PNUD a financé le curage de la rivière Kalamu (400 000 $) pour les mêmes objectifs. Malheureusement, quelques années après, toutes ces rivières se sont de nouveau ensablées et bouchées par les ordures ménagères, et par conséquent, les inondations des quartiers environnants ont repris depuis belle lurette18(*).

    II.3.3. LES POUVOIRS PUBLICS INTERVIENNENT EN RETARD !

    La croissance rapide de Kinshasa est un cauchemar pour les autorités publiques. Jour après jour, les problèmes de gestion de la ville s'accumulent. Les pouvoirs publics ne savent plus par où commencer. Entre temps, la ville « pousse » et les Kinois se débrouillent, le temps passe et le puzzle urbain se complique davantage. L'Etat, déjà affaibli par la crise politique et économique de plus d'une décennie, semble être débordé par l'ampleur du phénomène urbain.

    Il essaye tant bien que mal de résoudre les problèmes qui se posent dans la ville avec les moyens du bord : achat des bus et voitures pour transports publics, réhabilitation de quelques infrastructures routières et socio-communautaires, campagne de vaccination des enfants, construction des marchés, campagne de la salubrité, réhabilitation des universités, etc. Mais, cela est loin de répondre à tous les besoins immédiats de la population qui se voit obligée de se prendre en charge pour sa survie. Le dynamisme communautaire des Kinois se traduit par l'essor des micro-activités et très souvent par la création d'Asbl pour encadrer cette population débrouillarde (les cireurs, les vendeurs d'eau pire, les démarcheurs ou Kwatas, les cambistes, etc.).

    II.3.4. LA DYNAMIQUE COMMUNAUTAIRE A LA BASE

    Jusqu'à la fin des années 80, l'Etat assurait la quasi-totalité des services publics. Les Kinois étaient convaincus que l'Etat était le seul habilité à les gérer. Ils voient maintenant leurs problèmes exacerbés par la crise économico-politique et par l'essoufflement de l'Etat.

    Le désengagement des pouvoirs publics n'a pas seulement consisté au renoncement par rapport aux politiques de l'habitat social mais, fait plus grave encore, il s'est matérialisé par le désinvestissement même dans le domaine de l'assainissement urbain. Partant de l'idée simple que le futur de la cité ne peut se façonner sans ses habitants, les associations s'organisent à la base. Partout dans divers quartiers, les jeunes Kinois au chômage forment des groupements communément appelés « les jeunes du quartier » pour exécuter les travaux collectifs appelés « Salongo, en lingala ». Les Kinois ne baissent pas les bras devant les multiples problèmes qu'ils rencontrent dans la vie quotidienne. Dépourvus de tous moyens élémentaires, ils essayent de se mobiliser à la base pour améliorer leurs conditions de vie. Les Kinois s'organisent en Associations Sans But Lucratif (ASBL) pour participer d'une manière ou d'une autre au développement urbain. Les compétences humaines, intellectuelles, techniques et organisationnelles font parfois défaut au sein de ces associations pour répondre et satisfaire à une telle demande. Néanmoins, il existe une volonté des Kinois, ils essayent de pallier ces insuffisances en apportant des réponses à certains problèmes urbains, mais parfois d'une façon « artisanale ». Toutefois, une partie de la solution aux problèmes urbains réside sans doute dans cette volonté et cette capacité des Kinois à réagir et à s'adapter au contexte.

    Concernant la manière dont la pauvreté est perçue par les confessions religieuses de la place, l'église catholique est l'une des plus actives sur le terrain. En effet, l'ouverture d'une paroisse catholique en périphérie urbaine draine la population et la fixe parce que l'église, à côté de l'encadrement spirituel des chrétiens, finit par appuyer les paroissiens sur le plan socio-économique. Les équipements communautaires que l'église construit, créent de l'emploi, contribuent à organiser et à développer le quartier. Les Kinois tirent profit des commodités comme l'eau, l'électricité, les véhicules, les équipements collectifs (éducation, santé, loisirs, etc.) offertes par les 95 paroisses catholiques disséminées à travers Kinshasa. A présent, Kinshasa est synonyme de pauvreté citadine et de précarité des instruments de gestion urbaine. Le décalage est énorme entre la croissance urbaine et le rythme des investissements en équipement et en infrastructures de base. A titre d'exemple, le secteur privé a pris de l'ampleur. On a observé au cours de la dernière décennie, une augmentation annuelle rapide d'établissements scolaires privés par rapport au public. Le ministère de l'éducation nationale a recensé 877 écoles primaires privées contre 656 pour le public et 412 écoles secondaires privées contre 334 pour le secteur public19(*).

    Le tableau suivant montrent l'existence des plusieurs Asbl intervenant dans divers secteurs, tels que le travail et la prévoyance sociale (990), la culture et art (956), l'agriculture, la pêche et l'élevage (815), pour ne citer que ceux-là. En effet, un effectif de 4 587 ASBL a été répertorié à Kinshasa en 2002 par le ministère du plan et de la reconstruction nationale. Les interventions de ces Asbl sont majoritairement à caractère purement social.

    TABLEAU 9 : LA MOBILISATION POPULAIRE AVEC LA CREATION DES ASBL A KINSHASA

    Nombre Rangs

    Domaines d'interventions

    Nombre D'ASBL

    1

    Travail et prévoyance sociale

    990

    2

    Culture et art

    956

    3

    Agriculture, pêche et élevage

    815

    4

    Santé publique

    434

    5

    Education nationale

    232

    6

    Droits humains

    224

    7

    Jeunesse

    140

    8

    Plan

    121

    9

    Intérieur

    88

    10

    Foncières

    87

    11

    Justice

    70

    12

    Affaires étrangères

    53

    13

    Coopération internationale

    53

    14

    Sports

    46

    15

    Fonction publique

    45

    16

    Economie, finances et budget

    38

    17

    Communications et presse

    33

    18

    Environnement

    31

    19

    Energie

    29

    20

    Travaux publics, aménagement du territoire, urbanisme et habitat (TPAT-UH)

    27

    21

    Reformes institutionnelles

    24

    22

    Industrie, commerce et PME

    22

    23

    Transport et communication

    21

    24

    Postes et télécommunications

    7

    25

    Mines et hydrocarbures

    4

    26

    Relations avec le parlement

    3

    27

    Défense et anciens combattants

    2

     

    TOTAL

    4 587

    Source : République Démocratique du Congo, ministère du plan, 2000

    Certaines Asbl mènent des actions visibles sur terrain tandis que d'autres passent inaperçues, les premiers bénéficiaires potentiels ne sont même pas au courant de leur existence, leur impact est moins visible. Les ONG naissent comme des champignons parmi elles, certaines disparaissent brusquement quelques mois seulement après leur création suite au manque de financement, à une mauvaise gestion, à une mauvaise analyse du problème, etc. D'autres par contre perdurent et ont un impact réel sur la communauté cible.

    A côté des associations locales, il existe plusieurs ONG internationales et projets de coopération bilatérale qui manifestent un intérêt particulier dans la lutte contre la pauvreté, notamment le GRET (France) basé dans la commune de Kimbanseke, l'IFESH (USA) basé dans la commune de Masina, les fonds social urbain (Belgique) à Kisenso, Concocern (Irlande) à Kisenso, Save the Children (Grande Bretagne) à Kimbanseke, etc.

    CONCLUSION PARTIELLE

    Kinshasa s'urbanise de plus en plus et cette urbanisation rapide influe directement sur la qualité de la vie et surtout sur celle des populations pauvres de la ville. Malgré les maigres budgets alloués par le gouvernement au développement de la ville, la capitale congolaise continue de croître.

