Ludovic Fondecave Juin 2010
Sophie Léron
Gwénaëlle Barzic
PROJET PROFESSIONNEL
Création d'une société de production
de web documentaires et développement de la
collection
« Dans les coulisses.... »
Master Droit et Administration de l'Audiovisuel (D2A)
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Formation continue 2009-2010
Avertissement : Le présent travail présente un
état des lieux du web documentaire au 01/06/2010.
SOMMAIRE
Introduction 5
I. État des lieux : typologie des contenus
7
1) Le visuel interactif 7
a) Interface d'accueil et progression 7
b) Une diversité d'approches et de manières de
faire 9
2) Les récits interactifs 11
a) Le récit dont vous êtes le héros
11
b) Narration imposée vs narration « omnipotente
» 12
c) Nécessaire collaboration entre les auteurs et les
professionnels du web 13
d) La marque de fabrique Honkytonk 14
3) Les récits participatifs et/ou contributifs 14
a) La dimension participative/contributive 14
b) Une ambition de forme et de moyens 16
II. Les acteurs du secteur 18
1) Les diffuseurs 18
a) La presse écrite peu présente 18
b) Les chaînes de télévision 19
c) Une diffusion télé sinon rien ? 20
2) Le CNC 21
a) Les fondements du dispositif 21
b) Les mécanismes du dispositif actuel 22
c) Un rôle fondamental, destiné à
évoluer 23
d) Une réglementation en chantier 23
3) Les modèles émergents 24
a) Les agences web investissent le créneau de la
production 24
b) L'émergence de nouveaux producteurs de contenus
multimédias 25
c) Les producteurs traditionnels restent frileux 27
III. Notre projet 29
1) Etude de marché 29
a) Un marché naissant 29
b) La concurrence 30
2) La société 32
a) Son projet 32
b) Ses moyens, ses besoins 33
c) Sa structure 36
d) Son développement 37
3) Notre projet de collection « Dans les coulisses...»
37
a) Une collection pour affirmer notre identité et
créer un format 38
b) Le concept : une immersion ludique et pédagogique
dans un univers méconnu 39
c) Le cahier des charges 41
d) L'économie du projet : une collection «
crossmedia » 42
e) Plan de communication et marketing : une double approche
42
4) Diversification et perspectives 43
a) L'institutionnel 43
b) Marques et entreprises 44
c) Technologies et écritures nouvelles : les
perspectives 45
En conclusion 47
Ressources 49
Annexes 52
Introduction
Apparu en 2005, le web documentaire provoque, depuis l'an
dernier une véritable effervescence. Symbole de cet
intérêt, cette oeuvre d'un genre nouveau qui utilise les
possibilités nouvelles offertes par le web a été
primée, pour la première fois, au festival « Visa pour
l'image » consacré au photojournalisme. Depuis, nombre de festivals
ouvrent leur sélection au web documentaire ou se créent autour
des nouvelles productions sur le web, à l'image du web tv Festival de La
Rochelle qui s'est tenu en mai 2010 et qui a fait la part belle à ce
nouveau format.
Par le néologisme web documentaire, on désigne
les documentaires dont la conception, l'écriture et la
réalisation ont été pensées pour le web et qui sont
diffusés sur le web. Leur caractéristique : ils impliquent une
participation active de l'internaute à des degrés plus ou moins
importants en fonction des productions, ce qui nécessite une nouvelle
écriture. Multimédia par nature, interactif, participatif
parfois, ce nouveau type d'oeuvres est encore au stade de
l'expérimentation ce qui explique qu'il n'obéisse pour l'instant
à aucune règle.
Le format renouvelle l'écriture documentaire, remet en
question les codes du genre et lui offre de nouvelles perspectives. Il implique
des nouveaux modes de production, des nouvelles relations entre des acteurs
issus de secteurs différents: des journalistes presse aux chaînes
de télévision en passant par les techniciens du web. Le web
documentaire invite à repenser le rapport avec le public, le
différenciant ainsi d'autres types de supports. De ce fait, il illustre
la remise en cause des frontières qui semblaient établies dans
l'audiovisuel dans le contexte plus général des bouleversements
provoqués par internet. C'est ainsi un sujet qui nous semble
suffisamment transversal pour aborder des questions fondamentales sur le
secteur aujourd'hui.
Ce secteur, en pleine émergence, comporte, de fait, un
réel intérêt d'étude.
Nous sommes partis du constat qu'il existait une demande de la
part des diffuseurs qui avait du mal à être satisfaite du fait
d'un manque d'acteurs en capacité de porter des projets
conséquents et ambitieux : « Nous avons des difficultés
à trouver des auteurs et des producteurs. Il n'existe pas d'industrie de
la production audiovisuelle en ligne. On doit donc susciter un savoir
faire1 », estime Joël Ronez, responsable du pôle web
d'Arte France. Même si nous serons amenés à nuancer cette
affirmation, nous avons décidé de saisir cette opportunité
pour réfléchir à la création d'une
société spécialisée dans la production de web
documentaire, qui correspond par ailleurs à des centres
d'intérêt qui nous étaient communs.
L'évidence s'impose : il n'existe pas une
définition du web documentaire et le mot recense des
réalités très différentes. Il nous a donc
semblé nécessaire dès le départ de faire un
état des lieux de la production existante afin de tenter d'identifier
des tendances convergentes. Nous avons choisi de nous limiter aux oeuvres
françaises mises en ligne avant mai 2010 afin de circonscrire le
marché sur lequel nous allons nous positionner. A cet effet, nous avons
visionné les web documentaires existants pour recenser ceux
correspondant à un certain nombre de critères qui, à nos
yeux, étaient nécessaires pour entrer dans notre conception du
web documentaire : un minimum d'interactivité et l'exploitation de
plusieurs média différents (texte, vidéo, photos, son,
graphisme...). Il nous a semblé utile de les comparer au regard de leur
contenu, de leurs auteurs, de leurs moyens de production et de diffusion. De
cette matière, rassemblée dans un tableau2, nous avons
pu élaborer une typologie qui identifie trois
1 In Le Film Français n°3331
2 Cf. Annexe n°1
familles d'oeuvres : le visuel interactif, le récit
interactif, et le récit participatif et/ou contributif. Au delà
de cette classification des oeuvres, nous avons pu, grace à ce travail,
identifier les principaux acteurs du secteur français. Il reste que,
partout dans le monde, des projets de web documentaire se développent et
que nous avons bien conscience de cette dimension internationale. Sur le plan
théorique, le web documentaire est un format encore très jeune
qui reste donc à défricher. Nous avons consulté les
articles de presse de plus en plus nombreux consacrés au sujet mais qui
ont l'inconvénient de se recouper souvent. Les ressources internet sont
en revanche nombreuses : blogs spécialisés, débats
filmés, sites personnels des auteurs... Quels que soient les supports,
ce sont cependant souvent les mêmes intervenants qui s'expriment. Aussi,
pour enrichir cette recherche, nous avons contacté différents
professionnels qui nous semblaient pouvoir apporter un éclairage
complémentaire.
Dans une première partie, nous vous présenterons
la typologie proposée. Nous enchaînerons par une
présentation des acteurs du secteur. Enfin, dans une troisième
partie, nous exposerons notre projet de création de
société dédiée au web documentaire.
I. État des lieux : typologie des contenus
La réelle difficulté de la tâche
entreprise est d'aborder un secteur, un domaine, un mot unique, le « web
documentaire » qui recoupe des réalités fortement
dissemblables. Mais tout en ayant à l'esprit cette extrême
diversité, nous avons voulu proposer une typologie des contenus
basée sur un travail de recensement et d'étude des projets
français existants.
Ce qui fait la spécificité d'un web documentaire
est le fait que le spectateur n'est plus inactif et que cela suppose une
recherche particulière dans son écriture. La narration n'est des
lors plus forcément linéaire mais peut être
éclatée et le spectateur, du seul fait de sa capacité
à cliquer, interagit et modifie à son gré la construction
narrative au sein d'une arborescence qui peut revêtir des formes
très éloignées les unes des autres.
1) Le visuel interactif
Cette premiere catégorie concentre aujourd'hui la
grande majorité des web documentaires étudiés3.
Il s'agit de web documentaires pour lesquels l'interactivité consiste,
pour l'internaute, à choisir entre plusieurs entrées pour
accéder à des contenus qu'il peut voir dans un ordre
indéterminé, ce qui n'exclut pas que la présentation lui
suggère un ordre particulier.
a) Interface d'accueil et progression
D'une manière générale, il s'agit pour
l'auteur d'amener l'internaute à sélectionner une entrée
dans le web documentaire. L'entrée se fait le plus souvent par
theme4 ou par personnage5. Il s'agit évidemment
d'identifier assez rapidement ce qui est proposé, sans pour autant
annoncer le type de contenu que le spectateur va trouver. Dans le cas de «
Chanteloup, ma France6 », l'internaute est face à des
photos. En déplaçant sa souris sur l'une d'entre elles, il fait
apparaître un prénom et quelques lignes sur une vie. Il peut des
lors choisir le point d'entrée qu'il souhaite. L'interface d'accueil est
évidemment fondamentale pour donner envie d'aller plus loin.
Une autre entrée possible et fréquemment
utilisée pour la navigation de l'internaute, consiste à lui
présenter une carte7 l'amenant à cliquer sur l'endroit
où il souhaite se rendre. L'exemple choisi est celui d'«
iROCK8 », web documentaire sur les coulisses des
Eurockéennes de Belfort 2009. L'internaute a ici le choix entre trois
scenes du festival ou l'espace pro. Il peut encore, grâce à la
croix rouge en bas à droite de l'écran, accéder à
la liste de tous les artistes. En cliquant sur sa photo, la page qui s'ouvre
présente l'artiste, sa discographie, mais aussi un de ses clips via
Dailymotion. Elle donne aussi la possibilité de
télécharger sa musique en MP3 grâce au partenariat du site
d'Orange.
3 Cf. Annexe n°1
4 Cf. Visuel n°1, Annexe n°2
5 Cf. Visuel n°2, Annexe n°2
6
http://documentaires.france5.fr/webdocs/portraits-dun-nouveau-monde-emigration/chanteloup-ma-france
7 Cf. Visuel n°3, annexe n°2
8 http://irock.video-party.orange.fr/
Le choix d'utiliser une carte permettant d'orienter
l'internaute, a aussi été fait par les auteurs, par exemple, de
« La Cité des Mortes9 », d'« Adoma vers la
maison10 », de « Good Bye Lénine. .la rouille en
plus11».
Sur cette « page de garde », certains proposent une
lecture linéaire, d'autres pas du tout.
Les web documentaires correspondant le mieux à cette
typologie sont ceux produits par le Monde.fr qui en a d'ailleurs fait un format
pour la plupart des programmes qu'il produit luimême. Prenons le plus
connu en exemple, c'est-à-dire celui qui a obtenu le prix France 24- RFI
du web documentaire au festival Visa pour l'image en 2009. Dans « Le corps
incarcéré12 », l'internaute a accès
à un web documentaire essentiellement basé sur des photographies
sonorisées de façon linéaire ou pas. Dans sa version
linéaire, il peut suivre visuellement sa progression grâce
à un fil conducteur symbolisé par les mots marquants du
récit qui s'illuminent une fois passés13. En navigant
selon ses propres envies, il peut sélectionner un des cinq grands
thèmes comme « le corps fouillé » correspondant
à 2 ou 3 minutes de contenu ou aller directement à un mot
particulier en dessous. Au-delà, il peut sélectionner trois
vidéos d'experts qui abordent chacun un theme particulier en 2 minutes
(le sexe, la musculation...). Il est donc proposé à l'internaute
un contenu global et cohérent de 14 minutes 48 mais qui peut aussi
être découpé en thèmes sélectionnables
individuellement, eux-mêmes encore fragmentables. Et tout le travail
d'écriture vise à ce que, dans les deux cas, le programme fasse
sens. A cela s'ajoute quatre photos en bas à droite de l'écran,
correspondant aux quatre personnes interviewées dont on entend les voix
sur les images. En cliquant sur la photo, l'internaute accède à
un court texte sur leur histoire. Les web documentaires « Mon catcheur ce
héros », « Le corps handicapé vivre après
l'accident » ou « Histoire d'oeufs » sont sensiblement
construits sur le même modèle.
Le Monde.fr propose, de fait, un format qui a le mérite
d'être identifiant. L'internaute qui a vu « Le Corps
incarcéré » sait ainsi assez spontanément se
déplacer au sein du « Corps handicapé14 ».
Au-delà de l'aspect collection qui montre l'envie du journal de
travailler sur un thème particulier (en l'occurrence le corps), il
permet aussi de se concentrer sur le contenu et non plus sur la seule ergonomie
du web documentaire.
Cette narration, parfois appelée narration en
étoile, donne en général à l'internaute le
sentiment d'être libre et pleinement acteur, mais parfois au
détriment du récit. Car il faut une réelle
réflexion narrative pour arriver à optimiser les capacités
offertes par le web. Il faut veiller, comme le dit Samuel Bollendorff qui
réfléchit beaucoup aux modes d'écriture adaptés au
web : « à pouvoir raconter plusieurs histoires en même temps,
à les entremêler tout en gardant en permanence du sens, tout en
s'assurant qu'il y ait des points clefs par lesquels on passe
forcément15 ». Il faut à la fois que chacun
puisse avoir son parcours de lecture individualisé mais sans dissoudre
le récit.
Parfois, comme dans « Piraterie en Somalie », le
choix est fait d'insister sur la linéarité du contenu mais cela
amène l'internaute à ne pouvoir agir pour passer à
l'écran suivant qu'en cliquant sur « continuer » à
chaque page, ce qui réduit à son minimum l'interactivité
offerte. A l'inverse dans « Etudes et Thunes16 »,
l'internaute peut véritablement passer d'un theme à
9 http://www.lacitedesmortes.net/
10 http://www.thierrycaron.com/
11 http://www.good-bye-lenine-la-rouille-en-plus.eu/
12
http://www.lemonde.fr/societe/visuel/2009/06/22/le-corps-incarcere
1209087 3224.html
13 Cf. Visuel n°4, annexe n°2
14
http://www.lemonde.fr/a-la-une/visuel/2010/04/09/le-corps-handicape-vivre-apres-l-accident13309803208.html
15 Interview de Samuel Bollendorff, Cf. Annexe n°6
16 http://www.etudes-et-thunes.com/
l'autre et, à l'intérieur de chaque theme, d'un
personnage à l'autre, tout en restant dans la construction globale d'une
enquête sur l'argent des étudiants dont chaque contenu apporte un
élément, donc une information.
b) Une diversité d'approches et de manières de
faire
Ne nous y trompons pas, cette catégorie ne renferme pas
des web documentaires qui se ressemblent forcément. Leur point commun
réside dans ce qu'ils proposent à l'internaute dans son rapport
à ce type de contenus. La catégorie « visuel interactif
» ne suppose d'ailleurs pas non plus le choix d'un média dominant
particulier. Certains sont plus basés sur de la photographie et du son
comme « Le Corps incarcéré » quand d'autres se
concentrent beaucoup plus sur de courtes vidéos comme « La crise du
lait " ou « Haïti, la vie au milieu des ruines ». Et
l'intérêt pour l'auteur réside souvent dans le choix du
contenu le plus pertinent. Il est à noter, dans de nombreuses interviews
d'auteurs, l'importance consacrée au son qui permet de créer un
univers ou de mettre en exergue une parole. Car l'internaute est, comme nous
l'a rappelé Thierry Caron, captif. Il est devant un écran et
choisit d'entrer au moment qu'il veut dans le web documentaire. Pour l'auteur
c'est sans nul doute une chance incroyable. Mais, comme à ce stade, rien
n'est acquis, tout est mouvant, le public « est tellement impalpable qu'il
n'y a pas de regles17 ".
De la même manière, chaque web documentaire est
un objet multimédia singulier et les modes de fabrication peuvent
refléter des réalités très différentes.
Il est néanmoins intéressant de constater que
pour un certain nombre de web documentaires de ce type, c'est d'abord « la
matière » qui a fait l'objet. C'est le cas du premier web
documentaire de la Collection « Portraits d'un nouveau Monde " ou,
justement, d'«Adoma vers la maison " de Thierry Caron.
Car on retrouve dans cette catégorie, et seulement dans
celle-là, les web documentaires autoproduits, ceux de ces acteurs qui,
seuls à un moment donné, ont voulu créer
différemment, souvent sur la base d'une matière initialement
récoltée pour un autre usage. C'est le cas de nombreux
photographes comme Thierry Caron et son web documentaire pour lequel il avait
effectué initialement un reportage photographique qu'il a
été amené à transformer en web documentaire pour
tenter d'être sélectionné (avec succès d'ailleurs)
pour le prix RFI-France 24 de Visa pour l'image. C'est aussi le cas de «
La route de la Faim18 ", dans la mesure où les deux auteurs
du web documentaire Jean Abbiateci (journaliste) et Julien Tack (photographe)
restent sur place pour alimenter leur blog, faire un web documentaire ou vendre
un reportage photo. C'est sans nul doute, dans un genre différent, le
cas des web documentaires réalisés au sein de rédactions
(DNA, France 24) dont les journalistes collectent images et interviews, sorte
d'information brute, qui pourront, par la suite, servir plusieurs usages. Il
s'agit, des lors pour eux, d'utiliser les meilleurs vecteurs de diffusion pour
la matière qu'ils veulent donner à voir. Pour les photographes
engagés dans cette forme nouvelle de création, la vitrine offerte
par le net est indéniablement un attrait.
La fabrication quant à elle, revêt des
réalités très diverses. David Castello-Lopes
auteur d'« Histoire d'oeufs19 ", web documentaire
correspondant au format du Monde.fr, précise que « l'ensemble du
projet a pris trois semaines pleines. Une semaine pour créer et ajuster
le
17 Interview de Thierry Caron, Cf. Annexe n°8
18
http://www.espritblog.com/wp-content/uploads/2009/04/web_reportage.html
19
http://www.lemonde.fr/societe/visuel/2009/12/15/histoire-d-oeufs_1278320_3224.html
graphisme puis programmer l'animation Flash, quatre jours pour
la documentation et les prises de rendez-vous, trois jours pour le tournage
(à Paris, dans l'Eure et dans la Somme) et une semaine pour le montage,
le mixage et l'exportation20 ». Selon Satellinet, « Les
bras de la France21 », web documentaire de la rédaction
de France 24 sur des travailleurs maliens en Bretagne, a mobilisé quatre
personnes durant trois semaines.
Soren Seelow, auteur du « Corps incarcéré
», s'est lui « occupé à plein temps pendant 3 mois de
la partie journalistique, les enquêtes, les interviews, les
reportages22 » puis a travaillé avec un journaliste du
monde.fr pour passer de 8 heures de rush
son aux 15 minutes utilisées dans le web documentaire final.
Jean-François Fernandez et Emmanuel Leclère
détaillent de manière très précise23 le
temps qu'il leur a fallu pour créer leur web documentaire. Il n'est
évidemment pas possible de comparer leur démarche avec celle des
journalistes d'une rédaction, ou avec celle des auteurs de « la
Cité des Mortes » qui ont tenté de mener de front la
parution d'un ouvrage, la mise en ligne d'un web documentaire et d'un blog et
la diffusion d'un documentaire sur le même sujet.
Il reste qu'ils ont tous créé un objet
multimédia avec une écriture particulière et dont le
résultat permet, dans leur diversité, de les rassembler dans une
catégorie d'oeuvre commune.
FOCUS : Le web documentaire avenir du photojournalisme
?
Agence Gamma dépose le bilan, Agence Sygma en
liquidation judiciaire sans candidat à la reprise, multiplication de
l'utilisation de visuels gratuits ou dits « DR » (droits
réservés) par les éditeurs médias, la crise qui
secoue le photojournalisme est puissante et indéniable. De fait, la
remise, il y a quelques mois, lors du festival de photojournalisme le plus
reconnu « Visa pour l'Image » d'un prix décerné
à des auteurs de web documentaires a subitement amené à se
poser la question : le web documentaire est-il l'avenir du photojournalisme ?
L'espoir pouvait-il renaître de cette forme encore mal identifiée
mais qui permettait là, à Perpignan, à quelques
photographes d'être reconnus pour une nouvelle facette de leur travail.
Quelques grandes figures du métier comme Alain Genestar parlent de
renaissance quand d'autres montrent un grand scepticisme. Alors, le web
documentaire est-il le parent pauvre du photojournalisme ou son avenir? Sans
doute ni l'un, ni l'autre. Le web offre naturellement une capacité de
diffusion incomparable avec celle offerte par la presse écrite. Mais si
le web documentaire peut être un nouveau support du photojournalisme,
tout photojournaliste ne va pas, demain, se transformer en auteur de web
documentaire. Faire de la vidéo, se mettre à l'infographie : ce
n'est plus le même métier. Il reste que cette diversification est
actuellement considérée comme un débouché possible,
un nouvel horizon dans un secteur qui broie du noir. Le lancement en 2008 du
projet « Anthropographia »24, à la fois concours
international, initiateur d'expositions à travers le monde, et
webmagazine en témoigne : en sélectionnant des oeuvres exigeantes
basées sur des nouvelles formes de récit, il a suscité un
réel engouement dans la profession.
|
20
http://www.digital-storytelling.org/index.php/2009/12/16/78-lemondefr-met-en-ligne-histoire-d-oeufs-un-nouveaudocumentaire-multimedia
21
http://www.france24.com/static/infographies/webdocumentaire-travailleur-malien-bras-france-collinee-bretagne-abattoirkermene-immigration/index.html
22
http://www.lafabriquedelinfo.fr/produits-finis/56-produits-finis/203-webdoc-2?start=2
23 Interviews de Jean-François Fernandez et d'Emmanuel
Leclère, Cf. Annexe n°7
24
http://www.anthropographia.org
2) Les récits interactifs
De notre recensement des productions existantes, émerge
une deuxième catégorie de web documentaires : les récits
interactifs. Au lieu de « picorer » des informations et des
témoignages au gré de ses envies comme dans les visuels
interactifs, l'internaute est cette fois placé dans la peau d'un
reporter ou d'un explorateur. A lui de mener l'enquête, de poser les
questions, tout au long d'un parcours qu'il ne maîtrise qu'en partie. A
la clef, une expérience qui s'approche de celle du jeu vidéo avec
souvent en toile de fond une enquête journalistique approfondie.
a) Le récit dont vous êtes le héros
Comme dans « les livres dont vous êtes le
héros », où le déroulement du récit est
déterminé par les choix du lecteur, l'internaute qui s'engage
dans un récit interactif a la possibilité de choisir son
parcours. Placé aux commandes d'une enquête, il pourra au choix
décider de sa prochaine destination, choisir une nouvelle personne
à interviewer ou déterminer les questions qu'il souhaite poser
à un témoin. Chaque étape apporte un éclairage ou
un point de vue supplémentaire à l'internaute qui avance ainsi
dans ses investigations à mesure qu'il chemine dans le web documentaire.
Le récit, qui se fait souvent à la première personne du
singulier, accentue l'impression d'immersion du lecteur et brouille la
frontière entre fiction et réalité.
« Voyage au Bout du Charbon25» du
photographe Samuel Bollendorff et du journaliste Abel Ségrétin, a
établi les codes du genre. Mis en ligne sur le site du Monde.fr en
décembre 2008, il a été vu plus de 200.000 fois alors que
son sujet est pourtant loin d'être évident : le quotidien des
mineurs du Shanxi en Chine. Bâti à partir des matériaux
classiques d'un documentaire (faits documentés, interviews, cartes),
« Voyage au bout du Charbon » a été conçu pour
faire jouer un rôle actif à l'internaute. « Vous êtes
journaliste indépendant. Vous avez décidé de mener une
grande enquête en Chine sur les conditions de travail des ouvriers qui
chaque jour recommencent `le miracle économique chinois' »,
énonce la première page. L'internaute décide de son
parcours à la fin de chaque séquence : il peut « visiter la
mine d'Etat », ou « partir à la recherche de mineurs »,
« reprendre la route » ou interviewer des témoins. Le
résultat est un mélange de documentaire, de fiction et de jeu
vidéo. « Ce n'est pas un reportage pur, il y a des choses qu'on a
été obligé de réécrire et c'est pour
ça qu'il y a un avertissement au départ. Mais en même
temps, on est vraiment dans une enquête poussée et finalement je
crois qu'on est plus proche de la réalité que peut l'être
un reportage du journal télévisé de 20 heures »,
explique Samuel Bollendorff dans une interview au Monde.fr26.
L'internaute est le héros du récit mais il n'en
a pas toutes les clefs. Son parcours est en réalité
encadré et les options ne sont pas infinies : choix entre quatre
questions prédéfinies, entre deux profils, entre un nombre
limité de destinations... L'écriture des récits
interactifs repose sur un scénario préécrit avec le plus
souvent un début, des péripéties et une fin. La trame de
fond est donc linéaire comme dans un documentaire classique mais avec
l'interactivité en plus. Tout est ensuite affaire de dosages.
25
http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/visuel/2008/11/17/voyage-au-bout-du-charbon_1118477_3216.html
26 18/11/2008
Dans « Thanatorama27», l'internaute est
invité à prendre part à une aventure « dont il sera
le héros mort ». Ce projet original sur l'univers du monde
funéraire promet une expérience inédite : découvrir
le parcours de notre corps une fois que le coeur s'est arrêté.
« Vous êtes mort ce matin, est-ce que la suite vous intéresse
? » demande la voix « off » qui accompagne l'ensemble du
récit. Dans ce web documentaire produit en 2007 par Upian,
l'interactivité est relativement discrète et la
linéarité du récit privilégiée. Comme le
montre la cartographie des chapitres28, le récit offre
plusieurs options à l'internaute mais elles le ramènent
inévitablement à un même fil conducteur. Ainsi, dans la
premiere séquence, l'internaute, qui vient d'apprendre son
décès virtuel, doit préciser s'il a souscrit ou non un
contrat d'obseques. Qu'il ait répondu par l'affirmative ou par la
négative, il se retrouvera de toute façon à l'étape
suivante au funérarium. L'accent est mis sur l'expérience de
l'utilisateur grace à un graphisme et une ambiance sonore très
étudiés, une série de photographies parfois crues et un
commentaire dont l'humour tranche avec le caractère morbide du sujet.
Par comparaison, « Le Challenge29 » donne
davantage de liberté à l'internaute qui est invité
à se mettre dans la peau d'un journaliste indépendant pour
enquêter sur le procès qui oppose la multinationale Chevron-Texaco
à un groupe de paysans et d'indiens en Equateur. Ceux-ci
réclament 27 milliards de dollars pour les dommages environnementaux et
sanitaires causés par le géant pétrolier. Grace à
une carte interactive, l'utilisateur a la possibilité de mener son
enquête sur un mode quasi-linéaire mais il peut aussi naviguer de
thème en thème. Un « bloc-notes » est également
à sa disposition pour des informations politiques, historiques et
géographiques. A l'utilisateur, au final, de faire sa propre opinion.
b) Narration imposée vs narration « omnipotente
»
Le « cheminement contrôlé » est ce qui
distingue les récits des visuels interactifs où l'internaute est
omnipotent : il peut aller où il veut quand il veut, parfois au risque
d'un manque de profondeur narrative. Dans le récit interactif au
contraire, l'accent est mis sur le point de vue de l'auteur qui constitue la
trame du web documentaire. La distinction est toutefois très
schématique et toute une palette de nuances existe entre les deux
formules.
Certains web documentaires sont à la frontière
des genres comme « La Cité des mortes30» produit en
2005 par Upian. Diffusé sur un site internet dédié, il a
accompagné la sortie du livre « La ville qui tue les
femmes31», des journalistes Jean-Christophe Rampal et Marc
Fernandez qui ont mené deux ans d'enquête sur la ville mexicaine
de Ciudad Juarez où près de 400 femmes ont été
assassinées et 500 autres ont disparu depuis 1993. De cette
investigation, ils ont également réalisé un documentaire
diffusé sur Canal +. Le postulat de départ est identique à
celui des sujets qui viennent d'être cités : faire jouer un
rôle actif à l'internaute en lui donnant différentes clefs
pour mener sa propre enquête. En naviguant sur les ondes de radio Ciudad,
il peut ainsi accéder à différents témoignages (un
avocat, un enquêteur, un criminologue, le pere d'une victime ...). Il
peut aussi consulter une carte qui situe les différents acteurs et les
lieux du drame, cliquer sur les fiches signalétiques des victimes, faire
défiler un portfolio de photos prises par les journalistes pendant leur
enquête. L'ensemble du site possede par ailleurs une unité
visuelle forte qui renforce l'impression
27 http://www.thanatorama.com/
28 Cf. Visuel n°1, Annexe n°3
29
http://www.canalplus.fr/pid3400.html
30
http://www.lacitedesmortes.net
31 Hachette Littérature, 2005
d'immersion de l'internaute. En revanche, aucune trame
narrative ne relie ces différents éléments qui cohabitent
de manière indépendante. C'est à l'internaute de
recréer sa propre narration et de remettre les différents
éléments en perspective, ce qui peut s'avérer fastidieux
et frustrant. « La Cité des mortes » peut s'analyser comme une
tentative de récit interactif mais qui se rapproche davantage du visuel
interactif en raison de la délinéarisation totale du
récit. Cela s'explique sans doute par le fait que les auteurs ont
conçu le site internet comme un complément à leur livre
enquête. Ainsi, chaque photo comporte le numéro de chapitre du
livre qui s'y rapporte et les fiches signalétiques des victimes sont
présentées comme « un complément visuel et une aide
à la lecture ». Pour Joël Ronez, directeur du pôle web
d'Arte France, il est important qu'un web documentaire puisse exister de
manière autonome même s'il est pensé des le départ
comme le pendant d'une diffusion télé par exemple. « On a
voulu d'abord produire, et c'est encore notre critère aujourd'hui, des
choses qui tiennent debout toutes seules sur le web " a-t-il expliqué
à l'occasion de l'atelier « Doc on Web " organisé par la
SCAM, le 20 janvier 201032. « On les développe de
manière autonome et on a comme condition qu'il n'y ait pas besoin
d'antenne pour que cela fonctionne. (...) Cela nous a permis aussi d'explorer
de nouvelles formes de narration, de nouvelles formes de productions, de
recherche d'interfaces ".
c) Nécessaire collaboration entre les auteurs et les
professionnels du web
Cette deuxième catégorie de sujets est beaucoup
plus homogène que la première mais aussi beaucoup moins fournie.
