REPUBLIQUE DU NIGER M.E.S.S.R./T. UNIVERSITE ABDOU
MOUMOUNI DE NIAMEY FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES
HUMAINES DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE
D.E.A. GEOGRAPHIE
Milieux et Sociétés des Espaces Arides et
Semi-arides : Aménagement-Développement
Option : Aménagement des Espaces
Ruraux
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Avec l'appui du Projet de Sécurisation des
Systèmes Pastoraux /N'gourti-Termit
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Pastoralisme et organisation de l'espace au Niger
oriental : cas de la
communaut6 Toubou T6da de la commune de
Tesker
Année académique :
2004-2005
Présenté et soutenu par :
SOULEY Kabirou
Membres du jury :
Président du Jury :
Pr. GUMUCHIAN Hervé
IGA Université Joseph Fourier, Grenoble1 Directeur :
Pr. GUMUCHIAN Hervé
IGA Université Joseph Fourier, Grenoble1 Co - Directeur
:
WAZIRI MATO Maman
Maître Assistant, UAM Niamey
Assesseurs :
BOUZOU MOUSSA Ibrahim
Maître de Conférences, UAM Niamey
CORNU Florent
Assistant Technique au Projet de Sécurisation des
Systèmes Pastoraux /N'Gourti-Termit
Je dédie ce travail à :
Ma défunte Grand mère Hadjia Digé
Ma mère Nana Fatchima Saley
Remerciements
Au terme de ce travail de recherche nous tenons à
exprimer notre profonde gratitude à toutes les personnes qui ont permis
sa réalisation.
Nos remerciements vont d'abord au Professeur Hervé
GUMUCHIAN de l'Institut de Géographie Alpine, Université Joseph
Fourier de Grenoble et Monsieur WAZIRI MATO Maman, Enseignant Chercheur
à l'université Abdou Moumouni, qui ont bien voulu accepter de
diriger ce travail de mémoire. Une mention spéciale va à
l'endroit du Professeur GUMUCHIAN pour avoir parrainé ce DEA (le premier
à l'Université de Niamey) et de présider le jury de
soutenance. Toute ma gratitude, à Monsieur WAZIRI MATO Maman qui en
dépits de ses lourdes tâches administratives a su efficacement et
avec patience suivre l'évolution de notre travail de terrain.
A Monsieur BOUZOU MOUSSA Ibrahim Maître de
conférences à l'Université Abdou Moumouni de Niamey,
responsable de ce DEA, qui a bien voulu accepter le rôle combien
difficile d'assesseur.
A notre maître de stage Monsieur CORNU Florent Assistant
Technique au PSSP/ N'gourti/Termit, pour la patience dont il a fait preuve et
sa constante disponibilité tout au long de notre stage, ses
encouragements, son ouverture d'esprit, les remarques pertinentes. Sa rigueur
et son intransigeance pour le travail bien fait nous ont permis
d'améliorer sans cesse la qualité de ce document.
Notre reconnaissance va à l'endroit de tout le staff du
PSSP/ N'gourti/Termit à savoir Monsieur Apollinaire le coordinateur,
Sanoussi, Siddo, Adama Saley (la comptable), Seyedina, Hamza,
Gagéré et Kondo (tous les deux chauffeurs au PSSP).
A notre Binôme KOLLROS Julie pour l'échange
d'informations sur le terrain.
Nos remerciements vont également à Monsieur
AGADA MARAFA Mahamadou de la division carte scolaire du Ministère de
l'enseignement de base et de l'alphabétisation, pour les travaux de
cartographie et la mise en forme du document.
Notre gratitude va également à l'endroit des
Toubou Teda de Sidinga à savoir Monsieur MALICK Ahmet notre traducteur,
Elhadji BARKAMA notre tuteur, Monsieur TCHAGAM le chef de tribu et de toute la
population de Sidinga et de l'ensemble de notre zone d'étude.
Table des matières
Dédicace
Remerciements
Introduction 3
I. Première partie : Mise en contexte et
problématique de l'étude 5
I.1. Le projet PSSP N'Gourti-Termit au Niger oriental 5
I.1.1. Contexte actuel 5
I.1.1.1. Les politiques nationales 5
I.1.1.2. La gestion du foncier, un sujet d'actualité 6
I.1.2. L'objectif du projet VSF- CICDA- Niger 7
I.1.2.1. La zone d'action du PSSP 9
I.1.2.2. La demande du projet 11
I.2. Problématique et hypothèses 13
I.3. Méthodologie et démarche 15
I.3.1. Méthodologie 15
I.3.2. Démarche : Une approche par l'espace 17
I.3.2.1. Les limites de l'étude 19
II. Deuxième partie : L'espace Toubou Teda 21
II.1. Caractéristiques générales de la zone
d'étude 21
II.1.1. Le Niger oriental 21
II.1.2. La commune de Tesker 23
II.1.3. Communauté Toubou Téda 27
II.1.3.1. Campement de base : Sidinga 27
II.2. Les Toubou Teda au Niger oriental 33
II.2.1. L'histoire de peuplement Teda au Niger oriental 33
II.2.2. Historique de la chefferie Toubou Teda 35
II.2.2.1. Le groupement Toubou Teda 38
II.2.2.2. Le chef des tribus 38
II.2.3. Les marques sur les dromadaires 39
II.2.3.1. L'emprunt des marques 40
II.2.3.2. Les 33 clans Toubou Teda et leurs marques 42
II.3. La mobilité 47
II.3.1. La conduite des animaux 49
II.3.1.1. La mobilité en saison des pluies 51
II.3.1.2. La mobilité en saison sèche et froide
53
II.3.1.3. Le pâturage au niveau du puits de saison
sèche et chaude 55
II.3.2. Appréciation du pâturage 57
II.3.3. Réflexion sur les « concepts » pastoraux
59
II.3.4. Les échanges 63
II.3.4.1. Les échanges économiques 63
II.3.4.2. L'échange d'information 64
II.4. Les rapports sociaux 65
II.4.1. Les alliances entre les Toubou Teda et les autres
communautés 65
II.4.2. Les conflits 68
II.4.2.1. Typologie des conflits 68
II.4.2.2. Règlement des conflits 70
II.5. Organisation sociale des ménages et du campement
73
II.5.1. Organisation des ménages 73
II.5.2. Disposition des tentes au sein du campement 74
II.5.3. Evolution du campement 76
III. Troisième partie : Réflexions autour de la
décentralisation et la gestion des ressources 78
III.1. Eléments de la décentralisation et
appréciations 78
III.1.1. La nouvelle commune de Tesker 79
III.1.1.1. Le rôle du maire et des conseillers 79
III.1.1.2. Rôle du chef de poste 80
III.1.1.3. Financement de la commune 80
III.1.1.4. Piste d'amélioration 82
III.2. La gestion du foncier dans le cadre de la
décentralisation au Niger 84
III.2.1. La Commission Foncière communale(COFOCOM) 86
III.2.2. Les difficultés foncières 87
Conclusion 88
Projet de thèse 90
Bibliographie 93
Table des cartes :
Carte N°1 : Zone d'intervention du PSSP/N'gourti-Termit
10
Carte N°2 : Le Niger Oriental 22
Carte N°3 : Répartition des communautés 26
Carte N°4 : Localisation du campement de base 28
Carte N°5 : Zone d'influence des marques de dromadaires
47
Carte N°6 : La transhumance des Toubou Teda 50
Table des Tableaux :
Tableau N°1 : Les 33 marques Toubou Teda 43
Tableau N°2 : Calendrier pastoral 56
Tableau N°3 : Appétence des espèces
fourragères 57
Tableau N°4 : Echelle d'influence des
évènements 66
Tableau N°5 : Règlement coutumier 74
Table des Figures :
Figure N°1 : Cadre institutionnel du PSSP/N'gourti-Termit
8
Figure N°2 : Evolution des précipitations 23
Figure N°3 : Réaction de la population pastorale
49
Figure N°4 : Le puits d'attache 62
Figure N°5 : Les conditions d'accès au puits 63
Table des Photos :
Photo N°1 : Paysage de Sidinga en début Juin 24
Photo N°2 : Le puits de Sidinga en saison sèche et
chaude 32
Photo N°3 : Le puits de Sidinga en saison des pluies 33
Photo N°4 : Exemple de la marque Teda 41
Photo N°5 : Tente familiale Toubou Teda 77
Annexe :
Guide d'entretien
Introduction
Le Niger oriental est un vaste espace composé en partie
de la région de Zinder notamment le département de Gouré
et de l'ensemble de la région de Diffa. L'activité est
essentiellement agro-pastorale pour devenir majoritairement pastorale dans la
partie nord. Ces activités connaissent des contraintes liées tant
au climat qu'à la gestion des ressources par les différentes
communautés présentes dans cet espace sahélien. Les
sécheresses cycliques, entraînent, en effet, la raréfaction
des pâturages, le déplacement temporaire ou permanent de certaines
communautés, la sédentarisation des pasteurs, dans les villes
notamment et parfois le changement d'activité de certain groupe. C'est
le cas de certains peuls Bororo qui se sont transformés en vendeur du
thé dans les centres urbains après la sécheresse de
1984.
Les règles d'accès aux ressources connaissent
des modifications fréquentes et sont de ce fait d'une grande
complexité. L'accès aux ressources est régit par les
relations existantes entre les communautés. En effet, un conflit peut
faire apparaître une limite idéelle temporairement infranchissable
entre deux communautés en désaccord. De même de bons
rapports entre deux communautés peuvent entraîner une
préférence dans le choix des déplacements saisonniers. Au
Niger oriental, vit une multitude de communautés essentiellement
pastorales. La diversité de ces communautés entraîne une
diversité de forme d'appropriation de l'espace. Ces espaces s'imbriquent
entre eux, se lient et se délient en fonction des rapports sociaux.
L'étude de l'organisation des espaces pastoraux est de ce fait
nécessaire pour une meilleure compréhension du fonctionnement de
l'activité pastorale.
La communauté Toubou Teda localisée dans la
partie la plus septentrionale des régions de Zinder et Diffa au Niger,
se compose en un espace mouvant, ouvert et solidaire. Les déplacements
saisonniers « Nord- Sud » se font aux grés des pâturages
et des relations. La réciprocité est le fondement indispensable
à la survie de leur activité. L'organisation et la structuration
sociale des Teda, leur répartition spatiale, à cheval sur Trois
Etats (Lybie, Tchad, Niger), fait également de cette communauté
une communauté complexe et difficile à appréhender.
Nous abordons dans une première partie, le contexte dans
lequel nos recherches ont été menées et
présenterons notre zone d'étude.
Dans une seconde partie nous traitons de l'organisation de
l'espace Toubou Teda, par le biais de l'Histoire, des conflits et de la
mobilité. Cette partie s'accompagnera de réflexions sur la
validité dans notre zone d'étude des « concepts pastoraux
» couramment utilisés par les projets de développement et la
législation nigérienne.
Pour finir, nous proposons une réflexion sur la
décentralisation naissante au Niger et son impact possible en zone
pastorale et en ce qui concerne la gestion du foncier pastorale.
I. Première partie : Mise en contexte et
problématique de l'étude
Dans cette première partie nous présentons le
contexte dans lequel s'insère le projet PSSP N'Gourti-Termit, nous
définissons notre problématique et nous présentons la
démarche adoptée. Nous finissons par la présentation de
notre zone d'étude.
I.1. Le projet PSSP N'Gourti-Termit au Niger
oriental
Le Projet de Sécurisation des Systèmes Pastoraux
N' Gourti-Termit (PSSP), a débuté en avril 2004. Sa durée
globale est de 3 ans. Face à l'évolution du paysage
institutionnel Nigérien, aux controverses autour de la
réglementation des ressources naturelles et aux différentes
difficultés rencontrées par les pasteurs au Niger, VSF- CICDA a
définit ses objectifs selon 2 orientations : la sécurisation des
systèmes d'élevage pastoraux (une meilleure gestion des risques
et des ressources naturelles) et l'appui à l'émergence de la
société civile dans les instances de prises de
décisions.
I.1.1. Contexte actuel
I.1.1.1. Les politiques nationales
Depuis les années 1985, le Niger s'est engagé
dans une politique de stabilisation et d'ajustement structurel qui conduit
à une libéralisation progressive de l'économie et du
secteur agricole en particulier. Parallèlement à cette
orientation, les politiques nationales s'articulent autour d'une
Stratégie de Réduction de la Pauvreté (SRP) dont
l'ambition est de parvenir à diminuer l'incidence de la pauvreté
de 63% à moins de 50% à l'horizon de 2015. Dans cette
perspective, les politiques nationales assignent ainsi au secteur rural une
place centrale. En effet, la production du secteur agricole représente
41% du PIB et fournissent 44% des recettes d'exportation. Les productions
animales contribuent à elles seules pour 70% des recettes d'exportation
agricoles.
Une Stratégie de Développement Rural (SDR) a
été adoptée par le gouvernement en octobre 2003. Dans le
domaine de l'élevage la SDR s'est basée sur le « Document
cadre pour la relance du secteur d'élevage au Niger »
préparé et produit par le Ministère des Ressources
Animales (MRA) en novembre 2001. Ce document insiste sur la promotion et le
renforcement des organisations d'éleveurs. Il identifie
l'amélioration des ressources naturelles et la valorisation des zones et
espaces
pastoraux, l'amélioration de la santé animale,
la promotion des marchés intérieurs et extérieurs et
l'amélioration de la compétitivité comme axes prioritaires
d'intervention du MRA et des partenaires au développement du Niger dans
ce secteur. La SDR précise en outre que « l'initiative
privée » doit constituer le socle de la relance de
l'économie rurale tout en préservant l'équité
nécessaire à la cohésion sociale.
I.1.1.2. La gestion du foncier, un sujet
d'actualité
« Nous, les nomades, gens de la brousse, nous ne
connaissons aucune clôture. Tout ce
qui est herbe, nous le mangeons. La terre et tout ce qui
pousse dessus appartiennent au bon dieu qui nous a tous créées et
qui a mis toute la terre à notre disposition » (La
chèvre et la gazelle - IN : Conte Haoussa- Kanouri de l'Est du
Niger, Sur les rives du fleuve Niger, 2000, p106).
Le Niger est un pays où les ressources naturelles sont
valorisées par l'élevage sur la plus grande part de son
territoire. Une grande partie de sa superficie est composée de savane
à graminées annuelles, dans lesquelles l'agriculture est
impossible, en raison de pluviométries faibles et
irrégulières, et de la légèreté des sols. En
dehors des cultures irriguées qui sont pratiquées jusque dans les
régions sahariennes sur des espaces très localisés (les
dallols, le fleuve Niger, le lac Tchad, les oasis sahariennes...),
l'agriculture est concentrée sur une bande qui longe la frontière
avec le Nigeria, le Bénin et le Burkina Faso. Pourtant, d'une
manière générale, l'occupation agricole de l'espace
progresse au détriment des aires de pâturage. Une forte pression
démographique couplée aux sécheresses sont
incontestablement des facteurs déterminants de cette extension des
surfaces cultivées. Le front agricole a ainsi fait reculer les pasteurs
de 50 Km vers le nord depuis les années 1970. Cette situation
entraîne de nombreux litiges et conflits fonciers entre utilisateurs
pastoraux et agricoles des ressources naturelles.
Pour palier à ces problèmes, un comité
national du code rural est mis en place en 1989, suivit de l'adoption des
ordonnances n° 93-014 et n°93-014 le 2 mars 1993 portant
respectivement sur le régime de l'eau et le principe d'orientation du
code rural. Ceci a constitué un tournant important en matière de
politique foncière au Niger. Ces deux lois définissent le cadre
juridique des activités agricoles, pastorales, sylvicoles et les
conditions d'utilisation des différentes ressources. Cependant la mise
en application de ces dispositions n'a été effective qu'à
partir de 1997. Le code rural
en ses articles 120 et 121 consacre la création de
commissions foncières qui traiteront de toutes les questions
foncières dans le monde rural. Un décret (N° 97- 007
/PRN/MAG/E )sur les « terroirs d'attache » a été
élaboré le 10 janvier 1997. Ce décret a fait l'objet de
nombreuses critiques de la part des chercheurs et des associations
d'éleveurs. La réflexion actuelle sur l'élaboration d'un
code pastoral s'inscrit dans une perspective de prise en compte de ces
insuffisances. Les enjeux sont d'autant plus importants que la politique de
décentralisation menée par l'Etat se confirme notamment au
travers les élections communales qui ont eu lieu en Juillet 2004. Dans
ce nouveau contexte on peut s'interroger sur le rôle que les pasteurs
peuvent jouer dans les nouvelles instances de prise de décision et sur
les recompositions1 que ce processus va entraîner. La
définition et la délimitation du territoire des communes rurales
ainsi que le transfert de compétences à ces nouvelles
collectivités sont porteurs d'enjeux fonciers majeurs pour la
sécurisation des droits des éleveurs.
I.1.2. L'objectif du projet VSF- CICDA- Niger
L'objectif de développement du Projet «
Sécurisation des Systèmes Pastoraux N'Gourti-Termit » est de
contribuer à l'amélioration de la sécurité
alimentaire des éleveurs des communes rurales de Tesker et N'gourti,
respectivement dans les départements de N'Guigmi et de Gouré. Le
cadre institutionnel du PSSP (Fig N°1) regroupe plusieurs partenaires (les
bailleurs de fond, les partenaires techniques et institutionnels). Le projet
s'insère ainsi parfaitement dans la politique nationale par l'appui
à l'émergence de la société civile dans les
instances de prise de décision et par la relance du secteur
élevage du Ministère des Ressources Animales, notamment dans ses
composantes :
- amélioration de la gestion des ressources naturelles et
valorisation des zones à vocation pastorales ;
- soutien à l'organisation et à la
professionnalisation des acteurs ;
- Appui à la mise en place d'un dispositif de santé
animale.
Pour une plus grande efficacité, le PSSP, se divise en
4 volets : Gestion des Ressources Naturelles (GRN), Santé Animale,
Structuration (appui à l'initiative locale) et un volet transversal.
1 Tant sur le plan politique et social que sur le plan
de l'organisation spatiale.
Figure N°1 : Cadre institutionnel du Projet
SSP
-Maître d'oeuvre
VSF-CICDA responsable de la mise en oeuvre
Karkara, partenaire associé
Prestataires
-Stagiaires
-ONG partenaires
-Association d'éleveurs -Experts
Maître d'ouvrage
Le projet est financé sur la base d'un contrat de
subvention signé entre VSF-CICDA et la Commission Européenne
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Partenaires institutionnels Ministère des
ressources animales
Ministère du développement Agricole
Ministère de l'hydraulique et de l'environnement
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Partenaires techniques - CAP EN
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Bénéficiaires
indirects
Communes rurales de Tesker et N'Gourti
Bénéficiaires directs
Les populations bénéficiaires des actions du
PSSP sont les pasteurs de la zone nord de la commune rurale de N'Gourti et ceux
du massif de Termit de la partie nord de la commune de Tasker. Les appuis du
projet sont destinés plus particulièrement aux organisations
d'éleveurs.
|
I.1.2.1. La zone d'action du PSSP
La zone d'intervention du PSSP couvre une partie des communes
rurales de N'Gourti et de Tesker, respectivement dans les départements
de N'guigmi et de Gouré. Cette zone est située au Nord de la
région de Zinder et au nord de la région de Diffa à
l'extrême est du territoire de la République du Niger (carte
N°2).
Le critère principal de choix de la zone d'intervention
est d'ordre socio-spatial. Elle recouvre en effet un espace géographique
« saharien » homogène du point de vue des
caractéristiques géographiques (ressources naturelles), du point
de vue des systèmes de production animale pastoraux, et du point de vue
des populations Toubous et Arabes.
Les contraintes qu'affrontent aujourd'hui les pasteurs de la
zone sont de divers ordres, tels, la diminution des ressources pastorales et
l'ensablement ; le manque de puits pastoraux modernes, une situation
zootechnique ne permettant pas la valorisation des performances animales, une
insuffisance de valorisation des produits d'élevage, un mauvais
accès aux produits et aux services de santé animale, et une
situation critique pour la santé humaine et l'éducation.
Carte N°1 : zone d'intervention du
PSSP/Zinder
LEGENDE
Autres communes du Niger
zone d'intervention du PSSP
0
Kilomètres
250 500
Tesker
Ngourti
I.1.2.2. La demande du projet
Dans le cadre de son diagnostic, le volet GRN du PSSP, a
sollicité une série d'étude dans la commune rurale de
Tesker, Deux thèmes de stage, ont ainsi été
proposés :
- « Foncier et régulation sociale des points d'eau au
Niger oriental »
- « Pastoralisme et organisation de l'espace pastoral au
Niger Oriental », thème dans lequel s'intègre notre
étude.
Nous avons abordé le sujet en deux volets
développés ci-dessous.
v' Premier volet
Premièrement cette étude doit permettre une
compréhension de l'organisation spatiale d'un groupe transhumant au
Niger oriental à savoir la communauté Toubou Teda présent
dans la zone de Tesker jusqu'à Agadem. Pour cela il est
nécessaire de déterminer les grands axes de transhumance et de
comprendre les stratégies de gestion des ressources pastorales (eau,
pâturage) entre les communautés de la zone.
Notre zone d'étude abrite un ensemble de
communautés pastorales qui cohabitent et se déplacent sur un
espace complexe, aux multiples contraintes, parmi lesquelles, la diminution des
ressources pastorale, le manque et la dégradation de puits pastoraux
modernes. L'objectif est d'aboutir à une représentation
schématique à deux dimensions (spatiale et temporelles) de ces
zones d'enjeux, voire de conflits, pour ces différents usagers.
Cette étude participera donc à la
détermination des actions à entreprendre pour répondre le
plus justement possible aux attentes des communautés pastorales de la
zone.
La demande de PSSP- Niger s'oriente également vers une
réflexion sur la pertinence des concepts2 liés
à « l'organisation de l'espace pastoral » couramment
utilisés par rapport aux types d'organisations rencontrées. En
effet, de nombreux termes sont employés pour caractériser les
systèmes pastoraux et leurs dynamiques spatiales, cependant,
l'utilisation qui en est faite est parfois trop générale et
globalisatrice au risque de perdre la spécificité de chaque
système. Ainsi, est-on sûr que ces derniers
2 Nous utiliserons dans cette étude le terme
« concept », sans toutefois valider entièrement sa pertinence.
