I.3. Les oxydes transparents et conducteurs (TCO)
I.3.1. Généralités : qu'est-ce qu'un
TCO
Selon la théorie des bandes d'énergie, trois
états électriques sont possibles : métal, isolant et
semi-conducteur. Dans le métal, la bande de conduction (BC) et la bande
de valence (BV) se recouvrent, permettant la libre circulation des
électrons. Le semi-conducteur, quant à lui, a une bande interdite
qui sépare BV et BC communément appelée gap et
notée Eg. Les
électrons ne peuvent pas prendre les énergies
situées dans cette bande. Il faut qu'ils acquièrent de
l'énergie pour passer dans BC. Pour un gap supérieur à 4
eV, on parle d'isolant car même à température ambiante, BC
est vide.
Un matériau, avec une transparence dans le visible et
des propriétés de conduction, a des propriétés
antinomiques d'un point de vue physique. En fait, les matériaux
conducteurs tels que les métaux
réfléchissent une grande partie du spectre
électromagnétique dans la partie du visible grâce à
leurs électrons libres. Les verres sont des matériaux communs
transparents dans le visible. Un verre est un
matériau amorphe, i.e. sa structure n'est pas
cristallisée. Ce matériau a une valeur de gap très
élevée et ne peut conduire un courant électrique. Il est
alors dit isolant. A première vue, l'association des
deux propriétés est incompatible.
Cependant, les semi-conducteurs possédant un large gap
sont théoriquement transparents dans le domaine du visible. Le
dépôt en couche mince de ce type de matériau assure une
faible absorption. Grâce au dopage du matériau, soit un apport
d'impuretés qui augmente le nombre d'électrons libres, la
conduction est accrue pour en faire un « mauvais métal ».
Les oxydes métalliques sont en général
des semi-conducteurs à large gap. Ils peuvent être
symbolisés par MO avec M un atome de métal et O un atome
d'oxygène. La méthode CLOA (Méthode de Combinaison
Linéaire des Orbitales Atomiques) permet de donner une vision simple de
la structure de bandes d'un tel matériau. La combinaison des orbitales
2p de O et nd de M (n étant le nombre quantique principal, n > 2 pour
avoir des couches d dans notre exemple) forment les liaisons ðp liantes et
ðp* antiliantes. L'orbitale 2p de O est prédominante et
contribue principalement à ðp formant le haut de la bande de valence
(BC).
De même la combinaison des orbitales s, l'orbitale 2s
pour l'oxygène et ns pour M, forment les orbitales óS liantes et
óS* antiliantes. L'orbitale ns de M sera prédominante
et contribuera principalement à la formation de óS*
créant le bas de la bande de conduction (BC). Un exemple de cette
application est donné dans la figure I.9 pour la formation de ZnO
où l'écart
entre óS *
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et ðp forme le gap Eg.
|
Pour résumer, une vision simple consiste à voir
la bande de valence essentiellement composée des orbitales 2p de O et la
bande de conduction essentiellement composée de l'orbitale ns de M. La
propagation des électrons est donc faite le long des orbitales ns de
M.
Cette notion a été utilisée pour
illustrer la possibilité de grande mobilité dans ces mêmes
matériaux mais sous forme amorphe. H. Hosono a démontré la
possibilité d'une forte mobilité dans les TCO amorphes [11]. Le
semi-conducteur transparent 2.CdO.GeO2 sous forme amorphe présente une
grande mobilité d'environ 10
cm2.V-1.S-1, comparé à un
matériau amorphe plus commun a-Si:H ayant une mobilité de 1
cm2.V-1.S-1.
Grâce à cette découverte le
dépôt de TCO à basse température sans
cristallisation est possible. L'équipe de Martins et Fortunado a ainsi
déposé des films TCO amorphes sur substrat de papier et
créé des transistors à base de matériaux
transparents et conducteurs [41].
Figure I.9. Diagramme simplifié de la
structure de bandes du ZnO.
Selon le niveau des orbitales et les différentes
interactions possibles, certains oxydes métalliques ne sont pas des
semi-conducteurs à grand gap. Par exemple, pour les oxydes
composés des éléments de la colonne IV, l'oxyde de
silicium SiO2 est isolant comme d'ailleurs l'oxyde de germanium GeO2. L'oxyde
d'étain SnO2 est un semi-conducteur et l'oxyde de plomb PbO2 a un
comportement métallique.
Il existe un grand nombre d'oxydes métalliques
possédant tous leurs propres propriétés. Ainsi, l'oxyde de
vanadium possède une transition métal - semi-conducteur
dépendant de la température. A une température de
68°C, le matériau change de structure et son comportement passe de
semi-conducteur à métallique [42]. L'oxyde de titane, quant
à lui, a une surface photocatalytique réagissant au rayonnent UV
[43]. Une application possible est la
création d'une surface propre qui tue toute
bactérie à son contact sous illumination UV. De nombreuses
recherches actuelles tentent, grâce à des dopants tels que le bore
ou le vanadium, de ramener son activité photocatalytique dans le domaine
du visible [44, 45].