Au total, seulement une demi-douzaine des productions recensées dans
notre typologie correspondent à ce type de narration.
L'élaboration d'un récit interactif demande souvent plus de
travail qu'un dossier multimédia mais aussi un budget plus
conséquent : 65 000 euros pour « The Big Issue,
l'Obésité est-elle une fatalité ?33", 50 000
euros pour « Le Challenge " contre 30 000 euros pour « Le corps
incarcéré " par exemple. Autres caractéristiques de ces
web documentaires, ils sont souvent plus longs que les visuels interactifs
(plus de 30 minutes en moyenne) et le support vidéo est davantage
présent.
Surtout, ils nécessitent un travail important en terme
d'interactivité : choix de l'interface, des modes de parcours de
l'internaute, liens, graphisme, base de données . .« Le principe de
l'interactivité, inspiré du jeu vidéo, nécessite
l'écriture d'un synopsis extrêmement précis. Un vrai
casse-tête ! Car mon matériau, c'est le réel. Il faut donc
faire preuve d'imagination sans pour autant le trahir ", explique Laetitita
Moreau34, l'auteur de « Le Challenge ", sa première
expérience dans le web documentaire après la réalisation
de plusieurs documentaires « traditionnels ". Pour « Voyage au bout
du charbon ", les auteurs ont mené une réflexion approfondie sur
l'interface avec la société de production Honkytonk et l'agence
web 31 Septembre, qui ont depuis fusionné. Plusieurs tests ont
été effectués pour aboutir à la réalisation
d'une maquette. Cette collaboration nécessaire avec les professionnels
du web n'est pas toujours évidente, comme l'explique Samuel Bollendorff
à propos de son travail sur « Voyage au bout du charbon " avec un
développeur35. « C'est compliqué parce que ce
n'est pas du tout la même culture. (...) Il était tres sympa et
tres performant mais le problème c'est qu'il faisait du code. Donc moi,
à chaque fois que je disais : cette image on pourrait l'afficher
32
http://www.dailymotion.com/video/xc0dia
doc-on-web creation#from=embed?start=2
33
http://www.curiosphere.tv/ressource/22876-lobesite-est-elle-une-fatalite
34 Interview dans Télérama, 22 février
2010
35 Samuel Bollendorff, Op. Cit.
une seconde de plus, lui passait 15 minutes à une
demi-heure de transcription. C'était extrêmement chronophage ".
d) La marque de fabrique Honkytonk
Sur la demi-douzaine de web documentaires que nous avons
rangés dans cette catégorie, la plupart ont été
produits par la société Honkytonk, dont c'est devenu en quelque
sorte « la marque de fabrique ». La jeune société s'est
spécialisée depuis deux ans et demi dans le web documentaire avec
pour objectif d'écrire des « histoires interactives " qui tirent
parti de toutes les potentialités de visionnage sur le web. Dans «
Le Challenge ", « Voyage au bout du charbon " ou « The Big Issue :
l'Obésité est-elle une fatalité ", les récits
empruntent des formes différentes - enquête journalistique pour le
premier, reportage dans le deuxième et documentaire pédagogique
pour le dernier - mais ils pourraient tous se résumer ainsi «
L'Aventure dont vous êtes le héros ". Au-delà de la
narration, les trois web documentaires comportent de nombreuses similitudes en
terme d'interface graphique, de modes de navigation, de liens. De « Big
Issue " à « Le Challenge ", on retrouve des formats de questions
identiques et les mêmes interviews de témoins parfois
représentés par des photos fixes36. Il y a donc un
« format Honkytonk » qui constitue d'un début
d'industrialisation de la production et permet notamment de réduire les
coüts de développement sur l'interface, ce qui n'empêche par
la société de produire d'autres projets comme des visuels
interactifs à l'image de « iROCK".
3) Les récits participatifs et/ou contributifs
Parmi les web documentaires, si les visuels interactifs
modernisent l'écriture documentaire en utilisant une des
caractéristiques principales du web, à savoir le
multimédia, et que les récits interactifs développent des
possibilités d'interactions avec le public, les récits que nous
qualifierons de participatifs et/ou contributifs, apportent une dimension
supplémentaire à ces deux catégories en travaillant la
troisième grande caractéristique du web : le
participatif/contributif. Pour schématiser, cette catégorie
d'oeuvre pourrait être au web documentaire classique ce que le web 2.0
est à internet. D'ailleurs, du web 2.0 elle reprend le grand principe -
la possibilité de partager de l'information sur le net d'une
façon à la fois communautaire et personnalisée - pour
favoriser l'apparition de nouvelles formes, écritures ou interactions
avec l'internaute.
a) La dimension participative/contributive
Au sein de cette catégorie on peut citer le diptyque de
Serge Gordey produit pour Arte : « Gaza/Sderot37 " et «
Havana/Miami38 ", qui décline un même format
intitulé "synchronicité". Comme l'explique Joël Ronez,
responsable du pôle web d'Arte France : « Il s'agit de relater au
jour le jour, avec des vidéos parallèles, la vie de deux endroits
en
36 Cf. Visuels n°2 et n°3, Annexe n°3
37 http://gaza-sderot.arte.tv/
38 http://havana-miami.arte.tv/
opposition, symbolique ou réelle39 ».
Concrètement, cela se traduit par une division de l'écran en deux
fenêtres40, chacune présentant, à une
date donnée, une rencontre avec un habitant de chacun des deux endroits.
Les vidéos sont consultables par date (sur une frise chronologique
correspondant aux dates de mises en ligne qui se sont déroulées
sur 3 mois), par personnage, par lieu ou même par theme. C'est donc
l'internaute qui choisit sa navigation dans le récit, au sein de
près de 80 modules pour créer des interactions entre les
personnages : ressemblances, différences, oppositions, échos...
L'interactivité gagne en profondeur, l'internaute pouvant lui-même
éditorialiser les contenus. Au-delà de cette interface,
l'internaute est également invité à interagir avec le
contenu grâce à un espace participatif, accessible depuis chaque
vidéo, qui lui permet de déposer un contenu texte, photo ou bien
vidéo (forcément importée depuis Youtube, Daylimotion ou
Viméo) en réaction aux vidéos proposées et de
partager ces réactions, ou les vidéos du programme, sur Twitter,
Facebook, sur un blog ou par email. La force du dispositif est en fait la
production et la mise en ligne progressive des modules. Elle permet, sur cette
période, une interaction directe entre les internautes et les auteurs ou
les personnages qui peuvent à leur tour réagir aux commentaires
des internautes.
Web documentaire évènement, « Prison
Valley41 », de David Dufresne et Philippe Brault,
s'inscrit dans cette continuité en développant davantage le
projet dans une dimension communautaire. Des l'arrivée sur le site, il
est proposé à l'internaute de s'inscrire pour intégrer la
communauté « Prison Valley » et par la suite, de reprendre une
session là où il l'aurait arrêtée. Cette inscription
peut se faire de manière classique, en communiquant son adresse email,
ou plus novatrice, en faisant le lien directement avec son profil Facebook ou
Twitter. Il est même proposé à l'internaute de mettre
à jour son profil automatiquement en fonction de son parcours dans le
web documentaire (initialement cette mise à jour était
automatique, devant les plaintes de nombreux utilisateurs trouvant le
dispositif trop intrusif, elle est devenue optionnelle). Cette inscription
faite et après une vidéo d'introduction, l'internaute arrive dans
une chambre d'hôtel qui jouera le rôle de menu dans la
navigation42. Dès lors, il aura la surprise de voir
son pseudo apparaître en bas de l'écran, indiquant qu'il «
est ici », ainsi que ceux des autres personnes présentes avec lui
sur le site, ou celles qui ne sont « plus ici », cette astuce a pour
mérite de matérialiser l'expérience collective et sociale
qu'est internet. Cette page propose également une icône qui permet
également la discussion directe entre les personnes présentes
à la maniere d'un chat43. Dans cette même
logique, le web documentaire ménage un espace important aux discussions
autour du thème - l'industrie de la prison - pour favoriser
l'échange entre les internautes mais aussi entre eux et les auteurs ou
des intervenants sur le sujet, ou même avec les personnages du
documentaire auxquels il est possible de laisser un message.
Reprenant à son compte le concept de «
Lonelygirl1544 », faux vidéo-blog d'une
adolescente angoissée et vraie fiction d'un nouveau genre, « Twenty
Show45 », produit par la société Zadig,
pousse davantage la dimension participative en réalisant une oeuvre
hybride à partir des contributions des internautes. Pour Bruno Nahon,
producteur, le projet était le suivant : tenter de « raconter la
jeunesse de façon organique et non préméditée, loin
de la télévision et du journalisme46 ».
39 « Gaza-Sderot, des terres vues du Web: trois questions au
responsable du pôle Web d'Arte France », Anne Kerloc'h,
20minutes.fr, 26/10/2008
40 Cf. Visuels n°1 et n°2, Annexe n°4
41
http://prisonvalley.arte.tv
42 Cf. Visuel n°3, Annexe n°4
43 Cf. Visuel n°3, Annexe n°4
44
http://www.lg15.com/lonelygirl15
45
http://www.myspace.com/twentyshow
46 Compte rendu de la rencontre CNC/SACD 2009/2010 - 17 novembre
2009 -- Utilisation d'internet comme outil d'écriture : quelles
méthodes de travail entre les auteurs du web, du cinéma et de la
télévision ?
Pour se faire, en complément d'Arte, la production a
sollicité MySpace pour jouer le rôle d'interface entre les auteurs
et les jeunes, l'idée étant de trouver des jeunes qui racontent
leur vie dans leur propre langue. Dans ce but, le producteur a
créé des fictions, à la manière de
vidéo-blogs, avec cinq équipes de tournage (auteurs,
réalisateurs, caméras, comédiens). Cinquante
épisodes ont été réalisés et proposés
sur le web, dès lors de véritables contributions sont
arrivées, reprenant les codes mis en place par les fictions. A partir de
ces contributions, une seconde équipe a réalisé de
nouvelles fictions où des comédiens jouaient en temps réel
dix épisodes de trois minutes. Au final, un film de 90 minutes a
été réalisé et diffusé sur Arte, en
mélangeant ces trois niveaux d'images : les fictions, les contributions,
et les fictions réalisées à partir des contributions.
« Twenty Show », à tous les niveaux, dépasse le cadre
du web documentaire : web docu-fiction contributif ? Projet transmédia ?
Définir « Twenty Show » n'est pas évident, mais il
permet d'esquisser une piste dans laquelle s'engage de plus en plus le web
documentaire, à l'image par exemple de « PIB, l'indice humain de la
crise économique canadienne47 » web documentaire de
l'Office national du film du Canada qui ambitionne de témoigner des
effets à long terme de la crise sur la vie des Canadiens en faisant
appel à leurs contributions.
b) Une ambition de forme et de moyens
Outre cette dimension participative et/ou contributive, ces
web documentaires ambitieux ont en commun d'être des formats longs (entre
59 et 160 minutes), avec une position dominante de la vidéo. Par leur
structure, ils se rapprochent des visuels interactifs en ce qu'ils sont
composés de modules qui sont autant de récits et d'entrées
possibles à l'intérieur du récit, mais par leur
caractère immersif, ils s'apparentent davantage aux récits
interactifs. Une richesse de contenus qui permet une navigation très
libre tout en donnant à l'internaute un sentiment de
linéarité et de constante découverte.
Bien entendu, cette richesse de contenus et cette ambition de
la forme a un coût, et pas des moindres. Avec des budgets
dépassant les 200 000 €, ces quatre oeuvres font office de supers
productions dans le monde sous-financé du web documentaire. De fait,
leur montage financier présente un intérêt évident
quant à l'étude économique du secteur. Premiere
caractéristique, la plus décisive, ces quatre projets
bénéficient tous de la participation d'un diffuseur audiovisuel,
qui plus est du même, Arte. Nous reviendrons par la suite sur le
rôle particulier qu'endosse Arte dans ce secteur, mais l'on peut d'ores
et déjà affirmer que ces productions n'auraient pas vu le jour
sans son solide investissement. En couvrant à chaque fois plus du tiers
du devis, Arte assume le rôle de diffuseur conformément à
ses pratiques en matière d'audiovisuel. Il est probable, au regard des
autres projets soutenus par la chaîne, que cet investissement
conséquent a été permis grâce à une
déclinaison antenne du web documentaire. En effet chacun de ces projets
a donné, ou donnera lieu à un programme audiovisuel qui n'est
autre qu'un remontage, voire une simple transposition des contenus web (ceci
expliquant aussi la forte dominance de la vidéo sur ces projets,
finalement plus proches en termes de moyens de productions audiovisuelles que
de contenus web). Dans les faits, Arte s'engage à la fois sur une
participation ou coproduction de l'oeuvre web et sur l'achat de droits
d'antenne pour la déclinaison, sur deux budgets différents :
l'antenne et le pôle web. Autre point commun, ces projets ont
été également financés dans les mêmes
proportions par le CNC qui a suivi dans sa logique de soutien aux oeuvres pour
les nouveaux médias, l'effort engagé par le
47
http://pib.onf.ca/index
diffuseur. Ces deux financements importants ne couvrent pas
pour autant l'intégralité des devis. Les producteurs ont donc
été obligés, à la manière de la production
audiovisuelle classique, de diversifier les sources de financements
complémentaires pour boucler leur budget. C'est le cas par exemple du
diptyque de Serge Gordey, lequel bien que monté avec deux structures de
production déléguée différentes pour chacun des
projets48, s'appuie sur une démarche similaire de
coproduction internationale avec les pays de tournage. Ainsi chacun des
producteurs responsables du tournage sur place est devenu co-producteur de
l'oeuvre. Pour « Prison Valley », dont l'équilibre financier
n'est pas encore atteint, le producteur Upian, a fait le pari d'une approche
crossmedia en multipliant les supports de diffusion (application iPhone,
exposition, publication d'un livre) et des partenaires.
Au regard de l'ambition de ces projets et des sommes investies
un important dispositif promotionnel a été mis en place sur ces
productions, favorisé par la qualité cross ou trans média
des oeuvres qui leur assure une meilleure visibilité. Il faut dire que
la dimension contributive mise en jeu dans ces projets implique une importante
communication pour créer « l'appel » aux contributions. Une
fois que la machine est lancée elle s'emballe rapidement mais auparavant
elle a besoin d'un minimum de soutien. Contrairement aux diffusions
audiovisuelles qui font quasiment l'intégralité de leur public en
une seule fois, les web documentaires, en l'absence de rendez-vous
précis, imposent une fréquentation sur la longueur, l'audience
connaissant un pic d'affluence au moment de son lancement qui ralentit assez
rapidement avant de se stabiliser. La stratégie employée par Arte
pour accompagner le lancement de « Prison Valley " est sur ce point
remarquable : une conférence de presse quelques jours avant l'ouverture
du site, une forte représentation des auteurs, producteurs et même
de la chaîne dans les médias au moment de la mise en ligne et une
multitude d'animations tout au long d'une période de promotion du site
qui va durer deux mois. L'idée d'Arte est de porter suffisamment le web
documentaire pour lui assurer 400 000 visites durant cette période. Si
les premiers chiffres n'ont pas été communiqués, les
producteurs se félicitent pour l'heure de la durée de visionnage
qui dépasse le quart d'heure, soit bien plus que les 4 minutes de
moyenne sur les sites de vidéo. Les partenaires jouent également
un rôle important dans la visibilité de ces programmes. «
Prison Valley ", « Gaza/Sderot " et « Havana/Miami ", sont
hébergés sur des sites dédiés. Même si Arte
leur accorde une visibilité temporaire sur sa page d'accueil, le seul
moyen pour ces sites d'exister est de multiplier leurs portes d'entrées.
Leur structure épisodique facilite cette logique en permettant aux sites
partenaires de mettre en ligne des modules sur leur site (France Inter,
Libération, Le Monde...), dans cette même logique, l'internaute,
en exportant certaines vidéos sur son blog, participe à sa
diffusion.
Cette dernière catégorie, sans doute la plus
ambitieuse en termes de moyens et d'innovation, fait apparaître le
rôle prépondérant des diffuseurs de
télévision, ce qui relève du paradoxe pour un format
destiné aux nouveaux supports de diffusion. Comme pour les autres
productions audiovisuelles classiques, le web documentaire est en outre
largement soutenu par le CNC dont l'ambition est de parvenir à une
certaine professionnalisation du secteur.
48 Bo Travail ! pour « Gaza/Sderot " et Alegria pour «
Havana/Miami "
II. Les acteurs du secteur
1) Les diffuseurs
a) La presse écrite peu présente
Indéniablement, la presse écrite ne s'est pas
encore réellement investie dans ce domaine. La crise profonde qu'elle
traverse actuellement, l'attente d'un nouveau modèle économique
sur internet qui ne se dessine pas encore, amènent les éditeurs
de presse à être encore bien frileux. Mais parallèlement et
paradoxalement peut-être, ils attendent beaucoup des nouveaux usages et
des nouveaux formats pour qu'émerge un nouveau modèle
économique, notamment grace à l'arrivée des tablettes. Il
faut dire que le lancement de l'iPad cristallise actuellement tous les espoirs.
Quotidiens et magazines sont actuellement nombreux à proposer ou
annoncer des applications nouvelles.
Il est à noter la place singulière du journal Le
Monde qui est actuellement le seul quotidien à s'être mis sur le
créneau du web documentaire. Indéniablement le quotidien a fait
le choix de se positionner sur le secteur, sans nul doute pour ne pas s'en
exclure, et peut être plus pour une question d'image que de valorisation
de ce type de formats, et sans investissement financier réellement
significatif. Néanmoins, il a réussi à être un
acteur visible. Difficile de connaître les montants engagés dans
les contenus. On sait que 2 000 euros ont été engagés pour
« Voyage au bout du charbon », l'un des premiers web documentaires
diffusés par le site du journal. Par contre, le quotidien ne communique
pas de chiffres pour les web documentaires élaborés en interne
qui constituent la majeure partie des contenus du site. Les flux financiers
sont, de fait, plus que réduits. C'est pourquoi d'ailleurs, la presse
écrite n'est pas réellement un interlocuteur pour les
créateurs de web documentaires du type « récit interactif
» en recherche de financement. Ainsi, Samuel Bollendorff pour son web
documentaire sur l'obésité n'a pas pris contact avec son
précédent diffuseur : « Je me suis rendu compte finalement
que pour l'obésité, je n'avais pas essayé de mettre la
presse dans la boucle parce que, de toute façon, ils ne financent pas un
projet comme ça et ils n'ont d'ailleurs toujours pas compris qu'il
fallait qu'ils financent des projets sur le web49 ».
Peu d'argent en circulation donc, mais une recherche manifeste
de contenus nouveaux à mettre en ligne. C'est ainsi que le web
documentaire financé par SFR et intitulé « HomoNumericus
» se retrouve sur le site du Monde.fr. C'est aussi le cas du web
documentaire « Témoins du dedans » financé par
l'UNICEF. Manifestement le journal a décidé de se positionner
comme un diffuseur majeur de web documentaires et cherche du contenu. Car, en
terme d'image, le web documentaire permet à un journal de montrer une
certaine modernité, un positionnement d'avenir, et surtout, sans nul
doute, une ambition pour proposer à son public une offre
diversifiée. A titre d'exemple pour un journal comme Les
Dernières Nouvelles d'Alsace, le fait de voir un de ses contenus, «
La maraude à l'écoute des sans-abris »,
bénéficier durant une semaine de la visibilité du festival
« Visa pour l'image », même si cela ne génère
aucun revenu, assure néanmoins une exposition qui n'est pas
secondaire.
49 Samuel Bollendorff, Op. Cit.
Il reste que le coüt d'un web documentaire est
significatif et il suppose, de plus, pour être réalisé, de
faire appel à différentes compétences : deux
préalables qui peuvent être considérés comme autant
d'obstacles pour les organes de presse.
Les chaînes de télévisions sont, quant
à elles, plus habituées à financer des contenus
audiovisuels du type documentaire ou reportage et ont, de fait, un
réflexe plus naturel pour financer des contenus de web documentaires
pour leurs sites internet. Il s'agit aujourd'hui pour les chaînes de
tenter de fidéliser le public des internautes afin de conserver une
certaine catégorie de public.
b) Les chaînes de télévision
Au sein des diffuseurs audiovisuels, deux chaînes
investissent particulièrement dans le secteur : France 5 et Arte. En ce
qui concerne Arte, il est à noter que dès 2002, la chaîne
et le centre Georges Pompidou lançaient un premier Festival du Web
Documentaire ayant pour but de sélectionner et de montrer au public les
meilleures présentations web de documentaires à contenu
international. Son appétence n'est donc pas nouvelle. Il existe
d'ailleurs aujourd'hui au sein d'Arte un comité spécialement
chargé des projets web. Cette structure informelle a vocation à
scruter à la loupe les projets web soumis à la chaîne avec
une exigence particulière en matière d'écriture et
d'exploitation des possibilités offertes par le web. Il en est notamment
sorti « Gaza/Sderot ", puis « Havana/Miami", « Twenty Show " et
« Prison Valley ", avec pour chacun, des budgets dépassant les 200
000 euros. Le lancement du site dédié appelé «
Webdocs » n'a fait que prolonger la démarche engagée, mais
avec deux objectifs précis : assurer un point de repère pour
l'internaute et se démarquer des concurrents comme l'indique Joël
Ronez, responsable du pôle web d'Arte France : « C'est d'abord du
marketing éditorial. Si on a plusieurs web documentaires, et un public
pour les voir, autant être plus clairs, et faire en sorte qu'on puisse
les retrouver facilement à un seul endroit. C'est, ensuite, un moyen de
mettre en scène autrement notre production, en donnant du contexte et
d'autres points de vue sur un programme, en proposant des bonus, des making of,
des interviews... C'est aussi un genre dont commencent à s'emparer nos
confreres et néanmoins concurrents ; avant, nous étions tout
seuls, maintenant nous devons montrer ce qui fait notre
spécificité, et nous battre pour l'audience50 ".
Ainsi, Arte, élabore une réelle stratégie et semble
être la seule chaîne à investir réellement dans ces
nouveaux formats. Cela a d'ailleurs une certaine cohérence avec sa ligne
éditoriale de chaîne de télévision qui, en 2009,
occupait la première place de diffuseur en terme d'investissements dans
le documentaire avec 32,4 millions d'euros, soit 19,9% de l'ensemble des
apports des diffuseurs dans le genre51.
En ce qui concerne France 5, l'annonce du lancement de la
collection documentaire « Portraits d'un nouveau monde " en collaboration
avec la société Narrative et pour un budget de 480 000 euros, a
naturellement suscité un intérêt. La chaîne a
largement communiqué sur cette initiative. France 5 est ainsi devenue la
chaîne du groupe France Télévisions désignée
pour se placer sur le créneau. Dans un genre différent et sans
doute moins tape à l'oeil, elle s'était déjà
illustrée via la Curiosphère dans le format du web documentaire
avec la production de « The Big issue, l'obésité est-elle
une fatalité? ". L'approche initiale était
considérée comme plus éducative. C'est d'ailleurs le point
de vue
50 Interview de Joël Ronez :
http://television.telerama.fr/television/arte-lance-arte-webdocs-sa-plate-forme-documentaire-surinternet,52886.php
51 Bilan 2009/dossier#314/mai2010 CNC
adopté par Jean-Marc Merriaux, responsable des contenus
éducatifs de France Télévisions qui considère
« que l'éducation est sfirement le meilleur espace pour innover
autour de nouvelles pratiques interactives ». Son budget propre pour
développer les web documentaires éducatifs du groupe
s'éleve à 250 000 euros cette année, et s'ajoute aux aides
du CNC et aux autres financements, pour créer un nombre significatif de
contenus52.
Le groupe France Télévisions s'assure ainsi une
visibilité dans le secteur sans néanmoins aller jusqu'à
mobiliser des moyens substantiels pour se démarquer.
Canal+, de son côté, a d'abord tenté
d'enrichir son contenu télévision en proposant notamment sous
forme de web documentaire, le making of de la série « Braquo
». « Le Challenge », est, lui aussi, un web documentaire
complémentaire d'un documentaire diffusé par la chaîne mais
a l'ambition d'être un contenu pouvant exister de maniere
indépendante. A cette heure, la chaîne est donc présente
mais moins à l'avant-garde qu'elle peut l'être dans d'autres
domaines.
c) Une diffusion télé sinon rien ?
Face au développement de ce type de programme, le
couplage entre web documentaire et diffusion télévisuelle est
souvent considéré comme l'avenir. Pour Mathieu Mondolini,
journaliste aux DNA et auteur de web documentaires, cela ne fait aucun doute :
« le seul modèle économique d'apres moi, c'est de l'adosser
à un reportage classique53 ». C'est aussi l'envie
d'Emmanuel Leclere qui, apres avoir autofinancé « Good Bye
Lénine. la rouille en plus », aimerait désormais «
vendre un docu télé couplé à un web
doc54 ». Le lien entre ces programmes et un évenement
d'antenne permet évidemment d'élargir la cible du public et de
pouvoir communiquer plus facilement, et évidemment aussi de
bénéficier d'une aisance financiere incomparable. Difficile
d'investir plusieurs dizaines de milliers d'euros sur un contenu qui risque de
se perdre dans les limbes de d'internet. Le partenariat avec des réseaux
sociaux ou des sites de partage assure un peu de visibilité et un
partage théorique à 50/50 des recettes publicitaires qui
pourraient être perçues, ce qui correspond à une goutte
d'eau dans un budget.
Mais la diffusion télé doit être issue
d'une vraie réflexion et d'un choix déterminé des
l'écriture du projet. L'adossement à une émission
télé ou une diffusion télé d'une partie
linéaire du web documentaire permet indéniablement de lever des
fonds qui ne pourraient l'être autrement. Mais ce n'est pas le passage
obligé pour le web documentaire aujourd'hui. Il existe, nous l'avons vu,
des types de web documentaires tres différents et des formes
d'écriture tout aussi diverses. C'est le choix que vient de faire
Jean-François Fernandez : « Un producteur télé est
intéressé par mes projets, mais lui souhaite les décliner
en version télé, ce qui ne m'intéresse plus (même si
j'aime la vidéo) car c'est le travail photo qui
m'intéresse...55 ».
Créer pour le web et seulement pour le web et ses
possibilités particulières, est une approche tout aussi
légitime et nombre de web documentaires basés notamment sur le
travail
52 Sur la partie projet éducatifs de France
5,
http://www.france5.fr/et-vous/userdata/c
bloc file/0/235/235 fichier PrDPaction-educ.pdf
53
http://aidj.owni.fr/2009/10/08/le-socle-du-webdocumentaire-cest-la-photo/
54 Emmanuel Leclère, Op. Cit.
55 Jean-François Fernandez, Op.
Cit.
photographique, visent ce moyen unique de diffusion. Car la
photographie a le mérite de stimuler l'imagination du spectateur.
Si la presse écrite cherche son modèle
économique, certains comme Le Monde ont décidé de se
positionner dans un premier temps comme diffuseur et créateur de web
documentaire créés en interne ou comme simple diffuseur de
contenus financés par d'autres. Car, bénéficier de
contenus divers et porteurs, c'est aussi créer une audience qui, le
moment venu, pourra être monétisée. D'ores et
déjà, le journal réfléchit à des
opérations de sponsoring pour financer en partie des web documentaires.
Il y aura bien, dans ce cadre, une création de contenus qui pourront
être exigeants sans inévitablement passer par un couplage avec une
diffusion télé. Et les chaînes de télévision
ne sont pas en reste, non pas pour alimenter leurs cases antenne mais pour
diversifier les contenus qu'elles proposent à leurs
téléspectateurs via leur site internet. Si Arte et France 5 sont
à la pointe, France 24 a, elle aussi, développé une offre
en terme de web documentaire élaboré en interne par la
chaîne.
Il reste que les web documentaires aujourd'hui, à part
quelques exceptions, ne peuvent se monter sans un apport indispensable qui est
d'ailleurs l'apport financier historique du documentaire
télévisuel : celui du CNC.
