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Problématique de la pacification des communautés du Nord Kivu à  travers la justice militaire

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par Etienne MBUNSU BINDU
 - Licence 2010
  

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V. LE KIVUTIEN : QUID ?

Ce paradoxe fait que la province du Nord Kivu demeure en crise, ce qui ne peut nullement favoriser son développement et sa pacification complète. Ainsi donc, avant de prendre les revendications des communautés vivant au Nord KIVU, allons nous prendre la philosophie africaine de l'homme et nous pencherons par la suite à la succession coutumière en RDC et au Nord Kivu tout en faisant un parallélisme avec l'alternance du pouvoir politique moderne en Afrique.

L'Afrique est une terre où chaque peuple avait sa religion, son dieu et son culte. L'africain est un homme qui respectait la vie au point où celui qui l'ôtait était considéré comme un sorcier et il devait être enterré très loin du village pour que son esprit ne hante personne. C'est également un peuple qui était solidaire et vivait une sorte de communautarisme : les problèmes de l'un étaient les problèmes de toute la société...

Le professeur KAMABU dit à cet effet qu'il n'est pas nouveau ni exagéré d'affirmer que l'Afrique d'avant la colonisation était, de façon générale, toute entière dominée par ce que nous pouvons dénommer le culte de la vie. Cet attachement à la vie a été et est encore une des forces spirituelles les plus remarquables de nos peuples. Cette attitude donne la dimension et la signification de nos sociétés traditionnelles essentiellement métaphysiques et mythiques. Par cette attitude, l'Africain traditionnel, la pensée conceptuelle et instrumentale, qui est quasi inexistante, se trouve cependant nier dans son autonomie et subordonnée à l'activité constructive de l'imagination collective d'un univers aux valeurs de la survivance, habité par les ancêtres, plus plongé dans le passé qu'émergeant dans le présent.13(*)

La colonisation a porté un coup mortel à cette conception mythique du monde, les entreprises politiques, techniques, intellectuelles de l'Afrique coloniale et surtout post-coloniale sont toutes des entreprises de démolition des mythes traditionnels. Mais cette entreprise occidentale de démolition de nos sociétés de mythes traditionnels n'a été qu'une condition matérielle nécessaire mais pas suffisante. Il a fallu, en outre, de la part des colonisés une nouvelle volonté de réorganisation de soi, présupposant l'engagement dans la lutte de libération. C'est cette volonté nouvelle de libération, de dépassement de la société traditionnelle en déperdition en même temps que de l'idéologie africaine. Cette idéologie est née ainsi chez les noires africaines en contact le plus poussé et le plus intime avec la société européenne et sous l'influence idéologique des noirs américains et antillais.

On observe ici et là la perte des valeurs ancestrales. L'Africain qui était fondamentalement respectueux de la vie au point où il en faisait un culte devient désormais assassin, il tue sans merci et tout le monde, parfois même les femmes et les enfants, des personnes par essence sans défense. L'Africain qui est par essence socialiste, mieux communiste devient capitaliste et abandonne la solidarité africaine...

Face à cette fatalité, des idéologies se dessinent pour donner corps à la pensée purement africaine, pour la valoriser, pour libérer l'homme noir grâce à l'unité. Ainsi, au début, cette idéologie est-elle un désir, un rêve de liberté malgré le culturalisme de Prince-Mars, le messianisme de Marcus Garvey et l'action intellectuelle de Du Bois, l'idéologie restait plus ou moins vide au moment de la pénétration en terre africaine.

Parmi les figures reconnaissables de la pensée philosophique africaine, nous trouvons le Maréchal Président Mobutu avec sa fameuse politique du nationalisme pragmatique authentique, selon qu'il l'a définie et non selon qu'il l'a vécue.

En effet, pour MOBUTU, l'homme authentique, le Zaïrois authentique est un homme entièrement libéré de toutes les formes d'aliénation mentale, politique, économique et socioculturel. En ce sens, l'authenticité est l'autre nom d'une liberté politique, économique et culturelle totale.

Reconnu à l'authenticité est une démarche qui nous permet de renouer avec les hommes libres politiquement, religieusement, économiquement et culturellement, qui étaient nos ancêtres.

La définition la plus condensée donnée par Mobutu lui-même est la suivante : « authenticité elingi koloba : kozala, kosala makambo nyonso ndenge ezali pensé, conçu par nous-même » C'est claire : il s'agit bien d'Etre et d'Agir par soi-même.

