PARAGRAPHE 2. Causes endogènes aux Nations-Unies
Parmi les causes qui ont limité la performance de la MONUC
et/ou de la MONUSCO, certaines d'entre elles sont aux dites missions. Force est
d'en relever quelques unes.
Toutefois, avant d'en arriver, il sied de signaler que d'une
manière générale le « « Rapport
Brahimi » [en 2000] dresse l'inventaire des points
faibles du système. Il souligne particulièrement la question des
mandats attribués aux opérations de paix, et la constitution des
contingents multinationaux. Les solutions passent toutefois par une implication
financière et matérielle des États membres plus grande,
qui n'est pas acquise. Trois séries d'obstacles réduisent la
capacité militaire de l'organisation et minorent l'efficacité des
opérations conduites par les casques bleus.
D'abord les moyens juridiques, le mandat que les
États assignent à la force d'urgence est souvent insuffisant,
inadapté aux circonstances ou volontairement ambigu afin de favoriser le
consensus lors du vote au Conseil de sécurité. Si bien que les
responsables de leur application, soucieux de réduire les risques,
l'interprètent de façon réductrice. C'est la critique
majeure qui est adressée aux OMP, à la fois par les militaires
chargés de les animer et par les politiques chargés d'en assurer
la charge. Sur le terrain, les soldats de l'ONU se trouvent confrontés
à des armées aguerries, particulièrement combatives,
déterminées, face auxquelles ils ont pour instructions de limiter
leur action à une présence supposée dissuasive. Lorsqu'ils
sont autorisés à ouvrir le feu, c'est en application de «
règles d'engagement » (connues des militaires sous leurs initiales
anglaises, ROE, rules of engagement) particulièrement inhibitrices.
Ainsi celles imposées aux casques bleus en Bosnie précisaient que
ces derniers ne pouvaient ouvrir le feu qu'en cas de légitime
défense. Or cette dernière était interprétée
par les ROE elles-mêmes comme la situation dans laquelle ils se trouvent
lorsqu'ils sont la cible de tirs et seulement pendant la durée de ces
derniers. Si bien qu'en cas de tirs sporadiques, par exemple de salves ou de
fusillades de tireurs isolés, la possibilité de riposte devient
pratiquement inexistante.
Ensuite les effectifs qui sont mis à la disposition
de ces forces sont limités à plus d'un titre. Le caractère
très hétérogène des troupes envoyées par les
pays contributeurs nuit à leur efficacité militaire. En effet,
lorsque des contingents sont fournis par plus de 89 pays, de niveaux de
développement différents, de cultures militaires disparates,
d'équipements défensifs hétéroclites, de niveaux
techniques composites, de langues parlées bigarrées... le
commandement devient aléatoire, les opérations complexes
impossibles et le temps de réponse considérablement
allongé. De surcroît, les motivations de certains effectifs sont
davantage tournées vers la recherche d'une rémunération en
dollars versée par l'ONU que vers l'accomplissement d'une mission de
service public international de paix. Pour les ressortissants de certains pays,
participer à une OMP, c'est obtenir la fourniture d'un équipement
parfois revendu au plus offrant dans un des multiples circuits du marché
noir. De nombreux cas de détérioration voire de destruction de
matériels liés à l'inexpérience de leurs
utilisateurs font courir des risques supplémentaires aux
intéressés comme aux ressortissants d'autres pays. Ils
accroissent le coût des opérations, déjà fort
critiquées par les États membres sur ce plan. Le coût total
approximatif des opérations de 1948 au 30 juin 2003
s'élève à environ 28,73 milliards de dollars US. Nombre
d'opérations ont généré un endettement de
l'organisation qui l'a portée au bord de la faillite. Ce qui a conduit
à une réduction des effectifs
![](De-l-intervention-de-l-ONU-dans-les-conflits-armes-en-RDC-De-la-MONUC--la-MONUSCO45.png)
et à une modération budgétaire
également nuisibles à l'efficacité des opérations.
Ainsi, le montant des crédits ouverts pour la période du 1er
juillet 2002 au 30 juin 2003 s'élève à environ 2,63
milliards de dollars US et celui des crédits approuvés pour la
période du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004 à environ 2,17
milliards. Mais ce qui est encore plus préoccupant, c'est que les
contributions non acquittées au titre du maintien de la paix au 31 mai
2003 représentent près de la moitié de ces sommes, soit
environ 1,15 milliard de dollars US.