2) Le CNC
a) Les fondements du dispositif
C'est en 2007, avec un appel à projet
expérimental d'aide aux projets pour les nouveaux médias, le
cinéma et la télévision que le CNC s'est engagé
dans une politique volontaire de soutien à la production en ligne,
même si auparavant le CNC était déjà présent
sur le multimédia grace au dispositif FAEM (Fonds d'Aide à
l'Edition Multimédia).
Créé en 2004, le FAEM était une
initiative commune du Ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie et du Ministère de la Culture et de la Communication.
Mettant l'accent sur « l'innovation " - qu'elle soit éditoriale,
technique et/ou économique - le FAEM devait contribuer à la
production de contenus interactifs originaux et favoriser le
développement des savoir-faire nécessaires à leur
réalisation, pour des oeuvres tres orientées CD ou DVD Rom
interactifs. C'est dans ce cadre qu'ont été aidé les
premiers web documentaires, tels que « La Cité des mortes ", «
Thanatorama " ou « Voyage au bout du charbon ", justement très
orientés jeu vidéo dans la forme. Conscient que ce dispositif ne
correspondait plus tout à fait aux attentes du secteur, le CNC l'a fait
évoluer en 2007 en le réorientant sur un dispositif de soutien
spécifique au jeu vidéo, alors en pleine explosion et très
sous-représenté au CNC.
Pour ne pas écarter tous les autres projets hors «
jeux vidéo " le CNC a parallèlement lancé un appel
à projet multisupports. Ouvert aux auteurs comme aux producteurs,
l'appel à projet de 2007 portait exclusivement sur les étapes de
l'écriture et du développement et comportait une contrainte de
taille : les projets devaient être « conçus dès
l'amont pour au moins trois des supports de diffusion suivants :
téléphonie mobile, internet, jeu vidéo, cinéma,
télévision56 ". Doté d'une enveloppe d'un
million d'euros, cet appel à projet se voulait expérimental en ce
qu'il devait mesurer les attentes et la demande autour de ces nouvelles
écritures. L'intérêt des
56 Extrait du communiqué de presse du CNC du 28 juin
2007
auteurs et producteurs ne s'est pas fait attendre et sur les 163
projets reçus, le CNC en a aidé 23 dont trois projets
documentaires multisupports.
b) Les mécanismes du dispositif actuel
Devant cette importante demande, le CNC a décidé
de pérenniser le dispositif sans manquer toutefois de le faire
évoluer en fonction du profil des dossiers reçus. Ainsi en 2008,
le CNC a ouvert le champ de l'aide à des projets purement web et/ou
mobile, en développement et en production, intégrant ainsi de
manière explicite les web documentaires57.
L'hypothèse de départ reste la même que
pour le premier appel à projet : le renouvellement des écritures
cinématographiques et audiovisuelles passe par l'émergence d'une
écriture multimédia en créant des passerelles entre ces
médias. Un parti pris esthétique au final, parfaitement
assumé par le CNC, qui donne le ton de la « ligne éditoriale
» soutenu par le comité d'expert qui se prononce sur les projets au
vu de certains critères comme l'originalité, le degré
d'interactivité, la cohérence entre les supports...
Contrairement aux nombreux fonds de soutien du CNC, l'aide aux
nouveaux médias ne fonde pas son existence sur un décret mais sur
une simple décision de la Présidence. Cette particularité
du dispositif lui offre une incroyable souplesse dont l'absence serait en
parfaite contradiction avec le but qu'il mène : favoriser
l'émergence d'un secteur. Car c'est le propre d'un secteur en devenir,
on ne sait pas comment, à quel endroit ou qui le portera, voire
même, s'il existera. Afin de parer à toutes ces
éventualités, le CNC a élargi au maximum
l'éligibilité des dossiers mais dans le respect de règles
assurant la viabilité économique des projets et le respect des
usages professionnels. Sur ce point, le fonctionnement parfaitement empirique
du fonds s'est calqué sur les regles éprouvées du soutien
à l'audiovisuel. Le fonds est ainsi ouvert aux auteurs et producteurs
dans la phase de développement, mais limité aux producteurs
(quelque soit leur forme juridique : société ou association, et
leur domaine d'activité) en production pour éviter au maximum les
cas d'autoproduction qui ne favorisent pas la professionnalisation du secteur.
Le principal critère d'éligibilité, à l'image du
COSIP, reste l'engagement d'un diffuseur, mais sur ce point également,
le dispositif est extrêmement souple, car comme l'indique Pauline Augrain
en charge de ce dispositif : « L'idée, c'est d'avoir l'engagement
d'un diffuseur mais, c'est diffuseur au sens large. Ça peut être
une chaîne ou un site de médias, d'autres sites plus de services
comme MSN ou Allociné, des opérateurs de téléphonie
mobile, des FAI... », et de préciser que « l'une de nos
préoccupations majeures, c'est vraiment d'être sur que le projet
sera vu, tout simplement58 ». Et comme pour le COSIP, le
projet, s'il doit bien prévoir l'engagement d'un diffuseur, ne doit
justement pas émaner d'un diffuseur. Seul le producteur
délégué indépendant peut être le porteur de
projet auprès de la commission. Le CNC n'a donc pas vocation à
soutenir l'ensemble des web documentaires réalisés par les
rédactions du Monde.fr ou de France 24. Plus généralement
le fonds s'éloigne de plus en plus du modèle initial du web
documentaire, à savoir un projet de photojournalistes, pour se diriger
vers un modèle mieux connu au CNC, le triptyque
auteur-producteur-diffuseur. De la même manière, si le CNC
encourage l'invention dans le financement des oeuvres, il ne saurait financer
les projets purement institutionnels ou commerciaux qui ne garantiraient pas
l'indépendance éditoriale des auteurs. A ce titre le « Brand
Content » est observé avec vigilance.
57 Voir plaquette descriptive pour le détail, Annexe
n°11
58 Interview de Pauline Augrain, Cf.Annexe n°5
c) Un rôle fondamental, destiné à
évoluer
La mission dans laquelle s'est lancé le CNC fonctionne
donc parfaitement, peut être même trop parfaitement d'ailleurs. Il
est rare de voir aujourd'hui une production qui ne sollicite par le fonds au
maximum de sa capacité d'intervention, soit 50% du budget. De fait,
certains s'interrogent : le web documentaire, genre qui offre le plus de
visibilité au fonds, existerait-il en France sans le CNC ? Une position
dont se défend le CNC : « Ils seraient sans doute dans un mode de
production un peu différent, il y en aurait moins effectivement,
maintenant il y en a qui existent sans nous59 », explique
Guillaume Blanchot, Directeur du Multimédia et des Industries Techniques
au CNC. A ce sujet Joël Ronez, responsable du pôle web d'Arte France
rappelle « que le genre documentaire est plutôt un genre du service
public60 ». Et pour cause, selon les chiffres CNC pour
l'année 200961, les chaînes publiques sont à
l'initiative de 44,7 % des heures de documentaires aidés par le CNC et
de 62,9% des apports de l'ensemble des diffuseurs dans le genre, suivis par le
CNC qui couvre 19,4% de l'ensemble des financements du genre. Il n'est donc pas
étonnant de retrouver dans le web documentaire, les mêmes
tendances que dans le documentaire audiovisuel, à savoir un genre
très soutenu par les financements publics et concentré sur peu de
diffuseurs.
Pour autant la régulation devrait en fait se faire
d'elle-même. D'une part l'augmentation de la demande et le maintien d'une
enveloppe constante devrait créer une sélectivité encore
plus forte entre les projets et une plus grande répartition des moyens.
Si dans le premier appel à projet, l'objectif du fonds était
d'envoyer un signe fort envers les différents acteurs en permettant la
réalisation des projets, progressivement, l'objectif serait davantage de
créer un effet de levier comme il peut exister au cinéma ou en
audiovisuel. L'intérêt grandissant d'autres institutions publiques
sur ce type de production devrait également permettre de limiter
l'intervention du CNC. Enfin et surtout, la prochaine ouverture du COSIP aux
projets non linéaires aura certainement pour conséquence une
évolution à moyen terme des logiques de production des oeuvres et
du fonctionnement du fonds en lui-même. En effet, 2010 devrait voir
l'éligibilité au COSIP des projets non linéaires et/ou
soutenus par un diffuseur purement internet, Web TV donc, mais aussi
peut-être les plateformes de téléchargement. Cela signifie
que les producteurs pourront mobiliser leur compte de soutien automatique sur
ce type de production, sans avoir à le soumettre à une commission
très sélective. Cette ouverture, certainement très
encadrée pour éviter certaines dérives, devrait tout
même permettre de donner une nouvelle impulsion à la production
tout en redistribuant les cartes entre les acteurs du secteur.
d) Une réglementation en chantier
Les missions du CNC ne se limitent pas à la
répartition d'aides financières. En tant qu'autorité de
réglementation et de régulation, le CNC intervient
également sur des questions d'évolutions juridiques ou fiscales
en lien avec ses champs de compétence. A ce titre, le web documentaire,
et plus largement la création multimédia soulèvent un
certain nombre de questions.
59 Emission 116-1 de l'atelier des médias de Radio France
Internationale consacrée à l'économie du web
documentaire
60 Ibid
61 Bilan 2009/dossier #314 / mai 2010 CNC
Premier chantier, et de taille, le statut de l'oeuvre
multimédia et de ses auteurs. Une interrogation déjà
soulevée par le jeu vidéo, et qui pose une double contrainte :
assurer une pratique favorable aux auteurs tout en assurant la
compétitivité des productions. L'absence de définition
dans le code de la propriété intellectuelle ouvre une
brèche dans laquelle beaucoup s'engouffrent. En effet, certains
producteurs à l'initiative d'un web documentaire n'hésitent pas
à revendiquer le statut d'auteur, au titre de leur maîtrise
d'oeuvre, voire même la paternité de l'oeuvre qualifiant ainsi le
web documentaire d'oeuvre collective. Au-delà de sa définition,
c'est sa mise en oeuvre même qui pose problème. Sur le
modèle de l'audiovisuel, le CNC exige que les regles du droit de
l'audiovisuel soient respectées, en ce sens qu'il y ait une cession de
droit et une rémunération proportionnelle pour l'auteur, «
mais souvent malgré tout c'est une coquille vide " explique Pauline
Augrain, « On prévoit bien une rémunération
proportionnelle mais le plus souvent le producteur n'aura pas de
recettes62 ", l'objectif du CNC sur ce point étant
d'anticiper une éventuelle évolution du marché qui ne
saurait être préjudiciable aux auteurs. Si pour les auteurs «
traditionnels » (auteur, réalisateur...), le CNC ne rencontre pas
de difficultés, ce n'est pas le cas pour certains créateurs qui
interviennent directement sur les choix de conception de l'oeuvre et qui sont
pour l'instant considérés comme des techniciens ou
informaticiens.
Conséquence directe de ce flottement autour de sa
définition, l'oeuvre multimédia est exclue des différents
régimes particuliers dont bénéficie l'oeuvre
audiovisuelle. C'est notamment le cas des regles de l'exonération d'une
TVA dans le cadre de coproductions audiovisuelles63. Les
coproductions d'oeuvres multimédia sont donc réalisées
dans un montage financier moins avantageux pour les plus petites structures.
C'est aussi le cas de l'accès à certains dispositifs de soutien
qui ne prévoyaient pas ce type d'oeuvres dans leurs critères
d'éligibilité fixés par décret.
3) Les modèles émergents
La montée en puissance d'internet et des nouveaux
formats de contenus a fait émerger de nouveaux acteurs dans la
production de web documentaires, souvent jeunes, sans ligne éditoriale
toujours clairement identifiée et dont le modèle
économique reste fragile à quelques exceptions près. Deux
tendances se distinguent : d'une part les agences web et de publicité
qui investissent les contenus, à l'image d'Upian, et d'autre part les
sociétés de production de contenus qui se spécialisent
dans les nouveaux médias comme Honkytonk.
a) Les agences web investissent le créneau de la
production
Les agences de design web et de créations de sites
internet sont très souvent associées à la production de
web documentaires comme prestataire pour la réalisation de la partie
technique du projet. Parmi les noms qui reviennent le plus souvent dans notre
typologie, figurent les agences Interval, Textuel La Mine (qui appartient au
groupe de communication TBWA) et Plokker qui a depuis été
placée en liquidation judiciaire. Mais il est de plus en plus
fréquent que ces experts du design et du web se lancent dans la
production comme coproducteur ou en solo. Un bémol toutefois : leurs
projets sont souvent très aboutis en termes d'interface
62 Pauline Audrain, Op. Cit.
63 Cf. Bulletin Officiel des impôts n°82 du 2 mai 2001
relatif aux règles applicables aux coproductions audiovisuelles
graphique, d'interactivité mais le contenu est parfois
décevant, constate Pauline Augrain, chargée de mission au CNC
à la direction du multimédia et des industries
techniques64.
La plus connue est Upian, qui en l'espace de cinq ans s'est
imposée comme le leader de la production de web documentaires. «
Prison Valley ", « La Cité des mortes ", « Gaza-Sdérot
", « Havana-Miami " « Thanatorama " : le nom d'Upian est
associé à tous ces projets comme producteur ou coproducteur. La
société a également participé en tant que
prestataire à « Portraits du Nouveau monde", « Braquo, le
Making of ", « Génération Tian'anmen ", « Quatre
semaines au Louvre ». La liste n'est pas exhaustive. Fondée en 1998
par Alexandre Brachet, la société était au départ
une agence de graphisme web et de création de sites internet (Meetic,
TF1, Netvibes, Microsoft). En 1999, elle a fait une incursion dans les contenus
avec « les Galettes », des modules satyriques sur l'actualité
politique. Puis en 2002, l'équipe d'Upian s'est fait connaître du
grand public avec le site
www.presidentielles.net qui
traitait de l'élection présidentielle en mélangeant
information et humour. En 2005, Upian est passé pour la première
fois à la production de web documentaire avec « La Cité des
Mortes ". La société s'est depuis forgée une
réputation en produisant notamment « Thanatorama ", lauréat
2007 du Web Flash festival, catégorie « Art et graphisme " et grand
prix du jury.
Aujourd'hui, Upian, qui compte une quinzaine de
salariés et des filiales à Barcelone et à Berlin, conserve
cette double casquette, même si en terme de chiffre d'affaires, les deux
activités ne pèsent pas le même poids. La
société réalise environ 75% de son chiffre d'affaire, qui
s'est élevé à 1,4 million d'euros en 200965,
grâce à son activité de prestataire sur internet, le reste
provenant des web documentaires sur lesquels elle ne fait pas de
bénéfices. Ainsi sur « Prison Valley", Upian devrait
seulement rentrer dans ses frais grâce aux ventes internationales.
«Nous, on avait financé au début et autoproduit en tout cas
beaucoup d'entre eux (les web documentaires). Aujourd'hui, on continue à
investir beaucoup dans chacun des programmes. Pour moi, il importe que le
projet soit rentable certes, mais c'est surtout le modèle de
l'entreprise d'aujourd'hui qui doit être rentable et finalement, le temps
est venu d'investir, de créer, d'innover en disant qu'on est là
pour inventer la télévision interactive ou l'internet haute
définition de demain, et effectivement le modèle d'Upian, son
fonctionnement, le fonctionnement de sa société lui permet
d'investir dans ces programmes sans être lié à une logique
économique pure, projet par projet», a expliqué Alexandre
Brachet dans l'émission l'atelier des médias sur Radio France
International (RFI)66. La production de web documentaires est aussi
le moyen pour Upian de cultiver une image de marque et d'entretenir une
visibilité dans les médias qui sont autant d'atouts pour son
activité de prestataire. Cette double compétence en fait un
acteur aujourd'hui quasiment incontournable dans le petit monde du web
documentaire même si de nouveaux concurrents commencent à
apparaître.
b) L'émergence de nouveaux producteurs de contenus
multimédias
A l'opposé, de nouvelles sociétés issues
de la production audiovisuelle traditionnelle se spécialisent dans les
contenus pour les nouveaux médias au sens large. Pour la plupart, le web
documentaire ne constitue qu'une partie de leurs activités qui
s'adressent également aux marques, aux institutions et aux ONG.
64 Pauline Augrain, Op. Cit
65 Satellinet, n°4, lundi 25 janvier 2010
66 Emission 116-1
Créé en 2007, Honkytonk concurrence Upian sur
son point fort : la maîtrise des outils du web. La société,
qui a été cofondée par Arnaud Dressen, issu de la
production audiovisuelle classique, a fusionné avec l'agence web 31
Septembre ce qui lui permet de revendiquer un double savoir-faire à la
fois en termes de production de contenus audiovisuels et de conception de
contenus interactifs. En plus d'un producteur et d'une chargée de
production, l'équipe d'Honkytonk comprend également un «
producteur multimédia " et un développeur flash. Ils se sont fait
connaître grâce au succès de « Voyage au bout du
charbon " dont ils ont fait un format, comme cela a été
évoqué précédemment, mais ils se sont aussi
illustrés dans des projets de visuel interactifs comme « iROCK ".
La société se définit comme spécialisée dans
le web documentaire mais elle développe également une
activité de prestataire pour les institutions, les fondations et les
agences de communication en vue d'atteindre un objectif de chiffre d'affaires
fixé, selon Satellinet, aux environs de 300 000 euros pour
201067.
Créée en 2008, Narrative affiche un
positionnement différent : raconter de « belles histoires " sur le
web grâce à des « programmes courts, intimes et didactiques
". Ses créatrices, Cécile Cros, ex-directrice
générale de Textuel La Mine, et la journaliste Laurence Bagot
revendiquent une approche à contre-courant : donner la part belle au
récit d'un auteur, l'interactivité devant être mise au
service d'un contenu et non l'inverse. Tout juste créée, la
société, qui ne compte aucun salarié, a remporté
l'appel à projets lancé par le groupe France
Télévisions en 2008 pour une collection de web documentaires, un
beau tremplin pour les deux jeunes femmes qui racontent avoir
créé Narrative sans projet concret dans leurs cartons et sans
modèle économique68. Pour la production des 24 web
documentaires commandés par France Télévisions, Narrative
a lancé un appel à projets pour trouver des auteurs et fait appel
à Upian pour la réalisation du site internet. Une partie des web
documentaires qui constituent la série « Portraits du Nouveau Monde
" ont été réalisés à partir des travaux de
photographes sur un sujet particulier, qui ont été adaptés
pour s'intégrer à un format multimédia. C'est le cas
notamment de « Concubines ", dans le premier volet de la série
consacrée à la Chine, qui repose sur le photoreportage d'Axelle
de Russé. Ce « recyclage " présente de nombreux avantages en
termes de coûts mais il se traduit par des sujets de facture assez
classique avec une interactivité limitée. Le financement de
« Portraits du nouveau Monde » est celui d'une production
audiovisuelle classique : aide du CNC (100 000 euros) et apport du diffuseur
(360 000 euros) pour un budget global de 480 000 euros. Pour leurs autres
projets, Laurence Bagot et Cécile Cros trouvent des solutions au cas par
cas en proposant notamment à des marques « de sponsoriser des
programmes sur des sujets qui les concernent69 ".
Lancé par deux anciennes journalistes de
Libération, Ligne 4 (clin d'oeil à la ligne de métro
parisienne) propose un modèle encore différent puisque la
société fonctionne comme une agence de presse
spécialisée dans la production de web reportages et de web
documentaires. Elle est constituée d'une équipe de 12 personnes
qui regroupe des journalistes, des photographes, des reporters d'images et des
webgraphistes. Sa ligne éditoriale est simple : proposer des reportages
spécialement conçus et réalisés pour internet
à tous les sites qui diffusent de l'information : sites de journaux, de
chaînes de télévision mais aussi institutions et ONG. Ligne
4 a notamment produit « Témoins du Dedans70 " sur cinq
Congolais, transformés en reporters amateurs, livrant leur regard sur
les conflits qui déchirent leur pays. Le sujet a été
diffusé sur les sites du Monde.fr et de l'Unicef. Son modèle
économique reste toutefois dépendant des aides du CNC. « Je
trouve les financements pour produire et ensuite
67 Numéro quatre, lundi 25 janvier 2010
68 « Le pari du Webdocu ", Martine Delahaye, Le Monde
télévisions, 22 février 2010
69 Site internet de Narrative :
http://www.narrative.info/#/about
70
http://www.unicef.fr/pages/TemoinsDuDedans/TemoinsDuDedans.htm
je vends à un diffuseur ", a expliqué Judith
Rueff, directrice et rédactrice en chef de la société de
production dans le cadre du Festival européen des 4 Ecrans71.
Les aides du CNC représentent 50% du budget des productions, le reste
étant constitué du financement des médias, des ONG et des
institutions, a-t-elle précisé.
Il s'agit des acteurs que nous avons le plus
fréquemment croisés lors de notre tour d'horizon de la production
actuelle de web documentaires en France. La liste n'est donc pas exhaustive. En
parallèle avec l'émergence de ces sociétés
spécialisées dans les nouveaux médias, de nouveaux acteurs
sont apparus qui se définissent comme « producteurs de contenus "
et qui se destinent à travailler aussi bien pour le web que pour la
télé ou l'écrit. « On voit apparaître de
nouvelles générations de producteurs, qui sont des boîtes
de production qui se disent producteurs de contenus, mais sans
nécessairement spécifier les choses, sans avoir de ligne
éditoriale précise. Ils s'intéressent aux nouveaux
médias mais parmi d'autres supports et ils peuvent pour autant
s'intéresser à la télévision, au court
métrage et même au long métrage ", explique Pauline
Augrain. Pour la chargée de mission au CNC à la direction du
multimédia et des industries techniques72, ils seront
inévitablement amenés à préciser le positionnement
et leur ligne éditoriale.
c) Les producteurs traditionnels restent frileux
Dans notre typologie, les web documentaires
présentés par des producteurs « classiques " issus de
l'audiovisuel et du cinéma sont sous-représentés : «
Gaza/Sderot " avec Bo Travail !, « Havana/Miami ", avec Alegria, « Le
Challenge » avec What's Up Films, « Twenty-Show " avec Zadig
Productions, « 27 et moi " avec la Compagnie des phares et balises, «
Vingt ans à hauteur d'hommes " et « Braquo, le Making of " avec
Capa. Pourtant, selon Guillaume Blanchot, directeur multimédia du CNC,
l'équilibre entre producteurs classiques et producteurs
spécialisés web est plutôt respecté sur l'ensemble
des projets soutenus par le CNC. Cette différence s'explique sans doute
en partie par le fait que le CNC ne soutient pas les productions, nombreuses,
réalisées en interne par
LeMonde.fr ou France 24 par exemple.
Le directeur du CNC souligne en revanche que parmi les
producteurs classiques, ceux qui viennent du cinéma restent encore en
retrait. « Nous n'avons à ce jour pas reçu de projets issus
d'une société de production cinématographique. »,
a-t-il dit dans la Newsletter n°8 de Sunny Side of the Doc. Le responsable
du CNC a du mal à expliquer cette frilosité mais il souligne que
pour ces professionnels du cinéma « Internet est d'abord un
formidable outil de marketing ".
Dans l'audiovisuel, Capa se distingue par une implication
croissante dans les nouveaux formats de web documentaires et de web
séries. Le groupe s'est doté d'un département
Développements numériques qui a notamment pour mission d'inventer
de « nouvelles expériences interactives d'immersion, de jeux, de
fictions éclatées ", de découvrir de nouveaux talents et
d'élaborer de nouveaux modèles financement. Capa a trois projets
en préparation : un web documentaire centré sur l'action de
Médecins du monde auprès des démunis, « Un autre
monde " qui dresse le portrait d'entrepreneurs « sociaux " et «
Surveillance ", une fiction interactive destinée à Canal +.
71
http://www.festival-4ecrans.eu/fil-70.html
72 Pauline Augrain, Op. Cit.
Enfin les marques et les institutions commencent
également à investir la production de contenus
multimédias, à l'image de SFR avec «HomoNumericus »,
mais cet aspect sera développé dans la dernière partie.
FOCUS : Les nouveaux métiers du web
Le web documentaire est un travail d'équipe. Cette
réalité surprend parfois des auteurs habitués à
travailler de manière autonome dans la photo ou dans la presse.
L'enquête et l'écriture ne sont qu'une des nombreuses
étapes avant la mise en ligne. Pour donner corps au sujet, il faudra
relier entre eux les contenus, donner un habillage visuel au site, concevoir
une arborescence, établir des liens hypertextes, construire une base de
données etc... C'est tout le travail des techniciens du web dont les
fonctions précises restent bien souvent obscures pour les profanes :
flasheur, webgraphiste, webdesigner, développeur, intégrateur.
Pour faire simple, trois compétences sont essentielles à la
création du web documentaire : l'animation flash, le
développement et le design web. Dans le web documentaire, il est
fréquent qu'une même personne assume plusieurs casquettes mais
cela dépend du budget de la production.
Le flasheur (aussi appelé animateur flash ou
développeur flash) « anime les éléments graphiques et
développe les fonctionnalités de ces
éléments73 ». Il possède des
compétences à la fois en graphisme et en développement, ce
qui explique qu'il est souvent le seul expert technique dans les petites
structures de production. Le développeur met au point toutes les
fonctionnalités du site en fonction des demandes du client en
écrivant des lignes de codes. Enfin le webdesigner est «
chargé de réaliser la conception de l'interface du site :
l'architecture interactionnelle, l'organisation des pages, l'arborescence et la
navigation74 ». Cette partie technique tend toutefois à
se démocratiser grâce à la mise au point de nouveaux outils
davantage accessibles pour des non-initiés. Honkytonk a ainsi mis au
point en interne Klynt, un logiciel de montage interactif qui permet de
rassembler des photos, du son, des vidéos et des textes de
manière interactive. Selon Honkytonk, il devrait diviser par deux le
temps de travail nécessaire pour un web docu.
|
L'ensemble de ces acteurs compose un marché en pleine
structuration au sein duquel il nous semble judicieux de nous positionner par
la création d'une société portée par un projet
éditorial fort.
73 Définition donnée par le portail des
métiers de l'internet réalisé sous l'autorité du
secrétariat d'Etat chargé de la prospective et du
développement
http://www.metiers.internet.gouv.fr/metier/developpeur-animateur-flash
74 Idem
III. Notre projet
1) Etude de marché
Notre projet étant la création d'une
société de production dédiée au web documentaire,
il convient dans cette optique d'évaluer les deux versants de ce
marché, celui de la demande et celui de l'offre.
a) Un marché naissant
Si le web documentaire existe depuis plusieurs années,
il est entré depuis deux ou trois ans dans une phase de structuration
qui voit l'apparition, à défaut d'un véritable
modèle économique, d'un marché potentiel, voire
providentiel pour certains. Favorisé par le CNC qui a donc joué
le rôle d'un véritable catalyseur, et les incursions de la presse
écrite et des diffuseurs TV en pleine diversification, le web
documentaire s'affirme comme un produit culturel transversal, aux intersections
d'un certain nombre de marchés déjà structurés (la
presse écrite, l'audiovisuel, la communication, l'informatique...).
Cette conjoncture, qui pourrait donc être propice
à l'émergence de ce modèle économique dont beaucoup
rêvent, ouvre dans l'immédiat nombre de perspectives. Si la
volonté publique, (via le CNC) est celle, comme nous l'avons vu, d'une
professionnalisation et de la pérennisation du secteur, elle implique le
développement d'une production variée et nombreuse,
relayée en cela par les attentes des diffuseurs. Si à ce jour,
Arte a une certaine avance sur les autres acteurs et concentre une grande part
de ce marché restreint avec la production interne du Monde.fr et de
France 24, France 5 et Canal+ affichent clairement la volonté de se
montrer présent sur ce secteur. Ils devraient très logiquement
être rejoints par les autres chaînes du groupe France
Télévisions et peut être TF1 ou Orange qui mettent tous
deux en place une politique multimédia offensive. D'autres acteurs
propres au web vont aussi vraisemblablement tenter de se placer par une offre
de contenus de qualité : la récente apparition de l'iPad,
construite dans la continuité de l'iPhone, en dit long sur les ambitions
d'Apple. L'institution enfin, dans un souci de communication originale et
efficace, développe ce type de programmes (c'est le cas des
régions, musées...).
Enfin, par sa diffusion sans limite, le web documentaire est
par nature une oeuvre à dimension internationale. Facilement adaptable
et exportable - la plupart des web documentaires intègrent plusieurs
langues de diffusion - le web documentaire se compose également de
nombreuses contributions que l'on pourrait aisément imaginer «
délocalisées » comme cela a été le cas pour
« Gaza/Sdérot » ou « Havana/Miami » qui ont
impliqué des sociétés prestataires sur les lieux de
tournage. Le marché de son développement ne se limite donc pas
à la France et ouvre de nombreuses perspectives de financements et de
partenariats avec l'étranger.
Un marché restreint donc, mais en pleine expansion.
