Pierre Gancel.
Sociologie Politique dans les Pays du Sud. Mme Céline
Thiriot
2012
La radio au Mali:
Comment un média traditionnel a permis le
développement d'une démocratie nouvelle ?
Sommaire :
I. La radio est un media particulierement adapte pour
promouvoir l'education et donc la politisation de la societe
malienne.
A/ La radio est un outil de développement qui convient
aux besoins des populations rurales africaines.
1/ La singularité de la radio explique son
utilisation intense en zones rurales. 2/ La radio favorise le
développement.
3/ Les méthodes éducatives originales de la
radio.
B/ La radio fait la promotion de la démocratie et
utilise les nouvelles technologies pour encourager la participation citoyenne.
1/ La radio fait la promotion de la
démocratie.
2/ La radio utilise les nouvelles technologies pour
encourager la participation citoyenne. 3/ Internet a mis fin au monopole sur
l'information.
II. La democratie malienne s'est construite en cultivant
la liberte d'expression par la liberalisation des ondes.
A/ Mettre fin à la dictature du micro et
libéraliser les ondes, afin de diminuer toutes interferences au
processus démocratique.
1/ La démocratisation a engendré la
libéralisation des ondes.
2/ Le pluralisme médiatique contribue au
développement démocratique.
3/ Les radio sont devenues des gardes fous
démocratiques.
B/ Cette exception radiophonique donne au quatrième
pouvoir malien une portée singulière dans une jeune
démocratie.
1/ La liberté d'émission.
2/ Peut il y avo ir véritablement des médias
libres ?
3/ Des novices aux commandes d'un média de
ma»tre
Introduction:
<< La voix est considérée comme un signe
clé de la franchise émotionnelle, de l'authenticité et de
l'intimitéÈ (Kunreuther 2006, p.323).La radio, le média de
la voix par excellence, reste donc auréolée d'un véritable
mystère, d'une force de persuasion inégalable. C'est ainsi que le
30 Octobre 1938, Orson Welles fit trembler l'Amérique par son
interprétation réaliste de <<La Guerre des Mondes È.
Bien que le poste de radio soit devenu un objet familier, la diffusion d'un
univers de sons et de paroles demeure recouverte d'une part d'inconnu. Le grand
public ne s'interroge pas sur l'élaboration de la matière sonore,
il se contente de recevoir le message qui lui est transmis (Richard 1985,
p.1).
Comment ne pas s'alarmer face au pouvoir et au danger que
représente un tel outil? Les régimes totalitaires saisirent
d'emblée la portée de ce média capable de transporter les
émotions et le charisme par delà les distances. Ainsi Goebbels
déclarait en 1933 : << La radio sera au vingtième
siècle ce que la presse fut au dix-neuvième È (Malanowski
2011, p.109).
A l'instar du télécran imaginé
par George Orwell dans <<1984 È, la radio devint dans l'Allemagne
des années trente l'outil de propagande suprême. Vantant jour et
nuit la puissance du régime et subissant une censure permanente; la
radio permit au Führer de haranguer les foules jusque dans leurs foyers.
Dès lors on comprend mieux l'assertion de Marshall McLuhan selon
laquelle Hitler n'aurait pas existé sans la radio (Cheval, p.21).
Pourtant dès 1933, à travers ses
<<Fireside chats È, Roosevelt se servait aussi de la radio pour
engager directement chaque auditeur dans un rapport d'intimité
personnelle (Cheval 2006, p.17). La radio peut donc aussi être percue
comme un instrument favorable à la démocratie. En effet, le
discours du 18 Juin 1940 du général de Gaulle appelant à
la Résistance reste un symbole de lutte contre l'oppression par les
ondes.
Intrinsèquement la radio n'est donc ni autoritaire, ni
démocratique. Comme toute invention, son usage dépend de celui
qui la contrôle. Ainsi en Afrique, la radio est paradoxalement à
la fois un vecteur de démocratisation, mais aussi un outil aux mains des
dictatures. Si la radio a d'abord été un des instruments de
l'ère coloniale et de ses transformations (Tudesq et
Nédélec, p.177), elle a aussi été utilisée
afin de semer la discorde entre les communautés. En effet en 1993 lors
du génocide Rwandais, le régime d'Habyarimana s'est servi de la
station des << Milles CollinesÈ pour attiser la haine raciale
envers les Tutsis (Fouda 2009, p.203). De plus, les radios nationales ont
longtemps été
contrôlées par les dirigeants des régimes
autoritaires comme au Gabon (O. Bongo), en Côte d'Ivoire (Houphouët
Boigny), ou au Burkina Faso (Camparé).
Néanmoins dans les années 1990 la radio a
été l'instrument des démocratisations des nations
Africaines comme le Cap Vert, le Sénégal, le Botswana ou le Mali
(Colloque de Radio Popolare 2005).
Il est diff icile de concevoir que la radio, percue comme un
vieux média dans les démocraties Occidentales, puisse avoir un
tel impact. Cependant l'influence de la radio dans les sociétés
Africaines aujourd'hui est tout simplement sans précédent.
Lorsque en 1966 Marcomer (p.130) liste les moyens d'information au Cameroun par
ordre d'importance, il relève premièrement les conversations
(entre passants, voyageurs, familles, voisins, etc.), puis le tam-tam (pour les
nouvelles locales !), et enfin la radio. Dès lors, on comprend mieux
l'observation du rapport MacBride (1980):
Ç Dans les pays en développement, seule la radio
peut être qualifiée de moyen de communication de masse. Aucun
autre moyen de communication ne peut atteindre autant de personnes à la
fois aussi efficacement, aux fins d'information et d'enseignement, de diffusion
de la culture et de récréation. È
La singularit é de la radio en Afrique est donc un
objet d'étude particulièrement intéressant. D'autant plus
que la libéralisation des ondes et la multiplication des stations se
sont réalisées en corrélation avec le processus de
démocratisation. C'est au Mali que ce phénomène a
été le plus marqué. Alors qu'il n'existait qu'une seule
antenne officielle inféodée à Moussa Traoré en
1991, on compte en 1997 pas moi ns de 52 stations de radios (Tudesq 2002,
p.52). Si la radio a accompagnée la mise en place d'institutions
démocratiques au Mali, elle a surtout entrainée le
développement de véritables pratiques démocratiques au
sein de la population et des élites politiques. Le Mali est en effet un
des pays africains qui a le mieux réussi sa transition
démocratique.
Comment donc ce média traditionnel a-t-il permis le
développement d'une démocratie nouvelle? Si la radio est un
média particulièrement adapté pour promouvoir
l'éducation, et donc le développement de la démocratie
malienne, cette dernière s'est aussi construite en cultivant la
liberté d'expression par la libéralisation des ondes.
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