En effet, il nous semble plus approprié ici, de parler de
dénomination, le terme concept étant définit comme une
idée abstraite et générale. C'est un vocabulaire
utilisé par les projets et la législation du Niger
correspondent toujours à la réalité des
systèmes pastoraux existants? Chaque acteur possède-t-il la
même définition de ces différents termes? Et même, en
a-t-il toujours connaissance ? Depuis quelques décennies de nouveaux
aspects sont apparus en milieu pastoral modifiant les stratégies et
redessinant la carte de l'occupation de l'espace des différentes
communautés pastorales. Ces nouveaux aspects sont l'apparition du
phénomène des puits privés par les éleveurs
commerçants, les puits boutiques et le processus de la
décentralisation. Afin de pouvoir comprendre cette organisation et
s'investir pour son amélioration, le PSSP, doit ainsi s'assurer de
posséder le « même langage » que les acteurs
concernés par le projet. «Lorsque l'analyse scientifique est
parvenue à distinguer les caractères particuliers des rapports
des hommes entre eux et avec la nature qui font la spécificité
d'une société, la question se pose de savoir de quelles
informations sur les propriétés de ces rapports disposent -par
leur représentations, leurs idéologies, leur culture- les
individus et les groupes qui composent cette société. »
(Maurice Godelier, l'idéel et le matériel, 1984 cité par
N'DAO Ibou, 2003).
Nous tenterons ici de définir chaque concept
déterminant, au travers, la perception de notre communauté
d'étude.
Cette étude permettra, en plus, de l'assurance de
posséder un « langage commun » entre les différents
acteurs du projet, de mener une réflexion sur les enjeux du foncier dans
le cadre actuel de la décentralisation récente au Niger.
1' Second volet
« Je ne sortirai que lorsque je serai
rassasiée ; et puis rien ne me prouve que ce potager t'appartient,...
» (La chèvre et la gazelle, Conte Haoussa- Kanouri de
l'Est du Niger, Sur les rives du fleuve Niger, 2000, p108).
Le Niger faisant ses premiers pas vers la
décentralisation, il nous a semblé pertinent de mener une
réflexion sur la mise en place de cette dernière, notamment, dans
le cadre de la commune de Tesker. Cette réflexion débouchera sur
la gestion du foncier en zone pastorale. Celle-ci interpelle en effet les
questions d'appropriation qui inclue celle des Ressources naturelles et
détermine leurs statuts, dans la mesure où elle a des
conséquences sur les politiques d'appui à la
décentralisation, sur la gestion des ressources naturelles (en
superposant plusieurs droits, reconnus ou non par les éleveurs) et sur
les transhumances.
I.2. Problématique et hypothèses
A l'inverse de l'agriculture où l'occupation du sol est
très individualisée, l'activité pastorale fait appel
à un vaste éventail de ressources en eau et en pâturages
dont l'exploitation est généralement ouverte à un ensemble
d'individus et de communautés d'une part et d'autre part sur un
réseau d'information sur la localisation précise de ces
ressources.
En effet, l'incertitude de la disponibilité et la
mauvaise répartition des ressources font partie intégrante des
conditions d'élevage au Sahel. La mobilité des troupeaux est la
seule façon d'adapter les charges animales aux variations du couvert
végétal. Sur de vastes aires pastorales où les ressources
annuelles en pâturage sont hétérogènes et
incertaines, la mobilité des troupeaux semble vitale et la
flexibilité des mouvements doit être préservée.
D'après B. Thébaud 1988, l'exploitation des ressources au Sahel
relève donc d'une logique très particulière : celle de
l'économie de partage. L'économie de partage suppose la
réciprocité, sans laquelle la mobilité des troupeaux et la
fluidité des mouvements pastoraux seraient compromises. Pourtant
à cause de leur valeur stratégique, certaines ressources peuvent
faire toutefois l'objet de droit d'accès plus restreints, bien
définis et mieux maîtrisés. Ainsi, au Niger oriental, la
cuvette pastorale et le point d'eau représentent un point d'ancrage dans
l'espace, un « terroir d'attache » que l'on peut quitter, mais
où l'on finit par revenir (Marty A, 2000)
L'occupation de l'espace procède ainsi d'une
dualité nécessaire entre de vastes territoires de parcours et des
points d'attache ou l'empreinte foncière est déterminante,
puisqu'il s'agit de lieux d'appartenance, de repli et de
sécurité. Il va de soit, que la sécurité
fourragère exclusive que pourrait représenter les terroirs
d'attache est relative dans ce contexte de liens sociaux multiples
vis-à-vis de l'accès aux puits. Les règles de
réciprocité annihilent toute possibilité réelle de
préservation des stocks fourragers pour un groupe au détriment
des autres. Par contre, c'est bien la réciprocité et la
capacité de mobilité qui représente une
sécurité à long terme.
Pour reprendre de nouveau une citation de B. Thébaud,
2002 « dans ce contexte, l'appartenance territoriale s'accommode
avantageusement de contours délibérément flous
». En effet, « cette absence de limites territoriales
rigides n'est pas l'héritage d'une période ancienne ou les
densités démographiques auraient été plus faibles,
mais procède d'une nécessité absolue, celle de maintenir
l'imprécision sur la
définition physique et sociale des parcours pour
permettre une fluidité maximale dans l'utilisation pastorale qui en est
faite » (Behnke 1994, p.8 cité par BOUARD S et TIERS S, 2004).
Le pastoralisme repose ainsi sur un faisceau de droits s'exerçant sur
des ressources généralement dispersées,
hétérogènes et aléatoires.
L'imprécision et les ambiguïtés qui
entourent avantageusement les limites des territoires de parcours
exploitées par différentes communautés n'excluent en aucun
cas l'existence d'un sentiment d'appartenance à une région
plutôt qu'à une autre.
Pourtant, ce mode d'organisation et de gestion du milieu
faisant appel à un vaste éventail de ressources dont
l'exploitation est souvent partagée, connaît de réelles
difficultés, telles, les sécheresses, les conflits liés au
foncier (gestion des pâturages et points d'eau), la croissance
démographique, etc. Les enjeux posés sont d'une importance
capitale, puisqu'à bien des égards c'est du droit d'utiliser en
commun des ressources que le pastoralisme sahélien tire son
originalité et surtout sa légitimité.
Les pasteurs de la zone, n'échappent pas à la
« règle » et affrontent de réelles contraintes au
niveau notamment de la gestion des ressources naturelles. En effet, la
diminution des ressources pastorales se traduisant par la disparition des
espèces appétées et l'ensablement posent des
problèmes réels pour la régénération des
ressources fourragères ; les contraintes en termes d'hydraulique
pastorale (manque de puits pastoraux modernes) limitent l'accès à
l'eau dans certains « terroir d'attache » du fait de puits
traditionnels ayant une mise en eau faible ou de puits modernes mal entretenus,
entraînant l'insalubrité autour du puits. Ce manque de puits
limite, de même, l'accès à des pâturages sahariens au
Nord-Est du massif Termit.
La diversité ethnique de la zone, fonctionnant sur le
principe de « l'économie de partage » couplée aux
contraintes que connaissent les pasteurs autour des ressources naturelles, nous
pousse à nous questionner sur les stratégies d'organisation de
l'espace des communautés pastorales dans la zone. Comment est
organisé l'espace pastoral ? Comment les sociétés
pastorales gèrent-elles leur espace ? S'approprient t-elles leur espace
? Comment s'approprient- elles leur espace ? Quels sont les rapports sociaux
qui lient les individus ? Dans quelles mesures constate-t-on une augmentation
de la pression sur les ressources naturelles ? Y- a-t-il une augmentation des
conflits ?
Cette notion d'espace est ici d'une importance capitale notamment
dans le contexte actuel de décentralisation.
Dans un tel contexte de juxtaposition de structures spatiales,
il semble intéressant de s'interroger sur la validité et la
pertinence des « concepts » d'organisation de l'espace
utilisés pour caractériser et analyser les systèmes
pastoraux de l'Est du Niger afin de comprendre réellement les enjeux
actuels du pastoralisme. Quels sont les « concepts » mieux
adaptés pour la zone d'étude ? Les concepts couramment
utilisés ont-ils une représentativité au sein de la
communauté d'étude ? Quelles représentations ont-ils de
leur espace ?
Afin d'aborder notre étude sur l'organisation de l'espace
pastorale au Niger Oriental, nous avons élaboré quelques
hypothèses :
? L'espace d'une communauté pastorale est un espace ouvert
aux autres
communautés, régit par le principe de
réciprocité et de droit d'usage prioritaire
? L'espace d'une communauté pastorale se définit au
travers d'un ensemble
d'espaces qui se confondent et se transforment au cours des
saisons et au cours de l'histoire
? L'espace d'une communauté pastorale est un ensemble de
points fixes (lieux
ressources) liés entre eux par le parcours, le tout
formant un ensemble mouvant.
? L'espace pastoral est un espace défini et
viabilisé par des règles d'accès et un
réseau d'informations dense et continu
Enfin, dans l'optique de répondre à ces
différentes interrogations notre analyse portera principalement sur une
communauté pastorale spécifique de la commune rurale de Tesker :
la communauté Toubou Téda.
I.3. Méthodologie et démarche
I.3.1. Méthodologie
Avant de partir sur le terrain, nous avons effectué un
travail préparatoire ; discussions avec des personnes-ressources et
synthèse bibliographique au sujet du contexte et des concepts
méthodologiques. Cette réflexion préalable nous a permis
de cerner les attentes du PSSP, de formuler précisément la
problématique et de délimiter la zone d'étude.
Ainsi, nous avons choisi de mener notre étude sur la
communauté Toubou Teda localisée dans la zone d'intervention du
projet. L'objectif étant de comprendre son organisation socio- spatiale
pour une meilleure efficacité opérationnelle au profit de la
population.
> Choix du terrain d'étude
Notre campement de base a été
déterminé selon trois critères :
- de part sa localisation, à la limite sud de l'espace
Teda de la commune de Tesker. Sidinga est une zone de transit et de
pâturage pour les transhumants Teda venus du nord pendant la saison des
pluies et pour les transhumants Peuls et Azza durant la saison sèche et
froide. C'est également une zone de transit des caravaniers marchands en
direction de la Libye pour la vente des dromadaires.
- de part son potentiel en ressource pastorale : puits semi-
cimenté à bon débit,
richesse du pâturage pendant la saison des pluies et la
saison sèche.
- de part la présence de personnes ressources
(politiquement influents)
reconnues au sein de la communauté Teda.
Considérant notre sujet d'étude, nous avons
préféré travaillé à l'échelle locale,
c'est-àdire au niveau de la commune, du campement et de la
communauté (clan, lignage).
> La période d'immersion :
Suite à ce premier travail préparatoire, nous
sommes parti une quinzaine de jours dans notre campement de base afin de
prendre un premier contact avec le milieu, les hommes et leurs
activités. A ce stade nous sommes partis sans questionnaires
réels. C'est la période d'immersion.
> La phase de collectes des données :
Suite a cette première période nous avons
travaillé notre problématique en fonction des
réalités du terrain. Après la rédaction d'un
questionnaire adapté, nous sommes retournés dans le campement
pour 37 jours d'étude sur le terrain.
La première période s'est composée de
multiples entretiens au niveau du campement et dans les campements voisins
(Arabe ouled Souleymane, Toubou Teda). Ces enquêtes portaient sur une
analyse historique de la communauté Toubou Teda, son mode de conduite
des animaux, les rapports sociaux qu'elles entretiennent avec les
communautés voisines, sur la gestion des conflits, les échanges,
le réseau
d'information. Cette partie avait ainsi comme objectif de
rendre compte du territoire Toubou Teda et de nous permettre de déduire
les grandes lignes des règles d'accès et d'usage des ressources
pastorales. Nos entretiens étaient des entretiens semi direct mais
très souvent, considérant la coutume locale, se rapprochaient
plus de discussion « ouverte » autour du thé. Ces discussions
« sur la natte » se sont révélées d'une
très grande richesse.
Pour cette étape, nous avons privilégié
les enquêtes auprès des anciens (hommes et femmes) tout en
pratiquant des va et vient entre les différents interlocuteurs (principe
de triangulation). Les entretiens non-directifs ont été
menés individuellement et collectivement, puisque les enquêtes en
groupe permettent aux individus de se compléter et de se corriger.
Dans l'optique de vérifier les informations recueillies et
de compléter notre champ de connaissance des différentes
communautés composant la zone, nous avons entrepris un voyage de 250 Km
à dos de dromadaire à la rencontre d'autres communautés
localisées au niveau des zones de transhumance (tant au Nord qu'au Sud)
de Sidinga telles la communauté Toubou Azza, la communauté Peule,
ou encore la communauté arabe présente en cette période
pour le pâturage des zones de replies.
> Phase de la restitution :
Après la rédaction de notre premier document, nous
nous sommes rendus sur le terrain afin d'exposer nos résultats de
recherche à la population. Les objectifs visés sont d'une part la
validation de ces résultats et d'autres part de compléter les
informations. Au retour du terrain nous avons également fait une
restitution au projet.
I.3.2. Démarche : Une approche par l'espace
Afin d'appréhender les différentes
stratégies d'organisation de l'espace, nous avons
privilégié une approche que nous intitulons : l'approche par
l'espace.
Une lecture de l'espace nous permet d'appréhender
à travers différentes entrées, les stratégies
d'occupation, d'organisation et de gestion de l'espace des communautés
pastorales dans la commune de Tesker. Nous avons déterminé pour
cela trois entrées principales : l'historique du peuplement, la
mobilité pastorale et les conflits.
Dans le but d'identifier les groupes stratégiques en
présence, leurs logiques par rapport à l'exploitation et la
gestion des ressources et afin de cerner a priori les enjeux, cette approche
nous semble la plus pertinente. L'espace pastoral est en effet composé
de divers territoires ouverts (il n'y a un refus formel de partage des
ressources) sur lesquels vivent diverses communautés.
L'espace et le territoire ne sont pas des termes équivalents et leur
utilisation non- différenciée introduit souvent des
confusions.
Pour Raffestin (1980, cité par PEREZ CENTRO MJ, 2001),
l'espace est en position d'antériorité par rapport au territoire.
Le territoire est généré ou construit à partir de
l'espace. Pour lui, l'espace est en quelque sorte « donné » en
tant que matière première préexistante à toute
action. Il y a dans le territoire une appropriation de l'espace, qu'elle soit
matérielle ou qu'elle soit idéelle sous forme de
représentation, « l'espace est le point d'application d'un milieu
social et des pratiques historiquement imposées par ce milieu social. Le
résultat de ce processus n'est pas un espace mais un territoire ».
Or dans le processus de production territoriale, chaque société,
chaque système productif construit et entretient une combinaison entre
la maille, les noeuds et les réseaux dans le sens donné par
Raffestin (1980).
Notre démarche repose sur le constat que la
structuration d'un espace et sa distribution foncière entre les membres
d'une communauté résulte de l'organisation de la
société et de son histoire. Il existe alors au sein de chaque
communauté, une réalité sociale et historique qui
définit les règles d'usage et d'accès aux ressources.
Cette réalité peut ainsi être
perçue à travers la lecture des conflits. L'étude des
litiges récents et passés permet de comprendre
l'effectivité et l'évolution des règles d'usage et
d'accès aux ressources. Ils sont souvent des indicateurs
privilégiés du fonctionnement des sociétés. Ils
permettent de dépasser la façade consensuelle que les acteurs
proposent aux enquêteurs. Analyser un conflit est une autre façon
de dessiner le réel et d'appréhender les différents jeux
d'alliance comme clivage qui régissent la société. En plus
des conflits, les compromis sont primordiaux car ils entraînent souvent
de grandes évolutions dans la gestion des ressources.
Cette approche va nous permettre de mettre en évidence
les relations concrètes entre les acteurs autour de la gestion des
ressources, c'est-à-dire comprendre qui gère réellement
l'accès et l'utilisation des ressources.
L'histoire locale (l'histoire de peuplement et de l'occupation
de l'espace) va nous
permettre quant à elle de reconstituer les
trames territoriales. « L'histoire est un enjeu
stratégique, car elle légitime les
revendications, par le biais de l'antériorité »
(Lavigne-Delville et al, 2001). Reconstituer l'histoire permet d'identifier les
détenteurs de maîtrise territoriale, les liens et les
dépendances ou autonomie avec les communautés voisines.
La mobilité pastorale permet de rendre compte des
logiques parfois complexes prises par les pasteurs pour déterminer leurs
stratégies d'occupation de l'espace au cours des saisons. Cette logique
dépend, notamment de la recherche d'équilibre entre l'homme-
l'animal et l'environnement indispensable à la viabilité de tout
système pastoral.
En effet, l'un des traits les plus frappants de la vie
pastorale réside, dans la multitude de décisions à prendre
au cours d'une journée qui directement ou indirectement, engagent la
survie du troupeau donc celle du groupe humain qui en vit. Ce processus
dépendant, indéniablement, de la disponibilité et de
l'accessibilité aux ressources naturelles. Au bout du compte, le
processus de prise de décisions quel qu'il soit, s'appuie sur un
ensemble de considérations écologiques (les espèces
appétées), mais aussi économiques, sociales, voire
politique. L'efficacité pastorale repose, ainsi, sur un ensemble de
stratégies de base dont le pastoralisme tire toute son
originalité. Nous tenterons ainsi de traiter de l'ensemble de ces
considérations.
I.3.2.1. Les limites de l'étude
Les contraintes rencontrées lors de notre étude
sont surtout de l'ordre de la mobilité du à l'isolement de notre
zone nous obligeant à effectuer nos déplacements à dos de
dromadaire. Ce moyen de locomotion plus qu'original demande de nombreuses
heures de transport par jour pour joindre deux campements « voisins
». Ce type de déplacement nous a permis de nous confondre plus
facilement à la population et à gagner plus leur confiance.
Les conflits existants dans la zone, notamment le conflit qui
oppose les touaregs Malouma au Toubou Teda, nous ont de même contraint
à limiter notre terrain de recherche. En effet, la présence de
nos traducteurs et de nos chameaux identifiables à travers leurs
marques, ne nous permettaient pas de dépasser cette limite imaginaire
mais bien présente qui existe entre ces deux communautés. Nous
sommes de ce fait contraint à limiter nos questionnaires aux touaregs de
passage au chef lieu du poste
administratif. A cela, s'est ajouté le problème de
la langue qui parfois, nous a poussé à revenir sans cesse sur
certaines questions.
Pour finir, notre zone d'étude n'étant que peu
touché par des programmes de développement ou des actions de
l'Etat, nous ne disposions que de peu d'informations documentaires sur la zone,
notamment en terme de représentation cartographique. Les Toubous sont,
de plus, par apport à l'engouement que connaissent les Touaregs et les
Peuls pour ne citer qu'eux, une communauté restant aujourd'hui encore
méconnue au Niger.
II. Deuxième partie : L'espace Toubou Teda
Le territoire Teda est composé de « sous espaces
» imbriqués les uns dans les autres formant un tout, compris
lui-même dans un ensemble plus vaste composé d'autres territoires
notamment ceux des autres communautés avec lesquelles ils partagent
l'espace communal de Tesker.
Dans cette partie, nous abordons l'ensemble des
éléments qui participent à la création de ces
différents espaces, à travers l'historique du peuplement, les
conflits et la mobilité.
II.1. Caractéristiques générales
de la zone d'étude
II.1.1. Le Niger oriental
Ce que nous appelons le Niger oriental correspond à la
réunion d'une partie de la région de Zinder (département
de Gouré, voire carte N°2) et de l'ensemble de celui de Diffa. Il
appartient à la bande Sahélienne de 400 à 600 Km de
largeur qui s'étend d'Est en Ouest au sud du Sahara sur une distance
d'environ 6000 Km et où la pluviométrie annuelle varie de 100 mm
au Nord jusqu'à 600 mm au Sud (Le Houérou 1993, p.191).
Carte N°2 : Le Niger Oriental
LEGENDE
orouo Gorouol
Autres Communes
Niger Oriental
r Téra Imanan
essaDessa
Inates
aroDargol
Tillaberi Ouallam
Torodi
onwn
Tondikwindi
Karma
Tamou
ameFalmey
Say
Dingazi Banda
Bani Bangou
Parc W
ooKollo
ancanou Diantchandou
Fabidji
Ngonga
amera Sambera
Tanda
arreFarrey
ooMokko
Tessa
Loga
Tounouga
Abala
Kourfey centre
Soucoucoutane
Doumega
anamSanam
Tibiri
aanar Matankari
ece Kieche
Tebaram
Bagaroua
aTillia
amee Bambeye
Tchin Tabaradene
CU Tahoua
Affala
azaaBazaga
Illela
Malbaza
assaraTassara
0 250 500
Kao
arana Garhanga
amaTama
oamane Ibohamane
naInGall
aa Abalak
anuBangui
Chadakori
Ourno Kornaka
Korahane
Tamaya
Bermo
zaorAzagor
rTibiri
Gabi
Dannet
Dan Issa
r Arlit
Kilomètres
arsTagris
crozerne Tchirozerine
El Al Maireyrey
ueAguie
ssawane
Issawane
Tessaoua
aezAgadez
Tarka
erssna Aderbissinat
oromKorgom
Dan Barto
ouaram Gougaram
anou Tanout
Gangara
Tirmini
enaTenhya
roumDroum
Magaria
Bandé
Albarkaram
Wamé Moa
aa GaffatiourGouré
acaWacha
erouane Iferouane
maTimia
Taabelot
aossAlakoss
Malawa
uur Guidiguir
oun Bouné
Kellé
Goure
Maine Soroa
ououmara Goudoumaria
MINI=
Fachi
Ngourti
a Diffa
Kabalewa
maBilma
Diffa
NGUIGMI
Dirkou
aoDjado
II.1.2. La commune de Tesker
La commune de Tesker (poste administratif) est située
dans le département de Gouré, inclus dans la région de
Zinder. Cette commune couvre une superficie de 71.152 Km2 soit 5,61%
du territoire national, elle est limitée au nord par les arrondissements
de Tchirozérine et Bilma, au sud par la commune de Kellé,
à l'ouest par le département de Tanout et à l'est par
celui de N'guimi. Tesker appartient au grand ensemble climatique tropical sec
de type saharien. Le cumul de précipitation annuelle varie de 100
à 200 mm et ne dépasse guère 250 mm (cf figure N°2
sur l'évolution des précipitations de 1980 à 2004). La
hauteur annuelle des pluies ne permet pas le développement d'une
activité agricole intensive cependant une part non négligeable
des pasteurs (notamment les Toubou Azza) pratiquent une agriculture pluviale
par nécessité alimentaire. La zone est ainsi principalement
pastorale.