C'est dans ce contexte porteur que nous souhaitons
créer une société de production qui se positionne
clairement dans le secteur naissant du web documentaire. L'intérêt
d'arriver sur un marché encore "immature" est double : d'une part la
demande n'est pas encore saturée et d'autre part, la concurrence,
elle-aussi limitée, est facilement identifiable. Même si nous
ne
sommes pas les premiers (le rôle de précurseur,
et de leader, ayant déjà été pris par UPIAN), des
créneaux restent à prendre pour qui sait innover. Car tous ces
acteurs en demande, tous différents, appellent une offre
également différenciée que le nombre restreint de
producteurs à ce jour ne peut fournir. Il n'est pas dans
l'intérêt de TF1 ou Canal + par exemple de travailler avec le
même producteur qu'Arte ou France 5. Le fonctionnement que nous
connaissons dans la production indépendante audiovisuelle (une
majorité de producteurs associés à des diffuseurs) a
toutes les chances de se reproduire dans la production en ligne. Il s'agit donc
pour la société de trouver le bon créneau, suffisamment
spécialisé pour justifier sa présence et répondre
à une réelle demande, tout en restant ouvert pour assurer sa
viabilité économique. Car il ne suffit plus aujourd'hui de
produire des contenus multimédia ou pour le web. A l'image des
sociétés de production audiovisuelles ou des agences de presses,
les producteurs de ce type de contenus doivent s'inscrire dans une ligne
éditoriale définie. Pour se faire il est donc primordial
d'identifier et d'analyser l'offre proposée par la concurrence, pour
mieux se positionner.
b) La concurrence
Le marché étant très récent et encore
restreint, les concurrents sont peu nombreux, il est donc aisé de les
identifier. Il est possible de distinguer trois types de concurrents.
Les concurrents directs :
Par concurrents direct, nous entendons les
sociétés dont l'activité principale revendiquée
(donc pas forcément la plus lucrative) est la production de web
documentaire et qui sont déjà installées sur le
marché. Elles sont au nombre de quatre avec les caractéristiques
suivantes :
|
UPIAN
|
HONKYTONK
|
NARRATIVE
|
LIGNE 4
|
Activité
|
- producteur de contenus
multimédia (25% du CA)
- agence web/ prestataire (75% du CA)
|
- producteur de contenus
multimédia
- agence web/ prestataire
|
producteur de documentaires pour les nouveaux
médias
|
Agence de
reportages pour le web
|
Année de création
|
1998
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2007
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2008
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2009
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Chiffre d'affaire au
31.12.2008
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1 million d'euros
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44 714 €
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Non publié
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Sans objet
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Ligne éditoriale
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Pas de ligne éditoriale
revendiquée
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Raconter des histoires, non linéaires et interactives
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Culture, société économie, des programmes
pour mieux comprendre le monde et le voir autrement.
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Raconter des
histoires et des gens. Aller voir, écouter, essayer de
comprendre.
Ramener des récits
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UPIAN
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HONKYTONK
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NARRATIVE
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LIGNE 4
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Nombre de web documentaires sur lesquels la
société est intervenue
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10 (dont une collection de 24)
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4
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2 (dont une collection de 24)
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2
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Légitimité sur le web
documentaire
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Importante : très présent, soit producteur, soit
partenaire, soit prestataire
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Bonne,
a su se positionner rapidement
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Importante après avoir remporté l'appel à
projets de France 5
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A construire
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Atouts
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-leader
-fait office d'expert sur la question
- des bureaux à
Paris, Marseille, Barcelone et Berlin
-solidité financière
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-mise au point d'un logiciel permettant d'éditer des
webdocs plus simplement
-des auteurs emblématiques : Bollendorff, Moreau...
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-excellente communication
- une production de 24 webdocs sur un an
-diversification vers l'institutionnel et les annonceurs
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Rassemble une douzaine de collaborateurs aux profils très
complémentaires : photographes, journalistes, web designer...
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Faiblesses
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Trop présent partout ?
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Identifiés dans un format précis.
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-légitimité reposant sur un seul projet
-Compétences techniques
dépendant d'un concurrent : Upian
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Manque de visibilité
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Intégration de compétences techniques
?
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Oui
|
oui
|
non
|
oui
|
De ce comparatif se détache très
particulièrement Upian, l'acteur « historique » du secteur
puisqu'à l'initiative du premier web documentaire français
identifié comme tel : « La Cité des mortes ». La
société doit beaucoup à la personnalité de son
fondateur et dirigeant, Alexandre Brachet, tour à tour producteur,
conseiller technique et auteur qui ne manque pas de monter au créneau
des qu'il peut pour défendre le web documentaire et communiquer sur sa
société. Présent sur plus de 20% des projets
identifiés, soit au titre de producteur, coproducteur ou prestataire
technique, Upian est un acteur incontournable qui s'est engagé dans une
approche très offensive sur ce secteur, en investissant notamment des
sommes importantes - en grande partie à perte -- sur ses productions,
« Prison Valley » par exemple. Une stratégie permise par son
activité qui dépasse largement le web documentaire et qui lui
permet d'endosser le rôle de moteur/défricheur. Une
stratégie qui devrait payer à court terme, puisqu'en s'assurant
la position d'inventeur du genre, Upian conforte sa position de leader.
Honkytonk fait aussi office de vétéran sur ce
tout jeune marché mais aussi de challenger. En fusionnant avec la
société 31 Septembre, agence web, Honkytonk fait le pari de
l'indépendance et de la compétitivité technologique. Une
logique poussée jusqu'au bout avec la mise au point du logiciel Klint
qui pourrait être éventuellement commercialisé.
Narrative a eu la chance de lancer son activité par
l'obtention d'un appel à projet lancé par France 5 qui leur a
assuré un apport de 360 000 € et un rythme de production important
sur
leur deux premieres années d'existence. Reste à
savoir si Narrative pourra transformer l'essai à l'issu de cette
opération.
Ligne 4 présente un schéma intéressant en ce
qu'elle réunit de nombreux professionnels, et autant de
compétences différentes autour d'un projet commun.
Les concurrents indirects :
Ce sont les sociétés dont l'activité
principale n'est pas la production de web documentaire, mais qui sont
présentes dans ce secteur en vue d'une logique de diversification de
leur activité. Il est possible de les répartir en trois grandes
catégories.
Les sociétés de production audiovisuelles
« traditionnelles » qui mènent parallèlement à
leur activité une production multimédia. Encore frileuses sur ce
terrain, en raison du manque de financements, la situation pourrait changer
avec l'ouverture du compte de soutien aux oeuvres
délinéarisées. Certaines sociétés commencent
à se positionner dans le secteur du multimédia en recrutant de
nouveaux collaborateurs, elles disposent par ailleurs des contacts avec les
diffuseurs.
Les agences web ou de communication. Elles ont souvent
d'excellentes compétences techniques ainsi que des vraies
qualités de marketing des projets. Pour autant, elles ont moins de
légitimité dans le secteur et une réelle
inexpérience dans les relations aux auteurs.
Les rédactions de presse. Pour l'heure, les
rédactions de France 24 et du Monde.fr, les plus présentes sur le
secteur du web documentaire, développent cette activité en
étroite relation avec leur principale activité journalistique.
Mais toutes deux disposent en interne des compétences éditoriales
et techniques nécessaires pour la réalisation de web
documentaires et affirment de plus en plus leur savoir faire. On pourrait donc
imaginer, dans un souci de diversification, que ces compétences soient
mises à profit sur des projets institutionnels pour d'autres
sociétés.
2) La société
a) Son projet
Notre projet est la création d'une
société de production spécialement dédiée au
web documentaire.
Se positionner d'emblée comme une structure
spécialisée nous semble extrêmement important pour nous
différencier de l'ensemble des sociétés de production
audiovisuelle classiques avec lesquelles nous ne souhaitons pas rivaliser. Et
pour cause, les chiffres parlent d'eux-mêmes, sur les 770 producteurs qui
participent à la production d'une oeuvre aidée par le COSIP en
2008, 565 produisent des documentaires75, autant dire
pléthore de sociétés pour finalement peu d'élus
dans les bonnes graces des diffuseurs importants. Nous préférons
nous distinguer
75 Bilan de la production audiovisuelle aidée, dossier
#331/juillet 2009, CNC
et ainsi nous situer dans le secteur plus restreint mais moins
concurrentiel de la production de contenus web. Les moyens de cette distinction
feront l'objet d'un axe particulier de notre stratégie de
développement.
Au sein même de cette concurrence que nous avons
décrite plus tôt, nous ambitionnons de nous différencier
également des autres sociétés par une ligne
éditoriale forte et identifiable.
Cependant, la viabilité d'une structure
développant uniquement des web documentaires interpelle.
L'intégralité de nos concurrents directs développent
d'autres activités (institutionnel, brand content, conseil...), c'est
évident pour Upian par exemple, qui trouve son équilibre
économique grâce à son activité de prestataire sur
internet. Nos différents interlocuteurs, interrogés sur ce sujet,
sont catégoriques, une société reposant son
activité sur du pur web documentaire à destination de
chaînes c'est tout simplement impossible, du moins pas à l'heure
actuelle, compte tenu de l'état embryonnaire du marché.
Notre projet doit donc concilier une ligne éditoriale
forte et différenciée mais mise en oeuvre sur un domaine plus
large, cohérent avec notre activité principale.
Nous nous fixons donc comme objectif principal de produire,
promouvoir et diffuser des oeuvres documentaires pour internet, et plus
généralement pour les nouveaux médias émergents
tels que :
- les médias en ligne,
- la télévision connectée, - les
applications,
- les écrans mobiles,
- les podcasts,
- les écrans embarqués, - les réseaux
urbains...
Nous souhaitons particulièrement mettre l'accent sur la
nouveauté : chercher et lancer des talents, produire des oeuvres
numériques avec des outils à la pointe de la technologie en
matière de tournage, de postproduction et de diffusion. Des oeuvres qui
continuent d'explorer l'écriture documentaire et qui proposent un regard
neuf et curieux sur la société, l'économie, l'histoire, la
France... centrées sur l'humain et animées par un maître
mot : la découverte.
b) Ses moyens, ses besoins
Pour se lancer dans un tel projet, il est important de faire un
état des lieux de nos qualités, moyens humains et techniques et
d'analyser nos faiblesses.
Notre projet au travers du prisme de la matrice SWOT :
I
N T E R N E
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FORCES
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FAIBLESSES
|
Bonne connaissance du secteur
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Manque de compétences informatiques
|
Profils complémentaires
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Obligation de sous-traiter une partie des compétences
|
Une légitimité dans les secteurs à la
croisée du web documentaire : journalisme, audiovisuel,
société
|
|
Un projet fort et accessible
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De nombreux contacts dans le secteur
|
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E x T E R N E
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OPPORTUNITES
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MENACES
|
Forte demande
|
Monopole de concurrence : UPIAN
|
Appels à projets
|
Des financements réduits
|
Secteur qui se structure
|
L'arrivée de nouveaux acteurs : les
producteurs audiovisuels traditionnels
|
Concurrence encore faible, ou peu expérimentée sur
ce sujet
|
|
Des possibilités de diversification
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|
Un marché international
|
|
A la lecture de ce tableau, il apparaît que notre
principal atout reste notre association. C'est à partir de nos profils
respectifs et envies communes que nous avons décidé d'investir le
web documentaire, c'est donc autour de ces mêmes éléments
que nous allons bâtir notre projet de société.
L'équipe dirigeante :
Gwénaëlle Barzic, Journaliste,
son savoir-faire éditorial et sa connaissance des techniques
documentaires en font une interlocutrice privilégiée des auteurs.
Son expérience et ses relations dans le milieu de la presse seront
autant d'atouts à la visibilité et à la bonne
communication de notre projet. Elle occupera le rôle de rédactrice
en chef.
Sophie Léron, Assistante
parlementaire, au coeur des réflexions et mutations dans le secteur des
médias, elle saura apporter son expertise dans ce secteur en pleine
invention. Ses qualités de communication et de négociation, son
expérience dans le management d'équipe, lui permettront d'assurer
la place de chef de projet en relation avec les différents
intervenants.
Ludovic Fondecave, Chargé de mission
au CNC en charge de la gestion financière juridique de projets
audiovisuels, cinématographiques ou multimédia, il occupera les
fonctions en lien avec ses compétences : la direction de production des
projets, leurs aspects juridiques et financiers.
La complémentarité de nos profils nous permettra
de trouver un équilibre rapide pour couvrir l'ensemble des besoins
qu'impose un tel projet sur des questions éditoriales,
managériales ou de gestion.
Pour autant, un aspect stratégique du
développement de la société reste à définir,
au vu de notre secteur d'activité : les compétences
technologiques. Deux options s'offrent à nous :
1. la totale sous-traitance des prestations techniques ;
2. la création d'un pôle technique au sein de la
structure.
Sous-traiter est inévitable dans notre secteur, il nous
semble cependant risqué de dépendre entièrement de
différents prestataires, d'autant que certains doivent être des
interlocuteurs privilégiés des auteurs avec lesquels nous allons
travailler.
La création d'un pôle est un investissement
important que nous ne pouvons nous permettre lors de la création de la
société, sans un minimum d'activité garanti pour ce
pôle. De plus, cette création pourrait nous éloigner de
notre objectif principal : prospecter une clientèle pour rentabiliser le
pôle serait une activité à part entière.
Nous faisons donc le choix d'une solution
intermédiaire, puisqu'en vue de combler cette faiblesse, nous avons
choisi d'intégrer à l'équipe un professionnel du web en
qualité de concepteur web.
Rôle : ce collaborateur s'inscrira dans la
gestion de projets d'un point de vue technique et plus exactement dans sa
maîtrise d'ouvrage en veillant à la bonne organisation des projets
d'un point de vue technique.
Sa principale fonction sera donc la rationalisation des
besoins techniques. Son rôle sera vraiment celui d'une interface entre
les différents acteurs des projets (auteurs, prestataires, équipe
de production) afin de s'assurer que tous parlent le même langage.
Le concepteur Web interviendra en amont des projets, en
participant à l'analyse de besoins des auteurs et de la
faisabilité technique de leurs projets d'un côté et de
l'autre en jouant le rôle de conseiller et d'intermédiaire
entre l'équipe de production et les prestataires techniques.
Sur la phase de production, il sera chargé de
superviser les aspects techniques de réalisation, en coordonnant des
interventions d'experts dont il connaît les domaines parfaitement
(graphisme, multimédia, réseaux, etc.).
A l'issue de la phase de production et pendant la
période de diffusion active, il s'assurera de la veille technique des
web documentaires en recensant les besoins de mise à jour et
d'amélioration de l'interface. Par ailleurs, il mettra à profit
les retours des internautes dans la perspective d'oeuvres futures.
Profil : compte tenu de nos moyens financiers au moment
de la création de l'entreprise, ce collaborateur sera engagé sur
une première période de six mois à compter de la
levée des premiers fonds relatifs au développement de notre
collection de web documentaires. Pour cette même contrainte, il nous
semble également judicieux d'engager un professionnel en début de
carrière avec une réelle appétence pour les oeuvres des
nouveaux médias. Créatif, force de proposition et un peu touche
à tout, il saura s'investir dans notre projet afin de gagner en
indépendance et responsabilités.
Savoirs et compétences (fiche de poste) :
- Connaissance du marché du web, ses acteurs, ses usages
;
- Capacités technologiques des langages de programmation
(HTML...) ;
- Connaissance de base des contraintes techniques en
matière du développement web, pour proposer des solutions
réalisables ;
- Connaissance des langages de programmation (PHP, XHTML,
Javascript, AJAX, CSS) ;
- Web 2.0 et Web 3.0 ;
- Connaissance des capacités des logiciels
d'édition web et graphiques : Flash, Photoshop, Illustrator,
Dreamweaver, Adobe Premiere Pro, CMS...
- Connaissance des règles d'ergonomie des sites web ;
- Compréhension et formalisation des enjeux et des besoins
des auteurs ; - Maîtrise du cycle projet, dans le cadre de la
maîtrise d'ouvrage ;
- Structurer des contenus et des fonctionnalités
(arborescence) ; - Elaborer des storyboards ;
- Passion pour les nouvelles technologies ;
- Capacités de modélisation et d'abstraction.
D'un point de vue matériel, nos besoins restent
relativement légers.
Une société de production, c'est avant tout un
poste de travail : un lieu et les charges afférentes, des ordinateurs,
téléphone, accès internet et logiciels bureautique...
Notre objectif étant de limiter au maximum les frais fixes durant les
premiers mois nous faisons le choix de domicilier la société et
son activité à l'adresse du gérant. C'est sur le poste
technique que quelques investissements sont à faire. Nous ferons donc
l'acquisition d'un poste informatique performant équipé des
outils de création et d'acquisition numériques, dont Final Cut,
pour permettre au concepteur web de travailler dans les meilleures conditions
lorsqu'il prendra ses fonctions. L'ensemble des autres matériels (prise
de vue, son, mixage...) seront loués en fonction des besoins, nombre de
réalisateurs ou de chef opérateurs ayant leur
préférence quant au matériel qu'ils souhaitent
utiliser.
c) Sa structure
La création matérielle de notre
société doit répondre aux objectifs que nous nous sommes
lancés tout en prenant compte des contraintes identifiées.
Nous souhaitons tout d'abord, tant que faire se peut,
conserver nos emplois respectifs, au moins durant la premiere année
d'activité. Nous souhaitons d'autre part pouvoir nous salarier sur des
fonctions précises si l'activité le demande sans que cela n'entre
en contradiction avec notre statut au sein de la société. Il est
important en effet - notamment auprès du CNC que nous solliciterons sur
nos projets - de pouvoir justifier par des fiches de paye l'ensemble des
collaborations. Enfin, notre projet de société émanant
d'une volonté collective, nous souhaiterions pouvoir la gérer de
la manière la plus collective possible, sans pour autant opter pour une
gérance en collège qui nous semble trop contraignante.
Dans cette perspective, et au vu de ces contraintes et des
options qui s'offrent à nous, nous faisons le choix de constituer notre
société sous la forme d'une SARL qui nous permettra, grâce
à des statuts personnalisés, de participer tous les trois aux
décisions importantes de l'entreprise, le gérant étant
mandaté pour des décisions courantes, en lien avec
l'activité.
Compte tenu de nos conventions collectives et de nos
compétences respectives, Sophie Léron se verra confier le mandat
de gérante de la société, à titre
bénévole. Son implication dans le capital social devant rester
minoritaire pour être compatible avec les exigences de certains
partenaires financiers. Elle pourra ainsi exercer des fonctions techniques
différentes de celles résultant de son mandat social,
rémunérées et établies dans un lien de
subordination avec la société. Les deux autres associés
bénéficieront eux-aussi du statut de travailleur non
salarié compatible avec leur activité et également la
possibilité d'être salariés pour des taches techniques
identifiées, en lien avec les projets et non la gérance de la
structure.
Le capital minimal d'une SARL est de 1 €, pour autant,
afin de rassurer nos futurs partenaires financiers sur la solidité de
l'entreprise, nous souhaitons démarrer notre activité avec un
capital social de 7 500 € dont la répartition des parts sera la
suivante :
· Sophie Léron : 2 000 €,
· Gwénaëlle Barzic : 3 000 €
· Ludovic Fondecave : 2 500 €
d) Son développement
Pour développer l'activité de la
société sur le court et moyen terme et ainsi assurer sa
viabilité économique, nous allons adopter une stratégie de
développement en trois grands axes.
Premier axe, le positionnement de la société.
Nous faisons le choix de lancer la société sur un projet
ambitieux, dès sa création, à savoir la production
simultanée de plusieurs web documentaires au sein d'une grande
collection. Cette collection se veut le fer de lance de notre activité
en offrant toute sa visibilité à notre ligne éditoriale.
La mise en oeuvre simultanée de plusieurs programmes nous permettra de
focaliser l'attention des acteurs du secteur pour susciter
l'intérêt des partenaires potentiels. Si ce projet implique un
investissement de développement conséquent, il présente
l'avantage de mutualiser les coüts et les compétences
nécessaires, il répond de plus à la particularité
du format (décrite plus bas).
Deuxième axe, la diversification. Forts de ce lancement
réussi, nous pourrons acquérir la légitimité qui
nous permettra de décliner le format sous de nouveaux supports afin de
répondre à notre besoin de diversification sur laquelle nous
allons revenir plus largement.
Enfin, le troisième axe, qui découle des deux
précédents, implique la croissance et l'expansion de la
structure, accompagnée et permise par le développement d'un
pôle technique compétitif qui a pour vocation de s'inscrire sur
les marchés émergents.
3) Notre projet de collection « Dans les
coulisses...»
Dans notre tour de France des web documentaires, certains
projets nous ont impressionné par leur qualité et leur
ambition, d'autres nous ont surpris par leurs innovations graphiques ou des
dispositifs audacieux, plusieurs nous ont déçu.
C'est de tous ces éléments dont nous nous sommes inspirés
pour concevoir notre collection de web documentaires qui fera entrer les
internautes dans les coulisses de différents univers auxquels ils n'ont
pas accès d'ordinaire. Cette collection est à la fois l'acte de
naissance de notre société et sa rampe de lancement.
a) Une collection pour affirmer notre identité et
créer un format
La série de web documentaires « Dans les
coulisses...» proposera à l'internaute une immersion ludique et
pédagogique dans ces univers qui nous semblent si familiers et que nous
connaissons pourtant très mal. L'utilisateur aura l'opportunité
de découvrir ce qui passe derriere le rideau une fois les projecteurs
éteints, à travers le regard d'un acteur du lieu qui sera le fil
conducteur de tout son parcours. Pour que l'expérience de l'internaute
soit inédite, l'accent sera mis sur toutes les possibilités
d'interaction offertes par le web en intégrant la composante technique
des la phase de conception. De nouvelles formes d'écritures seront
également explorées afin de mettre en scène de
manière créative et dynamique le travail d'enquête
mené par des journalistes. Cette collection sera la vitrine des projets
que nous souhaitons accompagner : ambitieux dans le fond et dans la forme pour
proposer de nouvelles formes de découvertes. Elle sera constituée
au départ de quatre épisodes consacrés à des
univers radicalement différents : le montage d'un opéra, la
préparation d'un journal de 20h00, le quotidien d'un soigneur dans un
zoo et la direction d'un hypermarché.
Les quatre projets vont être proposés sous forme
de « package " aux diffuseurs avec l'ambition, si le succès est au
rendez-vous, de proposer par la suite de nouvelles thématiques. En
parallèle, nous allons lancer un appel à projets qui sera ouvert
aux auteurs de tous horizons : journalistes, photographes, réalisateurs
mais aussi graphistes, développeurs et animateurs flash,
créateurs de sites et de jeux vidéo. L'objectif est de susciter
des rencontres et des collaborations entre des professionnels qui ne sont pas
toujours habitués à travailler ensemble afin de faire
émerger de nouvelles formes d'écriture. Pour garantir la
cohérence d'ensemble du projet, nous avons défini un cahier des
charges qui liste les principaux éléments caractéristiques
du projet tant sur le fond que sur la forme. Le document, qui a
été déposé à la SCAM, précise
notamment que chaque épisode doit être abordé du point de
vue de l'un des acteurs du lieu qui aura été préalablement
défini afin d'accentuer l'impression d'immersion de l'utilisateur.
La cohérence éditoriale de l'ensemble de la
collection sera assurée par Gwénaëlle Barzic. Pour la partie
technique, le concepteur web qui sera engagé dans le cadre d'un contrat
à durée déterminé de six mois évaluera la
faisabilité des projets, estimera leur coût et assurera
l'interface avec notre prestataire pour la réalisation du site
internet.
S'engager dans la production d'une série de plusieurs
web documentaires peut apparaître comme un pari audacieux pour une toute
jeune société mais ce choix s'est imposé au vu de
l'analyse de l'environnement actuel de la production, notamment le coüt
élevé de la fabrication d'un web documentaire et le manque de
visibilité d'un grand nombre de projets. Il s'agit d'ailleurs de l'une
des tendances lourdes du secteur : lancement de « Havana/Miami "
après « Gaza/Sderot ", série sur le thème du corps au
Monde.fr et les « Portraits du Nouveau Monde " de Narrative. Les web
documentaires de Honkytonk reposant sur le principe « du récit dont
vous êtes le héros " ne constituent pas à proprement parler
une collection mais ils répondent aux mêmes principes.
En créant cette collection, notre objectif est de
mettre au point un format caractérisé par une interface graphique
spécifique, une interactivité innovante et un parti pris
pédagogique qui sera ensuite adapté en fonction des sujets.
Par ailleurs, la diffusion à intervalles
réguliers des différents épisodes d'une même
série peut contribuer à fidéliser les
spectateurs/internautes et offre la promesse d'une exposition longue dans les
médias en multipliant les occasions de parler de la collection.
Nous comptons sur la série pour servir de tremplin
à la société à l'image de « Portraits du
Nouveau Monde " qui a servi de rampe de lancement à Narrative, alors que
la société venait tout juste d'être créée.
b) Le concept : une immersion ludique et pédagogique
dans un univers méconnu
« Dans les coulisses...» proposera un ensemble de
quatre web documentaires qui feront découvrir via des photographies, des
textes, des sons, des vidéos, des cartes interactives et des jeux
virtuels, des lieux, des fonctions et des univers d'ordinaire peu accessibles
pour le grand public.
Le projet est né de notre envie de créer une
série thématique centrée sur les hommes et les
métiers en conjuguant à la fois une approche didactique et
ludique. La formule développée par Honkytonk qui consiste
à faire jouer un rôle actif à l'internaute tout en ayant un
fil conducteur qui remet en perspective l'ensemble du projet nous a paru
convaincante. « Dans les coulisses...» reprend en l'adaptant ce
principe en plongeant l'internaute dans le quotidien d'un lieu par
l'intermédiaire de l'un de ses principaux acteurs.
Le média internet se prête
particulièrement bien à ce type de sujets construits autour du
principe de l'immersion. Les internautes sont en effet à quelques
centimetres de leur écran d'ordinateur, qui leur est personnel. Par
ailleurs, la conjugaison des différents supports : photos, textes,
vidéos, sons permet de reconstituer un univers dans sa
globalité.
Chaque épisode sera construit autour de deux modes de
narration différents afin de tenir compte à la fois des pratiques
des internautes, de notre volonté de mettre en avant le récit du
ou des auteurs et de la diffusion en télévision qui est
envisagée pour chacun des épisodes. Plusieurs entrées
seront donc possibles dans les web documentaires : par le menu global, par
thématiques et par une frise qui déclinera les principales
professions du lieu concerné. Elles seront adaptées en fonction
de leur pertinence par rapport à la thématique de chaque
épisode. Il est aussi prévu que les internautes puissent
facilement quitter le programme et y revenir sans avoir à recommencer
tout leur parcours. A cet effet, il leur sera proposé de s'enregistrer
lors du lancement du site. Ils pourront également s'identifier via leur
profil Facebook ou leur compte Twitter. En parallèle, une trame
linéaire, le point de vue de l'un des acteurs du lieu, servira de fil
conducteur à l'ensemble du sujet. Ce double dispositif, qui a notamment
été utilisé dans « Prison Valley " ou «Le
Challenge », est destiné à répondre aux attentes
d'une partie du public qui ne souhaite pas être perturbé dans son
visionnage. Cette narration linéaire pourra également être
exploitée dans le cadre d'une diffusion envisagée en
télévision sous la forme d'un 26 minutes.
Pour lancer la collection, quatre thématiques ont
été sélectionnées en prenant en
considération leur potentiel en termes de développements
pédagogiques qui pourront alimenter les différents contenus
additionnels prévus pour chacun des épisodes.
Le premier web documentaire sera consacré au montage
d'un opéra sous le prisme d'un chef d'orchestre. L'internaute pourra
découvrir comme s'il était présent dans la salle les
répétitions, la réalisation des décors et des
costumes, la cantine, les interviews des solistes dans les médias, le
dernier filage... Il se conclura par la premiere représentation de
l'opéra qui pourrait être diffusée en direct sur le site du
web documentaire ou sur celui du diffuseur. Cet élément est
encore à l'étude. Nous avons pris contact avec l'Opéra
Bastille pour suivre pendant trois mois le montage de « Madame Butterfly
», de Giacomo Puccini, qui sera joué du 16 janvier au 14
février 2011 par l'orchestre et le choeur de l'Opéra national de
Paris dans une mise en scène de Bob Wilson. De nombreux contenus
additionnels seront prévus dans le but de familiariser les internautes
avec l'opéra : les différents instruments de musique, la fonction
d'une partition, à quoi sert le solfège ?, les plus grands
opéras, les musiciens, les chanteurs, la Catasfiore, l'opéra au
cinéma, l'opéra dans les livres, un
Abécédaire...
Le deuxième épisode portera sur la
réalisation du journal de 20h00 dans une chaîne de
télévision à travers le point de vue du rédacteur
en chef. Concentré sur une seule journée, il fera
découvrir les principales étapes de la réalisation d'un
journal depuis la première conférence de rédaction du
matin jusqu'à sa diffusion à l'antenne, en suivant une
équipe en reportage, le montage d'un sujet, le mixage, l'écriture
du conducteur, la réunion d'un service, la dernière
conférence de rédaction puis la diffusion du journal depuis la
régie antenne. Une horloge s'affichera en permanence pour
décompter le temps qui reste avant le début du JT. Un fil de
dépêches d'agences de presse sera diffusé en permanence
à la manière des bandeaux sur les chaînes d'information en
continu et des fenêtres s'ouvriront de manière impromptu avec des
flash radio pour recréer l'univers d'une salle de rédaction. Nous
avons l'intention de prendre contact avec France 2 pour leur présenter
ce projet.
Le troisième épisode suivra pendant plusieurs
jours un soigneur à l'occasion de la naissance d'un animal dans un zoo.
