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Impact de l'AGOA (African Growth and Opportunity Act) sur les exportations des pays éligibles de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest)

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par Vincent KONATE
Université Ouaga II Burkina Faso - Diplome d'études approfondies en économie 2009
  

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INTRODUCTION GENERALE

Dès la fin des années 60, les pays de la Quadrilatérale1

avaient mis en place comme moyen

d'aider les PMA notamment les pays d'Afrique Subsaharienne (ASS) des préférences commerciales unilatérales. C'est ainsi qu'en 2001, l'OMC dénombrait 28 initiatives d'accès à leurs marchés et l'une des dernières reste l'AGOA (Mold, 2005). Selon Mold (2005), l'African Growth and Opportunity Act (AGOA), à l'instar des autres initiatives, est davantage susceptible de contribuer à la lutte contre la pauvreté que les programmes d'aide classique à travers l'accroissement des exportations. C'est ce qui avait conduit le Président Bill CLINTON à lancer le slogan « Trade not aid » c'est-à-dire le commerce plutôt que l'aide. Cet argument en faveur de la loi américaine tient, au delà de ses avantages commerciaux, à son caractère distinctif en matière de coopération/assistance technique et financière et surtout d'existence de cadre d'échange entre les USA et les pays bénéficiaires. Ces dispositions devaient donc permettre une évolution importante des exportations des pays d'ASS vers les USA depuis la promulgation de l'AGOA en mai 2000 par le Président CLINTON.

Cependant, force est de constater que 9 ans après sa mise en place dans les pays d'ASS, l'AGOA laisse percevoir un simulacre de bilan significativement positif. En effet, les exportations des pays d'ASS vers les USA se sont accrues de 66,9% entre 2001 et 2004 mais seulement 16,07% de cette augmentation était due à la mise en oeuvre de l'AGOA (Fouda, 2007). Ce bilan est mitigé dans la mesure où les avantages de cette loi américaine profitent à quelques pays d'ASS notamment les producteurs de pétrole. Ces observations sont corroborées par Diemond (2008) sur la période 2006-2007 où les importations américaines hors produits pétroliers ont progressé de 7% seulement alors que ces produits pétroliers occupaient 93% des importations américaines au titre de l'AGOA.

Cette faible progression des exportations hors produits pétroliers de ces pays est inattendue eu égard à la multitude d'avantages qu'offre la loi américaine. En effet, l'AGOA permet aux pays éligibles d'exporter aux USA environ 4650 produits admissibles et 1700 produits supplémentaires en franchise de droits de douane et sans restriction quantitative et ce sans réciprocité (USTR, 2000). Les 48 pays d'ASS et leurs produits sont susceptibles de bénéficier de l'AGOA à condition de remplir certains critères. Mais 39 sont éligibles à l'AGOA depuis

1 Canada, Etats Unis, Japon, Union Européenne

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2008 contre 38 en 2002 (Nouve et Staatz, 2003). Dans l'espace CEDEAO, ce nombre est passé de 13 en 2004 à 14 en janvier 2009.

Il s'avère que cette propension des pays d'ASS en général et des pays d'Afrique de l'Ouest en particulier à ne pas profiter des opportunités commerciales est récurrente. Tout d'abord, le système Généralisé des Préférences (SGP) qui a dans un contexte multilatéral amorcé l'ère des préférences commerciales s'est soldé par un bilan insatisfaisant (Mold, 2005). Ensuite, les accords préférentiels (Accords de Lomé, Accord de Cotonou, Initiative «Tout Sauf les Armes») qui ont, pendant une trentaine d'années, réduit davantage la protection du marché européen unilatéralement au profit de ces pays, n'ont pas empêché leur marginalisation dans le commerce mondial (Rose, 2002).

Il va sans dire que tout comme les autres systèmes préférentiels accordés aux pays d'Afrique de l'Ouest, l'AGOA possède à son actif des résultats mitigés au grand dam de certaines contributions théoriques. En effet, Fouda (2008) montre que l'impact d'un accord préférentiel non réciproque sur les pays bénéficiaires se trouve essentiellement au niveau de l'augmentation de la quantité de biens offerts dans le pays donateur. Donc avec la suppression des droits de douane, les flux d'IDE et l'assistance technique, outre les produits pétroliers, l'AGOA devrait théoriquement assurer une croissance significative des exportations de plusieurs produits avec une part importante dans cette augmentation. Cependant, la courte période de mise en oeuvre ne permettait pas de meilleures estimations de l'impact de l'AGOA (Nouve et Staatz, 2003 ; UNCTAD, 2003). Mais de nos jours, Diemond (2008) montre que

seulement cinq (5) pays2

d'ASS tirent largement profit de l'AGOA. Ceux-ci représentent

93% des importations américaines sous l'AGOA. Et, mis à part les produits pétroliers, les exportations d'ASS vers les USA se sont accrues de 7% entre 2006 et 2007.