Figure n°2 : Evolution
pluviométrique de 1980-2004 à la station pluviométrique
de
Tesker
Predipitations (mm)
250
200
150
100
50
0
Pluviométrie à la station de
tesker
Source des données : Direction de
la météorologie nationale du Niger
Le paysage ( Cf photo N°1)est constitué de dunes
mobiles et fixes orientées du nordouest au sud-est et entrecoupé
de vastes dépressions (cuvettes). Dans sa partie orientale, il s'aplanit
progressivement pour se transformer en steppe ondulante à mesure qu'on
avance au sud-ouest du massif Termit. D'une manière
générale le climat de la zone est caractérisé par
deux saisons : une saison sèche qui dure neuf à dix mois et une
saison des pluies très courte de deux à trois mois. La saison
sèche est
subdivisée en une période froide et sèche
qui dure six mois (d'octobre à mars) et une saison chaude et
sèche qui dure trois mois (d'avril à juin). La saison des pluies
intervient de juillet à septembre. La végétation est
composées des espèces arborées et herbacées de type
saharienne au nord et sahélienne au sud. Au nord les pâturages
sahariens sont constitués de Cornulaca monocantha et de
Rhynchosia minima qui sont des herbacées très
appétées par les dromadaires. Plus au sud, les principales
espèces herbacées sont : Cyperus conglomeratus,
Panicum turgidum, tribulus terrestris, Brachiaria
distichophylla et Cenchrus biflorus. La végétation
ligneuses ou pâturage aérien plus rare y est
représenté par Acacia laeta, Acacia radiana, Maerua
crassifolia, Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Comiphora africana
et Salvadora persica.
Photo N°1 : Paysage de Sidinga en
début juin
Ce paysage comporte une série de dunes sableuses et une
large cuvette au centre. A cette période, le pâturage est
constitué des touffes de Cypérus conglomératus
(N'gorché) et Panicum Turgidum (Gouchi) couplées aux
quelques rares ligneux.
Les ressources en eau sont surtout souterraines (exception
faite des mares temporaires durant la saison des pluies). La profondeur des
eaux de la nappe phréatique dépend de la topographie. Les eaux
souterraines sont captées par le moyen des puits traditionnels en bois
coffrés, puits modernes cimentés, puits coloniaux et les
forages.
Ces points d'eau se trouvent sans exception au fond des cuvettes
où la nappe est accessible entre 10 à 40 m.
La population est estimée lors du dernier recensement
de 2001 à 26. 539 habitants avec une densité de 0,37
hab/Km2. Elle est composée de six communautés
pastorales, les Toubou (66,56%) (Toubou Teda, les Toubou Dazza, les Toubou
Azza); les Peul (4,8%) ; les Touaregs (37,60%) et les Arabes (1,04%). Ces
communautés se repartissent dans l'espace communal de la manière
suivante (voire carte N°3) : le nord autour du massif de Termit est
occupé par les Toubou Teda, les Toubou Dazza et Azza à l'ouest
les Arabes au Sud est, les Touareg à l'ouest et les peuls se retrouvent
dispersés dans toutes les communautés sauf dans la région
du massif de Termit. Ils vivent essentiellement de l'élevage camelin,
bovin, ovin, et caprin. Ces populations dites « nomades » sont
administrées par des chefs de groupements, dont les attributions
concernent uniquement les populations administrées, et n'ont aucun droit
formel sur la terre (à l'inverse du chef de canton). Chaque
communauté possède son chef de groupement et son chef lieu de
groupement. Les Toubou Teda ont leur chef lieu de groupement à Bornay,
les Toubou Dazza à Drouanga, les Toubou Azza à Djougoumé,
les Arabes à Kaltouma, les Touareg à Tidjira et les Peul à
Karagou.
Le groupe ethnique Toubou est en effet composé de deux
sous groupes : les Teda et les Dazza. Les Teda, habitants du Nord, sont des
éleveurs de dromadaires possédant de gros troupeaux. Les Dazza
présents au Sud se composent de pasteurs purs et d'une minorité
d'agropasteurs. Ils possèdent des troupeaux de dromadaires et des petits
ruminants mais dans une moindre mesure que les Teda. Les Azza constituent quant
à eux, la caste d'artisans présente dans les deux sous groupes
ethniques Dazza et Teda. Ces artisans habitent actuellement au Sud dans des
campements composés entièrement des membres de leur groupe. Ils
pratiquent l'artisanat (confection de nattes, scelles,...) l'élevage et
des activités agricoles. Les Azza et Dazza et plus rarement les Teda
sont liés par un rapport d'allégeance : chaque Azza a un «
maître » Dazza dont il est le vassal, mais « le lien de
vassalité n'est pas personnel, il lie une fraction à une autre
fraction » (Le Coeur 1970 cité part BAROIN C, 1972). Pendant
longtemps, la détention d'esclaves a constitué, un trait marquant
de la société Toubou au Niger oriental. Ces ex-captifs sont
appelés Agra. Les membres de ce groupe sont de diverses origines. A
l'heure actuelle, les anciens captifs constituent une population de petits
artisans et commerçants. Ils font du petit élevage et cultivent
un peu de mil.
Carte N°3: Répartition des
communautés de
|
|
|
BORNO
KALTOUMA
DOURWANGA
YOUGOUM
0 35 70
|
*
|
A g a d e z
Tahoua
T i l l a b e r i M a r4iin d-
D o s s o
|
D i f f a
|
|
TIDJIRA
KARAGOU
|
TASKER
|
|
LEGENDE
Chef Lieu P. A._Tesker Chef lieu de Groupement Peul
Toubou Teda
Touaregs
Azza et Dazza
Arabes
|
|
Kilomètres
|
Limite Commune de Tesker
|
Massif de Termit
|
|
|
Source : enquête terrain 2005
II.1.3. Communauté Toubou Téda
Les Toubou Teda occupent le nord de la commune de Tesker et
les alentours du massif de Termit. La limite sud de l'espace Teda est une ligne
joignant Bornaye, Sidinga, Djanema, et Termit Dolé. Le choix de cet
espace est notamment du au fait que les Toubou Teda sont les derniers à
arriver dans la zone. Il est cependant dit que les Toubou Teda ont toujours
préféré garder une distance avec les autres
communautés, ce qui pourrait de même expliquer leur localisation.
C'est un espace homogène du point de vue de caractéristiques
géo - physiques notamment du point de vue des ressources naturelles. Les
Teda sont organisés en tribus sous la coupe d'un chef de groupement qui
réside à Bornaye.
II.1.3.1. Campement de base : Sidinga
Sidinga est le campement qui nous a servi de base lors de nos
recherches. Le campement est situé à environ 30 Km au nord ouest
de Tesker (pour la localisation voire carte N°4). Il est peuplé
essentiellement des Toubou Teda ainsi que de deux familles Toubou Azza qui
s'occupent des travaux de forge.
Carte N°4 : Localisation du campement de
Base
LEGENDE
Tahoua ZinderTASKER Tillaberi
Dosso Maradi
? Campement de base
Tesker_chef_lieu
Commune Rurale de Teske
Agadez
Diffa
TIDJIRA
ANICHATCHOUWOU
DAOUBELLY
WORROU
ABORAK (FORAGE)
BOULOUM KARAGOU
FORAMI
0 50
DAOUNGA
KIT KIT
SIDINGA
TASKER
Kilomètres
KASSATCHIA
?
DIBIDE
KALTOUMA
KANKEDI
OLOW
RIDJIA DJOUGNOU
BORNO
KANKEDI EHMERGAN
TORORONGA
TERMIT MAI RIDJIA
BOULAKAW
TERMIT YALLANGA
100
DOUGOULE
YOUGOUM
EYIDINGA
FINI-FINI
KATCHATCHA
TERMIT DOLE
N'GUELDJABO
OROMI
(
De part les entretiens que nous avons eu avec la population,
les Touaregs furent les premiers occupant de l'actuel site du campement vers
les années 1938. Ils élevaient des bovins, ovins et caprins. A
cette époque, le pâturage était en quantité et de
qualité. L'abreuvement se faisait sans peine au niveau des mares
naturelles permanentes du fait d'une importante pluviométrie annuelle.
Ces Touareg dans leur mobilité (nomadisme) ont, de fait, quitté
ce lieu pour se diriger vers le Damergou (Tanout actuel). Les peuls, vinrent
ainsi occuper ce lieu un peu plus tard. Le nom du puits trouve son origine
à travers le premier peul ayant réhabilité le puits,
nommé Sidi. Les Toubou Azza, les Toubous Dazza ont par la suite
succédés aux peuls. Ces Toubou ont été contraints
de quitter le lieu avec l'arrivée des Toubou Teda du clan Oboudoya vers
1950. A cette époque toutes ces communautés Toubou vivaient de
l'élevage des bovins, ovins et caprins et des dromadaires en petit
nombre. Suite aux sécheresses des années 1970 et 1980, la
majorité du cheptel bovin a été décimée.
Depuis lors l'élevage du dromadaire a été
privilégié compte tenu de son adaptation à un climat
aride.
En 2005 le campement de Sidinga compte une soixantaine de
ménages composés chacun d'environ quatre personnes. Cela donne un
effectif approximatif de 244 habitants. Ce chiffre reste très
approximatif. Sidinga n'a jamais fait l'objet d'un recensement. Chaque chef de
famille possède en moyenne trente têtes de dromadaires, ce qui
donne un effectif estimatif de 1.830 mis à part les ovins, les caprins,
les asins et les équins. La pression sur le puits est grande, ce qui
entraîne la reprise du puits tous les six mois (puits traditionnel).
Le puits constitue le coeur du campement. Avant la
réhabilitation du puits en 2001 par le PGRN (Projet de Gestion des
Ressources Naturelles), le campement comptait trente ménages. Il sert
à la fois à l'abreuvement des animaux, ainsi qu'à la
consommation domestique. Il appartient au chef du village mais la gestion reste
communautaire. Pendant la saison chaude et sèche, plus de mille cinq
cent têtes de bétail toutes espèces confondues sont
abreuvées par jour. Le puits est profond d'environ 17 m et
équipé de trois fourches en bois utilisées pour maintenir
les poulies. Autour du puits sont répartis six abreuvoirs en ciment. La
contenance en eau du puits reste relativement bonne. La photo N° 2
illustre bien la pression sur le puits pendant la saison sèche et
chaude.
Photo N°2 : le puits de Sidinga en saison
sèche et chaude
Cette photo illustre bien la pression sur le puits pendant la
saison sèche et chaude. C'est l'intense activité d'exhaure qui
entraîne la formation de flaques d'eau aux alentours du puits.
Pendant la saison sèche et chaude le puits
révèle son rôle capital. En effet, à cette
période tous les troupeaux sont présents sur le campement, plus
de mille têtes d'animaux sont abreuvés par jour. L'abreuvement est
une opération très pénible, les femmes et enfants
participent eux même à cette lourde tâche. Lors de
l'abreuvement les éleveurs respectent un ordre bien précis,
ainsi, les dromadaires passent les premiers en privilégiant les
chamelles laitières, s'en suivent les petits ruminants puis les
ânes. Au niveau des éleveurs, l'exhaure respecte l'ordre d'arriver
au puits. Il arrive que les bergers veillent autour du puits pour gagner le
premier tour.
Pendant la saison des pluies l'abreuvement est moins lourd
sinon inexistant (présence de mares naturelles temporaires, herbes
fraîches). Durant cette période, le gros bétail part en
transhumance, et ne restent au campement que les laitières et les petits
ruminants qui s'abreuvent le plus souvent au niveau des mares naturelles qui se
forment dans les dépressions inter - dunaires. La photo N°3
témoigne de cet état de fait.
Photo N°3 : le puits de Sidinga en saison des
pluies
Cette photo montre l'absence de pression sur le puits pendant
la saison des pluies se traduisant par l'absence des animaux autour du puits et
l'assèchement progressif des alentours du puits du à la baisse de
l'exhaure .
II.2. Les Toubou Teda au Niger oriental
II.2.1. L'histoire de peuplement Teda au Niger oriental
Selon l'entretien que nous a accordé le chef de tribu
de Sidinga, avant la colonisation, le Niger oriental notamment
l'actuel commune de Tesker et la partie nord de la commune de N'gourti,
était occupé par les Dagra (Kanouri) venus du nord-est. Les Dagra
s'étaient fixés plus précisément au Kawar dans
l'importante ville de Birini Guissilim et ses alentours. Au Kawar existait un
gros marché, Rekassongo, lieu d'échange important entre ces
Kanouri et la communauté Touarègue. Cet espace était, en
effet, partagé avec les Touaregs qui occupaient à cette
époque, principalement la partie comprise entre la frontière
nigero-malienne (Menaka) jusqu'au Djado (espace faisant frontière avec
le Tchad et la Libye).
Sur le plan administratif, cet espace correspond actuellement au
nord des régions de Tillaberi, Tahoua et la région d'Agadez.
Plus au Sud dans la zone de Tesker (puits de Tas), vivaient
déjà les communautés Toubou Dazza et Azza venues du sud du
Tchad en passant par le Manga.
Les peuls, quant à eux, étaient venus de l'ouest
( région de Sokoto au Nigeria) à la recherche de pâturage
Ils occupaient un espace compris entre le Termit sud et le nord de Tesker
(actuel espace des Toubou Teda). Au Niger oriental les Dazza étaient les
maîtres des lieux. Ils vivaient du petit élevage alors que les
Azza se contentaient de la chasse.
Vers les années 1850, les Toubou Teda étaient
présents aux alentours du massif du Termit Nord. Les Teda sont ainsi
progressivement descendus du Tibesti en passant par le Djado. Dans leur
migration au courant du XVéme siècle, la découverte des
palmerais du Kawar qui étaient alors peuplées uniquement de
Kanouri Dagra , y attirèrent un certain nombre de Toubou Teda d'origines
diverses. Les uns épousèrent des femmes Kanouri dont ils
adoptèrent les moeurs. Ces Toubou métissés prenaient alors
le nom de Guézébida. D'autres Toubou venus plus tardivement,
conservaient leur « pureté ethnique » et gardaient des liens
avec leurs clans. Actuellement de nombreux Teda sont propriétaires de
dattiers au Kawar, à Bilma, à Fachi et dans le massif du
Djado.
Avec les sécheresses des années 1970 (Gouando en
Tedaga) et 1980 (Bredji en Tedaga), les peuls vivant de l'élevage bovin,
ont du quitter leur zone (actuel espace Toubou Teda) pour les zones sud, plus
propices au pâturage. Les Teda éleveurs de bovins et
élevant quelques chameaux à cette époque, migrèrent
au sud. Ils occupèrent ainsi les espaces abandonnés
(pâturage et puits) par les peuls. Certains Teda descendus plus au sud
(Sidinga, Gnélé, Forami...), dans la zone de Tesker,
cohabitèrent en toute quiétude avec la communauté
peule.
Les sècheresses de 1970 et de 1980, ont
entériné le départ définitif des peuls de la zone
nord de Tesker vers le sud de la ville de Tesker (Karagou, Indouna). Selon les
peuls enquêtés, cette sécheresse a eu des
conséquences dramatiques sur le cheptel bovin. Certains éleveurs
ont même dû se réfugier au Nigeria.
Selon nos enquêtes auprès des Arabes, les Ouled
Sliman, groupement arabe de
Tripolitaine se sont réfugiés en
1848 au Nord du lac Tchad après avoir été chassés
de
leur pays par les Turcs. Il convient de citer les Arabes
Hassaouma clients des Ouled Silman, plus connus sous le nom de Choa appellation
péjorative que leur donnent les Kanouri. Paisibles pasteurs,
activité, où ils excellaient, ils n'ont jamais participé
aux actions des Sliman.
Une seconde vague de migration des Silman a eu lieu suite au
coup d'état libyen amenant Kadafi au pouvoir dans les années
1970, les Ouled Sliman, appartenant au même clan que le président
déchu, prirent la route du Niger oriental pour y trouver refuge.
Certains continuèrent même vers la région de Maradi et au
Tchad.
Les Arabes, « Chinéguétta » (les
Maures), venus en petit nombre de Mauritanie dans les années 1975
à la recherche du pâturage, se sont installés dans la zone
sans réelle opposition des communautés locales.
Conclusion :
L'histoire du peuplement explique en partie la
répartition spatiale actuelle de ces communautés dans la commune
rurale de Tesker. En considérant les Toubou (Teda, Dazza et Azza) d'une
manière générale, les Teda étant les derniers
à arriver occupent le nord de la commune parcontre les Dazza et les Azza
qui étaient les premiers arrivants occupent le sud. Les
communautés se superposent selon l'ordre d'arrivée. Certaines
alliances (bon voisinage, réciprocité) trouvent leur fondement
à travers cette histoire du peuplement, se traduisant par le partage des
ressources pastorales. C'est le cas des communautés Teda de Sidinga et
les Arabes de Kassatchia.
II.2.2. Historique de la chefferie Toubou Teda
L'origine Toubou est controversée, certaines sources
les rattachent au Yémen, d'autres à la corne de L'Afrique
(Ethiopie, Somalie, Kenya...) du fait des traits physiques et culturels
similaires. Selon Jean Chapelle (1982, p16) « Il serait dangereux pour
un profane de s'engager d'avantage sur un terrain aussi mouvant. Il suffira de
retenir que les Toubou appartiennent à une race homogène
provenant d'un lointain métissage de noirs et de blancs et
établie depuis longtemps dans son habitat actuel »
Tous les Teda se reconnaissent, une origine commune
Tchadienne, plus précisément, au Tibesti avec comme ville
principale, la ville de Zouar. Le terme Toubou signifie ainsi en Kanouri,
habitant du Tou, le Tou étant par excellence le massif du Tibesti.
Le Tibesti a joué un rôle très important
dans l'histoire de cette communauté. Il a été pour eux
à la fois un pôle d'attraction et de dispersion du premier
millénaire à nos jours.
Au XV éme siècle, à l'origine
de l'histoire de la chefferie (sultanat) Teda, il y avait deux frères
qui ont quitté la région du Damagaram (actuel Zinder) pour un
voyage en direction du nord-est. Arrivés à Agadem, ils
décidèrent de se séparer. Ainsi, l'un d'entre eux prit la
direction du Kanem (région du lac Tchad) et l'autre continua son chemin
jusqu'au Tibesti précisément à Zouar. Une fois
arrivé, il s'installa à la périphérie où
vivait déjà le clan Teda Touzba. Le jeune voyageur fut bien
accueilli par ces derniers. Dans les causeries, le chef de famille Touzba lui
demanda d'où il venait alors il répondit du Damagaram et le Teda
répliqua de « Tomogra » d'où l'origine de l'appellation
« Tomogra ». Ses qualités physiques (bien en forme) et son
courage lui ont permis d'obtenir une jeune Teda Touzba en mariage. De ce
mariage naquit 4 garçons, respectivement Tarsey, Gonna, Boulali et
Tomogra fils. Jusqu'à cette période, Les Teda n'avaient pas une
chefferie, ils vivaient de manière isolée selon l'appartenance
clanique. Après le mariage de Tomogra et de la jeune Touzba, le
père Touzba entreprit une vaste campagne d'information auprès des
autres Teda ( Zouar, Bardaï, Zoumouri...) qu'il a reçu un jeune
étranger et qu'il le leur proposait qu'il soit chef des Teda vu ses
qualités physiques, son courage et son intelligence. Alors ils
acceptèrent de le nommer chef des Teda. A la mort du premier chef, ces 4
fils furent proposés pour assurer la succession. L'aîné
Tarsey désista à la faveur des ses petits frères et parti
s'installer au massif de Tarso pour fonder le clan Teda du même nom. Les
trois autres frères n'arrivant pas à se départager, ils
décidèrent d'aller au sultanat de Bilma, réputé
pour l'ancienneté de leur chefferie, pour se faire départager.
Ainsi, Gonna, Boulali et Tomogra fils entreprirent le voyage vers le Kaouar. En
cours de route, Boulali fut impressionné par le paysage de Tiguey
(région du Kaouar) qui s'apprêtait bien à l'élevage
et décida de rester en renonçant à la chefferie. Il fonda
le clan Teda Boulali. Les deux autres frères (Gonna et Tomogra fils)
continuèrent leur chemin. A l'entrée de la capitale de Kaouar
(Bilma), ils campèrent pour y passer la nuit et permettre aux montures
(dromadaires) de pâturer. Le lendemain matin le jeune Tomogra
initié à la ruse du pouvoir par Tomogra père, simula une
maladie. Gonna partit chercher les montures pour accéder au sultanat. En
son absence Tomogra fils s'habilla en « chef » (grand boubou, turban
et chaussures). Durant ce temps, le Sultan, informé de leur
arrivée était venu les accueillir. Le sultan demanda aux deux
frères le
motif de leur visite et Gonna lui expliqua. Le sultan
rétorqua en ce terme en indexant Tomogra fils « c'est lui le chef,
il est habillé en chef ». A ces mots, Gonna se vexa et tenta
d'assassiner son frère. Celui-ci, pour calmer ces ardeurs, lui proposa
d'être son adjoint dans la chefferie Teda et chef des Teda en dehors du
sultanat. Gonna accepta et les deux frères reprirent leur route pour le
Tibesti. Le clan Touzba, quant à lui, a depuis lors la fonction
d'introniser (la mise du turban)3 le nouveau sultan.
Nous pouvons cependant émettre l'hypothèse d'un
éventuel conflit qui eu lieu entre les Toumagara et les Gonna, qui
expliquerait alors l'absence de Gonna au Tibesti. Les Gonna se repartissent au
Niger oriental et en libye.
Pour matérialiser cet accord ancestral, dans la coutume
Teda il est imposé que lorsqu'un animal est égorgé, le
coeur doit être donné à un membre du clan Tomogra (le plus
âgé) et les reins à un Teda Gonna (le plus
âgé). Cette coutume est actuellement respectée dans tous
les campements Teda.