    Devant la lenteur du gouvernement pour intervenir, les ONG locales et internationales ainsi que les confessions religieuses s'emploient à promouvoir l'amélioration de la qualité de vie des populations kinoises pauvres.

    CHAPITRE III

    LES CAUSES DE LA PAUVRETE A KINSHASA ET PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT

    INTRODUCTION

    Ce chapitre constitue en quelque sorte une grande réponse pour notre question de départ, il met l'accent sur le grand problème qui ronge la société kinoise, celui de "l'urbanisation de la pauvreté". Tout en analysant les principales causes de celle-ci.

    Il propose, en même temps au gouvernement provincial de Kinshasa et aux opérateurs économiques, un certain nombre des perspectives de développement en vue d'une intégration participative dans le processus de lutte contre la pauvreté à Kinshasa, qui parait aux Kinois comme un rêve qui se réalisera tôt ou tard.

    III.1. TENDANCES DE LA PAUVRETE EN RDC (2006-2022)

    De manière générale, la ville de Kinshasa y compris et à partir de l'incidence de pauvreté, de l'indice de Gini et du Pib/tête en 2005, des stimulations ont été faites sur la période 2006-2022 avec des hypothèses de croissance du Pib/tête (5%, 8%, 10% et 12%) et d'une diminution progressive de l'indice de Gini pour les pauvres (1%, 5%, 10%) et l'indice de Gini pour l'ensemble à partir de 2009 (5%). Le premier scénario utilise l'indice de Gini de l'année 2005 pour toute la période et trace l'évolution des taux de croissance correspondants (Graphique 1).

    Voyons à la page suivante le Tableau qui indique d'une manière générale le profil de la pauvreté en milieu urbain en République Démocratique du Congo (DSCRP de la République).

    Graphique 1 : Tendance de la pauvreté en RDC

    0,80

    0,70

    0,60

    0,50

    0,40

    0,30

    0,20

    0,10

    1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030

    PO 0,05 0,08 0,010

    Source : République Démocratique du Congo, DSCRP, Juillet 2006, p23.

    La lecture du graphique 1 s'ensuit d'un certain nombre des commentaires ci-après :

    · Avec un taux de croissance de 5% l'an, la RDC ne pourra pas réduire la pauvreté de moitié d'ici l'an 2015, l'incidence de la pauvreté passerait de 71% à près de 45% ;

    · Avec un taux de croissance de 8% l'an, la RDC pourra atteindre le premier des OMD vers l'an 2015-2016 ;

    · Avec un taux de croissance de l'ordre de 10% l'an, la RDC pourrait atteindre cet objectif vers l'an 2011-2013 ;

    · Avec un taux de croissance de l'ordre de 12% l'an, cet objectif pourrait être atteint vers l'an 2011.

    Le deuxième scénario (graphique 2) utilise quant à lui un taux de croissance de 5% l'an, accompagné d'une politique de redistribution du revenu, avec le changement de l'indice de Gini. Ce scénario aboutit aux résultats ci-après : L'incidence de la pauvreté reste stable de l'indépendance jusqu'au choc pétrolier de 1978 ; à partir des années 80, l'incidence de la pauvreté amorce une lente progression pour atteindre des taux de plus de 80% au début des années 2000, la tendance à la baisse observée à partir de 2004 pourrait se poursuivre et atteindre le niveau de 60% en 2022.

    Graphique 2 : Simulation de la pauvreté et de l'inégalité en RDC

    0,80

    0,70

    0,60

    0,50

    0,40

    0,30

    0,20

    0,10

    Pauvreté  Réduction Gini Réduction

    Prédite Total de 5%  Gini 10%

    Source : Republique Démocratique du Congo, DSCRP, Juillet 2006, p24.

    L'évolution tendancielle présentée dans les deux graphiques tend à suggérer qu'en RDC, il est possible de réduire de moitié l'incidence de pauvreté d'ici 2015 en adoptant une stratégie macroéconomique axée sur des taux de croissance à deux chiffres si cette croissance est accompagnée d'une stratégie de justice distributive20(*).

    Kinshasa est aujourd'hui une métropole de plus de 8 millions d'habitants. Elle sera dans les jours à avenir la deuxième en ASS (Afrique Subsaharienne) après Lagos (Nigeria) qui comptera plus de 24 millions d'habitants21(*). Le taux de croissance de sa population est estimé à 6% avec une fécondité de 7 enfants par femme. La dernière enquête effectuée à Kinshasa par le CEPLAUNUT indique que la taille moyenne des ménages est comprise entre 8 et 9 membres. Il y a eu un effet migratoire important couplé d'une fécondité active et d'une mobilité sociale poussant plusieurs familles à habiter ensemble. Selon le critère distinctif établi à partir de leur période de formation et de leur configuration sociale, les zones administratives de Kinshasa sont généralement subdivisées en 6 types ou strates.

    TABLEAU 11 : LES ZONES ADMINISTRATIVES ET CRITERES DE DISTINCTION

    STRATE

    NOM

    ZONES ADMINISTRATIVES

    CRITERE DE DISTINCTION

    1

    Zones résidentielles

    Gombe, Ngaliema, Limete

    Avant 1960 uniquement habité par les blancs

    2

    Anciennes cités

    Barumbu, Kinshasa, Kintambo

    Anciennes communautés africaines (avant 1945)

    3

    Nouvelles cités

    Ndjili, Kasa-Vubu, Ngiri-Ngiri

    Nouvelles communautés africaines (après 1945)

    4

    Cités planifiées

    Bandalungwa, Lemba, Matete, Kalamu

    Logements planifiés depuis 1950 (pour les fonctionnaires)

    5

    Extension sud

    Ngaba, Makala, Bumbu, Selembao

    Extensions des zones existantes, depuis 1959

    6

    Excentriques

    Kisenso, Tshangu, Masina

    Autres extensions, plus éloignées du centre, depuis 1960

    Source : Houyoux 1973, pp.14-16.

    Le tableau suivant montre la subdivision administrative actuelle de la ville province de Kinshasa.

    TABLEAU 12 : SUBDIVISION ADMINISTRATIVE DE LA PROVINCE DE KINSHASA

    Commune

    Quartier

    Commune

    Quartier

    Kinshasa

    7

    Kintambo

    8

    Kalamu

    18

    Kisenso

    14

    Ngiri-Ngiri

    8

    Lemba

    15

    Ngaba

    6

    Selembao

    18

    Bumbu

    13

    Limete

    14

    Matete

    13

    Kimbanseke

    30

    Makala

    14

    Ngaliema

    21

    Lingwala

    9

    Masina

    21

    Kasa-vubu

    7

    Mont Ngafula

    16

    Barumbu

    9

    Gombe

    10

    Bandalungwa

    7

    N'sele

    16

    Ndjili

    13

    Maluku

    19

    Nombre total des Quartiers

    326

    Source : Ministère de l'intérieur, monographie de la province de Kinshasa.

    III.2. LA PERCEPTION DE LA PAUVRETE A KINSHASA

    Le Kinois considère le qualificatif pauvre comme une injure. Pourtant Kinshasa, compte aujourd'hui beaucoup des pauvres, si l'on tient compte du critère de seuil de pauvreté. Celui-ci tolère encore facilement le qualificatif « précarité ». Pour un Kinois, il existe une grande dichotomie entre « être pauvre » et « être en manque ». Un pauvre pour lui, c'est celui qui se retrouve par terre, qui n'a ni capacité ni l'espoir de se relever, c'est donc un malheureux, un misérable, un raté de la société, un irrécupérable, etc. C'est pourquoi dans son langage, le « pauvre » est souvent accompagné par l'adjectif malheureux (Yo, pauvre malheureux... littéralement qui veut dire tu es pauvre malheureux). Pour lui, le pauvre, c'est l'autre.