Le ZooParc de Beauval, situé dans le Loir-et-Cher, nous a donné
son accord de principe. Il s'agit de l'un des plus grands zoos d'Europe avec
une collection de 4.000 animaux et un parc de 26 hectares. Le calendrier du
tournage sera décidé en fonction des naissances prévues :
il y en a eu 350 en 2009. Cet épisode s'adressera en particulier aux
enfants en leur faisant découvrir les différentes espèces
d'animaux et en suscitant leur curiosité avec des énigmes sous
forme de jeu : reconnaître les cris des différents animaux,
composer le menu du rhinocéros ... Il sera aussi l'occasion d'expliquer
le fonctionnement au quotidien de ces établissements et les
problématiques auxquelles ils sont aujourd'hui confrontés,
notamment l'interdiction pour les zoos d'acheter des animaux et la
nécessité de se diversifier pour faire venir de nouveaux publics.
Le ZooParc de Beauval en est un bon exemple puisqu'il a notamment fait
construire à 500 metres du parc animalier un complexe hôtelier
recréant l'atmosphère de Bali, en Indonésie.
Le quatrième épisode portera sur le
fonctionnement au quotidien d'un hypermarché à travers le regard
de son directeur. Comment gère-t-on les stocks ? Qui choisit les
vêtements des rayons textiles ? Quel est le parcours d'une fraise
espagnole avant d'arriver sur les étals ? Comment mesure-t-on la
fréquentation du magasin ? Existe-t-il des recettes secrètes pour
doper les ventes ? Quelle est la journée-type d'un chef de rayon ? Le
web documentaire s'efforcera de répondre à toutes ces questions
et à bien d'autres en s'attachant aux aspects concrets et logistiques de
la gestion d'un hypermarché. Nous avons effectué des
démarches auprès de la direction de Carrefour afin d'obtenir
l'autorisation de filmer dans l'hypermarché de Portet sur Garonne, dans
la banlieue de Toulouse, qui est l'une des plus vastes enseignes en France.
Pour chaque épisode, nous avons prévu
d'interviewer divers spécialistes (sociologue, critique,
spécialistes des médias) afin d'élargir le cadre du sujet
et remettre en perspective les informations.
c) Le cahier des charges - Structure :
Le web documentaire sera construit selon un dispositif
à plusieurs niveaux et plusieurs entrées. L'internaute aura le
choix d'interagir ou non avec les liens hypertexte proposés.
Un récit linéaire remettra en perspective les
informations et reliera entre eux les différents contenus. Il sera
constitué par le point de vue de l'un des acteurs principaux du lieu
concerné et permettra à l'internaute de découvrir de
l'intérieur les coulisses du lieu.
Grâce à un menu divisé par
thématiques, les internautes auront également la
possibilité de visionner seulement les parties qui les
intéressent. Chaque épisode comprendra par ailleurs un menu
supplémentaire constitué des différentes professions du
lieu concerné.
L'internaute aura la faculté d'influer sur son parcours
en choisissant par exemple les personnes qu'il souhaite rencontrer, les
questions qu'il souhaite poser, la direction qu'il veut emprunter
Pour permettre ces différents modes de narration tout
en assurant un parcours fluide de l'internaute, l'interface web de chaque
épisode sera bâtie à partir d'un même schéma
d'arborescence qui pourra être adapté aux
spécificités de chaque épisode76.
- Participation de l'internaute
Un système d'enregistrement sera prévu au
lancement du site internet pour permettre à l'internaute de reprendre
à l'endroit où il avait quitté le web documentaire la
dernière fois. Il pourra aussi s'enregistrer via son profil Facebook ou
son compte Twitter. Un système de « chat » sera
organisé pour les personnes inscrites sur le site.
Les internautes seront invités à laisser leurs
commentaires, à partager leurs expériences et
éventuellement leurs photos et leurs vidéos, dans une partie de
la page d'accueil qui sera clairement identifiée.
Un module de jeu sera proposé dans chaque
épisode. Exemple : l'épisode consacré à la
préparation du 20h00 donnera la possibilité à l'internaute
de mixer un sujet et de préparer son propre journal.
Un lien sera mis en place avec le site de musique en streaming
Deezer pour faire connaître la bande son du web documentaire
L'internaute aura la possibilité de placer dans un
panier les liens hypertextes afin de pouvoir les visionner
ultérieurement.
- Univers graphique :
Une charte graphique a été définie pour
donner une cohérence et une identité visuelle à l'ensemble
de la collection. Un code couleur différent sera utilisé pour
chaque épisode afin de les démarquer.
76 Voir le schéma de cette arborescence, Cf. Annexe 10
- Univers sonore :
Une place importante sera accordée à l'habillage
sonore afin de renforcer l'impression d'immersion de l'internaute.
- Langues : français et anglais
- Mise à jour : pendant toute la durée de diffusion
de la collection
d) L'économie du projet : une collection «
crossmedia »
La collection « Dans les coulisses...» a
été conçue comme un projet crossmedia destiné
à être adapté à différents supports. Chaque
épisode est conçu des l'écriture dans l'optique d'une
éventuelle diffusion en télé dans un format de 26 minutes.
Les web documentaires seront accompagnés lors de leur mise en ligne par
le lancement d'une application iPhone sous forme de jeu interactif en lien avec
la thématique concernée.
Nous comptons proposer les quatre premiers sujets dans le
cadre d'une offre groupée aux différents diffuseurs qui
pourraient être intéressés. Nous ciblons prioritairement
France Télévisions et plus particulièrement France 5 dont
la ligne éditoriale, « la chaîne de la connaissance »,
correspond parfaitement aux ambitions de notre série. Elle s'est
déjà fortement impliquée dans la production de web
documentaires avec « The Big Issue : l'Obésité est-elle une
fatalité " et surtout avec la série « Portraits du nouveau
monde ". En outre, « Dans les coulisses...» s'intègrerait
à la volonté du groupe de favoriser les projets patrimoniaux,
destinés à durer dans le temps. Nous pensons également
prendre contact avec Arte, qui est l'autre principal acteur du web documentaire
parmi les diffuseurs.
En terme de budget, nous évaluons le coût de
chaque épisode à 65 000 euros en moyenne (diffusion
télé non incluse), sachant que des écarts sont
prévisibles, les durées de tournage étant très
différentes d'un sujet à un autre.
Nous solliciterons un soutien financier auprès du CNC
dans le cadre de l'aide aux nouveaux médias. Si l'enveloppe maximale
nous est accordée, elle pourrait abonder notre plan de financement
à hauteur de 100 000 euros.
Nous envisageons également des coproductions
internationales avec la Télévision suisse romande (TSR) qui a
préacheté « Havana-Miami " et avec l'Office national du film
du Canada, très actif dans le domaine du web documentaire.
Chaque épisode pourra par ailleurs faire l'objet de
financements complémentaires individualisés. Nous sommes
notamment en discussion pour une coproduction avec l'Opéra de Paris pour
le sujet qui sera consacré au montage de « Madame Butterfly ".
Nous envisageons en outre de solliciter des marques et des
institutions qui pourraient envisager de sponsoriser les sujets en lien avec
des thématiques qui les concernent.
e) Plan de communication et marketing : une double
approche
Un double dispositif sera mis en place pour la communication
autour du projet : un plan de communication qui portera sur l'ensemble de la
série et sur notre société et une communication
individualisée pour chacun des épisodes afin de tenir compte de
leurs
spécificités et des cibles différentes
auxquelles ils s'adressent. L'épisode consacré à la grande
distribution est plutôt destiné à un public adulte alors
que celui sur le zoo s'adressera spécifiquement aux enfants.
En tirant parti de nos différents réseaux, nous
développerons une campagne d'information adaptée aux
différents supports : presse, radio et internet. Nous mettrons l'accent
sur ce dernier car il s'impose aujourd'hui comme le principal vecteur
d'information sur les web documentaires, notamment par le biais de sites
spécialisés comme
linterview.fr. Une action
particulière sera envisagée à destination des
réseaux sociaux comme Facebook et Twitter qui sont notamment très
regardés et très utilisés par les professionnels investis
dans le web documentaire. Une page Facebook sera ainsi créée pour
la collection qui commencera à distiller des informations sur le projet
très en amont de la diffusion afin de générer une attente.
Des informations sur l'état d'avancement du projet seront
régulièrement ajoutées et des extraits seront mis en ligne
en exclusivité avant le jour officiel de la diffusion. Un compte Twitter
sera également mis en place afin de créer une communauté
autour du projet.
Nous avons prévu de présenter la collection dans
les différents festivals qui traitent du web documentaire : Festival des
4 écrans, Festival international Télévision sur
internet-WEBTV de la Rochelle dont la premiere édition vient d'avoir
lieu cette année, Festival international des programmes audiovisuels
(FIPA), Sunny Side of the Doc (marché international dédié
au documentaire et organisé à la Rochelle), Visa pour l'image qui
a créé un prix spécial pour le web documentaire en 2009,
et le festival Ardèche Images de Lussas.
Des opérations spéciales seront également
préparées pour communiquer autour des web documentaires. Un jeu
concours sera par exemple organisé pour le web documentaire
consacré au montage de « Madame Butterfly » afin de faire
gagner des places aux internautes. Pour le lancement de l'épisode
consacré à la préparation du 20h00, une émission
spéciale pourra être organisée sur la chaîne
représentée dans le sujet autour des questions d'information et
de journalisme.
De multiples partenariats sont par ailleurs prévus en
fonction des sujets. Pour le troisième épisode qui sera
centré sur le ZooParc de Beauval, une association peut être
envisagée avec le WWF sur la thématique de la sauvegarde des
espèces en danger et un partenariat pourrait aussi être
lancé avec Géo et des magazines jeunesse.
4) Diversification et perspectives
Nous croyons beaucoup au potentiel de cette collection pour
nous lancer. Il n'en reste pas moins qu'elle ne saurait à elle seule
assurer la viabilité économique de la société.
Aussi, il nous apparaît d'ores et déjà indispensable de
diversifier nos activités tout en gardant la spécificité
du contenu produit : le web documentaire.
a) L'institutionnel
Notre cible première regroupe, pour utiliser des termes
génériques, institutions et associations.
On l'a vu avec le web documentaire « Témoins du
dedans » financé par l'Unicef, ou encore avec Médecins du
Monde qui, à l'occasion de ses 30 ans en 2010, a élaboré
pour son site un
programme intitulé « J'ai 30 ans, Médecins
du Monde a 30 ans77 ", le genre séduit. Il est manifestement
un bon moyen de communication. Il faut dire qu'il offre de nombreuses
possibilités. Quelques collectivités territoriales commencent
à développer de nouveaux outils de communication intégrant
des web documentaires. Deux approches peuvent être adoptées : le
web documentaire plus artistique comme ceux présentés sur le site
de la Ville de Paris à l'occasion de la refonte de son site internet, et
intitulés « Parisiens78 " ou une approche plus
pédagogique comme l'opération réalisée par le
conseil général des Côtes d'Armor qui a
réalisé un web documentaire de présentation de son budget
ou encore celui de la Ville de Clermont-Ferrand qui a réalisé un
web documentaire sur les pratiques durables79 dans le cadre de la
semaine du développement durable.
Nous pensons que le format choisi pour notre collection «
Dans les coulisses... " correspondra parfaitement aux attentes des
collectivités territoriales, ONG ou autres institutions. Mise en valeur
d'un lieu ou d'une action, plongée au coeur d'une campagne, aide
à la mise en place de campagnes citoyennes via le web documentaire, les
possibilités sont particulièrement larges.
Reste à savoir quels sont les budgets qu'elles sont
prêtes à y consacrer. Car si la Ville de Paris, à titre
d'exemple, a inclu dans la refonte de son site internet une rubrique web
documentaire c'est uniquement sur la proposition d'une des journalistes du
site, Aurélie Champagne, qui crée ce contenu avec une photographe
de la Ville. La structure est légère et les coûts de
production sont nuls. A ce stade, c'est une sorte d'extra qui n'a aucun
coût global quantifié. « Ce n'est ni de l'actualité
municipale, ni de l'actualité tout court " nous a indiqué
Aurélie Champagne. C'est « un contenu d'actualité froide qui
échappe, de fait, aux contraintes de production " et permet ainsi une
totale liberté de format, ou de périodicité... Une ville
comme Paris propose donc d'ores et déjà ce type de contenu. Il
s'agit d'une porte d'entrée pour notre société. S'appuyer
sur une ressource interne isolée et par ailleurs chargée de
nombreuses autres tâches, ne lui permettra pas de développer des
contenus très élaborés. Dans la mesure où la prise
de conscience de l'intérêt de ce type de contenu est
déjà faite, il nous sera relativement facile de présenter
l'apport indéniable de notre savoir faire en apportant des propositions
innovantes.
b) Marques et entreprises
Nous pensons également trouver des ressources
complémentaires via des partenariats avec marques et entreprises. Selon
Laurence Bagot, de Narrative, ce marché est en développement :
« On a de plus en plus de demandes de diffuseurs pas audiovisuels ou pas
issus du monde de l'audiovisuel qui viennent nous voir pour des prises de
parole d'auteurs ou associées à des auteurs sur des sujets
particuliers80 ". Dans ce cadre, nous regardons avec attention le
positionnement des marques aujourd'hui. Deux options s'offrent à elles.
Elles peuvent produire elles-mêmes des contenus via leur propre structure
avec le risque d'un résultat très « corporate ". Elles
peuvent aussi avoir intérêt à investir dans des projets
qu'elles ne créent pas mais auxquels elles associent leur image. C'est
l'exemple récent de SFR avec le web documentaire « HomoNumericus "
qui porte sur les nouvelles pratiques numériques. Entièrement
financé par la marque, son écriture et sa réalisation ont
été confiées à des auteurs
77
http://www.medecinsdumonde.org/fr/30-Ans-de-Medecins-du-Monde-Le-web-documentaire
78 ttp://webdoc.paris.fr/
79
http://www.clermont-ferrand.fr/-Clermont-sentinelle-de-l-.html
80 Laurence Bagot in Atelier des medias, émission 116-1
indépendants. Dans cette optique, les entreprises
pourraient notamment avoir recours à du contenu informatif ou dit «
de découverte " sur lesquels on peut imaginer une approche documentaire.
C'est la démarche adoptée par la SNCF, comme le raconte Mathieu
Guével81, en créant un « mini site " Eurostar
consacré à des reportages et informations pratiques sur la ville
de Londres. Le but recherché étant non pas uniquement de faire de
la publicité pour la SNCF mais, au delà, de servir son
activité en augmentant la fréquentation des trains Eurostar en
donnant envie de voyager.
Dans cet esprit, nous pourrions proposer un « Dans les
coulisses..." à des marques qui ont une histoire ou des savoir-faire
particuliers. Nous proposerons un contenu d'auteur qui pourra aussi servir
d'atout de communication de la marque sans être à la base un
contenu de communication. De la même manière, comme un certain
nombre d'entreprises se positionnent aujourd'hui comme fournisseurs de
contenus, elles pourraient tout aussi bien devenir des coproductrices de web
documentaires diffusés sur des sites de médias ou sur des
plateformes en quête de programmes. Nous pourrions, sur ce point, leur
apporter notre expertise. C'est une piste à explorer très
rapidement dans notre développement.
c) Technologies et écritures nouvelles : les
perspectives
Notre société a vocation, sur la base de sa
collection, à intégrer un secteur jeune et émergent et
à se positionner pour un avenir très proche. Car si le web
documentaire a pu se développer, c'est aussi grace au déploiement
des accès pour un plus grand nombre de nos concitoyens. La France vient
de franchir le cap des 20 millions d'abonnés à l'internet haut et
très haut débit, ce qui permet indéniablement de proposer
des contenus du type « Prison Valley " à un public désormais
très large. Ce moment est d'ailleurs passionnant tant les lignes bougent
et personne ne sait réellement où le curseur
s'arrêtera82.
Dans la même perspective, nous croyons beaucoup à
la télé connectée comme étant le mode de
consommation de contenus le plus adapté, dans un avenir très
proche, au public le plus large. La télé connectée c'est
un téléviseur qui permet, sur le même écran, de
regarder une émission et de consulter ses prolongements internet :
même écran, même télécommande. C'est aussi une
bataille qui faire rage entre les acteurs du secteur. Les partenariats
signés directement entre fabricants d'écrans et fournisseurs de
contenus inquiètent naturellement les distributeurs. Nous assistons
seulement au début de cette connexion entre téléviseurs et
internet. Mais le phénomène devrait, selon certains observateurs,
concerner 50 % des télévisions d'ici trois ans dans les foyers.
Cette consommation des médias sur un mode
délinéarisé, interactif, et non plus dans une logique de
flux, va, de fait, toucher l'intégralité des médias.
L'annonce par Google du lancement de sa solution technologique appelée
Google TV, basée sur son système d'exploitation Androïd,
afin « de combiner le meilleur de la télévision et de
l'internet " et spécifiquement créée pour la
télévision connectée en est un exemple. Et si nous ne
considérons pas que la télévision soit morte, nous croyons
avec
81 Dans le cadre de son intervention au Master D2A, le 6 mai
2010
82 A cet égard, un récent article d'Eric Mettout
nous a paru significatif. L'intérêt vient moins de sa critique de
« Prison Valley " considéré comme un bijou luxueux
comparé à « Avatar », ni de sa vision de l'avenir du
journalisme sur le web qui pose éminemment question.
L'intérêt vient plutôt de cette délicieuse
astérisque délicatement posée en bas de l'article
après « j'ai bien peur, pour une fois, d'avoir raison " et qui nous
dit : « (*) A cette réserve près, soulevée par ma
boss, Corinne Denis, ce matin, que toutes ces âneries que j'ai
écrites ci-dessus pourraient être remises en cause par
l'éventuel succès de l'iPad, plate-forme idéale pour ce
type de produit. ". Tout est dit.
conviction que l'émergence de contenus de
qualité est nécessaire pour le web et pour les diffuseurs qui
voudront y prendre une place significative.
Au delà, la multiplication des supports entraîne
une multiplication des contenus ad hoc. Iphone, Smartphone, Ipad, les usages ne
sont pas les mêmes, et les nouvelles écritures n'ont pas encore
livré toutes leurs potentialités. Jusqu'à quel point
peut-on s'écarter du linéaire? Les chantiers sont énormes.
C'est ce que relève Joël Ronez : « On est au début
d'une histoire. Il y a un problème fondamental - et nous, on tourne
autour de cela et pour l'instant on n'a pas toutes les compétences, les
moyens, les évolutions, l'industrie, les auteurs, les
scénaristes, les producteurs, les technologies à notre service
pour le résoudre - c'est comment on arrive à résoudre la
contradiction entre ce format linéaire qu'est la vidéo (...) et
la notion d'hypertexte qui est la révolution absolue en matière
de contenus. (...) C'est un défi énorme. Il y a une industrie, un
genre qui a réussi cela c'est celle du jeu vidéo. C'est vers
là à mon avis que la production de contenus narratifs qu'ils
soient fiction ou documentaire, c'est autour de cela à mon avis qu'il va
falloir travailler. Par contre c'est vrai que là on est dans des budgets
qui sont ceux du long métrage83 ". Un de nos objectifs
à moyen terme est de développer un certain nombre de programmes
identifiants avec des écritures se rapprochant du jeu vidéo.
Les usages du public évoluent très rapidement
à l'image d'ailleurs de ceux des créateurs. D'un
côté, nous l'avons vu, de nouvelles écritures restent
à inventer et à investir et, de l'autre, les secteurs tendent
à se décloisonner. Notons, à cet égard, que
l'université d'été de la bande dessinée 2010 aura
pour thème « Transmedia, crossmedia, médiaglobal, de l'album
singulier aux écrans multiples ". Le texte de présentation des
débats pose notamment la question des auteurs au sein de ces mutations.
Il indique : « un grand nombre d'auteurs migrent désormais du livre
à l'animation, du cinéma à la programmation informatique
ce qui annonce, depuis quelques années, une nouvelle
génération d'auteurs pluridisciplinaires... à l'image de
ces trois journées d'échanges84 ".
C'est aux côtés de tous ces acteurs et de toutes
ces nouvelles formes de création que nous voulons d'ores et
déjà nous engager, afin, à terme, de devenir des acteurs
du secteur capables d'effectuer des missions de conseil sur les contenus
narratifs, et d'assurer le développement de projets innovants sur le web
et sur tous les nouveaux canaux de distribution qui émergent.
83 Atelier "doc on web" organisé le 20 janvier 2010
à la SCAM
84
http://www.citebd.org/spip.php?article1399
En conclusion...
Au terme de notre étude sur le web documentaire et ses
différentes composantes, nous sommes arrivés à la
conclusion que l'atout essentiel de notre projet est d'intervenir dans un
timing plus que favorable. Le marché est en effet suffisamment mature
pour se structurer mais présente l'avantage d'être encore assez
jeune pour nous permettre un positionnement pertinent. Par notre collection,
nous faisons le choix d'un projet porteur, qui se démarque de l'offre
dominante, axée sur l'investigation journalistique, pour
privilégier l'angle de la découverte et tenter ainsi de
s'adresser à un plus large public.
Nous sommes convaincus qu'il faut placer le contenu, et donc
l'auteur, au coeur de notre développement pour assurer notre
légitimité. C'est pourquoi nous avons fait le pari d'appuyer
notre ambition par le développement d'un projet éditorial fort.
Notre collection portera notre projet de société et non
l'inverse. En outre, en faisant le choix d'une structure légere dans son
fonctionnement et d'une grande souplesse d'évolution, nous prenons en
compte toute la fragilité de ce secteur et les incertitudes qui
l'accompagnent. Car le web documentaire est un genre mouvant aux confluents de
plusieurs secteurs, eux-mêmes en pleine mutation. Pour ces raisons, il
est difficile de faire des pronostics à long terme pour l'ensemble du
secteur et par conséquent pour notre société. C'est le
revers d'un marché en pleine maturation.
Certaines idées ou vérités qui semblaient
valables il y a seulement quelques mois apparaissent aujourd'hui
déjà remises en question. On a aujourd'hui plus de doutes,
notamment, sur la capacité du web documentaire à offrir une
planche de salut au photojournalisme.
Dans cet ensemble mouvant, quelques tendances se distinguent
néanmoins. Ainsi, il nous semble que vont coexister à terme deux
grands modèles : une production aux moyens conséquents
adossée à une diffusion audiovisuelle et une production de
contenus destinés uniquement au web, de moindre grande envergure, qui
remplit néanmoins une autre vocation et qui a toutes les chances de
perdurer. Cette coupure est susceptible d'être amplifiée par les
évolutions techniques. D'un côté, la démocratisation
croissante des outils de création va favoriser la multiplication des
petites productions. De l'autre, la réalisation d'oeuvres ambitieuses
impliquera de plus en plus d'investissements humains et financiers importants
qu'à ce jour, seuls les diffuseurs de télévision semblent
en mesure d'apporter.
Autre enjeu de taille, le web documentaire étant encore
peu identifié auprès du grand public, il suppose de se donner des
moyens particuliers pour assurer une visibilité aux projets afin de
capter une audience qui n'est pas d'emblée acquise. Plus largement il va
devoir se construire lui-même un modèle économique à
l'image du documentaire audiovisuel qui, à de rares exceptions
près, repose sur des montages financiers fragiles.
C'est dans cette optique que la question de l'écriture
est un enjeu primordial. A ce jour, les propositions faites par les
créateurs, en dépit de leurs nombreuses qualités, restent
bien souvent conventionnelles et très linéaires. Les
écritures parviennent difficilement, pour l'instant, à se saisir
des enjeux d'innovation qu'elles abandonnent en partie aux technologies. Le
constat est assez flagrant, la seule interactivité ne suffit pas pour
faire venir le public. Mais de nouvelles pistes commencent à être
explorées. Les « Serious Games " et autres « Alternative
Reality Games ", devraient être autant de laboratoires aux pratiques des
auteurs et bouleverser les codes habituellement proposés au public. Au
final, c'est le spectateur qui reste juge. L'audience devrait elle-même
réguler une offre pour l'instant encore très jeune est
très inégale.
L'expérience montre à quel point le
numérique a déjoué de nombreux pronostics pour faire
apparaître des modèles là où on ne les attendait
pas. L'émergence, par exemple, d'un modèle payant grace à
l'iPhone ou à l'iPad, était imprévisible il y a encore
deux ans. L'idée qui porte notre projet est donc de prendre nos marques
dans la perspective de cette évolution.
Nos objectifs : nous positionner, nous former, connaître
le secteur et avoir une structure suffisamment souple pour être
réactifs et compétitifs, être prêts à saisir
l'opportunité là où elle apparaîtra.
Ressources
Articles de presse
Le pari du webdocu, Martine Delahaye, Le Monde
TéléVisions, 22.02.2010
Arte lance un site dédié aux
«webdocumentaires», Stéphane Dreyfus, La Croix,
20.02.2010
La web-création était à l'honneur du
23ème Festival international des programmes audiovisuels de
Biarritz, Correspondance de la Presse, 01.02.2010
Arte : projet de création d'une plateforme pour les
jeunes créateurs, Satellifax, 26.08.2009 Voyage au bout d'un
webdocumentaire, Magali Jauffret, L'Humanité, 01.09.2009
Comment rentabiliser le web-documentaire ?, Satellinet, 25.01.2010
Le web-documentaire, avenir du documentaire ?, Maud
Dugrand, L'Humanité, 29.06.2009 La culture au secours du
photojournalisme, Magali Jauffret, L'Humanité, 01.09.2009
Le web doc questionne les producteurs, Annick
Hémery, Sonovision, 01.03.2010
Le web-doc, un renouvellement du genre documentaire,
Marie-Dominique Follain et Laurent Houssay, AFP, 20.11.2009
Le photojournalisme le temps des épreuves, Claire
Guillot, Le Monde, 07.09.2009
Une conférence sur le web-documentaire à
Doc'Ouest, La Lettre d'Ecran total, 21.09.2009 France 5 voit grand
dans le webdocumentaire, Maud Dugrand, L'Humanité, 25.11.2009
Les nouveaux auteurs de la Toile, Anne-Lise Carlo, Stratégies,
11.02.2010
Festival Européen des 4 écrans : le web
documentaire, un genre très demandé, Satellifax, 23.11.2009
Le documentaire se réinvente sur le Web, IR, La
Tribune, 26.10.2009
L'économie fragile d'un webdocumentaire, Martine
Delahaye, Le Monde TéléVisions, 18/19.04.2010
La stratégie web d'Arte, Sandrine Cochard, 20
Minutes, 25.08.2009
France Télévisions à l'assaut du
web-documentaire, Alice Coffin, 20 Minutes, 28.01.2010
Arte et France 5 mettent le paquet sur le web-doc,
Sophie Bourdais, Marie Cailletet et Virginie Félix,
Télérama, 22.02.2010
Ces webdocumentaires dont on est le héros, Oriane
Raffin, 20 Minutes, 19.02.2010 Le web-documentaire s'invite à
«Visa pour l'image»,
LeMonde.fr, 01.09.2009
Webdocumentaire, le reportage à l'ère du
multimédia, Armelle Canitrot et Stéphane Dreyfus, La Croix,
04.12.2009
Le web-documentaire explose sur la toile, Alice Coffin,
20 Minutes, 15.02.2010 Le webdoc tisse sa toile, Etienne Sorin,
L'Express, 18.11.2009
Les web-documentaires en recherche de modèle
économique, Capucine Cousin, 20 minutes, 26.04.2010
Premier festival international de la télévision
sur le web à la Rochelle, Sud-Ouest, Christiane Poulin,
17.05.2010
Interview Guillaume Blanchot, Newsletter Sunny Side of
The Doc, 27.01.2009 Interview Guillaume Blanchot, Ecran Total,
24.06.2009
Ressources internet
Première rencontre CNC-SACD 2009/2010, 17 novembre 2009,
Utilisation d'internet comme outil d'écriture : quelles méthodes
de travail entre les auteurs du web, du cinéma et de la
télévision ?
www.cnc.fr
Troisième rendez-vous du CFPJ (Centre de formation et de
perfectionnement des journalistes) consacré aux nouvelles formes de
récit journalistique. A retrouver à l'adresse :
http://www.cfpj.com/cfpj-lab/articles/Web-documentaires-Web-fictions-la-creativite-auservice-de-l-editorial.html
Emission 116-1 de l'atelier des médias de Radio France
Internationale consacrée à l'économie du web documentaire.