Dans l'espace CEDEAO entre 1999 et 2008, les exportations totales vers les USA ont eu un taux d'accroissement annuel moyen de 25,13%. De façon particulière, les exportations AGOA de la CEDEAO vers les USA ont réalisé une croissance spectaculaire de 210,54% entre 2003 et 2008 (annexe 11). Cependant, ces exportations restent aussi concentrées dans les produits pétroliers qui représentent 99,99% de ces exportations AGOA en 2008 contre 99,85% en 2003. Cela est dû à la présence du Nigeria, 1er producteur de pétrole et qui s'accapare 95,67% des exportations de la communauté en 2008 contre 85,03% en 1999 (annexe 8). Cependant,

2 Nigeria, Afrique du Sud, Gabon, Lesotho, Congo

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tous les pays éligibles de la CEDEAO, outre le Mali et le Niger, ont réduit leurs exportations AGOA dans leurs exportations totales (annexe 8). Ce débat au sujet de l'atteinte des objectifs de l'AGOA en ASS en général et dans la CEDEAO en particulier met en exergue de manière plus large la problématique de la relation entre préférence commerciale et croissance économique.

De tout ce qui précède, le problème général qui se dégage est la faiblesse des échanges
commerciaux des pays d'ASS (dont la CEDEAO) vers les USA malgré la pléthore d'accords
commerciaux comme l'AGOA dont ils sont bénéficiaires. Cette situation avait été prédite par

Blackman & Mutume3 (1998), Mutume (1998)4

et Raghavan (2000), Rose (2002) pour qui les

gains possibles de l'AGOA pour la plupart des pays d'ASS sont illusoires et comparables à ceux obtenus dans le cadre des accords UE-ACP. Cette question est d'autant plus actuelle qu'il a été remarqué que la configuration des échanges commerciaux entre PED et PD est de type ricardien : les PD se spécialisent dans la production des biens manufacturés tandis que les pays pauvres se spécialisent globalement dans la production des ressources naturelles (Fouda 2008). Et l'essentiel des exportations d'ASS vers les USA est constitué de produits pétroliers extraits par quelques pays (Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Angola, Gabon, ...). La question générale peut alors se formuler comme suit : comment donc expliquer la faiblesse du flux des exportations hors produits pétroliers de ces pays vers les USA étant donné que l'AGOA promeut le commerce, l'investissement et les reformes en ASS?

Les économies africaines étant fortement agricoles, quasiment chaque stratégie de développement en ASS voire dans la CEDEAO reconnait le rôle central de l'agriculture dans la stimulation de la croissance tirée par les exportations (Nouve, 2003). Les accords commerciaux tels l'AGOA devraient permettre l'atteinte de cet objectif de croissance. Sous l'AGOA, les exportations se sont certes accrues mais restent largement dominées par les produits pétroliers qui, selon Mold (2005), répondent favorablement à la demande américaine. Si donc à la différence des économies Est-asiatiques, la pléthore de préférences commerciales mises en oeuvre au profit des économies mal-en-point depuis les indépendances n'ont jusque là pas substantiellement jugulé la dépendance de l'ASS des exportations de certaines matières premières et de l'aide extérieure (Fouda, 2008), d'énormes questions se posent. Et comme l'AGOA a été conçue pour évoluer vers des accords de libre échange dans les deux sens (Latreille, 2003 ; UNCTAD, 2003), les pays de la CEDEAO notamment les non PMA

3 Cité par Lall (2003)

4 Cité par Lall (2003)

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(Ghana, Nigeria) risquent de s'enliser dans une impasse telle celle des APE où ils seront contraints de signer sous l'AGOA des accords de libre échange bilatéraux, préjudiciables à leurs économies (Logossah et al, 2001).