    Pour un Kinois, est pauvre, celui qui a perdu de l'espoir. Or, une personne adulte valide vit d'espoir, aspire à un lendemain meilleur. Le Kinois se considère donc à tort comme à raison, comme un démuni momentané. Il peut du jour au lendemain changer de statut et de situation pour passer d'un état de précarité à celui de nanti. La précarité est donc pour le kinois une situation passagère, un état temporaire. D'ailleurs un adage kinois en lingala dit "Mwana mobali basekaka ye te", qui signifie "on ne se moque jamais d'un homme". Pourquoi cet adage ? Parce qu'il peut du jour au lendemain, et contre toute attente, surprendre les gens et réussir sa vie. Le Kinois est habitué à vivre ce genre de retournement des situations : de la pauvreté à la richesse et vice-versa.

    Cette perception positive dans son sens plus large de la précarité tire son origine de la société traditionnelle africaine. Avec la solidarité, l'hospitalité, la vie communautaire, la vie en société, il était rare de voir un villageois vivre dans la précarité, c'est-à-dire dans un manque total. Toutes les activités quotidiennes du village s'effectuaient en collectivité. Le partage des butins, des bénéfices, des gains, des récoltes etc., se faisait en communauté. Il n'y avait ni riche ni pauvre à moins d'être un exclu de la communauté. Ce genre de vie sécurisait tout un chacun dans la société tant qu'il vivait en communauté, ce mode de vie ne marginalisait personne22(*).

    Ce mode de vie communautaire et social a connu une certaine transposition en ville permettant aux individus d'espérer en un avenir plus radieux aussi longtemps qu'ils sont en relation avec la communauté (famille ou ami), car ils peuvent grâce à un membre de la famille ou un ami, acquérir une information importante ou accéder à une fonction intéressante permettant ainsi un renversement de situation dans leur vie. Ainsi donc, grâce à cette culture de la solidarité, les gens, même les plus démunis, ne désespèrent point. Dans la société urbaine, néanmoins, ils vivent une certaine ségrégation sociale avec distinction "riche pauvre". En aucun cas, le Kinois n'accepte d'être appelé pauvre, sauf s'il tombe à un moment donné dans une position de faiblesse et de quémandeur. Dans ce cas, il s'accepte et s'assume pauvre. Et tant qu'il vit en communauté, le Kinois vit d'espoir. Le fait d'être déjà en bonne santé suffit pour lui de développer une sensation de bien-être. De plus, les églises de réveil inculquent maintenant aux Kinois l'idée selon laquelle la pauvreté est démoniaque et qu'il faut la combattre par la prière. Voilà pourquoi le Kinois aspire, tant qu'il vit, à la prospérité.

    III.3. LES PRINCIPALES CAUSES DE LA PAUVRETE A KINSHASA 

    La problématique de la pauvreté à Kinshasa ne doit pas être séparée du comportement et du contexte du fonctionnement de l'économie générale ou nationale d'autant que la pauvreté n'est qu'une composante d'effets dévastateurs causés suite à la désarticulation de l'économie de la République Démocratique du Congo. Sous ce rapport, la question de la pauvreté est intimement liée à la structuration mécanique et erronée du cadre macroéconomique conçu intentionnellement par le pouvoir colonial pour servir les intérêts stratégiques et les entités industrielles occidentales.

    Au lieu que notre économie soit conçue et structurée pour dégager et économiser les ressources nécessaires à la réalisation des grands objectifs socio-économiques, nous avons une économie extravertie à l'importation tout comme à l'exportation. Pour vivre, nous devons soit tout exporter, soit tout importer et cela profite en grande partie aux firmes multinationales grâce à leur technologie de pointe. Il s'en suit toujours un déséquilibre de la balance des paiements en faveur de l'Occident, d'où des revenus nationaux. A cela s'ajoute donc la manipulation internationale des prix de la plupart de nos matières premières toujours en baisse (diamant, cobalt, cuivre, zinc, etc.) entrainant la détérioration des termes de l'échange. Tout compte fait, une économie en déséquilibre permanent ne peut qu'amenuiser et même estomper les ressources de l'Etat, compromettant ainsi tout programme économique. D'où le pilotage à vue de notre économie.

    L'exploitation brute de nos ressources pour l'exportation exclusivement sans maîtrise rationnelle de la technologie est un désavantage considérable pour notre économie. D'où l'échec de tous les programmes socio-économiques misent en place soit par les bailleurs des fonds extérieurs, soit par les dirigeants nationaux.

    Les causes de la pauvreté étant multiples, Kinshasa n'est pas éloignée par ce fléau qui ronge presque l'humanité toute entière. Les principales causes de la pauvreté sont :

    · Une mauvaise politique de l'Etat en matière d'emploi ;

    · L'économie congolaise est extravertie ;

    · Une super inflation monétaire ;

    · Une crise politique socio-économique ;

    · L'explosion démographique ;

    · Les initiatives de la population non encouragées ;

    · Absence des politiques d'éducation ;

    · Absence des politiques salariales responsables ;

    · Absence des politiques de la nutrition

    1. UNE MAUVAISE POLITIQUE DE L'ETAT EN MATIERE D'EMPLOI 

    Lorsque l'Etat n'a pas une bonne politique en matière d'emploi, les universités qui poussent à travers la ville comme les champignons mettent à la disposition du pays, chaque année qui passe, une masse incontrôlée des intellectuels qui demeurent sans emploi et deviennent en cas de force majeur Salomons23(*), contrainte de vivre dans la précarité.

    La réduction de la pauvreté est donc tributaire du plein emploi et d'un travail décent pour tous. La proportion de la population active figure ainsi parmi les indicateurs de suivi de la pauvreté. Le taux d'activité à Kinshasa (42,3%) est faible par rapport à la moyenne nationale (60,2%). Ceci s'explique entre autres par une plus faible insertion des enfants sur le marché du travail. En effet, le taux d'activité des enfants de 10 à 14 ans y est de 1,8% à Kinshasa, contre 9% pour la RDC. Le travail des enfants est moins problématique à Kinshasa que dans d'autres provinces de la RDC.

    A l'image des grandes capitales africaines, le chômage est nettement plus élevé à Kinshasa (15,0%) qu'au niveau national (3,7%). Il touche plus particulièrement les jeunes de 15 à 24 ans (29,5%).Parmi les actifs occupés, près d'un tiers gagnent moins du SMIG (1 USD par jour) en 2005 et près du quart travaillent involontairement moins de 35h par semaine. Ainsi, le phénomène de sous-emploi est répandu à Kinshasa puisqu'il touche 53,1% des actifs occupés24(*). Le tableau suivant nous donne plus des précisions sur la conjoncture que traverse Kinshasa en matière d'emploi, le taux de chômage, pour ne parler que de cela est remarquable par rapport au pourcentage national ou aux statistiques générales du pays.