A retrouver à l'adresse:
http://atelier.rfi.fr/profiles/blogs/emission1161-depart-de#5
Débat sur les web documentaires entre le
réalisateur de web documentaires Samuel Bollendorff et le photographe
Lorenzo Virgili sur le site du journal La Croix (04.12.2009). A retrouver
à cette adresse :
http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2404662&rubId=55407
Atelier «Doc on Web» de la SCAM, le 20 janvier 2010,
avec Boris Razon, rédacteur en chef du Monde.fr, Joël Ronez
responsable du pôle Web d'Arte France, Guillaume Blanchot directeur
multimédia du CNC, Laurent Duvillier directeur général de
la SCAM et Judith Rueff, journaliste et cofondatrice de Ligne 4. A retrouver
à cette adresse :
http://www.dailymotion.com/video/xc0diadoc-on-webcreation#from=embed
Newsletter numéro 8 de Sunnysideofthedoc. A voir à
:
http://www.sunnysideofthedoc.com/fr/newsletter8.php
http://blog.lafabriquedureel.fr/ : blog sur les nouveaux
médias
http://laboculturel.blogspot.com/2009/09/dossier-le-web-documentaire.html
http://webdocu.com/ : mémoire d'Emiland Guillerme
pour sa dernière année d'école de journalisme au Celsa
(2009)
http://linterview.fr/new-reporter/
: site spécialisé dans les web documentaires
http://www.vigieduweb.com/ : site spécialisé
dans les produits multimédias animé par Bernard Monasterolo,
directeur artistique au Monde.fr et Oriane Raffin, journaliste
multimédia à
20minutes.fr
http://3wdoc.com/fr : par
l'équipe de l'agence web Hecube dédiée à l'univers
du web documentaire et à la narration sur internet
http://numerico.wordpress.com/ : blog
réalisé par des étudiants de l'école de journalisme
de Sciences-Po
http://www.web-activiste.com/
http://www.lafabriquedelinfo.fr
: site sur l'information réalisé par des étudiants de
l'Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA)
http://webreportage.blog.lemonde.fr
: blog consacré au web reportage hébergé sur le site du
Monde.fr
http://www.ina-sup.com/enseignement-superieur/ina-sup-decrypte-les-4-ecrans
: compterendu des ateliers et d'interviews
http://webdoc.web-reporter.net/ : blog qui raconte la
fabrication en cours d'un web documentaire contributif
Rapports et bilans :
La mise en oeuvre d'un projet de production web, rapport de
Michael Swierczynski, responsable pôle internet
ina.fr
Aide aux projets pour les nouveaux médias, le
cinéma et la télévision, 2007-2009 - projets retenus,
publication du CNC
Bilan 2009/dossier#314/mai2010 CNC
Annexes
Annexe 1 : Typologie du web documentaire
Annexe 2 : Visuels de la catégorie << visuels
interactifs » Annexe 3 : Visuels de la catégorie <<
récits interactifs »
Annexe 4 : Visuels de la catégorie << récits
participatifs et/ou contributifs » Annexe 5 : Interview de Pauline
Augrain, chargée de mission CNC Annexe 6 : Interview de Samuel
Bollendorff, photoreporter
Annexe 7 : Interviews d'Emmanuel Leclère et de
Jean-François Fernandez, auteurs Annexe 8 : Interview de Thierry Caron,
photographe
Annexe 9 : Interview de Valentine Letendre,
réalisatrice
Annexe 10 : Schéma d'arborescence de la collection
<< Dans les coulisses... » Annexe 11 : Descriptif du fonds <<
Nouveaux médias » du CNC
Annexe 1
Typologie du web documentaire
Annexe 2
Visuels de la catégorie
« visuels interactifs »
Visuel n° 1 : « Haïti, la vie au milieu des
ruines " : entrée par thème dans le web documentaire
Visuel n° 2 : « Chanteloup, ma France ", issu de
la collection « Portraits d'un nouveau monde " : entrée par
personnage dans le web documentaire
Visuel n° 3 : << iROCK » : entrée
par carte dans le web documentaire
Visuel n°4 : << Le corps
incarcéré » : navigation au sein du web documentaire
Annexe 3
Visuels de la catégorie
« récits interactifs »
Visuel n° 1 : « Thanatorama » :
cartographie des chapitres
Le format Honkytonk
Visuel n° 2 : << The Big Issue >>
Visuel n° 3 : << Le Challenge >> :
Annexe 4
Visuels de la catégorie
« récits participatifs et/ou contributifs
»
Visuel n° 1 : « Gaza/Sderot » :
entrée par date
Visuel n° 2 : « Havana/Miami » :
l'interface participative
Visuel n° 3 : « Prison Valley » : la
chambre d'hôtel / menu, la fenêtre de chat
Visuel n° 4 : « Prison Valley » : le
parcours de l'internaute
Annexe 5
Interview de Pauline Augrain
Chargée de mission CNC
Interview PAULINE AUGRAIN, chargée de mission au
CNC à la direction du multimédia et des industries techniques
(19/05/2010)
L'idée est d'établir une typologie, un
état des lieux du web documentaire.
Il faut essayer de distinguer le web documentaire, qui est
vraiment issu d'un travail d'auteur, de ce qu'on peut appeler le web reportage,
où on est purement dans une nouvelle forme de récit
journalistique, qui est aussi très intéressant. Mais, en tous cas
nous, nous essayons de nous recentrer sur l'oeuvre au sens assez traditionnel
du terme pour ne pas être complètement submergés de projets
qui viennent de journalistes et qui ont uniquement comme sujet un traitement
particulier de l'actualité et où l'on reste dans du flux.
Mais ça, c'est la culture CNC et il se trouve
qu'effectivement, le web documentaire a eu un écho très important
dans le monde du journalisme, et surtout du photojournalisme, car cela
participe du besoin de diversification de la presse aujourd'hui. Ce qui ne veut
pas dire qu'il n'y a pas de projet de web documentaire intéressant
venant de journalistes. C'est exactement le cas de « Prison Valley ».
David Dufresne et Philippe Brault, ce sont des journalistes et des
photojournalistes à la base et ce n'est pas pour autant que «
Prison Valley » n'a pas un vrai propos documentaire. De la même
façon, on a aussi aidé un projet dont la démarche est
assez proche, qui s'appelle « Prypiat », qui parle de Tchernobyl, de
sa ville dortoir, de Guillaume Herbaut et Bruno Masi, qui ont exactement les
mêmes profils : un photographe et un journaliste. Donc c'est quelque
chose d'assez classique : un couple photographe-journaliste qui propose des
projets, parfois extrêmement intéressants.
Par rapport à l'idée de typologie, nous aussi
nous nous sommes forcément interrogés sur la manière de
catégoriser les différents web documentaires, en tous cas ceux
que nous avons pu aider, puisqu'aujourd'hui, les trois-quarts des projets
internet que nous aidons sont des documentaires. C'est le genre qui a le plus
clairement émergé depuis un peu plus de deux ans et qui se
structure aujourd'hui. Du coup, il nous permet d'avoir une meilleure
visibilité puisqu'il y a un certain nombre de projets, 17 je crois, qui
sont en ligne aujourd'hui et dont certains ont un impact extrêmement
important auprès du grand public, comme « Prison Valley ».
Et le reste, c'est de la fiction ?
Le reste c'est un petit peu de fiction, un petit peu
d'animation et un petit peu de magazine aussi mais sur internet, cela reste
assez marginal. Même de vraies propositions de ce qu'on peut appeler des
web fictions interactive, nous en avons eu quelques unes vraiment
intéressantes mais ce sont des projets que nous aidons pour l'instant
seulement en écriture et qui ont du mal à résoudre les
problèmes d'écriture interactive qui peuvent se poser
également dans le cas du web doc.
Dans la fiction, c'est généralement encore plus
compliqué. Il faut faire travailler ensemble des scénaristes et
des game designer et ce sont deux cultures et deux univers qui ne se
connaissent pas du tout. En général, les scénaristes ont
beaucoup de réticences à déléguer l'écriture
d'une partie de leur projet. Donc, il y a des choses qui se font mais qui, pour
l'instant, ne sont même pas encore en production, juste en
développement, à essayer de résoudre des problèmes
techniques.
Pour en revenir à cette histoire de
catégorisation, moi, ce que je propose en général - et
c'est réducteur et simplificateur mais ça éclaire pas mal
quand on s'adresse un public novice et de néophytes - c'est de classer
les webdocs par degrés d'interactivité. Il y a un premier niveau
qui ne présente pas d'innovation particulière sur le plan de la
forme ou de la narration, qui
reste du documentaire assez linéaire. Soit un petit
webdoc unitaire qui va être simplement un petit objet audiovisuel, comme
« Génération Tiananmen " par exemple. Et c'est typiquement
ce que fait Narrative où on a beaucoup d'images fixes et on aimerait
bien qu'il y ait davantage de travail sur le langage
cinématographique.
On reste sur des petits web docs de format 7/8 minutes
maximum, soit en unitaire, soit sous forme de séries et à ce
moment-là, le mode de visionnage, et en tout cas l'expérience du
spectateur reste assez similaire à ce qu'on peut voir en
télévision.
Après il y a un autre niveau et ça c'est plus
typiquement les projets de Honkytonk comme « Voyage au bout du charbon "
ou « The Big Issue ", qui sont des documentaires interactifs mais pour le
coup simplement interactifs. Généralement, il n'y a même
pas de site web dédié. C'est une application qu'on lance et
malgré tout, même si le producteur s'en défend, cela reste
relativement proche du CD-ROM d'il y a 10 ou 15 ans. En tout cas, ça
n'exploite pas ou très peu les possibilité du web, du web comme
média social. Il y a assez peu la fonction de partage, il n'y a pas la
dimension participative, contributive et pas de réelle expérience
collective. Cela reste une expérience très individuelle, comme
« Thanatorama " par exemple. Ce sont des web docs de premiere
génération sachant que le troisième niveau, et c'est
visiblement ce qui se développe de plus en plus, c'est le
webdocumentaire interactif et participatif. Ça a été un
petit peu « Gaza/Sderot " et encore, ce n'était pas très
abouti à l'époque. Ça a été plus
récemment « Havana/Miami ", qui justement a voulu reprendre le
concept de « Gaza/Sderot " mais en donnant une dimension contributive
beaucoup plus forte. C'est aussi « Prison Valley " où il y a
l'idée de favoriser l'échange, le débat. Je pense qu'ils
auraient pu aller un peu plus loin dans ce sens là. Il y a une
idée vraiment super qui consiste à pouvoir voir le nombre de
personnes connectées en même temps que vous et qui est
présent exactement. Moi j'aurais eu envie, mais peut être qu'il y
a des problèmes techniques, (...) qu'on puisse chatter avec ces
personnes si on reconnait quelqu'un qu'on connaît, qu'on puisse
directement cliquer sur le nom et qu'il y ait tout de suite une discussion
très intuitive, tres spontanée, tres immédiate qui
s'engage. Ça, ce n'est pas encore présent dans le web doc et je
ne sais pas pour quelle raison. Il y a une fonctionnalité qu'ils avaient
prévue, qui a fonctionné pendant les deux premiers jours de mise
en ligne, qui était de poster automatiquement son profil sur Facebook ou
Twitter pendant la lecture de « Prison Valley ". C'est-à-dire que
quand on se connectait au départ, on cochait une case qui autorisait du
coup « Prison Valley " à poster des tweets automatiquement et du
coup à chaque séquence du film, ça indiquait
automatiquement sur Facebook ou Twitter, par exemple, Pauline est devant l'Imaw
au milieu du Colorado et il y avait des liens. Et ça, je trouvais
ça super intéressant parce que du coup, ça ne demande pas
d'effort particulier de l'internaute, ça rend les choses très
très vivantes, ça met en scene l'internaute et en fait, il y a eu
une levée de bouclier immédiate. Tout le monde a dit c'est
scandaleux, on veut pouvoir maitriser les choses et même le fait qu'on
vous demande de vous identifier, ça a suscité beaucoup de
réticences. Au bout de deux jours, ils ont supprimé cette
fonctionnalité. En fait, moi ça ne me choquait pas du tout. Ils
ont quand même réussi à créer un vrai buzz autour de
ça, ce qui finalement reste satisfaisant pour eux, mais c'est vrai qu'il
y a une telle préoccupation, souvent à juste titre, autour de la
question de la protection des données personnelles que ça
empêche de faire un certain nombre de choses.
J'ai une vraie interrogation sur cette dimension
contributive. J'ai regardé les personnes inscrites sur « Prison
Valley », je me suis rendue compte que ce sont essentiellement des
personnes qui s'intéressent au web documentaire.
Je trouve que c'est en train de changer notamment avec «
Prison Valley ".
Alors, forcément tout est relatif, notamment parce qu'ils
ont fait un plan média très important et parce qu'eux-mêmes
ont des relations dans le milieu journalistique.
D'où l'enjeu d'avoir des relais, un plan de
communication suffisamment efficace pour relayer l'existence de ce web
documentaire, lui donner une visibilité. C'est pour ça qu'on va
aussi de plus en plus vers l'idée de systématiquement le coupler
avec un documentaire antenne qui fait en réalité partie de ce
plan média. On est vraiment dans le cas de « Prison Valley " dans
une logique de « reverse broadcasting ». Le produit
dérivé, ce n'est pas le web doc, c'est le documentaire antenne
qui permet de toucher un autre public, de toucher davantage, d'avoir une
exposition plus importante, et ça c'est la tendance
générale.
Pour reprendre mon fil et aller jusqu'au bout de mon histoire
de catégorisation, même si encore une fois c'est juste une
proposition parmi d'autres, je trouve que le dernier niveau qu'on puisse
identifier, ce sont des projets hybrides et bi-média
internet/télévision. Mais pas dans une logique, comme «
Prison Valley ", de déclinaison, mais qui sont au contraire, comme
« Twenty Show ", dans l'idée de se servir du web comme un support
de diffusion d'une part mais (également) pour permettre de recueillir
une matière brute, c'est-à-dire des rushes qu'on va
réutiliser pour créer ensuite derriere un documentaire antenne
qui est vraiment un objet à part qui propose une approche
différente. Comme « Twenty Show ", où on est sur quelque
chose de complètement contributif qui utilise le média internet
et la télévision. Il y a peu d'exemples qui existent comme «
Twenty Show " aujourd'hui mais il y a pas mal de choses qui sont soit en cours
d'écriture, soit en cours de production et qui appartiennent plus au
domaine journalistique. L'idée c'est de faire une premiere phase de
diffusion, mise en ligne sur internet, pour permettre de faire une
enquête participative pour associer directement les internautes à
un travail de journaliste ou d'investigation sur un sujet particulier et
ensuite, avec pour vocation d'en faire un documentaire pour l'antenne mais qui
n'aurait pas pu exister sans le web. Ça, j'ai l'impression que c'est de
plus en plus une tendance de fond même si ce n'est pas évident
à mettre en oeuvre, même si c'est un peu plus cher. En tout cas,
c'est ce qui fait à mon sens les synergies les plus intéressantes
entre les deux médias.
Un peu comme ce qui se fait au Canada avec « PIP
» (« l'indice humain de la crise économique canadienne »)
?
Je n'en ai pas entendu parler spécialement mais oui, le
dispositif serait assez proche en fait s'ils ont peut-être prévu
de faire un documentaire pour l'antenne, je n'en sais rien. Mais c'est
compliqué parce que pour recueillir des contributions
intéressantes, il faut qu'il y ait quand même une carotte, il faut
essayer d'amorcer les choses, il faut qu'il y ait un moteur. Ce qu'ils avaient
trouvé sur « Twenty Show ", c'est la mise en ligne d'abord de ces
vidéos blogs qui étaient des fictions scénarisées
et qui proposaient du même coup une charte de réalisation pour
cadrer les contributions et qui du coup incitaient à faire de
même. Mais, dans le cadre du journaliste participatif, on
réfléchit généralement comment encadrer le plus
strictement possible les contributions des internautes, en allant chez eux, en
allant les suivre, en leur proposant des outils qui permettent tout simplement
des contributions de qualité. C'est ça le souci. Mais là
encore, tout reste à inventer. Pour l'instant, il n'y a pas de recette
miracle sur la dimension contributive qui fonctionne, on prend toujours
forcément des risques.
Et pour vous France 24 c'est du web documentaire ou du
web reportage ?
Plutôt du web reportage, plutôt récit
journalistique. Nous, il est exclu qu'on les cofinance puisque ce sont des
productions internes France 24. Mais, la frontière est très
ténue, quand je
pense à ce qu'a fait
Lemonde.fr. Ils ont pour le coup une
grosse partie de production interne parce que pour Boris Razon, le
rédacteur en chef, l'enjeu du web documentaire est aussi en terme de
formation de ses journalistes, de son équipe, de leur proposer de
commencer à avoir les compétence du multimédia en
général, et puis du coup, de faire leur travail de journaliste de
manière un peu différente, de moderniser un peu tout ça.
Mais pour le coup, il y a un certain nombre de productions internes parce
qu'ils ont les moyens en interne de faire des sites, de faire des choses assez
sophistiquées, assez abouties. Ce qui ne les empêche pas par
ailleurs, de se positionner comme diffuseur assez classique et de
préacheter ou de coproduire des projets que nous sommes nous aussi
susceptibles de soutenir et qui sont proposés par les producteurs
extérieurs. Nous, on se retrouve à ce moment-là dans un
schéma très classique, directement inspiré du
modèle TV en fait.
Pourriez-vous nous rappeler les critères
d'éligibilité des projets que vous soutenez ?
France 24 ne serait pas éligible parce que c'est pour
nous comme une chaîne, c'est de la production interne. Les
critères, c'est une transposition assez directe de ce qui s'applique
à l'audiovisuel. L'idée, c'est que concernant les deux aides
à l'écriture et au développement, puisqu'il existe une
aide à l'écriture multi-supports et une aide à
l'écriture internet, ces deux aides-là sont ouvertes aux auteurs
et aux producteurs. C'est à peu près 50-50 même au niveau
des projets aidés, on aide autant des projets d'auteurs que de
producteurs. L'idée, c'est que comme on est sur quelque chose
d'émergent, comme on a une démarche assez expérimentale
sur ces sujets-là, on voulait que cette aide soit la plus ouverte
possible. D'où l'idée que les auteurs puissent faire la
démarche seuls et puissent obtenir des subventions. Et d'où le
fait que n'importe quelle société de production, quelle que soit
sa forme juridique, que ce soit société ou association, quelle
que soit son activité principale, que ce soit dans le domaine de
l'audiovisuel ou pas, puisse aussi faire une demande sans problème et
obtenir l'aide.
D'ailleurs, les producteurs qui présentent des projets
viennent d'univers assez différents aussi, comme les auteurs qui ont des
profils très différents. Mais, il y a quand même une petite
majorité qui reste des producteurs audiovisuels qu'on connaît par
ailleurs. Beaucoup de producteurs de documentaires comme les Films d'Ici ou
Programme 33, des gens bien connus dans le domaine du doc. Mais, on a aussi des
agences web ou des gens qui viennent de la pub, de la communication interactive
qui proposent des projets qui sont en général hyper bien au
niveau du dispositif de communication, marketing mais
généralement, pas toujours convaincants dans le contenu. Mais,
ils viennent quand même régulièrement.
On a aussi de très jeunes sociétés, et
ça depuis un an, un an et demi. On voit apparaître de nouvelles
générations de producteurs qui sont des boites de production qui
se disent producteurs de contenus mais sans nécessairement
spécifier les choses, sans avoir de ligne éditoriale
précise. Ils revendiquent d'avoir complètement
décloisonné l'audiovisuel et même le cinéma. Ils
s'intéressent aux nouveaux médias mais parmi d'autres supports et
ils peuvent pour autant s'intéresser à la
télévision, au court métrage et même au long
métrage. Je pense qu'ils vont être amenés au fur et
à mesure à préciser un peu leur activité
forcément mais c'est vraiment très caractéristique de
cette nouvelle génération de producteurs. Et, ils ont aussi
dès le départ bien conscience qu'il est impératif de
travailler en équipe, de faire appel à plein de
compétences tres différentes, et aussi éventuellement
d'intégrer une stratégie marketing des le départ, des
l'écriture, quitte à faire appel à des agence de conseil,
qui de plus en plus proposent leurs services dans ce domaine-là du
marketing interactif. Ils ont conscience aussi qu'il ne faut pas hésiter
à aller directement voir les marques d'annonceur en court-circuitant les
diffuseurs et ça, c'est quand même une tendance de fond.
En règle générale, les relations entre
producteur, annonceur et diffuseur sont vraiment en train de changer en
profondeur au détriment du diffuseur qui quand même perd de son
poids.
Vous demandez donc un diffuseur ?
Ensuite, il y a une aide à la production internet,
uniquement ouverte aux sociétés de productions et aux
producteurs, qui effectivement ont déjà l'engagement
chiffré d'un diffuseur. Donc, là aussi, on se
réfère à un modèle de télévision
même si c'est appliqué avec beaucoup de souplesse. L'idée,
c'est d'avoir l'engagement d'un diffuseur mais, c'est diffuseur au sens large.
Ça peut être une chaîne ou un site media, d'autres sites
plus de services comme MSN ou Allociné, des opérateurs de
téléphonie mobile, des FAI... Donc, c'est vraiment ouvert
à tous types de diffuseurs, sachant qu'on a retenu, enfin ce n'est pas
écrit noir sur blanc, trois critères principaux, trois
qualités qu'on doit pouvoir trouver dans ce diffuseur ou aller chercher
ailleurs pour compenser certaines faiblesses. Mais, en gros, l'idée
c'est d'abord d'avoir du préfinancement. Ça, c'est le
critère de base pour assurer une viabilité économique du
projet sachant que nous, de toute façon, on ne peut pas intervenir
au-delà de 50% du budget. Il faut donc aller chercher les autres 50%
ailleurs. Donc, ça c'est la premiere chose, il faut vraiment un apport
en numéraire, même au titre des droits en diffusion, la commission
en fait vraiment une question de principe.
Ensuite, la deuxième chose, c'est que ce diffuseur, ce
site web doit générer pas mal de trafic, pouvoir compter sur une
audience importante pour être un relai auprès du public tout
simplement, pour assurer une visibilité, une exposition suffisamment
importante. Si ce n'est pas le cas, le producteur est libre de trouver d'autres
stratégies de diffusion, d'avoir des co-diffusions, de tout miser sur le
viral, d'intégrer à fond les réseaux sociaux. Mais, en
tout cas, l'une de nos préoccupations majeures, c'est vraiment
d'être sur que le projet sera vu, tout simplement.
Et enfin le troisième critère, qui n'est pas une
exigence absolue, mais on préfère quand ce diffuseur a une offre
vidéo éditorialisée. Pas uniquement en ligne sur le site
de Nike par exemple, complètement hors contexte. C'est dans ce sens que
les sites médias comme
lemonde.fr, Rue 89, Capa etc. ont une
légitimité totale, autant que les diffuseurs internet, parce que
ce projet particulier va s'inscrire dans un projet éditorial global. Il
y a un vrai travail d'éditorialisation derriere et ça, on
apprécie vraiment. Nous n'avons absolument pas de liste de diffuseurs
agréés, on peut nous proposer des choses absolument
inédites. Notre politique c'est de laisser la commission se prononcer
sur ces diffuseurs et de faire au fur et mesure sa jurisprudence.
Et pour Homo Numericuä est-ce qu'ils auraient pu
prétendre à une aide ?
Théoriquement oui. Si c'est SFR qui l'a directement
produit, ils ne pourraient pas avoir d'aide, il aurait fallu que ça
passe par un producteur indépendant car là, on reste dans les
missions ultra classiques du CNC : la création indépendante,
l'aide à la production indépendante etc. Donc on conserve ce
triptyque : producteur, diffuseur, CNC. Le diffuseur et le producteur ne
peuvent pas se confondre, ça c'est une certitude. Voilà ce qui
explique qu'ils n'aient pas cherché à obtenir du financement de
notre part. Par contre, si c'était passé par Honkytonk, la
boîte de prod habituelle de Bollendorff, pourquoi pas, à condition
qu'on ait le contrat avec SFR pour s'assurer que SFR ne s'implique pas dans
l'éditorial, dans l'artistique, que ce n'est pas de la pub
déguisée et qu'on se trouve dans un schéma assez classique
de sponsoring, de parrainage, sans qu'il y ait un cahier des charges
précis auquel il faut répondre.
On va rester sur la ligne création indépendante,
ça c'est important. On est ouvert à d'autres modes de
financements mais sans tomber dans le Brand Content.
C'est la vraie interrogation. Quel est le statut du
producteur ?
On fait une veille assez active sur le Brand Content mais
l'idée, c'est de rester très, très prudent par rapport
à cela tout en s'ouvrant un peu plus. Encore une fois, on sait que c'est
une tendance de fonds. Il faut participer à une sensibilisation des
producteurs pour leur dire d'aller voir des marques et d'apprendre à
parler leur langage car pour l'instant ils ont du mal à se comprendre.
Mais d'un autre côté, l'idée c'est de préserver
l'indépendance de la création, d'où le fait que quand on
est dans un schéma de production classique, pour une aide à la
production, on demande uniquement une lettre d'engagement chiffré,
quelque chose qui n'est pas tres engageant. On sait que l'obtention du contrat
c'est long, aussi on fait preuve de souplesse de ce point de vue-là.
Alors quand le principal diffuseur ou financeur du projet est une marque,
là pour le coup on est intransigeant, on demande le contrat et on veut
vraiment que ce soit écrit noir sur blanc que la marque adhère
aux valeurs diffusées par le programme et qu'il n'est pas question (...)
non pas que le produit soit visible parce que pourquoi pas du placement de
produit, mais notre limite c'est qu'on ne soit pas dans un schéma
où on a un directeur marketing d'une marque qui toutes les semaines fait
une réunion avec l'auteur et le producteur pour à chaque fois
voir où ils en sont et recadrer les choses quand ça ne lui plait
pas. Ça serait vraiment un vrai souci. Malheureusement on sait que
ça existe.
Après ça dépend. D'ailleurs le seul
projet qu'on a soutenu, qui est aujourd'hui en ligne et qui est très
majoritairement produit par une marque et uniquement par une marque, pas de
diffuseur à côté, c'est « Les Concerts à
emporter ». C'est en ligne sur un site qui s'appelle la blogotheque et
l'idée, c'est filmer des groupes de musique, un peu underground en
général, mais en pleine ville, dans des lieux insolites genre bus
ou en plein centre ville et de documenter l'environnement, c'est à dire
de relever la réaction du public. (...) Ils nous ont
présenté, il y a un an maintenant, une nouvelle cession de
tournage de concerts à emporter avec l'idée de leur donner une
dimension internationale qui leur manquait jusqu'à présent. A
l'époque, ils sont arrivés avec une chaîne de
télévision qui était intéressée par
l'idée d'en faire une diffusion antenne, ce qui pour nous n'était
pas un critère en soi mais qui leur permettait d'avoir des financements
et de faire quelque chose de solide et ambitieux. On choisit de les accompagner
en production et on leur donne le maximum, 100 000 €. Et manque de chance,
très peu de temps après, la chaîne se retire du projet pour
des raisons a priori budgétaires. Du coup, ils ont eu une longue
traversée du désert puisque de toute manière, ils ne
pouvaient pas disposer de la subvention puisqu'on ne la verse que quand on a le
contrat définitif avec le principal partenaire. Donc ils ont
cherché du financement partout à la télévision, sur
internet. Ils ne trouvaient pas jusqu'à ce qu'ils rencontrent une agence
de com qui s'appelle Heaven qui était mandatée par Paco Rabane
pour mettre en place un plan média autour du lancement du nouveau parfum
BlackXS. A ce moment là, et aussi parce qu'ils se connaissaient et
qu'ils avaient des relations privilégiées, ils se sont mis
d'accord pour consacrer une partie conséquente de ce budget de Paco
Rabane à cette nouvelle version des concerts à emporter. Nous on
a dit d'accord parce qu'ils ont réussi à défendre (...) le
fait que le concept existait déjà, qu'ils existaient
déjà en temps que marque eux-mêmes (...). Finalement le
producteur a tenu bon, il y a eu un rapport de force assez égalitaire et
ils ont pu avancer un certain nombre d'arguments et dans ces conditions, on a
dit OK, même si c'est une situation inédite puisqu'on a comme site
principal de diffusion, un site avec en gros Black XS et CNC. C'est assez
révolutionnaire.
Ca a marché parce que le projet était
antérieur à l'arrivée de la marque.
Finalement on est plus dans une logique de co-branding que de
brand content, quand un producteur arrive simplement avec un projet où
on n'a aucune garantie et c'est plus compliqué. Finalement on est
ouverts à tout ça mais les exemples qui fonctionnent ou qui
peuvent nous convaincre sont encore très rares.
Et Braquo n'est-ce pas la limite aussi ?
Il y a une dimension marketing forte même si la campagne
pub, l'affichage et tout le reste, tout le matraquage a été
beaucoup plus efficace que le petit making-of qui était censé
faire le buzz. Mais en fait ça reste honnête. Disons qu'en soi, le
fait qu'il y ait une dimension marketing ou promotionnelle, nous n'y sommes pas
opposés par principe mais il faut que ce projet existe comme une oeuvre
en soi, indépendante, avec aussi quelque chose de patrimonial qui doit
jouer derriere. En gros, le projet n'est pas seulement pertinent dans le cadre
d'une diffusion d'un programme TV particulier, ou d'une actualité
particulière, mais il garde sa pertinence dans deux mois, dans deux ans,
voire même plus. L'idée c'est vraiment de s'inscrire dans le
temps. Ca rejoint aussi la définition courante de l'oeuvre, c'est
ça aussi qu'on entend par oeuvre, c'est le côté
patrimonial. Mais c'est bien pour ça que c'est finalement les membres de
la commission qui ont pouvoir là-dessus parce qu'il y a toujours
beaucoup de questions qui se posent. On est toujours sur des entre-deux, c'est
à eux de tenir compte de tout ça, de tous ces aspects-là,
artistiques, économiques et parfois c'est extrêmement
compliqué de prendre une décision.
Le montant moyen accordé, toujours 50%
?