Actuellement à Zouar (l'unique chef lieu du sultanat
Teda) trois clans se succèdent au trône du sultanat. Il s'agit de
Tomogra (actuellement au trône), Layi et Gatéma. Ces clans royaux
sont tous descendants de Tomogra fils. (Source : entretien avec Elhadji Sidi de
Sidinga, 2005)
Conclusion
L'histoire de la chefferie Teda est importante dans la
compréhension de l'organisation sociale de cette communauté. Elle
renseigne sur l'espace symbolique (Tibesti) de l'ensemble de la
communauté et la répartition spatiale des différents clans
à cheval entre le Niger, le Tchad, la Libye et le soudan. C'est
également à partir de l'histoire de la chefferie que certains
clans Teda (Tarso, Boulali, Tomogra, Gonna) ont été
fondés.
3 Premier acte de l'intronisation du sultan. Il
consiste a enrouler un turban royal sur la tête du nouveau sultan. Cette
fonction revient aux Touzba car tous les descendants de la chefferie ont une
origine Touzba de part la mère.
II.2.2.1. Le groupement Toubou Teda
Le groupement est un terme administratif qui désigne un
ensemble de tribus représenté par un seul chef au sein d'une
même communauté pastorale. Ses attributions concernent les
populations administrées, il collecte les impôts et n'a aucun
droit formel sur la terre. Il peut par contre autoriser ou refuser le
fonçage d'un puits, en fonction des intérêts de ses
administrés si ceux-ci ont en propriété un ouvrage proche
du site en question. Selon la coutume Toubou Teda le groupement doit être
dirigé par un membre du clan Gonna (référence à
l'histoire de la chefferie Teda).
A Tesker, le groupement Teda est dirigé par un
Aréna (un autre clan Teda) contrairement à la logique
coutumière. En effet, l'actuel chef de groupement a été
nommé par le régime militaire en 1981. Cela a
entraîné, évidemment, le mécontentement des ayants
droits (les Gonna), et plusieurs tentatives avortées de créer
leur propre groupement indépendant. Actuellement, il y a six tribus
Gonna qui se proclament indépendantes (tribus volantes). Cette situation
a également entraîné une diminution du pouvoir du chef de
groupement. Beaucoup de tribus relevant de son groupement ont tendance à
verser leurs impôts directement au poste administratif.
II.2.2.2. Le chef des tribus
Sur le plan administratif, le chef de tribu, ou Maïgari,
équivaut au chef du village dans les zones agricoles. Le chef de tribu
dans une zone pastorale est, soit le propriétaire du puits (le premier
à financer le puits) ou alors une personne possédant un gros
troupeau. Il est généralement les deux à la fois. Le chef
de tribu n'est généralement pas nommé par le chef de
groupement, il le devient par logique et par accords implicite des membres du
campement qui le reconnaît comme tel.
Le campement est ainsi dirigé par le chef de tribu et
un comité de sage. Le comité se compose, de personnes
politiquement influentes, de personnes relevant du premier clan à
l'origine du campement, de personnes possédant un important troupeau, ou
encore de personnes détenant les textes de loi traditionnelle (Diya) sur
les règlements des conflits. Le Maïgari et le comité de sage
ont un pouvoir décisionnel fort dans le campement. C'est avec leur
accord qu'un nouvel habitant peut s'installer ou non au niveau du campement.
Ils peuvent ainsi décider de faire partir une famille de « leur
puits » si elle ne se conforme pas à leurs
principes. Ils tiennent régulièrement des réunions pour
traiter des questions qui concernent le devenir du campement et la gestion du
puits. Dans la vie des pasteurs Teda, les dromadaires occupent une place de
choix, tout s'organise autour de cet animal. Cela s'illustre bien avec le port
des marques.
II.2.3. Les marques sur les dromadaires
Les marques portées par les dromadaires au niveau du
cou et de la tête (Cf photo N°4) représentent la signature du
propriétaire. Elles permettent d'identifier la provenance
(géographique) de l'animal. Au-delà de cette fonction
d'identification, les marques renseignent sur l'appartenance clanique du
propriétaire au sein de la communauté Toubou Teda. Ainsi, il
existe Trente trois clans qui composent la communauté Teda du Tchad au
Niger en passant par la Libye. Les animaux marqués sont essentiellement
des dromadaires, il arrive aussi que les petits ruminants soient marqués
à l'oreille gauche, en particulier les « meneurs » du
troupeau. A l'âge d'un an, les dromadaires sont marqués au niveau
du cou et de la tête. A l'origine, il existait 36 marques, trois d'entre
elles, ont ainsi disparu avec le manque de descendants masculins. Dans la
société Teda les femmes héritent la marque de leurs
parents mais ne la transmettent pas. Les trois clans « sans marque »
sont : Edimédé, Ezedéa, Zoya. Le jeune Teda maintient
comme marque principale celle de son père accompagné d'une partie
de la marque maternelle. Au cas où il existe plusieurs frères au
sein d'une famille, la marque est différenciée par des signes
propres à chacun le « Toumori ».
Lors de la vente d'un dromadaire marqué, il est
délivré un certificat de vente qui atteste que l'animal
n'appartient plus au propriétaire de la marque. Ce dernier a
l'obligation d'informer l'ensemble de sa communauté de cette
transaction, en donnant le détail sur l'animal vendu. Cette
communication doit être, de même, faite en cas de don, confiage,
Zakat4, troc d'animaux. Ces marques Teda font également
l'objet d'emprunt par les communautés Azza et peul.
4Prélèvement annuel proportionnel
à la richesse selon la loi islamique. La Zakat a lieu la veille de la
fête de Ramadan.
Photo N°4 : Exemple d'une marque Teda
Le propriétaire de ce dromadaire sur la photo est issu
d'un mariage entre une femme du clan Eniguidi représenté par les
deux traits en partant de la tête et d'un homme du clan Odouboya
symbolisé par les trois traits.
II.2.3.1. L'emprunt des marques
L'emprunt des marques chez les Azza répond à
plusieurs modalités. L'emprunt peut, en effet, dater des années
où les anciens vassaux Azza reprenaient les marques de leur «
maître » Teda. Dans d'autres cas, cet emprunt peut être
significatif d'une paix retrouvée entre les Azza et Teda. Suite à
l'assassinat d'un Azza par un Teda, il arrive fréquemment que la famille
Azza demande à porter la marque du clan Teda après
réconciliation. Dans certains cas l'emprunt fait suite à une
amitié sincère entre deux familles. Dans tous les cas il n'y a
pas de rémunération.
L'emprunt des marques Teda par les peuls se fait
généralement sous forme de contrat rémunéré
annuellement contre une chamelle de deux ans. Cependant, dans de nombreux cas,
cet emprunt peut se faire sans rémunération. Cet emprunt est
signe de lien étroit (amitié) entre les deux communautés.
Cette relation privilégiée, permet aux
Teda, lors de cérémonies (Tabaski,
baptême, circoncision,...), d'obtenir des petits ruminants. En
contrepartie, les peuls peuvent recevoir des dromadaires pour la monture, le
lait ou encore la Zakat.
L'emprunt de marque prend toute son importance en cas de vol
de dromadaire. Le propriétaire de la marque (Teda) part à la
poursuite du voleur dans l'optique de ramener l'animal. Le voleur est soumis au
jugement coutumier Teda portant sur le vol de dromadaire. Les
dédommagements sont reversés au propriétaire de la marque.
Quant à l'emprunteur de la marque, il obtient un dédommagement
symbolique pour la souffrance qu'a enduré son animal lors du vol et pour
rembourser son déplacement.
L'emprunt de la marque permet d'une part, de sécuriser
les animaux contre le vol et de renforcer les liens entres les
communautés concernées, d'autre part, cet emprunt permet aux Teda
d'étendre leur zone d'influence, « pour les Toubou les marques
ont surtout pour fonction de quadriller l'espace et d'en délimiter les
contours » (Clanet 1994, p.423 cité par BAROIN C., 1972).
L'influence des marques s'étend des régions de Zinder, Diffa,
Agadez jusqu'au Tchad, la Libye et le Soudan.
11.2.3.2. Les 33 clans Toubou Teda et leurs marques
Remarque : L'ordre de présentation des marques Teda est
relevé de façon aléatoire
Tableau N°1 : Les 33 marques Teda
Nom des clans
|
la marque
|
1- Boulalia
|
|
2- Gatéma*
|
|
3- Tarsia
|
|
4- Goubada
|
|
5- Kessa
|
|
6- Touzouba
|
|
7- Taouya
|
|
8- Layi*
|
|
9- Kosda
|
|
10- Tomogra*
|
|
11- Eniguidi
|
|
12- Hoktia
|
|
13- Gonna
|
|
14- Youssouwindi
|
|
15- Trindra
|
|
16- Ehidé
|
|
|
17- Aréna
|
|
18- Fourtouna
|
|
19- Odouboya
|
|
20- Mada
|
|
21- Cressa
|
|
22- Tezari
|
|
23- Traën
|
|
24- Ozéa
|
|
25- Tega
|
|
26- Mazouna
|
|
27- Sirdegaya
|
|
28- Dirsiney
|
|
29- Kalawourda
|
|
30- Kohartedey
|
|
31- Tedémaya
|
|
32- Tchouaïdé
|
|
33- Gaïdemi
|
|
|
* Ces trois clans se succèdent au
sultanat de Zouar au Tibesti (Tchad) Source : Enquête terrain
2005
Commentaire sur les marques Teda (enquête
terrain 2005) :
Les Mouzouri : Il existe dix clans qui portent le
signe Mouzouri (de 1 à 10 dans le tableau). Mouzouri signifie en Tedaga
une arme de guerre en forme d'un W renversé. Dans ce cas précis
le nom de la marque de ces dix clans s'accompagne du terme Mouzouri, comme par
exemple : Mouzouri Boulalia, Mouzouri Gatéma, Mouzouri
Taouya...jusqu'à Mouzouri Tomagara. Les noms de ces clans
dérivent d'un ancêtre commun à l'exception de Tarsia qui
dérive, de plus, d'un village troglodyte (Tarso). Ce village a
été créé par le fils aîné du premier
sultan des Teda (cf. historique de la chefferie Teda). Il se situe près
de Zouar (Tchad).
Eniguidi : Marque Teda, elle prend son origine au
Kanem. Elle est aussi portée par certains Dazza. Cela s'explique par le
fait que les deux communautés ont par le passé cohabité
dans un même espace.
Gourtidagna Hoktia : « Gouti » veut dire en
Tedaga, nuque. Ceci s'explique par l'emplacement de la marque sur le dromadaire
qui se place derrière l'oreille. « Hoktia » est le nom du
premier ancêtre commun. Les Hoktia sont les plus nombreux de tous les
clans Teda.
Agara Gonna : « Agara » veut dire en
Tedaga, en dessous de l'oreille, ce qui correspond à l'emplacement de la
marque. « Gonna » c'est le nom du quatrième fils du premier
sultan. Le clan Youssouwindi est descendant des Gonna.
Né Hoktia : C'est un clan qui dérive
des Hoktia, Né veut dire arme de guerre, la marque se place au niveau de
la joue du dromadaire. Ils sont apparentés au clan Mazouna
(originaire de Yibibou près de Kouffra) et Gourtidagna
Hoktia.
Yogoye Trindra : « Yogoye » est un
instrument en forme de flèche qui sert à arracher les gousses de
Gao. La marque a la forme de cet outil, elle se place au niveau du cou. Trindra
c'est le nom du clan. Il y a une similitude avec le clan Yogoye
Ehidé .
Arétourkoune Aréna : «
Arétourkoune » signifie, empreinte du sabot de l'âne, la
marque ressemble ainsi au dessin d'un sabot de l'âne. Il y a au total
cinq clans Teda qui portent ce type de marque avec une nuance. Il s'agit
Aréna (signifie champ à cultiver en Dazaga,),
Sirdagaya,( originaire de la ville de Bardey, quartier de
Sourdogo au Tibesti), Kohartedey, Dirsiney et Ozéa
(originaire de Ozo, bande d'Aouzou au Tchad). Tous les Arétourkoune
se placent à gauche, au niveau du cou du dromadaire sauf le Sirdegaya
qui se place à droite.
Douldoulou Fourtouna : « Douldoulou » veut
dire, tordu en Tedaga, la marque rime bien avec le nom puisqu'elle prend la
forme d'une ligne brisée. « Fourtouna » est le nom du premier
ancêtre commun. C'est un clan apparenté au clan Tazari originaire
de Tazar un quartier de Kouffra (Tibesti).
Dourmallayi Traën : C'est des Dazza
naturalisés Teda à travers le lien de mariage. La marque se porte
sur le ventre du dromadaire.
Wossaï Odouboya : « Wossaï » veut
dire empreinte des pattes de corbeau. La marque se rapporte à cette
empreinte. Ils sont parents aux clans Tega et Kalawourda .Ils
sont tous ressortissants du Soudan et Bourkou (Tchad). Tega et
Odouboya placent la marque au niveau du cou à l'inverse de
kalawourda qui la place au niveau de la joue du dromadaire.
Tourfofi Cressa : Ce clan est originaire de Libye
plus précisément de la région de Kouffra en Cresse. La
marque se place à l'extrémité du cou. A la rencontre au
Niger des deux frères Cressa, Sorbo et Loméa la marque a
été modifiée pour les différencier. Les autres
cressa sont Odoya et Gaïdemi.
Conclusion sur les marques :
Les marques Teda désignent dans l'ensemble, soit un
espace habité par les premiers ancêtres et/ou soit le nom de
l'ancêtre fondateur du clan. Dans tous les cas, les descendants de ces
clans se réclament propriétaire de leur espace d'origine, mieux,
ils s'identifient à travers ce dernier. Les marques font soit
référence à un espace (montagne, oasis), soit aux outils
de guerre utilisés (Mouzouri, Yogoye,...), à l'empreinte des
animaux vivant dans l'espace d'origine (Wossaï, Aretourkoune,...).
Les dattiers plantés par les anciens dans ces espaces
appartiennent par conséquent tous aux descendants du clan.
Les marques Teda étendent leur espace d'influence
depuis leurs espaces d'origine jusqu'à l'emplacement actuel de la
communauté Teda et aux communautés voisines (Cf. : Carte N°5
: Espace d'influence des marques Teda). C'est à travers les conflits et
leur règlement que les différents traits constituant une marque
révèlent leur importance.
Carte N°5 : Espace d'influence des
marques
Remarque : Plus on s'éloigne du centre des cercles
plus l'influence diminue. La couleur rouge indique l'espace actuel des Toubou
Teda.
Source : Enquête terrain 2005
II.3. La mobilité
Dans la région, l'élevage est axé sur la
mobilité des hommes et des animaux. Cette
mobilité a deux formes essentielles : la transhumance et
le nomadisme.
La terminologie concernant les groupes d'éleveurs
« nomades », « transhumants » varie d'un auteur à un
autre. Le nomadisme est caractérisé par « une
mobilité des éleveurs, sans point d'attache fixe et suivant un
itinéraire régulier ou variable d'une année à
l'autre » (Cherrou, 2002). D'après Maiga (1997), le nomadisme
est à la fois un système économique pratiqué pour
tirer profit d'un milieu défavorable et aussi un genre de vie
adapté à ce milieu.
Quant à la transhumance, Gild (1963) la définit
comme « un mouvement pendulaire accompagnant le déplacement du
front pluvieux et amenant les groupes d'éleveurs dans le nord et dans le
sud». Ainsi, la transhumance correspond à la mobilité
saisonnière des familles pastorales et de leur cheptel. Elle est induite
par l'alternance des saisons déterminant la variation des ressources
naturelles dans des zones devenant complémentaires.
D'après Winter (1998) : « Moins les ressources
sont abondantes ou plus elles sont susceptibles de fluctuer pour des raisons
extérieures plus leur usage devra faire appel à la «
mobilité » (et plus les « territoires » où elles
sont exploitées devront être étendus). La mobilité
est donc une stratégie permettant de tirer le maximum de profit de la
rareté de ces ressources ou du fait qu'elles sont incertaines dans
l'espace d'une année ou d'une année sur l'autre. Le besoin de
mobilité s'accroît donc en parallèle avec la rareté
ou l'incertitude, tandis que l'immobilité risque d'engendrer la
catastrophe. »
Dans le cadre de ce travail, nous préférerons le
terme de « transhumance » à celui de « nomadisme »
car les mouvements s'effectuent selon un calendrier fort semblable
d'année en année : descente au sud en saison des pluies, une
remonté vers les nord pendant la saison sèche et froide.
D'après Mangeot et Marty (1992), les nomades ont « des terrains
de parcours bien délimités en saison humide aussi bien qu'en
saison sèche, et chaque année les ramènent, presque
à époque fixe au même endroit. » Les pasteurs ont
un « terroir d'attache » qui peut être défini selon
toujours Mangeot et Marty (1992), comme « Un terroir aux fonctions
essentiellement pastorales dont se
réclament une ou plusieurs communautés
pastorales et qui est composé de ressources clés pour la conduite
des troupeaux (pâturages aériens ou herbacés, terres
salées, mares...) » Les terroirs d'attache permettent une
relative sécurité fourragère et un accès à
l'eau en saison sèche (Hammel, 2000). La notion « d'attache »
fait moins référence à la propriété,
qu'à des droits d'usages prioritaires. Le terroir d'attache chez les
pasteurs Toubou Teda signifie le puits de saison sèche et l'aire de
pâturage qui est circonscrite au puits. Les animaux restent très
attachés à ce lieu surtout pendant la saison sèche et
chaude. C'est aussi un espace sentimental pour tous les pasteurs
propriétaires du puits.
Cependant, l'aire de production ne se limite pas à ce
territoire, la mobilité reste indispensable. Les modalités des
transhumances traditionnelles pratiquées par les éleveurs
répondent à deux impératifs majeurs et indissociables : la
recherche du pâturage et de l'eau. Notre objectif n'est pas de
décrire les systèmes d'élevage mais de comprendre
l'organisation traditionnelle de l'espace pastoral. Le schéma ci dessous
illustre la réaction de la population pastorale en fonction de la
disponibilité des ressources
Figure N°2 : Réactions des
populations pastorales en fonction des disponibilités des ressources
Sédentarisation
Exode
Disparition des ressources (décapitalisation)
Déclin
Insuffisance temporaire des ressources
Transhumance Emigration temporaire
Ressources
Suffisantes
Eau- pâturages
Populations
pastorales
Source : enquête terrain 2005
II.3.1. La conduite des animaux
Considéré comme une trilogie l'homme, l'animal
et le milieu, le pastoralisme s'inscrit sur plusieurs registres de
l'activité sociale. En effet, l'appréciation permanente de la
végétation du pâturage par les pasteurs Toubou Teda, le
rapport de l'homme à l'animal, les rapports sociaux sous-jacents
à l'utilisation du parcours, constituent des facettes diverses, mais
interdépendantes du même phénomène, en l'occurrence,
le pastoralisme. La carte N° 6 explique la conduite des animaux pour le
pâturage.
Carte N°6 : Transhumance Toubou Teda
Tahoua ZinderTASKER Tillaberi
Dosso Maradi
0 50 100
TIDJIRA
Agadez
Diffa
Kilomètres
WORROU KALTOUMA
KIT KIT
DAOUBELLY
ANICHATCHOUWOU
ABORAK (FORAGE)
KARAGOU
LEGENDE
RIDJIA SIDDI
BOULOUM
FORAMI
4 Campement de base
KASSATCHIA
TASKER
kENDELBOUZOU
Kolo Kolo
BAÏKOUBOUTEDA
Tougounoussa
KOLOKOLO
Ecét
TOUGOUNOUSSA
Téhi
ECHETCHOULOUM
Tigma Sofo
TEHI
TIGUIMAIsh SOFO
DJOCKO ISHMA
DIBIDE
Transhumance saison sèche et froide
Transhumance saison de pluie
Autres Campements
chef lieu de Tesker
Limite de Tesker
DAOUNGA
KANKEDI
OLOW
RIDJIA DJOUGNOU
BORNO
KANKEDI EHMERGAN
TORORONGA
BOULAKAW
FINI-FINI
TERMIT MAI RIDJIA
TERMIT YALLANGA
DOUGOULE
N'GUELDJABO
YOUGOUM
EYIDINGA
KATCHATCHA
TERMIT DOLE
OROMI
II.3.1.1. La mobiité en saison des pluies
Pendant la saison des pluies, dès que les
premières pluies tombent plus au sud (environ 40 km), les dromadaires
ont tendance à déserter le puits de saison sèche. En
effet, les dromadaires sont attirés par l'odeur d'herbes vertes qui
commencent à germer qu'ils sentent ainsi de très loin. Cette
période est une période très difficile pour les pasteurs
partant à la recherche permanente de leurs animaux.
Ce moment particulier se nomme « Garigaré ».
C'est, en effet, une période intermédiaire entre le départ
en transhumance et la tombée des pluies aux puits de saison
sèche, c'est la période ou la vigilance des éleveurs est
à son point le plus fort. « Garigaré » annonce le
départ en transhumance ou « Wanna Gnélé ». Avant
le départ proprement dit, les pasteurs Toubou Teda cherchent des
informations sur les zones qui possèdent plus de pâturage. Ils se
renseignent le plus souvent auprès des voyageurs ou
dépêchent spécialement des éclaireurs pour
vérifier l'état du pâturage.
Le sens de l'observation des moindres détails et
perturbations du milieu permet aux éleveurs Teda d'être à
l'affût de tout changement au niveau du milieu naturel. Les
évolutions de végétation, en terme de phénologie
des espèces, de leur qualité, de la composition floristique ou de
l'apport en masse fourragère, des écoulements des points d'eau,
de l'existence des mares ; ceci est d'autant plus important que
l'irrégularité est une constante dans notre zone d'étude.
Mais, l'intérêt de cette attention particulière que portent
les Toubou Teda à l'espace pastoral s'exprime grandement dans
l'observation permanente du comportement des plantes. Ce point est
abordé plus en détail dans la partie suivante «
Appréciation du pâturage ».
Une fois en possession de ces informations et
l'approvisionnement en vivre des bergers fait, le départ vers les zones
de pâturages du sud commence. Seule une partie de la famille fait le
déplacement : les vieux, les femmes, les enfants de moins de sept ans,
les petits ruminants et une partie des chamelles laitières sont
laissés au niveau du campement.
A l'inverse, de nombreuses communautés se
déplacent en groupe. Ici, chaque propriétaire choisit sa date de
départ et son itinéraire. Il n'y a pas d'itinéraire
précis pour l'ensemble des éleveurs, l'essentiel est de rejoindre
la localité où le pâturage est le meilleur tout en
s'assurant que le pâturage du trajet et l'accessibilité à
l'eau est tout autant propice et suffisant pour l'alimentation du troupeau.