    TABLEAU 13 : LES CHIFFRES DE L'EMPLOI A KINSHASA

     

    KINSHASA

    RDC

    Taux d'activité

    42,3 %

    60,2 %

    Taux de chômage au sens du BIT

    15,0 %

    3,7 %

    Taux de sous emploi visible

    24,0 %

    49,0 %

    Taux de sous emploi invisible

    33,7 %

    38,2 %

    Taux de sous emploi global

    53,1 %

    72,7 %

    Structure de l'emploi

    · Administration publique

    · Parapublique

    · Privé informel

    · Informel non agricole

    · Informel agricole

    · Associations

    11,9 %

    5,0 %

    8,8 %

    65,6 %

    5,2 %

    3,5 %

    4,5 %

    1,8 %

    1,7 %

    19,2 %

    71,4 %

    1,4 %

    Taux de salarisation

    35,5 %

    11,2 %

    Sources : PNUD, profil résumé : pauvreté et conditions de vie des ménages, province de Kinshasa, mars 2009, p7.

    Les chômeurs au sens du BIT : sont les personnes à la fois sans emploi, disponibles à travailler et recherchaient activement du travail, du moins durant la période de référence de l'enquête.

    Taux de sous-emploi visible : rapport du nombre d'actifs occupés travaillant involontairement moins de 35 heures par semaine, à la population active occupée.

    2. L'ECONOMIE CONGOLAISE EST EXTRAVERTIE

    La plupart des biens qui constituent le marché congolais, provient de l'étranger. Pour vivre on doit soit tout exporter ou tout importer, ce qui implique un caractère de dépendance de notre économie dans son ensemble.

    3. UNE SUPER INFLATION MONETAIRE

    L'économie congolaise connaît de manière chronique et régulière des braves moments de stagnation (baisse de la production) et une inflation (élévation du niveau général des prix), situation qualifiée de stagflation. Cette situation engendre plus d'anomalies, car la population sera toujours confronter à un déficit répétitif et brusque, son pouvoir d'achat sera toujours en baisse compte tenue de la diminution des ressources. La situation peut se présenter graphiquement de la manière suivante :

    Graphique 3 : Le déplacement de la courbe d'offre

    Offre globale

    Hausse de long terme

    des prix

    AS2

    B

    P2

    Offre

    Globale à

    P1 A CT, AS1

    Demande globale

    0

    Y1 Y2

    Le graphique stipule que si un événement provoque une brusque élévation des coûts de production des entreprises, la courbe d'offre globale de court terme se déplace vers la gauche (AS1 à AS2). L'économie passe du point A au point B. Il en résulte donc une stagflation : production en baisse (de Y1 à Y2) et prix en hausse (de P1 à P2).

    La production demeurera déprimée, en Y2, pendant un certain temps, avant que la récession ne disparaisse d'elle-même. En effet, avec le temps, les perceptions subjectives du public, les salaires et les prix finiront par s'adapter aux nouvelles conditions économiques25(*). Signalons aussi par cette même illustration graphique qu'à long terme, les prix retomberont et l'économie retournera au point A, à l'intersection des courbes de demande globale et d'offre globale de long terme.

    4. LA CRISE POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE 

    Les différentes guerres civiles qui se sont succédées depuis 1960 jusqu'à présent ont aggravé la crise économique qui, elle-même, fut accentuée par la nationalisation des entreprises étrangères. C'est Kinshasa qui paie le lourd tribut de crises politiques et économiques, car la paupérisation des milieux ruraux ne fait que s'accentuer au fil du temps poussant ainsi les paysans à quitter la campagne pour venir gonfler les effectifs de la population kinoise, contrainte de vivre dans la précarité. D'où les infrastructures du secteur formel sont dépassées par le boom démographique.

    5. L'EXPLOSION DEMOCRAPHIQUE 

    La population kinoise a augmenté de façon vertigineuse. En 1881, il y avait que 5 000 habitants à Kinshasa, la population a augmentée à 6 000 000 d'habitants en 2003 et elle s'est rapidement accrue pour atteindre plus de 9 000 000 d'habitants à ce jour. L'exode rural, l'accroissement naturel et l'incorporation des villages environnants sont les principales causes de l'explosion démographique à Kinshasa.

    En effet, cette explosion a conduit la population kinoise à observer la détérioration non seulement des infrastructures de base, mais surtout des conditions de vie. La population ne cesse sans doute de s'exclamer auprès des autorités tant municipales que provinciales à travers des vieux adages nostalligiques "Kin la belle ekoma Kin la poubelle" qui veut dire littéralement "Kinshasa, qui était la ville propre sur tous ses aspects est devenue comme une poubelle".

    TABLEAU 14 : EVOLUTION DE LA POPULATION DE KINSHASA (1924- 2001)

    Années

    Pop. des cités

    Pop. non Africaine

    Ensemble

    1924

    22 506

    1 221

    23 730

    1930

    36 767

    2 763

    39 530

    1935

    26 622

    1 654

    28 276

    1940

    46 884

    3 088

    49 972

    1945

    96 116

    5 385

    101 501

    1950

    190 912

    10 993

    201 905

    1955

    332 230

    15 740

    347 970

    1959

    359 221

    22 000

    381 221

    1960

     
     

    476 219

    1965

     
     

    726 534

    1970

     
     

    1 323 009

    1975

     
     

    1 679 091

    1980

     
     

    2 410 552

    1984

     
     

    2 664 000

    1985

     
     

    2 799 000

    1987

     
     

    3 101 000

    1990

     
     

    3 695 000

    1995

     
     

    4 787 000

    1999

     
     

    5 793 000

    2000

     
     

    6 062 000

    2001

     
     

    6 400 000

    Source : INS, étude socio-démographique de Kinshasa 1967. Rapport général, Kinshasa, 1969 et projections démographiques zaïre et régions 1984-2000, Kinshasa, 1993. L. De Saint Moulin, contribution à l'histoire de Kinshasa, in zaïre-Afrique, N° 108, octobre 1976. Mbumba Ngimbi, Kinshasa 1881-1981, CRP, Kinshasa, 1982. Voyons dans le tableau suivant, l'évolution de la population dans les différentes communes de la ville.

    TABLEAU 15 : EVOLUTION DE LA POPULATION DES COMMUNES DE KINSHASA

    Communes

    Km2

    1984*

    1994**

    2004***

    Bandalungwa

    6,82

    97 973

    169 861

    230 704

    Barumbu

    4,72

    69 789

    120 820

    138 618

    Bumbu

    5,30

    114 645

    199 135

    315 158

    Gombe

    29,33

    16 735

    30 333

    30 961

    Kalamu

    6,64

    146 300

    280 822

    354 210

    Kasa vubu

    5,04

    76 111

    30 581

    159 112

    Kimbanseke

    237,78

    344 246

    617 158

    956 221

    Kinshasa

    2,87

    76 635

    130 861

    159 130

    Kintambo

    2,72

    51 733

    86 136

    123 656

    Kisenso

    16,60

    120 230

    205 785

    420 697

    Lemba

    23,70

    155 262

    279 173

    407 386

    Limete

    67,60

    130 437

    223 947

    360 141

    Lingwala

    2,88

    53 213

    85 919

    100 968

    Makala

    5,60

    106 875

    190 348

    241 780

    Maluku

    7 948,80

    53 891

    93 787

    162 490

    Masina

    69,73

    162 190

    276 221

    570 971

    Matete

    4,88

    105 600

    183 294

    310 687

    Mont Ngafula

    358,92

    49 604

    92 292

    177 040

    Ndjili

    11,40

    160 010

    274 342

    379 065

    Ngaba

    4,00

    75 260

    130 080

    195 930

    Ngaliema

    224,30

    245 567

    440 580

    736 259

    Ngiri-Ngiri

    3,40

    81 978

    143 807

    173 330

    N'sele

    898,79

    29 348

    50 607

    108 760

    Selembao

    23,18

    127 106

    221 187

    377 523

    TOTAL

    9 965,00

    2 542 558

    4 655 313

    7 184 001

    Source : *Département du plan, Direction de planification, ville de Kinshasa, fiche technique, Kinshasa 1998. ** Ngondo-a-Pitshandenge et Ali, perspectives démographiques du Zaïre 1984-1999 et population d'âge électoral en 1993 et 1994, Cepas, Kinshasa, 1994. *** Ministère de l'intérieur et décentralisation, 5e édition : Population, Juillet 2004.