De nombreux autres matériaux sont étudiés
tels que des oxydes ternaires Cd2SnO4, Zn2SnO4, MgIn2O4 et GaInO3 [46]
présentant des structures particulières telles que la structure
delafossite [47].
Afin d'illustrer les différents
phénomènes mis en jeu au sein de tous ces matériaux,
les notations de Kröger et Vink ont été
utilisées dans ce manuscrit. Ces conventions décrivent
les charges électriques et les positions de défauts
présentes dans le réseau d'un cristal. La
notation d'un élément M avec une charge C dans un site S
se note : Le M représente
l'élément mis en jeu mais peut être aussi
une vacance notée V, un électron ou un trou. Le C
représente la charge avec M' pour une charge négative,
M · pour une charge positive et Mx
pour une charge neutre. Le S représente l'emplacement de
l'élément, par exemple i, pour une position
interstitielle. Les défauts intrinsèques et extrinsèques
peuvent être écrits grâce à cette
notation comme la capture d'un électron libre par une lacune de
zinc :
Avant de décrire en détail les
propriétés optiques et électriques des TCO, des solutions
alternatives à l'utilisation de ces matériaux sont possibles. Des
films de métaux extrêmement fins inférieurs à 10 nm,
peuvent jouer le rôle de matériaux transparents et conducteurs. En
effet, des couches d'or, d'argent ou de cuivre peuvent être
utilisées à cet effet. De même, des fines couches de chrome
et de nickel égalisent les performances de l'ITO comme le montrent Ghosh
et al. dans leurs travaux [48]. Dans le cas de cellules solaires
organiques, des recherches sont également poursuivies pour trouver un
remplaçant organique, conducteur et transparent [49].
Dopage n
Afin d'améliorer la conductivité des
matériaux, le nombre de porteurs de charges est augmenté par le
dopage. Selon le matériau ou le type de dopant, le dopage peut
être de substitution, de vacances ou d'implantations interstitielles.
Dépendant de la valence des dopants, accepteurs ou donneurs, le dopage
induira une conductivité de type n ou p.
Le dopage par substitution peut se faire sur le cation (le
métal) ou l'anion (l'oxygène).
Des paramètres tels que la solubilité solide du
dopant dans le réseau du matériau hôte ou la taille du
dopant, influenceront également la possibilité d'un dopage. Il
existe de nombreux
dopages par substitution du cation. L'oxyde d'indium peut
être dopé par du molybdène [50] pour améliorer ses
caractéristiques ou bien par des éléments comme le titane
[51]. Cependant, énormément de travaux se tournent vers la
recherche et la compréhension du dopage qui a donné les meilleurs
résultats. Notons ainsi le dopage à l'étain donnant
l'oxyde d'indium dopé étain : ITO [52]. La littérature
relate peu de travaux concernant des études de dopage autre qu'avec
l'étain. Le dopage de l'oxyde de zinc ZnO est possible avec de nombreux
éléments tels que Al [53], Ga [54], In [55] et autre. Il en est
de même pour l'oxyde SnO2 avec des éléments tels que Sb
[56], Nb, Ta [57], ou des métaux de transitions Cu, Fe, Co et Ni
[58].
La liste des éléments n'est pas exhaustive et
ils existent de nombreux travaux sur beaucoup de sortes de dopage. Des exemples
d'étude sur le co-dopage se trouvent dans la littérature comme
par exemple le co-dopage Al-Ti du ZnO [59].
Les dopages par substitution de l'anion oxygène sont
plus rares. Or, le dopage au fluor est l'un des meilleurs dopants pour SnO2
[60]. Pour ZnO, des recherches sont menées sur des dopages au fluor mais
aussi au bore [61] ou encore au lithium [62].
Tous les dopages évoqués ci-dessus renforcent le
type n des TCO semi-conducteurs.
En effet, un niveau de dopant est créé sous BC
et l'augmentation de dopage développe une bande d'énergie
chevauchant la bande de conduction. Ainsi, un grand nombre d'électrons
participent à la conduction, d'où l'augmentation de la conduction
par dopage.
Dopage p
Le dopage de type p reste, quant à lui, encore
controversé. Comme vu précédemment, les TCO tels que le
SnO2 ou le ZnO sont intrinsèquement de type n. Un calcul
théorique réalisé par Zhang et al. confirme cette
tendance [63]. Néanmoins, depuis quelques années, de plus en plus
de travaux expérimentaux portent sur les couches minces de TCO de type p
grâce à différents dopages : ZnO:N [64], ZnO:Al-N [65],
SnO2:Sb [66]. L'avènement de TCO de type p ouvrira la porte à une
électronique transparente. Une des voies possibles sera peut être
celle des TCO à structure delafossite [67] comme CuAlO2, une
découverte de l'équipe d'Hosono [68].
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