VI. VISION PACIFICATRICE DU NORD KIVU
La construction de la paix en RDC exige donc que l'on
s'adresse de façon cohérente à plusieurs facteurs dont
principalement : la question de la présence sur le territoire
congolais des réfugiés Rwandais Hutu, le résidu de
l'armée rwandaise, FAR, et de la milice interhamwe identifiés
à tort aujourd'hui comme FDLR.
Tous points considérés, nous estimons
modestement que le problème de la pacification du Kivu ne peut
valablement trouvé un échos favorable que lorsqu'on fait une
analyse profonde des causes de la crise.
Par voie de conséquence, nous pensons qu'il est juste
que l'on cesse de considérer l'autre comme l'enfer, la source de nos
problèmes. En effet, lorsque Sartre émet cette terrible sentence,
il veut dire que c'est par l'autre que l'individu découvre l'enfer,
qu'il prend conscience de son état pitoyable. Nous sommes toujours
persuadés au Kivu que se sont les autres qui sont la source de nos
ennuis. Si la sécurité relève essentiellement du domaine
politique, dans notre province elle revêt aussi un aspect culturel.
Depuis quelques années, le jeu de politique se fait sur fond
d'oppositions ethniques et, de même que les partis s'allient pour
créer des plateformes politiques, les communautés s'associent en
des plateformes identitaires.
La province semble renoncer à la beauté de sa
mosaïque pour se complaire dans un binôme terrifiant mettant face
à face les uns et les autres, les uns contre les autres.
Au lieu que des alliances se forment autour d'une
idéologie telle l'authenticité qui prône la liberté
de l'homme, les alliances se constituent sur fond des relations ethniques.
D'où, il faut revoir en profondeur les bases de la vie politique dans
notre province et par delà dans notre pays.
En plus de cette remise en cause des alliances
préexistantes, il faut que l'on puisse se rappeler que si la justice a
été instaurée, et tout particulièrement la justice
militaire,c'est entre autre pour protéger la société
contre ces genres de problèmes en sanctionnant vigoureusement toutes les
personnes, quelque soit leur origine, autochtone ou immigré, quelque
soit le rang social, autorité ou administré, qui, de quelque
manière que se soit, peut commencer une entreprise de nature à
mettre en péril la paix et la cohabitation pacifique.
En sus de ce qui vient d'être dit, nous devons ici
féliciter l'action éclairée du Président de la
République qui a compris que parmi les solutions à apporter
à la crise du Nord Kivu, il faut entre autre suspendre l'exploitation
minière dans cette province où, il s'est avérée
à travers nos analyses que le contrôle des zones minières
est un des facteurs importants de la guerre au Nord Kivu et partant de toute
la République. Ceci est en fait un acte louable qui consiste à
couper une source des revenus aux aventuriers qui mettent en péril la
sécurité et la paix.
En toile de fon, nous situons la justice et tout
particulièrement la justice militaire comme instrument prioritaire de
pacification de la province. En effet, la province du Nord Kivu ne peut
être complètement pacifiée que si l'on met en contribution
la machine judiciaire. Il faut sanctionner vigoureusement tous ceux qui ont
brimé les droits de gens et ainsi rétablir chacun dans ses droits
car la paix sans la justice est telle une maison sans fondation, à la
moindre tempête, elle devra s'écrouler. En même temps, la
justice militaire devra prendre en charge tous ces cas des gens qui cherchent
à déstabiliser la province : ceux qui se rendent coupable de
rébellion, trahison et même leur tentative et incitation.
Pour y arriver, nous recommandons au pouvoir étatique
de renforcer la justice militaire en personnel qualifié et
expérimenté. C'est tout de même déplorable que l'on
puisse penser que la justice militaire peut actuellement jouer ce rôle
là dans les conditions actuelles : insuffisance des magistrats
(à la Cour Militaire du Nord Kivu il n'y a que deux magistrats, le
Premier Président et un Conseiller ; tandis qu'à l'Auditorat
près la Cour Militaire il n'un qu'un seul magistrat, l'Auditeur
Supérieur.) Il faut donc que la réforme de la justice en cours
dans notre pays puisse également réfléchir
là-dessus.
