INTRODUCTION GENERALE
Dès la fin des années 60, les pays de la
Quadrilatérale1
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avaient mis en place comme moyen
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d'aider les PMA notamment les pays d'Afrique Subsaharienne
(ASS) des préférences commerciales unilatérales. C'est
ainsi qu'en 2001, l'OMC dénombrait 28 initiatives d'accès
à leurs marchés et l'une des dernières reste l'AGOA (Mold,
2005). Selon Mold (2005), l'African Growth and Opportunity Act (AGOA),
à l'instar des autres initiatives, est davantage susceptible de
contribuer à la lutte contre la pauvreté que les programmes
d'aide classique à travers l'accroissement des exportations. C'est ce
qui avait conduit le Président Bill CLINTON à lancer le slogan
« Trade not aid » c'est-à-dire le commerce plutôt que
l'aide. Cet argument en faveur de la loi américaine tient, au
delà de ses avantages commerciaux, à son caractère
distinctif en matière de coopération/assistance technique et
financière et surtout d'existence de cadre d'échange entre les
USA et les pays bénéficiaires. Ces dispositions devaient donc
permettre une évolution importante des exportations des pays d'ASS vers
les USA depuis la promulgation de l'AGOA en mai 2000 par le Président
CLINTON.
Cependant, force est de constater que 9 ans après sa
mise en place dans les pays d'ASS, l'AGOA laisse percevoir un simulacre de
bilan significativement positif. En effet, les exportations des pays d'ASS vers
les USA se sont accrues de 66,9% entre 2001 et 2004 mais seulement 16,07% de
cette augmentation était due à la mise en oeuvre de l'AGOA
(Fouda, 2007). Ce bilan est mitigé dans la mesure où les
avantages de cette loi américaine profitent à quelques pays d'ASS
notamment les producteurs de pétrole. Ces observations sont
corroborées par Diemond (2008) sur la période 2006-2007 où
les importations américaines hors produits pétroliers ont
progressé de 7% seulement alors que ces produits pétroliers
occupaient 93% des importations américaines au titre de l'AGOA.
Cette faible progression des exportations hors produits
pétroliers de ces pays est inattendue eu égard à la
multitude d'avantages qu'offre la loi américaine. En effet, l'AGOA
permet aux pays éligibles d'exporter aux USA environ 4650 produits
admissibles et 1700 produits supplémentaires en franchise de droits de
douane et sans restriction quantitative et ce sans réciprocité
(USTR, 2000). Les 48 pays d'ASS et leurs produits sont susceptibles de
bénéficier de l'AGOA à condition de remplir certains
critères. Mais 39 sont éligibles à l'AGOA depuis
1 Canada, Etats Unis, Japon, Union
Européenne
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exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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2009
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2008 contre 38 en 2002 (Nouve et Staatz, 2003). Dans l'espace
CEDEAO, ce nombre est passé de 13 en 2004 à 14 en janvier
2009.
Il s'avère que cette propension des pays d'ASS en
général et des pays d'Afrique de l'Ouest en particulier à
ne pas profiter des opportunités commerciales est récurrente.
Tout d'abord, le système Généralisé des
Préférences (SGP) qui a dans un contexte multilatéral
amorcé l'ère des préférences commerciales s'est
soldé par un bilan insatisfaisant (Mold, 2005). Ensuite, les accords
préférentiels (Accords de Lomé, Accord de Cotonou,
Initiative «Tout Sauf les Armes») qui ont, pendant une trentaine
d'années, réduit davantage la protection du marché
européen unilatéralement au profit de ces pays, n'ont pas
empêché leur marginalisation dans le commerce mondial (Rose,
2002).
Il va sans dire que tout comme les autres systèmes
préférentiels accordés aux pays d'Afrique de l'Ouest,
l'AGOA possède à son actif des résultats mitigés au
grand dam de certaines contributions théoriques. En effet, Fouda (2008)
montre que l'impact d'un accord préférentiel non
réciproque sur les pays bénéficiaires se trouve
essentiellement au niveau de l'augmentation de la quantité de biens
offerts dans le pays donateur. Donc avec la suppression des droits de douane,
les flux d'IDE et l'assistance technique, outre les produits pétroliers,
l'AGOA devrait théoriquement assurer une croissance significative des
exportations de plusieurs produits avec une part importante dans cette
augmentation. Cependant, la courte période de mise en oeuvre ne
permettait pas de meilleures estimations de l'impact de l'AGOA (Nouve et
Staatz, 2003 ; UNCTAD, 2003). Mais de nos jours, Diemond (2008) montre que
seulement cinq (5) pays2
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d'ASS tirent largement profit de l'AGOA. Ceux-ci
représentent
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93% des importations américaines sous l'AGOA. Et, mis
à part les produits pétroliers, les exportations d'ASS vers les
USA se sont accrues de 7% entre 2006 et 2007.