Enfin, les équipements dont disposent les OMP sont
le plus souvent inadaptés pour s'opposer utilement aux armements des
parties au conflit. Face à l'armée fédérale
yougoslave dotée d'armes lourdes, de chars, de missiles, durant les
années quatre-vingt-dix, les casques bleus disposent en
général de VAB (véhicules blindés de l'avant) qui
encadrent les convois d'assistance humanitaire. Leur couleur blanche est
destinée à les faire repérer ostensiblement plutôt
qu'à les camoufler, en vue de les protéger ou de leur permettre
des actions militaires surprises. Quant aux avions de l'OTAN, ils sont surtout
utilisés pour assurer les déplacements, la logistique et le
transport des secours, notamment lors du pont aérien sur Sarajevo. Fait
aussi gravement défaut le renseignement sans lequel l'action
armée est vouée à l'improvisation. Or les Nations unies
n'ont pas le droit de faire de l'espionnage, de recourir à des
informateurs sur les positions, les déplacements, les effectifs de ceux
qui s'opposent à elles. Enfin, la chaîne de commandement
s'étire de façon beaucoup trop longue entre l'unité qui
opère sur le terrain et son chef suprême, le Secrétaire
général de l'ONU à New York. À ce
phénomène s'ajoute le décalage horaire qui ne permet pas
toujours des communications en temps réel entre le décideur,
dépourvu d'une véritable structure de veille 24 heures sur 24, et
l'exécutant. »72
L'hétérogénéité de
personnel militaire de la MONUC et de la MONUSCO a d'une ou d'autre autre
manière contribué à une exécution difficile de leur
mandat. Car les militaires de diverses nationalités, formations,
idéologies ont servi ou servent encore la cause de la paix en
République Démocratique du Congo. Toute cette diversité
peut entrainer diverses motivations au sein de la mission et faire la mission
fonctionner en ordre dispersé et pas avec efficacité.
Le déploiement progressif des soldats de
paix73 alourdi le travail de la MONUC et de la MONUSCO. Etant
donné que l'ONU ne possède pas une armée
prépositionnée et à chaque fois que le besoin se fait
sentir, il faut encore recourir aux pays membres pour constituer une force de
maintien de paix. Tout cela ne se passe pas par un automatisme. Il faudrait
patienter.
72 MARIO BETTATI, L'Usage de la force par
l'ONU [en ligne] disponible sur
www.cairn.info/revue-pouvoirs-2004-2-p-111.htm consulté le
10juin2011 à 12h00
73- En titre d'exemple voir cas concret repris par
l'annexe V
-ONU, Deuxième rapport spécial du secrétaire
général sur la mission de l'organisation des nations unies en
République Démocratique du Congo su 27 mai 2003, §.53,
p.16.
![](De-l-intervention-de-l-ONU-dans-les-conflits-armes-en-RDC-De-la-MONUC--la-MONUSCO46.png)
Le fait pour le conseil de sécurité de placer le
mandat de la mission de maintien de paix (MONUC) quarante quatre mois plus tard
sous le chapitre par la résolution 149374 a également
été une faiblesse qui ne permettait pas par exemple la protection
de civils.
Certains membres du personnel de la MONUC se sont
livrés pendant une certaine période, à des exploitations
et abus sexuels75. Cet acte d'indiscipline les a parfois distrait
des objectifs de la mission.
La mission a également connu des difficultés en
matière de traitement d'information.76 Ceci constitue un
obstacle qui ne permet pas de diagnostiquer les problèmes qui se posent
sur le terrain et d'en trouver solution.
Le financement de la mission par les pays membres ne
fonctionne pas par l'automatisme et le taux de change officiel qui majore le
coût des activités en République Démocratique du
Congo.77
Le fait que la mission soit sursollicitée en
matière sécuritaire entraine parfois de maque de forces de
réserve « ce qui continue de compromettre sérieusement sa
capacité de répondre à des crises sécuritaires de
façon efficace et en temps voulu ».78
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