Cette évaluation est propre à chaque éleveur qui
connaît son troupeau et ses besoins. La distance à parcourir varie
en fonction de la zone pourvue en herbes, elle est en moyenne de 40 km. Les
lieux fréquentés par les Toubous Teda de la zone sont :
Kité-Kité, Dahoubelli, Karagou, Indouna, Tilitilo, Tilotiloyi
Rouanga, Rouangayi, Bouloum, Worrou, Worrey, Ranamoutte (cf carte N°6).
Cet espace d'accueil ou zone de repli est peuplé par différentes
communautés notamment les Peuls et les Toubou Azza. Ces zones de
pâturage sont partagés avec deux communautés autochtones,
les Arabes et plus rarement les Touarègues. L'accès au
pâturage est libre mais l'abreuvement des animaux nécessite en
amont l'accord de la communauté « propriétaire du puits
». L'abreuvement n'est généralement pas refusé sauf
dans le cas des puits privés, comme le cas de Maï Kolli, Rigia
Djoga et N'wallalo (puits ciments). L'accès à ces puits par les
transhumants se fait sous la surveillance du propriétaire, moyennant une
certaine somme d'argent (100 FCFA par tête de gros bétail) ou un
jeune animal. Il est intéressant de remarquer que le puits de N'wallalo
est notamment « un puits boutique » (équipé de commerce
appartenant au propriétaire du puits). Ainsi dans le cas d'achat au
niveau de ces commerces, les éleveurs obtiennent une réduction du
prix de l'eau par tête.
L'abreuvement peut aussi se faire au niveau des mares
naturelles telles Togoyinga (Bouloum) et Felfel (Karagou) et beaucoup d'autres
mares formées dans les dépressions inter-dunaires argileuses. Les
espèces herbacées appétées sont (appellation Toubou
Teda) : Nougou (Cenchrus biflorus), Tagour (Alysicarpus SPP),
Nicé (Stigagrostic plumosa), Ondoulé (Sporobolus
spicatus), Diguère (Cenchrus prieurii),
Kanguedou(Citrullus colocynthis), Markou (Indigofera
coluta)...
La pratique du pâturage autour de ces puits de replis
dépend de plusieurs paramètres. En effet, les dromadaires peuvent
pâturer toute la nuit si l'espace n'abrite uniquement que des Toubou
Teda. Cela suppose que la sécurité est garantie. Par contre si
plusieurs communautés cohabitent, les animaux sont conduits, à la
tombée du jour, sur les dunes pour y passer la nuit sous la surveillance
des bergers. Cette stratégie peut être appliquée,
notamment, dans le cas ou du fait de l'humidité excessive des
vallées, celles-ci sont investies de mouches piquantes, poussant alors
les bergers à éloigner le troupeau de ces endroits insalubres la
nuit. Les transhumants exploitent les herbacées jusqu'à leur
maturité complète. Cette période coïncide avec
l'excès des mouches piquantes qui devient de plus en plus insupportables
pour les dromadaires. Ils ont, de ce fait, tendance à abandonner la zone
et à remonter progressivement vers le nord où l'herbe demeure
encore jeune. C'est dans ce mouvement progressif que les transhumants
atteignent le puits de saison sèche. La durée de cette
transhumance varie selon l'année, allant de deux à trois mois
dans le cas où la saison des pluies s'est bien installée. Au
puits de saison sèche, « Damour », les éleveurs restent
pendant un mois ou plus, le temps de se préparer pour le départ
en transhumance de saison sèche et froide en direction du nord. Ce
départ est notamment motivé par l'assèchement de l'herbe
verte (paille) autour du campement.
II.3.1.2. La mobiité en saison sèche et
froide
La transhumance de saison sèche et froide ou «
Wana Dosso » conduit les bergers et les animaux plus au nord. Cet espace
de pâturage est habité essentiellement de Teda. Il est
constitué par les campements suivants : Kendelbouzou,
Baïkoubouteda, Kolokolo, Tougounoussa Termit nord, Tiguima,
Echétchouloum, Tehi, Sofo, Ishma et Djocko. La distance varie de 100
à 150 km selon l'emplacement du puits de saison sèche. Ces lieux
de pâturage sont généralement inhabités pendant la
saison sèche et chaude mais sont pris d'assaut à l'arrivée
du froid.
Pendant la saison sèche et froide, cet espace de
pâture reste vert et les herbacées présentes sont
très appétées par les dromadaires du fait de la
qualité de leur apport nutritionnel. Il s'agit de : Yizzi
(Moltkiospis ciliata), Ziri (Cornulaca monocantha),
N'gorché (Cyperus conglomeratus), Mallé
(Sesamum alatum), Dirguena (Tribulus terrestris), Gonogono
(Blepharis linarifolia), Santchoua (Aristida longiflora),
Mallé Nicé (Stigagrostic plumosa). Ce lieu de
pâturage est partagé en toute quiétude avec toutes les
communautés peuplant la commune de Tesker exception faite des Toubou
Dazza qui restent un peu plus au sud. Des vols de bétail ont souvent
lieu pendant cette transhumance, dans ce cas précis, les
communautés Teda, Azza, peuls Ouda (spécialistes de
l'élevage des ovins) et Arabes se constituent en une sorte de
comité pour la poursuite du voleur en vue de ramener l'animal
volé. Généralement les Touaregs et les Dazza sont
indexés par les Teda pour leur réputation dans le vol des
dromadaires. Cette vision négative du Touareg entraîne son
isolement sur les lieux de pâturage par les quatre autres
communautés.
Durant cette période, les dromadaires ne ressentent pas
la nécessité de s'abreuver, les ovins par contre ont besoin de
s'abreuver une fois par semaine au niveau des puits de la zone. L'accès
à l'eau des petits ruminants se fait sans contrainte du fait de la
faible pression au niveau du puits en cette saison.
Dans le cas de cette transhumance, certains bergers se
déplacent avec leur famille si celleci est de petite taille. Le
séjour au nord s'étale sur environ cinq mois (d'octobre à
mars). Dans les deux types de transhumance les propriétaires du
bétail et/ou les bergers effectuent des vas et viens entre le lieu de
pâturage et le puits de saison sèche. Le premier s'assure du bon
entretien de son troupeau et dans certains cas ravitaille le berger en vivres.
Le second revient au campement de saison sèche pour le ravitaillement ou
pour rendre compte de la situation.
II.3.1.3. Le pâturage au niveau du puits de
saison sèche et chaude
Au début du mois de mars période de retour du
nord, tous les troupeaux se trouvent fixés au niveau du campement. Cette
période sèche et chaude s'appelle « Borro » en Tedaga.
Les animaux pâturent les environs du campement sur un rayon d'environ
10km à partir du puits, avec un retour pour l'abreuvement. Les
dromadaires s'abreuvent une fois tous les quatre jours à l'exception des
chamelles allaitantes qui elles s'abreuvent tous les deux jours. Les petits
ruminants sont abreuvés tous les deux jours. L'alimentation des animaux
est constituée de l'herbe sèche. Sa consommation est rendue
possible grâce au complément en sels minéraux (le natron).
Durant cette période, le pâturage aérien est
valorisé. Il s'agit de : Tehi (Acacia Tortilis ), Yi (
Salvadora Persica), Arken ( Maerua Crassifolia), Ollowou
(Balanites aegyptiaca), Kozono (Leptadenia Pyrotechnica).
Généralement l'abreuvement et l'entretien des animaux se font par
un berger contractuel qui relève d'une autre communauté,
principalement, les Bouzou (anciens esclaves Touareg) et les peuls.
Tableau N°2 : Calendrier pastoral
|
Juin Juillet Août Sept
|
Oct
|
Nov Déc Janv
|
Fev
|
Mars Avril Mai
|
Saisons
|
Saison des pluies
|
Saison sèche et Froide
|
Saison sèche et chaude
|
Nom en Tedaga
|
Garigaré
|
Gnélé
|
Bouroundaga
|
Dosso
|
Ebéré
|
Borro
|
Localisation
|
Alentour du puits de saison sèche
|
Lieu où il a plu, du bon pâturage et des bons
rapport avec la communauté d'accueil
|
Majoritairement au Nord (Ténéré) où
il y a du pâturage adapté
|
|
Puits de saison sèche
|
Localisation durant
l'année 2005
|
Sidinga
|
Puits : Kité-Kité, Dahoubelli,
Karagou, Indouna, Tilotilo, Tilotiloyi, Rouanga, Rouangayi, Bouloum, Worrou,
Worrey, Ranamoutte, Anchatchou
Mares naturelles : Togoyinga (Bouloum) et
Felfel(Karagou)
|
Kendelbouzou, Baïkoubouteda, Kolokolo, Tougounoussa,
Termit nord, Tiguima, Echétchouloum, Tehi, Sofo, Ishma et Djocko.
|
|
Sidinga
|
Pâturages Herbacées
|
Cyperus conglomeratus et Panicum
Turgidum
|
Cenchrus biflorus, Alysicarpus SPP, Stipgrotis vulnerans,
Tribulus terrestris, Sesanum alatum, Nolletia
chryssocomoïdes, Sporobolus spicatus, Panicum
turgidum...
|
Moltkiopsis ciliata, Cornulaca monocantha, Blepharis
linarifolia, Aristida palida, Indigofera coluta, Stigagrostis plumosa,
Citrullus colocynthis, Panicum turgidum, Cordia Sinensis...
|
Cyperus conglomeratus et Panicum Turgidum
|
Pâturages Ligneux
|
Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Maerua
crassifolia, Salvora persica, Acacia senegal...
|
En présence de l'herbe fraîche les animaux ne
consomment pas les ligneux
|
Pas d'arbres sur l'ensemble de la zone
|
Leptadenia pyrotechnica, Balanites aegyptiaca, Maerua
crassifolia, Salvora persica, Acacia senegal...
|
Source : enquête terrain 2005.
Remarque : La mobilité varie chaque
année, il est ainsi difficile de rendre compte des localisations de
façon précise. Pour cela nous ne pouvons que préciser les
localisations fréquentées lors de notre étude, soit durant
l'année 2005.
II.3.2. Appréciation du pâturage
Dans les systèmes pastoraux Africain on assiste
à « un poids important des facteurs humains (ethnie,
organisation sociale, relations entre groupes sociaux, etc.) et des
caractéristiques du territoire pastoral qui est souvent
géré collectivement. » (LHOSTE, Ibid. cité par
KAMIL H .1999).
Tableau N°3: Appétence des
espèces fourragères selon les périodes de
l'année
Espèces (nom vernaculaire à
la société Teda)
|
Saison sèche et chaude
|
Saison sèche et froide
|
Saison des pluies
|
Nom Scientifique (1)
|
Utilisation (2)
|
Ligneux
|
Kozono
|
***
|
|
|
Leptadenia Pyrotechnica
|
Fruits utilisés pour faciliter la mise- bas
|
Olowou
|
***
|
|
|
Balamites aegyptiaca (3)
|
Construction de selle et puits, consommation humaine
|
Arken
|
***
|
|
|
Maerua Crassifolia (4)
|
Soin des dents
|
Tehi
|
***
|
|
|
Acacia Tortilis (1)
|
Construction de puits, tentes, poulies, selles et cordes
|
Yi
|
***
|
|
|
Salvadora Persica
|
Brosse à dents, consommation humaine
|
Kossowou
|
***
|
|
|
Capparis Decidua
|
Fruits consommés par les petits ruminants
|
Kourou
|
***
|
|
|
Ziziphus Spinachristi
|
Encens pour parfum féminin
|
Digui
|
***
|
|
|
Acacia Sénégal (5)
|
Puits, pillons
|
Herbacées
|
Yizi
|
|
***
|
*
|
Moltkiopsis Ciliata (1)
|
Alimentation animale, provoque chaleur et améliore la
production de lait et donne de l'énergie
|
Ziri
|
|
***
|
*
|
Cornulaca Monocantha (2)
|
Alimentation animale, donne de l'énergie
|
Malé
|
|
*
|
**
|
Sesamum Alatum (6)
|
Alimentation animale, donne de l'énergie
|
Gouchi
|
|
|
|
Panicum Turgidum (7)
|
Alimentation animale
|
Tawour
|
|
|
***
|
Alysicarpus SPP (4)
|
Alimentation animale, construction de tentes
|
Nogou
|
|
|
***
|
Cenchrus Biflorus ( 3)
|
Alimentation animale, donne l'énergie
|
Gonogono
|
|
****
|
|
Blepharis Linarifolia (4)
|
Alimentation à l'état jeune
|
N'Gorché
|
|
***
|
***
|
Cyperus Conglomeratus (3)
|
Alimentation animale, contre diarrhée chamelon, filtre
puits
|
Swantchouwan
|
|
***
|
|
Aristida Longiflora (5)
|
Alimentation
|
Mali Margou
|
|
***
|
|
Aristida Palida
|
Alimentation animale, donne de l'énergie
|
Mayagou
|
|
*
|
*
|
Stipagrotis Vulnerans
|
Construction de tente
|
Ondul
|
*
|
|
*
|
Sporobolus Spicatus
|
Alimentation
|
Kazomitchawo
|
|
|
*
|
Nolletia Chrysocomoïdes
|
Alimentation animale
|
Kankedou
|
|
**
|
|
Panicum Turgidum
|
Alimentation animale
|
Markou
|
|
|
***
|
Indigofera Colutea
|
Alimentation animale
|
Mali
|
|
*
|
***
|
Eragrotis Tremula
|
Alimentation animale et humaine
|
Dirguno
|
|
|
**
|
Tribulus Terrestris (5)
|
Alimentation animale
|
(1) Appréciation des espèces par ordre croissant :
1, 2, 3, 4,...Source : Enquête terrain 2005
*** Très consommées
|
|
** Moyennement consommées
|
|
* Peu consommées
|
Les Teda, pratiquent un diagnostic dynamique qui
s'étend sur plusieurs saisons. Celui de la végétation se
fait sur plusieurs échelles de temps : passé récent,
dynamique saisonnière. Il fait partie des savoirs des éleveurs,
base de toute décision concernant le mode d'exploitation d'un
pâturage (déplacement, soustraction au pâturage,
augmentation de la charge). L'hétérogénéité
de la végétation du parcours, selon les paramètres de
composition floristique : vigueur, phénologie...est expliquée,
discutée entre utilisateur pour être maîtrisée,
apprise et transmise dans un cadre permettant la pérennité de
l'apprentissage et la communication du savoir local, en plus de la transmission
des pratiques et des savoirs-faire. Ainsi différents points liés
au pâturage semblent indispensables, telle la diversité
floristique, tant au niveau de la densité que de la composition. En
effet, lors du gardiennage du troupeau le berger explore le parcours pour avoir
des peuplements homogènes en terme de dispersion des espèces
végétales, c'est-à-dire une végétation
répartie de façon uniforme en terme de densité. Avoir une
distribution régulière des animaux lors de leurs
déplacements est une garantie de réussite de leur alimentation
sur les parcours.
Un deuxième facteur crucial dans l'alimentation des
animaux sur les parcours est la combinaison d'unités
végétales remplissant des fonctions diverses. Il s'agit pour le
berger d'établir un itinéraire qui traversera des unités
répondant aux besoins des animaux, eux-mêmes jaugés et
définis par le berger. La fréquentation des unités
végétales ainsi que les arrêts du berger visent à
permettre au troupeau d'opérer des prélèvements selon ses
besoins : sel, énergie, ration de comblement, fourrages d'appoint, etc.
Le parcours doit répondre à ces déterminations. Le Yizi
(Moltkiopsis ciliata) par exemple demande d'être consommé
avec trois autres espèces pour assurer une sécurité
alimentaire au bétail durant la période difficile qu'est la
saison sèche et froide : Malé (Sesamun Alatum), Gonogono
(Blepharis Linarifolia), Swantchouwan (Aristida longiflora).
Il en est de même, pour le N'Gorché (Cyperus
Conglomeratus), qui nécessite en complément du fourrage
aérien : Kozono (Leptadenia Pirotechnica), Yi (Salvadora
Persica), Gouchi (Panicum turgidum) et le Dirgueno (Tribulus
Terrestris) qui est pâturé avec le Nogou (Cenchrus
Biflorus) et Tawour (Alysicarpus SPP).
Les plantes remplissent plusieurs fonctions en tant que plantes
fourragères, mais aussi
jouent des rôles très importants
dans la vie quotidienne des Teda. La multiplicité des
plantes :
plantes fourragères (Moltkiopsis Ciliata , Cornulaca
Monocantha , Tribulus
Terrestris , Alysicarpus SPP , Cenchrus
biflorus, etc.), alimentaire (Maerua Crassifolia , Ziziphus
spina-christi, etc.), plantes médicinales (Maerua Crassifolia
, Leptadenia Pyrotechnica , etc.), bois de chauffe et de
construction (Balamites aegyptiaca , Acacia Tortilis
,Capparis decidua, etc.), entre de même dans les
décisions stratégiques qu'effectuent les pasteurs dans le choix
de leur mobilité et installation.
II.3.3. Réflexion sur les « concepts »
pastoraux
Le terme « concept », recoupant un processus
scientifique ayant un mode d'application universel (ex : territoire,
territorialité,...), nous semble peu approprié à nos
termes de réflexion. Nous préférons dans le cas
présent parler de dénomination pastorale. La dénomination
est spécifique à un lieu donné, voir à une
communauté bien déterminée. La conception du terroir
d'attache d'une communauté pastorale vivant dans une zone agro-pastorale
n'est pas la même que celle d'une communauté pastorale
située dans une zone strictement pastorale.
v' Espace pastoral :
« L'espace pastoral désigne l'entité
spatiale utilisée pour mener à bien l'activité pastorale
» (Gerard Ciparisse, 1999, p50). Chez les pasteurs Toubou Teda l'espace
pastoral désigne, le puits de saison sèche, les lieux de
pâturages de saison des pluies et de la période froide et aussi
les points d'eau partagés des zones de repli au sud et des zones de
transhumance de saison froide au nord. Le puits de saison sèche et ces
aires de pâturages sont reliés par le terrain de parcours. Le
terrain de parcours est défini comme étant l'itinéraire
qu'emprunte le berger pour se rendre à un lieu de pâturage
donné. La particularité de cet itinéraire est qu'il assure
le besoin alimentaire des bêtes durant le trajet.
Le recueil des textes du code rural (2004) définit le
terroir d'attache comme étant « l'unité territoriale
déterminée et reconnue par les coutumes et/ou les textes en
vigueur à l'intérieur de laquelle vivent habituellement pendant
la majeure partie de l'année des pasteurs, unité territoriale
à laquelle ils restent attachés lorsqu'ils se déplacent
que ce soit à l'occasion de la transhumance, du nomadisme ou des
migrations ».
Le terme « terroir » semble ici peu adapté au
contexte de la zone. En effet, le terroir
est défini par un espace
caractérisé par des conditions agro métriques
spécifiques, il
correspond ainsi plus à une portion d'espace agricole
qu'à un espace à caractère pastoral. Un terroir est avant
tout une étendue de terre considérée du point de vue de
ses aptitudes agricoles qui lui viennent de ses qualités originelles ou
acquises par des aménagements humains (Larousse agricole, 1981).
Pour notre zone d'étude, nous privilégions la
dénomination puits d'attache parce que correspondant mieux à la
réalité du milieu. L'accès au puits répond à
l'usage prioritaire mais le pâturage est d'accès libre pour toutes
les communautés qui ont une alliance (ou une autorisation) avec la
communauté autochtone. Le contrôle de l'accès au puits
prend toute son importance pendant la saison sèche et chaude.
1' Puits d'attache ou « Damour » :
C'est le lieu où est fixé le campement de base
(permanent) et le puits de saison sèche (puits d'attache). C'est un
espace qui est circonscrit autour du puits d'abreuvement sur un rayon d'environ
10km. Les animaux pâturent dans cet espace en toute
sécurité (protection contre le vol) avec un aller-retour au puits
pour l'abreuvement. Les dromadaires passent en première position en
privilégiant les laitières et en suite les petits ruminants Le
puits d'attache comprend en plus des habitations et du puits l'aire de
pâturage qui le circonscrit. Cet espace est un espace sentimental pour la
population qui l'habite et qui plus a un lien de parenté avec le clan
dit « propriétaire ». Ce puits de saison sèche prend
toute son importance pendant la saison chaude et sèche. Quelque soit la
distance qui sépare l'animal de son puits, quand il a soif c'est
là qu'il vient pour s'abreuver « durant la saison chaude, l'animal
est toujours le médiateur de l'éleveurs dixit Hassan Kamil(
entretien 2005), un chameau appartenant à un habitant de Sidinga fut
vendu à un Teda habitant Bilma, arrivé à la palmerais, le
chameau déjouant l'attention de son nouveau maître reparti pour
son puits de saison sèche (El Barkama Abdoulaye, entretien 2005). C'est
ainsi que le chameau fut retrouvé au puits de Sidinga ». L'animal
reste attaché à son puits de saison sèche. Le
schéma ci-dessous illustre le puits d'attache.
Figure N°4 : Le puits d'attache
Va et vient des animaux pour l'abreuvement
Puits de saison sèche
Aire de pâturage circonscrite au puits de saison
sèche
Les tentes (habitations)
v' L'aire de pâturage de saison des pluies ou «
Dogo Gnélé » ou zone de repli : C'est le lieu où les
animaux pâturent pendant l'hivernage durant une période allant de
2 à 3 mois. Il est constitué du pâturage de parcours et du
pâturage au niveau des zones de replie. Cette aire de pâturage ne
connaît pas de limites. Par ailleurs, elle est susceptible d'être
changée d'une année à l'autre, au gré de la
répartition des pluies, qui commande la disponibilité et la
qualité des ressources fourragères. Ce parcours dépend
notamment du choix que fait le berger par rapport à la composition du
troupeau (en type et en nombre). Ces aires de pâturage sont
localisées plus au sud de notre zone d'étude. Ce Choix du sud
s'explique par la précocité des pluies du au balancement du Front
Intertropical (FIT). Cette zone est soumise notamment à des alliances
existantes entre la communauté mobile et la communauté
d'accueil.
v' L'aire de pâturage de saison sèche et froide ou
« Dogo Dosso » :
C'est le lieu de pâturage en saison sèche et
froide. Il se situe au nord (Termit nord ). Le choix est lié aux
présences des herbacées très appétées
(Moltkiopsis Ciliata, Cornulaca Monocantha, Sesamum
Alatum,...) par les dromadaires (octobre à février), qui
leur permet une alimentation suffisante et un besoin en eau limité. Les
bergers restent cinq à six mois dans cette aire.