Non pas toujours. Sur le web documentaire, il y a une
fourchette qui est extrêmement large, je parle uniquement de la
production. En développement il est assez fréquent qu'on aille au
maximum, c'est-à-dire 20 000 € en web doc. En
général, on est entre 10 et 20 000 euros et si ça se
justifie bien, on a pas de réticence particulière à aller
jusqu'au maximum. Par contre en production, on va être beaucoup plus
attentifs d'une part à la nature du projet parce qu'il y en a qui
peuvent avoir des budgets de 30 ou 50 000€ et d'autres, ça peut
aller jusqu'à 300 000 €. Là on est aussi sur des projets
très, très différents les uns des autres et il y a un
critère important qui est le diffuseur et le montant qu'il propose. La
commission a déjà pu sanctionner un diffuseur, une grosse
chaîne, parce qu'ils considéraient que le montant qu'ils
souhaitaient investir restait quand même très modeste et qu'ils
pouvaient faire un effort. Donc pour signaler cet aspect là, ils ont
décidé de réduire considérablement le montant
accordé au projet au détriment du producteur qui a du coup
été le plus directement sanctionné. Ce qui en soi est une
décision assez contestable mais c'était vraiment avec toujours
cet objectif, cette mission de la commission, d'inciter des diffuseurs
traditionnels ou des nouveaux diffuseurs à mettre le plus d'argent
possible dans ces projets-là. Si je reprends cet exemple, le montant
accordé au projet était de l'ordre de 20% du budget. Sinon, si on
est dans le cadre de sites médias qui proposent au grand maximum
quelques milliers d'euros à chaque fois, ça ne va pas
au-delà, et si le producteur a pu sécuriser du financement par
ailleurs en allant à l'étranger, en allant voir des fondations,
des choses comme ça, là pour le coup on a pas trop de
réticence à mettre les 50% qui manquent même si l'apport du
diffuseur reste tres modeste. C'est vraiment toujours au cas par cas. En
montant moyen, on pourrait dire qu'on met 40 000 € sur un web documentaire
mais ce n'est pas parlant.
Les devis sont très variables, idem pour les
diffuseurs, quels sont les autres financements ?
Déjà, tout le monde s'accorde à dire
qu'il n'y a pas de modèle économique. En général,
le producteur perd de l'argent sur ces projets-là. Alexandre Brachet a
pris des risques financiers énormes sur « Prison Valley ", y
compris sur « Gaza/Sderot " même s'il était moins en
première ligne. Sur « Prison Valley ", il a presque mis sa
société en péril, je le dis parce que lui-même le
dit. Pour « Gaza/Sderot " aussi bien que « Prison Valley ", il y a un
budget officiel qui est de l'ordre de 240 000 €, le budget réel
c'est plutôt 300 000 €, donc voilà on est sur des choses qui
coütent tres cher, en tout cas aussi cher qu'un documentaire antenne. Ce
n'est pas du tout du « low cost " et en plus on sait que les sources de
financement restent assez limitées. Alors sur ces projets les plus
chers, il y a forcément une chaîne derrière. Arte met
rarement jusqu'à 100 000 € mais c'est quand même plusieurs
dizaines de milliers. Ça permet quand même de faire pas mal de
chose. Souvent, il peut y avoir un petit peu de complément du
côté des sites médias qui de plus en plus interviennent
comme co-diffuseurs. Là-dessus, les chaînes, elles, ne sont pas
nécessairement opposées. C'est pour le coup du plan média
et de la co-diffusion, tout ça se mêle.
Par exemple Libé et Yahoo qui diffusent «
Prison Valley M ?
Oui soit ça, là pour le coup on est plus proche
du plan média parce que « Prison Valley " est diffusé sur
ces sites en forme de fragments, ce n'est pas l'ensemble du web doc qui est en
ligne. Par contre si on prend « Havana/Miami ", c'est à la fois en
diffusion en ligne sur le site d'Arte et sur le site du Monde.fr et là
c'est vraiment l'ensemble du web documentaire, pas des petits modules. Il y a
de plus en plus, et c'est ce qui est le plus viable, l'idée de se
raccrocher à un modèle TV bien connu en faisant à moindre
coup un programme TV, un 52 minutes lié au web doc, d'une part pour
obtenir un peu plus de financement de la chaine et d'autre part pour que le
projet soit viable en matière de distribution internationale. Du coup
ça sera plus simple d'aller voir des chaînes, notamment
aujourd'hui des chaînes publiques européennes. C'est YLE, la
TSR... Ils sont beaucoup plus ouverts à l'idée d'acheter ces
projets si on leur propose un package : un doc TV et le docu web. Même si
en général, c'est le coeur du projet en matière
artistique, en matière de vente internationale ils le présentent
comme un petit bonus. En gros vous avez le doc TV et en plus vous avez le web
docu à mettre en ligne sur votre site, c'est encore mieux. Mais bon ce
n'est pas l'argument qui prime en général pour les chaînes
étrangères, même si elles vont peut-être
évoluer.
Est-ce qu'il n'y a pas un obstacle technique à
vendre le web doc à l'étranger puisque à part la langue,
il a déjà une diffusion mondiale ?
En général, ils prévoient toujours de le
diffuser en plusieurs langues. Si on regarde « Gaza/Sderot " c'est cinq
langues, « Prison Valley " ça doit être Français,
Anglais et Allemand. En général c'est quelque chose qu'ils
anticipent, il y a plusieurs versions.
Ça peut sembler absurde de vendre un web documentaire
puisque même les Suisses aujourd'hui ont accès au site d'Arte
à « Prison Valley " ou « Havana/Miami ", mais pour le
diffuseur l'intérêt c'est un label éditorial on va dire. Le
mettre en ligne sur son site et acheter des droits de diffusion sur son site
web c'est une façon pour lui d'éditorialiser son site et de se
crédibiliser auprès de son audience. Je pense qu'il n'y a pas
d'autres motivations.
C'est ce que dit A. Brachet : il fait des web docu pour
l'image et fait de l'argent grace à son activité de
prestataire.
Il a cette activité initiale de pure agence web qui lui
permet d'être prestataire sur d'autres choses et de gagner un peu
d'argent mais il y en a d'autres qui n'ont pas cette activité-là.
Honkytonk, par exemple ils y arrivent de plus en plus. Ce qu'ils font c'est
toujours du web documentaire mais institutionnel, parallèlement à
des gros projets.
Du coup une société vouée uniquement
au web documentaire c'est viable ?
Il faut de l'institutionnel obligatoirement. Du pur web
documentaire à destination de chaînes c'est tout simplement
impossible. C'est énormément d'énergie de la part du
producteur parce qu'il n'y a pas de partenaire diffuseur principal ou que le
montant qu'il propose ne suffit pas. Il faut aller chercher de l'argent
ailleurs, être inventif, imaginatif sur le modèle
économique, rien n'est sür. Il faut aller voir la presse, des
journaux, des sites médias européens, internationaux, aller voir
des marques, des fondations. Par exemple, « Génération
Tiananmen », on est sur un tout petit budget de l'ordre de 40 000 €,
le CNC est intervenu à hauteur de 10 ou 15 000 €, soit un peu moins
de la moitié du budget et le reste a été financé
par un partenariat entre
Lemonde.fr et Der Spiegel. Ils avaient
aussi l'idée d'aller voir El Pais, le NY Times... Ca ne s'est pas fait
mais elles (les productrices de Narrative) ont vraiment été en
contact avec tous ces gens-là et avec la Doha Fundation. Du coup
c'était un peu dispersé, mais tout cumulé, on est
arrivé à faire quelque chose de viable. Mais pour les
productrices, il faut s'accrocher, aller frapper à toutes les portes.
Sauf quand comme Narrative, on remporte cet énorme
appel à projet de France 5, qui fait vivre la société
pendant un certain temps
Ca c'était justement avant « Portraits d'un
nouveau monde ». Sauf que l'apport de France TV là-dessus semble
important. Ce sont des chiffres qui sont publics je crois, 340 000 €, mais
ramené à un coüt minute, ce n'est pas si extraordinaire que
ça et d'ailleurs Narrative ne s'arrête pas à «
Portraits d'un nouveau monde », elles font autre chose en même
temps. Elles font des petites capsules vidéo pour des magazines, pour
des sites web. J'étais assez étonnée et en bien, de voir
qu'elles faisaient plein de choses par ailleurs, en un minimum de temps puisque
ça ne leur demande pas trop d'implication, mais des choses pour
lesquelles elles ne demandent pas le soutien du CNC alors que cela serait
possible. Mais il y a vraiment cette idée de faire aussi une
société viable et non assistée en quelque sorte, alors
qu'il y a beaucoup de boîtes, de jeunes producteurs, où l'on sent
que s'il n'y a pas le CNC c'est leur mort assurée ce qui est un peu
embêtant parce que ce n'est pas notre objectif. Nous, on ne veut surtout
pas être les premiers producteurs des projets même si c'est la
tendance. On veut être un coup de pouce, leur mettre le pied à
l'étrier, être un bonus, mais on ne veut pas que la
viabilité d'une société dépende de cela et on ne
veut pas non plus qu'un diffuseur décide le montant qu'il investit dans
un projet après avoir eu l'avis du CNC. Ce n'est pas dans ce
sens-là que les choses doivent se faire normalement.
On s'interroge sur le statut des auteurs, qui est auteur
?
Le CNC a beaucoup d'interrogations aussi. En fait pour
l'instant, on n'a pas d'autre cadre de référence que celui de
l'audiovisuel. On demande systématiquement les contrats d'auteurs
et la plupart du temps, on a les contrats de cessions de droits avec les
auteurs littéraires. Avec les
réalisateurs, les monteurs, les développeurs...
en général il n'y en a pas et ça ne se justifie pas
d'ailleurs. Ca peut se justifier dans le cadre d'un web designer qui serait
clairement identifié comme étant le principal auteur graphique du
projet. Mais c'est rarement le cas. En général, il y a une agence
web prestataire extérieure qui intervient comme pur prestataire ou
coproducteur, ça arrive aussi, mais souvent, il n'y a pas de cession de
droits autre qu'avec les auteurs littéraires. Donc finalement, ce qu'on
exige c'est que les regles du droit de l'audiovisuel soient respectées,
en ce sens qu'il y ait une cession de droit et une rémunération
proportionnelle pour l'auteur. Mais souvent malgré tout c'est une
coquille vide. On prévoit bien une rémunération
proportionnelle mais le plus souvent le producteur n'aura pas de recettes. On
sait donc que ça ne signifie pas grand-chose. On ne sait pas quel
pourcentage proposer pour l'auteur. Parfois, on se couvre en passant par la
SCAM, la SACD mais qui sont des sociétés de gestion collectives
qui elles-mêmes n'ont pas signé avec des éditeurs de
service sur internet ou des médias à la demande. Donc on sait
qu'il n'y aura pas de reversements concrets mais ça va venir
certainement. En tout cas, l'idée c'est de cadrer les choses au cas
où, dans quelque années, il y aurait un modèle
économique et on arriverait à gagner de l'argent avec ça
pour que l'auteur ne soit pas perdant, qu'il ait au moins une
rémunération proportionnelle de prévue, ça c'est
indispensable.
Sinon, on a d'autres contrats qui sont tres particuliers, un
peu alambiqués, qui sont entre l'audiovisuel et le jeu vidéo.
C'est-à-dire que le producteur va se présenter comme étant
auteur d'une partie du projet et qu'il va se conserver des droits, par exemple
le droit de pouvoir embaucher la personne qu'il juge la plus compétente
pour travailler sur tel aspect particulier du projet comme un ARG («
alternate reality game ») par exemple. Alors là, on est plus dans
le domaine de la fiction que du web doc. Mais il y a l'idée de signer
une cession de droit sur une commande d'écriture d`une bible
littéraire par exemple qui va être très clairement
définie, encadrée et par ailleurs de préciser
derrière que le projet multimédia a d'autres ramifications
notamment de type jeu, ARG, et que donc il est entendu que ça ne
concerne pas le scénariste principal, l'auteur littéraire, que
c'est ensuite au producteur d'embaucher les bonnes personnes, que ce soit en
accord ou pas avec l'auteur littéraire. C'est quelque choses qui peut
être intéressant dans le cadre des réflexions en cours qui
concernent le jeu vidéo où le statut d'auteur n'est pas reconnu,
et nous on ne veut surtout pas tomber là dedans, qu'il n'y ait plus
d'auteur parce que ce n'est pas une oeuvre de collaboration, c'est une oeuvre
collective et c'est le producteur le plus légitime à
détenir tous les droits sur le programme. C'est un raisonnement que
beaucoup adoptent.
Laurence Bagot disait justement que la SCAM reconnaissait
le statut d'auteur au producteur de web documentaire
Je pense qu'elle se référait à «
Projets d'un nouveau monde » où il n'y a pas d'autre auteur du
concept que le producteur. Ensuite leur principe, c'est qu'elles signent des
contrats de cession de droits avec les auteurs de chacun des modules
vidéo. Mais sur l'ensemble de la collection, il n'y a effectivement pas
de cession de droits, ce sont les deux productrices qui ont eu l'idée de
départ. On a toujours le problème que le concept n'est pas
protégeable, du coup on est toujours obligé de spécifier,
dans le cas du web doc, que ça porte sur des fragments du web
documentaire mais pas sur l'ensemble. Du coup le producteur pourrait garder la
main la dessus.
Serge Gordey est-il auteur ou producteur ?
Il est auteur, il a fait en sorte de conserver ses droits sur
le concept. Du coup la qualification de l'oeuvre est très
précise. Ça lui permet de céder des droits sur le concept
et c'est ce qui s'est passé avec « Havana/Miami », c'est parce
qu'il a fait ça sur « Gaza/Sderot » qu'ensuite il a pu
reprendre ce même principe pour « Havana/Miami ». C'est un
format.
Comment s'articule le travail des auteurs et des artistes
web ?
L'idéal c'est que le plus tôt possible, l'auteur
soit en collaboration, dans une logique de cocréation avec l'agence web
ou avec un web designer, en tout cas qu'il y ait des interlocuteurs web
très précis. Et les projets les plus intéressants que nous
aidons sont forcément ceux-là, ceux où le fond et la forme
se tiennent complètement et où le web designer aura ouvert plein
de perspectives à l'auteur littéraire et où il y a un vrai
travail de co-création. C'est le cas de « Gaza/Sderot », c'est
vraiment le fruit d'une collaboration très intéressante et
très fructueuse entre Serge Gordey et Alexandre Brachet. Pour moi
Alexandre Brachet est un des auteurs de « Gaza/Sderot ». Il ne l'est
pas officiellement mais c'est vraiment lui qui a pensé toute l'interface
et c'est vraiment ça qui fait sens et qui sert le propos documentaire.
L'idéal c'est ça. Après, et c'est ça la
difficulté, soit ça marche, ils arrivent à se comprendre
et du coup on arrive à des choses plus intéressantes, soit
ça ne marche pas et il y a un problème de dialogue et de vrais
problèmes de vocabulaire. Du coup, le producteur a aussi un rôle
peut être plus important que dans l'audiovisuel classique où il
faut qu'il chapote tout ça, qu'il structure tout ça, qu'il mette
en relation les gens, qu'il s'assure que tout ça fonctionne.
Notre enseignante pense justement que souvent, ça
ne se passe pas bien et qu'il est très difficile d'avoir une
coproduction entre un producteur et un prestataire !
Le seul exemple où c'était vraiment une
coproduction et ça a bien fonctionné, c'est Honkytonk et 31
Septembre sur « Voyage au bout du charbon ». 31 Septembre,
c'était l'agence web avec laquelle Honkytonk travaillait
systématiquement au point qu'aujourd'hui 31 septembre a
été intégré à Honkytonk, ils forment une
seule et même société. Ils se connaissaient depuis
très longtemps, ils font partie d'une nouvelle génération.
Mais la plupart du temps, quand il s'agit de projets déposés par
des producteurs audiovisuels classiques qui font du doc pour la
télévision depuis plusieurs années, l'agence web elle est
pur prestataire. Et finalement la personne qui va s'assurer que ça
fonctionne, que les deux dialoguent, ça va être souvent le
diffuseur. En tout cas, Arte s'implique très fortement d'un point de vue
artistique. C'est lui qui donne des pistes en matière
d'interactivité, qui suggère au producteur de travailler avec
telle agence, ils outrepassent le rôle de diffuseur classique. Moi, je ne
trouve pas que ce soit une bonne évolution maintenant c'est ce qui se
pratique le plus.
Arte, via Joël Ronez, peut se prévaloir de pas mal
d'expérience, par rapport aux autres, ils ont une longueur d'avance sur
tout le monde, ça c'est sür. Je pense que finalement, ça
serait plus intéressant de laisser plus libre le producteur ou l'agence,
même si c'est compliqué à faire, mais les laisser
eux-mêmes explorer des choses.
Du coup est-ce l'idéal qu'une
société de production intègre des compétences
techniques propres au développement web ?
Il y a un moment où on aura plus de marques et
ça sera moins intéressant pour la création, mais c'est
pareil partout. La tendance c'est quand même d'internaliser certaines
compétences, pas forcément des compétences purement
d'agence web mais par exemple Fabienne ServanSchreiber vient de recruter
quelqu'un qui serait producteur nouveaux médias au sein de
Cinétélé. Donc je pense que la plupart des
producteurs vont adopter cette stratégie-là, d'avoir quelqu'un de
plutôt jeune et capable de faire le pont entre les deux.
Qu'en est-il des possibilités d'évolution
du web documentaire une fois passée sa mise en ligne.
Il y a une objection économique, ça c'est
sür. Ils ont tous plus ou moins conscience, peut être moins
Honkytonk, c'est pour ça que je les ai catalogués en web docu
purement interactifs puisque même pour « Le Challenge », il n'y
a pas de travail de modération ou d'animation du site. Contrairement
à « Prison Valley » où ils prévoient tout un
mois de diffusion active, dynamique, où il y a des débats
organisés, où les auteurs continuent à travailler dans le
cadre même de la diffusion, ce qui est aussi une nouveauté.
D'ailleurs en général, le diffuseur laisse le producteur faire
alors qu'on pourrait considérer que c'est plus son travail à lui,
de diffuseur, de mettre en place cet aspect promotionnel, de faire vivre la
diffusion. Du coup, ce sont des frais assez lourds à supporter pour un
producteur puisqu'on lui délègue aussi cet aspect-là alors
que ça n'a pas été nécessairement
préfinancé et c'est la raison pour laquelle certains projets
pensent faire vivre un site pendant une année entière et ne
peuvent pas le faire. Cela veut dire payer quelqu'un à temps plein au
poste de modérateur, faire un boulot extrêmement important et
c'est compliqué parce que pour qu'il y ait de l'audience sur internet il
faut rafraîchir le site, mettre en ligne des nouveaux contenus, ça
c'est indispensable. Quand on est sur une forme un peu figée, il y a
peut être du public qui vient les deux, trois premières semaines
et après ça n'en finit plus de chuter et on n'arrive pas à
les rattraper. Il faut donc toujours provoquer l'évènement. C'est
encore super exigeant.
La plupart du temps dans les budgets, il y a un poste de
modérateur mais sur des durées limitées. Pour l'instant,
outre « Prison Valley » qui fait ce travail sur une durée de
trois mois, je ne l'ai pas vu sur d'autres projets
Quelles sont les possibilités de cross
média envisageables sur le web documentaire ?
Il faut distinguer deux choses. Si on parle de cross
média, on entend une logique plus marketing avant toute chose.
Typiquement à mon sens « Prison Valley » fait du cross
média, mais là aussi c'est contestable. « Prison Valley
» fait du cross media car dans le but de créer
l'évènement, ils prévoient d'une part de décliner
le web doc à l'antenne via la diffusion d'un doc de 52 minutes. Il y a
une application iPhone essentiellement consacrée au travail photo de
Philippe Brault, il y a aussi de prévu l'édition d'un livre de
photos et il peut y avoir une expo. Bref, un ensemble de choses qui tournent
autour du web doc et qui ont vocation avant tout à donner de la
visibilité et à faire venir le public. Donc, c'est quand
même un plan média à très grande échelle avec
une logique de produit dérivé. C'est du cross média mais
à notre sens ça n'est pas ce qu'on pourrait appeler du transmedia
ou ce qu'on appelle au CNC des projets multi supports pour rester le plus
neutre possible ou là, l'approche est quand même très
différente. L'idée de ces projets multi support c'est d'avoir des
écritures, des contenus et des productions d'images très
spécifiques pour chacun de ces médias. C'est comment raconter une
seule et même histoire en utilisant la télévision,
l'internet, le mobile, d'autres supports éventuellement mais qui doivent
chacun être une composante narrative particulière de l'histoire
globale. Donc on n'est pas du tout dans une logique de multidiffusion ou de
formatage en fonction des caractéristiques de chacun des médias.
Ca s'applique beaucoup plus à la fiction qu'au documentaire parce que
très souvent, on va avoir une fiction de référence
à la télévision qui va faire 8x52' par exemple,
associée sur internet à une mise en scène virtuelle des
protagonistes de la série qui sortent du coup du champ et qui donnent
l'illusion d'avoir une vie autonome - on est toujours dans la
logique de brouiller la frontière entre réalité et fiction
- et qui vont avoir leur propre vie sur Facebook, qui vont tenir des blogs, qui
vont nous apporter leur point de vue complètement subjectif sur une
scene qu'on aura vu objectivement à l'antenne auparavant. Il y a
l'idée d'entretenir un lien particulier au spectateur en utilisant le
mobile cette fois-ci. C'est vraiment tres souvent un jeu sur les points de vue,
c'est réinventer le champ contre champ. Et l'idée c'est que ces
autres points de vue changent le regard que nous pouvons avoir sur l'histoire,
sur la narration et que ça ne soit pas simplement du bonus de
complément. C'est donc compliqué à écrire et nous
dans ce cadre là, le projet qu'on accompagne, qui est le plus abouti et
qui va bientôt entrer en production pour Orange, c'est un projet qui
s'appelle « Numerus Clausus », qui est une histoire de meurtre dans
une fac de médecine. Ce qui est extrêmement intéressant,
c'est de voir quel est le profil des deux auteurs parce que ce ne sont pas des
scénaistes de télé classique même si par ailleurs
des scénaristes TV peuvent avoir toute légitimité à
faire ça mais en l'occurrence il s'agit de quelqu'un qui vient de chez
Ubisoft, donc du jeu vidéo, qui s'appelle Brice Holms associé
à Alexis Nolent, qui est un auteur de bande dessinée, qui est
notamment l'auteur du Tueur. C'est vraiment l'association de compétences
du jeu et de la BD qui permet qu'en termes de narration, ça fasse
quelque chose de vraiment intéressant, de vraiment innovant,
revitalisant au moins. Dans le cadre du documentaire, je n'ai pas
énormément d'exemples, c'est moins satisfaisant du point de vue
du caractère innovant du projet mais il y en a un par exemple qui
s'appelle « La vie en vert » qui est un projet de documentaire multi
supports présenté par Les Films d'IciI qui pour l'instant est
encore en développement. C'est un projet qui reste assez classique mais
qui reste extrêmement cohérent parce que leur idée c'est de
proposer pour la télévision, dans le cadre de l'année sur
la biodiversité, un projet sur les plantes. A la
télévision on aurait des séquences tres courtes d'une
minute en animation sur des plantes, plus un documentaire d'un format assez
long de 90 minutes sur l'histoire des plantes en général mais
sans animation particulière. Sur internet, on a une plateforme web un
peu collaborative à dimension encyclopédique toujours sur les
plantes et la diffusion de différents contenus et sur mobile, on a une
application, un herbier de poche, qui en fait est une application de
reconnaissance des plantes plus d'autres fonctionnalités un peu plus
ludiques où on peut échanger des e-cards autour de l'univers
graphique du projet. Là en l'occurrence, le projet a été
retenu parce que le projet est vraiment très bon et que ce sont Les
Films d'Ici, c'est solide. Et en même temps ce qui est intéressant
c'est qu'il n'y a pas un projet principal, un projet référence
mais que les trois, quatre différents contenus présentent un
intérêt indépendamment des autres et que tout cela se tient
parfaitement et qu'il y avait à chaque fois une vraie réflexion
sur les spécificités de chaque média. Mais c'est
compliqué, c'est tres cher. Ce ne sont que des projets en
développement et il y en a beaucoup qui ont terminé leur
développement et qui ne verront jamais le jour parce qu'ils n'arrivent
pas à obtenir le financement nécessaire.
L'évolution du secteur
Mais les choses vont se structurer. Par rapport à votre
question sur la viabilité dune société qui ferait
uniquement du web doc, pour l'instant non, mais à terme il faut que oui
ce soit possible. Mais on sera dans une économie je pense qui restera
tres proche de l'économie du documentaire actuel qui reste finalement
très précaire. Le producteur s'échine à trouver le
financement nécessaire mais une fois que c'est diffusé on le
range sur étagere, ça reste très dépendant du CNC,
une économie très artisanale, assez assistée. Je vois bien
qu'on va s'orienter vers ça. C'est pas comme s'il existait un
modèle pour le documentaire. Il faut essayer des solutions pour le
vendre à l'étranger, au moins ça je pense. Peut-être
qu'on peut
aussi réinjecter un peu de payant sur internet, moi
j'ai pas de recette miracle. Mais si on peu avoir une premiere fenêtre
d'exclusivité où le web doc a un accès gratuit et
qu'après il soit en accès payant... La révolution de
l'Iphone c'est ça, c'est de se dire que sur Iphone les gens sont
prêts à payer et du coup je trouve que ça a un impact sur
le web en général. Jusqu'à présent il
n'était absolument pas question de sortir sa carte bleue quand on
était sur internet, et en fait via l'Iphone, via aussi les
modèles du jeu vidéo en ligne où il y a toujours une
partie payante, il ya aussi l'évolution qu'est en train de prendre les
sites média comme le NYTimes ou
lemonde.fr qui en veulent qu'en gros les
sites ne présentent pas l'ensemble des articles qui sont présents
dans le journal papier en accès premium mais avec un accès
limité des contenus, on fait en sorte de s'orienter vers un
modèle payant.
C'est ce qu'on voudrait...
Mais les gens payent déjà sur Iphone, c'est
déjà extraordinaire. Un petit peu c'est vrai.
Il y a aussi d'autres enjeux, parce que pour l'instant on
réfléchit à la spécificité des supports mais
ça va vite avoir ses limites car la tendance c'est quand même la
convergence de tous ces supports là notamment via la télé
connectée qui est en train d'arriver, très vite. Et je pense
qu'à terme on va s'orienter vers des projets de documentaire interactifs
mais spécifiquement sur la télévision connectée,
avec l'idée d'avoir une interopérabilité, la
possibilité d'avoir techniquement le même objet en
télévision connectée, sur Ipad, sur ordinateur... A terme
la vocation de ce fonds là ça va être ça, une aide
aux oeuvres interactives, quelque soit le support.
Le web documentaire c'est ne forme qui va forcément
évoluer, c'est commencer à tester des choses, voir ce qui peut
fonctionner ou pas...
Annexe 6
Interview de Samuel Bollendorff
Photoreporter
Interview de Samuel Bollendorff - 19 mai 2010
Dans ce que j'ai fait en matière de documentaire on
peut distinguer trois étapes. « Voyage au bout du charbon "
était vraiment celui qui permettait d'avoir une vraie visibilité.
Le Monde.fr a donné 2 000 euros mais le vrai intérêt pour
nous était de bénéficier du canal de diffusion. Le
Monde.fr n'était d'ailleurs pas producteur. 200 000 personnes ont vu
« Voyage " et aujourd'hui encore, il est regardé environ 500 fois
par jour dans sa version française ou anglaise. « Voyage " a eu le
succès qu'il a eu et, du coup, France 5 avait envie d'en produire un sur
des problématiques de société : du genre violence à
l'école, obésité... On leur a proposé ce travail
sur l'obésité avec une approche sociétale : faire des
fiches pour savoir comment se nourrir ça ne m'intéressait pas
tellement. Raconter une histoire du monde de l'obésité ça,
c'était intéressant. C'est ce que nous avons proposé et
ainsi, on a eu le CNC, France 5, etc.
Du coup c'était complètement différent :
il fallait travailler avec un producteur. Là on est sur des projets qui
coûtent 50-60 000 euros. Pour pouvoir lever autant de fonds, il faut
trouver de nouveaux interlocuteurs, passer dans des commissions : il fallait
beaucoup plus raconter ce qu'on va dire, il y a une intention, un
scénario
etc. et c'est ça qui change la
façon de travailler, le modèle économique et son
organisation. Je me suis rendu compte finalement que pour
l'obésité, je n'avais pas essayé de mettre la presse dans
la boucle parce que, de toutes façons, ils ne financent pas un projet
comme ça et ils n'ont d'ailleurs toujours pas compris qu'il fallait
qu'ils financent des projets sur le web.
C'est aussi ça le problème : la gratuité
du web et de la presse en ligne est un gouffre pour les journaux qui
n'imaginent pas aller mettre des milliers d'euros là-dedans. Ils ont
l'impression que faire des copier-coller de leurs articles et d'avoir des
abonnements qui leur permettent d'aller puiser dans des stocks d'image
ça va suffire pour faire un site d'information mais finalement ils font
totalement abstraction de la singularité du web et de son mode de
narration potentiel.
Du coup, on se retrouve à travailler avec de nouveaux
interlocuteurs mais c'est ainsi que France 5 avec le CNC permettent d'avoir un
projet à 55 000 euros. (24 000 euros du CNC et 30 000 euros de France
5).