    Le graphique suivant démontre la forme globale de l'évolution de la population Kinoise de 1984 à 2004.

    Graphique 4 : Evolution de la population kinoise (1984-2004)

    2004

    1994

    1984

    2 542 558 4 665 313 7 184 001 Effectif

    Source : PNUD (unité de lutte contre la pauvreté), pauvreté et conditions de vie des ménages (profil résumé de la ville de Kinshasa), Kinshasa, Mars 2009, p.10.

    6. INITIATIVES DE LA POPULATION NON ENCOURAGEES

    Un Gouvernement qui n'encourage pas les initiatives, les projets et les innovations de son peuple, celui-ci prépare sa défaite, sa décadence et ne pourra pas tenir bien longtemps. Cependant, à Kinshasa, il est rare à titre d'exemple de voir une famille qui pratique l'élevage à domicile. La plupart des chefs de ménages interrogés évoquent souvent un élément clé qui expliquerait selon eux, la non praticabilité des petites initiatives sociales. Il s'agit notamment de l'insuffisance des moyens adéquats.

    Tout compte fait, certains Kinois qui s'efforcent encore sur terrain ne bénéficient d'aucune subvention du gouvernement. Ce qui les décourage tout en renonçant à des bonnes initiatives au point de se lancer dans l'informel pur (cambistes, mamans Bipupula, etc.).

    7. ABSENCE DES POLITIQUES D'EDUCATION 

    Un gouvernement qui ne sait pas ajuster, actualiser ses politiques en matière de l'éducation de sa jeunesse, celui-ci peut être considéré comme court-termiste, car les jeunes préparés aujourd'hui sont les élites de demain. Au Congo, le programme des cours que suivent les enfants au niveau primaire, secondaire et même professionnel ne reflète pas la réalité du pays. On se demande à quoi servirait primordialement un écolier de connaître MISSISSIPI si ce dernier habite Kinshasa et n'a jamais entendu parler de fleuve Congo, et ne connait aucune richesse qu'héberge celle-ci.

    En effet, les causes de la non scolarisation des jeunes kinois ne sont pas les mêmes. D'une part, il existe une catégorie des jeunes à qui les parents ont disponibilisé leurs maigres moyens pour leur scolarisation, mais du fait que ces jeunes sont témoins de certaines comédies qui se passent dans leurs foyers, à titre d'exemple "un grand frère qui sacrifie 17 ans d'études et qui revient 3 mois après la fête de collation se disputer la télécommande de la télévision" plusieurs renoncent ipso facto aux études et cherchent les raccourcis de la vie (devenir musicien, chercher les voies et moyens pour voyager en Europe où il y a le paradis de rêve, etc.). D'autre part, il existe au moins des jeunes qui ont la volonté d'étudier mais faute des moyens, ils sont confrontés à des multiples exigences de la vie et ne savent à leur niveau quoi faire pour devenir quelqu'un dans la vie.

    A Kinshasa, on remarque l'absence des politiques d'éducation plus appropriées aux réalités, de manière à intégrer l'environnement de Kinshasa dans l'élaboration des programmes scolaires et académiques. Exemple : La pêche, la culture vivrière, etc.

    Selon l'annuaire statistique de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel (2006-2007), l'éducation à Kinshasa rencontre aussi les difficultés. D'une part, la tendance enregistrée sur les dernières années montre une légère baisse du taux de scolarisation (76,3% en 2001 et 74,8% en 2005). D'autre part, le niveau d'études moyen des Kinois est relativement faible. D'ailleurs, malgré la proximité des écoles primaires, deux tiers d'entre elles sont des écoles privées (voir le tableau ci-après), donc relativement plus chères.

    TABLEAU 16 : LES ECOLES PAR REGIME DE GESTION

     

    Kinshasa

    RDC

    Primaire

    Nombre

    %

    Nombre

    %

    Non conventionnée

    187

    7,8 %

    5 014

    17,0 %

    Conventionnée

    658

    27,5 %

    20 894

    71,0 %

    Privée

    1 545

    64,7 %

    3 542

    12,0 %

    Total

    2 390

    100,0 %

    29 450

    100,0%

    Secondaire

    Nombre

    %

    Nombre

    %

    Non conventionnée

    133

    9,4 %

    2 982

    21,0 %

    Conventionnée

    386

    27,3 %

    9 033

    63,8 %

    Privée

    894

    63,3 %

    2 148

    15,2 %

    Total

    1 413

    100,0 %

    14 163

    100,0 %

    Source : Annuaire statistique de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel 2006-2007.

    Selon le même annuaire, le problème financier est donc le premier motif d'arrêt de la scolarisation évoqué par les ménages : 30,7% à Kinshasa contre 41,3 en RDC. Trois quarts des ménages kinois ayant des enfants à l'école déclarent avoir connu au moins une exclusion de leurs enfants pour non paiement des frais scolaires.

    8. ABSENCE DES POLITIQUES SALARIALES RESPONSABLES

    Lorsqu'un gouvernement ne prévoit pas des politiques salariales responsables orientées vers la protection de la main d'oeuvre locale et l'élévation du pouvoir d'achat, celui-ci s'attendra à gouverner un peuple rongé tout le temps par la misère.

    9. ABSENCE DES POLITIQUES DE LA NUTRITION

    Un peuple malnutri est une nation qui ne peut aller de l'avant, qui sera confronté à des multiples épidémies et toutes sortes des maladies du fait de la fragilité des anti-corps. De ce fait, ce peuple n'est pas en mesure d'augmenter sa productivité par le travail. En réalité, le peuple kinois est malnutri.

    Cette malnutrition s'explique par la détérioration des voies routières ne permettant pas les commerçants d'évacuer leurs produits vers la capitale, ce qui crée une pénurie sur le marché et souvent ce qui est rare coûte toujours cher. Voyons ci-après les déterminants de la malnutrition à Kinshasa.

    Schéma 1 : Les déterminants de la malnutrition à Kinshasa

    Source : LUZOLELE, la pauvreté urbaine en Afrique subsaharienne, édition CEPAS, Bruxelles, 1999, p39.

    III.3. LES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE L'URBANISATION DE LA PAUVRETE A KINSHASA

    Vu l'ampleur de la manière dont le niveau de la pauvreté s'accroît à Kinshasa, ni les Kinois, ni les gouvernements national et provincial, ni les institutions internationales n'y sont restés indifférents. Ils ont mis sur pied des stratégies de lutte contre la pauvreté au niveau des ménages, de l'Etat ainsi qu'au niveau des grandes institutions des nations unies qui ont leur champ d'activités dans notre pays.

    III.3.1. LES STRATEGIES DE LUTTE AU NIVEAU DES MENAGES

    Au niveau des ménages ; toute personne vivant dans un lieu quelconque est appelée à connaître les exigences du milieu dans lequel elle est censée vivre, hommage à ce grand biologiste qui insistait sur l'importance pour un individu de bien connaître le milieu dans lequel il vit ou l'adaptation du milieu (Lamarck).