Cela est fondé sur la philosophie anthropologique traditionnelle, par notre propre vision de l'homme telle qu'elle apparaît à travers nos langues Bantoue, nos moeurs politiques, économiques. Etre par soi-même, c'est refusé catégoriquement d'être des copies certifiées conformes à quelque original étranger. C'est positivement, être fier d'être la portion d'humanité que nous sommes, tels que nous sommes, avec nos particularités physiques et culturelles, tels que nous ont façonné nos ancêtres et tels que ces ancêtres voudraient que nous soyons.

Le projet d'agir par soi-même est fondé sur la philosophie et la praxis politique traditionnelle. Agir par soi-même c'est donc construire son propre avenir politique, social et économique sans singer les grandes idéologies qui divisent le monde : le capitalisme, le socialisme et le compromis entre les deux «toboyi gauche, toboyi droite», comme pour dire ni à gauche, ni à droite, ni au centre. Bref, non alignement total qui refuse même les positions trompeuses d'un centre défini par d'autres que nous.

Notre seule ligne de conduite est celle de la liberté et donc notre choix libre conformément aux impératifs de l'heure et aux objectifs que s'assigne notre révolution politique, économique et culturelle. On le voit, l'homme authentique, selon Mobutu, est l'homme libre et très engagé. En particulier, il est entièrement engagé dans la révolution politique, économique et culturelle. Il n'y a pas, d'un côté, des acteurs et, de l'autre, des spectateurs.

L'homme authentique est donc celui qui met la société avant l'individu, le bien public avant l'intérêt privé ou personnel, la politique avant la religion. D'où le mot d'ordre ; servir et non se servir. Il n'y a pas de petits et de grands citoyens. La femme doit être tenue pour l'égale de l'homme et honorée en paroles et en actes, en qualité de maman. Les pygmées sont des citoyens à part entière : tribu, oui, tribalisme, non. Région, oui, régionalisme, non.

L'homme authentique ne peut s'éprouver comme libre que si tous les hommes, et en particulier, les frères africains sont libres du racisme et du colonialisme. Il doit consentir tous les sacrifices en vue de libérer tous ses frères. Il doit lutter contre toutes les formes d'aliénation à travers le monde. Ce faisant, il aura un soi particulier à respecter partout l'authenticité des autres aires culturelles.

L'homme, le Nord kivutien authentique, est donc un homme libre des toutes les influences politiques extérieures, affranchit contre la corruption, le dol, la concussion, la trahison, le clientélisme, le favoritisme, le fanatisme, le tribalisme, le régionalisme, le clanisme, l'ethnicisme et toutes autres formes d'anti-valeurs. L'homme authentique est donc celui qui se refuse à obéir à une idéologie politique qui tend à déstabiliser le pays, des idéologies qui ont comme finalité de piller les richesses du pays ou de participer aux actes criminels, c'est celui qui pense d'abor à son pays avant de penser à soi-même, c'est donc un vrai patriote ; un homme authentique est celui qui respecte l'autorité investie des pouvoirs investis et qui ne cherche pas à prendre le pouvoir par des voies illégales ; c'est encore un homme qui s'empêche d'abuser du pouvoir politique, militaire, administratif ou coutumier dont il est titulaire.

L'authenticité s'est donc manifestée par un effort sérieux de se débarrasser de la colonisation mentale, en commençant par le rejet des modes de vie importés de l'occident avec la colonisation, mais aussi le rejet des modes de penser importés.

Tous ces comportements de rejet qu'un gouvernement dicte à tout son peuple et qui, celui-ci, bon gré mal gré, adopte, révèle en fin de compte et traduisent chez ce peuple, et à plus raison chez son guide, un certain nombre d'exigences. Celles-ci sont de deux ordres, nécessairement complémentaires. Il y a d'abord une exigence d'acceptation de soi, de sa situation, de sa facticité, de ses réalités... Il y a ensuite une exigence d'affirmation de sa liberté, de maîtrise de son destin, de maîtrise de sa vie...

Ces deux exigences, qualité de l'être et qualité de son action, évidemment se rejoignent, se complètent, et se résument en la seule exigence fondamentale de la liberté existentielle de l'homme.

