PREMIERE PARTIE : LES MECANISMES DE FONCTIONNEMENT DU
CREDIT-BAIL
Considéré comme un type de financement beaucoup
plus adapté à l'activité de la micro-finance, le
crédit-bail est un procédé dont l'appréhension par
l'esprit semble a priori facile, mais qui en réalité réuni
autour de lui une diversité d'éléments qui le rendent
opaque. Afin de maîtriser les sinuosités qui entourent le
processus de mise en marche du crédit-bail, nous nous attèlerons
préalablement à le présenter comme une entreprise
variée dans son essence et soucieuse des détails de son
exécution (chapitre I), et par la suite nous appesantirons notre analyse
en mettant l'accent sur la complexité indéniable qui le
caractérise (chapitre II).
CHAPITRE I : LE CREDIT-BAIL : UNE OPERATION DIVERSE DANS
SA NATURE ET
METICULEUSE DANS SON ELABORATION
SECTION I : Identification du crédit-bail
En matière de crédit-bail, l'identification
constitue la première préoccupation. La mise en exergue de sa
nature (paragraphe I) est le meilleur procédé qui nous permettra
d'y parvenir; avant de mettre sous les projecteurs son contenu (paragraphe
II).
Paragraphe I : Nature du crédit-bail
A l'observation de son fonctionnement, le crédit-bail se
pose au préalable comme un contrat (A). Par ailleurs l'on constate aussi
qu'il est l'expression d'une technique de crédit (B).
A - Un contrat propre en son genre
L'originalité du crédit-bail en tant que contrat
procède des traits qui le caractérisent. Ceux ci sont relatifs
à sa qualification (1°) et dérivent de ce que le
crédit -bail est un cocktail juridique (2°).
1° Qualification du crédit-bail
Des traits constants rendent compte du crédit-bail et
permettent de le situer. Le crédit-bail est un réel contrat
commercial. Ce qui sous entend qu'il est fait à titre onéreux et
porte sur une chose marchande à savoir un bien d'équipement
c'est-à-dire un bien à vocation professionnelle. Il faut aussi
reconnaître que le crédit-bail est en fonction de son
échelonnement dans le temps, un contrat à exécution
successive. Mais en tout état de cause, sa commutativité ne fait
l'ombre d'aucun doute. Suivant que l'on intègre ou non la conclusion
d'une vente en amont entre l'entreprise de crédit-bail et son
fournisseur ou un producteur en vue d'acquérir le bien
d'équipement sollicité pour le crédit-preneur dans
l'opération, l'on dira que le crédit-bail est un contrat
triangulaire ou alors qu'il s'agit d'un contrat synallagmatique. Toujours
est-il qu'il est une synthèse de plusieurs contrats.
2° Un métissage juridique
Le crédit-bail met en jeu plusieurs contrats qui
participent de sa mise en place. En amont, l'on a d'abord l'achat23
du bien d'équipement par le crédit-bailleur en vue de satisfaire
la demande du crédit-preneur. Ensuite, l'on a la location24
qui réalise le bail qui lie le crédit-bailleur et le
crédit-preneur pendant la période irrévocable de location,
enfin nous avons la promesse unilatérale de vente qui est une
faculté pour le locataire du bien. Cette superposition de contrats en
vue d'établir un crédit-bail fait de celui-ci un contrat sans
pareil, dont l'identité est complexe. Mais il faut reconnaître
qu'au-delà de toutes ces considérations, le crédit-bail
est aussi une technique de crédit.
a) Un mandat d'achat
C'est le contrat qui détermine l'acquisition par la
société de crédit-bail (l'acheteur) du bien choisi par
l'entreprise locataire. L'opération s'engage généralement
par une demande que le futur locataire adresse à la
société de crédit-bail, et dans laquelle il décrit
le matériel qu'il souhaite utiliser, ses caractéristiques
techniques et le rendement qu'il attend. Si la société de
crédit-bail accepte le principe de l'opération, elle donne alors
son « mandat » à l'utilisateur
d'entrer en contact avec le vendeur ou le fabricant en vue de choisir le
matériel sollicité, ou de concevoir avec le constructeur des
conditions de fabrication. Le mandat dans le leasing ne doit pas être
perçu comme une simple autorisation donnée au locataire par le
crédit-bailleur. Le mandat a plusieurs incidences qu'il importe pour
nous d'analyser.
En tant que mandataire de la banque, le crédit-preneur
choisit le bien et procède naturellement à sa réception.