    A Kinshasa, lorsque vous sillonnez le long de la ville, vous entendrez une personne dire à l'autre "débrouillez-vous26(*)". Ce langage est souvent utilisé par le Kinois pour traduire les stratégies de lutte contre la pauvreté mises en place. En connaissance des conditions que traverse notre pays, le kinois s'adapte à la conjoncture et monte à son niveau plusieurs stratégies de lutte contre l'urbanisation dans son milieu. Parmi ces stratégies, nous pouvons citer les vendeurs d'eau en sachets, les cambistes, les démarcheurs, les cireurs, les chargeurs des taxis et taxis bus, les receveurs, les vidangeurs des fosses septiques, les anti-gangs, les mamans Bipupula, etc. sont là les types de métiers qui pullulent à Kinshasa et qui font vivre les Kinois à Kinshasa, métiers qualifiés « d'article 15 ».

    Les vendeurs d'eau en sachet ; sont ceux qui vendent de l'eau en sachet. Cette eau est souvent non traitée, contient beaucoup de microbes et est souvent vendue dans les grands lieux publics comme le long des grands marchés de la ville (Gambela, Zando, Matete, etc.).

    Les cambistes sont les jeunes qui exercent le métier de change des devises, ils intègrent souvent les ventes des cartes de communication, des papiers mouchoirs et tant d'autres marchandises, dans le but d'élargir leur niveau de rentabilité. Ils sont très remarquables et très fréquents dans presque tous les coins de la ville.

    Les cireurs, comme indique le nom, ils ont une expérience innée en matière des souliers et jouent souvent deux rôles en même temps. D'une part, ils sont cordonniers (lorsque les souliers, les babouches des passants sont endommagés, ils sont les mieux placé pour répondre à cette préoccupation) ; d'autre part, ils sont cireurs et nettoyeurs des chaussures, ils sont pour la majorité mobiles, c'est-à-dire ils n'ont pas des lieux fixes et circulent dans presque toute la ville à la recherche des clients.

    Les chargeurs des taxis et taxis bus sont les jeunes vifs qui sont aux arrêts et indiquent aux passagers les lieux de destination de ces taxis et taxis bus, ce travail équivaut à une récompense de la part du chauffeur.

    Les receveurs sont en quelque sorte les aides-chauffeurs des taxis bus, ils perçoivent l'argent auprès des clients en vue de réduire certaines fraudes et tant d'autres anomalies qui peuvent subvenir vu le nombre important des passagers « cinq cinq na banc », qui veut dire que les clients doivent s'arranger de manière à s'asseoir cinq personnes sur un même banc de plus ou moins 1m).

    Les vidangeurs des fosses septiques vident manuellement les fosses septiques dans les quartiers inaccessibles par les services d'assainissement de la ville. C'est un métier à haut risque et par conséquent bien rémunéré, tout est fonction de la profondeur et de la largeur de la fosse septique. Ce genre des métiers confirment l'adage « l'argent n'a pas d'odeur ».

    Les anti-gangs sont des jeunes sportifs remarquables par leurs biceps qu'on peut engager momentanément pour assurer la sécurité dans des lieux de fêtes, dans les bistrots (Nganda), marchés, etc. ils sont rémunérés à la fin de l'exercice de leur tâche.

    Les mamans Bipupula27(*) sont des femmes qui aident à partager équitablement les sacs de maïs et de manioc achetés en gros par deux ou plusieurs femmes qui ne peuvent l'acquérir seules en entièreté étant donné la modicité de leur bourse.

    En contre partie, les mamans Bipupula sont payées pour le service rendu avec des rebuts de graines de maïs ou de cossettes de maniocs, haricots. De leur paie, il s'ensuit que ces mamans procèdent à tamiser les rebuts et à tirer les bons grains des mauvais. Elles accumulent ces gains dans toutes les opérations effectuées. Le soir, elles les revendent au marché appelé Bitula28(*) pour se faire un peu d'argent, soit elles les apportent à la maison pour l'unique repas du jour.

    Ces métiers informels appuient la célèbre réflexion "kolia na Kin ekoma kalayi ngangu, kalayi technique29(*)" qui signifie "manger, survivre à Kinshasa présuppose une stratégie ou une technique". Ils constituent les grandes stratégies que s'offrent les Kinois pour surmonter le grand combat de lutte contre l'urbanisation de la pauvreté qui s'accentue à une vitesse de croisière.

    Mais cela ne se limite pas là, car malgré la période difficile que traverse la République Démocratique du Congo, les stratégies de lutte que se fixe le Gouvernement congolais et certaines institutions des Nations Unies ne peuvent à notre avis passer inaperçues.

    III.3.2. LES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU NIVEAU

    DE L'ETAT

    Pour bien mener sa mission d'éradication de la pauvreté, le gouvernement congolais a élaboré "le Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP). Ce document contient les actions prioritaires de lutte contre la pauvreté par la restauration de la paix et de la réconciliation nationale, par la restauration de la bonne gouvernance, la restauration de l'éducation, la lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme, la résolution pacifique des conflits, la rupture de la dynamique de renforcement mutuel entre la mauvaise gouvernance et les conflits, la lutte contre les inégalités et l'exclusion, la prise en compte de la dimension du genre et le défi de disponibilité des données statistiques fiables.

    Le DSCRP a pour objectif d'améliorer et de consolider le cadre institutionnel et de gouvernance à la base, de créer un cadre institutionnel national d'appui à la dynamique communautaire, d'améliorer la situation de la femme et des autres groupes vulnérables dans les communautés de base, d'améliorer les conditions de vie des populations de base.

    Avec l'aide des partenaires internationaux comme la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international, la RDC a mis sur pied un Programme Intérimaire Renforcé (PIR) avec pour objectif d'assainir le cadre macroéconomique et de réduire l'inflation. Pour consolider et pérenniser les acquis de ce programme et aussi préparer la relance économique par la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures, elle a, par la suite, élaboré le programme multisectoriel d'urgence de reconstruction et de réhabilitation (PMURR), dont les secteurs prioritaires sont le renforcement des capacités, les infrastructures, le développement communautaire, l'agriculture, l'éducation, la santé, la protection sociale, etc. Et aujourd'hui, l'actualité est dominée par l'actuel carnet de l'explosion du développement de la République ou encore les cinq chantiers de la République (Emploi, Logement, Eau et Electricité, Santé et Education, Infrastructures)30(*).

    Tout compte fait, le Kinois n'y reste pas indifférent, il croit en l'avenir et surtout comme tout Congolais, ce dernier reste encore dynamique à tout projet favorisant le progrès de son milieu et veut voir la capitale se métamorphoser tout en changeant sa mappe qui ne reste jusqu'à présent que sous son aspect colonialiste.

    III.3.3. STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE AU NIVEAU DES

    INSTITUTIONS DES NATIONS UNIES

    A travers ses diverses agences oeuvrant en République Démocratique du Congo, l'Organisation des Nations Unies (ONU) est l'une des institutions importantes dans le suivi direct et analytique de la pauvreté.

    L'Organisation Internationale du Travail (OIT), à travers le BIT, a pour objectif principal en RD Congo d'aider à accroître les investissements en matière de création d'emploi et de distribution de revenu ainsi que de lutte contre les pires formes de travail des enfants. Il a lancé un programme de prévention et de réinsertion des enfants engagés dans les conflits armés.

    L'ONU/SIDA accorde un appui financier substantiel au programme national de lutte contre le SIDA (PNLS), aux ONG du forum SIDA (FOSI) et bureau national de promotion de la santé du ministère de la santé publique.

    Le PAM apporte un soutien direct à ceux qui sont atteints du SIDA ainsi qu'à leurs familles. Cependant, l'action du PAM est principalement centrée à Kinshasa, où près de 10 463 personnes s'approvisionnent quotidiennement à travers les ONG partenaires en rations alimentaires pour éviter la détérioration de leur état nutritionnel et sanitaire. Ces personnes sont les grabataires, les orphelins, les veuves infectées ou affectées par la pandémie.