1' Usage prioritaire
L'usage prioritaire n'existe pas en Tedaga (langue des Teda).
Les espaces aménagés par les pouvoirs (aires de
pâturage, fourrage, puits cimentés) dans une zone pastorale sont
entretenus par la communauté bénéficiaire. Ceci leur donne
un droit d'usage prioritaire, sans pour dire autant un droit d'appropriation au
sens strict. Ces ressources sont en effet, en théorie, susceptibles
d'être utilisées par tous les autres pasteurs.
Dans les zones strictement pastorales les aires de
pâturage sont d'accès théoriquement libre. Un conflit entre
deux communautés peut entraîner la non cohabitation
(privatisation) temporaire sur une même aire de pâturage. Les
points d'eau appropriés, c'est-à-dire les puits financés
par une communauté, sont à usage strictement prioritaire.
L'abreuvement au puits de Sidinga par une autre communauté (les
caravaniers, les peuls, les arabes et les Azza) nécessite une
autorisation préalable prise auprès des propriétaires
(chefs de campement et comité de sages). L'autorisation se traduit sous
forme d'alliance (bon voisinage, réciprocité,
affinité,...), tout en respectant le principe d'usage prioritaire pour
l'abreuvement qu'a la communauté autochtone (Cf Figure N°5
conditions d'accès au puits).
Figure N°5 : Les conditions
d'accès au puits
Bon voisinage
Réciprocité
Affinité
Parenté
Puits
Propriétaire
II.3.4. Les échanges
Pour comprendre et expliquer l'organisation de l'espace, il
est important de faire ressortir les différents types d'échanges
inter ou extra communautaires. Ces échanges sont de trois ordres :
économiques, les rapports sociaux et l'échange d'informations.
II.3.4.1. Les échanges économiques
Ces échanges constituent l'ensemble des transactions
ayant lieu au niveau des marchés et des campements. Par le passé
l'argent était absent du système économique Teda. Leur
insertion dans l'économie de marché a été faite
avec la colonisation, notamment, à travers la mise en place de
l'imposition par le payement de l'impôt. Ils se procuraient des vivres
soit sous forme de troc et de tribut de la part des communautés sous
leur protection soit en razziant les cultivateurs.
De nos jours, l'argent est au coeur des échanges
économiques, même si le troc est toujours monnaie courante. Au
sud, les Teda fréquentent par ordre de préférence les
marchés de Kazoé, Boultoum, Biti et Soubdou. Boultoum est le
marché le plus proche du campement Toubou Teda de Sidinga (environ trois
jours de dromadaire). Pour s'approvisionner en vivres (mil, riz, sucre,
thé...), les Teda vendent des dromadaires et des petits ruminants. Les
marchés comme ceux du Damergou, Raffa, Guidiguir, Damagaram Takaya
situés en zone agro-pastorale, sont aussi fréquentés pour
échanger les dattes en provenance de Bilma ou de Fachi, avec le mil
après la récolte. Au Nord les localités de Bilma et Fachi
sont fréquentées pour vendre des dromadaires et ou acheter ou
récolter des dattes. Il est important de préciser que beaucoup de
Teda sont propriétaires de palmiers dattiers à Bilma et Fachi
mais aussi dans les oasis du Kaouar et au Djado. Les non
propriétaires font également le déplacement et peuvent se
constituer en main d'oeuvre pour la récolte des dattes et/ou profiter
soit de la Zakat soit du « Sosso » (mot Teda qui signifie les
dattiers « non récoltés » volontairement ou non).
Les Teda se constituent souvent en caravane pour amener des
chameaux en Libye oüils sont vendus à bon prix. Au
retour ils font une escale à Fachi pour s'approvisionner
en farine de
blé et dattes. Il arrive également que des riches
commerçants libyens et
nigérians viennent acheter des dromadaires jusqu'aux puits
de saison sèche Teda donc un double mouvement commercial.
Le campement de Sidinga est un lieu stratégique pour
les campements alentours qui peuvent se fournir en alimentation de base
(thé, sucre, tomates sèches, piment, huiles, riz, tabac,
henné et chaussures) à la boutique du chef de tribu. Celui-ci
assure l'approvisionnement de sa boutique par des allers-retours entre Zinder,
Gouré et Sindinga avec son propre véhicule. Il n'en reste pas
moins que les prix proposés sont très élevés. Dans
certains cas, suivant les besoins, les petits ruminants peuvent être
vendus ou échangés contre thé et sucre entre les habitants
d'un même campement. Cette boutique renforce le pouvoir du chef de tribu
en lui donnant d'avantage une assise politique. .
II.3.4.2. L'échange d'information
Dans le pastoralisme, l'échange d'information est
déterminant notamment, sur la localisation des ressources pastorales, ou
encore, sur les prix de vente des différents marchés. Mieux,
l'information est l'un des piliers du pastoralisme. L'information circule de
bouche à oreille à travers les voyageurs du fait de la grande
mobilité des pasteurs. Les sources d'information peuvent être les
lieux d'échange économiques (les marchés) et de
pâturage, l'arrivée d'un étranger au campement ou
simplement des éclaireurs détachés des campements pour
aller s'enquérir de l'état du pâturage. Dans la pratique
toutes les communautés s'échangent les informations. Dans la
communauté Teda, l'information est un devoir pour tout individu . Cela
se traduit à travers les salutations d'usage « Inda Labbar »
« quelles sont les nouvelles ? ». Plus qu'un devoir, le flux
d'informations est une nécessité. En effet, un éleveur
exclu de ce réseau ne peut plus assurer la survie de ses bêtes. Le
réseau d'information est vital au bon fonctionnement du système
pastoral. Il assure, de plus, la cohésion sociale à travers le
partage d'information sur les ressources fourragères indispensables au
maintien des animaux. Lorsqu'un événement important se produit
(conflit, décision venant du sultanat de Zouar, sécheresse...),
toute la communauté peut en être informée, réagir
rapidement et en accord.
Actuellement, des moyens de communication moderne (Turaya) on
fait leur
apparition dans la zone. L'objectif étant de se renseigner
sur la fluctuation des prix de
vente du bétail sur les marchés. Il est aussi
important de préciser la prolifération des postes radios pour
écouter les nouvelles internationales.
Tableau N°4 : Echelle d'influence des
événements Toubou Teda
Echelle
|
Supra (Sultanat) Micro (campement)
|
Décision émanant du Sultanat
|
Toute la communauté Teda
|
Information mariage et divorce
|
|
|
Familles concernées et voisinage
|
Information décès
|
|
|
Familles concernées et voisinage
|
Etat du pâturage
|
|
|
Campement
|
Rébellion
|
Toute la communauté Teda
|
Conflits intracommunautaires
|
Toute la communauté Teda du Niger
|
Conflits extracommunautaires
|
Toute la communauté Teda du Niger
|
Information sur le marché (prix,
disponibilité,...)
|
|
|
Campement
|
Marques dromadaires
|
Toute la communauté Teda et les communautés
voisines
|
Vente ou don de dromadaires marqués
|
Toute la communauté Teda du Niger
|
Mobilité Saison sèche
|
|
|
Famille Teda au sein du campement
|
Mobilité saison froide
|
|
|
Famille Teda au sein du campement
|
Mobilité en saison des pluies
|
|
|
Famille Teda au sein du campement
|
Fonçage d'un puit
|
|
|
Campements concernés, chef de groupement et
autorité administrative
|
Source : enquête terrain 2005
II.4. Les rapports sociaux
Il s'agit ici de mettre en évidence les liens sociaux
d'une part entre la communauté Teda et les autres communautés,
notamment les Arabes, les Peuls, les Touaregs, les Dazza et les Azza et d'autre
part la typologie des conflits intra et inter-communautaire ainsi que leurs
modes de règlement.
II.4.1. Les alliances entre les Toubou Teda et les autres
communautés
Les Arabes et les Teda entretiennent de bons rapports de
voisinage. Les deux espaces Arabes et Teda sont ouverts. Il existe un lien de
mariage entre les deux communautés, principalement, avec les Arabes
Chouwa. Les Teda et les Arabes partagent les mêmes lieux de
pâturage et cohabitent ensemble lors de toutes les mobilités
liées au pâturage. Les deux communautés entretiennent un
rapport de réciprocité lié au point d'eau (puits). Ils se
rendent visite et participent à toutes les cérémonies
(baptêmes, mariage,
décès). En cas de perte d'un animal, sa
sécurité est assurée dans les deux espaces par le lien de
confiance qui unit les deux communautés, l'animal est ainsi rendu
à son propriétaire.
Il n'existe pas de lien de mariage entre les Peul et les Teda
mais une amitié séculaire et une confiance réciproque
unissent les deux communautés. A titre illustratif la majorité
des puits Teda leur ont été donnés par des peuls
présents dans la zone dans le passé, comme c'est le cas pour les
puits de Sidinga, Baouranga, Dawanga, Rigia Djougounou, Dibidé, kenkedi,
Rigia Dourtchouwa ... Lors de la transhumance, les Peuls et les Teda partagent
la même aire de pâturage. Pendant la saison des pluies, les puits
peuls constituent les zones de repli des transhumants Teda, comme par exemple
les puits de Karragou, Indouna ... Les peuls procèdent aussi à
l'emprunt de la marque des dromadaires Teda, ceci constitue une sorte de
contrat de sécurité et aussi une marque de fraternité et
de soutien. Il n'y a pas de vol de bétail entre les deux
communautés. Connaisseurs de la nature, les peuls sont aussi
sollicités par les Teda pour le fonçage des puits. L'alliance
entre les peuls et les Teda date de longtemps. De toutes les alliances
qu'entretiennent les Toubou Teda avec les autres communautés, celle
d'avec les peuls est privilégiée.
Les Azza sont considérés comme étant
« la sous classe » au sein des Toubou en général. Ils
sont les vassaux des Teda et plus particulièrement des Dazza. Les Teda
entretiennent des bons rapports avec eux liés au partage des ressources
pastorales. Les puits Azza situés au sud constituent les zones d'accueil
des transhumants Teda pour le pâturage de saison des pluies. Il s'agit de
Dahoubelli, Kitékité, Tilotilo, Bouloum, Rouanga, Worrou, Worrey,
Tchapti, Anchatchou... Lors de la transhumance les Teda abreuvent souvent leurs
animaux au niveau de ces puits. Certains Azza empruntent les marques des
dromadaires Teda. Ce qui implique une relation privilégiée avec
le propriétaire de la marque. Les Teda font appel aux Azza pour les
travaux de fonçage de puits, de la forge et de l'artisanat. Les Azza
sont les plus instruits de l'ensemble de la communauté Toubou. Pour
cette raison les marabouts sont couramment consultés par les Teda pour
résoudre différents problèmes. Ils approvisionnent
régulièrement les Teda en natron (complément en sels
minéraux du bétail).
Les Dazza et les Teda entretiennent des relations de
méfiance de part les nombreux vols de dromadaires et conflits qui
émaillent leur histoire. Cette situation entraîne la
méfiance des Teda qui ne veulent en aucun cas partager les mêmes
aires de pâturage, cependant, ceci n'empêche aucunement toute
réciprocité entre eux. Le mariage est possible entre ces deux
communautés.
Actuellement il n'y a pas de relation d'échange entre
les Teda et les Touareg du clan Malouma, avec lesquels ils ont
été en conflits armés de 1981 jusqu'en 2002. Aujourd'hui
ce conflit n'est toujours pas réglé. Ces Touareg se localisent
à l'ouest des Teda dans l'arrondissement de Tanout. L'espace Teda se
trouve ainsi borné à la frontière de cette
communauté. Avec les autres clans Touareg la relation est similaire
à celle qu'entretiennent les Teda avec les Dazza (relation de
méfiance due au vol de bétail).
Les Toubous Teda sont constitués en trente trois clans
identifiables à travers les marques que portent les dromadaires. La
société Teda est très complexe. Au contraire de ce qui
s'observe dans toutes les autres sociétés pastorales voisines,
qu'il s'agisse des Touareg, des Peul ou des diverses tribus arabes, le mariage
chez les Toubou est rigoureusement interdit entre proches parents. Il est ainsi
interdit lorsqu'il y a 4 à 6 aïeuls en commun. La parenté
par les femmes compte autant que la parenté par les hommes. La
conséquence immédiate de cette règle est qu'il est
nécessaire de contracter chaque nouvelle alliance en dehors du cercle
des proches parents. Ceci contribue fortement au brassage de la population qui
caractérise le monde Toubou Teda. Les parents de chacun est
disséminés dans tous les campements, souvent très
éloignés les uns des autres. Cette règle de mariage fait
que les Teda sont une société unie et très solidaire. Ils
sont très mobiles dans leurs espaces tantôt pour des visites
d'amitié ou de fraternité, tantôt pour participer à
des cérémonies.
Conclusion :
Les rapports sociaux (les alliances) sont très
importants dans la conduite de l'activité pastorale. Le choix du lieu de
pâturage se fait non seulement en fonction de la disponibilité des
ressources fourragères mais aussi des alliances qui existent entre les
transhumants et la population d'accueil. La transhumance des Teda pendant la
saison des pluies est orientée vers les puits Peuls et Azza avec
lesquels il entretiennent de bon rapport de réciprocité. Ces
derniers à leur tour vont vers les puits Teda pour le
pâturage de la saison sèche et froide. Les
alliances commandent en grande partie la mobilité pastorale dans notre
zone d'étude. Parcontre le conflit constitue un frein à la
mobilité des hommes et des animaux entre deux espaces de deux
communautés en conflit.
II.4.2. Les conflits
Il existe une diversité de conflits dans notre zone
d'étude. Chaque communauté possède son propre espace dont
le puits constitue la marque territoriale et tous ces espaces sont
imbriqués les uns dans les autres. L'accès aux ressources
fourragères est libre d'une communauté à une autre, mais
l'utilisation d'un point d'eau nécessite toujours l'accord de la
communauté propriétaire. Cet accord n'est
généralement pas refusé. L'espace pastoral est ainsi
ouvert. Pourtant, le conflit constitue une barrière entre deux espaces
de deux communautés en désaccord. C'est sous cet angle que le
conflit sera traité. Nous avons distingué trois types de conflit
selon leurs causes.
.T.4 .2 .1 . Typologie des conflits
Nous avons distingué trois types de conflit selon leurs
causes.
ü les conflits sociaux
Ce type de conflit est très fréquent dans la
communauté Toubou Teda. Il intervient suite à une
incompréhension à partir le plus souvent d'une histoire banale
suite à des causeries. L'incompréhension commence entre deux
personnes et progressivement, peut concerner deux ou plusieurs familles au sein
de la communauté. Si cette situation n'est pas résolue à
temps, elle peut dégénérer jusqu'à des blessures
à l'arme blanche et parfois même jusqu'à mort d'homme. La
conséquence de ce conflit peut être à la base du
départ d'une famille d'un campement et/ou d'une vengeance future. La
rapidité d'évolution de ce type de conflit, explique en partie la
dispersion des habitats dans les campements Teda.
ü Le conflit autour des points d'eau (puits de saison
sèche)
Pendant la saison sèche la pression sur les puits est
grande. Les hommes et les animaux sont constamment autour du puits pour
l'abreuvement. Le puits et ses équipements (poulies, abreuvoirs) sont le
plus souvent en inadéquation avec le nombre de têtes de
bétail à abreuver. Chaque berger a tendance à vouloir
servir ses
bêtes en premier. Cette situation entraîne souvent
le « désordre » et l'énervement des bergers, propice
à tout début de conflit. Les disputes peuvent être
particulièrement violentes. Dans certains campements (comme à
Sidinga), pour faire face à ces débordements plus que
fréquents, le chef du campement et le comité des sages ont
menacé d'interdire l'accès au puits à tous fauteurs des
troubles. En effet un tel conflit représente une menace pour la
cohésion sociale indispensable au bon fonctionnement du campement.
v' Le conflit lié au vol de bétail
Ce type de conflit est le plus fréquent dans notre zone
d'étude. Il concerne d'un part les vols inter- communautaires et d'autre
part les vols extra- communautaires.
Le vol de bétail au sein de la communauté Teda
est essentiellement l'oeuvre des jeunes âgés de 17 à 30
ans. Cependant ces vols restent les moins fréquents puisqu'ils sont
punis par une loi traditionnelle sévère (Cf.
Règlement).
Les Teda, les Dazza et les Touareg se volent mutuellement
entre eux. Les communautés Dazza et Touareg sont indexés par les
Teda comme étant les principaux voleurs de leur bétail. Le vol
d'un dromadaire s'accompagne toujours d'une poursuite pour
récupérer l'animal. Cela entraîne souvent un rude combat
qui peut se solder par mort d'hommes. La mort d'un homme suite à un vol
est toujours suivit d'un « cri de vengeance » de la famille ayant
perdu un membre. De vengeance en vengeance le conflit peut prendre la forme
d'un conflit inter communautaire.
D'après nos enquêtes, dans les années
1974, les vols continuels des dromadaires Teda menés par les Dazza,
entraînèrent mécontentement et agacement. Cette situation,
amena le chef des tribus Teda, Ordi, à se rendre chez le chef des tribus
Dazza pour trouver un terrain d'entente. Constatant la passivité du chef
Dazza, les Teda entreprirent de régler cette histoire par
eux-mêmes. Ils dénoncèrent certains voleurs Dazza à
l'Etat et dans certains cas les poursuivirent, les battirent et
récupérer les animaux volés. Les Dazza ont ainsi vu leur
espace se limiter là où commence le « monde» Teda.
Actuellement les Dazza limitent leur déplacement aux zones sud de Tesker
et ne peuvent plus se rendre au nord pour la transhumance de saison froide.
Ce type de conflit le plus récent est celui qui a
opposé les Teda aux Touareg Bouzou
du clan Malouma en 1981. Tout a
commencé avec le meurtre de Trois Teda venus du
marché de Kazoé par des Bouzous. Les Teda
répliquèrent en 1983, en tuant à leur tour, trois Bouzous
au lieu de pâturage de saison froide. En 1984, l'Etat, dans l'optique de
résoudre ce conflit est intervenu auprès des deux
communautés, pour favoriser un accord de paix. De 1984 à 1999 le
calme semble ainsi revenu. Cependant, en 2000, un Teda parti à la
recherche de ses chameaux perdus, fut tué et brûlé par des
Bouzous. En 2001, les Teda choqués, vengèrent la mort de ce
dernier en tuant à leur tour, un Bouzou. En 2003, Deux Teda constatant
ce conflit renaissant, allèrent rechercher leurs animaux en confiage
auprès de la communauté Bouzou. Au retour, ils furent tués
par les Malouma, qui emportèrent les 70 dromadaires. Le conflit s'est
ainsi généralisé et les autorités communales
(Tesker) et régionales (Zinder), sont intervenues pour
réconcilier les deux communautés, mais encore une fois sans
succès. En effet, les parents des victimes jurèrent vengeance.
L'un des pères de la victime mena une attaque qui se solda par la mort
de sept Malouma. Pour freiner le désire de vengeance du père de
la seconde victime, l'Etat intervient en créant un forum en 2004 qui se
suit actuellement par une mission au Tchad pour faire revenir le père de
la victime afin de signer un accord définitif de paix le 15 août
2005.
Cette situation de méfiance entre les Teda et les
Touareg a eu pour conséquence de limiter les deux espaces, les Teda
disent ainsi : « si un dromadaire Teda va à l'ouest (emplacement
des Touareg par apport à leur localisation), alors il est perdu à
jamais ». Selon les Teda leur espace se limite à l'ouest, là
où commence celui des Touareg Malouma et au sud là où
commence l'espace Dazza (méfiance à cause des vols). Par contre
dans les autres directions l'espace Teda reste ouvert de part l'alliance qui
les unis avec les communautés Arabes, Azza et Peul.
17.4.2.2. Reglement des conflits
Les conflits entre deux communautés se règlent
majoritairement, entre les comités de sage des deux communautés,
en la présence des chefs de groupement (niveau coutumier). Ce
comité est composé généralement des chefs de
tribus, des sages, des imams5 . Dans le cas où le conflit ne
peut être réglé à ce niveau, il est porté au
niveau de l'autorité administrative locale (le chef de poste et la
gendarmerie). L'adultère, le vol et le crime sont les causes de conflits
les plus traitées à ce niveau. En cas d'accord
5 Chefs religieux musulmans
le chef de poste dresse un procès verbal de
réconciliation où toutes les parties prenantes apposent leurs
signatures. Ce procès verbal s'inspire des lois traditionnelles des
règlements respectifs de chaque communauté.
La gendarmerie veille à l'application effective de cet
accord. Si un consensus n'est pas trouvé l'affaire est portée
devant la justice.
Le conflit intra communautaire (au sein des Toubou Teda) se
règle suivant la gravité de la faute selon un règlement
traditionnel qui régit tous les Teda. Ce règlement date du
premier sultan Teda (Tomogra). Ce dernier constatant le désordre qui
régnait suite à des bagarres avec mort d'hommes, rassembla tous
les sages ou « Yari » des différents clans Teda pour
créer ces lois. L'objectif de ce règlement est de garantir une
paix durable condition sine qua non pour préserver la cohésion
sociale de cette communauté. Actuellement, ces lois sont passées
en revue dès que le besoin se fait sentir par un comité sous la
direction du sultan résidant à Zouar (Tchad). Ce règlement
se compose ainsi:
- Les insultes ou « Kaouli » : si une personne est
traitée de « forgeron ou de
bâtard » (« Fachique ») celle-ci
reçoit un dromadaire d'un an. Si quelqu'un commet un adultère, il
doit donner une chamelle de quatre ou cinq ans. En cas de diffamation, il est
versé la somme de cinq mille francs.
- Les femmes : Si un Teda commet un rapt d'une fille
déjà fiancée ou « Nourou
adibé agno » il est tenu de donner cinq
dromadaires respectivement de un, deux, trois, quatre, cinq ans au
fiancé. En cas de viol d'une jeune fille, il est donné aux
parents une chamelle de quatre ans. Si elle tombe enceinte, il y a en plus
obligation de mariage mais l'enfant appartient au parent de la fille. En cas de
refus du violeur de prendre la fille en mariage celui-ci donne une chamelle de
quatre ans. Dans le cas où la femme demande le divorce, le mari garde sa
dote en dromadaires. Dans le cas contraire, la femme quitte avec sa dote. Si le
doigt majeur de la main gauche d'une femme est imputé, la
première articulation correspond à un dromadaire de cinq ans et
la deuxième un autre de quatre ans. Si c'est la main droite cela
équivaut au même traitement que chez les hommes.