Par ailleurs, l'OCDE à travers une étude en 2004, a confirmé ses observations antérieures sur l'importance de la prise en compte des systèmes concurrents existants. Ainsi, cette étude a-telle révélé que l'adhésion à l'un des deux accords préférentiels à savoir l'Initiative TSA et l'Accord de Cotonou semble avoir un effet négatif sur l'autre. Cela conduit à la prise en compte de l'interférence entre accords commerciaux unilatéraux dans l'analyse de la faiblesse des exportations hors produits pétroliers vers les USA.

Le problème spécifique peut alors se formuler comme étant la quasi-stagnation des exportations des pays de la CEDEAO éligibles à l'AGOA dans un contexte de systèmes d'accords préférentiels concurrentiels (les accords unilatéraux européen et l'AGOA). Cette possibilité d'interférence conduit à poser deux questions spécifiques :

i) L'AGOA a-t-elle accru sa contribution à l'augmentation des exportations de ces pays ?

ii) L'influence de l'AGOA sur l'accroissement des exportations de ces pays n'est-elle pas réduite par l'existence d'accords préférentiels concurrentiels européens5 ?

L'objectif général de cette recherche est de comprendre et d'expliquer la faiblesse des exportations des pays de la CEDEAO dans le cadre de l'AGOA. En fait, cette situation de faiblesse des exportations est peu confortable dans la mesure où il demeure tout aussi évident que la suppression de droits de douane peut développer le trafic entre deux partenaires (Viner, 1950) et qu'avec les nouvelles théories du commerce internationale de F. Graham, les économies d'échelle peuvent influencer le commerce suite à l'acquisition de débouchés. Et confirmant l'analyse « vinérienne », Haveman & Shatz (2003) montrent que les USA sont le pays le plus sensible aux variations des droits de douane. Pour eux, un abaissement de 1% des droits de douane américains dans le cadre d'un accord préférentiel entraînerait une augmentation de 19,4% des exportations en provenance des pays bénéficiaires contre une augmentation de 8,5% pour l'UE. Ainsi, les exportations AGOA devraient s'accroître plus qu'elles ne le sont et pour tous les produits prisés par les USA outre les produits pétroliers. Dès lors, notre objectif peut doublement être reformulé de la façon spécifique suivante :

5 L'Union Européenne est le principal partenaire des pays d'ASS représentant 46% de leurs exportations (Mold, 2005). Elle leur a le plus accordé des avantages commerciaux (SGP, Accord de Lomé et Cotonou, Initiative TSA, STABEX, SYSMIN, ...)

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i) Evaluer l'effet de l'AGOA sur les exportations de ces pays vers les USA.

ii) Evaluer l'effet des accords concurrentiels sur l'AGOA dans les pays éligibles de la CEDEAO.

Les études d'impact de l'AGOA ont porté sur les pays éligibles (UNCTAD, 2003), sur les exportations totales d'ASS (Fouda, 2007 et 2008, Nouve, 2005), sur leurs exportations de textile (Lall, 2003 ; Olarreaga and Özden, 2005) et les exportations d'autres secteurs (Nouve et Staatz, 2003 ; Shapouri and Trueblood, 2003) vers les USA. Mais les études systématiques qui examinent les effets de l'AGOA sur les exportations des pays éligibles de la CEDEAO, l'interférence de l'AGOA et de ses systèmes concurrents font défaut dans la littérature.

Des questions spécifiques énoncées, deux hypothèses peuvent se distinguer alors :

H1- la mise en oeuvre de l'AGOA dans ces pays se traduit par une augmentation significative de leurs exportations.

H2- l'adoption d'accords préférentiels européens par certains pays de la CEDEAO réduit leur capacité à tirer pleinement profit de l'AGOA.

Avec la détérioration des termes de l'échange (DTE) des produits primaires, il convient pour les pays de la CEDEAO de saisir les opportunités de débouchés, de réduction de coûts et de fourniture d'IDE. En effet, eu égard à la réduction de l'APD, les pays de la CEDEAO sont contraints de s'appuyer sur un financement endogène d'où l'analyse des opportunités offertes par l'AGOA.

La présente étude s'articule autour de trois (3) chapitres. Le chapitre I analysera les relations commerciales entre les Etats et les pays éligibles de la CEDEAO dans le cadre de l'AGOA. Le chapitre II traitera de l'expérience des préférences commerciales unilatérales et les prédictions théoriques y afférentes. Sur la base de ces constatations théoriques et empiriques, le chapitre III tentera d'estimer l'impact de l'AGOA sur les exportations des pays éligibles à travers le modèle de gravité et le modèle Constant Market Share (CMS). Les résultats obtenus permettront de conclure et de faire des recommandations.

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