UNIVERSITÉ GASTON BERGER DE
SAINT-LOUIS
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UFR DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
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SECTION DE SOCIOLOGIE
Mémoire de master II Parcours
Développement
THEME : Politiques agricoles et Organisations de
Producteurs
Analyse de la logique et de la portée de
l'intervention de l'Agence Nationale de Conseil Agricole et Rural (ANCAR)
auprès des Organisations de Producteurs dans la communauté rurale
de Gandon : l'exemple de l'ANCAR de Saint-Louis en partenariat avec le Foyer de
Sanar
Présenté par : Mamadou DIAKHO
Sous la direction de : Pr. LALEYE
Pr. SANE
Dr. NDIAYE
Année académique 2009-2010
DEDICACES
Ce travail est dédié à la mémoire de
ma Maman adorée Diénéba KOÏTA. Je sais que vous
êtes déjà fière de votre unique fils,
J'aurai tant aimé que vous soyez encore à mes
côtés,
Mais le seigneur en a voulu autrement,
Je ne cesserai jamais de prier pour vous,
Car c'est ce que vous avez toujours fait pour moiQue
la terre de Waoundé vous soit légère Amen
Je le dédie également à mes parents, mon
père Khalilou Diakho et ma mère adoptive khoumba Poulo Diakho :
que ce modeste travail soit à la hauteur de tant d'efforts et de
sacrifices consentis pour mon éducation.
REMERCIEMENTS
Nos remerciements vont à l'endroit de mes oncles
particulièrement à ceux qui m'ont toujours encouragé dans
mes études aussi bien dans les moments paisibles que difficiles. Je veux
nommer Taliby Koïta, Abdoulaye Koïta et Khalifa Koïta.
Nous remercions également :
Nous remercions profondément tous les professeurs de la
section de sociologie, particulièrement ceux du parcours
Développement dont on ne peut taire ici les noms : nous pensons au
professeur LALEYE, au professeur SANE et au docteur NDIAYE pour la grande
qualité des enseignements que nous avons reçus.
Mention spéciale au professeur SANE pour son support et la
grande qualité de son encadrement;
Nous témoignons notre gratitude au professeur Sidy Mohamed
Seck pour sa disponibilité et ses remarques pertinentes.
Nos soeurs, Ndèye Samba, Ndèye Awa Sambakhe, Khady
Cissé, Astou Khallou Tabara Khallou, Ada, Claro et Eve pour m'avoir tant
soutenu
Nos frères : Mamadou Sadio, Sidy Kébé,
Mamadou Diongue, Kissima Issa, Mohamed Tandjigora, Bobo Khallou, Bakary
Fodé et Lassana Fodé
M. Mamadou Fadé, ARD, Chef de l'antenne
départementale de Bakel pour ses conseils
Mes voisins de chambre Abdoulaye Ndiaye et Souleymane
Sidibé pour leur tolérance et leur convivialité
Aux frères et soeurs de l'Association Soninkara de
l'UGB : Ibrahima Diallo, Dieydi Kanouté, Abdoulaye Cissé,
Mahamadou Dramé Mamadou Farota, Sikhou Sow, Mamadou Camara, Yamar Mbaye
pour leurs conseils et leurs encouragements
Les amies d'enfance au village : Le Grand, Gerrard, Guidé,
Bouna Sylla, Bouna Diomo, Djégui, Issa Manda, Oumar Salou, LT, Life,
Kaka, Boulaye Lémé, Issa Kaba
Les agents et membres des organisations étudiées
pour leur collaboration active durant la collecte de données : ANCAR,
Foyer de Sanar
Les collègues et amis pour leurs remarques pertinentes
tout au long de la rédaction, particulièrement : Yakhouba Samba,
Madame Ndiaye, Mame Awa, Sylvie, Luci, Aly, Salma et Mayna
SOMMAIRE
INTRODUCTION~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 6
PREMIERE PARTIE : Contextualisation
sociohistorique et cadre théorique 9
Chapitre I : Historique de la politique de développement
agricole du Sénégal 10
Chapitre II : Cadre
Théorique.............................................................
33
DEUXIEME PARTIE : Problématique et cadre
méthodologique 53
Chapitre III :
Problématique.......................................................................53
Chapitre IV : Cadre méthodologique.......
................................. ................64
TROISIEME PARTIE : Présentation des
résultats de la pré-enquête .73
Chapitre V : Historique du Foyer de
Sanar............................... .................74
Chapitre VI - Les activités socioéconomiques du
Foyer de Sanar....................78 Chapitre VII- Les obstacles à
l'autopromotion paysanne et au développement..81 Chapitre VIII- La
relation partenariale du Foyer de Sanar avec l'ANCAR......86
Chapitre IX À Le partenariat du Foyer avec
l'ANCAR.......... ..................... 94
Chapitre X : La portée de l'intervention de l'ANCAR au
niveau du
Foyer........99 CONCLUSION..........................................................................................109
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................113 ANNEXES...............................................................................................117
Listes des figures, tableaux et schéma
Liste des figures
Figure 1 : Localisation du cadre
spécifique d'étude............................................20
Figure2 : Histogramme de corrélation entre le genre et
les spéculations................................................................................................78
Figure 3 : Fréquences de l'intervention
et type d'appui de l'ANCAR auprès du Foyer de Sanar
101 Figure 4: La perception de la portée de
l'intervention de l'ANCAR par les
producteurs 107
.
Liste des tableaux
Tableau 1 : Les spéculations dans la
communauté rurale de Gandon............................30
Tableau 2 : Cultures hivernales et productions
dans la CR de Gandon en 2007-2008 ........31
Tableau 3 : Personnes interrogées par
entretiens informel interrogés............................66
Tableau 4: Répartition des effectifs
des deux
structures...........................................68 Tableau
5 : Répartition des individus
interrogés....................................................68
Tableau 6 : Corrélation entre
l'âge, le sexe et la situation matrimoniale des
enquêtés.........76 Tableau 7 : Les
différentes spéculations cultivées par les producteurs
selon le sexe...........78 Tableau 8 : Modalités de
cotisation des membres...................................................81
Tableau 9 : Niveau d'instruction des membres
du Foyer de Sanar...............................85
Tableau 10 : Capacité des producteurs
à formuler une demande d'appui à l'ANCAR........96
Tableau 11 : Intervention de l'ANCAR auprès du Foyer de
Sanar..............................101 Tableau 12 :
Appréciation de la portée de l'intervention de l'ANCAR
par les producteurs.106
Liste des Schémas
Schéma 1: Rôles des organisations
de producteurs................................................37
Schéma 2 : schématisation de
l'évolution de la gestion de l'action dans les projets
..........51
Schéma 3 : Construction du modèle
d'analyse......................................................63
Schema 4: Conception d'un programme
CAR~~~~~~~~~~~~~~~~~~.90
SIGLES ET ABREVIATIONS
AG : Assemblée générale
ANCAR : Agence Nationale de Conseil Agricole et
Rural CA : Conseil d'Administration
CAR : Conseil Agricole et Rural
CLCOP : Cadre Local de Concertation des Organisations de
Producteurs CNCA : Caisse Nationale de Crédit
Agricole
CNCAS : Caisse Nationale de Crédit
Agricole du Sénégal
CNCR : Comité National de Concertation et
de coopération des Ruraux CR : Communauté
Rurale
CRAD : Centres Régionaux pour
l'Assistance au Développement DOS : Document
d'Orientation Stratégique
DSRP : Documents de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté
DSODR : Document de Stratégie
Opérationnelle du Développement Rural
GIE : Groupements d'Intérêt
Economique
ISRA : Institut Sénégalaise de
Recherche Agronomique
LPDIA : Lettre Politique du Développement
Institutionnel Agricole LPDR : Lettre de Politique de
Développement Rural ou Décentralisé NPA :
Nouvelle Politique Agricole
OCA : Office de Commercialisation Agricole
ONCAD : Office National de Coopération et
d'Assistance au Développement
ONG : Organisation Non Gouvernementale
OPF : Organisations Fédératives
Paysannes
OP : Organisations de Producteurs
PNDA : Plan National de Développement
Agricole PNDE : Plan National de Développement
Economique PAS : Politiques d'Ajustement Structurel
PASA ; Programme d'Ajustement Structurel du
Secteur Agricole PISA : Programme d'investissement du secteur
agricole
PSAOP : Programme des Services Agricoles et
d'appui aux Organisations de Producteurs SAC :
Stratégie de Croissance Accélérée
SAED : Société
d'Aménagement et d'Exploitation des Terres du Delta
SDR : Société de
Développement Rural
SIP : Sociétés Indigènes de
Prévoyance
SODEFITEX : Société de
Développement des Fibres Textiles SODEVA :
Société de Développement et de Vulgarisation
Agricole SOMIVAC : Société de Mise en Valeur de
la Casamance
SRDR : Société Régionale de
Développement Rural
STN : Société des Terres Neuves
UGB : Université Gaston Berger de
Saint-Louis
UFR : Unité de Formation et de
Recherche
INTRODUCTION
L'objet de ce travail de recherche est d'analyser la logique
d'intervention des récentes structures étatiques telles que
l'ANCAR, mises en place dans le cadre de l'accompagnement des producteurs
agricoles. Il s'agit non seulement de déterminer si l'intervention de
l'ANCAR s'inscrit dans une logique d'appui, ou bien elle se trouve, comme
c'était le cas des anciens organismes, dans la logique d'encadrement,
mais aussi d'apprécier la portée de cette intervention au niveau
de Organisations de Producteurs (OP). Autrement dit, ce qui sous-tend ce
travail, c'est de déterminer puis d'analyser les facteurs bloquant
l'instauration de relations partenariales équilibrées et
appropriées garantissant une implication réelle des OP dans la
promotion du développement rural.
En effet, le Sénégal possède une riche
expérience dans la vulgarisation et l'approche du développement
agricole. Elle remonte jusqu'à la période coloniale, mais c'est
avec les indépendances que le pays s'est inscrit dans unes vraie mise en
oeuvre des différents politiques et programmes agricoles. Ce qui revient
à dire qu'au Sénégal, la question de l'agriculture a sans
doute toujours été une préoccupation dans la politique de
l'État, c'est-àdire que ce dernier mise sur le secteur agricole
pour bâtir son développement. C'est ainsi que de nombreuses
structures étatiques ont été mises sur pied pour assurer
l'encadrement des paysans. Mais la pédagogie des échecs nous
enseigne que beaucoup d'efforts ont été consentis pour des
résultats mitigés.
A la fin des années 70, l'échec des diverses
politiques du pays, caractérisées non seulement par leurs
coûts élevés, leur logique centralisée, populiste,
techniciste et dirigiste, mais aussi par leurs visées productivistes, va
favoriser le processus de désengagement de l'État et celui de la
responsabilisation des producteurs. Dès lors, la formule de
l'encadrement était remise en cause, et sous la pression des bailleurs
de fonds, certaines pratiques gouvernementales comme la subvention en intrants,
l'installation de plusieurs sociétés d'encadrement, le
développement des coopératives agricoles étaient
considérés comme des obstacles au développement.
En effet, avec la Nouvelle Politique Agricole (NPA) de 1984,
des réformes furent adoptées au niveau de l'administration (la
dissolution de l'Office National de Coopération et d'Assistance au
Développement( ONCAD), et au niveau du monde rural (érection de
certaines régions en zones à vocation agricole comme le bassin
arachidier et la Vallée du fleuve Sénégal). Mais la
nouvelle formule qui est adoptée dans cette ère de réforme
administrative sous le sceau de la décentralisation, reste encore
à l'état de définition des
projets de sociétés sans amélioration
concrète de la situation de la grande masse. C'est justement pourquoi,
le problème de recherche qui fonde ce travail est le fait que : les
politiques de développement agricole, malgré les acquis, ont dans
leur majorité produit des effets pervers. Le passage d'une logique
interventionniste de l'État à une logique de désengagement
n'a pas abouti à réformer structurellement la politique agricole.
De méme la transition d'une logique d'encadrement vers une logique
d'appui aux producteurs tarde aussi à montrer ses résultats.
Néanmoins, certaines des sociétés d'Etat continuent
toujours à manifester leur ancrage dans la logique d'appui.
Donc, en lieu et place des organismes étatiques qui
intervenaient au niveau des organisations de producteurs par ce qu'on appelle
la « logique d'encadrement », vont émerger d'autres types de
structures qui interviennent non plus par la logique d'encadrement, mais
plutôt par la « logique d'appui ». Autrement dit, les
réalisations sont désormais plus axées sur la mise en
place d'une nouvelle génération d'agence de développement
que le jargon administratif actuel appel structures d'appui conseil qui se
spécialisent plus dans le renforcement des capacités que dans la
politique de partenariat avec les acteurs locaux. Lieu d'émergence d'une
profession agricole organisée et de capitalisation d'une bonne dynamique
associative, ces organismes de développement, mieux que ceux qui les
avaient précédé, et à moindre coût se
proposent de réaliser de grandes performances avec la participation
effective des producteurs basés sur l'initiative de ces derniers.
Ce désengagement de l'État s'est donc
accompagné d'une floraison de nouvelles politiques agricoles dont l'un
des intéréts est le transfert aux producteurs de diverses
fonctions exercées jusque là par l'État. C'est surtout le
modèle de l'autopromotion où les producteurs affirment des
pratiquent autonomes de développement par une maîtrise de leur
propre environnement, que vont apparaître de nouvelles formes
d'Organisations de Producteurs. Ainsi, vu la multiplicité des diverse
types d'OP, une nouvelle structure étatique a été
créée pour contourner les erreurs des anciennes
sociétés d'encadrement du monde rural dans lequel les
institutions et services publics, à partir de politiques productivistes
et d'approches descentes, dictaient aux paysans les techniques qu'ils devaient
appliquer pour atteindre les objectifs de production décidés par
l'État.
En fait, la mise sur pied du Conseil Agricole et Rural (CAR)
intervient dans le cadre d'approches variées dont le soubassement
demeure la promotion d'une agriculture durable et diversifiée pour la
sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté et
l'amélioration des conditions de vie des producteurs. Les besoins en
appui des producteurs, ne pouvant plus être traités
isolément selon les préoccupations des intervenants, il faut
désormais une approche
globale qui place les producteurs au centre de
décisions. L'approche CAR cherche surtout à intégrer dans
sa démarche, le savoir et le savoir-faire des producteurs comme des
éléments indispensables à la participation pleine et
entière des populations. Ainsi, pour concilier les préoccupations
actuelles du monde rural et les approches et stratégies des
intervenants, le CAR se place au carrefour des activités rurales en
amont et en aval de la production.
Le sociologue et en particulier celui du développement,
dont l'objet d'étude se trouve être les changements induits par
les opérations de transformation des milieux sociaux entreprises par les
acteurs ou les institutions, doit analyser la contribution des intervenants
dans la construction du développement local. En effet, l'intervention
qui est de nos jours érigée en méthode standard dans la
construction du développement économique, doit faire l'objet de
recherche afin de déceler les promesses qu'elle véhicule et les
effets pervers qu'elle peut engendrer. Ceci étant, l'objectif principal
de cette étude est d'analyser les diverses actions accomplies par
l'ANCAR au niveau des OP et la manière dont elles sont effectuées
afin de déterminer la nature de la logique d'intervention de cette
structure. En d'autres termes, il s'agit d'analyser la nature et le rôle
de l'intervention de l'ANCAR dans le développement agricole des OP de la
communauté rurale de Gandon. Cet objet sera analysé à
partir d'une étude de terrain portant non seulement sur l'ANCAR de
Saint-Louis mais aussi sur une Organisation de producteurs partenaire de
l'agence et se déployant dans la communauté rurale de Gandon, le
Foyer de Sanar. Enfin, la démarche méthodologique adoptée
pour sa réalisation relève entièrement du qualitatif.
Ainsi cette étude qui concerne l'analyse de la nature de l'intervention
de l'ANCAR au niveau des OP telles que le Foyer de Sanar constitue une
contribution à l'étude des stratégies de
développement déployées en milieu rural. Pour cette
recherche, le plan de travail adopté se décline comme suit :
La première partie correspond à ce qu'on appelle
en sociologie la construction sociologique de l'objet à travers la
contextualisation sociohistorique consacrée à l'historique de la
politique de développement agricole du Sénégal et
l'élaboration du cadre théorique qui concerne les courants
théoriques sur les rapports entre l'État et les paysans.
La deuxième partie est consacrée à la
problématique de recherche et au cadre méthodologique que nous
avons adopté pour effectuer notre recherche.
Et enfin, la troisième et dernière partie se
compose de la présentation, de l'exploitation ou de l'analyse des
résultats de la pré-enquête.
PREMIERE PARTIE :
Contextualisation sociohistorique et
cadre théorique
La démarche première de tout sociologue, fut-il
apprenti, est de définir son objet afin que l'on sache ce dont il est
question dans son travail d'investigation. C'et dans cette maxime de Durkheim
que nous situons la première partie de notre travail de recherche. Cette
partie est ainsi consacrée à la contextualisation
socio-historique où il sera question de faire par de la
problématique d'ensemble dans laquelle s'intègre notre
thème ou objet d'étude, mais aussi et surtout de décrire
sa trajectoire socio-historique et ensuite, à la présentation de
l'arsenal théorique que nous avons mis en oeuvre pour accéder
à l'intelligibilité de notre objet.
Chapitre I : Histoire de la politique de
développement agricole du Sénégal
Cette étude se propose d'analyser l'évolution
des politiques agricoles du Sénégal, de passer en revue les
différentes interventions des structures étatiques mises en place
afin de s'interroger sur la pertinence et l'efficacité des solutions
nationales adoptées par le gouvernement selon les recommandations des
institutions internationales.
L'hypothèse qui sous-tend cette partie est que le
développement de l'agriculture suppose un consensus politique national
autour d'objectifs nationaux, un pilotage non bureaucratique pour satisfaire
les besoins du marché intérieur et maîtriser l'ouverture
sur le marché extérieur. Il est évident que l'histoire a
montré l'échec des systèmes politiques qui concentrent la
gestion des affaires publiques entre les mains d'un pouvoir central et
affaiblissent les pouvoirs locaux ruraux, mais le désengagement des
États qui s'en est suivi a très vite montré ses limites
car il a conduit á un vide institutionnel, une stagnation de la
production agricole, l'aggravation de l'insécurité alimentaire,
le développement des conflits pour le contrôle des ressources de
base. Il semble ainsi étonnant comme le constate Ibrahima Dia : «
Avec quelle légèreté les décideurs politiques
et les experts locaux acceptent que les politiques dans le domaine de
l'agriculture soient uniquement basées sur les schémas
économistes et simplistes prônés par les institutions
financières sur la base d'une certaine doctrine, « le
libéralisme du marché » (I. Dia, 2000, p111).
Certes les politiques dirigistes mises en oeuvre dans le
secteur agricole depuis 1960 ont échoué, mais est- ce une raison
pour accepter le « laisser faire » et la soumission au marché
mondial qui condamne les pays africains á se soumettre aux normes de la
compétitivité ?
Les fondements théoriques de ces institutions
internationales repose sur le principal postulat qui consiste à dire que
le vide que va provoquer le retrait de l'État sera naturellement
comblé par le secteur privé. Cependant, ce postulat n'est
basé sur aucune expérience de développement agricole dans
les pays d'Asie ou d'Europe. En effet la Révolution Verte ne s'est pas
produite en Asie par le dynamisme du marché (Gilbert Etienne, 1995),
mais bien par une forte intervention volontariste de l'État qui a
apporté un soutien à la recherche et à la vulgarisation
agricole et mis en place des réseaux de distribution de semences
améliorées et d'engrais. A ce titre, Bertrand Hervieu repris par
I. Dia tire ainsi les principaux enseignements de la révolution verte :
« Les succès de la révolution verte, liés
à partir des années 1963-1964 et jusqu'en 1970 à la
diffusion de nouvelles semences céréalières concernant
surtout celle blé, permettent une augmentation significative de la
production de céréales en Inde, En
Chine, en Indonésie, au Pakistan, au Bangladesh.
Bon nombre de ces pays ont cessé d'tre des importateurs de
céréales. Le Viêt-nam s'est hissé au
troisième rang mondial pour les exportations de riz. Le premier
enseignement de ces résultats réside dans le rôle capital
joué par la recherche (~) La seconde leçon à en tirer est
que le fruit de cette recherche particulièrement bien adapté aux
structures sociales et aux savoir-faire locaux (~) Surtout, ces innovations
n'ont nécessité ni mécanisation, ni exode paysan pour leur
mise en oeuvre» (I. Dia, 2000, p 112).
L'adoption d'une politique commune au sein de l'Union
européenne montre bien la volonté que manifestent les
États de ce continent pour orienter le développement de leur
agriculture à travers d'une part, la fixation des prix et d'autre part,
l'établissement de quotas de production et l'octroi de subventions. Dans
la même logique, les États- Unis d'Amérique avaient mis en
oeuvre des politiques agricoles souples et évolutives.
En réalité, les expériences asiatiques,
européennes et américaines montrent que les progrès de
l'agriculture ont été obtenus grace à un véritable
engagement de l'État et non comme on le laisse entendre par un
désengagement de l'État au profit du marché. Il s'agissait
dans ces pays d'obtenir l'autosuffisance alimentaire inspirée par une
idéologie nationaliste selon célèbre la formule du
général De Gaulle : « un pays qui ne peut pas se nourrir
n'est pas un grand pays », (I. Dia, 2000, p 113). Il apparaît
donc que l'agriculture des pays industriels dont les gouvernements se
déclarent partisans de l'économie de marché est encore
soumise à de nombreuses interventions de l'État et on imagine mal
pourquoi il devrait en etre autrement dans les pays du Tiers monde. Et depuis
plus d'un siècle aujourd'hui, les conceptions du développement en
Afrique de l'Ouest oscille entre deux modules : le modèle du
volontarisme de l'administration, c'est-à-dire que l'État se
présente comme l'organisateur omnipotent qui se trouve parfois
lui-même engagé dans la production, et celui de l'accompagner les
dynamiques économiques existantes dans une options libérale.
Le Sénégal présente ainsi une explication
et une analyse plus spécifique de sa politique agricole tout au long de
son histoire. En effet Mohamed Mbodj analyse les politiques de
développement agricole mises en oeuvre par l'État
sénégalais autour de trois périodes majeures :
1À D'abord de 1960 à 1971 marquée par la
nationalisation de l'agriculture dans un contexte socialiste et de domination
des rapports État /marabouts,
2- Ensuite la période de 1971 à 1979 qui se
présente comme une période des calamités naturelles
produisant un « malaise paysan » sur un fond de domination des
marabouts et de changement de régime politique,
3- Enfin la période de 1979 à 1990
marquée par l'ajustement structurel avec le désengagement de
l'Etat dans l'activité économique et la promotion du libre
échange, (Mbodj, 1992, p 96).
Mais pour les besoins de cette étude, nous avons
jugé nécessaire de proposer une nouvelle périodisation en
situant cette politique agricole autour de trois étapes. D'abord des
années 60 jusqu'en 1979 avec l'État interventionniste. Ensuite
des années 80 à 1990 marquées par le désengagement
de l'État et la responsabilisation des producteurs et, enfin de 1990
à la période actuelle dominée par la politique de lutte
contre la pauvreté et la politique de la stratégie de croissance
accélérée.
1.1 - La période d 1960 à 1962 : Mamadou DIA
et la politique d'animation rurale et le mouvement coopératif
L'animation rurale se conçoit comme une modalité
de la participation des communautés dans les processus de prise de
décision. Elle est considérée comme une réponse
à des besoins décisionnels plus judicieux et socialement plus
acceptable que les choix qui émergent de politiques non
décisionnels ou de type bureaucratiques. Elle participe d'une
volonté de dialogue fortement affichée par les pouvoirs publics
à travers les politiques de développement mises en place au
lendemain des indépendances.
Cette période concerne en principe la politique de
Mamadou DIA, partisan de la doctrine du socialisme africain. En effet, quand le
Sénégal accède à l'indépendance en 1960, le
gouvernement de Mamadou Dia adopte un plan de socialisation et de
nationalisation de son économie. Ainsi, l'orientation du nouvel
État indépendant prenait source dans cette doctrine socialiste
basée sur ce qui est connu sous le nom de « communautarisme
négro-africain » qui est une voie médiate alliant
l'efficacité de la gestion capitaliste aux valeurs du socialisme. A
cette époque, les bases idéologiques du mouvement
coopératif étaient, dès 1950 avancées par M. Dia
à savoir que la coopérative est l'institution clef du socialisme
africain, et qu'elle doit combiner les traditions africaines et les valeurs
démocratiques. L'hypothèse qui sous-tendait cette politique
était qu'au sein des sociétés traditionnelles, il existe
des valeurs qui peuvent et
doivent etre utilisées au service du
développement. C'est ainsi que dans son discours du 04 Avril 1959, le
Président du Conseil d'alors pose d'emblée la
problématique du développement en ces termes : « J'ai
déjà dit que, politiquement, nous devions choisir un socialisme
original, authentique, prolongeant ses racines profondément dans le
terroir, issu de l'Afrique et non de l'Europe, de l'Asie ou de
l'Amérique. Pour construire ce socialisme nouveau, nous emprunterons la
grande voie de l'économie humaine, qui peut se résumer dans la
belle formule de François Perroux « l'économie de tout
l'homme et de tout les hommes. » (Rapport national sur le
développement humain au Sénégal, 2005 : p 33).
Alors dans ce cas précis, le développement est
censé être un phénomène total, c'est-àdire
qu'il doit s'appliquer à toutes les régions du pays, urbaines et
rurales, à toutes les classes de la société, à tous
les secteurs de l'économie, à tous les niveaux de vie
individuelle et collective etc.
La méthode préconisée pour atteindre cet
objectif est celle d'un dialogue ouvert qui bannit toute forme de contrainte.
Donc l'instrument à travers lequel les éléments de
conception de cette politique agricole vont se matérialiser est la
coopérative. Il fut ainsi décidé la mise en place d'un
important mouvement coopératif. Ce qui traduisait dans les faits, les
orientations contenues dans la circulaire n° 32 du 21 Mai 1962 du Conseil
intitulé Doctrine et problème de l'évolution du
mouvement coopératif au Sénégal qui va promouvoir les
coopératives comme instruments de mobilisation des populations et de
réalisation du développement rural. Cette circulaire était
l'expression la plus clairement élaborée des objectifs du
gouvernement. Dans un tel contexte, le mouvement coopératif devrait
servir de pierre angulaire pour la promotion socioéconomique des
paysans. A ce propos, Il était écrit dans la circulaire que :
« Le mouvement coopératif, au niveau des communautés
humaines réelles constitue le mode d'organisation permettant de
préserver les valeurs communautaires anciennes et de promouvoir un
développement moderne susceptible de prendre place dans les courants
d'évolution du monde actuel » (Rapport national sur le
développement humain au Sénégal, 2005 : p 34).
Fondées sur l'éthique du socialisme africain,
les coopératives vont avoir pour objectifs de démanteler
l'économie de traite, assainir les circuits de commercialisation
hérités de la colonisation, nationaliser le commerce de
l'arachide et diversifier l'économie rurale etc. Le mouvement
coopératif devient donc le cadre de promotion d'une approche
communautaire du développement locale. Il s'agit en fait de promouvoir
un système d'encadrement rapproché des paysans tant sur le plan
de l'organisation, du financement mais aussi du contrôle des
coopératives agricoles. Mais un tel système est
censé s'atténuer au fur et à mesure que les
coopérateurs acquièrent les compétences nécessaires
à la gestion de leur organisation.
Finalement la prédominance de la version communautaire
promue par Dia ne suivra pas à son érection dans la scène
politique consécutive aux fameux évènements de 1962.
Depuis lors, l'approche institutionnelle du développement local semble
prendre le pas sur celle communautaire dans les politiques de
développement au Sénégal. Avec l'élimination de M.
Dia, la situation devient encore beaucoup plus grave en 1963 avec une
stagnation des stocks d'arachide dans les coopératives et, la tutelle,
au lieu de dépérir connaît une accentuation : c'est
l'État qui fixe les prix, distribue les semences, fournit le
crédit, supervise la comptabilité des coopératives et
détermine les priorités locales de développement. Ainsi
pour gouverner des populations intégrées, l'État du
Sénégal a procédé à la mise en place d'un
relais de son pouvoir dans le milieu rural à la suite de la
réforme administrative territoriale de 1972. A côté de
l'organisation administrative, l'État va également mettre sur
pied des structures de mobilisation populaire et de participation pour faire du
monde rural « le pôle du développement de la
société ». Cette phase réformiste se fondait sur
la référence à l'idéologie du socialisme
démocratique sous-tendue par l'option d'une planification rigoureuse,
exhaustive et volontariste.
Toutefois, les coopératives vont très vite
être transformées en instruments de prédation. Dès
le début de leur mise en oeuvre, les elles seront d'abord
confrontées à des problèmes structurels et à
d'autres liés à l'environnement sociopolitique du pays, notamment
le clientélisme politico-économique reliant les structures et
fonctionnaires de l'État, les leaders du monde rural et la masse des
paysans. Autrement dit, la politisation des coopératives, notamment avec
l'avènement des Centres Régionaux pour l'Assistance au
Développement (GRAD), va détourner les coopératives de
leurs missions. Ensuite l'hétérogénéité des
villages membres d'une méme coopérative posait des
problèmes de cohésion sociale et de solidarité. Enfin la
mauvaise gestion et la récupération du mouvement par les
élites locales vont miner les coopératives. En outre, les elles
vont se réduire à la gestion arachidière et se transformer
en une structure politique de différenciation sociale en milieu rural.
Ainsi elles apparaissent plus comme des instruments de contrôle social et
politique de l'État et des politiciens sur les masses rurales qu'un
outil au service des populations. L'État tentera de remédier
à cette situation, mais l'aggravation des dérapages engendrent ce
qu'on a appelé « un malaise paysan ». Geci entraîne un
premier train de réformes qui aboutit à la création de
l'Office National de Coopération et d'Assistance au Développement
(ONGAD).
1.2 - La Période de 1963 à 1979 :
L'interventionnisme de l'État dans le domaine agricole
Comme nous l'avons signalé ci-dessus, la politique de
l'État sénégalais nouvellement indépendant prenait
source dans la doctrine du socialisme africain basée sur le
«communautarisme négro-africain» avec comme cadre
théorique le paradigme de la dépendance. Au plan
opérationnel, on constate un modèle de gestion dirigiste et
centralisée avec l'État, comme principal acteur du
développement définissant et mettant en oeuvre seul les
politiques de développement à travers son administration
centrale. Des raisons d'ordre social, politique et économique semblaient
justifier cette orientation qui a donné lieu à la mise en place
de dispositifs d'encadrement, de vastes programmes de développement et
enfin, de structures censées garantir la participation populaire. Ainsi,
outre les coopératives agricoles, l'autre mécanisme de cette
politique de développement peut être situé au niveau de
l'Office National de Coopération et d'Assistance au Développement
(ONCAD) créé en 1966. Les autorités
sénégalaises ont amorcé une étatisation des
circuits commerciaux de l'arachide par la création de cette structure,
née de la fusion des Centres Régionaux d'Assistance au
Développement (CRAD) et de l'Office de Commercialisation Agricole (OCA).
L'ONCAD avait pour vocation de rationaliser et de coordonner les
opérations d'une multitude d'organismes étatiques,
concernés par la commercialisation de l'arachide.
Ensuite, l'État sénégalais a
procédé à un recensement des structures d'encadrement dans
le monde rural en créant des sociétés d'encadrement du
monde paysan comme la Société d'Aménagement et
d'Exploitation des Terres du Delta (SAED en 1965), la Société de
Développement et de Vulgarisation Agricole (SODEVA en 1968), la
Société de Mise en Valeur de la Casamance (SOMIVAC en 1976), la
Société de Développement des Fibres Textiles (SODEFITEX en
1974), la Société des Terres Neuves (STN), etc. Ces
sociétés avaient pour vocation de susciter et d'encadrer les
groupements de production bien définis (arachide, coton et riz). Face
aux paysans, l'État est un expert au sens crozierien du terme puisque
selon lui : « L'expert est le seul qui dispose du savoir-faire, de
l'expérience du contexte qui lui permettent de résoudre certains
problèmes cruciaux de l'organisation. Sa position est donc bien
meilleurs dans la négociation aussi bien avec l'organisation qu'avec ses
collègues » (Crozier et Friedberg, 1981, p72).
Cependant, ces organismes n'étaient pas à la
hauteur ni des espérances, ni des moyens mobilisés parce que la
logique par laquelle ils se sont comportés en milieu rural est une
« logique d'encadrement » des paysans qui doivent simplement
exécuter les décisions prises
par les agents de développement. Dan cette logique, on
retrouve toute la pertinence de cette critique de Adrian Adams quand elle
soutient que : « Dans les projets, ils n'associent jamais les paysans
à leurs travail ; alors meme que souvent les paysans travaillent mieux
qu'eux. (..) Ils viennent seulement ramasser l'argent et ils s'en vont. La
terre reste là, elle n'est pas développée Maintenant, ils
achètent les paysans pour dire aux financeurs : on a tant de paysans,
donnez nous de l'argent » (A. Adams, 1985, p 194).
Ces nombreux échecs enregistrés nous poussent
à nous demander si ces structures d'encadrement du monde rural n'ont pas
été utilisées au service exclusif d'un système
politique qui ne cherchait qu'à se maintenir et à se reproduire.
En d'autres termes, il incombe de savoir si l'agriculture n'a pas servi que de
prétexte pour mettre en place un appareil public dont l'ampleur, au bout
du compte, n'a été plus utile à l'extension du pouvoir
qu'au développement du monde paysan. A ce titre, selon le duo Momar C.
Diop et Mamadou Diouf, il y a deux principales raisons qui peuvent expliquer
cet échec : « La première se réfère
à la nature clientéliste de l'Etat et des conflits politiques et
idéologiques des différentes personnes au sein de l'Etat, du
gouvernement et du parti au pouvoir. La seconde réside dans
l'élimination de Mamadou Dia qui marque la fin des tentatives de mise en
place d'une administration de type moderne et de participation populaire
» (1990, p 63).
Aussi, le rôle joué par les marabouts au
bénéfice de Léopold S. Senghor va titre capital puisqu'il
renforce le principe clientéliste établi à leur profit
dès le référendum de 1958. Ce mouvement coopératif
sera ainsi dévié de ses objectifs pour devenir une structure au
sein de laquelle divers groupes ou acteurs vont chercher à
réaliser des objectifs contradictoires parmi lesquels : A) l'État
cherche à contrôler l'économie arachidière, à
promouvoir des programmes de modernisation agricole et à s'approprier
une plus-value de l'économie rurale ; B) les politiciens s'y appuient
pour construire leur clientèle politique en s'assurant un accès
facile au crédit et aux autre ressources de la coopérative, C)
les notables ruraux et chefs religieux, de leur côté, s'y adossent
pour renforcer leur autorité et leur prestige ; D) les paysans
perçoivent plus le mouvement coopératif comme un instrument
étatique conçu pour centraliser la récolte d'arachide que
comme une destinée à promouvoir leur développement (Diop
et Diouf, 1990, p 65).
En résumé, les coopératives vont titre
transformées en instruments de prédation et l'ONCAD quant
à elle, se présente selon les propos de Mohamed Mbodj comme une
structure tentaculaire caractérisée par une gestion
gabégique et un clientélisme politique (Mbodj, 1992). C'est ainsi
que sous le poids du dirigisme et de la tutelle de l'État, les
populations ont fini par croire que les structures de participation ne sont en
fait que de nouvelles stratégies d'une
administration omnipotente et tentaculaire
caractérisée par une expansion massive et une centralisation
concomitante de l'appareil d'État. Cela revient tout simplement à
souligner que le problème des premières politiques de
développement dans la plupart des États africains nouvellement
indépendants comme le Sénégal concernait leurs
résultats mitigés au travers d'investissements coüteux et
irréalistes associés à des dérives
financières produisant comme conséquences l'insolvabilité
et la vulnérabilité des pays.
L'échec des politiques de développement
post-indépendantistes qui s'est surtout manifesté par la perte de
compétitivité de l'économie va ainsi amener les pouvoir
publics à s'endetter pour financer le développement, accentuant
ainsi la dépendance du pays aux capitaux étrangers. Mais
au-delà de ce contexte explosif, ce seront surtout les exigences des
bailleurs de fonds internationaux pour un redimensionnement de l'État
dans l'activité économique qui vont entre autres, impulser
à travers l'ajustement structurel, le processus de désengagement
de l'État et de responsabilisation des populations rurales. Ainsi sous
le diktat des bailleurs de fonds, les pouvoirs publics vont s'engager
dès la fin des années 70 à rectifier les
déséquilibres macro-économiques en mettant sur pied des
réformes destinées à changer le modèle de
développement post-colonial. C'est justement cette période qui
coïncide avec ce qui est communément connu sous le nom de
Politiques d'Ajustement Structurel.
1.3 - La période de 1980 à la fin des
années 90 : Le désengagement de l'État avec les politiques
d'ajustement structurel et le début de la responsabilisation des
producteurs
Les années 80 resteront véritablement la phase
radicale dans l'application des Politiques d'Ajustement Structurel (PAS) en
Afrique et, en particulier au Sénégal avec une série de
conditionnalités. En effet, suite à l'influence des bailleurs de
fonds et au changement politique avec l'arrivée de Abdou Diouf à
la tête du gouvernement, cette période restera marquée par
les PAS. En cherchant à réaliser ce que les bailleurs appellent
l'efficience de l'Etat, le Sénégal a mis en pratique le slogan
« Moins d'État, mieux d'État » en mettant en
exécution plusieurs réformes. Selon Mbodj, les PAS reposent sur
une sorte de triangle dont les sommets sont respectivement constitués
par : A) une politique monétaire de resserrement et d'aggravation des
conditions d'accès au crédit ; B) un assainissement des finances
publiques par la réduction de la masse salariale dans la fonction
publique, des dépenses sociales et des subventions publiques ; C) la
vérité des prix par la dévaluation locale. Cette phase des
PAS, caractérisée par une série de réformes
structurelles importantes avait pour finalité une réduction
sensible de l'intervention de l'État dans l'activité
économique (Mbodj,
1992). Une telle rupture est synonyme de remaniement des
principes du socialisme au profit d'une approche conforme au cadrage
macroéconomique et financier et à l'option d'une stratégie
de développement socio-économique fondé sur le respect
intégral du libéralisme. Cette nouvelle politique, comme le
remarque Mbodj est marquée par trois principales phases : d'abord «
dissolution de l'ONCAD (1972-1980) », ensuite « la réforme des
structures d'encadrement (1980-1985) » et enfin « la mise en place
d'une Nouvelle Politique Agricole (1984) », (Mbodj, 1992, p112). Cependant
dans le cadre de ce travail, nous insisteront sur deux aspects majeurs
concernant ces programmes d'ajustement structurel : d'abord la dissolution de
l'ONCAD et ensuite la mise en oeuvre de la Nouvelle Politique Agricole.
1.3-1 - La dissolution de l'ONCAD :
L'existence des nombreuses structures, dans le fonctionnement
de l'économie sénégalaise, a plutôt contribué
à paralyser le secteur agricole au lieu d'y impulser un dynamisme.
L'illustration peut etre donnée à travers l'ONCAD tel qu'il a
été ménagé pendant deux décennies. En effet
si les objectifs assignés à l'ONCAD consistaient à
moderniser l'agriculture, à commercialiser des produits de rente et
à stabiliser les prix d'achat aux productions pour conjurer les
fluctuations des prix du marché mondial, les résultats auxquels
elle a abouti n'ont pas du tout traduit ces attentes. A ce titre, Caswell a
montré dans une étude que : « L'ONCAD a plutôt
servi à enrichir une caste politico-affairiste que d'induire des
mutations profondes dans les campagnes sénégalaises La gestion de
cette société nationale a plutôt permis de
transférer les revenus agricoles dans les caisses de l'État,
favoriser des détournements, des malversations au détriment des
producteurs, rendre confus des comptes financiers concernant l'endettement
auprès de la BNDS par favoritisme, corruption et clientélisme,
constituer un réseau de clientélisme au bénéfice du
parti au pouvoir, avec les gros producteurs (marabouts ou responsables du parti
socialiste) » (1984, p38).
C'est plutôt une situation de régression à
laquelle l'ONCAD a fini par installer le secteur agricole
sénégalais avec des centaines de milliards de déficit et
une destruction des structures organisationnelles sur lesquelles reposait le
système d'organisation et d'encadrement du monde paysan. Ainsi ces
réformes ne sont pas, selon Mamadou Diouf, une volonté de
l'État « .de faire participer mais de serrer le maillage
administratif sur la société pour accroître
l'efficacité de la politique de développement dont l'extension du
domaine étatique était l'élément moteur
», (M. Diouf, 1992, p253). Il fallait dès lors réduire les
énormes déficits consentis par cet organisme
considéré comme budgétivore et sans réelle
efficacité dans le développement du monde rural.
S'en expliquant sur la liquidation de l'ONCAD, le Président Abdou Diouf
affirmait « l'Office ne parvenait plus à accomplir ses
missions. De plus, les coopératives ne pouvaient plus coexister avec un
organisme aussi lourd et omniprésent ; sauf à se transformer en
simples points de collecte d'arachide, ce qu'elle tendait effectivement
à devenir Notre objectif reste la libéralisation du monde rural
du carcan bureaucratique et des tutelles surabondantes qui l'entravent
»1
Confronté depuis longtemps à une production
agricole en déclin et un déficit persistant des finances
publiques, le Sénégal a ainsi, sous la pression de bailleurs de
fonds internationaux, procédé à l'application de ces PAS
dans le domaine de l'agriculture aussi. L'ajustement s'est traduit au niveau de
ce secteur par le désengagement, la privatisation et la restructuration
des entreprises publiques chargées du développement rural et
agricole, la responsabilisation des agriculteurs avec un transfert de certaines
fonctions anciennement dévolues aux organismes publics,
l'élimination des subventions sur les intrants et le crédit
agricole, la libéralisation des prix, des marchés et du commerce
des produits agricoles. En un mot, face à cette situation inconvenante,
il se posait la nécessité urgente et renouvelée de la
redéfinition d'une véritable politique agricole intégrant
tous les aspects du secteur rural dans un cadre cohérent avec les
orientations du pays.
1.3-2- La création de la NPA :
La Nouvelle Politique Agricole (NPA) a été
lancée en 1984 en vue de créer les conditions de la relance de la
production dans un cadre qui favorise la participation effective et la
responsabilisation poussée des populations rurales à chacune des
étapes du processus de développement et, en conséquence,
réduit l'intervention de l'État à un rôle catalyseur
et d'impulsion. A travers la NPA, l'État voulait rompre avec le
jacobinisme dont il avait toujours fait part en responsabilisant
désormais les paysans. La teneur de cette politique agricole selon M.
Mbodj « tourne autour de l'idée que le secteur agricole doit
désormais etre régi par les règles du marché en
général, et par celles du profit au niveau du paysan en
particulier. Cela se traduit par la nécessaire réorganisation du
monde rural, marquée par le désengagement de l'État
» (M. Mbodj, 1992 :117). Les buts avoués de la NPA tournent en
principe essentiellement vers une meilleure réorganisation du monde
rural qui favoriserait une plus grande responsabilisation du paysan. Cela
suppose donc une intervention moins marquée
1 - Abdou Diouf, « Discours devant le Conseil
économique et social », cité par M. Mbodj, 1990 : 115.
de l'État dans le secteur et un nouveau mode
d'encadrement des sociétés de développement rural plus
souple et léger. En d'autres termes, les dispositifs de la NPA tournent
autour de la restructuration des sociétés d'intervention par le
désengagement de l'État et l'allègement de l'encadrement,
la réorganisation des producteurs autour des sections villageoises.
C'est donc dire que la NPA doit aboutir à une
restructuration sociopolitique avec l'État chargé de l'animation
et de la coordination, les paysans chargés des actions de
développement et l'apparition de nouveaux partenaires comme les ONG, les
bailleurs de fonds etc. C'est dans ce cadre que les mesures de réforme
entreprises, dans le cadre de la NPA, ont porté essentiellement sur : la
responsabilisation des producteurs ruraux, la redéfinition des missions
des organismes d'encadrement, la promotion de nouvelles formes d'organisations
paysannes, l'application d'une politique de prix incitative, la mise en place
d'une politique de gestion et de distribution des facteurs de production, la
poursuite de la réalisation d'un taux d'autosuffisance vivrière
de 80% en l'an 2000, et enfin la mise en place de la Caisse Nationale de
Crédit Agricole (CNCA).
Cependant, après plusieurs années de pratique de
la NPA, on a constaté qu'il y a eu un renforcement du malaise paysan
puisque le producteur tarde toujours à émerger. En plus, ce sont
toujours les contraintes économiques qui déterminent non
seulement les choix techniques des paysans, l'inaccessibilité de
l'engrais, des semences, du matériel agricole mais aussi la baissent
sensible de la productivité et le désordre institutionnel
à la suite du désengagement brusque des sociétés
d'encadrement qui sont insuffisamment remplacées par les Organisations
de Producteurs (OP). A ce sujet, François Boye, repris par Sambou Ndiaye
affirme que : « Contrairement à ses objectifs, la NPA en
pratique décourage la production agricole (~), encourage la
dépendance alimentaire (E) et creuse le déficit de la
filière arachidière (~) », (S. Ndiaye, 1995-1996),
p39).
C'est dire que certes cette alternative avait produit quelques
évolutions pratiques pertinentes, mais il reste que l'absence de
consensus dès le départ autour de la conception même de la
NPA avait manqué pour parfaire sa réussite. M. Kassé en
est bien conscient lorsqu'il note que : « La NPA n'a donc pu ~tre
qu'un compromis, et comme tel, cumule des demi-mesures qui ont fini par
produire beaucoup d'inconvénients et de contradictions » (M.
Kassé, 1996 :119 ).
En conséquence, à la faillite presque certaine
de la NPA, le Sénégal signait avec les bailleurs de fonds un
nouveau programme baptisé Programme d'Ajustement Structurel du Secteur
Agricole (PASA). Dans ses grandes lignes, le PASA n'est rien d'autre que la
poursuite des réformes initiées avec la NPA et porte notamment
sur l'accélération de l'État
des activités de production et de commercialisation, la
suppression des distorsion entre les prix et les subventions, la promotion des
céréales locales pour remplacer le riz, l'adoption d'une
politique d'irrigation moins coateuse et plus soutenue (M. Kassé, 1996).
En termes de bilan de l'exécution du PASA, Eliot Berg, cité par
Kassé constate qu' « il y a un plus grand nombre de preuves de
stagnation continuelle que de signes de changement » (M.
Kassé, 1996 : 20). Manifestement, on était plus proche de
l'échec du programme que de sa réussite espérée au
regard de la situation du monde rural qui ne s'améliorait
guère.
En somme, le résultat bénéfique des PAS
résiderait au niveau sociopolitique, car induisant une révision
des modalités de gestion publique, et ouvrant un espace ouvert à
une intervention plus importante des acteurs privés et sociaux. En ce
sens, les elles constituent une des composantes de la structure
d'opportunité politique ayant favorisé le repositionnement des
différents acteurs, à travers notamment la reconfiguration du
rôle de l'État, la promotion de l'intervention du secteur
privé et d'acteurs intermédiaires et enfin, le renforcement de
l'implication de la «société civile» comme contre
pouvoir des institutions publique.
Cependant, le repositionnement des acteurs locaux, pour
reprendre Sambou Ndiaye, « semble être plus une
conséquence de l'ajustement qu'un objectif préalablement
défini », (S. Ndiaye, 2007, p37). En lieu et place de la
responsabilisation des populations, c'était plutôt la
réduction du rôle de l'Etat dans le développement
économique en vue d'assurer le libre jeu du marché et la
privatisation du social qui était visée. D'autres
conséquences des PAS peuvent etre appréciées à
travers l'abolition de la gratuité de l'accès aux soins de
santé, l'enchérissement des prix des denrées de
premières nécessités, la détérioration des
conditions de vie des populations, la fragilisation du tissu agricole local
avec la suppression des subventions accordées aux paysans. Toutefois,
les effets combinés de la crise économique et des PAS conduisent
à l'affirmation de nouveaux groupes stratégiques, à savoir
les collectivités locales et les organisations de producteurs. En outre,
les exigences en matière d'auto-promotion des acteurs sociaux,
d'équité et de bonne gouvernance sont désormais mises de
l'avant.
1.3.3. La dynamique des organisations des producteurs
au Sénégal
L'étude de la dynamique des OP se limite ici à
celle des organisations ayant des objectifs opérationnels précis
sur la promotion non de valeurs, mais plutôt celle du producteur et des
filières agricoles dans lesquelles il s'investit. Dans cette
perspective, il s'agit d'éclairer soit les interventions de
l'État, soit les efforts d'adaptation des producteurs dans les
contextes
définis. Autrement dit, notre analyse s'attache
à expliquer la diversité, l'influence et l'importance des OP au
regard du contexte de leur émergence et des mutations qu'elles ont
subies depuis la fin de la période coloniale.
En effet, l'histoire des OP au Sénégal est
étroitement liée aux interventions de l'État visant
à promouvoir la culture de l'arachide dans le bassin arachidier ou au
développement d'autres filières de production (riziculture dans
le Delta) dans les zones agro-écologiques, depuis la création des
Sociétés Indigènes de Prévoyance (SIP) en 1910
jusqu'aux années 1980/1990 qui consacrent à la fois
l'avènements des Groupements d'Intérêt Economique (GIE) et
la multiplication des groupements d'organisation paysannes avec la naissance du
CNCR et du regroupement des OP dans la Vallée, (E.S.N.Touré, 2004
:25). Donc l'historique des OP remonte aux SIP qui devaient jouer un rôle
d'assurance mutualiste dans l'économie local des pays africains
exposés à des crises chroniques de disettes. Ces
sociétés continueront d'exister après 1960 à
coté des coopératives qui finiront par les absorber. Cependant la
participation paysanne dans le développement agricole varie peu, car
cette participation s'exprime dans le nouveau contexte de souveraineté
nationale dans les mémes conditions qui prévalaient sous
l'administration coloniale.
Les coopératives se sont développées dans
un contexte où l'encadrement technique fait défaut et où
la faiblesse de l'épargne ne leur permet pas de fonctionner de
façon autonome. Toutefois le développement de la production
arachidière a bénéficié de la conjonction de
plusieurs facteurs dont l'intervention de l'État par
l'intermédiaire de la SODEVA et son alliance avec les forces sociales
qui ont joué un certain rôle dans l'expansion de la culture
arachidière. Ces coopératives restent donc le premier stade de
structuration du monde paysan après les indépendances. Elles ont
permis de rassembler des forces pour réaliser des actions communes
menées sous la tutelle de l'ONCAD qui, néanmoins ne furent pas
bénéfiques pour les paysans.
Le deuxième stade de structuration du monde paysan a
été confirmé avec l'objectif d'autosuffisance alimentaire
par la riziculture au niveau du Delta par la création de la SAED en
1965, en tant que société régionale de
développement rural (S. Ndiaye, 1995-1996 : 41). De 1965 jusqu'en 1980,
cette structure va détenir à elle seule les facteurs et moyens de
production à travers un système d'encadrement dirigiste et
centralisé et une approche techniciste. La SAED se proposait d'organiser
les paysans autour du mouvement coopératif pour les associer au
procès de production. Mais le clientélisme
politico-économique de l'époque va bloquer ce mouvement (S.
Ndiaye, 1995-1996 : 41). C'est à partir des dérives des
Société Régionale pour le Développement Rural
(SRDR) (primat du fonctionnement sur
l'investissement, personnel pléthorique et gestion
gabégique) que seront élaborées des mesures de restriction
de leurs tâches ainsi que le cantonnement de leurs activités dans
des contrats/plans établis par l'État. Ainsi la SAED va
désormais se limiter aux fonctions de pilotage, suivi-évaluation,
vulgarisation, coordination etc., et laisser aux OP les activités
productives autour de la gestion du crédit, du matériel agricole,
de l'approvisionnement en intrants etc.
Le troisième stade de structuration est
caractérisé par l'émergence d'OP plus autonomes. En effet,
consacré par la réforme de la NPA en 1984, le
désengagement de l'État favorise la création de GIE.
Ceux-ci continuent à proliférer dans tous les villages, surtout
au Nord et au Sud-est qui sont les zones d'intervention de la SAED et de le
SODEFITEX, où les opportunités offertes aux producteurs sont
encore plus grandes en raison des barrages et de l'importance de flux
d'investissements publics et privés injectés dans cette zone par
rapport au reste du Sénégal (E.S.N.Touré, 2004 :34). Ainsi
la volonté de regroupement traduit la nécessité, pour
celles-ci, de renforcer leur pouvoir de négociation et de prendre en
charge les revendications exprimées dans le milieu paysan. C'est cela
qui explique l'importance prise par le Comité National de Concertation
et coopération des Ruraux (CNCR) et la fédération des
producteurs de la Vallée qui regroupent beaucoup d'OP sur l'ensemble du
territoire national et dans la vallée du fleuve Sénégal.
C'est deux organisations ouvrent de nouvelles perspectives aux revendications
paysannes, en raison de leur dimension, de leur proximité
vis-à-vis de leur base et du nouvel environnement lié au
désengagement de l'État et à la politique de
décentralisation.
Les dispositions institutionnelles évoquées plus
haut vont donc créer un cadre d'émergence particulièrement
favorable aux OP privilégiés. Le GIE va être
instauré par la loi n°84_37 du 11 Mai 1984, les communautés
rurales vont gérer l'affectation des terres, la Caisse Nationale de
Crédit Agricole du Sénégal (CNCAS) va aussi s'installer
dans la région en 1987. Dans un second mouvement, ces dispositions
institutionnelles largement dominées par le capital international vont
favoriser le regroupement des GIE et OP autour des structures
fédératives comme les Organisations Fédératives
Paysannes (OPF) du Delta (ASSESCAW, AFEGIED ETC.), pour en faire des cadres
privilégiés afin de faciliter l'accès au foncier et au
financement agricole, (S. Ndiaye, 1995-1996 : 42).
1.4 - La fin des années 90 et le début des
années 2000 : Les politiques de lutte contre la pauvreté :
Malgré son impact dans la reprise de la croissance
économique et dans l'amélioration du cadre
macroéconomique, les PAS ont accentué la pauvreté des
populations et n'ont pas permis de positionner le secteur agricole national en
moteur de l'économie qui, par ailleurs se trouve de plus en plus
dépendante et extravertie. Selon Sambou Ndiaye : «
L'échec des PAS a démontré d'une part, que la
croissance économique n'induit pas automatiquement un meilleur
accès des pauvres aux ressources stratégiques ou aux services
sociaux de base et d'autre part, que les réformes structurelles visant
à stabiliser et à ajuster le cadre macroéconomique se font
souvent au détriment des populations démunies parce que porteuses
de coûts sociaux préjudiciables mais peu pris en compte
» (S. Ndiaye, 2007, p37).
1.4-1- La Stratégie de Réduction de la
Pauvreté :
Dès la fin des années 90, alors que
l'État du Sénégal n'avait pas encore terminé le
second programme des PAS, un nouveau programme dénommé «
Stratégie de Réduction de la pauvreté au
Sénégal » est mis en place par le gouvernement. D'ailleurs
dans la plupart des pays africains, des « Documents de Stratégie de
Réduction de la Pauvreté (DSRP) » sont
élaborés dont l'objectif est d'orienter de manière
stratégique le développement en donnant une certaine
prééminence à l'intervention des bailleurs de fonds et des
organismes de développement international. Cette nouvelle politique se
différencie des PAS selon ses diverses orientations dont nous pouvons
ici retenir trois : d'abord elle a une orientation sociale en faveur des
populations démunies, ensuite elle reconnaît la
responsabilité des pays dans l'élaboration et la mise en oeuvre
des politiques de développement et, enfin elle met en évidence un
processus participatif en ce qui concerne son élaboration, sa mise en
oeuvre et son suivi-évaluation à travers notamment l'implication
des acteurs locaux.
Mais de manière précise, ce programme devrait
répondre à trois principales préoccupations au
Sénégal : d'abord doubler le revenu de chaque habitant d'ici
l'horizon 2015, ensuite généraliser l'accès au service
sociaux de base à travers la mise en place d'infrastructures de base et
enfin, éradiquer toute forme d'exclusion et promouvoir
l'égalité des sexes.
L'analyse du profil de pauvreté, de ses causes et
manifestations a permis de retenir une stratégie axée sur quatre
leviers fondamentaux que sont : la création de richesse, le
renforcement des capacités et la promotion des services
sociaux de base, l'amélioration des conditions de vie des groupes
vulnérables et un dispositif de mise en oeuvre et de
suiviévaluation décentralisé et participatif. A cela,
s'ajoute ainsi le second axe stratégique qui concerne le renforcement
des capacités.
La lutte contre la pauvreté se réduit donc
à une sorte de politique sociale avec comme point d'appui
l'atténuation des effets néfastes des PAS fortement
critiqués. Mais ces politiques de réduction de la pauvreté
qui se sont substituées aux politiques de développement se
placent elles aussi dans la désillusion du modèle de l'ajustement
en ce sens qu'elles reproduisent également des postulats similaires
à ceux des PAS, négligeant le fait que le problème
réside moins dans leur application sélective par les États
africains que dans leur incapacité intrinsèque à
promouvoir un développement autoentretenu et équitable, comme le
souligne ce passage du CNUCED : «La nouvelle approche mettant l'accent
sur la réduction de la pauvreté semble donc être
fondée elle aussi sur le postulat selon lequel la libéralisation
et l'intégration rapide et poussée à l'économie
mondiale sont la clef d'une croissance rapide et soutenue. La croissance ne
profitant pas automatiquement aux pauvres, on peut se demander comment
concilier des politiques mettant l'accent sur la primauté des
mécanismes du marché, notamment dans les secteurs commercial,
financier et agricole, et un meilleur accès des pauvres aux actifs
productifs» ( S. Ndiaye, 2007, p40).
C'est dire que justement, les apparences trompeuses des
politiques de lutte ou de réduction de la pauvreté se trouvent
dans le fait qu'elles ne se sont pas réellement démarquées
des fondements économistes de PAS, ni n'ont questionné la
prédominance du marché avec ses mécanismes
d'inégalités et d'exclusion. Bref, elles se présentent
pour reprendre les propos de S. Ndiaye, plus comme une politique sociale des
PAS que comme une opportunité de renouveler les modalités de
régulation de l'économie ainsi que comme le mode d'insertion du
Sénégal dans le marché mondial (S. Ndiaye, 2007, p41).
1.4.2- La stratégie de croissance
accélérée (SAC)
Concernant la politique agricole, la nouvelle vision du
Président de la République s'articule autour de trois axes
fondamentaux selon S.M. Seck : la mise en place d'un réseau
hydrographique national, l'aménagement des bassins de rétention,
la promotion de l'agriculture d'entreprise grace notamment à
l'installation des jeunes diplômés dans les fermes modernes, (S.M
Seck, 2001 : 233).
En effet, l'adoption de cette stratégie trouve son
explication dans le fait que la totalité des diverses réformes
devait inscrire l'agriculture dans une perspective de croissance avec comme
effet recherché une augmentation de son produit intérieur brut.
C'est d'ailleurs sous ce rapport que selon son initiateur le Président
Abdoulaye Wade, la SAC repose sur deux piliers fondamentaux : « d'abord
rendre le Sénégal attractif et compétitif dans un
environnement mondial concurrentiel et de plus en plus exigeant en poursuivant
les réformes nécessaires pour un environnement des affaires de
classe international ; ensuite, renforcer les investissements publics et
accompagner le secteur privé dans ces initiatives d'investissements dans
les domaines porteurs de croissance, de potentiel d'exportation et pourvoyeurs
d'emplois : agriculture et agro-industrie, produit de la mer et aquaculture,
textile et habillement, tourisme, industrie, culture et artisanat d'art,
technologies de l'information et de la télécommunication et
téléservices »2. La logique qui sous-tendait la
SAC était de créer les conditions de nouveaux gains de
productivité afin d'atteindre un taux de croissance de 7 à 8%.
Elle devait reposer essentiellement sur une large démarche
d'accroissement du taux d'investissement afin de développer le secteur
privé pour placer au centre de la création de richesses et
d'emplois durables et ensuite une politique de promotion et de diversification
des exportations.
C'est également dans la recherche de solutions
palliatives aux problèmes causés par les PAS que le
Sénégal a adopté dans les années 90, la Lettre de
Politique de Développement Rural ou Décentralisé
(LPDR).
1.4-3- Lettre de Politique de Développement
Rural Décentralisé (LPDR) :
Au nombre des nouvelles orientations stratégiques dans
les différents secteurs, la mise en place et l'évolution du cadre
légal et réglementaire de la décentralisation traduit un
changement plus général dans l'approche du gouvernement vis
à vis des questions de développement. De nouveaux principes de
responsabilisation et participation locales, de désengagement de l'Etat,
de transparence dans les mécanismes de prise de décision, et de
redevabilité des structures et des prestataires de services devant les
populations, guident la conception et la mise en oeuvre des actions de
développement dans les secteurs.
En fait, la décentralisation au Sénégal
remonte en 1972 avec la réforme administrative territoriale, et en 1994,
une nouvelle collectivité locale à savoir la région est
créée. Mais ce
2 - Abdoulaye Wade, le Sopi en marche, ficher
électronique en format PDF
n'est qu'en 1996 que la politique de décentralisation
sera consacrée au Sénégal à travers l'adoption de
textes fondamentaux de la décentralisation et de la
régionalisation par l'Assemblée Nationale. Le
développement rural décentralisé a ainsi pour ambition de
contribuer à améliorer la qualité de la vie et
l'accès aux services essentiels de base en milieu rural, en permettant
aux communautés rurales de prendre en charge les affaires locales et en
créant un cadre permanent aux divers acteurs d'utiliser aux mieux leurs
compétences respectives.
En effet, après une description des dimensions de la
pauvreté, la présente Lettre de Politique de Développement
Rural Décentralisé s'articule autour de trois axes : la
présentation des stratégies de développement actuellement
mises en oeuvre, la prise en compte des insuffisances rencontrées dans
la mise en oeuvre des stratégies notamment en milieu rural et la
détermination des images finales de la vision à l'horizon 2015.
La LPDR affirme que l'accès à l'éducation de base et
professionnelle, à l'alphabétisation fonctionnelle, et aux
services de santé essentiels (préventifs et soins de santé
primaires) est une condition nécessaire pour que les populations rurales
contribuent pleinement au développement socio-économique du pays,
et en profitent équitablement. Par ailleurs, la disponibilité
d'infrastructures économiques de base constitue un préalable
à l'implantation d'investissements productifs en milieu rural et
à l'intégration des populations rurales dans l'économie de
marché.
Le développement rural décentralisé a
ainsi pour ambition de contribuer à améliorer la qualité
de la vie et l'accès aux services essentiels de base en milieu rural, en
permettant aux communautés de prendre en charge les affaires locales et
en créant un cadre permettant aux divers acteurs que sont les
populations, les collectivités locales, l'Etat et ses services
déconcentrées, les ONG, le secteur privé et les
partenaires au développement d'utiliser au mieux leurs
compétences respectives.
Malgré cette volonté politique de
développement local, les collectivités locales semblent avoir
beaucoup de mal à s'approprier les compétences issues de la
décentralisation, du fait des déficits techniques et financiers
au moment où se posent des contraintes multiples. Ceci peut s'expliquer
par la faible maîtrise de la fiscalité locale, les
difficultés de la majorité des élus locaux à
s'approprier des modalités et les outils de la
décentralisation.
Ainsi à travers une telle analyse, on peut être
amené à affirmer que « l'alternance » qui constituez le
premier changement de régime politique à la tête de l'Etat,
à défaut de rater sa mission, a tout de même
déçu les sénégalais puisque le revenu des habitants
a considérablement baissé. Elle révèle si l'on peut
ainsi dire, d'un changement de leaders et non un changement du mode de
régulation sociale, économique et politique en ce sens
qu'après sa
mise en place, elle a favorisé une certaine
recomposition politique mais n'est pas encore arrivée à rompre
avec la logique de régulation du pouvoir précédent. C'est
tout simplement dire que l'alternance n'a pas encore favorisé
l'émergence d'alternatives au Sénégal, ni dans la
promotion d'un développement équitable, ni dans la transformation
des modalités de régulation socio-économique et
politique.
Finalement, les politiques de développement agricole,
malgré les quelques réalisations notées, ont dans leur
majorité abouti à ce que Boudon appelle des effets pervers. Il
semble évident que le passage d'une logique d'intervention
catégorique de l'État à une stratégie de
désengagement de ce dernier avec les PAS sous le slogan « moins
d'État, mieux d'État » n'ait pas aussi réussi
à réformer structurellement la politique agricole. L'État
reste toujours l'acteur déterminant du monde rural et en nous
référant à sa lecture partielle voire partiale des accords
signés avec les bailleurs, on constate que le régime au pouvoir
s'est plus soucié de sa reproduction et de son désengagement de
ses fonctions onéreuses. La politique agricole du Sénégal
traduit davantage une logique d'encadrement qui consiste à s'adapter aux
changements du contexte mondiale qu'à dégager une politique
cohérente et porteuse. L'État continue ainsi d'être le
principal bénéficiaire politique de toutes ces réformes et
demeure volontairement prisonnier à la fois des réseaux
clientélistes nationaux que de la pression des bailleurs de fonds
extérieurs, plus soucieux d'universaliser l'économie de
marché.
Par ailleurs, une analyse uniquement en termes de crise se
révèle insuffisant pour comprendre et saisir les dynamiques
actuelles du pays. Dans ce contexte de crise, se manifestent des processus
innovants et émergents qui constituent de nouveaux acteurs cherchant
à se positionner parmi les acteurs stratégiques. Ainsi ces
dynamiques au Sénégal, peuvent être situées à
différents niveaux. Et dans le cadre de ce travail, c'est-à-dire
en rapport avec notre recherche, nous avons décidé de nous
appesantir sur les stratégies d'intervention des structures ou
organismes étatiques dans le développement local initié
par les communautés rurales à travers la création
d'Organisation de producteurs.
1.5- Présentation du cadre d'étude
1.5-1- Présentation de la CR de Gandon
Située à l'embouchure du fleuve
Sénégal, la communauté rurale de Gandon regroupe 83
villages disséminés sur environ 560 km2. Elle a la
particularité d'encercler la commune de
St louis qui est la capitale régionale. Sa population est
estimée à 45.000 habitants3 et est en fort
accroissement du fait de l'installation de nombreux Saint-Louisiens sur son
territoire.
En fait, la CR de Gandon se situe dans la partie Sud-ouest du
département de Dagana. Elle est limitée au Nord par la commune de
Saint-Louis, au Nord-est par l'arrondissement de Ross-Béthio, à
l'Ouest par le fleuve Sénégal et l'océan Atlantique, au
Sud-est par les arrondissements de Sakal et de Keur Momar Sarr dans la
région de Louga et à l'est par la CR de Mpal. La
communauté rurale est peuplée principalement de 3 ethnies : les
Wolofs (45%), les Peuhls (35%) et les Maures (15%)4.
La position stratégique de la CR de Gandon par rapport
à la capitale régionale de Saint-Louis fait qu'elle entretien
avec la région d'importants rapports d'échanges dans les domaines
de l'agriculture, de l'élevage, de commerce mais aussi avec
l'université Gaston Berger.
Figure 1 : Localisation du cadre
spécifique d'étude.
Légende
Zone d'étude
Communauté rurale de Gandon
Région de Saint-Louis Source :
www.au-sénégal.com
Puisque notre étude porte sur l'interventionnisme d'une
structure de développement agricole (ANCAR) en rapport avec les
organisations de producteurs, nous avons alors jugé nécessaire de
présenter les caractéristiques de l'agriculture et du secteur de
l'hydraulique dans cette localité.
La majorité de la population active est agriculteur, ce
qui fait de ce secteur la principale activité socio-économique de
la zone. En effet, d'après les données recueillies par la
Direction régionale de l'agriculture de Saint-Louis, l'agriculture
concentre 80% des actifs
3 - PLD de la communauté rurale de Gandon,
2005
4 - Direction de la prévision Statistique,
1988
qui y tient l'essentiel de leurs revenus. Elle est
pratiquée sous deux formes : l'agriculture sous pluie itinérante
conditionnée par un régime pluviométrique très
aléatoire. Ce qui fait qu'elle donne des résultats rarement
satisfaisants. Les spéculations agricoles portent principalement, pour
les cultures sous pluies, sur l'arachide, le mil et le niébé ;
tandis que les cultures irriguées concernent surtout les espèces
maraîchères avec la tomate et l'oignon qui émergent du lot,
mais aussi la patate et les pastèques. Les cultures
céréalières opposent l'extrême nord du avec du riz,
au sud où le mil tente difficilement à boucler son cycle. La
faible pluviométrie de ces dernières années n'a donc pas
favorisé les cultures dites pluviales et par conséquent, le
maraîchage s'impose aujourd'hui comme système de production le
plus important. En l'espace de dix (10) ans, les cultures pluviales ont connu
un véritable déclin.
En une décennie, les superficies emblavées en
céréales ont connu une baisse de l'ordre de 38,3% soit (777 ha de
moins). De même, les productions ont connu le méme sort d'autant
qu'elles sont passées de 800 tonnes au début de la
décennie à 294 tonnes seulement à la fin de 2008 soit un
recul de près de 63,35%5 . L'arachide constitue la
deuxième spéculation pluviale. Au début des années
90, l'arrondissement de Rao faisait encore partie des principales zones de
production du pays avec près de 2700 ha de terre emblavée et une
production d'environ 1215 tonnes. Cependant, en une décennie la
production connaît une diminution de 53,4% soit 651 tonnes de moins (Cf.
tableau ci-après page).
Tableau 1 : Les spéculations dans la
communauté rurale de Gandon
Localités
|
Mil
|
Arachide
|
Arrondissements
|
Superficies (ha)
|
Productions (t)
|
Superficies (ha)
|
Productions (t)
|
Rao
|
2024
|
800
|
2700
|
1215
|
Ross-Béthio
|
6759
|
5700
|
700
|
350
|
Mbane
|
10791
|
2000
|
380
|
190
|
Total
|
19377
|
8500
|
3780
|
1155
|
Source : Direction régionale de l'agriculture de
Saint-Louis (2007/2008).
L'agriculture sous pluies connaît un déclin et s'est
accentuée pendant la décennie 90 malgré l'augmentation des
superficies emblavées qui passe de 1292,79 à 3150,09 ha soit
un
5 - Direction régionale de l'agriculture de
Saint-Louis, 2006/2007
accroissement de 1857,3 ha entre la campagne de 2007/2008 soit
58,98%, en l'espace d'une année tandis que les productions continuent
leur déclin pour passer de 3034,72 tonnes6.
Tableau 2 : Cultures hivernales et productions
dans la CR de Gandon en 2007-2008
Espèces
|
Campagne 2006/2007
|
Campagne 2007/2008
|
Superficies (ha)
|
Productions (t)
|
Superficies (ha)
|
Productions (t)
|
Mil
|
244,02
|
475,86
|
275,4
|
6,88
|
Niébé
|
557,77
|
732,06
|
1990,74
|
72,35
|
Arachide
|
177,77
|
549,04
|
267,5
|
26,34
|
Bereef
|
122,01
|
17,43
|
457,45
|
82,340
|
Manioc
|
34,86
|
854,07
|
23,85
|
20,87
|
Bissap
|
30,5
|
48,80
|
71,55
|
17,59
|
Riz
|
34,86
|
61,005
|
-
|
-
|
Divers
|
30,5
|
26,14
|
-
|
-
|
Source : CERP/Rao, 2007-2008
Selon le CERP de Rao, la demande en céréales qui
tourne autour de 1200 tonnes par an n'est jamais satisfaite. La production
totale de céréale pour la CR était de 537 tonnes et avec
un déficit de quelques 615 tonnes en 2006, elle passe à 255 tonne
soit une baisse tournant autour de 890 tonnes en 2007.Ce qui fait que la CR se
trouve sur la liste des zones à risques du commissariat à la
sécurité alimentaire qui intervient très
fréquemment au secours des populations. Le maraîchage,
malgré les nombreux obstacles s'impose comme la seule alternative aux
producteurs de la localité. Cependant, cette activité est
aujourd'hui confrontée à un problème crucial :
l'inadéquation des multiples interventions des sociétés de
développement avec les pratiques culturales des producteurs.
Le réseau hydraulique de la communauté rurale de
Gandon quant à lui est constitué du fleuve Sénégal
et d'autres cours d'eaux tels que le Ndialakhar, le Minguegne, le Khant ou le
Ngalam. Il constitue un potentiel intéressant pour le
développement de l'agriculture et en particulier de l'agriculture
irriguée.
6 - Op. Cite,
1.5.2- Présentation du village de Sanar
Le « Foyer de Sanar » constitue effectivement l'OP
sur laquelle porte notre travail de recherche. Il s'agit ainsi d'un groupement
d'agriculteur qui se trouve dans le village de Sanar ou communément
connu sous le non de « Sanar wolof ». Ce qualificatif lui est
attribué en raison de sa cohabitation avec un autre village
appelé également Sanar, mais spécifié sous le nom
de « Sanar peulh ». Cependant, nos enquêtes ont
révélé qu'il n'y a pas deux Sanar, mais plutôt un
seul et c'est « Sanar wolof ». Le vrai nom du village de Sanar peulh
est en fait Diougob et non Sanar. En effet, Sanar est un village de la
communauté rurale de Gandon avec une population à majorité
wolof d'où le qualificatif de « Sanar wolof » pour le
différencier de l'autre Sanar à majorité peulh. En effet,
le village de Sanar est situé à quelques dix huit (18)
kilomètres de Gandon qui est le chef lieu de la communauté
rurale. Il se trouve à l'instar de l'autre Sanar derrière
l'Université Gaston Berger de Saint-Louis.
L'activité principale de la population de ce village
est en fait l'agriculture. Cette activité touche à peu
près toutes les couches de la population aussi bien les jeunes et les
vieux que les hommes et les femmes. Dans cette perspective, le Foyer de Sanar
est une organisation paysanne au sein de laquelle, sans risque de nous tromper,
se trouve la presque totalité des producteurs et des productrices du
village de Sanar.
Chapitre II : Cadre Théorique
Il est question dans ce chapitre de présenter les
différentes approches théoriques sur lesquelles s'appuie notre
étude. L'étude s'inspire d'un cadre théorique combinant
deux approches principales : les théories sur l'action des organisations
paysannes et leurs différentes approches d'analyses et les
théories sur les rapports entre l'État et les OP.
2. 1- Les différentes analyses théoriques de
l'action des organisations
Plusieurs auteurs ont étudié les
mécanismes de coopération sur l'action collective au sein des
organisations dont les réflexions s'articulent autour de
différentes approches théoriques. Ainsi l''analyse des
associations dans le cadre de cette étude s'appui sur différentes
approches de l'action des organisations : l'approche de Parsons (1956),
l'approche de Crozier et Friedberg (1977) et l'approche de March et Simon
(1991).
2.1. 1-L'approche parsonienne des organisations
Parsons (1956)7 note au sein de la
société moderne l'existence des structures formelles telles que
les entreprises, les institutions scolaires et l'armée conçues en
vue de la réalisation des fonctions précises: la production de
biens, des services et la défense. Ces organisations sont des
sous-systèmes du système social et entretiennent par
conséquent des relations avec l'environnement au sein duquel elles
évoluent. Parsons conclue qu'il y'a interdépendance entre ces
sous-systèmes constitués d'organisations et les autres
sous-systèmes de la structure sociale. Quatre fonctions communes
à tous les systèmes sociaux ont ainsi été
identifiées : la fonction de production, d'adaptation,
d'exécution et d'intégration.
D'abord la fonction de production permet à
l'organisation de déterminer les orientations qui guideront les
activités des membres. Ensuite la fonction d'adéquation mobilise
les ressources nécessaires à l'accomplissement des buts à
atteindre. La fonction d'exécution quant à elle concourt à
la gestion des ressources matérielles et humaines nécessaires
à la réalisation des buts. Et enfin la fonction
d'intégration assure l'harmonie des éléments constitutifs
de l'organisation. Pour Parsons, les organisations formelles ne se
définissent qu'à partir des buts et des fonctions qu'elles
fournissent au sein de la société. Mais, la seule analyse des
buts et
7 - Parsons T., 1956, Le système des
sociétés modernes. Dunod, Paris.
objectifs de ces organisations sans tenir compte de l'être
humain, est insuffisante pour comprendre leur fonctionnement.
2.1.2- L'approche de March et Simon
March et Simon (1991)8 révèlent que
l'on ne saurait prétendre analyser les organisations sans tenir compte
de l'être humain. Trois conceptions du comportement humain au sein des
organisations apparaissent : la première concerne la rationalisation du
travail. Les membres des organisations sont considérés comme des
instruments qui reçoivent et exécutent des ordres et des
directives sans toutefois prendre des initiatives ; la deuxième
conception fait état des écarts qui existent entre les objectifs
de l'organisation, les attitudes et les systèmes de valeurs des membres
; la troisième met l'accent sur la prise de décision des membres
au sein de l'organisation et la résolution des problèmes auxquels
ils font face. Par cette approche March et Simon (1991) analyse les
organisations sous l'angle de l'individu.
Toutefois ces deux approches ne présentent pas le contexte
organisationnel où se développe l'action collective.
2.1.3- L'approche de Crozier et de Friedberg
Crozier et Friedberg (1977)9 font de l'organisation un
mobil expérimental des difficultés et des problèmes de
coopération que pose toute action collective (Lafaye,
1996)10.
La théorie de l'action collective met en exergue la
réalisation d'un objectif commun. Elle insiste sur les
intérêts contradictoires des membres d'une organisation. Les
individus qui acceptent adhérer à une organisation participent
à la poursuite des objectifs de cette organisation tout en satisfaisant
également leurs intérêts respectifs. Ainsi tout examen
d'une action collective devrait se fonder sur une logique collective et
individuelle qui caractérise toute coopération.
L'approche de Crozier et Friedberg apparaît ainsi comme
une intermédiation des deux premières. Ainsi l'action d'un
individu au sein d'une organisation apparaît comme une certaine autonomie
de ce dernier vu comme un acteur.
8 - March J. & Simon H., 1991, Les organisations.
2e Edition. Dunod, Paris.
9 - Crozier & Friedberg, 1977, Acteur et le
Système. Seuil, France
10 - Lafaye C., 1996, Sociologie des
Organisations. Nathan, Paris
2.2- Approches d'analyse
L'approche stratégique et l'approche dynamique ont
été utilisées dans le cadre de notre étude pour
mieux cerner la logique de fonctionnement des organisations.
2.2.1- Approche stratégique
Celle-ci rend compte de la logique de fonctionnement de toute
forme d'actions collectives et de coopération. Elle fait
apparaître deux logiques dans l'action collective: la logique collective
et la logique individuelle. Les individus d'une part orientent leurs
comportements vers la réalisation d'un objectif commun et d'autre part,
ils ont des intérêts respectifs qu'ils vont chercher à
satisfaire par le jeu de plusieurs stratégies. Lequel permettrait
d'atteindre les objectifs fixés par les membres et de découvrir
les intérêts individuels que ces membres retirent ou veulent tirer
de leur adhésion à ces groupes et les moyens utilisés pour
y parvenir.
2.2.2- L'approche dynamique
Elle permet de façon précise de rendre compte
des processus de changement et de transformation qui peuvent affecter un groupe
social ou une société globale. A travers elle, les changements
ressortent tant au niveau individuel que collectif de l'adhésion des
membres à ces organisations.
2.3- Objectifs et rôles des organisations
paysannes
Les organisations ont pour objectifs de coordonner les actions
sociales des membres. Diagne et Pesche (1995)11 les
présentent comme étant à la fois un lieu d'expression des
intérêts des membres et un moyen qui leur permet d'atteindre les
objectifs fixés. Selon Berthome et al. (1995)12, les
organisations paysannes se construisent à l'interface entre la
société locale et la société globale comme un moyen
de régler les relations d'une part, les individus et les
différents groupes sociaux qui composent la société locale
et d'autre part, les
11 - Diagne D. & Pesche D., 1995, Les
organisations paysannes et rurales : Des acteurs du Développement en
Afrique Subsaharienne. GAO, Paris
12 - Berthome J., Sardan & Mercoiret M.R., 1995,
Les organisations paysannes face au désengagement de l'Etat.
Compte rendu de l'atelier international de Mèze, CIRAD, France. (20 - 25
Mars 1995)
acteurs qui constituent l'environnement. Parmi les
stratégies envisagées par les paysans se trouvent les
différents groupements qui pour Berthome se construisent pour
améliorer les relations des paysans avec leur environnement
économique et institutionnel. Ils sont une interface, un moyen
d'articuler la société locale à la société
globale dans les conditions qui soient plus favorables à la
première.
Socialement, Lavigne (1986)13 note que les
organisations paysannes constituent un cadre idéal pour la vulgarisation
des innovations. Ainsi, les organisations paysannes peuvent faciliter «
l'apprentissage, c'est-à-dire, la découverte, voire la
création et l'acquisition par les acteurs concernés de nouveaux
modèles relationnels, de nouveaux modes de raisonnement, de nouvelles
capacités collectives », (Berthome et al. (1995 :
20)14.
Selon Rondot et al. (2001), les organisations
paysannes sont des structures basées sur l'adhésion et
créées par les agriculteurs (ou par d'autres groupes) pour
fournir des services à leurs membres. Elles ont pour objectifs : 1) de
mieux gérer les ressources naturelles et les biens de leurs membres; 2)
d'élargir l'accès des membres aux ressources naturelles et aux
moyens de production de base (Terre, forêts, pâturages et ressource
en eau); 3) d'améliorer l'accès des membres aux services
(économique, social), aux crédits et aux débouchés
commerciaux par le biais des activités de représentation et de
défense des intérêts des membres, ou par leur poids
financier combiné; 4) de faire entendre leur voix dans les
mécanismes de décision. Ceci détermine l'affectation de
biens et les politiques ayant une incidence sur l'environnement dans lequel ils
produisent et commercialisent.
Les organisations paysannes ont des impacts directs sur les
revenus dans ce sens qu'elles permettent un meilleur accès aux facteurs
de production et au marché tout en contribuant au renforcement des
capacités de négociation et de représentation des
producteurs. Pesche (2001)15 distingue trois catégories de
rôles que peuvent jouer les organisations de producteurs: 1) la
fourniture de services à leurs membres qui peuvent être de nature
technique ou économique; 2) la représentation des
intérêts de leurs membres et, plus largement, des agriculteurs ou
ruraux sans forcément qu'ils en soient membres; 3) l'implication dans le
développement local, sous forme d'investissements sociaux.
13 - Lavigne D., 1986, Les associations paysannes
en Afrique: Organisation et dynamique. Karthala, Paris
14 -Idem.
15 - Pesche D., 2001, Classification et typologie des
organisations paysannes
www.agridoc.com/fichestechniques
gret/organisation%20paysannes/
IR14_classification_et_typologie_des_op.pdf.
OP
Services à ses membres
Face à des carences de l'Etat ou des
collectivités locales, elles assurent ainsi des fonctions
d'intérêt général qui rendent des services à
l'ensemble des ruraux au delà de leurs membres.
Les trois catégories de rôles peuvent être
schématisées ainsi :
Schéma 1: Rôles des organisations
de producteurs.
Représentation des intérêts
Développement local
Intérêt général
Intérêt du groupe
Source : Pesche, 2001
Toute organisation peut alors être située dans un
triangle en fonction de l'importance relative des trois fonctions. Berthome
et al. (1995) montre que l'organisation est aussi le lieu d'expression
des producteurs adhérents, parce qu'elle offre un cadre codifié
par l'intervenant extérieur où se rencontre l'encadreur et les
encadrés, où s'articulent aussi deux types de logiques, celle de
la société locale et celle de l'intervenant extérieur, et
souvent «deux systèmes de sens». Selon cet auteur
l'organisation paysanne est largement déterminée par la
société locale et par son environnement mais elle n'est cependant
le simple produit des interactions entre ces deux entités. En tant
qu'organisation spécifique, elle a aussi sa dynamique.
Par son action elle contribue à accroître le
potentiel de la société locale, et élargie sa marge de
liberté et le choix pour le futur. Elle contribue aussi à
accroître sa capacité à se construire des objectifs propres
et certains des instruments dont elle a besoin pour les
atteindre.
Une autre perspective montre que l'émergence de
l'organisation paysanne se produit à l'interface de la
société locale et de la société globale. Berthome
(1995)16, rapporte que l'analyse des organisations paysannes doit
prendre en compte simultanément : 1) la société locale
dans laquelle se construisent les organisations et les changements multiples
qui les concernent; 2) la société globale et ses
évolutions; 3) les dynamiques propres aux organisations paysannes et les
effets qu'elles produisent sur la société locale et la
société globale. Et ceci sans les opposer, mais en les
considérant dans leurs interactions permanentes.
2-4 Organisations paysannes et diffusion de
l'innovation
Les OP sont perçues comme des relais de la
vulgarisation susceptibles de diffuser à moindre coût et avec une
efficacité significative des propositions élaborées en
dehors d'elles. Le rôle des OP consiste aussi à créer des
conditions favorables à l'innovation, en particulier en contribuant
à sécuriser l'environnement économique et à le
rendre plus incitatif: des intrants qui arrivent à temps, un
système de crédit fiable, un marché sécurisé
pour les produits bruts ou transformés, un transport crédible,
etc. font parfois plus pour stimuler l'innovation chez les producteurs qu'un
message répété sans que son adaptation à la
situation économique locale soit assurée. Dans ce domaine donc,
le rôle des organisations paysannes consiste à acquérir la
capacité de bâtir un partenaire avec d'autres acteurs, publics et
privés (Sebillotte, 1996).
2-5- Stratégie paysanne et rôle dans
l'agriculture
Selon le Document de Stratégie de Réduction de
la Pauvreté (2003 : 41), une stratégie s'articule autour d'un
certain nombre d'axes qui permettent d'atteindre un résultat ultime. A
en croire ses auteurs, une stratégie suppose ou implique donc une
série d'articulations (actions) à laquelle est subséquent
le résultat ultime. Une stratégie s'articule à plusieurs
niveaux pouvant aller de l'essentiel au particulier que sont les
résultats ultimes, les buts, les objectifs et les moyens (Losch et
al. 1990). L'essentiel d'une stratégie étant l'aboutissement
à une finalité.
Selon Losch et al. (1990 : 121), la finalité est
l'expression qualitative d'une orientation définissant à long
terme la fin vers laquelle tend le système.
16 - Berthome J. et al, 1995, Les organisations
paysannes face au désengagement de l'Etat. Compte rendu de
l'atelier international de Mèze, CIRAD, France. (20 - 25 Mars 1995)
L'émergence de stratégies peut résulter
des forces internes d'un système ou être impulsée par des
forces externes au système. C'est ainsi que de l'analyse faite du profil
des objectifs et des moyens mis en oeuvre par les producteurs agricoles. Losch
et al. (1990 : 136) proposent en fonction de leur dominance offensive
ou défensive les stratégies suivantes:
-La stratégie à dominance offensive qui a un
objectif clair d'accumulation et de croissance: la stratégie
d'entreprise, d'accumulation foncière et d'intensification
spécialisation.
- La stratégie à dominance défensive qui
est celle des producteurs en situation de fortes contraintes et essaient de
défendre et d'assurer la survie de leur unité de production:
double activité contrainte et revenu cible.
- La stratégie de type intermédiaire qui selon les
opportunités ou les contraintes peut évoluer dans un sens
offensif ou défensif: la minimisation du risque.
2-6 Classification et typologie des organisations
Selon Pesche (2001), une classification a pour principal but
de décrire. Classer revient donc à construire des
catégories souvent à partir d'un nombre limité de
critères parmi lesquels : L'origine, la taille, la composition, la
fonction, la nature des activités, la nature des membres et la nature du
produit agricole dominant dans la zone (filière).
La typologie analyse, comprend en vue d'agir.
Wampfler (2000) propose une typologie qui rassemble trois
groupes d'organisations paysannes : Les organisations par filière le
plus souvent centrées sur un produit agricole, les organisations
généralistes qui ont une combinaison d'activités diverses
et les organisations syndicales axées sur la fonction de
représentation des intérêts des producteurs agricoles ou
une catégorie de producteurs. Ainsi il existe plusieurs types
d'organisations paysannes, celles dites formelles, légalisées et
les informelles qui ne sont pas légalisées.
2.6.1- Classification des organisations selon leur
origine
Elle permet de distinguer les organisations selon que
l'initiative de création est d'origine interne ou externe.
2.6.1.1-Organisation d'origine interne
L'initiative de création d'une organisation selon GAO
(2000) provient d'un groupe
d'individus le plus souvent restreint. Ces initiateurs sont
ainsi considérés comme membres fondateurs et définissent
de ce fait les objectifs et les orientations de l'organisation. Dans une telle
organisation l'adhésion se fait par cooptation, de gré à
gré. C'est le cas des mutuelles, des tontines et la plupart des
associations dites traditionnelles.
2.6.1.2- Organisation d'origine externe
Contrairement au précédent mode de
création, l'initiative d'une telle organisation provient d'une instance
externe telle que l'Etat, l'autorité religieuse et les ONG. Par
conséquent cette dernière à une influence
considérable sur l'organisation et son fonctionnement. Les objectifs et
les activités de l'organisation ne sont que le reflet des aspirations de
son initiateur. Dans le type d'organisation créée de
l'extérieur, on retrouve les anciennes coopératives, les
comités de développement, les groupes et mouvements religieux et
les associations initiées par l'élite extérieure et les
ONG. Ces organisations réalisent des oeuvres à caractère
économique et social.
2.6.2- Classification des organisations selon leurs
fonctions
Selon Berthome et al. (1995), une organisation ne
choisit pas d'être multifonctionnelle ou spécialisée. Cela
dépend de ses conditions de naissance et de son contexte. Ce qui nous
amène à les regrouper en trois grands ensembles : les
organisations unifonctionnelles, les organisations plurifonctionnelles et les
organisations à fonction dominante.
2.6.2.1- Organisations unifonctionnelles
Ces organisations sont constituées pour remplir une
seule fonction. Les tontines financières à enchères et de
crédit en milieu urbain appartiennent à cette catégorie.
Leur principale activité se limite aux cotisations financières.
En milieu rural, les banques de céréales sont
considérées comme des associations à fonction unique.
Toutefois, il importe de noter qu'il est rare de retrouver en milieu rural des
organisations unifonctionnelles car du fait de la complexité de
l'environnement, des organisations remplissent plus d'une fonction à
leurs membres. Selon Pesche (2002), la spécialisation d'une organisation
de producteurs peut être une source de fragilité dans
l'environnement instable du secteur rural.
2.6.2.2- Organisations plurifonctionnelles
Selon Balla (1995), ces organisations sont
caractéristiques des sociétés africaines. Selon les
besoins des membres et de l'environnement, elles assurent plusieurs fonctions
qui peuvent être économique, politique, sociale ou culturelle. Les
membres y trouvent un cadre propice pour faire face à la
complexité de leur environnement. En zone rurale, ces organisations
plurifonctionnelles résultent des perpétuelles mutations du
milieu. Ainsi une organisation paysanne pourra remplir des fonctions telles que
: la fonction de production (production vivrière,
maraîchères et d'autres biens), la fonction de commercialisation,
la fonction d'approvisionnement et la fonction de représentation.
2.6.2.3- Organisations à fonction
dominante
A la fonction principale d'une organisation, peuvent se
greffer d'autres fonctions qui généralement sont occasionnelles.
Souvent ces fonctions concourent au renforcement des liens entre les membres du
groupe. C'est le cas des organisations d'épargne, les comités
villageois de santé ou de vigilance (Balla, 1995).
2.7- Classification des organisations selon la nature des
membres
Blundo (1991) distingue deux types de
bénéficiaires : les membres et les nonmembres. Les individus
inscrits et remplissant les conditions d'adhésion exigées par une
organisation sont considérés comme membres. Ils ont le droit et
le devoir de participer à toutes les activités du groupe. Les
non-membres sont ceux-là qui n'ont contracté aucun engagement
avec une organisation. Toutefois, ils peuvent être impliqués
indirectement dans les activités de l'organisation, parce que
résident dans un même cadre géographique que les membres.
Cette classification fait distinguer deux types d'organisations : les
organisations fermées et les organisations ouvertes. Dans le premier
type d'organisation, les services offerts ne concernent que les membres, tandis
que dans le second cas les services peuvent être offerts à la fois
aux deux catégories de membres.
2.8- Classification des organisations selon leur
composition
GAO (2000) présente à cet effet deux cas de figures
: soit l'organisation réunit une seule catégorie de personnes,
soit elle réunit plus d'une catégorie de personnes.
Dans le premier cas, les organisations ne concernent pas
l'ensemble des membres de la communauté dans laquelle elles sont
localisées. L'adhésion à ce type d'organisation devient
sélective. C'est le cas des regroupements d'apiculteurs, de jeunes, de
femmes ou de pisciculteurs.
Dans le deuxième cas, l'adhésion se fait
indifféremment des couches sociales. Elle est libre et volontaire.
Quelque soit la classification ou la typologie adoptée, en
pratique les frontières entre ces différents critères
restent fluides.
2.9 - Courants théoriques sur les rapports entre
l'État et les paysans
2. 9.1- L'organisation bureaucratique du secteur
agricole par l'État :
Cette approche part de l'hypothèse selon laquelle
l'essor des initiatives autonomes est ressenti comme une menace pour les
intéréts de l'État. Considérer l'organisation
paysanne ou la coopérative comme l'affaire de l'État et non celle
des coopérateurs, c'est supposer que l'ordre ne peut régner dans
le monde rural que si les OP disparaissent ou sont placées sous le
contrôle des appareils étatiques.
2. 9.1.1- Le contrôle de la paysannerie par
l'État :
Les représentations que les « développeurs
» se font d'eux-mêmes et de leurs pratiques sociales se
réfèrent, classiquement, à l'ordre légal, rationnel
et bureaucratique caractéristique de la culture occidentale (Weber,
1991) et à « l'artificialisme » découlant du
système de valeurs individualiste et positiviste (Dumont, 1985). Le
développement rural n'est, à ce niveau, que le transfert de la
croyance en l'ingénierie sociale que la culture occidentale s'est
d'abord appliquée à elle-méme et qu'elle a ensuite mise en
oeuvre dans les territoires coloniaux.
L'idéal bureaucratique auquel s'identifie la culture
moderne de l'Occident s'efforce de combiner les valeurs d'efficacité et
d'équité, et le terrain colonial ne constitue nullement une
exception. Certes l'exotisme n'est pas entièrement évacué
de la culture coloniale ; il demeure important, mais davantage comme un
élément distinctif valorisant que comme un élément
discriminant de l'identité sociale des acteurs. Les indépendances
n'apportent guère de changements en ce qui concerne les « agents
expatriés » du développement.
En ce qui concerne les nouvelles structures nationales
d'administration du développement, la situation est plus complexe et
exigerait une analyse qui ne peut être qu'ébauchée : a) Un
premier point est la continuité formelle de la légitimité
bureaucratique dans ce que l'on appelle significativement le secteur ou le
monde du développement, qu'il s'agisse d'agences gouvernementales,
internationales ou non-gouvernementales ; b) Un deuxième point est la
bureaucratisation inéluctable des organisations issues du milieu rural
lui-même dès lors que, pour accéder aux ressources du
« secteur du développement », elles sont tenues de
répondre aux exigences organisationnelles explicites des bailleurs de
fonds. Plus que jamais la conformité réelle ou apparente aux
normes d'efficacité et d'équité du modèle
bureaucratique est une condition d'accès au « monde du
développement » ; c) Un troisième point, conséquence
du précédent, est la croissance en milieu rural d'une couche
sociale d'intermédiaires entre le dispositif officiel de
développement et les bénéficiaires de son intervention
J.P. Jacob, 1997).
En effet, après la colonisation qui a
intégré les populations indigènes dans un mode de
production dominant au profit du groupe d'intérêts
extérieurs, les politiques nationales de développement agricole
des pays africains s'adaptent à ce système en privant les paysans
de leur autonomie afin de masquer la réalité de l'exploitation
dans les zones rurales (Ela, 1990, Goussault, 1976, Casswell, 1984, Dumont).
Les appareils de l'État ont pris le relais du système colonial en
imposant des structures d'encadrement qui renferment les producteurs locaux
dans les nouvelles formes de domination. Comme le remarque Goussault : «
L'initiative de l'État a pour objet premier une action sur la
production agricole pour assurer la formation et l'appropriation de plus-values
au profit du mode de production dominant la formation sociale »,
(Goussault, 1976).
Ce processus s'inscrit dans une stratégie globale qui
met en oeuvre non seulement des idéologies mais aussi des facteurs
économiques et politiques. En effet, à travers les
sociétés de développement spécialisées dans
une production de rente, l'État occulte ses processus de domination en
recourant à l'idéologie de modernisation qui joue le rôle
d'un modèle culturel intégré au appareils de pouvoir. En
ce sens, le « déguisement » est partie intégrante de
l'intervention de l'État dans le domaine agricole.
Moustapha Kassé renchérit pour fustiger la pertinence de ces
institutions en affirmant que : « Au plan de l'encadrement, (..)
l'intervention des Société de Développement Rural (SDR)
n'a pas servi les intérets des petits producteurs Tout au plus, elles
ont bénéficié techniquement, économiquement et
socialement à une élite paysanne Par ailleurs, par une assistance
bureaucratique et pesante, elles ont
complètement empêché les paysans de se
prendre véritablement en charge en développant
leur propre dynamique d'organisation, de production et de
commercialisation » (M. Kassé, 1996 :24). Dans la
majorité des pays africains, l'intervention de l'État dans ce
secteur ne se fait pas seulement par l'intermédiaire des
sociétés de développement et des services d'animation
rurale, mais aussi, naturellement du parti dominant ou comme l'appelle Ela le
« grand parti ou le parti unique », (Ela, 1990).
Pour « encadrer » les paysans, les pouvoirs les
obligent par diverses mesures d'une part à intégrer dans le parti
et d'autre part à assister à leurs réunions, donc de
manière générale à s'inscrire dans l'aire de
l'idéologie dominante. C'est dire que ces régimes pratiquent
l'encadrement des paysans par des institutions centralisées.
Ainsi, le souci d'implanter le « grand parti national
» jusqu'au fond de la brousse (A. Adams, 1985) n'obéit pas
seulement à la volonté d'asseoir le régime dans toutes les
couches sociales, mais aussi de protéger les intérêts des
groupes qui profitent de l'État pour élargir leur base
économique. Dans ces conditions, laisser les paysans se réunir,
leur laisser la possibilité de s'exprimer et de discuter en toute
liberté de leurs problèmes ne peut manquer de soulever des
questions politiques inhérentes au développement local. Pour
empêcher l'émergence de cette conscience des enjeux politiques des
problèmes du territoire, il s'agit de créer des structures
contrôlées par le pouvoir. C'est-à-dire qu'il est possible
de neutraliser les paysans qui, en dépit de leur majorité
numérique et de leur forte contribution à l'économie
nationale n'ont aucun poids politique réel.
En outre, l'État impose un cadre juridique et
institutionnel à tout ce qui veut exister et fonctionner à titre
officiel, autrement dit, toute organisation doit titre soumise aux appareils de
pouvoir. Dès lors, il faut s'attendre à toute sorte de blocage
dans les systèmes où le formalisme des instances locales
n'encourage pas toujours les individualités créatrices à
faire preuve d'initiatives : « Il est impossible pour les paysans
d'organiser un petit mouvement pour réclamer de meilleures conditions.
Cela n'est pas envisageable dans les régimes où le système
coopératif a été vidé de son sens en tombant sous
le contrôle de l'administration, comme à l'époque des
sociétés indigènes de prévoyance », (Ela,
1990). La conclusion que l'on peut enfin tirer de cette approche est que les
organisations paysannes ne sont perçues
qu'à travers la problématique de «
l'encadrement ». Et cette vision n'est pas fortuite puisqu'elle
reflète une stratégie hostile à toute forme d'initiatives
qui échappent à l'emprise de l'État. Ce dernier impose au
OP marginalisées un cadre économique précis,
c'est-à-dire qu'au niveau de toutes les structures d'encadrement, les
rapports avec les paysans sont strictement verticaux.
Cependant, l'insuffisance de cette approche réside dans
le fait que selon elle, il n'y a aucun souci, les OP suscitées par les
sociétés de développement fonctionnent d'abord dans
l'intérêt de l'État et reproduisent, en fait, un
système de domination dans un contexte où les projets officiels
s'assurent le monopole du développement local. Les partisans de cette
théorie se sont mis à critiquer aveuglément l'État
jusqu'à méme oublier les vrais manquements qui existent au sein
des OP. L'État a certes failli à sa mission mais il importe
également de signaler d'une manière explicite que les
différentes OP n'ont pas elles aussi acquis une certaine culture
organisationnelle et par conséquent, elles se retrouvent
confrontées à des conflits internes qui les affaiblissent en
grande partie.
2. 9.1.2- La subordination de la société
à l'État :
A. Adams explique comment les difficultés qui
s'accumulent pour bloquer l'émergence des groupes représentant
les intérêts réels des paysans. Elle montre que dans les
pays où la société civile commence à s'affirmer,
les paysans inventent des formes d'organisation au niveau villageois. Mais
lorsque celles-ci dépassent le village et risquent de poser des
problèmes qui touchent à la nature de l'État, elles sont
confrontées à un problème de reconnaissance juridique
d'autant plus insurmontable que l'accusation de subversion reste une menace
permanente.
Les pouvoirs mesurent parfaitement le poids de ce type
d'organisation où peut se faire entendre la voix des paysans avec leurs
problèmes réels. L'une des stratégies de l'État
consiste à rentrer dans ces structures pour en neutraliser le dynamisme.
Il s'agit toujours de contraindre les paysans d'entrer dans des organisations
artificielles et de les empêcher de se regrouper selon leurs propres
critères.
Au Sénégal, les paysans ont longtemps
été « biberonnés » par l'État qui les
étouffait sous sa tutelle. Adams montre les tentions entre les
groupements de producteurs et la SAED, structure opposée aux initiatives
qui échappent à son contrôle. Gela veut tout simplement
dire qu'on se situe dans la logique de subordination de la
société à l'État. Il semble en effet aujourd'hui
que tout ce qui échappe à l'État et va aux organisations
non étatiques puis aux
« leaders paysans » porte atteinte à
l'intégrité des institutions nationales et la stabilité du
régime en place. C'est en ce sens que Adams déclare : «
Pour les dirigeants politiques, le développement rural se
conçoit sans un véritable mouvement paysan susceptible d'entrer
en conflit avec les intér~ts de l'État » (A. Adams,
1985 :113).
Donc toute tentative visant à donner aux paysans un
début d'autonomie se heurte au centralisme des regimes qui trouvent
insupportables les initiatives prises en dehors de leur espace de
domination.
A travers le foisonnement d'expérience et la
diversité des structures, on retrouve les grandes tendances qui rendent
compte des rapports entre l'État et les paysans. Ceci pour dire que
l'État préfère remplir de nombreuses fonctions
plutôt que de les confier aux OP. En plus, les groupements paysans sont
acceptes si et seulement si leurs activites correspondent aux preoccupations du
pouvoir. Dans cette perspective, les structures de developpement rural se
definissent en fonction de la strategie des acteurs qui contrôlent le
pouvoir. Au lieu de considerer la responsabilite des paysans dans leurs
communautes, les pouvoirs se fabriquent des organisations à l'image de
leurs projets d'intervention dans les zones rurales. Les OP reposent sur des
organismes de developpement qui definissent un certain type de rapports entre
l'État et les paysans dans un système où ceux-ci sont de
simples executants et non de véritables partenaires. C'est donc pour
faciliter leur intervention que les operations de developpement et les projets
mettent en place des structures paysannes qui leur conviennent. En ce sens, on
comprend toute la pertinence de cette affirmation de H. Dupriez quand il
declare que : « Généralement, l'existence et
l'efficacité de telles structures (~) sont liées à la
seule présence de l'institution publique qui doit exécuter le
projet et souvent mme à l'existence d'une subvention extérieure.
Dans ce cas, les paysans sont informés que s'ils veulent
bénéficier de l'aide extérieure, ils doivent se constituer
en groupement de producteurs et respectent les règles fixées par
les sociétés de développement » (Dupriez, 1980
:200).
Dans cette pratique, les dirigeants et les developpeurs ont
tendance à encourager les profits individuels et collectiviser les
pertes. De plus, l'adhésion à ces OP devient obligatoire d'autant
que dans certains aménagements hydro-agricoles, on ne peut avoir une
parcelle si on n'adhère pas aux groupements officiels. Ce modèle
domine dans la plupart des experiences où les organisations ne sont
guère le produit des initiatives paysannes mais plutôt des
instruments de l'État.
On peut alors deduire que selon cette approche, les «
developpeurs » tendent à etouffer les dynamismes internes des
societes rurales sans lesquelles les problèmes des villages ne peuvent
trouver des reponses inventees par les paysans eux-mêmes. Sur le terrain,
on retrouve
l'encadreur qui sait et le paysan ignorant. Le rôle de
l'animateur se limite à être une courroie de transmission à
sens unique, c'est-à-dire du sommet à la base et l'on pense que
tout peut changer si le paysan s'affirme et s'attaque à certains
intéréts économiques.
En outre, pour éviter les conflits potentiels, on
polarise les paysans sur les sujets qui écartent toute remise en cause
pouvant modifier les rapports actuels entre les paysans et le pouvoir. Il peut
être difficile de gouverner avec des ruraux capables d'intervenir dans
les débats agricoles où leurs intérêts sont en
contradiction avec la domination des notables, l'emprise de l'État et
les luttes d'influence des responsables du pouvoir ou des élites locales
régionales. On s'en tient donc au statu quo en réduisant les
problèmes agricoles à des problèmes techniques devant
lesquels les villageois doivent reconnaître leur incompétence et
leur ignorance.
A travers ces différentes approches exposées
dans la littérature, nous avons considéré que c'est
l'approche de la gestion de l'interaction développée par Emmanuel
Seyni Dione qui correspond le mieux à notre orientation
théorique. Cette perspective théorique nous semble pertinente
dans la mesure où elle postule le principe selon lequel l'intervention
des organismes de développement au niveau des populations locales doit
être conçue de manière à ce que la relation entre
intervenants et leurs cibles soit horizontale.
2. 10- Approche par la gestion de l'interaction
Cette approche théorique dont l'un des partisans est
Emmanuel Seyni Dione semble être plus appropriée à notre
étude. Il s'agit d'une approche qui trouve son originalité dans
le relativisme de la rupture que les démarches participatives
prétendent réaliser avec les démarches classiques
d'intervention. Trop souvent, la méthode participative, telle que mise
en pratique sur le terrain se réduit à de simples dialogues
« participatifs », en des échanges ritualisés où
les acteurs ne font que valider ou alimenter les analyses et les choix faits
par les agents extérieurs. En ce sens, Nguinguiri. J.C considère
que : « La planification participative, même si elle
était à ses débuts considérée comme un
processus évolutif dépourvu de toute ambition exhaustive comme
c'était le cas dans les démarches précédentes, elle
a toutefois perdu ses principes fondateurs qui ont été vite
évacués par la plupart des intervenants avides de produits et
à la recherche de diagnostics correspondants à leur propre
perception des enjeux de développement. Dans la plupart des cas,
déjà des choix de développement en amont de ce qui aurait
dû être une concertation interne sur les options futures de
développement du territoire » (J.C.Nginguiri, 2001 : 44).
Donc au niveau des interventions, ce que l'on nomme dans les
projets participatifs « le pilotage par les besoins exprimés
par les populations » est en réalité largement un fait
de rhétorique. Certains auteurs de l'APAD comme J.P Chauveau et P.L
Delville insistent sur le fait que la structure de la demande est souvent
largement déterminée par l'offre. Autrement dit, le choix des
usagers (les acteurs de base) est généralement
surdéterminé par les propositions des intervenants : «
Beaucoup d'intervenants prétendent partir des demandes tout en
orientant nettement vers leur offre. Les diagnostics participatifs menés
par les projets dans le but de faire émerger les vrais besoins des
populations peuvent être une sophistication supplémentaire dans la
manipulation des populations par le projet (il est rare qu'un diagnostic
participatif mené par un projet agro-forestier ne débouche pas
sur une demande de reboisement » (J.P Chauveau et P.L Delville, 1995
: 202).
En effet, dans cette approche par la gestion de l'interaction,
quatre (4) dimensions sont élaborées pour saisir les rapports
entre paysans et organismes étatiques d'intervention.
2.10.1- L'identification des espaces naturels de
participation par les intervenants
La première dimension constitue celle qu'il nomme
l'identification par les organismes d'appui, des espaces naturels de
participation pour s'y inscrire. En d'autres termes, il s'agit principalement
d'une approche qui se réfère à l'identification des
espaces naturels de négociations et de décision, et donc des
stratifications ou des découpages que les acteurs populaires
opèrent dans leur environnement social et affectif.
L'intervenant selon cette approche est amené à
s'inscrire dans la mouvance des différents réseaux du milieu,
à y prendre une place sachant qu'elle ne sera jamais neutre puisque
« travailler avec les paysans revient souvent à travailler avec
certains paysans au dépens d'autres » (E. S. Dione, 1994, p
77). Alors autant reconnaître et utiliser ce fait pour déployer sa
stratégie et son action avec réalisme. Par contre nier une telle
réalité revient du côté de l'intervenant, à
vouloir à tout prix introduire dans les structures
décisionnelles, un certain dualisme qui pourrait compromettre son
action.
Lorsque l'organisme d'appui s'inscrit dans les réseaux
populaires, il s'y positionne comme un enjeu et peut ainsi utiliser cet
avantage pour développer une stratégie au coup par coup
orienté vers tel ou tel groupe d'acteurs à la base, ou vers tel
ou tel objectif. Dans ce cas, il reste relativement dans le coup, en situation
de complicité pour « co-agir » sur le cours des choses, du
moins se donne-t-il du recul pour ne pas trop se laisser prendre au
piège de ses illusions.
2.10.2- L'élargissement du champ de vision de
tous les acteurs
Dans cette visée, tous les acteurs jouant sur la
scène où se déroule l'action (les agents de l'ANCAR et les
producteurs) sont amenés progressivement à intégrer des
éléments nouveaux dans leurs systèmes de pensée, et
ceci non pour renier ce qui les fonde mais plutôt pour les enrichir, les
actualiser et les rendre encore plus efficaces dans la logique de leurs
dynamismes. Une telle ouverture se réalise à travers la prise de
conscience de la globalité du cadre de vie et du contexte de l'action
qui constitue : « Le passage d'une motivation parcellaire à une
sensibilité élargie qui localise chaque aspect ou chaque
composante dans ces relations avec les autres » (E. S. Dione, 1994, p
78).
En fait, c'est à travers un mouvement de balancier
selon cet auteur, c'est-à-dire du sectoriel au global et du global au
sectoriel que chaque domaine et la mosaïque de leurs combinaisons
acquièrent du sens. Ainsi, développer les compétences des
producteurs signifie alors accroître leurs capacités à
établir des relations entre des éléments apparemment
disparates et leur permettre de réaliser une synthèse
opérationnelle efficace. C'est ainsi que l'interaction paraît la
plus féconde pour les acteurs et de la méme manière
qu'elle peut l'être pour l'organisme d'appui.
2. 10.3- La prise de ses distances vis-à-vis de
l'action :
Le postulat sur lequel s'appui cette thèse est le
suivant : « ce qui importe, ce n'est pas tant ce qui se passe ou ne se
passe pas, ce qui marche ou ne marche pas » (E. S. Dione, 1994, p
78). Autrement dit, ce n'est pas par rapport aux issues de l'action que
l'intervenant doit se positionner ou se justifier, mais plutôt par
rapport à ses effets en termes d'apprentissage. Et pour insister sur cet
aspect, l'auteur utilise la métaphore du puit. Par exemple, de
façon caricatural, peu importe si les puits foncés à
l'aide du projet donne ou non de l'eau (méme si c'est mieux qu'ils en
produisent), la question est de savoir si, à l'occasion de cette action,
compte tenu des efforts consentis, les interlocuteurs ont appris quelque chose
de suffisamment déterminant. Quelque chose qu'ils pourront utiliser par
la suite, dans d'autres actions, entreprises par eux-mémes ou par
d'autres. Quand l'intervenant identifie la réussite de son intervention
à celle de l'action dans laquelle il est impliqué,
c'est-à-dire à la matérialisation des résultats
attendus, il devient prisonnier de la situation, la maîtrise lui en
échappe et il est tenté de se substituer aux acteurs qu'il appuie
pour éviter les déviations. Il est forcé alors de
normaliser le déroulement de l'action et contraint les paysans à
jouer au chat et à la souris. De ce fait, il se met en position de
demandeur et tout ce qu'il entreprend finit par vouloir dire :
« Faites-le pour moi, sinon je serai
éliminé de la scène, je perdrai mon emploi et vous, votre
allié dans l'organisme d'appui qui m'utilise » (E. S. Dione,
1994, p 79).
2.10.4- La connaissance des lunettes que portent les
paysans :
A ce niveau, le principal obstacle que rencontrent les
intervenants lorsqu'ils veulent agir en milieu rural, réside dans le
regard qu'ils portent sur les hommes et les choses. Ce qu'ils voient n'est pas
ce que les paysans voient. Au contraire, ses derniers perçoivent la vie
et ses formes avec une autre sensibilité. En d'autres termes, la
population est organisée à sa manière, avec des valeurs,
des concepts, des codes différents, parfois tellement différents
qu'ils deviennent invisibles, insoupçonnables pour ce qui ne vivent pas
dans la même sphère. C'est tout simplement dire que pour faire
bénéficier les paysans de leurs connaissances, il faudrait que
les agents des structures d'appui respectent l'expérience pratique des
producteurs et discutent avec eux d'égal à égal. Ignorer
cette réalité dans la vision des choses mène
évidemment droit au quiproquo et ainsi, « le dialogue devient
dialogue de sourds » (E. S. Dione, 1994, p 81). Donc porter les
mêmes lunettes que les paysans est indispensable pour comprendre les
situations et la manière dont ils les analysent.
Pour montrer la manière dont on porte les lunettes des
acteurs de base, l'auteurs s'appui sur trois domaines : D'abord dans le domaine
technique, porter les lunettes des paysans, c'est partir des situations, des
pratiques et des compétences déjà existantes ; Ensuite en
matière d'organisation, c'est s'appuyer sur les groupes naturels et se
brancher sur les réseaux relationnels de la société ; en
fin pour l'appui économique, c'est s'intégrer dans les circuits
déjà en place et utiliser leur rationalité comme une
ressource. Mais cela exige un important travail de redéfinition de la
réalité qui n'est possible qu'à travers une interaction
ouverte. L'action devient alors l'occasion par laquelle les agents de
l'organisme d'appui ont la possibilité de confronter leur vision des
choses avec celles des acteurs.
D'une manière générale, pour porter les
lunettes des acteurs à la base, il faut ce qu'Emmanuelle Seyni Dione
appelle : « l'effet miroir » c'est-à-dire ce que les
intervenants provoquent chez les paysans, renseignent ces derniers sur la
manière dont ils sont perçus et sur la pertinence de leur vision
(E. S. Dione, 1994, p 81).
Cependant « l'effet miroir » doit jouer
dans les deux sens : autrement dit, ce que les intervenants provoquent chez les
acteurs doit aussi aider ceux-ci à s'interroger à leur sujet.
Ainsi l'interaction n'est totale que si elle induit un décentrage dans
les deux groupes d'acteurs, c'est-à-dire si elle permet à tous
les deux de jeter un regard renouvelé sur leur monde. En cela, «
l'effet miroir » est double : d'une part, il enrichit la vision
de l'organisme d'appui sur son propre fonctionnement et d'autre part, il
élargie le champ d'analyse des
acteurs, en particulier leur compréhension du
fonctionnement de leur propre vie sociale. En définitive, «
l'effet miroir », constitue le moyen par lequel les intervenants
extérieurs ont la possibilité d'ouvrir une fenétre sur le
référentiel de ceux avec qui ils désirent agir. Et tout
devient alors affaire de communication. Mais cela n'est possible que si
l'organisme d'appui construit son intervention sur ce que les populations font
déjà elles-mémes et, s'ils utilisent le même langage
et adopte la même analyse.
Schema 2 : schématisation de
l'évolution de la gestion de l'action dans les projets
Porteur de l'action « l'action, c'est
moi »
· Animateur
Action
L'animateur s'identifie à l'action : le succès
de celui-ci conditionne son propre succès en tant qu'animateur. La
réussite de l'action justifie son existence vis-à-vis de
luimême, vis-à-vis de son employeur, vis-à-vis des
villageois (logique de promotion). Monsieur puits, monsieur crédit,
monsieur reboisement etc. sont
quelques exemples de perceptions villageoises à son
sujet.
L'action est son affaire. Aussi sera-t-il
tentéd'imposer ses normes pour la
conduire et ses critères pour l'évaluer.
Co-gestionnaire de l'action « je mets la
main à la pâte »
· Animateur
Action
L'animateur aménage les conditions de l'action. Il
provoque la réflexion, soulève le problème qui est
à l'origine de l'action. Mais celle-ci est portée par les
villageois, il peut y avoir cogestion, l'animateur étant partie prenante
dans la réussite. Mais sa réussite en tant qu'animateur n'est
possible que s'il y a réussite aux yeux des villageois. En un sens,
l'animateur
s'identifie et dès lors, s'évalue au
succès que les villageois remportent (logique d'appui).
L'action est en même temps son affaire et celle des
villageois. Elle est partagée.
Facilitateur de l'action «
j'accompagne l'action si on me le demande »
· Animateur
Action
L'animateur se situe en dehors de l'action. Ce n'est pas par
rapport à elle qu'il justifie sa présence sur le terrain
villageois. Il s'y intéresse dans la mesure où on le sollicite
à ce sujet (logique de consultation). Il peut éventuellement
être à son origine, mais ne s'implique pas dans sa finalisation.
C'est l'affaire des villageois, à eux d'en faire ce qu'ils veulent. Par
contre, il veillera à ce que les villageois soient en situation et
capables d'exploiter le potentiel d'apprentissage et d'innovation que l'action
recèle.
L'action est l'affaire des seuls villageois.
Source : Emmanuel Seyni Dione, 1994 :83
DEUXIEME PARTIE :
Problématique et cadre
méthodologique
Il est ici question de rendre compte de l'approche
théorique qu'on a adopté pour traiter le problème
posé par notre objet d'étude, mais aussi d'exposer l'arsenal
méthodologique mise en oeuvre pour appréhender, suivant les
règles de l'art, le fait étudié.
Chapitre III : Problématique
3.1- Problème de recherche
Au Sénégal, les tentatives étatiques de
promotion du développement agricole et rural tardent toujours à
montrer leurs effets, ce qui a poussé l'Etat à prendre une
multitude de mesures pour pallier aux nombreuses contraintes gangrènent
ce domaine.
En effet, il est certain que les échecs et les
réussites éphémères ou partiels dans le domaine du
développement agricole sont pour la majeure partie dus à
l'inadaptation des propositions faites aux organisations de producteurs. D'une
part, ceux (les agents des structures de développement) qui formulent en
amont les propositions faites aux producteurs ne connaissent pas en
général le milieu dans lequel ils interviennent, ce qui implique
que leurs propositions sont en déphasage, c'est-à-dire ne
correspondent pas forcément aux attentes des producteurs, à leurs
organisations sociale et ainsi elles ratent leurs missions. D'autre
part, les agents peuvent même « connaître » les paysans
concernés par leurs actions et leurs pratiques, mais ils les ignorent et
ne tiennent pas assez compte du contexte économique dans lequel se
trouvent les producteurs.
Autrement dit, les politiques de développement
agricole, malgré les acquis, ont dans leur majorité produit des
effets pervers. Le passage d'une logique interventionniste de l'État
à une logique de désengagement n'a pas abouti à
réformer structurellement la politique agricole. De méme la
transition d'une logique d'encadrement vers une logique d'appui aux producteurs
tarde à montrer ses résultats. Néanmoins, certaines des
sociétés d'Etat continuent à manifester leur ancrage dans
la logique d'appui.
A la suite de ce problème, un certain nombre de questions
susceptibles de nous permettre de saisir notre objet d'étude peuvent
être posées :
Pourquoi avec tous ces organismes de développement mis
en oeuvre par l'État du Sénégal, le monde agricole se
trouve toujours dans une situation devenue de plus en plus lamentable ? Get
état de fait ne trouverait-il pas ses fondements dans la manière
ou dans la logique d'intervention des structures étatiques
chargées du développement agricole ?
En outre, malgré l'épanouissement de
l'initiative paysanne qu'offre cette situation, il importe de se demander si
les producteurs disposent réellement, sans suivi ni accompagnement, de
la capacité d'assurer leurs nouvelles fonctions, mais aussi de la
capacité de résoudre les problèmes auxquels ils sont
confrontés ?
Dans ce cas précis, l'ANCAR peut-elle constituer une
réponse au désengagement de l'État en assurant les
fonctions nécessaires au développement et en impliquant de
manière effective les OP dans l'élaboration, le suivi et
l'évaluation des projets agricoles ?
Comment cette structure perçoit-elle la différence
entre logique d'appui et logique d'encadrement ?
Les activités de l'ANCAR ou plus précisément
ses interventions relèvent-elles du cadre de l'appui ou de celui de
l'encadrement ?
Comment une structure telle que l'ANCAR qui n'investit pas dans
les projets agricoles parviendrait-elle à travailler avec les OP dans le
cadre d'un véritable partenariat ?
Ainsi, le problème qui sous-tend ce travail est de
déterminer et d'analyser les facteurs bloquant l'instauration de
relations partenariales équilibrées et appropriées
garantissant une implication réelle des OP dans la promotion du
développement rural.
3.2- Question de recherche
Les actions à travers lesquelles intervient l'ANCAR au
niveau des organisations de producteurs relèvent-elles d'une logique
d'appui ou d'une logique d'encadrement ou bien encore d'une logique hybride?
3.3- Objectifs de recherche
L'objectif principal de cette étude est avant tout de
déterminer puis d'analyser les différentes actions de l'ANCAR
afin de cerner ou plus exactement de préciser quelle est
réellement la nature de la logique d'intervention de cette structure
à l'égard des organisations de producteurs. En d'autres termes,
il s'agit d'analyser la nature et le rôle de l'intervention de l'ANCAR
dans le développement agricole des OP de Gandon.
Cet objet sera analysé à partir d'une
étude de terrain portant non seulement sur l'ANCAR mais aussi sur une
Organisation de producteurs qui se déploie dans la communauté
rurale de Gandon. La première, c'est-à-dire l'ANCAR est
réputée pour être un des leviers en matière
d'accompagnement des producteurs au Sénégal du fait notamment de
la rupture qu'elle a pu opérer avec l'ancien système
d'encadrement du monde rural dans lequel, les institutions et services publics
appliquaient des politiques productivistes à travers une approche
descendante dans le but d'atteindre les objectifs de production
décidés par l'Etat.
En effet, pour mieux appréhender les dimensions de notre
question de recherche, trois objectifs spécifiques de recherche ont
été définis :
1. Apporter notre contribution à une meilleure
connaissance de la nature de l'intervention des organismes de
développement notamment l'ANCAR en identifiant les différentes
actions de celle-ci en direction des OP.
2. Comprendre non seulement le degré d'implication ou
de participation des producteurs en amont et en aval des diverses actions
menées par l'ANCAR mais aussi le degré d'appropriation par les
producteurs de ces multiples actions.
3.4- Conceptualisation
3.4-1- définition des concepts
Cette étude s'articule autour des concepts suivants :
organisation de producteurs, logique d'encadrement et logique d'appui.
Le concept d' « organisations de producteurs
»
Le concept d'Organisation Paysanne a fait l'objet d'une
littérature assez abondante dans le milieu scientifique. Pour rendre
intelligible ce concept, nous nous référons à quelques
auteurs comme Marie-Rose Mercoiret et Pierre-Marie Bosc, Rahmato et le
Réseau GAO qui ont beaucoup écrit sur cette notion.
Mercoiret et Bosc définissent d'abord les OP comme suit
: « Les OP sont des systèmes d'action collective qui ont des
règles de fonctionnement internes formalisées et relativement
stables et qui sont bties autour d'objectifs partagés Ces objectifs
communs n'excluent pas l'existence d'objectifs et d'intérêts
particuliers chez les différents membres, objectifs qui peuvent
être diversement convergents ou compatibles » (1994, p8).
Dans cette définition on notera que la
réalisation d' « objectifs partagés » est, à
l'instar de toute organisation la finalité des OP. Seulement ici,
Mercoiret et Bosc ont poussé leur analyse plus loin, car selon eux, les
« objectifs » et « intérêts » des membres
d'une OP ne sont pas toujours communs ; ils peuvent aussi être
personnels. Ce qui laisse entrevoir de probables luttes de pouvoirs et de
positionnement entre les différents membres de l'OP.
Selon Marie-Rose Mercoiret, la genèse des OP selon elle,
permet de distinguer deux grandes catégories : les OP suscitées
de l'extérieur et les OP d'initiatives locales.
La distinction entre les OP suscitées de
l'extérieur et celles d'initiatives locales et autonomes est utile pour
comprendre l'actuelle dynamique d'organisation dans les zones rurales.
1- D'abord les OP suscitées de l'extérieur,
résultant soit de l'intervention directe d'appareils administratifs
étatiques, soit des interventions de type « grands projets »,
soit enfin de l'action d'ONG. Elles sont nées de la
nécessité, ressentie en premier lieu, par les intervenants
extérieurs, d'«organiser les producteurs » pour qu'ils
puissent adopter une technique nouvelle ou exercer une fonction.
2- Ensuite les OP qui résultent d'une initiative
locale regroupées dans le mouvement associatif et autonomes par rapport
à l'État, même si elles peuvent entretenir de nombreuses
relations avec les services étatiques ou para-étatiques mais
aussi avec les ONG. Ces OP démarrent souvent après une longue
phase de réflexion sur des objectifs globaux (amélioration des
conditions d'existence, autosuffisance alimentaire, etc.) qu'elles tentent
ensuite de traduire dans les « plans locaux », dans les programmes
plus ou moins sectoriels ou dans les réalisations parfois très
spécifiques.
Rahmato quant à lui définit l'OP comme
étant : « Une structure formelle ou informelle à la
quelle prennent part les paysans et les paysannes et dont l'objectif majeur est
la poursuite d'avantages communs qu'ils obtiennent contre des obligations
communes » (1991, p44).Dans ce cas, les OP consistent donc en une
participation physique et financière.
Le réseau GAO cité par Dominique Sène
(2003) a également fait une analyse pertinente des OP en les assimilant
à des entreprises. En effet, du fait qu'elles sont de plus en plus
obsédées par l'argent. Avec l'omniprésence de la question
financière, on assiste au sein des OP, à de nouveaux modes
d'échange, de nouvelles manières d'établir des rapports
individuels : « Au fil des financements, les OP ne deviennent-elles
pas de plus en plus des entreprises et /ou seulement des entreprises? Au moment
de la création des OP, les considérations sociales, l'élan
de solidarité l'emportent, mais au fur et à mesure que l'OP
capitalise, le financier et l'économique s'installent et finissent par
contaminer les autres dimensions (k)Pendant le carrefour, les producteurs ne
sont pas beaucoup exprimés en termes de «
solidarité », de « foi »,
d' « autonomie »...demain parleront-ils en
termes de « ratio », d' «
efficacité », bref de tout ce qui fait le langage des
entreprises »(2003- 2004,p48).
Au vu de ce qui vient d'être énumérer, on
peut dire que les OP et les entreprises sont, par bien des aspects, analogues.
Cependant, dans le présent travail, nous définissons l'OP comme
étant une association autonome de paysans ou de paysannes bien
structurée, régie par
un statut juridique et dont les membres sont unis autour
d'objectifs apparemment communs mais stratégiquement individuels ;
objectifs dont la réalisation nécessite l'appui des intervenants
extérieurs. En plus, leur base sociale et leur efficacité
technique et économique leur permettent en effet de se positionner comme
des interlocuteurs à part entière, prêts à
négocier des collaborations des contrats, à condition que soient
pris en compte leurs objectifs et leurs priorités, que leur soit reconnu
le droit de participer à la prise de décision dans des domaines
où le transfert de responsabilité n'était pas initialement
prévu.
Le concept de « logique d'appui »
L' « appui », est un concept dérivé du
verbe « appuyer »qui signifie soutenir,
protéger, aider ou fournir un moyen d'action
à quelqu'un. Donc un appui est un soutien matériel ou
immatériel une assistance ou une protection. Appuyer quelqu'un, c'est
l'aider, le soutenir dans ce qu'il fait. Dans ce cas la logique d'appui est une
démarche adoptée par les agents des sociétés
d'intervention et s'adressant aux OP ou aux communautés rurales prises
dans leur ensemble avec l'espace qu'elles occupent. Il s'agit de les
accompagner dans leurs décisions en leur fournissant une assistance
matérielle ou immatérielle et un cadre institutionnel
nécessaire pour qu'elles puisent effectivement analyser leurs prises de
décisions innovatrices.
La logique d'appui pose le postulat selon lequel, les
intervenants doivent accompagner les initiatives, les décisions locales
émanant des producteurs eux-mêmes. Donc, l'initiative émane
des acteurs qui mobilisent des partenaires en vue de les appuyer à
réaliser leurs projets : l'identification de l'idée de projet, la
conduite, l'évaluation et les ajustements sont co-construits par les
acteurs locaux en rapport avec leurs différents partenaires. Autrement
dit, les acteurs locaux sont les co-porteurs ou les porteurs du projet, c'est
dire que leur participation couvre tout le processus d'intervention à la
fois en amont et en avale du processus de mise en oeuvre du projet. Les paysans
sont donc partie intégrante dans le processus du développement,
depuis l'identification de l'idée jusqu'à l'évaluation
finale.
En outre, le milieu ne doit pas être
considéré comme étant un simple point d'application et
d'orientation des initiatives de développement décidées
par des partenaires extérieurs à partir d'analyse externes,
d'objectifs uniquement macro-économiques définis aux
échelons nationaux et régionaux. Le milieu local doit être
reconnu à la société et aux acteurs qui le composent pour
définir les orientations et les modalités de leur propre
développement socio-économique et culturel en relation
négociée avec les acteurs extérieurs. Aussi, dans une
logique d'appui, l'intervention est participative et les critères
d'évaluation ne restent pas
soumis aux seuls indicateurs administratifs, technicistes et
marchands, mais ils intègrent l'action ou le projet comme fait social
total. Cette logique s'oppose à une simple diffusion d'innovations et un
simple transfert technologique : elle valorise un ancrage socio-territorial du
processus d'innovations. Autrement dit, elle insiste sur la nécessaire
appropriation locale, sur le construit social parce que soumise à un
processus d'apprentissage qui opère à travers une dynamique
d'essai-erreur et ne conçoit pas comme un processus linéaire et
parfait. Cette logique privilégie l'approche programme en lieu et place
de l'approche projet (S. Ndiaye, 2008).
En somme, la logique d'appui place les organismes de
développement au second plan. Et selon M.R. Mercoiret l'appui aux OP
peut se concevoir en sept étapes : 1) l'identification de fonctions qui
justifient une OP ;2) l'analyse des structures existantes, de leurs forces, de
leurs faiblesses ; 3) l'information sur les innovations économiques et
sociales disponibles ; 4) la discussion des formes d'organisation par les
producteurs et leur adaptation ;5) l'élaboration de contrats avec les
autres partenaires ; 6) l'appui au fonctionnement ; 7) la formation des
responsables et des gestionnaires, (Mercoiret, 1990 :52-53).
Le concept de « logique d'encadrement
»
L' « encadrement » est le substantif issu du verbe
« encadrer » qui signifie entourer quelque chose d'un cadre. Ce qui
fait que le terme encadrement désigne l'action d'entourer à la
manière d'un cadre qui orne ou limite. La logique d'encadrement, si l'on
peut ainsi dire, se pose en s'opposant à la logique d'appui. Elle
commence depuis la constitution de l'OP, c'està-dire qu'il y'a des OP
qui sont constituées non pas par l'initiative locale des paysans mais
plutôt par celle des organismes extérieur. Il s'agit des OP que
Mercoiret nomme les OP suscitées par les grands appareils de
développement (Etat, ONG, etc.) Les principales caractéristiques
de ces OP, selon elle sont le fait que : « Les modalités
d'organisation ont été définies par les intervenants
extérieurs et ont rarement été négociables ; les
paysans ont été obligés d'adhérer à ces
organisations pour avoir accès aux intrants, au matériel agricole
et au crédit, mais aussi pour écouler leurs productions car elles
ont eu à ici et là le monopole de la commercialisation, les
sociétés de développement ont exercées une tutelle
sur les OP, une dépendance est parfois des conflits en ont
résulté », (Mercoiret, 1994 :206).
Dans cette logique, le processus et la dynamique de l'action
sont dominés par l'État et les partenaires extérieurs, et
ce sont également ces derniers qui définissent les initiatives
aux OP. Aussi, la conduite et l'évaluation ou encore les ajustements
liés au projet ou à la
dynamique sont presque du ressort exclusif de l'État ou
des partenaires intervenants. Alors, les paysans producteurs sont exclus de la
participation et ne jouent plus que le rôle de
bénéficiaires et d'exécuteurs, ils ne participent que
faiblement, sinon méme pas à l'identification de l'idée de
projet, à la construction des modalités de gestion, aux instances
de validation ou d'évaluation du processus. A la différence de la
logique d'appui, celle-ci a une courbe descendante (logique top down),
c'est-à-dire que ce sont les experts du sommet qui analysent et
choisissent les décisions à la place des producteurs de la base
qui ne sont là que pour exécuter. Nous sommes ici dans le cadre
de l'État central, dirigiste, techniciste, interventionniste et «
développeur " qui opère selon la logique du transfert
technologique pour plus de productivité. Et l'approche d'intervention
privilégiée par cette logique est l'approche projet. Ainsi le
terrain ou le territoire se présente comme un simple milieu
d'application et d'expérimentation des initiatives politiques, des
décisions et des techniques qui ont été
transférées du sommet vers le bas. Tout ce qui est savoir et
savoir-faire ou mode d'organisation locale, c'est-à-dire les techniques
traditionnelles construites de l'intérieur des communautés de
base sont considérées comme des contraintes, des freins à
l'avancement ou à l'épanouissement et sont incapables de soutenir
le progrès, (S. Ndiaye, 2008). Les agents experts sont ici comme une
sorte de « repoussoir " car disant aux paysans « votre pratique
est mauvaise », ce qui fait qu'elle a été peu prise en
compte et encore plus rarement valorisée. Il s'agit en somme d'un
schéma du type « ceux qui savent " viennent apprendre ou
montrer à « ceux qui ne savent pas » et ce
schéma, méme s'il est caricatural a existé et existe
toujours avec ses multiples variantes.
3.4-2- Opérationnalisation des concepts
Concepts
|
Dimensions
|
Indicateurs
|
Organisation de producteur
|
Processus de constitution et d'évolution
|
- Situation de l'activité, du milieu et des acteurs
- Objectifs de départ d'ordre économique, social,
politique,
- Caractéristique socio-économiques, les
étapes du processus constitutif et d'évolution,
état actuel,
- Nature des appuis et contraintes au
démarrage, impact sur la dynamique originelle
|
Mode d'organisation et de fonctionnement
|
- Type d'organes, et fonctionnalité des
organes, périodicité et modalités
de renouvellement des instances,
- Composition et nature du leadership, modalités de prise
de décisions, de circulation de l'information et de consultation des
membres, de prévention et de gestion de conflits, démocratie
interne
|
Performance socio-économique
|
-Evolution socio-économique, niveau d'autofinancement,
efficacité dans le mode de mobilisation des ressources
- Bilan des réalisations, nature et importance des biens
et services offerts
- Niveau de développement de l'organisation, impact sur
la situation socio-économique des producteurs, modalités de
production et de distribution de biens et services, articulation
viabilité économique et rentabilité sociale,
|
|
Ancrage socio-territoriale : impact sur la revitalisation
socio-territoriale
|
- Impact socio-territorial de l'organisation et des
activités, impact sur le développement et l'image sociale du
secteur et de ses acteurs, capacité de réponse à la
demande locale,
- Nombre de cibles touchées, ressources locales
valorisées, mobilisation territoriale des acteurs
|
Dynamique partenariale
|
- Ampleur du réseau partenarial, nature et
intensité des relations avec les partenaires, positionnement par rapport
aux stratégies de développement et au mode de gestion publique de
la commune,
- Rapport aux autres organisations du secteur, - participation
aux cardes de concertation locale,
|
Logique d'appui
|
Stratégie d'implication des acteurs locaux
|
- Identification de l'idée de projet, définition du
processus et de la dynamique de l'action,
- Positionnement des acteurs locaux par rapport aux
intervenants,
- Nature de l'initiative, du diagnostic de la conduite, de
l'exécution, de l'évaluation du projet,
|
Dynamique de l'action
|
- Place réservée aux modes d'organisation
locales, le savoir et le savoir-faire local, les techniques traditionnelles
- nature de l'approche, nature et intensité des
rapports avec les sociétés de développement, implication
dans le processus de développement local.
|
|
|
- Positionnement des acteurs locaux par
rapport aux intervenants,
- Ampleur du réseau partenarial,
|
Logique d'encadrement
|
Dynamique partenariale
|
positionnement par rapport aux stratégies de
développement et au mode de gestion des structures d'encadrement,
- Présence dans les cadres de délibération
locale, rapport à l'espace public local
|
Nature de l'approche d'intervention
|
- perception du territoire d'intervention
- place réservée aux modes d'organisation
locales, le savoir et le savoir-faire local, les techniques traditionnelles
- Nature de l'approche, nature et intensité des rapports
avec les sociétés de développement
|
Intervention de l'agence
3.5- Hypothèse et modèle d'analyse
3.5.1- Hypothèse
L'approche de l'appui-conseil définie par l'ANCAR
montre qu'elle a rompu avec la « logique d'encadrement »
héritée de l'Etat post colonial en matière de promotion
des organisations de producteurs. Cependant, l'exécution des programmes
par cette approche n'est pas effective auprès des organisations des
producteurs.
3.5.2- Modèle d'analyse
Schéma 3 : Construction du modèle
d'analyse
Organisation de producteur : le Foyer de Sanar
Sollicitation de l'agence
ANCAR « Conseil Agricole et
Rural » (CAR)
Volonté d'autopromotion mais : contraintes naturelles,
analphabétisme, faible niveau d'organisation, revenu faible,
étroitesse et approvisionnement des terres à exploiter, non
maîtrise du système d'irrigation Informations,
formation, conseils, intermédiation, appui conseil, appui
|
technique, recherche/développement,
renforcement de la capacitéorganisationnelle
|
Le schéma ci-dessus présente en fait les
rapports qui régissent l'ANCAR et les OP avec qui, elle est partenaire
notamment le Foyer de Sanar. En effet, le schéma montre que la logique
de l'ANCAR repose sur le principe « sollicitation-intervention ».
Autrement dit, les différentes OP qui désirant
bénéficier des services de l'ANCAR doivent d'abord solliciter
cette dernière pour qu'elle puisse intervenir à la suite d'une
signature de contrat. Ce qui semble écarter toute idée
d'encadrement. Mais le problème va au-delà de cette apparence et
pour mieux le saisir, il faut une analyse profonde des actions
effectuées par la structure.
Chapitre IV : Cadre méthodologique
Il s'agit dans ce chapitre d'évoquer la démarche
méthodologique de notre étude. Cette phase a été
réalisée en partant des principes développés par
les ouvrages de méthodologie, en particulier dans le Manuel de
recherches en sciences sociales inculqués en formation
méthodologique. Nous y évoquerons l'histoire de la collecte, les
personnes interrogées ou groupes cibles et les modalités de leur
échantillonnage, les outils utilisés pour la collecte des
informations, le déroulement des enquêtes, leur durée et
enfin les difficultés rencontrées tout au long de la
recherche.
4.1- Histoire de la collecte
Notre recherche travail de recherche a débuté en
Décembre 2009 et a comporté trois (3) grande phases : la
recherche documentaire, l'enquête exploratoire et l'enquête
proprement dite.
4.1.1- La recherche documentaire
Comme tout travail de recherche, du moins en sciences
sociales, la revue bibliographique appelée entre autre la recherche
documentaire, constitue plus ou moins l'étape qui permet le
démarrage du processus de recherche. C'est pourquoi, juste après
le choix de notre thème et la formulation de notre question de
départ, nous avons procédé à une recherche
exploratoire, c'est-à-dire à une lecture continue des documents
se rapportant à notre objet d'étude. Cette phase a
été pour nous, l'occasion de parcourir un certain nombre
d'ouvrages généraux traitant de notre thème de recherche
à savoir l'autopromotion paysanne (les organisations paysannes) et
l'intervention des structures de l'État auprès de ces OP. Une
telle étape avait pour prétexte d'identifier le problème
général de recherche. Suite à cette première, nous
avons entamé la seconde étape pendant laquelle nous avons
consulté des ouvrages spécifiques de notre sujet de recherche
à savoir l'intervention des organismes étatiques auprès
des organisations de producteurs. Pour ce faire, d'abord dans l'enceinte de
l'université, nous nous sommes rendus la bibliothèque centrale de
l'UGB, le centre de documentation de l'UFR Lettres et Sciences Humaines et
celui de l'UFR des Sciences Juridiques et Politiques. Ensuite à
Saint-Louis, nous avons eu à fréquenter la bibliothèque du
Centre Culturel Français (CCF) et nous sommes
procurer des auprès des structures telles que l'ANCAR,
l'Institut Sénégalaise de Recherche Agronomique (ISRA) et la
Direction Régionale de l'Agriculture (DRA).
4.1.2- Les entretiens exploratoires
Cette phase a été engagée dans le but de
mieux nous familiariser avec notre objet d'étude mais aussi de mieux
cerner notre cadre d'étude. En effet, les lectures effectuées,
ajouté aux quelques entretiens exploratoires ont permis de saisir non
seulement l'état des savoirs sur ce thème, mais aussi d'avoir un
petit aperçu sur la nature des interventions de l'ANCAR au niveau des
OP.
Tout d'abord, cette étape nous a donné
l'occasion d'avoir une vision d'ensemble non seulement sur les deux structures
concernées à savoir l'ANCAR et le Foyer de Sanar, mais aussi sur
les types de relation qui existent entre eux. Sous ce rapport, des entretiens
libres ont été effectués sur les thèmes suivants
:
- Présentation de l'ANCAR
- Réalisation des activités de l'ANCAR
- Présentation du Foyer de Sanar
- Historique de son partenariat avec l'ANCAR
Les différents entretiens ont été
réalisés avec des personnes ressources à savoir des
responsables et des agents de l'ANCAR et des responsables de l'OP du Foyer de
Sanar. Ainsi nous avons interrogé :
- Le Directeur régional de l'ANCAR
- Le chef d'équipe
- L'agent de Gandon
- Le président du Foyer de Sanar
- Les deux vices présidents du Foyer
- Le secrétaire général du Foyer
En complément de ces informations, nous avons pu
consulter diverses sources dont les mémoires de maîtrise de
sociologie et de géographie, mais aussi et surtout le PDL de Gandon
(2009-2014) et le PRDI de Saint-Louis (2000-2005).
Cette étape nous a surtout d'une grande importance car
elle nous a facilité la mise en place des outils et techniques de
recherche pour appréhender notre objet.
4.1.3- Les entretiens informels
Dans le cadre de ce travail d'investigation, nous avons
également eu recours aux entretiens informels. Ils ont surtout
été réalisés avec les agents des autres structures
telles que l'ISRA, la DRA et certains producteurs non membres du Foyer de
Sanar. L'objectif de ces entretiens était de confronter d'une part, les
propos des agents de l'ANCAR et des membres du Foyer de Sanar à leurs
points de vue afin de mesurer la véracité des informations
recueillies auprès des concernés et en même temps obtenir
leur point de vue sur le fonctionnement respectif de leur structures. Il
convient, par ailleurs, de préciser que les personnes concernées
par ces entretiens informels ont été choisies au hasard et pour
la plupart, nous les avons trouvées dans leur lieu de travail.
Tableau 3 : Personnes interrogées par
entretiens informel
ISRA
|
02
|
DRA
|
03
|
Sopi Diougob
|
05
|
4.2- La construction de l'échantillon
Concernant ce travail, la technique d'échantillonnage
utilisée a été celle de l'échantillonnage
aléatoire simple qui consiste d'abord à définir la taille
de l'échantillon, c'est-à-dire le nombre d'individus qui doit le
constituer, ensuite procéder par une sélection sur la base du
hasard pour choisir les individus de l'échantillon. En effet, seuls les
membres du Foyer de Sanar ont fait l'objet d'un échantillonnage parce
qu'étant les seuls à être concernés par le
questionnaire.
Sous ce rapport, la construction de l'échantillon
nécessitait tout d'abord une bonne compréhension des
réalités de notre OP à travers une maîtrise des
différentes catégories d'acteurs et des sphères d'action
dans lesquelles les acteurs évoluent. L'échantillon a donc
été choisi de la manière suivante : nous avons d'abord
recensé tous les membres de l'OP « le Foyer de Sanar » dont
l'effectif total est de 118 membres avec 76 hommes et 42 femmes.
En effet en fonction de diverses raisons (la
disponibilité et le statut des personnes (statut social ou statut de
membre), la taille de l'échantillon a été définie
pour un effectif de 30 personnes soit 35% de l'effectif total et n'a
concerné que membres du Foyer de Sanar qui
sont concernés par le questionnaire.
L'échantillon a été défini sur la base d'un
principal critère à savoir celui de la
représentativité selon le genre. Pour ce faire, nous avons tout
simplement tenu à reproduire le pourcentage de chaque genre selon son
effectif dans la population totale. Alors, nous avons posé
l'opération suivante :
P = Population totale = 118
H = Hommes = 76 soit 65% F = Femmes = 42 soit 36%
E = Echantillonnage = 30
He = nombre d'hommes dans l'échantillon
He = H x E 65 x 30 = 19,5 soit 19 hommes
100 100
Fe = nombre de femmes dans l'échantillon
Fe = F x E 36 x 30 = 10,8 soit 11 femmes
100 100
Sur les 118 membres du Foyer de Sanar, 30 personnes (soit 35%)
ont été interrogés. Le pourcentage représentatif
des hommes dans l'échantillon est de 19 sur les 76 personnes et
concernant les femmes, en fonction de leur effectif qui est de 42, 11 personnes
ont été choisies.
Ensuite pour ce qui est des agents de l'ANCAR,
l'échantillon au niveau de cette catégorie n'a pas posé de
problèmes du fait de leur nombre restreint par rapport aux membres du
foyer de Sanar. Nous avons interrogé tout le personnel dont l'effectif
est de 10 personnes.
Les guides d'entretiens élaborés ont
été soumis aux deux structures qui sont concernées par
notre étude à savoir l'ANCAR et le Foyer de Sanar. Pour chaque
structure, il a été mis en avant le principe de la saturation.
Ainsi, nous mettions un terme aux entretiens à chaque fois qu'on
remarquait une redondance dans les réponses.
Tableau 4: Répartition des effectifs des
deux structures
Type d'acteurs
|
Hommes
|
Femmes
|
Nombre total
|
Membres du foyer de Sanar
|
76
|
42
|
118
|
Agents de l'ANCAR
|
8
|
2
|
10
|
Total
|
78
|
44
|
128
|
Source : Diakho 2010
Tableau 5 : Répartition des individus
interrogés
Type d'acteurs
|
Hommes
|
Femmes
|
Total d'individus interrogés
|
Foyer de Sanar
|
19
|
11
|
30
|
ANCAR
|
08
|
02
|
10
|
Total
|
27
|
13
|
40
|
Source : Diakho 2010
4.3- Les outils de collecte
Dans le domaine des sciences sociales et de la sociologie en
particulier, il existe une panoplie de méthodes et de techniques pour
appréhender le réel. Ainsi, il n'existe pas de méthode
standard qui serait applicable à l'étude de tout le
phénomène social. En effet, pour chaque objet d'étude, il
existe une méthode plus à même de l'appréhender ou
encore de l'éclairer.
Ainsi, concernant notre étude, dans un souci de mieux
appréhender et de mieux éclairer notre objet d'étude, nous
avons opté pour ce qu'il convient d'appeler la combinaison pour ne pas
dire la triangulation des méthodes. En fait, nous avons jugé plus
judicieux d'allier méthode qualitative et quantitative. En ce sens, nous
avons fait usage du questionnaire uniquement pour les membres du Foyer de
Sanar, du guide d'entretien pour les deux structures à savoir le Foyer
de Sanar et l'ANCAR et de l'observation désengagée. Ce choix est
loin d'être fortuit puisqu'il est question d'appui et/ou d'encadrement
des producteurs par une structure étatique, donc un
phénomène qui, à notre avis est difficilement
décomposable en variables métriques. Par conséquent, du
fait de cette complexité, nous avons jugé nécessaire
d'accorder la prééminence à la combinaison des diverses
méthodes pour saisir la nature de
l'intervention de cette structure. Autrement dit, il s'agit de
laisser aux paysans toute la liberté de s'exprimer sur la question,
parce que supposés être les mieux placés ayant une
explication et une compréhension plus significative de la nature de
l'intervention de l'ANCAR. C'est donc en quelque sorte la technique de
l'enquête participative où les acteurs (producteurs) ne
constituent guère de simples sujets à enquêter, mais aussi
des protagonistes dans la recherche.
4.3.1- Le questionnaire
Le questionnaire a été l'un de nos outils
d'enquête dans le cadre de cette étude et a été
administré uniquement aux membres du Foyer de Sanar. Il a
été conçu sur des questions ouvertes et des questions
à éventail. Les questions ont été regroupées
en cinq parties distinctes :
- L'identification sociologique des enquêtés
- Identification, constitution et évolution de la
structure
- L'organisation et le fonctionnement de la structure
- Les activités de la structure
- Les relations partenariales de la structure avec l'ANCAR
Ce questionnaire a été soumis uniquement aux
membres du Foyer du Sanar dans le but d'obtenir des informations plus
approfondies sur la structure et sur ses relations partenariales
avec l'ANCAR. En effet, les premiers concernés ont
été les membres du bureau quiconstituent des personnes
ressources susceptibles de nous fournir plus fiables. En outre,
le questionnaire a également été soumis aux membres
simples pour recueillir des informations supplémentaires afin de les
confronter avec celles déjà reçues des dirigeants. Ces
informations sont d'une importance capitale en ce sens que le point de vue
ou encore la perception de l'élite sur l'organisation et sur ses
relations avec l'ANCAR ne sont pas souvent les méme avec ceux des
simples membres. L'administration de ce questionnaire, comme les
entretiens, a été effectuée dans les domiciles des
enquêtés mais aussi dans leurs lieux de travail,
c'est-à- dire au niveau de leurs parcelles à cultiver. La
durée de chaque administration a été comprise entre 25
à 30 minutes.
4.3.2- Les guides d'entretien
Dans le cadre de ce travail de recherche, nous avons
également eu recours à l'usage du ou des guide (s) d'entretien
puisqu'ils sont au nombre de deux.
Le premier a été conçu à
l'intention des membres du Foyers de Sanar et a trait d'abord à
l'historique, ensuite à l'organisation et au fonctionnement de la
structure, aux objectifs et activités et enfin au rapport et à la
dynamique partenariale avec l'ANCAR. Il porte sur les thèmes suivants
:
1- Historique du Foyer de Sanar
2- Profil organisationnel et Fonctionnement du Foyer
3- Objectifs et activités de l'organisation
4- Rapport et dynamique partenariale avec l'ANCAR
5- Obstacles et contraintes
Le second guide d'entretien est adressé aux agents de
l'ANCAR et comporte les thèmes suivants :
1- Contexte de création de l'ANCAR
2- Structuration et fonctionnement
3- Plan d'action (activités et/services)
4- Rapport dynamique partenariale de l'ANCAR avec les OP (le
Foyer de Sanar)
5- Réalisations de l'ANCAR au niveau des OP
6- Incidences de l'appui de l'ANCAR sur les producteurs
En effet, le principal constat que l'on peut faire à ce
niveau est le fait que ce sont les thèmes abordés dans
l'enquête exploratoire qui ont été repris dans les deux
guides d'entretien mais d'une manière beaucoup plus approfondie et avec
un échantillon beaucoup plus consistant. Cela paraît être
une sorte de répétition, mais à notre avis celle-ci est
partie intégrante de la recherche scientifique. A noter également
que ces guide d'entretien ont été administrés
individuellement.
4.3.3- L'observation désengagée
Cette technique de recueil d'information a été
utilisée dans le but de compléter les deux techniques
précédemment évoquées. Plus
précisément, l'observation désengagée nous a permis
de vérifier les propos des personnes interrogées par entretien.
Le principe consistait à assister à des assemblées
générales, à des réunions tenues et à des
séances de rencontre à la fois par et entre les deux partenaires
comme c'est le cas des ateliers de formation et d'information. Le principal
objectif était de saisir la manière dont se prennent les
décisions pour avoir une idée non seulement le partage du pouvoir
au sein des deux structures, mais
aussi sur les relations de pouvoir dans le cadre de leur
partenariat. Outre cela, nous avons effectué des descentes sur le
terrain avec le conseiller agricole rural de Gandon pour observer la
manière dont il collabore avec les producteurs.
4.4- Le déroulement de l'enquête
L'enquête a consisté en des entretiens avec les
acteurs cibles et s'est déroulée en un mois
précisément du 17 Avril au 21 Juin en raison de
l'indisponibilité de certains acteurs retenus dans notre
échantillon.
La première étape a concerné
l'administration du guide d'entretien aux agents de l'ANCAR. Ainsi nous avons
pu discuter avec tous les dix (10) agents y compris le Directeur
régional. Les entretiens avec ces derniers se sont
déroulés sous une forme guidée, qui nous permettait de
temps en temps d'approfondir certaines questions ou encore d'insister davantage
sur certaines réponses fournies par nos interlocuteurs pour avoir des
informations beaucoup plus complètes.
La deuxième phase concerne quant à elle les
entretiens avec les producteurs membres de l'OP que nous étudions
à savoir le Foyer de Sanar. L'administration du guide d'entretien au
niveau des membres de l'OP ne s'est pas déroulée de
manière structurée, mais a plutôt consisté à
des conversations laissant une grande marge de manoeuvre aux
enquêtés, meme si par endroit, on se réservait le droit de
transformer momentanément l'entretien sous une forme semi-guidée
dans le but d'approfondir certaines questions. Quant au questionnaire, son
administration a pris plus de temps mais a été plus aisé
que le guide d'entretien en raison de la différence entre la nature des
questions.
Il importe également de souligner que le lieu
d'enquête variait d'un producteur à un autre. Les
différents entretiens se sont déroulées soit au domicile
de ceux-ci soit à leur lieu de travail (au niveau de leur exploitation
agricole), soit encore au coin de quelques lieux publics (marché, place
de la mosquée, place publique). C'est dire que souvent
l'indisponibilité fréquente de certains des acteurs de
l'organisation a incité à profiter de l'occasion qu'offre leur
apparition parfois inopinée. Les interviews ont été
réalisées individuellement pour permettre à certains
producteurs de mieux comprendre l'information que nous avons voulu obtenir. Il
s'en est parfois suivi d'une prolongation du temps d'administration des outils
de collecte, liée à des interruptions sporadiques. Dans ces cas
et en de tels lieux publics, ne pouvant contraindre notre interlocuteur
à nous isoler, nous avons dû accepter de procéder aux
entretiens dans ces conditions là, ce qui au demeurant a
constitué une difficulté moindre par rapport à celles
rencontrées.
4.5- Difficultés rencontrées
A l'instar de tout travail scientifique, la réalisation de
ce modeste travail a également connu quelques contraintes.
- La première difficulté rencontrée est
relative à la contrainte du temps .Sans trop y insister nous voulons
tout simplement souligner qu'en raison des exigences du nouveau système
à savoir le LMD où une date est exigée pour le
dépôt des mémoires, nous avons eu d'énormes
contraintes à arrimer les cours et le travail de recherche. Cependant,
pour contourner ce problème, nous avons tout simplement
décidé de cesser certains de nos cours pour accorder ce temps
à notre étude.
- La deuxième difficulté est liée
à l'histoire de la collecte : en effet, la prise de contact avec les
enquêtés a été rendue particulièrement
difficile par leur indisponibilité (surtout avec le directeur de l'ANCAR
et quelques producteurs) du fait de leur préoccupations annexes. En
effet, puisque la plupart des enquêtés sont des exploitants
agricoles, alors ces derniers passent la plupart du temps dans les
périmètres. Pour pallier à cette contrainte, certains
producteurs ont été enquêtés au niveau de leurs
parcelles d'exploitation agricole et d'autres tard dans la soirée
à leur retour des champs.
- Enfin, nous avons également eu quelques
problèmes pour administrer les questions aux producteurs à cause
de notre faible maîtrise de la langue wolof. Nous étions parfois
dans l'incapacité de traduire correctement certains termes de la langue
française en wolof pour les faire comprendre aux enquêtés
et leur permettre de répondre de manière adéquate. Pour
cette contrainte, nous avons fait appel à un de nos camarades
étudiants plus précisément un ami qui se trouve en master
2 d'anglais pour nous tirer d'affaire.
Troisième partie :
Présentation des résultats de
l'enquête
Cette partie est consacrée à l'analyse et
à l'interprétation des données de l'enquête.
Cependant, ce qu'il convient de préciser est que ces données ont
fait l'objet d'une analyse dynamique. Autrement dit, les données
quantitatives et qualitatives similaires ont été
regroupées pour être analysées.
Elle comprend quatre chapitres :
Le premier décrit l'historique du Foyer de Sanar, le
deuxième s'intéresse aux activités socioéconomiques
du Foyer, le troisième chapitre traite des obstacles à
l'autopromotion paysanne et au développement, le quatrième
chapitre est consacré à la relation partenariale du Foyer de
Sanar avec l'ANCAR, le cinquième est centré sur le partenariat du
Foyer avec l'ANCAR et enfin le sixième chapitre parle de la
portée de l'intervention de l'ANCAR au niveau du Foyer
Chapitre V : Historique du Foyer de Sanar
5.1- Contexte de création et objectifs
Le Foyer de Sanar a été mise en place en 1995
avec seulement l'engagement de huit producteurs dont le président Djiby
Mbaye. Son contexte de création est indissociable de celui qui a vu
naître la majorité des autres structures similaires (GIE, GPF
tec.). Celles-ci sont nées dans un contexte socioéconomique assez
difficile dont les origines se trouvent dans la série de
sécheresses qui a frappé le pays dans les années 70
à 73. A cela s'ajoute, la dévaluation du franc CFA et la
conjoncture sociopolitique qui se dessinait dans la zone. En effet, l'influence
des anciens, conjuguée au poids accablant d'un encadrement en cascade
des structures de l'Etat dont la SAED, exemptait les jeunes et les femmes de
l'activité agricole. Ainsi, faute d'alternative crédible, ces
jeunes vont se livrer en masse à l'exode rural à la recherche
d'un espace d'épanouissement.
Devant un tel phénomène, quelques natifs de la
localité plus avertis vont se retourner à la source pour mettre
en place le « Foyer de Sanar » qui regroupera l'ensemble des
producteurs de la localité. L'objectif principal qui sous-tendait cette
union était en fait d'associer leurs forces et leurs moyens en vue
d'assurer le renforcement de leur capacité de producteurs et leur
auto-promotion socio-économique. Il s'agit de créer pour leur
village un projet de développement économique et social, de
créer des activités génératrices de revenus,
d'assurer l'autosuffisance et l'équilibre alimentaire et enfin de
promouvoir le développement de l'entraide et de la solidarité
entre les populations.
5.2- Le fonctionnement interne du Foyer de Sanar
Le Foyer de Sanar comme déjà indiqué dans
le cadre d'étude est une organisation composée d'un bureau assez
restreint où la presque totalité des pouvoir est détenue
par le président. Pour ce qui est de l'Assemblée
Générale de renouvellement qui est composée de tous les
producteurs membres du Foyer, elle est régulièrement tenue tous
les deux ans exceptée une situation d'urgence. L'AG est l'organe supreme
; elle est souveraine et donne mandat au bureau pour l'exécution des
activités administratives, techniques et financières. C'est elle
qui élit le bureau, lui donne des directives et évalue ses
activités. Il n'y a pas de Comité Directeur, le président
est élu par tous les producteurs.
Le bureau devait convoquer, selon les principes de
l'organisation, une Assemblée Générale tous les deux ans
pour mettre au point les acquis et les contraintes qui peuvent être
internes ou externes à l'organisation. Cependant, le bureau quant
à lui, doit se réunir une fois tous les mois mais des
réunions extraordinaires peuvent également être tenues
à tout moment quand le besoin se fait sentir. Le bureau peut
également convoquer une assemblée générale urgente
en cas de problèmes majeurs ou en cas d'obtention immédiate de
financement.
C'est également au bureau de définir les
différents programmes et d'assurer leur exécution. Le bureau se
compose de seize (16) membres. Il s'agit :
- du Président
- des deux (2) vice présidents
- du secrétaire général
- du secrétaire général adjoint
- du trésorier général
- du trésorier général adjoint
- de commission chargée des relations avec les
partenaires (2 personnes)
- de la commission de contrôle pour l'irrigation (2
personnes)
- de la commission féminine (3 personnes)
- de la commission de collecte des cotisations (2 personnes)
Concernant le fonctionnement de la structure, se posent de
nombreux problèmes liés à la fois à la transparence
dans la gestion des ressources financières et au manque d'instruction.
Certes, la périodicité du renouvellement du bureau est
respectée (tous les deux ans), mais le problème se situe au
niveau des prises de décisions. En effet, la tenue telle que
prévue des réunions mensuelles n'est pas de rigueur et pourtant
chaque mois les cotisations sont collectées. La majorité des
membres du Foyer affirme que les décisions viennent du président
et que parfois même ils ne sont pas au courant de la décision.
Selon A. HANN, « depuis que j'ai adhéré à cette
structure il y a huit (8) ans, chaque moi je cotise pour une somme de 500 FCFA,
mais on a jamais connu le montant de la caisse. Et pourtant, je sais qu'il doit
y avoir beaucoup d'argent maintenant ». Et elle continue «
c'est un problème de parenté et d'ancienneté, sinon
tout le monde sait que l'argent est utilisé par les membres du bureau
parce que depuis trois ans maintenant, le président s'est payé
une voiture personnelle et a ouvert un restaurant pour sa femme et sa fille
à l'université (tu ne les connais pas, pourtant elles sont
let-bas chaque jour. En plus il et côté des deux motopompes du
Foyer, il a sa petite
motopompe qui lui permet d'irriguer ses parcelles sans
problème. Maiis peEIonnIIIne pLeuITen auv17sifil n
diI hypocriteImêm e tr= ».
La manière dont les membres du bureau exécutif
sont accolés à leurs postes révèle que ces dernier
on généralement des objectifs jamais explicitement avoués
et Chauveau (1995) l'avait longtemps remarqué quand il sied qu'il y a
toujours chez les ruraux une articulation des intérêts
économiques aux postures politiques. Le système d'action
explicite des leaders paysans met en exergue la stratégie
d'instrumentalisation pour la réalisation des fins personnelles ou un
mai ntien du système procurant des intérêts crypto
personnel plutôt qu'une volonté de développer le sixteur
agricole.
5.3 - Identification sociologique des membres du Foyer des
Sanar
Si la connaissance du milieu constitue pour l'intervenant un
préalable, elle se présente par contre dans la recherche comme un
aboutissement. C'est-à-dire que l'intervenant s'appui sur sa
connaissance du milieu afin de développer une action efficace au moment
où le chercheur use d'un ensemble de procédés pour arriver
à son but ultime qui est de produire une connaissance du milieu.
Quelques indicateurs sociologiques obtenus à partir de données
fournies à travers le guide d'entretien ont été
isolés. Ce tableau présente en effet l'identification
sociologique des producteurs membres du Foyer de Sanar.
Tableau 6 : Corrélation entre
l'âge, le sexe et la situation matrimoniale des enquêtés
1
Age
Sexe
Situation matrimoniale
|
[20 à 30 ans]
|
[30 à 40 ans]
|
[40 à 50 ans]
|
[50 ans et plus [
|
|
Homme
|
Femme
|
Homme
|
Femme
|
Homme
|
Femme
|
Homme
|
Femme
|
Total
|
Célibataires
|
5
|
|
0
|
0
|
|
0
|
0
|
|
0
|
0
|
|
0
|
5
|
Mariés (es)
|
0
|
|
0
|
3
|
|
2
|
5
|
|
2
|
2
|
|
0
|
14
|
Divorcés(es)
|
0
|
|
0
|
1
|
|
3
|
0
|
|
4
|
0
|
|
0
|
8
|
Veufs (ves)
|
0
|
|
0
|
0
|
|
0
|
0
|
|
0
|
2
|
|
|
3
|
Total
|
|
5
|
|
9
|
|
11
|
|
5
|
30
|
Soit en %
|
|
16,67
|
|
30
|
|
36,67
|
|
16,66
|
100
|
Source : données de l'enquête, Diakho,
2010.
Ce tableau croisé ci-dessus représente la
répartition des membres du Foyer constituant notre échantillon,
c'est-à-dire l'ensemble des producteurs enquêtés. La
répartition est faite en fonction non seulement de l'âge et du
sexe, mais aussi de la situation matrimoniale. En fait, comme nous l'avons
déjà signalé, le Foyer de Sanar est une organisation de
producteurs qui peut également être plus ou moins
représentée comme une association villageoise d'autant que l'on
retrouve la quasi-totalité des producteurs de toutes les classes d'age
du village. Par conséquent, sans vouloir affirmer que le Foyer de Sanar
reflète parfaitement la nature de la population de l'ensemble du
village, on peut tout de méme avoir un aperçu approximatif de la
population du village de Sanar à travers notamment cette
organisation.
La population du Foyer de Sanar se caractérise en fait
par une dispersion relativement hétérogène entre les
jeunes, les adultes et le troisième âge. L'importance des classes
d'age [40-50] et [30-40] représentant respectivement 36,67% et 30%
montrent réellement que le Foyer de Sanar dispose d'importantes
ressources humaines malgré une faible représentation des jeunes
16,67%. Mais ce qui est ici déterminant, c'est qu'outre la
différence des de représentativité entre jeunes et
adultes, il y a du point de vue de la situation matrimoniale, un écart
sans précédent entre les mariés et les autres statuts
matrimoniaux. Cette représentation majoritaire des mariés
s'explique en grande partie par le souci de la prise en charge de la famille
(conjoints (es), enfants, parents etc.) surtout en matière de
nourriture. Cependant, certes le pourcentage des mariés domine au niveau
de la population totale avec 46,67%, mais suivant la répartition selon
le sexe, les personnes qui vivent en couple n'occupent que le sommet de
l'échelle masculin. Chez les femmes par contre, ce sont les
divorcées qui sont plus présentes dans le foyer avec un effectif
de 8 divorcées sur les l1 femmes. En effet, la massive adhésion
des femmes veuves dans la structure trouve sa raison dans leur situation
matrimoniale, c'est-à-dire qu'en raison d'un manque de bras pour
apporter de la nourriture, elles sont obligées de travailler
elles-mêmes pour subvenir à leurs besoins et assurer leur survie.
C'est ainsi que D. DIAW affirme que « bo
guissé nit so nékké ci keer gui, dafa am kou la nekel ci
nadj ». Ce qui veut dire « s'il tu vois une tte sous
l'ombre, c'est parce qu'il y'a une autre sous le soleil pour lui ».
Au niveau du genre aussi, Il y a une prédominance des hommes avec un
total de 76 soit 65% contre seulement 42 soit 36% pour les femmes. Cette
tendance, malgré la domination des hommes, renseigne sur l'importante
évolution de l'implication de la gente féminine dans le domaine
de l'agriculture surtout dans sa forme moderne. Mais cette domination masculine
comme le dirait Bourdieu relève de la division traditionnelle du travail
en milieu africain qui accorde à l'homme la responsabilité
d'exercer les activités externes à la maison comme l'exploitation
agricole et à la femme les activités
domestiques. Cependant, il faut reconnaître que cette
norme traditionnelle, même si elle persiste encore dans certaines
sociétés n'est plus reconnue comme étant une obligation,
car elle connaît une reconfiguration qui a changé les
modalités de travail.
Chapitre VI - Les activités
socioéconomiques du Foyer de Sanar
Au regard des différends champs d'action du Foyer de
Sanar, il convient de signaler que l'essentiel des activités de cette
structure est concentré dans l'agriculture. Ce fait trouve son
explication dans la place qu'occupe l'activité agricole dans le village.
En effet, selon le président D. MBAYE, « dans
ce village, à part quelques métiers comme la maçonnerie,
la culture, toutes le personnes s'activent dans le travail de la terre. Si tu
sillonne tout le village, tu te rendras compte par toi-même que tout le
monde est cultivateur, jeunes et vieux, hommes et femmes Il ya quelques
éleveurs mais qui sont aussi les plus grands cultivateurs C'est une
activité qui est indispensable à notre survie ». Une
telle spécialisation n'est guère étonnante, plus encore
elle ne constitue un facteur bloquant dans la promotion de leur propre
promotion. Au contraire, elle semble même être un catalyseur dans
la recherche ou encore dans la promotion du développement local.
Cependant, les activités culturales sont très diverses et varient
selon le sexe. Elles tournent autour de la riziculture, du maraîchage, de
la culture du mil, de l'arachide et du maïs.
La diversité des membres de l'OP se manifeste
également au niveau de la production agricole. Autrement dit, les
producteurs du Foyer de Sanar ne produisent pas ensembles les mémes
produits agricoles méme s'ils s'activent tous dans le domaine du travail
de la terre. Tableau 7 : Les différentes
spéculations cultivées par les producteurs selon le sexe
Sexe
Spéculations
|
Masculin
|
Féminin
|
Total
|
Pourcentage
|
Riz
|
4
|
7
|
11
|
19,3
|
Mil
|
6
|
0
|
6
|
10,52
|
Maïs
|
15
|
0
|
15
|
26,32
|
Arachide
|
2
|
5
|
7
|
12,28
|
Maraîchage
|
10
|
8
|
18
|
31,58
|
Autres
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Total
|
37
|
20
|
57
|
|
Pourcentage
|
64,91
|
35,09
|
|
100
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010.
Figure 2 : Histogramme de corrélation
entre le genre et les spéculations
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010
Dans le tableau ci-dessus, le nombre de réponses (57)
est supérieur au nombre de personnes qui composent notre
échantillon (30). Ceci est dû à la nature de la question
qui est fermée mais à choix multiples, donc les réponses
sont parfois multiples pour cette question. Autrement dit, à la question
de savoir le type de spéculation que cultive un producteur, il peut
p
donner des réponses multiples. Par exemple, un producteur
peut cultiver à la fois du riz et du
maïs ou de l'arachide et du maraîchage. Alors dans ce
cas, sa réponse portera sur les deux spéculations. Ce qui fait
qu'on a parfois deux réponses ou plus au lieu d'une seule.
Les spéculations cultivées par les producteurs du
Foyer de Sanar sont diverses mais la
8
prééminence est donnée à la culture
des légumes avec 31,58% suivie de celle du maïs 26,32%
7 et du mil 19,3%. En effet, dans la culture des légumes,
nous avons une proportion quasi-égale 15
pour les hommes et les femmes alors que le mil et le maïs
ne sont pratiqués que par les
10
5
4 hommes. L'autre spéculation cultivée par les
femmes concerne le riz. L'attachement des 2
Riz
femmes à la culture des légumes et du riz trouve
son explication dans le fait que ces
M il M aïs Arachid Cultures m Autres
spéculations sont destinées le plus souvent
à la vente dans le but d'augmenter leur revenu.
culn
Puisque la majorté des femmes qui sont
dans la structure sont soit divorcées soit veuves,
Féminin
alors ces cultures permettent de leur apporter un peu de
ressource afin de pouvoir subvenir à leurs besoins. Comme l'a
affirmé M. DIOUF, une productrice, « ce sont
ces légumes qui
nous permettent de régler plus ou moins nos
problèmes. Puisque la dépense journalière donnée
par nos maris est généralement insuffisante, l'argent qu'on gagne
à travers la vente des légumes nous permet d'acheter
nous-mêmes le nécessaire pour préparer un bon repas.
Parfois, on paye également des chaussures et des fournitures scolaires
pour les enfants». Selon une autre productrice du nom de F.
DIAO « maintenant ma vie dépend en grande partie de ce
que je produis comme légumes. J'ai perdu mon marie depuis onze (11) ans
et j'ai eu trois (3) filles et un garçon qui est d'ailleurs le cadet
Pour ma vie et la vie de mes enfants, je ne sais pas faire autre si ce n'est
l'agriculture. Au moins avec ça, je parviens à assurer leur
éducation et leur habillement ». De la même
manière, le maraîchage constitue pur les hommes aussi, une
activité génératrice de revenu leur permettant d'assurer
la dépense quotidienne de la famille et l'éducation des enfants.
Cependant, Quant au maïs, il relève plus de la
responsabilité des hommes 26,32% qui sont soucieux de la nourriture de
la famille. Cette spéculation constitue une culture vivrière et
est destinée à la consommation familiale. Mais le problème
qui se pose est la disponibilité des facteurs de production comme la
terre. En effet, l'ensemble des superficies de terre arable est de 133 hectares
soit 1,12 ha par personne. C'est une ressource largement insuffisante pour une
population majoritairement mariée et ayant des responsabilités
familiales. En outre, les raisons qui ont poussé les producteurs du
village de Sanar à s'unir sont certes d'ordre économique, mais il
importe aussi de noter que les relations qui lient les uns avec les autres
dépassent largement l'économie. L'un de nos enquetés a
tenu à préciser cela à travers ces propos : « si
réellement on s'était réuni pour des raisons uniquement
économiques, il y a longtemps que notre organisation allait s'effondrer
puisque depuis que certains ont adhérer à l'association, ils ont
perdu plus d'argent qu'ils n'en ont gagné Ce qui compte aujourd'hui,
c'est que l'organisation représente pour nous une seconde famille qui
peut venir au secours de ses membres quand ils le désirent. ».
Cela revient à dire qu'en plus des objectifs économiques qui ont
engendré la mise sur pied de l'OP, il y a également les motifs
d'entraide, de solidarité, de cohésion sociale qu'on ne peut pas
totalement occulter dans la mise en place d'une telle structure.
Chapitre VII - Les obstacles à l'autopromotion
paysanne et au développement
7.1 - L'insuffisance de moyens
7.1.1 - L'insuffisance de moyens financiers
Le Foyer de Sanar en tant que structure de producteurs est
confrontés à un problème crucial de mobilisation des
ressources financières au niveau aussi bien interne qu'externe.
En effet, pour mobiliser des fonds au niveau local,
c'est-à-dire interne, le Foyer s'appuie sur une participation
individuelle et mensuelle (cotisation) de ses membres fixée à
cinq cents (500) FCFA par personne, ce qui donne respectivement une somme
totale de 59.000 FCFA par mois et de 708000 FCFA par an. Ce qui, certainement
paraît insuffisant pour assurer un financement conséquent aux
activités agricoles de ses membres. Pour D. MBAYE
« avec la somme récoltée à travers cette
cotisation, le Foyer ne peut pas couvrir les besoins de financement de ses
membres. Même à votre niveau, vous conviendrez avec moi qu'une
telle somme est très insuffisante pour assurer les besoins de 118
membres qui ont tous comme principales activités l'agriculture. Cette
activité, avec tous les moyens techniques qu'elle requiert, demande des
ressources financières assez consistantes ».
Un tel manque de ressources financières se
présente également comme une réalité au niveau des
membres. Puisque tous les membres n'ont pas le même niveau de revenu,
certains peuvent rester jusqu'à trois (3) mois sans donner leur
cotisation. Suite à cette différence de niveau de vie des
membres, le Foyer a défini quatre (4) modalités de cotisation
selon les possibilités de chacun de ses membres.
Tableau 8 : Modalités de cotisation des
membres
Modalités de cotisation
|
Montants en FCFA
|
Mensuelle
|
500
|
Trimestrielle
|
1500
|
Semestrielle
|
3000
|
Annuelle
|
6000
|
Source : Donnée de l'enquête, Diakho,
2010.
7.1.2 -- Le manque de moyens matériels et
techniques
La structure du Foyer de Sanar souffre également d'une
absence criarde de moyens matériels et techniques. Occupés dans
leur totalité dans les activités agricoles, les membres de cette
structure ne disposent pas de matériels agricoles. Comme
déjà signalé, ce fait constitue une conséquence de
l'insuffisance de ressources financières mobilisées et
mobilisables fois au niveau interne parce que les fonds mobilisés par le
Foyer à travers les cotisations ne lui permettent pas de mettre à
la disposition de ses membres le matériel agricole nécessaire. A
cela, s'ajoute l'exclusion des services et prestations des organismes de l'Etat
chargés de l'encadrement, de l'appui ou encore de l'accompagnement de
l'agriculture au niveau de milieux ruraux. Autrement dit, les diverses OP ne
bénéficient pas du moins rarement du soutien à la fois
financier et matériel des structures de développement. Ainsi, les
membres du Foyer sont contraints à la location de matériels
agricoles dont les coûts sont quasi insupportables à leur niveau.
De ce fait N. SALL, un membre du Foyer nous
révèle « Pour aménager et cultiver nos parcelles,
nous engageons individuellement un tracteur en raison de 35.000 FCFA, l'heure.
Je pense que tu comprends ce que je veux dire, cela veut tout simplement dire
que ce n'est pas tout le monde qui peut engager un tracteur. D'ailleurs la
majorité fait appel à la traction animale qui est moins cher mais
qui ne fait pas grand-chose comparée au travail du tracteur. Depuis sa
création, le Foyer n'a engagé un tracteur pour tout le monde que
deux fois et la dernière remonte en 2006, mais depuis lors on a rien vu.
Alors de tels coûts limitent nos capacités d'exploitation et mme
nos gains Finalement, nous ne gagnons pas grand-chose dans notre travail, mais
nous nous trouvons dans l'obligation de le faire mrme avec nos modestes moyens
parce que nous n'avons pas d'autres alternatives et nous n'avons que
l'agriculture pour subvenir à nos besoins quotidiens de nos
familles. »
En outre, on constate également l'état
défectueux des motopompes et quelques autres équipements souvent
indisponibles en raison des pannes fréquentes. Ce qui entraîne
souvent des conflits dans les tours d'arrosage, mais aussi dans le
démarrage de saisons de culture.
A cette lourdeur des coûts de prestation
c'est-à-dire de location et cette défectuosité du
matériel agricole, s'ajoute la cherté des semences agricoles. Sur
ce point, S. MBAYE nous précise « pour acheter
un seul kilogramme de tomate, nous sommes contraints de nous regrouper en
groupe de cinq personnes ou plus et cotiser au minimum 50.000 FCFA chacun. Mrme
le kilogramme de semence d'oignon est situé maintenant entre 40.000 et
50.000 FCFA. On croyait que le Foyer allait au moins subventionner, avec son
budget chaque membre pour obtenir des semences, mais il n'a rien fait. Vous
voyez comme c'est difficile pour nous de
faire face à ses sommes exorbitantes. De toute
façon, grace à Dieu, on s'en sort chaque saison car les vendeurs
de semences nous connaissent maintenant et acceptent de nous offrir les
semences à crédit».
Le domaine du maraîchage souffre également d'une
absence d'infrastructures de stockage et de conservation de produits agricoles.
Ainsi, les produits comme l'oignon et la tomate qui ne peuvent pas supporter un
certain degré de chaleur pourrissent le plus souvent ou sont vendus
à des prix méprisables.
7.2 - Les contraintes fonctionnelles du Foyer
La structure du Foyer de Sanar est confrontée depuis
quelques temps à une véritable crise fonctionnelle. Nos
observations et nos entretiens à travers le village nous ont
laissé apprécier une quasi non fonctionnalité du bureau.
En effet, l'absence de résultats concrets, surtout en termes de
financement est particulièrement démobilisatrice pour les OP
comme le Foyer de Sanar. Comme le note F. SECK : « Un
certain relachement a été noté surtout au niveau de la
base, par suite de la non satisfaction des attentes des membres ».
En plus, le bureau ne tenait des réunions que lorsqu'un
projet est en vue. Et mesme dans un tel cas, tous les membres ne participent
pas au même degré à son fonctionnement. C'est pourquoi la
contrainte principale de l'organisation est d'ordre organisationnel. En effet,
La reconduction permanente des mesmes personnes aux postes de
responsabilité de l'OP apparaît comme une contrainte majeure dans
le développement de l'organisation. Il est non seulement source de
frustration et de conflit préjudiciables à la cohésion
nécessaire à leur renforcement et renforce les forces d'inertie
au sein de l'organisation. Un de nos enquestés affirme que « le
bureau de notre foyer peut parfois être reconduit plus de cinq (5) fois.
Même si, lors d'une élection, il y a un changement de certains
membres du bureau, d'autres par contre n'ont jamais quitté Par exemple,
depuis que le Foyer est créé, il n'y a qu'un seul et V f
mrme président. Il n'a jamais quitté son poste depuis presque
quinze (15) ans. C'est le cas du trésorier également qui a
monopolisé ce poste. Je sais pertinemment que beaucoup de gens veulent
leur changement mais il y a des choses dont je ne peux pas t'en parler
maintenant parce que (comme disent les wolofs kham lep, wakh lep bakhoul). En
plus toute parole à un moment pour être dite et ce n'est pas bon
de l'évoquer si ce moment n'est pas venu». Sur le plan
financier aussi, il s'en est suivie un découragement voire un arrest de
la participation de la plupart des membres. Certains vont se mettre en
situation irrégulière par le non respect du versement de leur
cotisation mensuelle.
En somme, la majeure partie des chercheurs qui s'adonnent
à l'étude des OP pense le plus souvent que le seul et unique
obstacle auquel les paysans sont confrontés est le problème
d'argent. Dans le cadre de cette étude, les données recueillies
montrent qu'il y a certes la question financière, mais la grande
difficulté organisationnelle occupe également une importance
capitale. Ceci est dü à l'inaptitude des membres à assurer
certains postes dans le bureau parce que n'ayant pas un certain niveau
d'instruction. Le tableau suivant montre effectivement la situation du niveau
d'instruction des membres du Foyer de Sanar.
7.3- Le manque de professionnalisme des producteurs du
foyer
On observe un manque de performances aussi bien dans le
fonctionnement du Foyer mais aussi dans l'activité agricole. Ce
défaut est certainement occasionné par le manque de
professionnalisme qui s'explique à son tour par un faible niveau
d'instruction noté chez la plupart des producteurs. Il est noté
une absence de la formation technique et de l'information des producteurs qui a
pour effet une faiblesse de la capacité d'initiatives des membres et une
insuffisance de l'effort de travail qui réduit ainsi le revenu.
Il ressort de ces constats que les OP comme le Foyer de Sanar
ne constituent pas encore des organisations professionnelles comme le
souhaitaient les bailleurs de fonds. Au niveau interne, leurs organes de
fonctionnement sont presque dans le vide sans lien organique non seulement
entre eux, mais aussi avec la base pouvant entretenir une dynamique
d'organisation. Au niveau externe, leur modèle organisationnel vise
à se conformer aux exigences des bailleurs pour capter les financements,
mais ne répond pas aux normes définies et maîtrisées
par les producteurs membres. Ainsi, le Foyer de se réduit davantage
à une organisation de producteurs traduisant un des multiples
instruments de stratégies pour capter les ressources stratégiques
qu'offre l'environnement institutionnel. Cette situation peut constituer une
limite à sa capacité d'organisme gérant des
activités de développement et devenir ainsi une source de blocage
au processus de responsabilisation des producteurs.
Selon nos observations, l'absence d'éducation constitue
une difficulté majeure pour le fonctionnement du Foyer de Sanar. Un seul
membre en la personne du président de la structure parmi les 30
enquêtés a atteint le niveau secondaire alors que 23,3% et 6,7 se
sont arrétés successivement à l'école primaire et
le collège. La catégorie des non instruits est plus significative
avec une proportion de 60%. Les différente raisons données par
les enquêtés se situent au niveau du retard accusé pour
l'acquisition d'une école mais également à la
prédominance de l'école coranique qui constituait une
étape obligatoire à franchir. Les
quelques membres qui ont eu à fréquenter
l'école française se rendaient en ville et n'y restaient pas
généralement. Ainsi, ce manque et/ou ce faible niveau
d'instruction constitue un sérieux obstacle auquel les membres du Foyer
sont confrontés. Selon B. DIOP qui était le
premier secrétaire de l'OP : « lorsqu'on m'a
désigné comme secrétaire, je ne savais même pas ce
que cela veut dire. Je savais que je fais partie du bureau mais
réellement je ne savais pas ce que je devais faire parce que je
n'étais pas instruit. Alors j'ai fini par démissionner du bureau
et un autre m'a remplacé, mais je sais que celui là est comme moi
parce qu'il n'a pas aussi appris ». En fait, plusieurs membres du
bureau ne savent pas réellement le but et le rôle du poste qu'on
leur a confié et ils évoquent eux-mêmes que la raison
principale raison de ceci est le manque d'instruction et de formation, le
retard de la scolarisation. Refusant une proposition de construction
d'école, le village paie actuellement les largesses de son chef de
village de l'époque. Savoir lire et écrire est important pour
toute action de développement interne ou externe. Rien que pour la
participation de la population à son développement encadré
par des organismes extérieurs, il est indispensable qu'elle sache
s'approprier les outils de planification, de suivi- évaluation qui
structurent l'efficience même de l'intervention. Cependant, ce
problème ne trouve pas son explication dans la seule absence
d'instruction, il réside en grande partie dans le manque d'une «
culture d'organisation ».
Tableau 9 : Niveau d'instruction des membres du
Foyer de Sanar
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
Primaire
|
7
|
23,3
|
Moyen
|
2
|
6,7
|
Secondaire
|
1
|
3,3
|
Supérieur
|
0
|
0
|
Alphabétisation
|
2
|
6,7
|
Non instruit
|
18
|
60
|
Total
|
30
|
100
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010.
Chapitre VIII : La relation partenariale du Foyer de
Sanar avec l'ANCAR
8.1 - Historique de l'ANCAR
Les faiblesses des différentes expériences de
vulgarisation et d'encadrement du monde rural ont amené les
autorités sénégalaises à réorienter la
politique d'appui aux producteurs ruraux. Un système de concertation, de
partage des décisions dans la conception, l'élaboration et la
mise en oeuvre des politiques de développement agricole durable
s'imposent. Selon le Directeur « les projets et les programmes seront
réalisés principalement avec une pleine participation des
collectivités locales et des organisations paysannes C'est pourquoi la
réflexion a été engagée pour créer un
nouveau cadre chargé du conseil agricole et rural (notion plus
complète et ne se limitant pas seulement au transfert de
technologie) ». D'une manière plus précise, l'approche
de l'ANCAR constitue une réponse ou une rupture avec l'ancien
système d'encadrement du monde rural dans lequel, les institutions et
services publics appliquaient des politiques productivistes à travers
une approche descendante dans le but d'atteindre les objectifs de production
décidés par l'Etat. Ce système d'encadrement avait le
quasi-monopole des services, en amont et en aval, nécessaires aux
producteurs, et organisait ceux-ci en coopératives dans lesquelles ils
disposaient d'une très faible autonomie de décision. Selon M.
Mbaye, un agent de l'ANCAR, « l'encadrement suppose une transmission
ou un transfert des connaissances, des technologies, des façons de faire
etc., aux paysans sans tenir en compte ni des savoirs et des savoir-faire ni
des besoins et aspirations de ces dernier. Pour cette stratégie
d'intervention, il y a une position hégémonique de la structure
d'intervention qui a pour unique but de « développer le
producteur. Par contre dans le système de l'encadrement,
l'approche est btie sur la reconnaissance des savoirs et savoir-faire des
paysans qui sont indispensables au processus de développement agricole
et rural. Elle repose sur la reconnaissance des producteurs comme les
principaux acteurs de la transformation de leurs systèmes de production,
de l'aménagement de leurs terroirs et de la gestion de leurs ressources
naturelles ». On peut résumer cette approche du
développement rural en parlant de « pilotage à la demande
» par opposition aux théories et aux pratiques antérieures
qui privilégient l'initiative des agences de développement et le
recours au capital et impliquent par conséquent la passivité des
populations.
Sous ce rapport, l'Etat du Sénégal a
engagé une réorientation profonde de ses politiques et
stratégies pour le développement du secteur agricole et la
réduction de la pauvreté des ménages. De ce fait, des
orientations stratégiques et une nouvelle politique institutionnelle
sont définies par le Gouvernement avec l'appui des partenaires au
développement. Ces options sont traduites par un important Programme
d'investissement du secteur agricole (PISA) en 1998, dont une des composantes
essentielles est le Programme des Services Agricoles et Organisations de
Producteurs (PSAOP). En effet, le PSAOP, signé en 1999 avec la Banque
Mondiale a été un des projets du PISA. Son objectif principal est
de mettre en place un nouveau système d'appui au monde rural à la
place de l'ancien système d'encadrement. Ce programme qui regroupe cinq
composantes (Recherche agricole et agroalimentaire, le CNCR/ASPRODEB, le
Conseil agricole et rural, le Fonds national de Recherche agricole et
agroalimentaire, le Ministère de l'Agriculture et de l'élevage) a
favorisé la création de l'Agence Nationale de Conseil Agricole et
Rural (ANCAR) et la liquidation de la SODEVA en 1998 et de la SODESP en 1999.
Donc il importe de signaler que l'ANCAR est une Société Anonyme
à Participation Publique Majoritaire, c'est-à-dire avec une
autonomie de gestion de type de droit privé. Avec ce statut, l'Etat a pu
associer pleinement ses partenaires des Organisations de Producteurs (OP), des
Collectivités Locales et du Secteur Privé. Le capital de l'agence
est réparti entre quatre (4) actionnaires principaux : Etat du
Sénégal : 51% ; Organisations Paysannes : 28% ; Secteur
Privé et Industriel : 14% ; Collectivités locales : 7%. Mais ce
qui est important nous révèle le Directeur, c'est que «
l'ANCAR a une obligation de résultats, elle est redevable et
comptable de ses résultats devant les producteurs. Par conséquent
ses services sont axés sur les demandes des producteurs et sont fournis
dans le cadre de contrats. Elle a été créée pour
piloter le conseil agricole et rural sur toute l'étendue du territoire
national, selon une nouvelle approche fondée sur la demande des
producteurs et en partenariat avec les OP et les principaux acteurs du
développement rural (ONG, Projets, SRDR, etc.) ».
8.2 - Situation administrative et fonctionnement de
l'ANCAR
En ce qui concerne la situation administrative de l'ANCAR,
depuis son installation en juin 2001, la Direction Régionale de l'ANCAR
de Saint-Louis a affecté des agents au niveau des communautés
rurales possédant un Cadre Local de Concertation des Organisations de
Producteurs (CLCOP). En effet, les conseillers agricoles et ruraux se
déploient dans les communautés rurales coiffés par les
chefs d'équipe au niveau des arrondissements et appuyés
par l'équipe de la Direction Régionale à
savoir (le Directeur, les assistants, les techniciens,
spécialisés). En 2002, l'ANCAR de Saint-Louis intervenait dans
cinq (5) CLCOP, mais actuellement elle intervient au niveau de huit (8)
CLCOP.
Concernant le fonctionnement, il importe de signaler que la
structuration de l'ANCAR se rapporte à deux principales instances de
cette structure : d'abord une Assemblée générale (AG)
composée des actionnaires dont l'Etat et ses démembrements, les
organisations socioprofessionnelles (notamment les organisations de
producteurs), et les privés, ensuite d'un Conseil d'Administration (CA)
qui est composé des représentants des actionnaires.
Ensuite au niveau régional, le dispositif technique de la
Direction Régionale est ainsi composé en fonction de du nouveau
découpage administratif de la région.
- Un Directeur Régional
- Un assistant au Directeur Régional en Administration,
Finances et Comptabilité - Un assistant au Directeur Régional en
Recherche/Développement
- Un assistant au Directeur Régional en
Suivi-Evaluation
- Un assistant au Directeur Régional en Appui
Méthodologique
- Deux Techniciens spécialisés, l'un en
Agro-pédologie, l'autre en Grandes Cultures (arachide, riz, et
céréales)
- Un Chef d'Equipe basé qui est lié à
l'arrondissement de Rao
- Deux conseillers agricoles et ruraux polyvalents basés
au niveau des communautés rurales de Gandon et de Fass Ngom.
En outre, dans sa dynamique de prestation de services, l'ANCAR
s'appuie sur un fonctionnement fondé sur quatre (4) programmes
successifs allant de la base au sommet :
8.2-11- Le programme local de conseil agricole et
rural
Les différents programmes de conseil agricole et rural
élaborés pour accompagner les promoteurs individuels ou en groupe
font l'objet d'une synthèse au niveau de chaque communauté rurale
par le conseiller agricole. L'intérêt de la synthèse est de
permettre d'évaluer les besoins en ressources matérielles,
humaines et financières, d'ajuster le calendrier, de faciliter
l'organisation et la répartition des moyens pour exécuter
l'ensemble des programmes d'appui aux OP. Ce programme de synthèse est
présenté au CLCOP qui regroupe tous les producteurs ou
organisations de producteurs de la communauté rurale pour être
pour validation.
8.2.2- Le programme d'arrondissement
Le programme d'arrondissement représente la
synthèse des programmes locaux de conseil agricole et rural des
communautés rurales de l'arrondissement en question. Il est
organisé autour des activités de conseil agricole et rural telles
que l'information, le conseil, la formation, les appuis et les activités
de Recherche/Développement. Cette synthèse est l'oeuvre du chef
d'équipe qui est rattaché à l'arrondissement. Mais
d'après le directeur, à Saint-Louis, il n'y a qu'un seul chef
d'équipe puisqu'on a qu'un seul arrondissement à savoir celui de
Rao qui compte en son sein trois (3) communautés rurales : Gandon, Fass
Ngom et Ndiébène Gandiol qui vient d'être
érigé en chef lieu de la communauté rurale de Gandiol
8.2.3- Le programme régional
Il est élaboré à partir des programmes
d'arrondissement de conseil agricole et rural. En plus des activités
d'appui aux producteurs, le programme régional prévoit les
activités d'appui aux équipes de base : les formations, les
visites d'échanges, les voyages d'études inter et intra
régions, dans la sous région, les ateliers et séminaires
internes d'échanges, les missions d'appui et de supervision, etc. Le
programme régional consolide aussi les différents programmes se
situés au niveau des d'arrondissement qui proviennent des équipes
de base.
8.2.4- Le programme national
Le programme national à l'instar des les programmes
régionaux consolide à son tour les différents programmes
de conseil agricole et rural des directions régionales et de la
Direction Technique. Le programme de la Direction technique est celui qui est
composé des programmes des différents volets rattachés, en
termes d'appui, de coordination et de suiviévaluation.
Schema 4: Conception d'un programme CAR
Source : PTA/2003
8.3 - Les missions de l'ANCAR
L'Agence a pour principale mission d'établir un service
de conseil agricole et rural comptable de ses résultats envers les
producteurs et répondant à leurs besoins à travers des
arrangements contractuels. Les activités de conseil agricole et de
recherche développement sont identifiées et programmées
conjointement avec les OP et l'ANCAR. Ces activités sont assujetties
à des dispositions contractuelles entre les OP et l'ANCAR d'une part et
les services de la recherche et le conseil agricole d'autre part. Les principes
qui régissent l'organisation de l'ANCAR sont :
- Une direction centrale légère chargée
d'impulser, de coordonner et de contrôler ; - des structures locales et
régionales fortes, fonctionnelles et autonomes ;
- une disponibilité des moyens au niveau régional
et local et une autonomie de gestion - des cadres de concertation associant les
partenaires de l'ANCAR à la définition et à
l'évaluation de ses programmes ;
- une répartition des fonctions répondant aux
réalités de l'exercice du conseil agricole et rural qui s'exerce
à la base ;
- une définition des programmes par les directions
régionales.
8.4 - Les activité de l'ANCAR
D'une manière générale, les
activités de l'ANCAR sont étroitement lié au programme
CAR. Ce programme est supposé être centré sur des
problèmes à résoudre ou sur des projets (plus ou moins
élaborés) à mettre en oeuvre. Le programme CAR comprend
doit comprendre les différentes activités en décrivant les
moyens retenus, les modalités de mise en oeuvre, les moyens financiers
nécessaires. Il doit également être négocié
entre les différents acteurs concernés et prévoit des
périodes d'évaluation. De ce fait, les activités du
programme tournent essentiellement autour du conseil, de l'information, de la
formation, de la recherche/développement, et des appuis dont
l'intermédiation comme action phare.
8.4.1- Le conseil
C'est une aide à la décision sur les moyens
à utiliser ou les options à prendre. Les procédures de
conseil sont variées : conseil ponctuel ou dans la durée, conseil
individuel ou conseil de groupe. Le conseil le plus utile s'inscrit dans une
démarche de réflexion/appropriation qui doit amener le producteur
à construire lui même les solutions.
8.4.2- L'information
L'information constitue en effet, la première
composante du programme d'appui du CAR et est de nature diverse. Nous avons par
exemple l'information technique, économique, commerciale, juridique,
fiscale et l'information politique. La mise à disposition de
l'information aux producteurs et à leurs OP renvoie aussi aux divers
moyens possibles pour la diffusion de cette information: la presse, la radio,
les réunions, le Car et ses partenaires techniciens et les producteurs
eux-mêmes. Pour les différentes catégories de personnes
à informer, il le CAR cherche les modalités les plus
opérationnelles de mise à disposition de l'information. Ces
modalités concernent les supports écrits, les supports audio
visuels, les personnes ressources : voisins informés, techniciens et les
lieux d'informations (loumas, centres d'information, sièges des OP).
8.4.3- La formation
En ce qui concerne la formation, il s'agit d'aider les
différentes OP à une maîtrise des savoirs et de
savoir-faire pour que les producteurs et leurs leaders soient en mesure de
mettre en oeuvre leurs activités ou projets de la façon la plus
efficace possibles et la plus autonome. La formation permet ainsi d'offrir les
acquisitions nécessaires qui sont de plusieurs ordres. Nous avons par
exemple l'actualisation et la mise à niveau des connaissances de base
à la fois techniques, économiques etc., et l'acquisition de
compétences et de pratiques (apprentissages) nouvelles.
Les producteurs doivent acquérir les connaissances et
les savoir-faire nécessaires pour exercer les nouvelles
responsabilités qui leur reviennent. Les actions de formation devraient
permettre aux producteurs d'acquérir des savoir-faire directement
utilisables et de développer simultanément leurs capacités
d'analyse et d'action, d'initiative et de négociation. Pour ce faire,
une évaluation correcte de besoins en formation reste un
véritable préalable et une bonne préparation
pédagogique des formateurs.
Les différents volets de la formation des producteurs
comprennent la formation technique, la formation à la gestion et
l'alphabétisation. Ces divers types de formations ont chacun ses
caractéristiques et ses exigences pédagogiques. En effet, les
producteurs doivent être considérés comme des acteurs dans
la formation afin de mettre en valeur leurs pratiques, leurs savoirs ainsi que
leurs capacités à former d'autres producteurs,
c'est-à-dire des échanges horizontaux entre les producteurs.
8.4.4- Les appuis divers
Les appuis divers sont intrinsèques à
l'accompagnement opérationnel des acteurs. Ces appuis peuvent être
un coup de main pour remplir un dossier administratif ou amorcer une
négociation. Cependant, ces appuis passent par des canaux variés
comme l'aide à l'obtention d'un service ou la mise en relation avec un
prestataire de service (intermédiation), l'appui à la
compréhension d'un contrat, l'aide à la constitution d'un dossier
de crédit, l'aide à la formulation d'un dossier de projet etc.
L'intermédiation entendue comme la facilitation du rapprochement entre
les producteurs, leurs OP et les structures qui fournissent des biens et
services (institutions de crédit, commerçants, artisans, services
techniques, etc....) constitue
également un volet d'une importance capitale,
c'est-à-dire une des activités phares dans les appuis divers.
8.4.5- La recherche/Développement
La Recherche/Développement part de l'idée selon
laquelle des changements techniques sont toujours nécessaires pour
s'adapter aux changements écologiques (sécheresse, baisse de
fertilité) et aux modifications du contexte socio-économiques
(diminution de l'espace disponible, baisse ou augmentation des prix des
intrants, etc.).
Le producteur ne peut pas se satisfaire de messages
techniques, c'est-à-dire comme un « passe-partout », il lui
faut au contraire et en toutes circonstances procéder à des
adaptations ou des ajustements pour que les techniques et les matériels
proposés puissent s'intégrer et assumer leur fonction dans son
système de production. Il doit donc réfléchir sans cesse
sur les conditions et modalités à mettre en oeuvre pour que les
techniques nouvelles puissent manifester pleinement leurs effets, sans
contrecoup dommageable.
Ainsi pour enclencher facilement le dialogue
paysan-chercheur-conseiller agricole à partir d'une démarche
d'expérimentation en milieu paysan, la Recherche/Développement
s'appuie sur six (6) principes :
1- Entreprendre des essais qui répondent aux
préoccupations et qui s'intègrent facilement dans le calendrier
du paysan ;
2- Montrer qu'on peut apporter des éléments de
changement et faire mieux que ce qui existe ;
3- Avoir peu d'essais bien conduits, démonstratifs et
suivis de près par les producteurs avec les conseillers et les
chercheurs;
4- Préparer le paysan à affronter les risques
d'échec qui entourent les essais ;
5- Faire visiter fréquemment les essais à des
agriculteurs du village, des environs et d'autres chercheurs ;
6- Choisir des situations ou des thèmes faciles pour le
producteur et le conseiller qui permet de démontrer les effets de la
nouvelle technique et d'acquérir du savoir-faire.
Chapitre IX - Le partenariat du Foyer avec l'ANCAR
9.1 - Historique du partenariat avec l'ANCAR
Le Foyer de Sanar, à en croire le Président, a
commencé à entretenir des relations avec l'ANCAR à partir
de 2003, et en ce moment, l'organisation comptait à peu près une
centaine de producteurs. Les surfaces à cultiver devenaient de plus en
plus grandes et les motopompes étaient d'une capacité qui est
telle que, toutes les parcelles ne pouvaient etre irriguées. Alors se
fait sentir la nécessité de trouver de l'aide afin de pouvoir
satisfaire les besoins de tous les membres du Foyer. Selon les propos de
N. DOP, trésorier de l'organisation « quand on
a appris qu'il y a une société de l'État nommée
ANCAR qui aide les paysans, on a automatiquement convoqué une
assemblée générale pour informer tous les autres. Ensuite
il a été décidé lors de cette AG, qu'on aille voir
cette société pour qu'elle nous aide à obtenir des
motopompes d'une capacité beaucoup plus importante. Alors le
président, la vice-présidente et moi-même, sommes partis
à l'ANCAR et on a discuté avec le Directeur ».
D'après K. SALL la vice-présidente, «
c'est le président qui est venu me voir et m'a fait savoir qu'il
vient d'apprendre par le biais d'un ami qu'il y a une nouvelle
société qui aide les producteurs qui sont en groupement. Alors je
lui ai demandé s'il ne parlait pas de la SAED parce que c'est la seule
société de l'Etat qu'on connaisse ici et il m'a répondit
que c'est une toute nouvelle société. Alors on a prévenu
tout le monde en convoquant une assemblée générale. A
l'issue de l'AG nous avons envoyé une délégation dont
moi-mrme j'en faisais partie pour aller voir ce que cette société
peut faire pour nous. Nous avons discuté avec le Directeur qui nous a
expliqué que nous devons d'abord ~tre membre d'une autre organisation
à Gandon (je ne connais même pas son nom (Il s'agit du
CLCOP) et ensuite signer un contrat avec eux pour qu'on puisse travailler
ensemble ».
Il ressort de ces propos que la situation précaire dans
laquelle se trouvaient les membres du Foyer était la source de
motivation qui a poussé ces derniers à se rapprocher de l'ANCAR
et à nouer des relations partenariales avec elle. Cependant, la
contractualisation entre un OP et l'ANCAR suppose a priori l'appartenance de
cette OP au CLCOP de sa communauté rurale. Cela veut dire par
conséquent, que la porte d'entrée de l'ANCAR n'est directement
l'OP et/ou le producteur, mais plutôt le CLCOP qui est supposé
regrouper et défendre toutes les OP de la communauté rurale.
9.2- Nature de l'intervention de l'ANCAR
D'après nos observations auprès des responsables
de l'l'ANCAR, la démarche de leur structure apparaît comme le
modèle ou la référence en matière d'intervention.
Ils pensent même que c'est la solution aux multiples contraintes des
producteurs. En effet, le directeur en nous expliquant la stratégie
d'appui de l'ANCAR est allé jusqu'à soutenir que « le
concept d'encadrement est banni de notre vocabulaire. On ne parle mrme plus de
logique d'appui, mais plutôt d'appui-conseil ».
Nos observations sur ce point ont montré que ce
discours élogieux des agents de l'ANCAR et plus particulièrement
du directeur est à nuancer. En effet, il a été
constaté lors de nos enquêtes, que la stratégie sur
laquelle l'ANCAR travail avec les OP n'est pas si simple qu'il paraît
l'être. Il est vrai que théoriquement, la logique d'appui place le
producteur au coeur de l'action, c'est-à-dire que c'est ce dernier qui,
en fonction de ses difficultés, des ses besoins ou aspirations, formule
une demande d'appui à la structure d'intervention. En plus même si
la demande est acceptée par l'ANCAR, la validation du programme qui lui
sera proposé reste de son seul ressort. Et à partir de ce moment,
la structure sollicitée est censée traiter sa demande et apporter
une ou des solutions. M. CISSOKHO, agent de l'ANCAR, soutient
« par exemple quand un producteur adresse à notre endroit une
demande dans laquelle il manifeste la volonté de faire du
maraîchage, on effectue un diagnostic complet, c'est-à-dire toutes
les possibilités à la fois techniques et financières et
les capacités dont dispose l'intéressé en matière
de maraîchage. Après le diagnostic, on lui propose un programme
qu'il devra étudier puis valider. Et ce n'est qu'en ce moment qu'on
procédera à l'exécution du programme ». C'est
également ce que confirme M. MBAYE, un agent de l'ANCAR
qui soutient que « l'ANCAR n'intervient qu'à la demande des
producteurs Seulement un agent de l'ANCAR peut aussi à travers ces
propres observations susciter une demande d'intervention au niveau des
producteurs s'il le juge nécessaire. Mais ce cas de figure est
très rare et mrme si la demande est suscitée par un agent, il
faut qu'elle soit approuvée par l'OP».
9.3- L'appui-conseil : une approche controversée
dans sa pratique
Cependant, le véritable problème qui se pose
à ce niveau est l'incapacité des producteurs à formuler
correctement une demande d'appui parce que ne possédant pas un niveau de
formation leur permettant de le faire. A ce propos un agent de l'ANCAR nous
confie « concernant la formulation des demandes
d'appui, le problème est que est-ce que l'ANCAR est au courant de
l'incapacité pour la majeure partie des producteurs de formuler
correctement une demande. C'est là où se situe le
véritable problème. Mais sur ce point, la faute n'émane
pas de l'ANCAR, elle est relève plutôt du CLCOP parce qu'au moment
où le PSAOP a été conclu entre l'Etat, les producteurs et
la Banque mondiale, on a mis en place des fonds qui sont gérés
par le CLCOP et qui sont destinés au renforcement des capacités
des producteurs à restituer leurs demandes et à orienter leurs
interventions. Mais là où le bât blesse et on ne le dit
pas, c'est que la composante OP (le CLCOP) n'a pas joué son rôle
et les
producteurs ne sont pas assez outillés pour
rédiger ces demandes. Il y a même un problème
de m obilisation des groupes vulnérables pour
accéder aux services de cette composante OP.
Et c'est dommage pour cette catégorie de
producteurs qui ne savent pas formuler des demandes parce que l'ANCAR
n'intervient qu'au niveau des OP qui l'ont sollicité ». Sur ce
point, il ressort que la formulation d'une demande adressée constitue
une condition sine qua non pour bénéficier de l'appui de l'ANCAR.
L'appui-conseil est pertinent en lui-même c'està-dire dans sa
formulation, mais le problème se pose au niveau de sa mise en oeuvre. En
effet, pour être effectif, il suppose un certain nombre de
préalables comme la rédaction de la demande qui doivent etre
remplis. Ce n'est qu'après cette demande que le contrat entre l'ANCAR et
l'OP est signé et les programmes exécutés. Ce tableau
ci-dessous nous permet d'illustrer notre affirmation.
Tableau 10 : Capacité des producteurs
à formuler une demande d'appui à l'ANCAR
Formulation d'une demande d'appui
|
Effectifs
|
pourcentages
|
Oui
|
02
|
6,7
|
Non
|
28
|
93,3
|
Total
|
30
|
100
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010
Sur ce tableau, on observe que les producteurs dans leur
totalité ne savent pas formuler des demandes d'appui. En effet, 28 sur
un effectif de 30 producteurs, soit 93,3% manifestent leur incapacité
à formuler une demande parce que n'ayant pas subi une formation qui
puisse leur permettre de le faire. Ainsi, la relation entre l'ANCAR et les OP
devient assez
problématique si l'on sait que ceux pour qui elles
existent ne savent pas comment procéder pour bénéficier de
son soutien.
En outre, en dehors de cette incapacité des
producteurs, se trouve un autre grand problème concernant justement
l'instrumentalisations des producteurs. En fait nos investigations ont
montré une instrumentalisation de des producteurs à un double
niveau. D'abord, l'Etat est le premier à vouloir voire à
instrumentaliser les producteurs c'est-à-dire leur structure
représentative qui est le CLCOP. On note que le CLCOP abandonné
à lui seul a maille à assumer ses responsabilités. En
effet, Le CLCOP a été institutionnalisé par le CNCR et
l'Etat et par conséquent évolue sous leur bannière et n'a
aucune marge de manoeuvre lui permettant d'orienter sa vision
stratégique à partir de ses propres besoins et aspirations. Cette
volonté d'institutionnalisation du CLCOP par l'Etat et le CNCR apparait
donc alors un comme moyen permettant d'instrumentaliser les ruraux par
l'élite paysanne et l'Etat. Selon M. NDIAYE, «
(s'il vous plaît arreter l'enregistrement, je vous dis une
chose parce que je suis dedans aussi), tout ceux-ci ne sont que des
histoires Là ou se trouve le niveau d'instrumentalisation des OP par
l'Etat et ou se situe le niveau d'instrumentalisation des producteurs par
l'élite paysanne, c'est ça le vrai problème. L'Etat a
instrumentalisé les ruraux et l'élite paysanne les a
également a instrumentalisé, mais à l'inverse, les ruraux
ont à leur tour instrumentalisé l'Etat. C'est plus
compliqué que tu ne le crois et tu ne peux pas comprendre parce qu'il y
a tellement de logiques derrière tout ce protocole. C'est pourquoi,
certes moi je trouve que l'encadrement dans sa formulation n'est pas un
système adéquat, mais au moins avec l'encadrement, on parvient
à toucher les couches les plus vulnérables. Mais avec la
méthode d'appui, on pense que tout est parfait alors qu'il ya meme des
producteurs qui sont membres d'une OP partenaire avec l'ANCAR mais qui ne sont
pas au courant de son existence. Si tu regardes bien, tu pourras
toi même voir que les projets et programmes de l'ANCAR ne sont
destinés qu'à une catégorie de producteurs, et c'est
l'élite paysanne. Les autres n'y ont pas accès »
Ainsi, toutes les réalisations qui peuvent assurer une
évaluation finale satisfaisante, contribuent à faire
espérer un prolongement ou la signature d'un nouveau contrat pour
l'équipe dirigeante du CNCR ou du CLCOP. C'est pourquoi Serge Latouche
disait que « si le sousdéveloppement n'existait pas, il fallait
l'inventer ». Le développement est devenu une entreprise qui
fait vivre une certaine catégorie de personnes qui, sans la
misère des campagnes, pourraient se retrouver dans la misère ;
c'est une classe sociale qui naît des ruines
du sous-développement des populations
réceptrices de projets de développement. Le
sousdéveloppement des uns n'est-il pas le développement des
autres ? Devant de telles logiques cherche-t-on à développer
l'autre ou cherche-t-on à le maintenir dans une situation de
dépendance existentielle en développant un domaine, en attendant
d'autres financements pour en développer d'autres ? Là
réside le paradoxe même du développement pris du
côté des « développeurs ».
Dans l'approche de l'appui-conseil, nos enquetes ont
également pu qu'en dehors de l'inégalité des producteurs
devant l'accès aux services de l'Agence, il y a un autre problème
qui cette fois-ci est lié au manque de personnels suffisants. En effet,
dans la communauté de Gandon avec ses 560 km2 de superficie
n'abrite qu'un seul conseiller agricole. Sur ce point également, nos
interlocuteurs nous ont évoqué que c'est une erreur dont
l'explication ne peut etre trouvée qu'en remontant à l'esprit du
PSAOP. Selon un de nos enquêtés, « Il faut revisiter les
stratégies Il fallait harmoniser le CAR non pas uniquement à
l'ANCAR, mais plutôt à l'ensemble des structures qui font du
conseil agricole. Le CLCOP est là pour représenter les OP et
recenser toutes les demandes. Alors, une fois toutes les demandes
mobilisées, on doit organiser une sorte de conférence d'h
armonisation à laquelle doivent participer toutes les structures qui
interviennent dans la zone. Et de ce fait, au moment de la programmation,
chaque structure pourra voir concrètement la demande qui correspond
à son champ d'action et décider de la prendre ou non. A mon avis,
toutes les structures doivent adopter et partager la stratégie d'appui
et harmoniser la démarche d'appui. Mais cet esprit est faussé
c'est pourquoi l'ANCAR est maintenant très fortement remise en question
C'est d'ailleurs ce qui a poussé l'Etat du Sénégal
à se retirer de l'ANCAR parce qu'en ce moment, même si la SAED
existe elle devrait avoir comme approche, celle du conseil agricole. Bref, on
devrait harmoniser les approches, les méthodes de planification, les
lieux de planification».
Ce manque d'harmonie entre les diverses structures intervenant
dans le monde rural peut même parfois être source de conflits entre
elles. C'est ce qu'on comprend à travers cette idée du directeur
de l'ANCAR quand il dit que c'est l'Etat qui n'a pas tranché sinon
depuis que l'ANCAR est créée, aucune autre structure ne devrait
plus faire de conseil agricole et rural ou même s'il y a une structure
qui veut en faire, cela devrait etre sous la bannière de l'ANCAR parce
qu'étant le dépositaire institutionnel du conseil agricole et
rural.
Même entre l'ANCAR et ses autres partenaires, il y a
certainement des conflits, mais qui sont latents. Il n'y a pas
d'adhésion de la part des autres structures aux programmes du CLCOP qui
est pourtant la structure autour de laquelle tous les organismes de
développement doivent élaborer leurs activités sans quoi,
leur intervention n'aurait pas d'impacts. Ceci est nécessaire d'autant
qu'aucune structure, dans une communauté rurale, ne peut répondre
à la demande multisectorielle des ruraux. Si toutes les structures
avaient partagé mais aussi harmonisé la démarche d'appui,
c'est-à-dire en travaillant sur la base de la demande les conflits
auraient été beaucoup moins compliqués parce que chacun va
répondre à une demande selon sa spécificité, selon
sa mission. Par exemple, la SAED va faire l'aménagement et l'ANCAR
répond pour faire du conseil agricole et les ONG et autres partenaires
répondre en y apportant leurs financements. L'ANCAR et ses partenaires
doivent se mettre d'accord pour travailler ensemble avec le CLCOP qui doit
à son tour être capacité pour mobiliser les groupes
vulnérables afin de formuler une demande consensuelle pour toutes les OP
mais pas seulement pour une élite.
Chapitre X : La portée de l'intervention de
l'ANCAR au niveau du Foyer
Dans sa nouvelle démarche, l'ANCAR a mis en oeuvre un
programme de Conseil Agricole et Rural (CAR) qui intervient dans le cadre
d'approches variées dont le soubassement demeure la promotion d'une
agriculture durable et diversifiée pour la sécurité
alimentaire, la lutte contre la pauvreté et l'amélioration des
conditions de vie des populations. Le nouveau conseil agricole et rural est,
selon M. DIOP conseiller agricole est « global,
participatif, communicatif et pluridisciplinaire et couvre les besoins d'appui,
renseigne les producteurs sur toutes les activités relatives aux
productions, et intervient pour une meilleure gestion des ressources naturelles
». Selon le Directeur régional « l'approche de
conseil agricole et rural cherche à intégrer dans sa
démarche le savoir et savoir-faire des producteurs comme
élément indispensable de la participation pleine et
entière des populations ».
En outre, selon le Directeur, certaines activités
(comme l'élaboration des programmes CAR, la contractualisation avec les
OP, l'appui technique etc.) sont communes à toutes les agences
régionales du pays parce qu'étant définies depuis le
sommet, c'est-à-dire au niveau de la direction nationale, mais à
l'inverse chaque équipe régionale peut à son tour, en
collaboration avec les producteurs de sa localité, définir son
programme d'activités et ce programme peut changer d'une année
à une autre. Ce qui revient à dire que les activités
des
agences régionales varient non seulement en fonction des
régions, mais également du temps. C'est sous ce rapport que
l'agence de Saint-Louis s'est définie le programme suivant :
- l'élaboration des programmes CAR
- la contractualisation avec les OP
- l'exécution des programmes
- le suivi et l'évaluation des programmes
- l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation
de programmes en Recherche/Développement
- l'élaboration de protocoles de partenariat avec les
partenaires
- la redynamisation de cadres de concertation sur la
Recherche/Développement
- la participation aux formations sur les approches
participatives et sur la culture d'entreprise
- l'assurance des formations spécifiques pour les
agents
- l'organisation des voyages d'études
- l'information sur la démarche, les programmes et les
résultats.
Seulement, ce qui semble paradoxale dans la logique
d'intervention de l'ANCAR, c'est le fait que si elle n'intervient
qu'après être solliciter, comment va-t-elle intervenir
auprès des producteurs du Foyer de Sanar qui ne savent pas formuler de
demandes d'appui mais qui sont pourtant membres du CLCOP de Gandon ? En effet,
le tableau suivant nous renseigne sur le nombre et les domaines dans lesquels
l'ANCAR est intervenue pour appuyer les producteurs du Foyer de Sanar.
Tableau 11 : Intervention de l'ANCAR
auprès du Foyer de Sanar
Fréquences Types
D'appui
|
Non réponse
|
Une fois
|
Deux fois
|
Trois fois ou plus
|
Total
|
Non réponse
|
3
|
0
|
0
|
0
|
3
|
Appui technique
|
0
|
20
|
4
|
0
|
24
|
Financement
|
0
|
0
|
0
|
0
|
0
|
Formation
|
0
|
4
|
4
|
0
|
8
|
Information
|
0
|
0
|
|
0
|
0
|
total
|
3
|
24
|
8
|
0
|
35
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010.
Figure 3 : Fréquences de l'intervention
et type d'appui de l'ANCAR auprès du Foyer de Sanar
Fréquences et types d'appui de l'ANCAR auprès du
Foyer de
3
4
4
Non réponse
Appui technique sur le terrain
Formation Autres
20
0 0
0 0 0
0
20
|
Non réponse
Une fois
Deux fois
Trois fois, Plus de trois fois
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010.
Les données du tableau reflètent clairement une
rareté sans précédent de la présence de l'ANCAR au
niveau de cette structure. Depuis plus de sept (7) années de partenariat
(2003), l'ANCAR n'a rendu visite à ceux qu'elle considère comme
étant ses véritables partenaires, que deux (2) fois mais la
majorité n'ont bénéficié de son appui qu'une seule
fois. D'après les observations, sur les 30 producteurs, 24 ont
confirmé n'avoir profité des services de l'ANCAR qu'une seule
fois et cela a consisté en une séance de renforcement des
capacités par la démonstration sur le terrain. Seul 8 membres ont
témoigné que l'ANCAR était venu à leur secours
à deux reprises. La première fois remonte à 2004 et la
seconde en 2007. Selon la viceprésidente «si nous avons
réussi à contracter un programme avec l'ANCAR pour la
première fois, c'est grace à un ami de notre président, il
n'est plus là d'ailleurs, il passe la majeure partie de son temps
à l'étranger. Lorsqu'il a écrit la demande, l'ANCAR l'a
accepté et ils sont venus nous voir. Nous avons subi une formation de
quinze(15) jours sur les techniques de production et de conservation d'oignon.
Mais le problème, c'est qu'ils (les agents de l'ANCAR) ont passé
toute la période de la formation sur trois parcelles seulement. Tous les
autres membres viennent suivre la formation au niveau de ces parcelles et ceux
ci a créé une sorte de mécontentement de la part de
certains membres. Cette formation nous a tout de même permis de
distinguer les différentes semences d'oignon et de pouvoir produire
des
oignons de qualité. Avant même cet atelier, nous
avions suivi, dans le cadre du CLCOP, une
autre formation sur la technique du « goûte
à goûte » qui a été animée par un
exploitant
agricole venant du village de Gandon et on a quand
même un peu compris. Peut etre qu'un jour, moi aussi je serai capable
d'animer un atelier de formation ». Cependant, une évaluation
correcte de besoins en formation reste un préalable et une bonne
préparation pédagogique des formateurs. C'est pourquoi, à
la différence de vice-présidente, N. SOW quant
à elle soutient : « j'ai portant assisté pourtant aux
séances de formation qu'avait organisé l'ANCAR pour notre
organisation, mais le problème est que c'était trop difficile
pour moi de comprendre ce qu'ils faisaient. C'était très rapide
et les gens n'ont pas le même niveau de compréhension. Meme si je
le comprenais, c'était pour deux à trois jours et j'oubliais tout
par la suite. Au moment de la formation, je voyais certains amener leurs
enfants qui sont à l'école et leurs cahiers pour qu'ils leur
écrivent les différentes étapes mais moi, je ne sais ni
écrire ni lire et je n'ai pas d'enfant qui a eu ce niveau là. Et
je sais que je ne suis pas la seule dans cette situation, mais quand même
il y en a qui comprennent et c'est ceux- là qui nous aident parfois. En
fait, ceci est certainement du d'une part, à l'usage de la langue
française au cours de la formation, et d'autre part, à la
vieillesse car plus on vieillit,
plus la mémoire devient vulnérable et par
conséquent, on ne peut pas retenir beaucoup de choses et en plus on
oublie très vite ».
Donc, à travers ces affirmations, on constate qu'en ce
qui concerne la formation, les producteurs n'ont pas le même niveau de
compréhension par rapport au message véhiculé par les
agents de l'agence. Certes, pour ce qui est de l'incompréhension du
message transmis au cours des séances de formation, les producteurs se
culpabilisent d'être non instruits, mais nos observations nous ont
montré l'absence de formation pédagogique de bon nombre de
techniciens qui s'improvisent en formateurs avec pour tout bagage
pédagogique, leur expérience d'anciens élèves ou
étudiants. En effet, lors d'un atelier de formation sur les techniques
du maraîchage, cette fois non pas avec le Foyer de Sanar, mais avec un
Groupement de Promotion Féminine de Gandon où nous avons
assisté, la remarque était que parfois, les agents qui donnent la
formation se comportent comme les seuls porteurs de savoir et de savoir-faire
en minimisant en faisant abstraction des savoirs et les savoir-faire des
producteurs. Cette attitude des agents de l'ANCAR place, de ce point de vue, la
structure dans la même dynamique que les organismes étatiques de
développement qui l'ont précédé, c'est-àdire
dans la logique d'encadrement puisque la relation entre les formateurs et les
producteurs au moment de la formation est de nature horizontale. C'est
précisément en faisant référence à cette
forme d'intervention qu'E.S. Dione déclare ceci : « les choses
ne sont plus vraie ou fausses parce qu'on les a expérimentées
soi-même ou parce que ses proches les ont vécues ou
acceptées comme telles, mais parce qu'elles coïncident avec une
explication légitimée par des instances lointaines : la Science,
la Religion, la Raison~Lorsque les acteurs sont dépossédés
de leur capacité d'expliquer le pourquoi des choses, ils deviennent
culturellement dominés et près à accepter leur
exclusion ».
En effet, pour les acteurs de l'ANCAR, le développement
doit être impulsé localement à travers un stimulus qui
consiste à réveiller les énergies innovantes des
populations réceptrices. Ce mode de développement rompt avec un
développement qui se construirait en dehors des logiques identitaires
des populations et imposé à elles comme le produit d'une
volonté extérieure noble d'améliorer leurs conditions de
vie. Ce mode de développement incite à la pleine participation
des populations à l'action d'innovation à travers le CAR.
Il s'agit, si l'on peut ainsi dire, d'une stratégie du
Faire-Faire consistant à aider les populations à réaliser
des actions de développement agricole qu'ils auraient pu faire si
l'organisation et la formation étaient assurées. Pour le
conseiller agricole et rural de Gandon,
la stratégie du Faire-Faire ressemble à un
bébé qu'on apprend à marcher, une fois qu'il peut tenir
sur ses deux pieds, on lui apprend plus comment avancer. Il peut tomber de
temps en temps mais il marchera tout seul. Cependant, une telle
stratégie peut être doublement condamnée :
- Faire-Faire quelque chose à quelqu'un, c'est lui
imposer une vision qu'il ne maîtrise pas, ce qui rend sa participation
inopérante et accessoire, c'est sous-estimer au demeurant la
qualité du stock de connaissances et d'actions qui font de lui un acteur
social innovateur.
- Faire-Faire quelque chose à quelqu'un c'est
également considérer l'acteur comme bénéficiaire
d'une initiative, ce qui tue le caractère endogène ou local du
développement.
D'ailleurs, ceci est d'autant plus vrai que d'après
ENDA « le concept de "bénéficiaires" renvoie à
l'image de gens passifs qui attendent d'être "sauvés ". On les
perçoit implicitement dépourvus d'analyse propre,
dépourvus de stratégies et d'initiatives. Un concept ambigu qui
positionne les intervenants comme les nouveaux "héros" et qui, à
la limite, contribue à exproprier les "bénéficiaires" de
leur propre histoire. Le concept de « bénéficiaires »
justifie et légitime les solutions exogènes souvent ignorantes
des savoir-faire et des compétences sans compter que ces solutions
venues « d'ailleurs » disqualifient les ressources locales
».18
Même si avec le programme CAR, on peut assister à
une participation des producteurs dans le diagnostic des contraintes et la
trouvaille de solutions adéquates, la construction même des cadres
logiques de l'intervention leur échappe. Car il est rare de voir que ce
qui initialement prévu par le CAR soit modifié du simple fait de
la participation des acteurs récepteurs. C'est avec une telle
façon de développer que les experts du développement
agricole doivent rompre.
Cependant cela ne veut pas dire que l'ANCAR renferme tout
simplement les mémes défauts que les anciennes structures de
développement. L'approche de l'ANCAR repose en fait sur la
reconnaissance des producteurs comme les principaux acteurs de la
transformation de leurs systèmes de production, de l'aménagement
de leurs terroirs et de la gestion de leurs ressources naturelles. C'est
d'ailleurs pour cette raison que l'ANCAR pour certains producteurs l'ANCAR leur
est utile, seulement, il est essentiel qu'il règle la question de la
formulation des demandes d'appui. Les formations reçues sur les
techniques d'agriculture et
autres constituent pour certains producteurs un acquis de
taille qu'ils ne peuvent pas négliger. Pour eux, l'accès à
une formation sur les manières de valoriser ses propres ressources
disponibles en actions rentables constitue un levier de taille pour le
développement c'est S. DIAW qui nous dit en ce sens:
« nous avons reçu deux formations gratuitement sur le domaine
de l'agriculture et du maraîchage. Ces connaissances sont maintenant
nôtres et nous devons en faire bénéficier d'autres qui
n'ont pas eu la chance d'en bénéficier ou qui n'ont pas bien
compris». Et A. SALL d'ajouter : «
personnellement si je suis parvenues à obtenir à l'issu de
chaque saison culturale 13 à 15 sacs d'oignons au moins, c'est en parti
grâce à la formation dont nous avons
bénéficié. C'est avec l'argent issu de la vente de cet
oignon que je règle mes besoins quotidiens et ceux de mes enfants.
Maintenant, je sais que ce n'est pas suffisant parce qu'ils viennent rarement
Ou bien, qu'ils nous forment une bonne fois pour toute à la
manière de formuler une demande, nos enfants sont là et ils ont
appris, donc ils peuvent les former pour qu'on puisse nous-mêmes
écrire nos demandes en cas de besoin. ».
Mais en ce qui concerne la question du financement, le
Directeur nous a confié que « le rôle de l'ANCAR n'est
pas de financer les OP ni de leur fournir du matériel agricole. Sa
mission principale est plutôt de négocier avec les bailleurs de
fonds pour leur trouver des financement mais aussi de les pousser à
mieux s'organiser afin de pouvoir mieux les appuyer ensemble en leur assurant
une formation et une assistance technique sur le terrain ».
Il importe de noter que l'ANCAR est une structure de conseil
agricole et rurale et par conséquent elle ne finance pas. Cependant,
dans la démarche de l'ANCAR, il ya ce qu'on appelle
l'intermédiation. Selon un agent de l'agence, « l'ANCAR est
censé répondre à la demande paysanne, soit en lui
apportant son soutien technique, soit en mettant en relation les producteurs
avec l'environnement institutionnel, c'est-à-dire les organismes de
financement qui interviennent dans ce domaine. Donc, l'ANCAR ne finance pas,
mais si au cours de l'élaboration du programme, on voit qu'il y'a une
activité qui demande un financement, alors l'agence peut faire de
l'intermédiation auprès des structures financières, ou au
pire des cas, informer le producteur de l'existence de cette structure et de sa
possibilité ou sa disponibilité à octroyer de
financements. Dans ce dernier cas, l'appui de l'agence auprès du
producteur se situe au niveau de l'élaboration de son projet pour qu'il
puisse le soumettre cette structure de financement Mais l'ANCAR en tant que
telle n'a jamais financé de projets ».
Cela revient donc à dire que l'activité
principale de l'ANCAR pour les OP concerne l'appui technique, la formation et
l'information des producteurs. Ceci nous a été affirmé
par
les agents de l'agence puis confirmé par les
producteurs eux-mêmes. Quant au rôle d'intermédiation
qu'elle joue entre les OP et les bailleurs de fonds, il varie en fonction des
OP. Pour ce qui du Foyer de Sanar, cette OP n'a pas encore obtenu de
financement depuis qu'elle est en partenariat avec l'ANCAR. Comme le note le
Président de cette organisation, « en réalité,
bien que nous louons l'ANCAR, le besoin qui nous a poussé à aller
à sa rencontre n'est pas encore satisfait. Nous avons
bénéficié des formations et d'une assistance technique,
mais nous n'avons pas encore obtenu de financement Pourtant concernant la
dernière demande que j'ai formulée au nom du Foyer, j'ai bien
insisté sur cette question du financement parce que toutes les deux
motopompes sont dans un état défectueux. Elles ne peuvent
même pas fonctionner toute une journée entière sans tomber
en panne. C'est d'ailleurs pourquoi, j'ai cherché une petite motopompe
personnelle comme une sorte de garante ».
La véritable question qui se pose à ce niveau,
est surtout de savoir comment une structure de développement peut-elle
arriver à « développer » ces cibles si elle n'octroie
ni de financements, ni de matériels agricoles?
Tableau 12 : Appréciation de la
portée de l'intervention de l'ANCAR par les producteurs
Appréciations
|
Effectifs
|
Pourcentages
|
Très satisfait (e)
|
0
|
|
Satisfait (e)
|
5
|
16,7
|
Insatisfait (e)
|
14
|
46,7
|
Déçu (e)
|
11
|
36,7
|
Total
|
30
|
100
|
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010.
Figure 4 : La perception de la portée de
l'intervention de l'ANCAR par les producteurs
Source : Données de l'enquête, Diakho,
2010
En réalité l'approche ou l'appui de l'ANCAR ne
fait pas bonne impression au niveau des producteurs du Foyer de Sanar. Le
véritable problème à ce niveau est dû au fait que la
porte d'entrée de l'ANCAR, c'est l'organisation, c'est-à-dire un
sujet collectif mais sur le terrain l'activité se déroule sur une
exploitation agricole individuelle. C'est d'ailleurs pour
63
cette raison que les membres du foyer de Sanar ont
regretté le fait que la formation se soit déroulée au
niveau de trois exploitations seulement alors qu'il y a plus d'une centaine
167%
d'autres parcelles qui n'ont pas été
visitées. Ce qui a semblé créer une certaine frustration
de
Très satisfait(e)
)
certains membres pouvant aller jusqu'à porter atteinte
à la cohésion qui sévit dans le groupe.
ii
Par rapport à la satisfaction de leurs besoins et à
la portée ou à l'incidence des activités de
Déçu(e)
l'ANCAR, les producteurs se sont prononcés sur leur
insatisfaction. En effet, 46,7 % des personnes interrogés ne font pas
abstraction de leur insatisfaction et d'autres vont encore plus loin en
signalant leur déception voire leur désarroi. L'un de nos
enquêtés se confie en disant « si notre partenariat avec
l'ANCAR devrait ainsi continuer, moi je préfère qu'on y mette un
1=1e =1aE1711ie pewc affirmer qu'il n'y a aucune différence entrema
production agricole avant le partenariat et sept année après le
partenariat ». A. Sall « pour ne pas être ingrate, je
ne peux pas dire que je n'ai rein obtenu avec l'ANCAR, j'acquis quand
même des compétences au cours de la formation. Mais en
réalité, en termes de production agricole, je ne sais pas mais je
n'ai jamais dépassé la quantité de légumes que je
récolais avant l'arrivée de l'ANCAR. En tout cas, on ne peut pas
dire que c'est l'ANCAR qui
nous à permis de collecter les quelques sous que nous
possédons parce qu'avant elle, c'est de cela qu'on vivait
».
Le Foyer de Sanar n'a pas encore
bénéficié pleinement des services de l'ANCAR puisque cette
dernière ne leur à rendu visite que deux fois depuis sept
année de partenariat. La formation et l'appui technique semblent donc
être les forces de cette structure puisqu'au moins depuis le partenariat,
deux séances de formation ont été organisées pour
les producteurs. Cependant, un des plus gros problèmes ressentis par les
producteurs est l'absence de suivi mais aussi d'évaluation de certaines
formations qui s'arrête qui sont difficilement assimilées en
raison de la faiblesse du niveau d'instruction. Pourtant dans la
communauté rurale de Gandon, l'ANCAR semble avoir réalisé
beaucoup d'activités et méme obtenu des financements pour des OP
qui sont dans la le chef lieu de la communauté rurale, à savoir
Gandon avec d'autres OP.
Figure 4 : les réalisations du programme
CAR dans la région de Saint-Louis
Source : Manuel des procédures techniques de
l'ANCAR
ONCLUSION
Une recherche en sciences sociales, aussi nécessaire et
ambitieuse soit elle, peut se résumer à trois composantes
importantes : l'objet, la méthode et l'appareil conceptuel.
Dans cette présente étude, l'objet était
d'analyser les actions menées par l'ANCAR au niveau des organisations de
producteurs afin de déterminer la nature de la logique de son
intervention et sa portée. Autrement dit, il s'agissait de voir si
l'ANCAR est une structure qui s'est inscrite dans la méme perspective
d'encadrement que celles qui l'ont précédé ou bien si elle
a réellement opéré une rupture dans le processus
d'intervention en optant pour la logique d'appui. Comme contribution, cette
étude s'est limitée au cas spécifique d'une seule
organisation de producteurs, le Foyer de Sanar avec comme hypothèse
« L'approche de l'appui-conseil définie par l'ANCAR montrent
qu'elle a rompu avec la « logique d'encadrement »
héritée de l'Etat post colonial en matière de promotion
des organisations de producteurs. Cependant, l'exécution des programmes
par cette approche n'est pas effective auprès des organisations des
producteurs».
En effet, pour honorer cette recherche, nous avons suivi une
démarche qui se révèle être notre
spécialité, c'est à dire la démarche sociologique.
Il nous fallait d'abord faire l'inventaire des théories et des approches
produites sur notre objet. Cet inventaire était axé d'une part,
sur les différentes analyses théoriques de l'action des
organisations et les théories traitant des rapports entre l'Etat et les
paysans et d'autre part, sur l'approche par la gestion de l'interaction
inspirée de la théorie de la Recherche-Action-Formation (RAF).
Nous nous sommes également basés sur les réalités
expérientielles à travers les entretiens menées non
seulement au niveau des agents de l'agence d'intervention, c'est-à-dire
de l'ANCAR, mais aussi chez les producteurs de notre OP d'étude.
Cependant, notre démarche a consisté à situer d'abord
l'émergence des politiques agricoles au Sénégal avant de
centrer toute l'étude sur l'ANCAR et le Foyer de Sanar. Ensuite,
étant donné que les informations recueillies dans cette phase
exploratoire devaient être ponctuelles, nous avons inscrit notre
étude dans une visée à la fois quantitative et qualitative
avec comme outils de collecte le questionnaire et le guide d'entretien. Ces
outils qui, à notre avis, se sont imposés à notre
étude comme moyen de collecte d'informations nécessaires ont
permis d'une part, d'apprécier le contexte de démarrage et le
fonctionnement aussi bien de l'ANCAR que du Foyer de Sanar et d'autre part, de
déterminer plus ou moins la nature de l'intervention et la portée
de la première au niveau de la seconde.
Ainsi au terme de cette étude, nous avons pu constater
que dans le village de Sanar, le regroupement des producteurs au sein d'une
seule structure dans le but d'améliorer leurs conditions de travail n'a
pas été sans difficultés majeures pour les producteurs. En
dépit de l'expérience agricole des uns et des autres, ces
derniers se sont vite confrontés à un bloc structuré de
contraintes qui sont aussi nombreuses que diverses : risque naturels
(instabilité climatique, insectes destructeurs etc.), manque
d'expérience organisationnelle, étroitesse et approvisionnement
des terres exploitées, cherté des coûts de production,
analphabétisme des responsables paysans etc. Et face à cette
situation, l'ANCAR a été ciblé par ces producteurs afin de
jouer un rôle dans le sens de la levée de certaines de ces
contraintes. Sont apport s'est surtout accentué non seulement sur la
formation et l'appui conseil ou technique. C'est d'ailleurs à ce niveau
que nous pouvons jauger l'impact de l'appui de l'ANCAR au niveau des OP. Ainsi,
nous pouvons considérer que notre hypothèse de départ n'a
pas totalement été confirmée par les données de
l'enquête. En effet l'ANCAR n'intervient au niveau des OP qu'à la
demande de ces dernières, c'et à dire lorsque cette
dernière est sollicitée par les producteurs bien qu'il arrive
parfois, ce qui est très rare, que ses agents suscitent une demande
d'intervention. Et méme dans ce cas précis, il faut le
consentement du producteur pour que les agents puissent intervenir. En d'autres
termes, une nouvelle offre constitue une opportunité qui peut ainsi
faire germer une demande de la part des producteurs si le terrain est favorable
(demande suscitée). Dans ces cas, une contrainte de taille majeure se
présente aux cibles de l'Agence. Il s'agit d'un manque de
compétences nécessaires de la part des producteurs pour formuler
des demandes. Si l'on peut ainsi dire, tout producteur qui ne sait pas formuler
une demande d'appui ne pourra pas bénéficier des services de
l'ANCAR puisqu'elle n'intervient qu'après avoir été
interpellée.
Les entretiens et observations nous ont montré que
d'une manière générale, l'ANCAR est censée
effectuer divers appuis (intermédiation, formation, information,
facilitation) au niveau des OP. Ces appuis peuvent être un coup de main
pour remplir un dossier administratif, amorcer une négociation ou encore
maîtriser les techniques d'exploitation. Mais dans le cas de l'OP qui
nous concerne, seuls deux types d'appuis ont été
opérés par l'agence alors que leur relation partenariale date
maintenant de sept (7) ans. Ceci est du à l'incapacité des
membres de cette structures à rédiger des demandes
destinées à l'ANCAR. Mais cette attitude devient en méme
temps un défaut ou un limite pour l'approche de l'ANCAR.
Il importe de signaler qu'au cours des séances de
formation et d'information les relations qui existent entre les agents
formateurs et les producteurs à former sont du type « maître-
élève » et/ou « enseignant-enseigné ».
Aussi, certaines formations dont bénéficient les producteurs sont
confrontées à un problème de suivi au moment de
l'expérimentation dans les parcelles d'exploitation. C'est ce qui
confirme en partie notre hypothèse puisque cette attitude est
spécifique à la logique d'encadrement qui consiste à sous
estimer voire même ignorer les savoirs et savoir-faire des populations
locales. Par ailleurs la grosse difficulté à laquelle les
producteurs du Foyer de Sanar sont confrontés n'a pas encore
été résolue. Il s'agit de la question financière
qui, selon les producteurs est la raison principale de leur partenariat avec
l'ANCAR. Etant donné que l'agence joue également un rôle
d'intermédiaire entre les OP et les bailleurs de fons pour la recherche
de financements, on imagine mal pourquoi le Foyer de Sanar avec qui elle est
partenaire depuis sept ans n'a pas encore obtenu de financements.
Même si notre hypothèse s'est vue en partie
confirmer par les résultats de terrain, il faut souligner que notre
recherche révèle également certaines limites. D'abord, il
y a une difficulté d'ordre méthodologique qui se rapporte
à nos outils de collecte. En effet, le guide d'entretien et le
questionnaire dont nous avons fait usage pour disposer des informations se sont
révélés quelque peu insuffisant concernant certaines
questions. Ensuite des précautions sont à prendre quant à
une tentative de généralisation hâtive des résultats
de cette simple étude portant sur un cas spécifique,
c'est-à-dire à une OP d'un petit village. En effet, la
confirmation de notre hypothèse concernant les diverses
difficultés rencontrées par cette OP et la nature de
l'intervention de l'ANCAR comme relevant d'une logique d'appui n'est qu'un cas
isolé qu'il est d'autant plus judicieux de le prendre comme tel, que
cette thèse n'est guère à l'abris des probables
assouplissements ou même d'infirmation, quand elle sera soumise à
l'épreuve du temps ou à un élargissement du terrain
d'étude.
Aujourd'hui, au niveau de la communauté rurale de
Gandon, il est faut reconnaître qu'on assiste encore à un certain
blocage du processus de responsabilisation des producteurs du fait du retrait
ou du recul des bailleurs de fonds. Car comme le note Sambou Ndiaye :
« Pris au piège de leur propre logique, les
bailleurs de fonds ont réussi à « disqualifier »a
l'État dans le domaine agricole sans pouvoir le remplacer par des
acteurs locaux suffisamment préparés. Ainsi, seule une
redéfinition du cadre institutionnel peut à mrme de sauver ce
processus qui, lorsqu'il est négocié, peut aboutir à des
résultats probants. Dans ce nouveau cadre, tous les acteurs doivent
avoir leur place, y compris l'État et ses services. Des relations non
point tutélaires, mais plutôt de partenariat véritable
doivent y être
envisagées entre acteurs pour faciliter la pleine
participation des intéressés », (S. Ndiaye, 1995-1996
:128).
En même temps, ce nouveau cadre doit statuer sur la
mission dévolue à chaque acteur. Notamment, une reconfiguration
et un redimensionnement des tâches des OP et des structures
d'intervention devront être envisagés en fonction de leur
compétence et de leur niveau d'organisation interne.
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ANNEXES
Guide d'entretien adressé aux producteurs du Foyer
de Sanar Identification sociologique
Nom de l'enquêté : Date de l'enquête :
Fonction : Marié (é)
Masculin Divorcé(e)
Sexe : Age : Situation matrimoniale : Célibataire
Féminin Veuf (ve)
Thème 1 : Historique du Foyer de
Sanar
1. Le processus d'émergence : motivations de
départ, projet initial, finalités
2. Conditions de démarrage, les appuis et contraintes
3. Evolution des activités, état actuel du
processus de maturation
Thème 2 : Profil organisationnel
de l'organisation
4. Processus décisionnel, la nature de l'autorité
(bureaucratique, hiérarchique, démocratique)
5. Mode d'organisation et de fonctionnement
6. Mode d'organisation du travail
7. Plan et stratégie d'actions
8. Modalités de contrôle social de
l'organisation
Thème 3 : Le membership du Foyer
de Sanar
9. Liens interpersonnels, lien commun des membres
10. Relations entre leaders et membres de l'organisation
11. Rapports de pouvoir à l'interne
12. Rapport des acteurs à l'organisation
Thème 4 : Rapport de
l'organisation au développement local
13. Réseautage avec les acteurs sociaux et la
société civile, domaines et portée
14. Participation de l'organisation au processus de
développement local
15. Vision stratégique de l'organisation, projet de
société
Thème 5 : Dynamique partenariale
de l'organisation avec l'ANCAR
16. Nature et intensité des rapports avec l'ANCAR
17. Types d'activités effectués par l'ANCAR pour
votre OP
18. Identification de l'idée de projet, définition
du processus et de la dynamique de l'action
19. Nature de l'initiative, du diagnostic, de la conduite, de
l'exécution, de l'évaluation et des ajustements du projet
20. Présence des membres de l'OP dans les prises de
décisions, rapport à l'espace public local
21. Nature et intensité des relations entre
l'organisation et les autres partenaires
Guide d'entretien adressé aux agents de l'ANCAR
Identification sociologique
Nom de l'enquêté : Date de l'enquête :
Fonction : Marié (é)
Masculin divorcé(e)
Sexe : Age : Situation matrimoniale : Célibataire
Féminin Veuf (ve)
Thème 1 : Contexte de
création de l'ANCAR
1. Date de création de l'ANCAR
2. Rôle et projet initial de l'ANCAR
3. Objectifs et missions de l'ANCAR
Thème 2 : Structuration et
fonctionnement de l'ANCAR
4. Organisation structurelle de l'ANCAR
5. Activités et domaines d'intervention de l'ANCAR
6. Approche optée par l'ANCAR
7. Démarche d'exécution des actions de l'ANCAR
8. Place réservée aux modes d'organisation, au
savoir et savoir-faire locaux, les techniques traditionnelles
9. Implication dans le processus de développement local
Thème 3 : Ancrage socio-territorial de
l'ANCAR
10. Impact socio-territorial : rapports des prestations de
l'ANCAR aux ressources locales, impact des activités sur la
communauté locale, degré de mobilisation sociale, place de
l'ANCAR dans la vie publique locale
11. Modalités de démocratisation de l'accès
aux biens et services de l'ANCAR
12. Impact du milieu sur les activités de l'ANCAR
Thème 4 : Rapport et dynamique partenariale de
l'ANCAR avec les OP
13. Modalité d'empowerment des groupes et
communautés locaux
14. Réseautage avec acteurs sociaux et
société civile, domaines et portée
15. Relation entre l'ANCAR et les collectivités locales-
participation au processus de développement local
16. Nature et qualité du réseau partenarial de
l'ANCAR
17. Vision stratégique de la structure, projet de
société
127
Image 1- Conseil Agricole et Rural en phase
active Image 2 -Parcelles de multiplication de
semence d'arachide
Image 3- Campagne de maïs et d'oignon ans
le village de Sanar
Image 4 -Ateliers d'information entre les agents
de l'ANCAR et les producteurs
Image 5 - Un conseiller agricole de Gandon
examinant les gousses d'arachide avant la récolte
Image 6 - Un producteur du Foyer cultivant sa
parcelle d'arachide.
Image 7- Visite de membres d'une Association
avec le Conseiller agricole et rural à Gandon dans une plantation de
choux et de tomates
Image 8- Visite des membres d'une association
avec le conseiller agricole et rurale dans un champ de riz à Gandon
TABLES DES MATIERES
LISTE DES TABLEAUX ET DES FIGURES III
LISTE DES FIGURES III
LISTE DES TABLEAUX III
LISTE DES SCHEMAS III
SIGLES ET ABREVIATIONS IV
INTRODUCTION.......................................................................................6
PREMIERE PARTIE : Contextualisation sociohistorique et cadre
théorique...........9
Chapitre I : Historique de la politique de
développement agricole du Sénégal..10
1. 1- La période de 1960-1962 : Mamadou DIA et la
politique d'animation rurale....... 12
1. 2 - La Période 1963-1979 : L'interventionnisme de
l'État dans le domaine agricole... ..15
1. 3- La période de 1980 à la fin des
années 90 : Désengagement de l'État avec les politiques
d'ajustement structurel et début de la responsabilisation des
producteurs............. ...... .17
1.3.1 À La dissolution de
l'ONCAD......................................................
...18 1.3.2 - La création de la
NPA............................................................
....19
1.3.3. La dynamique des organisations de producteurs au
Sénégal................ ......21
1.4 - Fin 90, début des années 2000 : Les
politiques de lutte contre la pauvreté.................23 1.4.1- La
Stratégie de Réduction de la
Pauvreté............................................23 1.4.2- La
stratégie de croissance accélérée
(SAC)...........................................25
1.4.3- La Lettre de Politique de Développement Rural
Décentralisé (LPDR) 26
1.5- Présentation du cadre
d'étude.............................................................
28
1.5.1- Présentation de la CR de
Gandon......................................................28 1.5.2-
Présentation du village de
Sanar........................................................32
Chapitre II : Cadre
Théorique.............................................................
33
2. 1- Les différentes analyses théoriques de
l'action des organisations ................ ......33
2. 1.1- L'approche parsonienne des organisations
.................... .....................33
2. 1.2- L'approche de March et Simon
............................................ ....... 34
2.1.3- L'approche de Crozier et de Friedberg
....................................... ......34
2.2- Approches d'analyse
........................................................................
.... 35 2.2.1- Approche
stratégique...................................
................................35 2.2.2- L'approche dynamique
..................................................................35
2.3- Objectifs et rôles des organisations paysannes 35
2.4 Organisations paysannes et diffusion de l'innovation 38
2.5- Stratégie paysanne et rôle dans l'agriculture
~~~~~~~~~~..~~~~~~.38 2.6 - Classification et typologie des
organisations..................................................39
2.6.1- Classification des organisations selon leur
origine.................................39
2.6.1.1-Organisation d'origine
interne...............................................39
2.6.1.2- Organisation d'origine
externe.............................................40
2.6.2- Classification des organisations selon leurs
fonctions..............................40 2.6.2.1- Organisations
unifonctionnelles............................................40 2.6.2.2-
Organisations
plurifonctionnelles..........................................41
2.6.2.3- Organisations à fonction
dominante.......................................41
2.7- Classification des organisations selon la nature des
membres................................41 2.8- Classification des
organisations selon leur
composition.......................................42 2.9 - Courants
théoriques sur les rapports entre l'État et les
paysans..............................42 2.9.1- L'organisation bureaucratique
du secteur agricole par l'État......................... 42 2. 9.1.1-
Le contrôle de la paysannerie par
l'État................................................42 2. 9.1.2- La
subordination de la société à
l'État..................................................45
2. 10 - Approche par la gestion de
l'interaction......................................................47
2.10.1- L'identification des espaces naturels de participation
par les intervenants.....48 2.10.2- L'élargissement du champ de vision
de tous les acteurs.........................49 2. 10.3- La prise de ses
distances vis-à-vis de l'action.....................................49
2.10.4- La connaissance des lunettes que portent les
paysans.............................50
DEUXIEME PARTIE : Problématique et cadre
méthodologique....................53
Chapitre III :
Problématique.......................................................................53
3.1- Problème de
recherche..............................................................................53
3.2- Question de
recherche..............................................................................54 3.3-
Objectifs de
recherche..............................................................................54 3.4-
Conceptualisation...................................................................................55 3.4.1-
définition des
concepts..................................................................55 3.4.2-
Opérationnalisation des
concepts......................................................55 3.5.-
Hypothèse et modèle
d'analyse...................................................................63 3.51-
Hypothèse..................................................................................63 3.5.2-
Modèle
d'analyse.........................................................................63
Chapitre IV : Cadre méthodologique.......
................................. ................64
4.1- Histoire de la
collecte..............................................................................64
4.1.1- La recherche documentaire~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.64
4.1.2- Les entretiens exploratoires 65
4.1.3- Les entretiens informels~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 66
4.2- La construction de l'échantillon 66
4.3- Les outils de collecte~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 68
4.3.1- Le questionnaire~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 69
4.3.2- Les guides d'entretien~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.69 4.3.3-
L'observation désengagée~~~~. ~~~~~~~~~~~~~~~~70 4.4- Le
déroulement de l'enquête~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~..71
4.5- Difficultés
rencontrées~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 72
TROISIEME PARTIE : Présentation des
résultats de la pré-enquête~~~. ~73
Chapitre V : Historique du Foyer de Sanar~~~~~~~~~~. ~~~~~
74
5.1- Contexte de création et objectifs 74
5.2- Le fonctionnement interne du Foyer de
Sanar~~~~~~~~~~~~~~~~ 74
5.3 - Identification sociologique des membres du Foyer des
Sanar~~. ~~~~~~~ .76
Chapitre VI -- Les activités
socioéconomiques du Foyer de Sanar~~~~~~ 78
Chapitre VII- Les obstacles a l'autopromotion paysanne et au
développement 81
7.1 - L'insuffisance de moyens~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ 81
7.1.1 -- L'insuffisance de moyens
financiers~~~~~~~~~~~~~~~~.81 7.1.2 -- Le manque de moyens matériels
et techniques.82
7.2 -- Les contraintes fonctionnelles du Foyer~~~~~~~~~~~~~~~~~~
83
7.3- Le manque de professionnalisme des producteurs du
foyer~~~~~~~~~~~ 84
Chapitre VIII- La relation partenariale du Foyer de Sanar avec
l'ANCAR 86
8.1 - Historique de l'ANCAR 86
8.2 -- Situation administrative et fonctionnement de
l'ANCAR~~~~~~~~...87 8.2-1- Le programme local de conseil agricole et
rural~~~~~~~~~.88 8.2.2- Le programme d'arrondissement~~~~~~~~~~~~~~...89
8.2.3- Le programme régional~ ~~~~~~~~~~~~~~~~
89
8.2.4- Le programme national~~~~~~~~..~~~~~~~~~~89
8.3 - Les missions de
l'ANCAR..................................................................
90
8.4 -- Les activité de l'ANCAR 91
8.4.1- Le conseil 91
8.4.2- L'information 91
8.4.3- La formation 92
8.4.4- Les appuis divers 92
8.4.5- La recherche/Développement 93
Chapitre IX -- Le partenariat du Foyer avec l'ANCAR..........
..................... 94
9.1 - Historique du partenariat avec l'ANCAR 94
9.2- Nature de l'intervention de l'ANCAR 95
9.3- L'appui-conseil : une approche controversée dans sa
pratique 95
Chapitre X : La portée de l'intervention de l'ANCAR au
niveau du Foyer 99
CONCLUSION..........................................................................................109
BIBLIOGRAPHIE......................................................................................113 ANNEXES...............................................................................................116
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