C'est justement en prenant conscience de leur liberté que les populations du Nord Kivu ont appris à dire non aux problèmes de sécurité dans leur milieu de vie. C'est ainsi qu'à la suite des consultations du Gouverneur de Province avec les représentants des communautés et des groupes sociaux de base du Nord Kivu sur les pistes de sortie de la guerre, un seul constat a été fait : tous les groupes sociaux du Nord Kivu aspirent à une paix durable.

Ces consultations, suivant les termes du communiqué final, avaient comme fondement faire participer la base à l'analyse de la crise actuelle qui ronge la Province et ensemble avec le Gouvernement Provincial, réfléchir et proposer des pistes de solution devant amener la Province à recouvrer la paix et la sécurité.14(*)

De ces consultations, six points ont été relevés par les communautés : la Province du Nord Kivu connaît en ces jours un drame humanitaire et violations des Droits humains sans précédent mettant en errance plus de 2 millions des déplacés internes ; la souffrance désemparante que connaissent les populations du Nord Kivu suite aux exactions de tout genre de la part des FDLR ; les communautés ont exprimé la crainte de voir cette guerre être une guerre de conquête et de balkanisation de la République Démocratique du Congo ; la stigmatisation suivie des tracasseries que subissent certains membres des communautés du Nord Kivu ; la corruption, l'injustice, l'impunité et tant d'antivaleurs enregistrées dans le chef des gouvernants ; la non harmonisation des vues des acteurs politiques et animateurs des institutions de la République sur la situation sécuritaire prévalant à l'Est du pays, la crise du pouvoir coutumier...

Au terme de cette évaluation, ces communautés ont proposé des pistes de solution en vue de régler cette crise dont la teneur se résume par la recommandation au Gouvernement central, au Parlement ainsi qu'aux institutions provinciales de ne ménager aucun effort pour ramener sans délai, la paix, la sérénité et la sécurité dans toute l'étendue de la Province meurtrie du Nord Kivu. C'est ici que nous situons la création de la commission provinciale de règlement des conflits coutumiers.

Il apparaît donc, à la lecture des revendications des « communautés » ou pour parler proprement des groupes ethniques et autres groupes sociaux du Nord Kivu, que leur souhait est de vivre dans une province stable, de se constituer en communauté au vrai sens du terme. La communauté, ainsi que l'indique LAROUSSE, communauté signifie Etat, caractère de ce qui est commun, similitude, identité. C'est l'exemple de la communauté de sentiments. Communauté signifie en outre groupe social ayant des caractères, des intérêts communs, ensemble des habitants d'un même Etat.15(*)

Si donc les populations aspirent à une communauté, alors la simple déduction peut nous conduire à conclure à une absence de communauté nord kivutienne. Cela car ceux qui vivent en communauté ont toujours le sentiment de se protéger mituellement. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui dans le Nord Kivu où nombreuses sont les populations qui ont encore un esprit sectaire ; où le mensonge a désormais droit de cité dans nos moeurs ; où la criminalité n'est plus un tabou et le viol ne surprend plus ; où l'absence du dialogue caractérise désormais les populations.

En effet, alors que le kivutien authentique aimait le dialogue, était sincère, lutter contre la criminalité et considéré le viol comme un tabou en organisant des rituels pour bannir le violeur de la société, les influences des conflits dans les pays voisins ont pratiquement conduit le kivutien à une déculturation : il tue sans merci, viol les femmes, enfants et même les hommes, trompe au point de détourner celui qui vient l'aider, ne dit plus rien lorsqu'il est appelé à expliquer sa situation aux autres jusqu'à donner l'impression qu'il n'a aucun problème. Bref, le kivutien d'hier est parti et c'est un tout autre kivutien qui vit aujourd'hui sur cet espace qu'est le Kivu.

* 13 KAMABU VANGI SI VAVI, Histoire de la philosophie africaine, Cours dispensé en deuxième année de graduat, Faculté de Théologie protestante, ULPGL, Goma, 2007-2008, p.26, Inédit.

* 14 PALUKU KAHONGYA Julien, Rapport général des consultations du Gouverneur de Province avec les représentants des communautés et des groupes sociaux de base du Nord Kivu sur les pistes de sortie de la guerre du 02 au 06 décembre 2008, Goma, Cabinet du Gouverneur de Province, Décembre 2008, p.7.

* 15 LAROUSSE, Dictionnaire Le petit Larousse, Paris, Larousse édition, 2010, v°226

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe