I.4.1.3.3. Le principe du dépôt.
La cible et le substrat sur lequel le film mince va être
déposé sont placés en vis-à-vis dans une enceinte
sous vide. Avant le dépôt, le substrat est chauffé à
haute température (300<T<750°C). Le faisceau laser de haute
énergie (souvent 2J/cm2) est focalisé sur une cible en
rotation du matériau massif (voir figure I.13). Le processus de
dépôt du laser pulsé est un phénomène
physique complexe. Ceci n'implique pas seulement l'interaction photonique de la
radiation de haute énergie avec la cible solide, mais aussi la formation
du plasma avec des espèces de haute énergie et le transfert du
matériau arraché de la cible au travers du plasma (la plume) vers
la surface du substrat. Le processus de dépôt par ablation laser
pulse se fait donc en plusieurs étapes :
1. Interaction de la radiation avec la cible
2. Dynamique des matériaux ayant subi l'ablation
3. Dépôt des matériaux arrachés de la
cible sur le substrat
4. Nucléation et croissance du film mince sur la surface
du substrat.
Chaque étape du processus est importante pour la
qualité cristalline et épitaxiale du film, ainsi que son
uniformité et l'obtention d'une faible rugosité de surface.
La première étape consiste en la destructuration
du matériau de la cible sur une faible épaisseur. A une
densité de flux suffisamment forte et un temps d'impulsion assez court,
le
laser va transmettre son énergie aux atomes de la cible
en créant un champ électrique tel que les liaisons dans le solide
sont rompues. Les éléments sont ainsi dissociés de la
surface de la cible et une très forte différence de potentiel va
être créée. Les atomes vont alors être
éjectés perpendiculairement à la surface de la cible. Le
taux d'ablation instantané est fortement dépendant de la
fluence du laser (ou énergie par unité de surface
déposée par le laser) focalisée sur la cible. Les
mécanismes d'ablation impliquent plusieurs phénomènes
physiques complexes comme collisions, excitations thermiques,
électroniques et autres.
Lors de la seconde étape, il y a formation d'un plasma
et son expansion (voir image de la plume sur la figure I.13). Le
matériel arraché de la cible est ainsi transmis de la cible vers
le substrat d'après les lois de la dynamique des gaz. Ce plasma permet
le transfert des atomes ou des ions de la cible vers le substrat.
Différents paramètres jouent un rôle significatif sur la
dynamique des matériaux arrachés de la cible. Tandis que la
taille de l'impulsion laser et de la température du plasma ont des
effets sur l'uniformité du film déposé, la distance
cible-substrat va gouverner la propagation angulaire de l'ablation. La
pression du gaz introduite dans l'enceinte influence aussi l'expansion
de la plume. En effet, plus la pression dans l'enceinte est importante, plus la
probabilité de collision entre les éléments du gaz de
l'enceinte et le plasma va être grande.
La troisième étape est importante pour
déterminer la qualité du film. Les atomes ou ions projetés
sur le substrat vont se condenser et réagir avec l'atmosphère
réactive dans le bâti, ce qui conduira à la croissance du
film. Les espèces éjectées ayant une haute énergie
affectent la surface du dépôt et peuvent induire différents
types de dommages.
(A) (B)
Figure I.13. Schéma en coupe du bâti
d'ablation laser pulsé (A) et photo de la plume produite par le laser
excimer (B)
Ces espèces énergétiques arrachent des
atomes de surface et une région de collision est formée entre le
flux incident et les atomes arrachés. Le film croît après
qu'une région thermalisée soit formée. La région
sert comme une source pour la condensation des particules. Lorsque le taux de
condensation est plus important que le taux de particules fournies par
l'ablation, les conditions d'équilibre thermique peuvent être
rapidement atteintes. La croissance du film sur la surface du substrat est
ainsi obtenue par rapport au flux direct des particules arrachées de la
cible et de l'équilibre thermique.
Enfin, il faut noter que la nucléation et la croissance
de films cristallins dépendent aussi de plusieurs facteurs tels que la
densité, l'énergie, le degré d'ionisation et le type de
matériel condense ainsi que la température et les
propriétés physico-chimiques du substrat. Les deux principaux
paramètres thermodynamiques dans le mécanisme de croissance sont
la température du substrat T et la sursaturation Dm. Ils
peuvent être donnés par l'équation suivante :
où k est la constante de Boltzmann, R est le taux de
dépôt et Re est sa valeur d'équilibre à
la température T [80].
Le procédé de nucléation dépend des
énergies interfaciales entre les trois phases
présentes : substrat, matériel condensé
et la vapeur. L'énergie minimum à la formation du germe
correspond à une valeur critique. La taille critique du germe
dépend de la force motrice comme le taux de dépôt et la
température du substrat. De larges germes sont caractéristiques
d'une faible sursaturation. Ceci est dû à la création
d'îlots isolés du film sur le substrat qui, par la suite,
croissent et coalescent ensemble. Si la sursaturation augmente, la taille
critique des germes diminue jusqu'à ce qu'elle atteigne le
diamètre de l'atome. Il en résulte une nucléation à
deux dimensions et leur forme serait des couches épitaxiées. Pour
de plus large sursaturation, la nucléation couche par couche va
dériver sur des couches incomplètes de croissance 3D.
Enfin, la croissance cristalline des films dépend de la
mobilité de surface des atomes arrivant (ou atomes de la vapeur).
Normalement, les atomes arrivant diffuseront sur plusieurs distances atomiques
avant de se stabiliser et former le film. La température de surface
du substrat détermine ainsi la capacité des atomes à
diffuser. De hautes températures vont favoriser la croissance rapide de
cristaux et la formation de cristaux sans défauts, tandis que de faibles
températures impliquent une sursaturation importance qui favorisent des
structures désordonnées ou même amorphes.
Metev et Meteva (1989) ont suggéré qu'à
travers la formule N99 correspond au nombre de monocouches nécessaires
pour que 99% du substrat soit recouvert. [80], l'épaisseur moyenne a
partir de laquelle la croissance des films minces discontinue atteignent la
continuité est donnée par :
où R est le taux de déposition (relié
à la sursaturation), T est la température du substrat, A est une
constante relative au matériau, Edes et
Esd sont les énergies d'activation pour la désorption des
atomes arrivant et de diffusion de surface respectivement.
Dépendant des conditions expérimentales, telles
que la densité de flux de plasma (déterminant le taux de
déposition R) et la température du substrat, différentes
structures peuvent être synthétisées allant de couches
minces monocristallines, polycristallines aux couches amorphes. Ainsi, sous
certaines conditions, une nucléation couche par couche est
favorisée et un film plat et/ou ultrafin peut être produit. De
plus, le dépôt rapide des espèces
énergétiques d'ablation aident à augmenter la
température de surface du substrat. Ainsi donc, la méthode PLD
nécessite une plus faible température du substrat pour la
croissance de films cristallins.
Le principal avantage de cette technique est donc le
mécanisme d'ablation du matériau. Contrairement à
l'évaporation thermique, qui produit une vapeur dépendante de la
pression de vapeur des éléments de la cible, l'expulsion de
matière produite sous l'impact du laser crée une plume de
stoechiométrie similaire à celle de la cible. C'est ainsi que
l'on comprend l'avantage de cette technique de dépôt lié
à la relative facilité d'obtenir un film contenant plusieurs
éléments dans les mêmes proportions
stoechiométriques que dans la cible.
De plus, cette technique permet un très bon
contrôle de croissance couche par couche, permettant d'obtenir une
épaisseur choisie. Par changement de cible, des multicouches peuvent
aussi être synthétisées.
Par exemple, les premiers super-réseaux de film
supraconducteurs ont été réalisés par Norton et
al. [81] avec les composés BaCu02/SrCu02. Des
propriétés originales peuvent être étudiées
comme le couplage d'échange magnétique entre différentes
épaisseurs de couches ferromagnétiques et
antiferromagnétiques dans les composes SrMn03/SrRu03
préparés à l'aide de la méthode PLD par Padhan
et al. [82].
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