Dans l'espace CEDEAO entre 1999 et 2008, les exportations
totales vers les USA ont eu un taux d'accroissement annuel moyen de 25,13%. De
façon particulière, les exportations AGOA de la CEDEAO vers les
USA ont réalisé une croissance spectaculaire de 210,54% entre
2003 et 2008 (annexe 11). Cependant, ces exportations restent aussi
concentrées dans les produits pétroliers qui représentent
99,99% de ces exportations AGOA en 2008 contre 99,85% en 2003. Cela est
dû à la présence du Nigeria, 1er producteur de
pétrole et qui s'accapare 95,67% des exportations de la
communauté en 2008 contre 85,03% en 1999 (annexe 8). Cependant,
2 Nigeria, Afrique du Sud, Gabon, Lesotho, Congo
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exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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tous les pays éligibles de la CEDEAO, outre le Mali et
le Niger, ont réduit leurs exportations AGOA dans leurs exportations
totales (annexe 8). Ce débat au sujet de l'atteinte des objectifs de
l'AGOA en ASS en général et dans la CEDEAO en particulier met en
exergue de manière plus large la problématique de la relation
entre préférence commerciale et croissance économique.
De tout ce qui précède, le problème
général qui se dégage est la faiblesse des
échanges commerciaux des pays d'ASS (dont la CEDEAO) vers les USA
malgré la pléthore d'accords commerciaux comme l'AGOA dont ils
sont bénéficiaires. Cette situation avait été
prédite par
Blackman & Mutume3 (1998), Mutume
(1998)4
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et Raghavan (2000), Rose (2002) pour qui les
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gains possibles de l'AGOA pour la plupart des pays d'ASS sont
illusoires et comparables à ceux obtenus dans le cadre des accords
UE-ACP. Cette question est d'autant plus actuelle qu'il a été
remarqué que la configuration des échanges commerciaux entre PED
et PD est de type ricardien : les PD se spécialisent dans la production
des biens manufacturés tandis que les pays pauvres se
spécialisent globalement dans la production des ressources naturelles
(Fouda 2008). Et l'essentiel des exportations d'ASS vers les USA est
constitué de produits pétroliers extraits par quelques pays
(Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Angola, Gabon, ...). La question
générale peut alors se formuler comme suit : comment donc
expliquer la faiblesse du flux des exportations hors produits pétroliers
de ces pays vers les USA étant donné que l'AGOA promeut le
commerce, l'investissement et les reformes en ASS?
Les économies africaines étant fortement
agricoles, quasiment chaque stratégie de développement en ASS
voire dans la CEDEAO reconnait le rôle central de l'agriculture dans la
stimulation de la croissance tirée par les exportations (Nouve, 2003).
Les accords commerciaux tels l'AGOA devraient permettre l'atteinte de cet
objectif de croissance. Sous l'AGOA, les exportations se sont certes accrues
mais restent largement dominées par les produits pétroliers qui,
selon Mold (2005), répondent favorablement à la demande
américaine. Si donc à la différence des économies
Est-asiatiques, la pléthore de préférences commerciales
mises en oeuvre au profit des économies mal-en-point depuis les
indépendances n'ont jusque là pas substantiellement jugulé
la dépendance de l'ASS des exportations de certaines matières
premières et de l'aide extérieure (Fouda, 2008), d'énormes
questions se posent. Et comme l'AGOA a été conçue pour
évoluer vers des accords de libre échange dans les deux sens
(Latreille, 2003 ; UNCTAD, 2003), les pays de la CEDEAO notamment les non
PMA
3 Cité par Lall (2003)
4 Cité par Lall (2003)
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exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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(Ghana, Nigeria) risquent de s'enliser dans une impasse telle
celle des APE où ils seront contraints de signer sous l'AGOA des accords
de libre échange bilatéraux, préjudiciables à leurs
économies (Logossah et al, 2001).
Par ailleurs, l'OCDE à travers une étude en
2004, a confirmé ses observations antérieures sur l'importance de
la prise en compte des systèmes concurrents existants. Ainsi, cette
étude a-telle révélé que l'adhésion à
l'un des deux accords préférentiels à savoir l'Initiative
TSA et l'Accord de Cotonou semble avoir un effet négatif sur l'autre.