    Le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) assiste la République Démocratique du Congo dans le traitement des questions relatives à la santé de la reproduction et à la population. La FAO fournit en urgence des intrants agricoles et des matériels de pêche aux familles démunies. En 2002, ce programme a touché 516 400 ménages. Il a renforcé la réhabilitation et le développement du secteur agricole, appuyé le programme spécial de sécurité alimentaire (PSSA), le programme manioc, le lancement d'une radio rurale locale communautaire implantée à Mbanza-Ngungu, l'élaboration du nouveau code forestier, le lancement de « Champs Ecoles Paysannes », le « Programme Tele Food », etc.

    Le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme (HCDH), dont l'objectif est le renforcement du «  mainstreaming des droits de l'homme », entend s'assurer du respect des droits humains, l'un des indicateurs du développement durable en République Démocratique du Congo.

    L'UNOPS est un bureau des Nations Unies pour le service d'appui au projet portant sur des domaines variés tels que la réhabilitation des infrastructures de base, le renforcement des capacités communautaires, la réhabilitation et l'entretien des routes rurales et l'assistance pour l'action contre les mines en RD Congo.

    L'UNICEF (les Fonds des Nations Unies pour l'Enfance) a des actions aussi variées : la prévention des maladies infantiles, le respect des droits des enfants, l'éducation et l'alimentation.

    Le PNUD, qui appuie la RD Congo, a élaboré le DRSP qui est le document-cadre des politiques macro-économiques et sectorielles qui va permettre au pays d'avoir accès aux ressources du FMI et de la Banque Mondiale.

    Les bailleurs de fonds sont constitués des pays développés comme les USA, la Chine, l'Italie, la Belgique, la France, la Suède, la Suisse, la Norvège, etc., ainsi que des institutions telles que l'Union Européenne, la Banque Mondiale, la BAD, l'USAID, la MONUC, le FIDA qui financent directement les programmes de lutte contre la pauvreté dans des programmes bilatéraux ou par le biais des agences du système des Nations Unies. L'Union Européenne intervient en RD Congo par le truchement de ses branches spécialisées comme le programme d'appui à la réhabilitation (PAR), le programme d'appui transitoire au secteur de la santé (PATS), etc.

    En dehors des stratégies citées ci-haut, l'on remarque que la plupart des programmes de lutte contre la pauvreté attaquent souvent les causes opportunistes, ce qui revient tout simplement à mettre du baume au dos d'un vieux rongé par le cancer des os c'est-à-dire au lieu que ceux-ci attaquent les causes principales ou la source, c'est-à-dire commencer par le renversement de la structure erronée et extravertie de notre économie.

    III.4. LA PAUVRETE URBAINE A KINSHASA ET DIVERSES STRATEGIES DE LUTTE

    Nous allons le souligner ci-dessous, les stratégies de lutte contre la pauvreté urbaine à Kinshasa consistent donc à tabler sur les principales utilités dont les Kinois sont privés aujourd'hui : le revenu, l'éducation, les soins, la facilité de mobilité et le désir de participer à la prise des décisions qui concernent leur devenir. Tout ceci rencontre sur plusieurs points la stratégie de la lutte contre la pauvreté basée sur des actions de paupérisation définies par les Nations Unies :

    · La simplification au possible des circuits de transport et la réduction sensible des circuits intermédiaires à Kinshasa ;

    · L'imposition du SMIG pour toutes les activités rémunérées et de service (personnel de l'Etat, entreprises privées et publiques ainsi que les activités de service et de vente entraînant les commissions) ;

    · Réduire l'exode rural par une politique visant à stabiliser les populations de l'arrière pays ;

    · Déconcentrer la ville de Kinshasa en créant autour d'elle d'une ceinture d'activités et d'intérêts ;

    · L'encouragement tous azimuts des petites activités agricoles et d'élevage familial ;

    · Tenir les statistiques démographiques de toutes les couches vulnérables.

    NB. Autrement dit les causes analysées ci-haut (à la Page 56) constituent les forces qui peuvent être insérer aux politiques proposées si on veut réellement réduire le taux de la pauvreté urbaine à Kinshasa.

    CONCLUSION PARTIELLE

    En somme, comme on vient de le voir, le Kinois a sa façon de percevoir la pauvreté, perception qui diffère de celle des acteurs qui étudient le phénomène. Néanmoins, la prolifération des petits métiers informels est un signe qui montre bien que le Kinois vit dans la pauvreté. C'est la raison pour laquelle le gouvernement vient de se doter du document de la stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté (DSCRP) dont certaines actions seront appuyées par les agences de l'ONU ainsi que par d'autres bailleurs des fonds internationaux.

    CONCLUSION GENERALE

    Au delà de toute pensée que l'on peut se faire de la pauvreté, nous avons compris qu'il est difficile d'évoquer une définition de la pauvreté qui soit profondément parfaite, du fait que lorsque celle-ci se manifeste, elle touche divers domaines de la vie humaine, elle est donc un concept multidimensionnel.

    Mais cela ne peut pas nous empêcher de l'expliquer de manière claire en vue de rendre compréhensif son contenu. C'est de cette façon que la "pauvreté est donc comprise comme l'impossibilité pour un individu d'utiliser ses capacités ou les opportunités dont il est privé au cours de son existence".

    Au jour le jour, Kinshasa s'urbanise de plus en plus et cette urbanisation rapide influe directement sur la qualité de la vie et surtout sur celle des populations pauvres de la ville. Malgré les maigres budgets alloués par le Gouvernement au développement de la ville, la capitale congolaise continue de croître.

    Devant la lenteur du gouvernement pour intervenir, les ONG locales et internationales ainsi que les confessions religieuses s'emploient à promouvoir l'amélioration de la qualité de vie des populations kinoises pauvres.

    Le Kinois, comme tout Congolais a sa façon de percevoir la pauvreté, perception qui diffère de celle des acteurs qui étudient le phénomène. Néanmoins, la prolifération des petits métiers informels est un signe qui montre bien que le Kinois vit dans la pauvreté. C'est la raison pour laquelle le gouvernement s'est doté du Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP) dont certaines actions seront appuyées par les agences de l'ONU ainsi que par d'autres bailleurs de fonds internationaux.

    Bref, la problématique de la pauvreté à Kinshasa ne doit pas être séparée du comportement et du contexte de fonctionnement de l'économie nationale d'autant que la pauvreté n'est qu'une composante d'effets dévastateurs causés suite à la désarticulation de l'économie de la République Démocratique du Congo.

    Sous ce rapport, la question de la pauvreté est intimement liée à la structuration mécanique et erronée du cadre macro-économique conçu intentionnellement par le pouvoir colonial pour servir les intérêts stratégiques et les entités industrielles occidentales.

    Au lieu que notre économie soit conçue et structurée de manière à dégager et à économiser nos ressources nécessaires à la réalisation des grands objectifs socio-économiques, nous avons donc une économie totalement extravertie à l'importation tout comme à l'exportation. Et la descente aux enfers de notre économie ne date pas du Gouvernement KASA-VUBU31(*) mais bien au-delà de l'époque coloniale. Depuis ce temps, l'économie congolaise vit au rythme d'une super-inflation évoluant de manière constante et soutenue jusqu'à ce jour. Une inflation qui a considérablement fait dégrader non seulement le tissu économique mais également le vécu quotidien des Congolais en général et celui de Kinois en particulier.