La main gauche de la femme est très importante chez les
Teda. C'est avec cette main qu'elle fait ses toilettes intimes pour mieux
plaire à son mari.
- Loi sur les dromadaires : Si un Teda emprunte un dromadaire de
monture ou
voyage sans la permission du propriétaire quelque soit
la distance, il doit donner un dromadaire de deux ans ou une somme de trente
cinq mille francs. Cela s'appelle en tédaga « Koussour Goni ».
En cas de vol de dromadaire (« Koumouraï ») dans un troupeau et
vendu, il est remboursé contre deux dromadaires du même âge
que celuici. S'il est volé sanglé un dromadaire de deux est
donné en plus des deux autres. Pour la marque du propriétaire,
chaque trait correspond à une chèvre (ayant perdu deux dents)
d'un an. Cela constitue le prix à payer pour le respect de la marque.
Exemple le clan Teda Oboudoya la marque correspond à : l l l V) , il y a
six traits donc six chèvres. Le clan reçoit un nombre
proportionnel de chèvre au nombre de traits qui composent sa marque.
- Le prix du sang ou « Diya » : Une blessure sanglante
ou « Gagaraou »
correspond à un dromadaire de deux ans et un
délai de d'un an d'observation jusqu'à guérison
complète. Si la personne est devenue par la suite handicapée,
elle reçoit un nombre de dromadaires qui varie de quinze, vingt cinq ou
cinquante. Un assassinat d'un Teda par un Teda correspond selon le sexe
à : pour un homme un total de 100 dromadaires est donné à
la famille du défunt dont 50 dromadaires tous sexes confondus et
l'équivalent de 50 autres dromadaires en espèces ou en nature ;
pour l'assassinat d'une femme, il est donné 50 dromadaires dont 25 de
sexes confondus et un équivalent de 25 dromadaires en espèces ou
en nature. Dans les deux cas un dromadaire de cinq ans est donné
à celui qui frappe le tam-tam pour annoncer que la personne s'est
acquittée de la Diya. Le meurtrier est contraint de s'exiler hors du
territoire et ne revient quand sa famille s'est acquittée de la Diya.
Sinon toute participation à toutes les cérémonies au sein
de la communauté augmente le nombre de dromadaires à donner.
L'acceptation de la Diya par la famille du défunt nécessite des
va et vient auprès de tous les parentés influentes de la victime
avec somme symbolique de 100.000 Fcfa à chacun pour les amener à
accepter cette résolution.
Pour les autres membres :
Tableau N°5 : Règlement coutumier
Membres
|
Nombre de dromadaires
|
Une oreille
|
50
|
Le nez
|
50
|
La langue
|
50
|
Les lèvres
|
50
|
Un oeil
|
50
|
Une main ou un bras
|
50
|
Une jambe ou un pied
|
50
|
Le pénis
|
100
|
Un testicule
|
50
|
Un doigt ou un orteil
|
1 /articulation
|
Pour les dents ou « Toummo »: Une incisive perdue
correspond à deux dromadaires de cinq ans, une canine deux dromadaires
d'un an et pour les autres dents chacune équivaut à un dromadaire
d'un an.
Conclusion
Dans l'ensemble du règlement coutumier Teda, la
sanction repose sur un nombre bien précis de têtes de
bétail (dromadaires, caprins) à donner. Cela dénote la
place importante qu'occupent les animaux en particulier les dromadaires dans la
société Toubou Teda. Ce règlement est valable dans
l'ensemble de l'espace Teda. Il a pour objectif de garantir une cohésion
sociale au sein de cette communauté.
II.5. Organisation sociale des ménages et du
campement
II.5.1. Organisation des ménages
La famille de type nucléaire constitue la cellule
économique de base, celle qui gère de façon autonome son
troupeau. Elle est composée du chef de famille, de sa femme et des
enfants. Les filles dès leur bas âge aident la mère aux
travaux domestiques quotidiens tels que l'approvisionnement en eau du puits, la
traite des chamelles, l'abreuvement des petits ruminants et des chamelons, la
cuisine... A partir de sept ans
les garçons peuvent conduire les animaux aux
pâturages aux alentours des campements et souvent accompagnent leurs
parents lors des grands déplacements.
Pendant la saison sèche et chaude, tous les membres de
la famille participent à l'abreuvement du bétail à
l'exception des vieillards. Après le départ en transhumance des
dromadaires, la femme restant au campement et les enfants s'occupent de la
conduite en pâturage et de l'abreuvement des chamelles laitières
et/ou gestantes et des petits ruminants. L'ensemble du troupeau familial est
sous la responsabilité du chef de ménage. Ce troupeau est
composé des animaux du chef de famille et de sa femme.
Le ménage s'agrandit si l'un des fils se marie.
L'acquisition du troupeau de ce dernier est obtenue à la suite du
mariage. En effet, le jeune célibataire ne possède pas d'animaux.
Certes, à sa naissance ou pour sa circoncision divers parents lui font
un cadeau de quelques têtes de bétail mais ceux-ci restent la
propriété de son père et ce dernier en dispose à sa
guise. L'essentiel du premier troupeau du jeune marié provient du cadeau
de mariage. Il demande quelques animaux à son père mais pour le
reste, il part en tournée pour solliciter ses parents et parentes,
maternels et paternels qui sont disséminés dans divers campements
parfois très distants.
D'une manière générale, il existe une
sorte de division du travail dans l'entretien des animaux au sein de la famille
Teda. Chaque membre selon la période de l'année assure une
fonction bien précise.
II.5.2. Disposition des tentes au sein du campement
Il existe deux types de tentes chez les Teda : la tente
familiale et la tente des étrangers et/ou des grands enfants. La tente
familiale (Cf photo N°5 )est construite en natte (achetée
auprès des Azza) et généralement des racines d'Acacia
Radiana. Sa dimension varie avec les saisons. Elle peut atteindre 6m
pendant la saison sèche et chaude pour une meilleure aération et
peut être réduite à 3m pendant la saison des pluies et la
période froide pour protéger certaines nattes de la pluie. Elle
se présente comme une barque renversée orientée sud -
nord. Dans tous les cas la porte d'entrée est orientée vers le
nord, sens contraire à la direction du vent. A l'entrée il y a la
cuisine, à l'extrémité sud on retrouve le magasin et
l'espace compris entre la cuisine et le magasin constitue l'espace à
coucher.
La tente pour les étrangers ou les grands enfants de la
famille, est construite sommairement avec de la paille. Sa construction
nécessite beaucoup de pailles et des branches d'arbres. Son rôle
est d'abriter, les adolescents et les visiteurs.
Ces deux types de tentes sont distants d'environ 15 à 20m.
Chaque tente en natte signifie soit un ménage, soit le logis des
personnes âgées.
Dans les campements Teda, les tentes sont disposées sur
un rayon de 5 à 3km (deux à une cuvette6 et demi)
autour du puits et distantes entre deux chefs de famille de 1 à 2km. A
la question pourquoi cette disposition de ménages ? Les pasteurs
répondent que le fait de s'éloigner du puits est une
stratégie de pâturage. Les alentours du puits sont
dépourvus en pâturage du fait de la pression des animaux qui
viennent s'abreuver. Ceci entraîne l'éloignement des animaux du
campement pour le pâturage. Le fait de rester loin du puits est une
stratégie d'être plus proche du lieu de pâturage habituel
des animaux. L'emplacement des tentes répond également à
un souci de mieux surveiller les animaux.
Pourtant une autre raison est sous entendue, la distance entre
les ménages (entre les chefs de familles) permet de renforcer la
cohésion sociale en évitant toute sorte de conflits sociaux. En
effet, selon KAMIL H., 2005 : « pour rapprocher les coeurs, il faut
éloigner les tentes ». Cette distance permet de plus
d'éviter les combats des dromadaires mâles en ruth.
D'une manière générale, c'est une
conjonction de facteurs qui explique cette distance entre les tentes dont le
plus important est la gestion et la préservation de pâturage. .
Cette disposition des habitats n'est pas définitive.
Elle change en fonction non seulement du pâturage, mais aussi des
saisons. En effet, pendant la saison sèche et chaude les tentes sont
installées au sommet des dunes, pour se retrouver dans les cuvettes
pendant la saison sèche et froide. Dans certains cas le changement
d'emplacement peut aussi intervenir si l'endroit devient sale.
6 Chez les Toubou Teda, la distance se mesure en terme
de cuvette. Elle équivaut environ à 3km.
Photo N°5 : Tente familiale Teda
II.5.3. Evolution du campement
La création d'un campement s'organise autour d'un
puits. L'importance du campement dépend du débit du puits. Un
puits cimenté, généralement construit par l'Etat,
entraîne la création d'un gros campement (Sidinga, Termit
Dolé...). Les puits traditionnels quant à eux s'accompagnent d'un
petit nombre de tentes (petits campements) comme par exemple Baboulwa, Forami,
Dibidé... Les puits de types traditionnels possèdent un
débit réduit et doivent être reconstruits tous les sept
mois ainsi que désensablés et consolidés une fois toutes
les deux semaines. Ce type de campement est composé
généralement d'une même famille. En effet, à la base
ce sont des frères qui foncent leur puits pour un souci
d'indépendance en eau d'abreuvement. Tous les campements évoluent
durant l'année. Cette évolution dépend de plusieurs
paramètres. Lorsqu'un campement connaît un problème d'eau,
il arrive que certains habitants quittent définitivement l'endroit pour
s'installer dans un autre campement pourvu d'un puits à bon
débit. Le manque de pâturage saisonnier ou non entraîne une
migration temporaire ou définitive des pasteurs vers des zones plus
riches en pâturage. Les déplacements définitifs se font
toujours au sein de la communauté Teda, d'un puits Teda à un
autre puits Teda.
L'admission d'une famille au sein d'un campement se fait sur
accord du chef de campement (Maïgari) et du comité des sages.
Généralement ces derniers acceptent l'installation sans trop de
difficultés. Cependant, il existe un droit d'exclusion du campement en
cas de fautes graves. Les autres communautés lors d'une installation
temporaire, se présentent au chef du campement. Ce dernier avant de
donner son accord fait vérifier l'état de santé du
troupeau par un membre du campement d'accueil. Dans le cas où les
bêtes sont porteuses d'une pathologie, le pasteur peut se voir refuser la
permission de séjourner. Cependant, le plus souvent, un accord est
établi permettant au berger d'abreuver et de faire paître ses
animaux de façon isoler. Pour éviter le risque de transmission
par l'eau, les abreuvoirs utilisés par ces bergers étrangers sont
désinfectés avec du savon.
Pour le cas de Sidinga, le campement a évolué
passant de dix familles à plus de soixante familles, de 2000 à
nos jours. Cette évolution est notamment due à la
réfection du puits traditionnel en un puits cimenté,
effectuée grâce au Projet de Gestion des Ressources Naturelles
(PGRN), en 2001. Cette année, durant le mois de juin 2005 plus de 25
familles sont venues du nord (Dibidé, Kenkedi, Daounga...) pour des
raisons de pâturage. Cela montre que Sidinga est devenu cette
année une zone de repli pour les populations du Nord. La cohabitation
s'est faite sans aucun problème.
Conclusion :
Un campement selon sa position géographique peut
connaître un accroissement de son effectif suite à la venue
d'autres pasteurs pour des raisons de pâturage. C'est surtout pendant la
saison des pluies que ce phénomène s'observe. La présence
d'un puits à bon débit peut également expliquer ce
phénomène pendant la saison sèche et chaude. La
mobilité des ménages autour du puits répond d'une part
à une stratégie des pâturages et de gestion d'espace et
d'autre part pour éviter toute forme de conflit social entre les
ménages.
.
III. Troisième partie : Réflexions autour
de la
décentralisation et la gestion des
ressources
« L'objectif n'est pas de construire des murs, mais de
tenter de construire des ponts » - Jacques Chabert, entretien, juin
2005
III.1. Eléments de la décentralisation et
appréciations
La relance du processus de reforme dont celle de la
décentralisation au Niger date de la conférence nationale (29
juillet -03 novembre 1991). Mais c'est véritablement sous la
troisième République (1993-1996) que ce processus de la
décentralisation va s'exprimer. C'est ainsi que seront crées un
Ministère chargé de la réforme administrative (1993), une
commission spéciale chargée de réfléchir du
découpage administratif (Arrêté n°10/ MRA/D du 16 mai
19947) et un haut commissariat à la réforme
administrative et à la décentralisation (Décret
n°95-132 du 15 août 1995). Les accords de paix avec les fronts de la
rébellion (1995) et la pression des bailleurs de fonds ont
été des facteurs importants et accélérateurs dans
ce processus.
Le premier schéma de 1998(loi 98-29, 98-30, 98-31 du 14
septembre 1998) a crée 73 communes (42 urbaines dont 21
déjà existantes et 31 rurales), 36 départements (anciens
arrondissements) et 7 régions (anciens départements). Les anciens
chefs lieux d'arrondissements sont érigés en communes urbaines et
les postes administratifs en communes rurales.
Après une transition militaire de neuf mois (1999) qui
a consacré l'avènement de la 5ème république
(2000), le schéma de 1998 est retenu et en plus il a été
adopté le principe de la communalisation des cantons et de certains
groupements. Deux importantes lois ont été votées pour
encadrer la mise en oeuvre de la décentralisation et le transfert des
compétences aux nouvelles collectivités. Il s'agit des lois
2002/012 du 11juin 2002 et 2002/013 du 11 juin2002.
Les Etats, les organisations et les individus transforment les
espaces et « produisent »
des territoires. Historiquement, l'Etat
est sans cesse en train d'organiser le territoire
national, à travers
de nouveaux découpages, de nouvelles liaisons et de nouvelles
7 Celle-ci en 19986 avait proposé 14
régions, 55 départements, 155 arrondissements, 774 communes dont
156 urbaines et 618 rurales.
frontières. La décentralisation au Niger est
ainsi un processus définissant de nouveaux espaces. La
délimitation territoriale informe d'une part sur le pouvoir qui l'a mise
en place et d'autre part sur les intentions de ce même pouvoir. La
création des limites administratives notamment dans le cadre de la
décentralisation crée ou détruit souvent des cadres de vie
sans qu'une intention consciente ait présidé à ces
créations. « La frontière conditionne les systèmes de
relations et par conséquent les territorialités humaines »
(Raffestin, 1992 : 163). L'Etat garde le privilège de déterminer
la taille et les limites territoriales des nouvelles collectivités
locales décentralisées, ce qui s'avère
particulièrement difficile dans des contextes pastoraux où
l'occupation de l'espace par les communautés est fluctuante et où
les aires de parcours se chevauchent. On peut ainsi s'interroger sur
l'orientation que va prendre la décentralisation au Niger face aux
communautés pastorales. Nos réflexions portent plus
particulièrement sur la nouvelle commune rurale de Tesker.
III.1.1. La nouvelle commune de Tesker
Le Niger s'est engagé depuis plus d'une décennie
dans un processus de décentralisation politique et économique et
de régionalisation. Cette politique mise en oeuvre par l'Etat vise
à donner aux collectivités territoriales de base, une certaine
autonomie leur permettant de définir les normes de leurs actions et de
choisir les modalités de leurs interventions. Ces collectivités
comprennent les régions, les départements, les communes urbaines
et rurales. Chaque échelon est une collectivité à part
entière disposant d'une instance de décision élue
chargée de la gestion des affaires locales. Au niveau de la commune
rurale, l'instance de décision est le conseil communal (ou conseil
municipal). Ce dernier est composé par les conseillés élus
compris dans la sphère du territoire communal appartenant aux
différents partis politiques. Tesker compte onze conseillers issus des
élections locales de 2004.
III.1.1.1. Le rôle du maire et des
conseillers
Dans la commune de Tesker, la gestion de cet espace implique
des niveaux différents, à savoir d'une part les territoires des
différentes communautés et, d'autre part, leur ensemble qui
compose désormais un espace commun. La mission du conseil communal (le
maire et dix conseillers) revient alors à harmoniser le
développement au niveau de la commune en articulant d'une manière
cohérente les pratiques et logique d'action de l'ensemble des
communautés pour asseoir une gestion commune de
l'espace pour un développement économique et
social acceptable. Le maire jouit d'une double légitimité, il est
reconnu par l'Etat et en même tant le représentant de la
population. Il est responsable du développement de son entité
administrative. Il doit être impartial dans le choix des actions à
mener dans les différentes zones de sa commune. Le maire se
présente comme un nouvel acteur sur la scène communale, pour une
meilleure efficacité d'action il doit être en collaboration avec
les structures traditionnelles préexistantes (chef des groupements, chef
des tribus, les conseils des sages, les leaders d'opinion...) mieux, il part
à leur rencontre en initiant des visites auprès des campements
pour recueillir leurs avis.
III.1.1.2. Rôle du chef de poste
Le chef de poste est le représentant de l'Etat. Son
principal rôle est de garantir la quiétude au sein de la commune.
Il veille à l'ordre public. En effet, le chef de poste intervient dans
la gestion des conflits. Ces confits traitent le plus souvent de
problèmes d'héritage, des divorces (ce sont les femmes qui
demandent généralement le divorce), les bagarres, les
adultères, les meurtres et les vols (très fréquents).
Quand un conflit éclate, s'il n'est pas réglé au niveau
familial ou des campements, le chef de poste, réunit les familles
concernées en passant par leurs chefs de tribus, leurs chefs de
groupement respectifs et l'Iman pour le régler. Au bout de ce
règlement, un procès verbal de conciliation tenant compte de
règlement coutumier, est établi. Dans le cas où il n'y a
pas eu d'entente, ce qui est peu fréquent, l'affaire est portée
devant l'autorité judiciaire via la gendarmerie.
Les forces publiques demeurent sous la responsabilité
du chef de poste. Il a aussi à sa charge l'encadrement du maire sur le
fonctionnement de la décentralisation. Le chef de poste doit veiller
à ce que les actions rentrent dans la logique de l'Etat de
droit8.
III.1.1.3. Financement de la commune
La commune de Tesker est composée d'une population
typiquement pastorale et majoritairement analphabète. Leur conception et
« vision » de l'Etat se résument à l'impôt et la
force militaire. En effet, l'Etat semble peu présent dans l'ensemble de
la zone. Cette absence se remarque à travers le seul et unique centre de
soin basé à Tesker situé à plusieurs heures, voire
à plusieurs jours de dromadaire des différentes
localités.
8 Tel qu'il est écrit dans les textes de lois
du Niger
Dans les zones septentrionales, il n'a été
créé qu'une seule école datant des années 1980
à Bornaye et récemment en 2002, deux nouvelles créations
à Sidinga et Kassatchia. La zone parait « oubliée ».
L'effectif de la population n'est jusqu'à présent pas connu
puisque la zone n'a jamais fait l'objet d'un recensement. Cette population ne
semble pas comprendre (voir averti) la décentralisation. Lors de nos
entretiens en juin 2005, les pasteurs assimilent la décentralisation
à la taxe annuelle imposée par la mairie pour chaque puits. Cette
taxe est appelée « argent du maire ». Certains pasteurs
menacent de ne pas la payer car ils ne comprennent pas son fondement et son
utilité. Cette méconnaissance du processus de la
décentralisation suscite déjà un probable conflit entre le
maire et les communautés.
Les élus locaux doivent entreprendre une vaste campagne de
sensibilisation pour expliquer à la population le fonctionnement de la
décentralisation.
Les réalisations communales nécessitent des
moyens financiers. Lors de notre entretien avec le nouveau maire, il nous a
évoqué quelques projets qu'il entend réaliser durant son
mandat afin de « remplir » les caisses actuellement peu fournies.
Ainsi sur les points d'eau, une taxe annuelle est établie par typologie
des puits. C'est ainsi que tous les puits traditionnels au nombre de 200 sont
taxés à 35.000Fcfa/an/puits, les 100 puits cimentés
50.000Fcfa et les 5 forages (Tesker, Aborak, Tidjira, Téheram et
Zabétan) 500.000Fcfa. La taxe communale a été revue
à la baisse passant de 800F cfa par personne imposable à 700F
cfa. Cette réduction est du au fait qu'à Tesker la taxe du fonds
régional de l'eau de 100F n'est pas perçue.
En 2004, il y a 9871 personnes imposables dans la commune de
Tesker. Cet effectif ne reflète pas la réalité, puisque la
liste est entachée de beaucoup d'irrégularité.
Pour faciliter l'échange, il sera créé un
marché à Aborak, le premier marché de la commune.
Dans le cadre du Fonds PPTE (pays pauvres très
endettés) à travers le programme spécial du
Président, la commune va bénéficier de dix puits
cimentés qui seront repartis dans l'ensemble de la zone. En 2004, l'Etat
nigérien a signé un accord de 10 ans de chasse pour les biches et
outardes avec les Emirats Arabe et la Libye, concernant la zone de Tesker. Le
maire essaye de créer un partenariat pour que la population profite de
cet accord. Il entreprend de plus, un projet de jumelage de sa commune avec des
communes au Niger et en Europe. L'intercommunalité avec les communes
voisines pourrait jouer un rôle d'information et de régulation
concertée et
négociée concernant les grands mouvements de
transhumance, notamment les mauvaises années. Elle pourrait
également exercer un rôle de partage équitable des
ressources fiscales autour des grands marchés à bétail
(marché de la commune de Kazoé).
III.1.1.4. Piste d'amélioration
A travers notre connaissance de la zone nous allons essayer de
faire des recommandations qui peuvent à notre avis, contribuer à
une décentralisation « réussie ».
Les réalisations à faire doivent prendre en
compte les besoins réels des communautés pour qu'elles puissent
en retour jouer pleinement leurs rôles dans ce nouveau système.
Ces besoins sont en rapport avec les différentes contraintes
liées à leur activité principale qu'est l'élevage.