Il assume donc la responsabilité d'un mandataire. Normalement il ne
répond que de sa faute, par exemple s'il signe
inconsidérément un procès-verbal de
réception25 alors qu'il n'a pas effectivement reçu la
chose ou n'en a pas vérifié la conformité26. Il
est donc exposé à des dommages-intérêts et ne peut
opposer un défaut de délivrance au
crédit-bailleur27, sans perdre pour autant le droit de se
prévaloir de la résiliation du crédit-bail liée aux
défauts de la chose sauf fraude de sa part28.
23 C'est le contrat de vente entre le
crédit-bailleur et le vendeur, fabricant ou fournisseur du bien.
24 C'est le contrat de crédit-bail passé
entre la société de financement et la société
utilisatrice.
25 Au vu duquel la banque paie le fournisseur.
26 Com., 22 mai 1991, Bul.
IV, n° 169.
27 Com., 27 janvier 1982,
Bull. IV, n° 36 - Civ. 1re, 2
novembre 1994, Bull. I, n° 312.
28 Com., 1er juin 1993,
Bull. IV, n° 215.
Son intérêt dans le contrat de crédit-bail
peut également se comprendre dans la mesure où la fourniture d'un
matériel non conforme, l'échec du projet ou le manquement du
fournisseur, donne la faculté à l'entreprise utilisatrice
d'engager une action en justice à l'encontre du fournisseur,
considérant que ses prestations sont à l'origine de la
défaillance de ce dernier. Pour faciliter ce mécanisme, le
contrat de crédit-bail prévoit que l'entreprise utilisatrice
renonce à tout recours contre le crédit-bailleur en contrepartie
d'un mandat lui permettant de jouir, en son nom29, des droits et
actions30 que pouvait détenir le créditbailleur
à l'encontre du fournisseur. Mais il pourrait arriver que le
crédit-bailleur conserve la maîtrise des droits et actions
transmis à son cocontractant31.
Une entreprise peut, par le truchement du mandat, agir
directement contre le fournisseur et cela malgré l'absence de lien
contractuel entre les deux. Toutefois il faudrait relever que la
résiliation du contrat de crédit-bail peut remettre en cause
cette solution. Pour que l'entreprise utilisatrice du bien ne
soit pas privée de son droit d'agir contre le fournisseur, il est
nécessaire pour elle de procéder à l'insertion dans le
contrat de crédit-bail d'une clause stipulant le maintien du mandat,
nonobstant la survenance de la résiliation du contrat de
crédit-bail.
b) Une location
Le contrat de location lie l'entreprise de crédit-bail
et le preneur (locataire). Sa durée correspond
généralement à celle de l'amortissement du bien
financé. Le bien acquis par la société de
crédit-bail est mis à la disposition de l'entreprise utilisatrice
en vertu d'une convention qui s'apparente au louage de choses.
29 Annexe 2, deuxième page.
30 Cette prérogative par laquelle le mandat
permet au crédit-preneur de jouir des droits et actions du
créditbailleur à l'encontre du fournisseur se rapproche, sans
véritablement lui ressembler de l'action oblique, qui est régie
par l'Art 1166 du Code Civil, et qui permet au créancier de se
substituer au débiteur négligent ou de mauvaise foi pour la
restitution d'un bien, l'exécution d'un paiement par un tiers.
31 Si la société de leasing entend souvent
conserver la maîtrise des actions contre le vendeur, c'est notamment pour
empêcher que le locataire n'exerce celles-ci de façon
intempestive; l'attitude du bailleur s'explique donc, en partie, par le souci
de garder de bonnes relations avec le fournisseur, surtout au cas où en
fin de contrat l'option d'achat n'est pas levée par le locataire, et que
le fournisseur soit intéressé par la reprise du bien.
c) Une promesse unilatérale de vente
Le locataire a ainsi la possibilité et non l'obligation
de prendre la possession du bien une fois terminée la période de
location32. Pour cette acquisition le locataire du bien doit
s'acquitter d'une certaine somme dont le montant souvent symbolique est
fixé à l'avance entre le crédit-bailleur et le
crédit-preneur dans le contrat33, et correspond à la
valeur résiduelle du bien, qui oscille généralement entre
1 et 5% du prix d'achat. Il est important de souligner que cette promesse est
un élément indispensable pour retenir la qualification de contrat
de crédit-bail, si elle n'est pas consentie, il s'agit seulement d'une
location simple34.
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