Cela conduit à la prise en compte de l'interférence entre accords
commerciaux unilatéraux dans l'analyse de la faiblesse des exportations
hors produits pétroliers vers les USA.
Le problème spécifique peut alors se formuler
comme étant la quasi-stagnation des exportations des pays de la CEDEAO
éligibles à l'AGOA dans un contexte de systèmes d'accords
préférentiels concurrentiels (les accords unilatéraux
européen et l'AGOA). Cette possibilité d'interférence
conduit à poser deux questions spécifiques :
i) L'AGOA a-t-elle accru sa contribution à l'augmentation
des exportations de ces pays ?
ii) L'influence de l'AGOA sur l'accroissement des exportations
de ces pays n'est-elle pas réduite par l'existence d'accords
préférentiels concurrentiels européens5 ?
L'objectif général de cette recherche est de
comprendre et d'expliquer la faiblesse des exportations des pays de la CEDEAO
dans le cadre de l'AGOA. En fait, cette situation de faiblesse des exportations
est peu confortable dans la mesure où il demeure tout aussi
évident que la suppression de droits de douane peut développer le
trafic entre deux partenaires (Viner, 1950) et qu'avec les nouvelles
théories du commerce internationale de F. Graham, les économies
d'échelle peuvent influencer le commerce suite à l'acquisition de
débouchés. Et confirmant l'analyse « vinérienne
», Haveman & Shatz (2003) montrent que les USA sont le pays le plus
sensible aux variations des droits de douane. Pour eux, un abaissement de 1%
des droits de douane américains dans le cadre d'un accord
préférentiel entraînerait une augmentation de 19,4% des
exportations en provenance des pays bénéficiaires contre une
augmentation de 8,5% pour l'UE. Ainsi, les exportations AGOA devraient
s'accroître plus qu'elles ne le sont et pour tous les produits
prisés par les USA outre les produits pétroliers. Dès
lors, notre objectif peut doublement être reformulé de la
façon spécifique suivante :
5 L'Union Européenne est le principal
partenaire des pays d'ASS représentant 46% de leurs exportations (Mold,
2005). Elle leur a le plus accordé des avantages commerciaux (SGP,
Accord de Lomé et Cotonou, Initiative TSA, STABEX, SYSMIN, ...)
KONATE/Mémoire-Master-NPTCI/Impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO
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i) Evaluer l'effet de l'AGOA sur les exportations de ces
pays vers les USA.
ii) Evaluer l'effet des accords concurrentiels sur l'AGOA
dans les pays éligibles de la CEDEAO.
Les études d'impact de l'AGOA ont porté sur les
pays éligibles (UNCTAD, 2003), sur les exportations totales d'ASS
(Fouda, 2007 et 2008, Nouve, 2005), sur leurs exportations de textile (Lall,
2003 ; Olarreaga and Özden, 2005) et les exportations d'autres secteurs
(Nouve et Staatz, 2003 ; Shapouri and Trueblood, 2003) vers les USA. Mais les
études systématiques qui examinent les effets de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles de la CEDEAO, l'interférence de
l'AGOA et de ses systèmes concurrents font défaut dans la
littérature.
Des questions spécifiques énoncées, deux
hypothèses peuvent se distinguer alors :
H1- la mise en oeuvre de l'AGOA dans ces pays se traduit par une
augmentation significative de leurs exportations.
H2- l'adoption d'accords préférentiels
européens par certains pays de la CEDEAO réduit leur
capacité à tirer pleinement profit de l'AGOA.
Avec la détérioration des termes de
l'échange (DTE) des produits primaires, il convient pour les pays de la
CEDEAO de saisir les opportunités de débouchés, de
réduction de coûts et de fourniture d'IDE. En effet, eu
égard à la réduction de l'APD, les pays de la CEDEAO sont
contraints de s'appuyer sur un financement endogène d'où
l'analyse des opportunités offertes par l'AGOA.
La présente étude s'articule autour de trois (3)
chapitres. Le chapitre I analysera les relations commerciales entre les Etats
et les pays éligibles de la CEDEAO dans le cadre de l'AGOA. Le chapitre
II traitera de l'expérience des préférences commerciales
unilatérales et les prédictions théoriques y
afférentes. Sur la base de ces constatations théoriques et
empiriques, le chapitre III tentera d'estimer l'impact de l'AGOA sur les
exportations des pays éligibles à travers le modèle de
gravité et le modèle Constant Market Share (CMS). Les
résultats obtenus permettront de conclure et de faire des
recommandations.
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