Dans l'ensemble, la zone souffre d'une inégale répartition des
points d'eau d'abreuvement (puits cimentés et forages). Les forages sont
concentrés au sud ouest de la commune au détriment du nord qui
concentre le plus grand nombre d'animaux et où l'on trouve le plus grand
nombre de puits traditionnels. Pendant la saison sèche et chaude
l'abreuvement devient pénible pour les communautés vivant dans
cette partie de la commune. Pour atténuer le problème, la
création de trois forages à Boulakaw, Dougoulé et Kenkedi
serait importante et équipés les campements stratégiques
des puits cimentés. La construction de ces différents points
d'eau devra être incontestablement accompagnée
financièrement par la population bénéficiaire afin de
s'assurer d'une bonne gestion de ces points d'eau. Les animaux de la zone
souffrent des maladies, telles la fièvre aphteuse, le charbon
symptomatique, les vers intestinaux, la pasteurellose, la gale, etc. qui
peuvent parfois entraîner la mort d'animaux. Les autorités
communales doivent ainsi penser à trouver une solution à ce
problème de santé animale, par notamment l'établissement
de centres vétérinaires stratégiquement localisés
afin d'assurer à la population demandeuse un accès aux soins et
produits. La mise en place de ces centres peut être accompagnée de
formation afin de vulgariser dans un grand nombre de campements les techniques
de soin rapides et la reconnaissance précoce de maladies.
La mobilité pastorale est imposée par le
caractère variable et aléatoire des conditions
naturelles face
auquel le pasteur doit s'adapter en permanence. Elle est la condition
de
survie et de développement de l'élevage extensif au Sahel
et en particulier dans la
commune de Tesker. Toutes les formes d'organisation politiques
et administratives, anciennes ou modernes, préétatiques ou
étatiques ont été bon gré malgré d'en tenir
compte. La décentralisation à son tour ne peut pas
échapper à cette constante. Bien plus, se définissant elle
même comme une administration de proximité, la logique voudrait
qu'elle soit encore plus attentive et ouvertes que les
précédentes de façon à ce que les
déplacements et les transhumances se déroulent dans les
meilleures conditions. Et comme beaucoup de mouvements des pasteurs de Tesker
sont transcommunaux surtout en année de déficit fourrager, c'est
dans un cadre largement intercommunal que ces problèmes devront
être posés et solutionnés. La commune de Tesker doit
adapter son dispositif à la mobilité pastorale. Il serait
préjudiciable de tenter de taxer les transhumants, le pacage des
troupeaux étrangers, les caravaniers au risque du mécontentement
de la population.
Un des autres problèmes fréquents dans la zone
reste le vol de bétail qui débouche le plus souvent sur des
conflits meurtriers qui mettent en mal la cohésion sociale. Il semble
alors pertinent de placer ce point dans les priorités à
gérer, la cohésion sociale étant l'une des bases
indispensables à une bonne décentralisation. Ce problème
majeur peut être jugulé par la création d'une force
communale composée de membres appartenant à toutes les
communautés présentes dans la commune. La maîtrise du
terrain, la connaissance des règlements particuliers à chaque
communauté et la confiance des différents membres par leur
communauté respective peut ainsi permettre une efficacité
d'action.
Certaines zones, comme nous l'avons soulignée
précédemment, sont localisés très loin des zones
d'échanges commerciaux. L'ensemble de la zone doit être
équipée des marchés de proximité, par exemple, il
parait stratégique de créer un marché à Sidinga,
à Boulakaw, Dougoulé qui sont localisés à
égale distance de zones très isolées. Ces marchés
(hebdomadaires) doivent jouer le double rôle, de lieu de vente de
bétail (très enrichissant pour la commune : taxe sur
bétail vendu) et de lieu de vente de produit de base.
Dans le but, d'une meilleure diffusion des difficultés
rencontrées par les éleveurs,
ainsi que la diffusion de
nouvelle technique d'élevage ou autres points essentiels pour
le bon
développement de cette activité dans la zone, il parait
intéressant d'encourager
les éleveurs à intégrer des associations
d'éleveurs (AREN, FNEN DADDO,...) déjà
présentes.
Le développement d'une filière lait par la
création de coopératives peut être une solution au
développement économique de la zone. L'excèdent de lait ne
fait pas l'objet de vente dans l'ensemble de la zone.
Afin de s'assurer d'une meilleure conservation de
l'écosystème fragile de la zone, la commune doit inciter la
population à pratiquer la reforestation. Le développement de
cultures potagères peut permettre d'introduire parallèlement
cette activité. Le triple avantage de ce système, est de
permettre à la population d'avoir une alimentation plus variée,
de bénéficier d'un revenu complémentaire (vente fruits et
légumes) et de s'assurer un apport en bois suffisant.
Toutes ces recommandations permettront à la nouvelle
commune d'une part de mobiliser stratégiquement et équitablement
des ressources financières indispensables à son fonctionnement et
d'autre part de réduire les contraintes de la population.
III.2. La gestion du foncier dans le cadre de la
décentralisation
au Niger
Dans le contexte de la décentralisation, le Niger est
en train de clarifier sa législation foncière et celle des droits
d'accès aux ressources. En 1993, le Niger a adopté le Code Rural
qui traite de façon explicite de l'attribution des terres dans le cadre
de la notion de « terroir d'attache » ainsi que l'identification et
la délimitation des pistes du bétail. Ces textes apportent aussi
une plus grande reconnaissance des institutions foncières
coutumières et des pratiques locales d'utilisation des terres, ainsi que
la contribution importante du secteur élevage aux économies
nationales et locales « Comme le foncier agricole repose sur le fond
(la parcelle), le foncier pastoral repose sur les règles d'accès,
le tout c'est de ne pas tout mélanger ! » (Jacques Chabert,
entretien juillet 2005). La mobilité est clairement reconnue, tout comme
la nécessité pour les éleveurs de jouir d'une
sécurité foncière dans leur puits d'attache, il y a par
ailleurs, une reconnaissance partielle des principes d'accès de tierces
parties. Néanmoins, le degré avec lequel les pasteurs et
agro-pasteurs sont informés des opportunités et des risques
qu'offrent ces processus, est moins évident. A Tesker, les
communautés n'ont pas connaissance de l'existence d'un
Secrétariat Permanent du
code rural à plus forte raison les textes existants. Le
défi auquel font face actuellement les groupes pastoraux et
agro-pastoraux est de dialoguer avec l'Etat pour faire en sorte que les lois
existantes ou proposées soient adaptées à leur besoins,
transcrites en langue nationale et de s'assurer qu'ils jouent un rôle
central dans ce processus. Pour ce faire, on n'insistera jamais assez sur la
nécessité de disposer d'une société civile
pastorale et agro-pastorale, solide, active et représentative. Il est
essentiel que les pasteurs eux-mêmes aient le pouvoir légal de
jouer un rôle déterminant dans l'identification et la mise en
oeuvre des politiques. Cette reconnaissance faite par le monde pastoral permet
en effet de légitimer les lois et de les rendre applicables.
La question de savoir qui devrait se charger de la gestion des
parcours pastoraux a été la préoccupation des politiques
d'aménagement des terres arides en Afrique, depuis que les pouvoirs
coloniaux et les gouvernements post-coloniaux ont privé les groupes
pastoraux du droit de gérer leurs ressources naturelles. Le Niger tente
ainsi de clarifier des droits de jouissance et d'accès aux ressources
naturelles dans le cadre plus large des politiques de décentralisation.
Ce processus tente ainsi d'être élargi dans le but de clarifier
les droits de jouissance et d'accès aux ressources pastorales en
particulier à travers l'élaboration futur d'un code pastoral. De
tel travaux mettent en évidence que le foncier pastoral concerne un
espace particulier qui peut être défini comme une «
étendue socialisée » (Pourtier, 1986) ou encore comme un
espace fluide, « la fluidité définit la modalité
des espaces à faible charge humaine : mouvants, instables, sans points
fixes durablement ancrés dans la matière des lieux. Cela rend
particulièrement difficile la saisie du « foncier ». Ces
espaces fluides n'excluent cependant pas une cohérence des pratiques
foncières ; au contraire, elles en résultent, ainsi qu'en
témoigne l'analyse des relations que les hommes établissent avec
l'étendue qui les environne et dont l'appropriation à la fois
matérielle et mentale lui confère le statut d'espace »
(Ibid. :11, cité par BOURD S., TIERS S., 2004).
Il est ainsi nécessaire d'aborder le foncier pastoral
en fonction de deux exigences fondamentales. La première consiste
à considérer les droits fonciers pastoraux dans une perspective
de pluralisme juridique. Ils supposent une pluralité de droits (ou
maîtrise foncière) sur une pluralité d'espaces qui peuvent
être des lieux ou des zonages déterminés par des
itinéraires ou des parcours traditionnels ou reconnus
coutumièrement « c'est l'enchaînement de ces droits sur
des ressources au moins
autant que sur les espaces qui assure la
sécurité foncière du producteur » (André
Bourgeot, 1999). Dan notre zone d'étude la règle d'accès
au puits de saison sèche se résume à la
réciprocité, le bon voisinage et le lien de parenté.
L'accès au pâturage est libre mais en saison sèche et
chaude, l'accès au puits conditionne celui du pâturage.
La seconde consiste à reconnaître que c'est
l'opportunité qui conduit l'activité pastorale, donc que toutes
les solutions doivent s'inscrire dans un système ouvert, fluide et
dynamique. De ce fait, le droit foncier pastoral doit se limiter à
énoncer quelques principes généraux valorisant les
exigences de précaution et de durabilité, doublés d'un
cadre juridique définissant les forums de règlement des conflits,
les règles de procédures et les conditions d'exécution des
décisions. Toutes ces recommandations ont été approfondies
dans l'ouvrage sur la sécurisation foncière en Afrique
(Le Roy et al, 1996). Au niveau de notre commune d'étude toutes les
décisions doivent tenir compte des pratiques coutumières
existantes.
III.2.1. La Commission Foncière
communale(COFOCOM)
Au Niger, la COFO (Commission Foncière),
démembrement du code rural s'est vu attribuer le rôle de
sécuriser le foncier et prévenir les conflits civils ruraux. La
COFO représentera le code rural dans le cadre de la
décentralisation. Elle sera représentée dans toutes les
entités administratives de la région au village, coiffées
par le Secrétariat Permanent sur le plan national.
La COFO se constitue au niveau communal d'un président
représenté par le maire, d'un service technique, un
secrétaire permanent, de représentants de la population. Le
service technique ainsi que le secrétaire permanent permettent ainsi
d'assurer des orientations sur la gestion du foncier en accord avec la loi et
loin d'éventuels partis pris. La COFOCOM (Commission Foncière
Communale) se compose ainsi du droit moderne à travers le maire,
secrétaire permanent et service technique, du droit coutumier et
islamique à travers la chefferie traditionnelle (chef de groupement) et
leader d'opinion présents au sein de la société civil.
Son rôle est ainsi aider la commune à mettre en
place un schéma d'aménagement communal approprié au
contexte de la zone et de véhiculer « l'esprit de la loi ».
Son rôle se limite à un rôle d'arbitrage (pas de jugement).
Elle peut être cependant prise en partie par le juge pour donner son
avis. Avant toute utilisation d'une cuvette pour la
construction d'un puits par une communauté, celle-ci
doit ainsi demander l'aval de la COFO, lors d'une réunion regroupant les
chefs de regroupement concernés, les chefs de tribus et les demandeurs.
Cet accord respectera le droit coutumier, le droit Islamique et le droit
moderne.
III.2.2. Les difficultés foncières
La commune de Tesker doit ainsi faire face à de
nombreux problèmes récurrents dans les zones pastorales, tels les
champs pièges9, les puits privés, limitant les espaces
de pâturage et la circulation libre des troupeaux avec risques
d'appropriation d'espaces pastoraux. En effet, il est constaté dans la
zone de repli, une augmentation des parcelles cultivées dans les fonts
de cuvettes fertiles, tant par les pasteurs eux-mêmes que par la
montée d'agriculteurs (agro- pasteurs). La présence de puits
privés entraînant avec elle la privatisation des pâturages
environnant, est de même un problème d'une importance majeure
auquel va devoir se confronter la future COFOM de Tesker. Il semble
inévitable aujourd'hui de trouver une solution à ces
évolutions afin d'éviter de graves conflits pouvant se
révéler dramatique.
9 C'est un champ qui bloque ou limite l'accès
par les animaux aux ressources pastorales (eau et ou pâturage).
Conclusion
Le pastoralisme est ainsi basé sur les ressources,
l'accès aux ressources et l'information.
L'étude que nous avons menée sur le pastoralisme
et l'organisation spatiale au Niger oriental, nous a permis de mettre en
évidence plusieurs espaces imbriqués les uns dans les autres dont
la fluidité dépend soit des alliances (réciprocité,
bon voisinage, liens sociaux, mariages...), soit des conditions climatiques
(bon pâturage). L'espace d'une communauté peut être
fermé à une autre si celles-ci sont en conflit. Mais
aussitôt que la paix est retrouvée ces espaces deviennent des
espaces ouverts. L'accès aux ressources est régit par le droit de
priorité d'usage, mais sans refus de partage avec les autres. Pour
reprendre le propos d'un sage Teda « Nous sommes des pasteurs, nous avons
la même activité et de plus nous sommes musulmans, il nous est
recommandé de partager tout ce que l'on a avec les autres, pourvu qu'il
soit musulman ! ».
A travers l'historique du peuplement, nous avons pu comprendre
l'origine de la disposition actuelle des communautés présentes
dans la zone. L'historique de la chefferie nous a permis de mettre en
évidence l'organisation politique des Toubou Teda faisant
apparaître un espace symbolique fort avec des haut-lieux.
Les marques imposées sur les troupeaux renseignent sur
l'organisation clanique et audelà, de leur « espace d'influence
» au Niger et pays voisins. L'emprunt des marques traduit le poids du
pouvoir politique des Teda au sein de toutes les communautés.
Les conflits informent sur les limites « temporaires
» que connaît l'espace Teda et sur une partie de leur « espace
social » à travers le règlement coutumier. La
compréhension de la mobilité marque un espace saisonnier mouvant
et variable suivant les alliances et composition du pâturage. Elle
s'accompagne d'échanges économiques, du renforcement des liens
sociaux et d'échange d'information. L'information se
révèle une base indispensable au maintien de leurs
activités.
Cette superposition d'espace révèle toute sa
complexité notamment au travers la mise en place de la
décentralisation. En effet, cet espace aux frontières floues et
changeantes, doit désormais s'insérer dans un nouvel espace
administratif. Le foncier pastoral, sujet à de grandes controverses, est
de même un point important à résoudre pour assurer une
décentralisation « réussie».
Dans l'ensemble de l'étude nous arrivons à la
conclusion selon laquelle l'animal est le médiateur de l'homme. Tout se
décide et s'exécute autour de l'animal. L'animal est ainsi l'un
des fondements majeurs de l'espace pastoral.
Projet de thèse
Dans le cadre de nos travaux de thèse, nous nous
proposons d'approfondir nos analyses sur le thème suivant : pastoralisme
et organisation de l'espace dans la zone pastorale de la région de
Zinder (les communes de Tesker et de Tanout).
1) Le contexte de la recherche
Le Niger est situé dans la zone sahélienne
d'Afrique, il couvre une superficie de
1.267 000 Km2 occupée par 10 790 352
habitants (RGP/H, 2001). Son économie repose essentiellement sur
l'agriculture et l'élevage pratiqués principalement en milieu
rural. Toutefois, ces activités sont fortement tributaires du climat
Sahélien qui se caractérise par une irrégularité et
une inégale répartition des pluies dans le temps et l'espace.
Dans ce contexte de conditions climatiques très aléatoires, les
pasteurs nigériens ont adopté la mobilité comme un moyen
de pérennisation et de développement de l'élevage. Ainsi,
malgré les contraintes naturelles l'élevage a eu un essor
remarquable. En effet, sa contribution au PIB du Niger est passée de
67,71 milliards de FCFA en 1992 à 108,437 milliards de FCFA en 1998
(Document de relance sur le secteur de l'élevage MRA, 2001). Le secteur
de l'élevage représente environ 35% du PIB agricole, toutefois,
les produits de l'élevage constituent 70% des exportations soit
près du double des produits agricoles. Ainsi, les produits de
l'élevage occupent aujourd'hui le second rang des principaux produits
nationaux exportés juste après l'uranium.
Le secteur de l'élevage était essentiellement
géré par des structures traditionnelles de pasteurs. Mais, depuis
Juillet 2004, une nouvelle organisation du milieu rural a été
mise en place avec la création de nouvelles instances de prise de
décision par la politique de décentralisation. Dans ce nouveau
contexte de juxtaposition des structures deux grandes questions auxquelles nous
tenterons d'apporter des réponses restent posées : (i) quel
rôle joueront les pasteurs dans les nouvelles instances de prise de
décisions, et sur la recomposition de l'unité territoriale tant
sur le plan politique et social que sur le plan de l'organisation spatiale ?
(ii) quelles sont la validité et la pertinence des concepts
géographiques utilisés par les projets de développement et
les autorités nigériennes pour caractériser les
systèmes pastoraux autour notamment de la rénovation du code
rural et de l'élaboration du code pastoral dans le processus de la
décentralisation ?
Nous proposons donc au cours de ce travail de thèse de
nous intéresser plus particulièrement aux communautés
pastorales de la région de Zinder. En effet, la zone de Zinder abritait
d'importantes structures traditionnelles pastorales avec une grande
diversité de communautés pastorales allant des Touarègues,
des Peuls, des Arabes aux Toubous Dazza en passant par les Toubou Teda
éleveurs des dromadaires. Par ailleurs, Zinder est une des
régions du Niger qui abrite une très grande partie de la
population et où cohabitent des pasteurs et des agriculteurs.
2) Présentation de la zone
d'étude
Notre zone d'étude est la région de Zinder en
particulier les communes situées dans la zone pastorale du Niger comme
définie par la loi n°61/005 du 26 mai 1961. Cette loi a fixé
la limite nord de culture au 15ème parallèle. Il
s'agit des communes rurales de Tanout et de Tesker. La particularité de
cette zone est qu'elle est enclavée, et se caractérise par la
raréfaction des ressources naturelles avec une saison des pluies
très courte (deux mois) et des précipitations moyennes
n'atteignent jamais 250 mm/an. Ce-ci rend très difficile
l'élevage qui constitue la principale activité de la population.
Cette zone abrite au total six communautés pastorales : les Toubou Teda,
Les Toubous Dazza, les Toubou Azza, les Peuls, les Touarègues et les
Arabes. Toutes ces communautés vivent essentiellement de
l'élevage des bovins, des dromadaires, des ovins et des caprins.
3) Les objectifs Ce projet de thèse a
pour objectif :
> de faire une typologie des différentes
organisations socio-spatiales (traditionnelles et administratives)
rencontrées dans la région de Zinder, les confronter et les
analyser.
> de définir les concepts géographiques
liés au pastoralisme et validés par les pasteurs de notre zone
d'étude.
> de proposer une lecture socio-spatiale en mettant en
évidence les différences entre les sociétés
pastorales et les relations qu'elles entretiennent entre elles et avec les
autres sociétés notamment agropastorales et agricoles
> de faire ressortir les différentes stratégies
d'occupation de l'espace et leur dynamique actuelle
> de mettre en évidence les nouveaux enjeux du foncier
pastoral dus à la décentralisation (les problèmes et les
contraintes).
4) Les hypothèses de travail
Pour mieux aborder notre étude nous avons
élaboré quelques hypothèses :
? L'espace pastoral est l'ensemble des lieux
ressources reliés par le terrain de parcours où s'exprime le
droit foncier du pasteur
? L'espace pastoral est un espace défini
et viabilisé par des règles d'accès et un réseau
d'informations dense et continu
? Le territoire d'une communauté
pastorale se définit au travers un ensemble de sous territoires qui se
transforment au cours de l'année et de l'histoire
? Le territoire d'une communauté
pastorale est ouvert aux autres communautés pastorales régit par
le principe d'alliance
? Les unités pastorales émergentes
peuvent être un cadre viable pour le développement
intégré des sociétés et l'épanouissement de
l'économie pastorale
? Le processus de la décentralisation
va accélérer la restriction de l'espace pastoral à travers
la limitation de la mobilité pastorale d'une part et de l'autre avec
l'émergence d'une nouvelle classe des éleveurs
commerçants
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Guide d'entretien
Comment est organisé l'espace chez les pasteurs au sein du
puits de saison sèche ? Quelle est la marque territoriale chez les
pasteurs ?
Transhumance
Quels sont les différents types de transhumance.
Quels sont les paramètres de la transhumance ?
Quelles sont les dates de départ et de retour de la
transhumance et pourquoi ?
Quelle sont les pratiques pendant la transhumance (au niveau de
l'abreuvement et du pâturage) ?
Quelle est la relation avec le site d'attache (approvisionnement)
?
Lors de la transhumance qui reste au campement (hommes et
animaux) et comment s'organisent-ils (au niveau du pâturage et de
l'abreuvement) ?
Quels sont les noms des centres d'accueil ? Pourquoi ceux
là et pas d'autres ? Existe t-il des conflits lors de la transhumance ?
Quels en sont les motifs ?
Quelles sont les communautés présentent sur les
zones d'accueil des transhumants ? Quels types de relation entretiennent-ils
entre eux ? Quels sont les paramètres qui entraînent le changement
d'un centre d'accueil ?
Le parcours de la transhumance est-il adapté ?
Quelles sont les espèces appétées par les
animaux au centre d'accueil et au campement ? Y-a-t-il eu des années
sans mobilité et comment les pasteurs l'ont vécu ?
Point d'eau
A qui appartient le point d'eau ? Comment est-il
géré ? Quelle est l'importance du puits ? Comment se fait le
partage du puits avec les autres communautés allochtones ?
Campement
Qui dirige le campement ? Qui détient la
réalité du pouvoir ? Quelle est l'évolution du campement ?
Qui vient et qui quitte et pourquoi ? Pourquoi les ménages sont
disposés en une sorte de cercle autour du puits ? Une tente est-elle un
ménage ? Il y a combien de ménages à Sidinga ? Cette
disposition est -elle définitive ? Pourquoi ?
Echanges
Quels sont les marchés fréquentés et
pourquoi ? Quels sont les différents types de transactions hors
marché et comment se font elles ? Quels sont les autres lieux
fréquentés et pourquoi ?
Relations sociales
Quels sont les différents types d'alliance ? Avec quelle
communauté l'entretient-elle ? Avec quelles communautés ont les
Teda les rapports de réciprocité ? Existe-t-il des conflits ?
Quels sont les motifs ? Comment sont-ils réglés ?
Echange d'information
Comment circule l'information. A quoi sert l'information. Quelle
sont les sources d'information (marchés, familles, voyage,
éclaireurs ou autres)