    C'est pourquoi tout programme de lutte contre la pauvreté doit commencer par la source, c'est-à-dire par le renversement de la structure pervertie, erronée et extravertie de notre économie. S'attaquer aux causes opportunistes revient tout simplement à mettre du baume au dos d'un vieux rongé par le cancer des os.

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

    Banque mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001, combattre la pauvreté, Washington, Banque Mondiale, 2001.

    CHELO DHEBBI, Notes de cours d'économie politique, Deuxième graduat, Faculté d'économie et développement, Facultés Catholiques de Kinshasa, Kinshasa, 2007-2008.

    F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Pauvreté urbaine à Kinshasa, édition Cordaid, la Haye, Juin 2004.

    Gouvernement de la République, Programme de stabilisation et de relance de l'économie, communication du gouvernement à la réunion des amis de la République Démocratique du Congo, 12 Novembre 1997.

    Jean marc FONTAINE, Mécanismes et politiques de développement économique (Du big push à l'ajustement structurel), éditions CUJAS, paris, septembre, 1994.

    Laurent LUZOLELE LOLA NKAKALA : - Congo-Kinshasa : combattre la pauvreté en situation de post conflit (synergie entre l'Etat et le capital social), édition l'harmattan, Paris, 2002.

    - La pauvreté urbaine en Afrique

    Subsaharienne, cas de Kinshasa, CEPAS (centre tiers-monde-facultés universitaires saint-Ignace université d'Anvers), Bruxelles, 1999.

    MPASIA TEZO, conseil national des ONG de développement du Congo : les stratégies paysannes de lutte contre la pauvreté, rapport du colloque organisé par CNONGD du 16 au 19 août 2000.

    NZUZI, L., L'impact des érosions de Kinshasa sur l'Habitat et l'Environnement, Kinshasa, PNUD-Habitat, 1999.

    NZUZI, TSHIMANGA, Problématique urbaine à Kinshasa. Cas des communes de Lingwala et de Ngaliema, Kinshasa, Cordaid, Avril 2003.

    PNUD : - Monographie de la province de Kinshasa, PNUD Kinshasa, Kinshasa, 2000.

    - Province de Kinshasa, Pauvreté et conditions de vie des ménages (profil résumé), PNUD-RDC, Mars 2009.

    - Rapport du PNUD sur la pauvreté 1998, vaincre la pauvreté humaine, New York, 1998.

    République Démocratique du Congo, Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP), Kinshasa, Juillet 2006.

    VANDERSCHUEREN, F. et Alii, Les options politiques pour la réduction de la pauvreté, cadre d'action au niveau municipal, le programme de gestion urbaine et pauvreté, banque mondiale, Washington, 1996.

    WRELINKI, Grande pauvreté et précarité économique et sociale (rapport présenté au conseil économique et social), In : Journal Officiel de la République Française, 23 Février 1987.

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    TABLE DES MATIERES

    * 1 _ Laurent LUZOLELE LOLA NKAKALA, Congo-Kinshasa : combattre la pauvreté en situation de post conflit (synergie entre l'Etat et le capital social), édition l'harmattan, Paris, 2002, pp.1-2.

    * 2 _ F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Pauvreté urbaine à Kinshasa, édition Cordaid, la Haye, Juin 2004, p.17.

    * 3 _ Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans le monde 2000-2001, combattre la pauvreté, Washington, Banque mondiale, 2001, p.20.

    * 4 _ F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Op. Cit., p.26.

    * 5 _ F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Op. Cit., p.28.

    * 6 _ WRELINKI, Grande pauvreté et précarité économique et sociale (Rapport présenté au conseil économique et social), In : Journal Officiel de la République Française, 23 Février 1987, pp.1-4.

    * 7 _ VANDERSCHUEREN, F. et Alii, les options politiques pour la réduction de la pauvreté, cadre d'action au niveau municipal, le programme de gestion urbaine et pauvreté, banque mondiale, Washington, 1996, p.20.

    * 8 _ PNUD, Rapport mondial sur la pauvreté, vaincre la pauvreté humaine, PNUD, New York, 1998, p.45.

    * 9 _ Gouvernement de la République, programme de stabilisation et de relance de l'économie, communication du gouvernement à la réunion des amis de la République Démocratique du Congo, 12 Novembre 1997.

    * 10 _ Belle ville avant 1960 ; Lipopo : africanisation de Léopoldville ; Malebo : borassus, plante très présente sur la plaine de Kinshasa.

    * 11 10 F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Op. Cit, p.35.

    * 12 _ UPN : le quartier a pris le nom de l'université pédagogique national, parce qu'il est né à proximité.

    * 13 _ DAIPN : Domaine Agro-Industriel Présidentiel de la N'sele.

    * 14 _ Le 30 juin 1960, date de l'indépendance de la RDC ;

    * 15 _ MICS : enquête nationale sur la situation des enfants et des femmes au Congo en 2001 ;

    * 16 _ FNUAP signifie Fonds des Nations Unies pour la Population.

    * 17 _ Des grands ravins ; sur les sites suivants : Masikita, Mataba I, Mataba II et III, Kisenso, Ndjili, Drève de Selembao, Kinsuka, Livulu, Ngafani, Unikin, Nguma, Maluku, Ngomba-Kinkusa, UPN, Ngaliema, Bolikango, Matadi mayo, etc.

    * 18 _ F.L. NZUZI, C.T. MBUYI, Op. Cit, p48.

    * 19 _ PNUD, Rapport sur la Pauvreté, vaincre la Pauvreté humaine, New York, 2000, p.31.

    * 20 _ République Démocratique du Congo, Document de la Stratégie de Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP), Kinshasa, Juillet 2006.

    * 21 _ PNUD, Op. Cit., p.22.

    * 22 _ Laurent LUZOLELE LOLA NKAKALA, la pauvreté urbaine en Afrique subsaharienne, cas de Kinshasa, CEPAS (centre tiers-monde-facultés universitaires saint-Ignace université d'Anvers), Bruxelles, 1999, p.17.

    * 23 _ Les Salomon : c'est une appellation courante à Kinshasa qui fait allusion à des jeunes matures capables d'être indépendants, mais fautes des moyens ces derniers continuent à passer leurs nuits au salon.

    * 24 _ PNUD, Profil résumé : Pauvreté et conditions de vie des ménages, province de Kinshasa, mars 2009, p.7.

    * 25 _ CHELO DHEBBI, Notes de cours d'économie politique, Deuxième graduat, Faculté d'économie et développement, Facultés Catholiques de Kinshasa, Kinshasa, 2007-2008.

    * 26 _ Débrouillez-vous : c'est l'article 15 de la constitution de la province sécessionniste et éphémère du Sud Kasaï en juillet 1960. Cet article invitait les sud Kasaïens à se prendre en charge, à se prendre à main, à travailler dans la débrouillardise, même s'il fallait exploiter artisanalement du Diamant ; type d'activités interdite à l'époque. Depuis ce temps là, l'article est passé dans le langage populaire congolais.

    * 27 _ Ce sont les femmes tamiseuses de rebuts des produits vivriers ;

    * 28 _ C'est un marché constitué par des produits invendus ou les produits retardataires.

    * 29 _ L'adage est plus extrapoler par le Journal Télévisé en Lingala Facile (JTLF), diffusé dans certaines chaines du Pays.

    * 30 _ République Démocratique du Congo, site officiel : www.cinqchantiers-rdc.com.

    * 31 _ KASA-VUBU Joseph, Premier Président du Congo Indépendant (C.I), actuel République Démocratique du Congo, fut au pouvoir de 1960 à 1965.






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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault