1.1.2. Cycle du carbone dans les sols et qualité des
eaux usées.
La matière organique joue un rôle de premier plan
dans la conservation des sols tropicaux secs. Selon la composition des eaux
utilisées, le bilan organique des sol peut évoluer dans des
directions opposées. Cette évolution est conditionnée par
les équilibres écologiques qui s'établissent dans le
sol.
Le cycle du carbone dans le sol est conditionné par les
organismes qui s'y développent. L'activité bactérienne de
minéralisation de la matière organique dépend de
l'installation d'une chaîne alimentaire plus ou moins diversifiée
qui permettra la régulation des populations bactériennes dans le
sol (Kilbertius, 1980, Moore et al., 1988, Coleman et al., 1978). Les
principaux prédateurs de bactéries sont les nématodes et
les protozoaires. Les champignons peuvent émettre des substances
antibiotiques qui leur permettent de limiter le développement des
bactéries. Il ne s'agit pas là de prédation mais
plutôt de compétition entre organismes. On connaît, par
l'étude des systèmes épuratoires et par l'application des
boues d'épuration au champ, trois orientations du cycle de la
matière organique dans les sols (Ducommun, 1989).
Lorsque la minéralisation bactérienne de la
matière organique est favorisée en raison de la composition
chimique du substrat, le sol fonctionne comme un milieu épurateur. Si on
observe la transformation de la matière organique en biomasse et que
cela s'accompagne de l'élaboration de composés organiques
variés, le sol fonctionne comme un écosystème complexe
dont la productivité dépend de l'énergie disponible.
Enfin, le blocage des activités biologiques lié à une
surcharge organique du milieu provoque une pollution du sol ce qui provoque une
diminution de la diversité du milieu accompagnée d'un
phénomène de putréfaction dans ce cas, les conditions de
drainage et la texture du sol sont deux paramètres principaux.
Dans le cadre de ce travail, nous avons rencontrés trois
cas: Premier cas: réduction globale de l'activité biologique.
Deuxième cas: rupture des équilibres écologiques.
Troisième cas: renforcement de l'activité
biologique globale.
Premier cas: réduction globale de l'activité
biologique.
Avec les eaux de barrage le cycle du carbone est simplement
réduit. Cette réduction est due à l'absence d'apport de
fertilisant et à la diminution de la quantité d'eau disponible.
Nous mesurons une baisse abrupte du stock organique la première
année de mise en culture puis une diminution progressive mais lente
jusqu'en septembre 1993. A cette date la diversité des populations
animales et le stock de substances humiques augmentent.
Cette baisse du stock organique puis son augmentation suite
à la modification des pratiques culturales ne suivent pas
l'évolution des rendements qui chutent brutalement en mars 1993 et
stagnent par la suite. L'activité des populations édaphiques
à partir de septembre 1993 reste limitée malgré les
modifications des travaux culturaux, d'une part en raison de la faible
croissance des adventices et d'autre part en raison de l'absence de
composés organiques dans les eaux. Il n'y a pas d'augmentation
spectaculaire des effectifs.
La diminution progressive du stock organique des sols est
d'autant plus rapide que celui-ci est accessible et que la disponibilité
en eau est grande. Cette situation accentue les différences entre zones
pour les mesures du taux de carbone et de substances humiques. Ces
différences n'ont aucune incidence sur la formation des croûtes
structurales et sur la production végétale puisque seul le nombre
de cycles culturaux effectué est à prendre en compte.
Dans ce cas, il n'y a pas eu atteinte aux équilibres
écologiques dans le sol. Le seul facteur qui est modifié est le
microclimat dans le sol et à sa surface, ce qui limite le
développement biologique dans son ensemble. La
régénération de la fertilité du milieu sera lente
et proportionnelle à l'amélioration des conditions
microclimatiques dans le sol.
En mesurant à intervalles réguliers
l'évolution du stock organique des sols nous pouvons constater la faible
variabilité des mesures. Pour restaurer rapidement la fertilité
de ces sols, il est nécessaire d'effectuer un apport qui favorise le
développement des populations animales. La présence de zones non
cultivées à proximité permettra la recolonisation
naturelle du milieu. La réutilisation des eaux usées permet une
régénération rapide de la fertilité (cf.
Résultats de la culture de mil d'octobre 1994).
Deuxième cas: rupture des équilibres
écologiques.
Les sols irrigués par les eaux du premier bassin sont
pauvres en animaux du sol et aucun lombric n'y est présent En conditions
d'anaérobiose, ce qui est le cas pour ce type d'eau, les protozoaires,
les champignons et la faune des sols (Kozlovskaya cité par Bachelier,
1978) ne peuvent se développer. Nous en déduisons que dans ce
sol, le cycle du carbone est conditionné uniquement par les
activités bactériennes anaérobies. Dans ce cas, le sol
fonctionne comme un système épurateur (Brissaud com. pers.). La
forte diminution du taux de carbone des sols en est le symptôme le plus
évident. Il y a eu une rupture dans les équilibres
écologiques qui a favorisé le développement d'un seul type
d'organismes (Dajoz R., 1985). Dans ce cas, les indicateurs sont le taux
d'oxygène de l'eau et le rapport C/N et C/P de l'eau. Il y a une
pollution du milieu. Cette pollution qui s'accompagne d'une amélioration
de l'infiltration peut se propager en profondeur. Il apparaît dans ce cas
que l'utilisation du temps d'infiltration comme seul indicateur risque de
conduire à des interprétations erronées.
Ce cas illustre l'importance à donner aux indicateurs
qui permettent de mettre en évidence les modes de régulation de
l'activité bactérienne dans les sols. En climat tropical, la
vitesse de minéralisation de la matière organique est rapide. On
constate que seuls des apports organiques de 40 t/ha/5ans permettent
d'améliorer le bilan organique des sols (Sedogo, 1993). Il est
nécessaire de se poser la question de savoir pourquoi nous observons une
amélioration avec des apports bien plus faibles. L'augmentation des
effectifs des populations animales qui va de pair avec cette
amélioration est une indication valable. Cette question met en
évidence l'importance de la définition de la qualité des
eaux usées en vue de leur réutilisation.
Troisième cas: renforcement de l'activité
biologique globale.
Dans ce troisième cas, qui concerne les eaux de
lagunage et celles du lit bactérien, le cycle du carbone s'effectue au
travers d'une chaîne alimentaire diversifiée dans laquelle les
activités bactériennes sont contrôlées par les
mécanismes naturels (rapport proie/prédateur et
compétition). Lorsque nous avons limité les travaux culturaux
nous avons favorisé le développement animal. Nous constatons que
ce développement va de pair avec une diminution des différences
entre zones pour l'ensemble des mesures concernant la matière organique
dans les sols (cf. Annexe 4). Ce fait suggère que les eaux usées
sont un mode de fertilisation organique qui est intégré au cycle
du carbone par l'intermédiaire de la faune des sols. Contrairement aux
eaux faiblement épurées du premier bassin de lagunage, les
effluents testés présentent un taux d'oxygène dissous et
une composition chimique et biologique qui respecte les cycles
écologiques dans le sol. Pour déterminer les critères de
qualité d'une eau en vue de sa réutilisation pour l'irrigation,
les résultats que nous avons enregistrés peuvent être pris
comme référence initiale.
L'utilisation de la faune des sols présente un grand
intérêt pour étudier l'impact d'une pratique agricole sur
les équilibres biologiques dans le sol. La définition de la
qualité des eaux à l'aide des paramètres utilisés
dans ce travail est plus efficace que celle obtenue par les paramètres
chimiques usuels. Ces indications ont l'avantage de ne pas nécessiter de
matériel coûteux.
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