En même temps, nous pensons qu'il est opportun d'activer
les mécanismes locaux de résolution des conflits pour une
pacification durable. Les initiatives étatiques et provinciales
devraient être orientées dans ce sens là. Il faut savoir
faire participer les populations locales à la résolution de leurs
problèmes. Et pour commencer, il faut qu'elles participent au processus
de retour de réfugiés congolais vivant à
l'étranger : du fait que se sont des populations qui se
connaissent, il faut éviter de politiser la question du retour de
réfugiés de peur que cela ne puisse être la source des
nouveaux conflits. Cette inquiétude est fondée et la suggestion
de l'implication de la population locale mérite sa place surtout
lorsqu'on sait que si le Nord Kivu connaît aujourd'hui des
problèmes, c'est essentiellement parce que le pays a mal
géré le problème des réfugiés et par
delà des flux migratoires. Par cette malheureuse expérience, nous
suggérons alors aux autorités politico administratives de mettre
tout en oeuvre pour contrôler les flux migratoires que connaît le
pays. Faute d'un contrôle adéquat de ces migrations, le Kivu ne
connaîtra pas de paix durable.
Il faudra ensuite tout mettre en oeuvre pour maîtriser
la question de la nationalité au Congo. Après toutes les
vicissitudes que l'on a connu sur cette question, il est opportun qu'une fois
pour toute l'option soit levée sur la nationalité. Il faut que
l'on sache qui est congolais et qui ne l'est pas, quels sont les droits
exclusifs des congolais et quelles démarches entreprendre pour
être naturalisé congolais.
Si par ailleurs le Congo veut accorder une naturalisation par
masse, il faudra alors penser à doter ces populations des terres qui ne
sont pas encore habitées et non vouloir les emmener dans des endroits
habités pour créer des problèmes entre les autochtones et
les naturalisés.
Au-delà de tout ce qui vient d'être dit, nous
pensons que pour pacifier le Nord Kivu, il faut que toutes les
intelligences congolaises soient mises en contribution. En même temps, il
faudra que le respect de la loi soit le credo de chacun, dirigeants comme
gouvernés : il faut éviter d'opprimer les autres quand on
est au pouvoir car demain, se sera les autres qui seront au pouvoir et alors il
ne faudra pas mûrir en eux une rencoeur qui fera qu'ils fassent de
même le jour que l'alternance fera que eux prennent le devant.
Enfin de compte, nous pensons que des nombreux conflits
pourront se régler d'eux-mêmes et d'autres être
évités si seulement les acteurs politiques laissent le domaine
coutumier aux détenteurs du pouvoir traditionnel. En effet, le Chef
coutumier est un détenteur du pouvoir traditionnel et ne peut en aucun
cas être nommé par une autorité administrative ou politique
de quelque rang que se soit. Ceci se justifie par le fait qu'en droit
administratif, celui qui possède le pouvoir de nommer en possède
pour révoquer. Or le Chef coutumier, proprement appelé Mwami ne
peut être révoqué. Plusieurs personnes se prévalent
des actes des autorités politiques pour justifier leur
légitimité. Alors que la légitimité du pouvoir
coutumier s'octroie à travers les rites d'intronisation qui sont
organisées par les sages, gardien de la coutume. Il faut donc laisser
aux sages leur travail et ainsi éviter les différends qui peuvent
survenir à la suite de cette immixtion de la politique dans la
coutume.
Le Nord Kivu a aujourd'hui des Chefs coutumiers mais de moins
en moins on retrouve les Bami. Ces chefs nommés par l'Etat ne peuvent
que travailler avec des adjoints et suivant les instructions des
autorités qui les ont nommées. Tandis que les Bami sont
intronisés suivant les rites traditionnels et sont initiés alors
aux secrets de la coutume. Leur succession est faite suivant les règles
que détermine la tradition et non selon que le père cède
à sa mort son pouvoir à son fils issu de son union
légitime. Dans la coutume, le prince n'est pas le roi et il faut que
cela soit respecté par tout le monde.
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