C'est une certaine somme avec laquelle on peut travailler.
Quel est l'apport d'Honkytonk? Aucun?
C'est une petite société qui s'est
créée il y a trois ans donc ils n'ont pas de fonds, mais ils
donnent du temps humain. Leur but est de trouver de l'argent pour le projet.
Mais ils mettent à disposition un
développeur web et des moyens techniques.
Oui, c'est une production dédiée au web, avec
tout ce qui constitue une production normale mais avec des développeurs
web : c'est le produit de la fusion de deux sociétés : une qui
était de la production web déjà et une qui ne faisait que
du développement web.
En tant qu'auteur quel est votre rapport avec le
développeur web?
C'est compliqué parce que ce n'est pas du tout la
même culture. Pour « Voyage ", c'était assez drôle
parce que j'étais vraiment à côté de quelqu'un de
tout blanc qui ne voit pas la lumière. Il était très sympa
et très performant mais le problème c'est qu'il faisait du
code... Donc moi, à chaque fois que je disais : cette image on pourrait
l'afficher une seconde de plus, lui passait 15 minutes à une demi-heure
de transcription. C'était extrêmement chronophage. Il fallait donc
trouver une solution nouvelle. Du coup j'ai poussé Honkytonk à
développer un logiciel de
montage d'édition de web documentaire qui s'appelle
Klynt et qui a été développé en même temps
que le projet sur Obésité.
Il permet de fabriquer une arborescence interactive, ce qui
nous permettait de monter sans avoir un développeur à
côté. Il reste évidemment un travail ensuite mais on gagne
quand même beaucoup de temps en désynchronisant le temps du
développeur et du réalisateur. C'est une bataille ensuite. Sur le
projet SFR c'était ça aussi. Le développeur, il met des
limites techniques qui en fonction du personnage peuvent être aussi des
limites de flemme d'aller développer un énorme projet en se
demandant si ce n'est pas vain, si ça va marcher en terme
d'interactivité. Or, moi je n'ai pas le sentiment que les
développeurs sont forcément ceux qui connaissent tout aux
ressorts de la narration interactive même si ils en connaissent un bout.
Tout est du défrichage en permanence. Est ce qu'une vidéo doit
durer plus d'une minute 30, est ce que des sollicitations graphiques peuvent
dynamiser une image fixe? C'est des choix formels et de narration mais qui ont
de vraies conséquences sur les statistiques de fréquentation et
sur la façon dont on emmène l'internaute dans un projet.
Cela dépend peut-être du public que l'on
vise aussi. Par exemple sur SFR, j'ai personnellement été
gênée par trop de sollicitations visuelles et sonores au
même moment.
Je trouve aussi que c'est trop mais c'est ça qui est
intéressant. A chaque documentaire on teste des nouvelles choses. C'est
une invention de l'écriture. J'aime bien cette idée qu'il y a eu
l'invention du cinéma, de la télé et là il y a une
nouvelle écriture avec des nouveaux ressorts dans une alchimie et
nouvelle narration à trouver dont on ne connaît pas encore les
codes, la recette. Un « Prison «Valley " n'est pas du tout la
même chose que « Voyage " en terme de format. On n'est pas dans le
même temps, pour ces projets_là... Est-ce qu'on veut faire de la
télé et la transposer sur le web, est-ce qu'on veut faire de la
photographie et trouver son expression sur le web ? Tout est très proche
et en même temps génère des objets très très
différents. Voyage était une première étape. La
question était alors : peut-on utiliser ce type de registre un peu
ludique sur des problématiques aussi graves et poser un cadre ?
Sur « l'Obésité », il s'agissait
d'essayer de faire une enquête dont la production était
pensée pour un webdoc mais aussi de pousser encore plus sur la
capacité que l'internet offre de pouvoir raconter plusieurs histoires en
même temps, de les entremêler tout en gardant en permanence du
sens, tout en s'assurant qu'il y ait des points clefs par lesquels on passe
forcément. Finalement on a fait un projet qui doit faire environ 50
minutes si on regarde l'intégralité et je pense que c'est
beaucoup trop long. Les gens ne sont pas prêts à aller regarder 50
minutes comme ça. Alors que sur « Prison Valley " ils sont
prêts mais c'est beaucoup plus linéaire. Et en plus ils peuvent
reprendre en chemin ce qui n'était pas possible sur «
l'Obésité ".
Sur SFR, qui est vraiment un travail de commande, ce qui est
intéressant c'est que leur enjeu était vraiment de poser le
curseur à un endroit qui ne soit pas pour des supers experts du web ni
pour des technophobes. Ils avaient très peur de la lenteur du web
documentaire. Ils voulaient plus d'images, mais il n'y en avait pas besoin. A
l'arrivée, les statistiques sont de trop. On aurait des petits moments
plus lents avec les statistiques qui arrivent à ce moment-là
ça aurait été bien mais ils avaient peur de ça.
Là, en tant qu'auteur, vous faites quoi
?
C'est un travail de commande. Si vraiment j'avais voulu...Ceci
dit, j'étais très libre. Mais c'est la limite de l'exercice
corporate. Moi je n'ai aucun problème à faire des sujets pour
les entreprises. Ce n'est pas là que je développe mon
discours. Ce projet me permet de faire des
tests. Pour moi il y a trois piliers : la photographie, le son
qui vraiment se redéploie de façon incroyable sur ces images
fixes. Tout ce qui n'est pas raconté par l'image est
évoqué par le son et tout ça donne le matériau au
public pour qu'il se fabrique lui-même un univers fondé sur ses
propres expériences. C'est ça qui fonctionne à mon avis.
Ils rentrent dans un univers qui n'est pas complètement cadré :
ce n'est pas une vidéo. Comme le temps est arrêté on peut
se disperser comme une sorte de flaque d'huile. Du coup on peut refabriquer
avec son propre univers mental l'univers du documentaire.
Dans un cadre qui est ici très écrit.
Oui évidemment !
Avec une interactivité mais qui n'est pas
poussée dans les mêmes directions que pour « Prison Valley
» par exemple (lien direct avec le blog d'un détenu, discussion des
internautes entre eux sur place...)
Moi je revendique le fait d'avoir un web documentaire
très écrit. C'est une politique de web. Je ne suis pas du tout
« internetauphile ". Je me fous des forums, je trouve ça
généralement poujadiste. Savoir que machin trouve ceci sur
l'autre : je m'en fous. Qu'à la fin d'un web doc il y ait des
commentaires, pas de problème, mais je ne vais pas recevoir sur mon
iphone des sollicitations avec des mecs qui me disent : « va photographier
untel ". Moi je suis auteur, j'ai un discours et je le propose à des
gens. S'ils veulent le voir, je leur délivre avec un immense plaisir
mais s'ils veulent interférer dans mon objet de création,
ça ne m'intéresse pas. Ce n'est pas mon propos. On peut avoir un
objet d'auteur et à côté avoir des choses
périphériques : un blog, un forum mais dans la sphère
périphérique. Ce n'est pas satisfaisant pour la qualité de
ton discours de permettre à mi-parcours d'aller voir le blog de
tartenpion parce que tu viens de le voir dans le web documentaire. Il faut
essayer de rester en contact de la linéarité du récit.
Après, c'est peut-être justement parce que les gens ont
accès au milieu du web docu à des contenus qu'ils ne pourraient
peut être pas avoir à d'autres moments que finalement ils vont
aller plus loin...Tout ça c'est des recettes. A chaque fois on
essaie.
Sur le projet SFR, ce qui m'intéressait c'était
de voir ce troisième pilier qu'est le web design qui est un vrai enjeu
en termes de narration. C'est ce qui fait l'identité du web doc et sa
navigation donc, il s'agit des articulations du propos documentaire.
C'était intéressant là de travailler sur le graphisme. Ces
habillages graphiques racontent quelque chose. Sur les statistiques, ça
aurait pu être un peu plus subtil. Finalement c'est un web docu
financé intégralement par une entreprise, qui est
développé par une agence de communication et qui fait appel
à un documentariste en le laissant très libre. Vraiment. La
discussion se fait avec une agence de communication. Sur les statistiques par
exemple, je trouvais que c'était plus un graphisme de communication et
moins un graphisme qui recrée une ambiance journalistique et de
documentaire. L'intérêt n'est pas d'avoir eu gain de cause mais
d'avoir pris conscience de ça. Du coup, c'est une expérience
supplémentaire.
La narration avec les actions à droite, les questions
au milieu et éventuellement un micro tableau de bord à gauche,
très discret qui laisse sa place à la photo est ce qu'on avait
essayé sur « Voyage " et que l'on a repri à peine
développé sur « Obésité ". Honkytonk a fait
ensuite « Le Challenge " qui reprend aussi cette idée. La question
se posait de savoir si c'était un problème de reprendre cette
forme. Dès qu'on a fait le deuxième on a eu des critiques de
bloggeurs qui regardent et disent qu'il n'y a rien de nouveau... On leur a
répondu, vous avez raison, surtout ne vous attachez pas au contenu !
S'il n'y a rien de nouveau entre un mineur de charbon et un obèse
à Los Angeles...
C'est aussi un peu ce qui identifie Honkytonk. Chacun a
son style son format. Les webdocus développés en interne par le
Monde.fr, c'est un peu la même chose, non?
Évidemment. Si pour chaque web doc on fait un nouveau
développement sans pouvoir en garder les acquis, on ne s'en sort pas.
Avez-vous des éléments financiers sur le
webdoc de SFR?
Je crois que c'est autour de 40 à 50 000 euros. Sur ces
formats là c'est des petits budgets de web docu parce qu'il n'y a pas de
version télé mais << Gaza/Sderot » ou << Prison
Valley », ils arrivent à exploser le budget parce qu'ils ont une
chaîne et une diffusion.
C'est des budgets (50 000 euros) qui permettent de raconter
des histoires. Je n'ai pas envie de devenir réalisateur de documentaires
pour la télévision. J'en ai fait. J'ai fait deux 52 minutes qui
étaient des projets vidéos en parenthèse de mon travail de
photographe mais parce que j'avais là l'impression que travailler en
vidéo changeait les choses sur des sujets très
spécifiques, mais ce n'est pas dans le but de devenir un documentariste
télé. Il se trouve que la télé cherche à
aller vers le web donc décide d'y engager des fonds, que le CNC propose
des aides nouveaux médias qui permettent de financer des projets et
c'est quand même ça, pour le moment la bouée
économique du web docu en France. Je vais donc par là parce qu'il
y a là des financements pour pouvoir continuer à raconter des
histoires photographiques. La vidéo c'est pour moi des bonus (qui
peuvent néanmoins être fondamentaux dans une narration), des
pastilles en plus. Ce qui m'intéresse c'est de continuer à faire
un travail de photographe et de voir comment le faire sur le web.
Faut-il créer une école, un standard propre
à une production? Je trouve que c'est pas mal, comme le fait Honkytonk,
d'essayer de se tenir à cette narration très simple où on
apporte quelque chose mais où on ne vient pas à chaque fois
essayer de proposer un nouveau développement graphique etc. Il faut
faire attention à ne pas trop faire d'habillage. Il est quand même
intéressant de faire passer au second plan l'analyse technique du
webdocu par rapport à son contenu et ses choix éditoriaux. Ceci
dit, on est obligé de se poser des questions techniques, ne serait-ce
que pour se garantir un public, pour que les gens aient envie de cliquer.
Pour revenir à SFR c'est très intéressant
de voir qu'une entreprise finance un web documentaire, qu'une agence de com' le
développe et que le Monde.fr (qui doit avoir besoin de contenus) aille
demander à SFR de pouvoir le diffuser via un lien. J'ai
été très étonné par ça. Je n'ai pas
honte de cet objet donc ça va mais si ça avait été
du pur alimentaire... Je n'ai pas vendu de droits presse dessus à SFR
par exemple.
C'est très intéressant de voir qu'une entreprise
peut se positionner comme fournisseur de contenu aussi. Il y a une autre piste
: on pourrait imaginer à l'inverse que sur une problématique de
fond, on aille voir un partenaire privé en lui proposant d'être le
producteur et que le documentaire soit diffusé ensuite sur un site
d'information par exemple... C'est intéressant de voir les verrous qui
sautent, même si personnellement je ne trouve pas ça
forcément bien. Mais ils sautent. Et de fait, j'ai moi-même un
problème. Je suis journaliste depuis dix ans et aujourd'hui la
commission d'attribution des cartes de presse ne me l'a pas donnée pour
le moment cette année parce que je fais du web documentaire.
Et vous êtes rémunérés en
droit d'auteur du coup?
C'est là le problème. Quand je travaille pour un
journal je suis en pige. Quand je travaille pour une société
de production je suis en droit d'auteur et en heures de réalisateur. Je
suis donc en train de chercher les moyens de continuer à faire de
grandes enquêtes et pour ça je suis payé
en tant qu'intermittent. En fait, pour continuer à
faire du journalisme je dois être rémunéré comme du
spectacle. C'est intéressant comme symbole... Et du coup, la commission
de la carte de presse ne reconnaît pas ces
rémunérations-là. Pour avoir la carte de presse il faut
avoir plus de la moitié de ses revenus qui proviennent d'organes de
presse.
Comme je ne veux pas avoir le statut d'intermittent, dans mes
contrats, je demande le moins d'heures possibles et le plus de droit d'auteur
mais je pourrais faire l'inverse... Je ne cherche pas à être
intermittent, par contre je trouve beaucoup plus important d'être
journaliste, ne serait ce que symboliquement. Le web docu est quelque chose de
nouveau, sur le web on trouve tout et son contraire et du coup, c'est important
comme caution d'être journaliste. Si je n'étais pas journaliste,
on ne ferait pas de papier sur mon travail. C'est pour ça que c'est
important d'avoir sa carte de presse. De pouvoir le revendiquer. C'est n'est
pas rien que pour la première fois de ma vie ma carte de presse ne m'ait
pas été attribuée et qu'il faille que je passe un oral
devant une commission.
Tout ça est donc mouvant et pour en revenir à la
première question à laquelle je n'ai toujours pas répondu,
à savoir si il y a un modèle économique qui va
émerger : il y a des frontières qui bougent. Il y a le CNC, des
chaînes de télé, des entreprises qui commencent à
comprendre, tout ce monde commence à comprendre aussi que c'est
très cher. Je pense que des montages économiques vont se mettre
à exister mais ça, ça passe par des producteurs. C'est
comme faire un documentaire, finalement, c'est des montages économiques
périlleux. Pour un projet c'est un mécène, pour un autre
un conseil général ou que sais je encore. Ce qui est sur, c'est
que ce n'est pas fait pour tous les photographes. Il faut qu'ils soient
prêts à devenir des réalisateurs, à vouloir partir
sur un projet d'un an, à écrire un scénario.
C'est des recettes à trouver, que ce soit pour les
photographes ou pour les gens venant de la télé. D'ailleurs il va
y avoir des gens qui vont venir des deux horizons ce qui amène des
projets différents comme << Prison Valley >> ou <<
Voyage au bout du charbon >>. J'espère qu'il va y avoir un
modèle économique qui va émerger pour le web documentaire
mais c'est pas du tout ce qui va sauver les photographes, ni les agences de
presse. La presse n'a plus d'argent. On est dans cette transition-là.
C'est la fin d'un modèle.
Annexe 7
Interviews d'Emmanuel Leclère
et de Jean-François Fernandez
Auteurs
Réponses d'Emmanuel Leclère (journaliste
à France Inter) et Jean-François Fernandez (journaliste à
France Bleue et photographe) aux questions posées par courrier
électronique, sur leur web documentaire « Good Bye Lénine
...la rouille en plus ».
Emmanuel LECLERE
Quelles démarches avez-vous effectué pour
financer votre web documentaire et avec quels résultats?
Nous avons autofinancé notre projet car je n'ai pas
trouvé de "sponsor"...
A l'époque, j'étais en congé sabbatique,
j'ai démarché « Radio France " mais il n'y a pas de budget
pour ce genre de production éditoriale et encore moins pour des "free
lance". Ce serait en train d'évoluer...Cela a failli se faire avec le
quotidien La Croix avec une enveloppe de 5000 euros mais cela a capoté
au dernier moment. (Le monde paye 2 000 euros pour ces petits web docu comme
« Africascopie ")
J'ai tenté de vendre une déclinaison
photoreportage à Polka et la Revue XXI mais cela n'a pas pris.
J'ai juste réussi à vendre deux chroniques audio
à la Radio suisse romande le jour des commémorations de la chute
du mur + 10 minutes à « Et pourtant elle tourne " sur Inter et 5
minutes sur Culture.
Je n'ai pas cherché d'aide au CNC puisque nous ne
comptions pas utiliser la vidéo (j'ai su ensuite que j'aurais quand
même pu demander ...)
Quel est le budget d'un tel web documentaire?
Il y a eu la location du camping car à 3 500 euros et
l'essence + la nourriture et des frais de traduction pour 400 euros (plusieurs
responsables d'alliances françaises et professeurs ont accepté de
nous faire les traductions gratuitement quand on leur a dit qu'on n'avait pas
réussi à se faire financer).
Il faut compter trois mois de travail entre le calage des
étapes, le tournage et le montage, puis l'écriture et la «
post-prod " avec l'agence web. Deux mois au total pour mon collègue
photographe.
Je ne peux pas vous donner le coût de la post prod car
pour la société qui l'a réalisée, c'était
une première, une sorte d'essai en vue de créer un
département web docu... (j'ai donc eu droit à un prix d'ami).
Mais deux personnes ont travaillé dessus durant une semaine à
temps plein + une journée pour le chef de projet.
Je pense que ce genre de post prod pour un mini site tourne
autour de 4 000 euros Utilisation gratuite du compte flicker de Jean
françois FERNANDEZ.
Pourquoi avoir choisi ce format? Qu'est-ce que cela
induit de différent dans votre approche journalistique?
L'idée était de mettre les "sons" en valeur.
Professionnellement, j'ai pris un plaisir énorme car il aurait
été impossible de "vendre" ce genre de road movie à mon
employeur (trop long, trop cher) en temps normal.
C'est le contenu qui a crée le format (jusqu'à 1/4
d'heure) des interviews, ce qui est l'inverse des pratiques sur le news. Et
ça c'est génial.
Journalistiquement, j'avais envie de travailler sur cette
option des 10 pays avec à chaque étape une facette du monde de
l'entreprise au moment de la chute du mur. Une sorte de documentaire puzzle. Et
puis évidemment il y avait l'envie de jouer avec les photos , les sons
et les écrits d'écran qui se suffisent à eux même
tout en se complétant.
Si je remporte le prix du parlement européen pour lequel
on a été sélectionné, j'amortirai en partie...les
frais. Mais il y a 26 concurrents !
Pensez vous qu'un modèle économique va se
dessiner pour le web documentaire?
Pour le modèle économique, j'ai l'impression que
les chaînes de télé Arte, France télé, Orange
ou encore France 5 mettent des moyens conséquents, non ?
Pour mon prochain projet , j'aimerais vendre un docu
télé couplé à un web docu. Cette fois, je
démarcherai le CNC et partenariat entre chaîne télé,
et mon groupe ? ou avec un quotidien...
Jean-François FERNANDEZ
Quel est le budget d'un tel web documentaire?
J'ai du investir lourdement pour remplacer mon appareil qui
n'aurait pas permis d'exploiter sur un plan professionnel mes photos. J'ai donc
acheté un Canon EOS5D Marck II qui était à l'époque
en vente à la FNAC à 3 500 Euros, je suis allé l'acheter
à Londres alors que la livre s'effondrait, pour un coût 2.500
euros.
J'ai ramé tout l'été pour traiter mes
photos avec mon PC qui plante, et, en septembre, j'ai craqué et
acheté un Mac Book Pro, prix 2 500 Euros, j'ai trouvé une enfile
pour ne le payer que 2.000 Euros. Ceci explique que ce soit Emanuel qui a pris
à sa charge les frais de Néalite. Toutes les rentrées
d'argent lui vont donc en priorité s'il y en a. Si ces rentrées
lui remboursent les frais de Néalite, alors seulement on commence
à partager les bénéfices potentiels.
Avez vous cherché un diffuseur?
De mon coté j'ai tenté de trouver un financeur
pour une exposition internationale qui pourrait tourner dans tous les pays
traversés. Je suis en contact avec le Conseil Régional de Franche
Comté qui pourrait être intéressé, mais à mon
avis il faudra des co-financeurs. J'ai approché d'autres
collectivités qui m'ont ignoré.
La sélection pour le concours du parlement européen
nous permet de revoir les choses.
Je suis en contact pour une diffusion sur un site de
photoreportage, il s'agit juste de partager gratuitement quelques photos, mais
permet de faire de la pub à notre travail.
Pourquoi avoir choisi ce format? qu'est ce que cela
induit de différent dans votre approche journalistique?
Je suis journaliste radio, la photo est mon violon d'Ingres.
Je n'ai donc pas d'approche journalistique pour la photo, mais plus une
approche artistique. Ce format était finalement le seul qui nous
permettait l'autoproduction. Aujourd'hui ce serait plus compliqué car
les web docu ont des moyens de prod de télévision.
Je travaille beaucoup par internet pour la photo, le support
web a été pour moi une formidable vitrine qui a permis une
reconnaissance de mon travail de photographe.
C'est Emmanuel qui s'est chargé des interviews, mais
avec ce support, cela permet de s'affranchir des formats radio beaucoup trop
courts. Ce que j'aime, c'est la possibilité d'aller visiter
l'étape désirée, entrer dedans ou simplement effleurer...
à la carte.
Pensez vous qu'un modèle économique va se
dessiner pour le web documentaire?
J'ai un projet sur Tchernobyl pour les 25 ans (je sais, je ne
suis pas le premier), et une autre sur Central Station à Detroit (USA).
Je me rends compte qu'il n'est plus possible de bricoler en amateur comme on
l'a fait. Un producteur télé est intéressé par mes
projets, mais lui souhaite les décliner en version télé,
ce qui ne m'intéresse plus (même si j'aime la vidéo) car
c'est le travail photo qui m'intéresse...
La réponse est je pense dans ce que je viens de dire,
comme pour le cinéma ou la télévision, les web docs ont
besoin de production et de producteurs. En revanche, la souplesse de notre
travail n'est plus possible avec une équipe trop lourde. J'ai
été amené, par exemple, à m'effacer sur certaines
interviews, pour ne pas bloquer des interlocutrices en Pologne, alors que dire
d'une équipe avec journaliste, cadreur, perchiste,
éclairagiste....
Annexe 8
Interview de Thierry Caron
Photographe
Interview de Thierry CARON sur son web documentaire
« Adoma vers la maison », le 19 mai 2010.
Je suis photographe indépendant depuis une quinzaine
d'années maintenant et j'enseigne parallèlement.
Mon web documentaire est né d'une matière que
j'avais déjà récolté dans le cadre d'un reportage
photographique. Je l'ai monté seul, j'ai créé les
interfaces seul avec l'aide d'un ami et je l'ai auto-produit. J'avais, en
effet, reçu l"appel à projet pour le prix RFI- France 24 : c'est
ce qui m'a décidé à utiliser mon travail photographique
sous cette forme.
J'ai été sélectionné et, de fait,
je l'ai mis en ligne sur mon site. Je n'avais contacté aucun diffuseur
auparavant. Mais du coup, je suis amené à payer le flux sur mon
site.
Au Festival de Perpignan j'ai rencontré les
créateurs de l'agence Narrative, j'ai rencontré d'autres auteurs
de web documentaire qui m'ont conseillé d'écrire de nouveaux
projets. Alors, je me suis lancé et j'ai obtenu une aide à
l'écriture du CNC pour une série de web documentaires. Je vais
désormais aller voir Upian, Capa et le Monde pour voir ce qu'il est
possible de faire avec eux, mais je ne sais pas ce qu'ils peuvent proposer.
Je crois que le problème, c'est qu'il n'existe pas de
volonté de mettre de l'argent quand il y a la moindre prise de risque,
alors, on attend et on laisse souvent passer les opportunités.
Il me semble qu'actuellement sur le secteur il y a les
photographes qui ont une vision particulière du format : c'est
d'ailleurs les premiers qui l'ont utilisé avec des photos fixes.
Parallèlement, on retrouve ceux qui font de la télévision,
qui considèrent sans doute qu'il faut être sur le créneau,
au risque de perdre sa place et enfin il y a ceux qui font du web et qui sont
eux-mêmes subdivisés en de nombreuses catégories. Le tout
est loin d'être homogène.
Pourquoi choisir ce format?
Le gros avantage de la diffusion sur le web c'est le temps
disponible. L'internaute est devant son écran, il choisit de regarder le
programme à ce moment là, il est captif. Et, de fait, c'est une
chance pour l'auteur. Par ailleurs, à l'heure actuelle, ce public est
tellement impalpable qu'il n'y a pas de règles d'écriture, de
procédé de captation de l'attention, ça offre une grande
liberté.
En ce qui concerne l'écriture, je considère que
raconter une histoire se traduit par une certaine linéarité. Il y
a de fait un début et une fin. Et en tant qu'auteur, je veux proposer un
point de vue, un propos. C'est ce que j'ai essayé de faire avec «
Adoma vers la maison ».
Quelle est l'audience de ce web documentaire?
Il y a eu un pic au moment de Visa pour l'image. Actuellement on
peut dire entre 200 et 300 personnes par mois. Ils arrivent sur mon site via le
site du Monde ou de RFI.
Annexe 9
Interview de Valentine Letendre
Réalisatrice
La Draile, transhumances numériques :
Collectif d'artistes et techniciens professionnels de l'image
: vidéastes, photographes, plasticiens, ils développent un projet
social et artistique avec les TICs, dans le but de participer à
l'expérimentation d'écritures multimédias
artistiques.
Inscrite dans un réseau national, sous l'égide
du Ministère de la Culture, La Draille a
étéinvestie d'une mission de sensibilisation et de
formation des publics à l'utilisation des nouvelles technologies dans
leur dimension culturelle et artistique.
Echange avec Valentine Letendre, réalisatrice
audiovisuel et conceptrice multimédia, 10/06/2010
"Village planétaire" est un projet singulier,
pourquoi ce choix du web documentaire ?
Nous réfléchissons depuis une quinzaine
d'années au potentiel des narrations interactives qui associent les
compétences de la réalisation audiovisuelle et de la conception
multimédia. Ce projet était au départ une
expérimentation artistique qui questionnait le potentiel des nouveaux
médias quant à leur capacité à
générer du sens à partir de la lecture croisée de
média audiovisuels qui prendraient en compte les attentes de
l'internaute: la question des auto-montages...
Comment avez-vous appréhendé
l'écriture du projet (je pense notamment aux contraintes pour articuler
l'écriture documentaire et la technique) ?
Il s'est agit d'un aller-retour constant entre ce que nous
souhaitions dire et montrer, et comment le signifier en fonction des
contraintes techniques. Ce qui nous a contraint à l'élaboration
des critères d'indexation des média au fur et à mesure du
tournage et la nécessité de pouvoir modifier les tables
critères à tous moment (notamment pour les critères
thématiques) au montage, des séquences très courtes et
très nombreuses.
A quel moment est arrivée l'idée de
l'interface ? Dès le départ, au moment de
l'écriture du projet. Pensez-vous donner une suite à ce
projet ?
Si nous obtenons des financements complémentaires nous
souhaiterions pouvoir traduire la totalité du site et des média
en anglais et éditer quatre DVD reprenant la totalité des
médias.
Vous avez pensé le projet dans une dimension
participative (inscription, possibilités d'échanges), auriez-vous
aimé aller plus loin dans cette voie (contributions vidéo,
téléchargements...) et si oui quel a été l'obstacle
?
Nous avons constitué un espace participatif type "mur"
(espace Partager). Sur presque 8000 visiteurs uniques une douzaine a
laissé des messages. Nous espérions que les habitants de Rieisse
pourraient être amenés à tisser des liens avec
l'extérieur via Internet. Mais ils ne se sont pas approprié
l'interface. Il semble que ce soit trop compliqué pour eux et les
relations "virtuelles" ne semblent pas les intéresser vraiment.
Avez-vous d'autres projets de ce type en
développement ?
Nous avons bien sûr des idées, mais nous devons
d'abord finaliser «
Villageplanetaire.org
»
Pourriez vous nous communiquer le budget et le plan de
financement de ce projet et l'audience depuis son lancement. Vous
bénéficiez notamment de plusieurs aides publiques, s'agit-il
d'aides aux projets ou à la structure ?
Pourquoi ne pas avoir sollicité le CNC
?
Budget prévisionnel tourne au alentour de 100000
€.
Pour les aides spécifiques au projet nous en avons eu deux
: La Région LanguedocRoussillon: 7 500€ et le département de
la Lozère : 15 000 €.
Nous avons sollicité le CNC (DICREAM) en 2008, le
projet a été rejeté car pas suffisamment
transdisciplinaire... Il semble qu'aujourd'hui il y ait d'autres pistes de
financement pour le webdoc... à voir!
Le reste est de l'autoproduction prélevée
directement sur le fonctionnement de la structure... Nombre de visiteurs
uniques: 7 878
Nombres de Pays: 67
Annexe 10
Schéma d'arborescence
de la collection « Dans les coulisses...
»
Annexe 11
Descriptif du fonds
« Nouveaux médias » du CNC
|