Master Sciences du Management, Option Recherche en Sciences de
Gestion, Axe Finance, ARchitecture et
Gouvernance des Organisations
(FARGO) Laboratoire
d'Economie et de Gestion
(LEG) - UMR CNRS 5118
Le développement des approches comportementales
et de la neuroéconomie : Quelles conséquences pour
le développement de la recherche en finance d'entreprise ?
1(*)
|
Présenté et soutenu en Septembre 2005
Auteur du
Mémoire : 2(*)
Lionel Tolle
Président du Jury et Directeur de
Mémoire :
Pr. Gérard Charreaux
Nous remercions, tout d'abord, Pr. Gérard Charreaux
pour ses précieux conseils ainsi que les autres professeurs du master.
Ensuite, nous saluons les différents échanges constructifs avec
les collègues du master et d'autres personnes qui se reconnaîtront
d'eux-mêmes. Et enfin, nous souhaitons remercier de tout coeur les
différentes personnes qui nous ont accordé de leur
précieux temps pour relire et commenter notre recherche.
Mots Clefs : Finance d'Entreprise
Comportementale, Neuroéconomie, Biais cognitifs et affectifs,
Comportements individuels et collectifs,...
Key Words: Behavioral
Corporate Finance, Neuroeconomics, cognitive and affective bias, individuals
and collectives behavior...
Cette recherche est le fruit de notre propre réflexion,
l'université de Dijon n'est donc nullement responsable du contenu de
cette étude.
Résumé : L'objectif de
cette recherche est de présenter l'avantage des approches
comportementales dans le domaine de la finance et de la gouvernance
d'entreprise. Cette approche procure une perspective différente des
théories traditionnelles de la rationalité et permet d'amorcer
une analyse pouvant combler certaines lacunes concernant la structure de
propriété, les projets d'investissement et les politiques de
rétributions. De plus, cette étude ambitionne de créer une
grille de lecture des biais comportementaux au sein du processus de
décision qui se décline en connaissance de l'environnement, en
système de préférences, en capacité
d'évaluation et en critères de sélection.
Abstract: The objective of this research
is to show the advantages of behavioral approaches in the domain of corporate
finance and governance. This approach gives another way, instead of the
traditional theories of the rationality paradigm, that could fulfill some gaps
about the capital structure, investment projects and dividends &
repurchases shares policies. Moreover, this study tries to build a new
framework of behavioral bias based on decision process: knowledge of
environment, system of preferences, evaluating capacities and selection
criteria.
Table des Matières
INTRODUCTION : INTÉRETS &
CONTEXTE
6
1.
PROBLÉMATIQUE
10
1.1.
Définitions
10
1.1.1. Domaine de la Finance
d'Entreprise
11
1.1.1.1. Préambule : Nature de
la Firme
11
1.1.1.2. Finance d'Entreprise
12
1.1.1.2.1. Décisions de
Financement
14
1.1.1.2.2. Décisions
d'Investissement
15
1.1.1.2.3. Décisions de
Rétribution
16
1.1.2. Domaine des Approches
Comportementales dont les Neurosciences
17
1.1.2.1. Préambule : Nature de
l'Homme
17
1.1.2.2. Approches Comportementales
20
1.2. Dimensions du
Comportement
23
1.2.1. Cognitif vs Affectif
26
1.2.2. Individuel vs Collectif
27
1.3. Facteurs
explicatifs de ces dimensions comportementales
29
1.3.1. Connaissance de l'environnement
(aF)
31
1.3.2. Système de
Préférences (bF)
33
1.3.3. Capacité d'Evaluation
(cF)
35
1.3.4. Critères de Sélection
(dF)
37
2. REVUE DE LA
LITTÉRATURE
40
2.1.
Préambule : Processus de Décision
40
2.1.1. Connaissance de l'environnement
42
2.1.1.1. Biais de récolte et de
sélection d'information
43
2.1.1.2. Biais de traitement et
d'utilisation des connaissances (références)
44
2.1.2. Système de
Préférences
44
2.1.2.1. Biais de valeurs
44
2.1.2.2. Biais de
« Danger »
45
2.1.3. Capacité d'Evaluation
46
2.1.3.1. Biais de Capacité de
calcul
46
2.1.3.2. Biais de Modification
d'évaluation
47
2.1.4. Critères de
Sélection
48
2.1.4.1. Biais de Stratégie ou niveau
d'acceptation
48
2.1.4.2. Biais d'Intérêt ou
Objectif
49
2.2.
Décision de Financement
50
2.2.1. Connaissance de l'environnement
51
2.2.1.1. Biais de récolte et de
sélection d'information
52
2.2.1.2. Biais de traitement et
d'utilisation des connaissances (références)
54
2.2.2. Système de
Préférences
54
2.2.2.1. Biais de valeurs
55
2.2.2.2. Biais de
« Danger »
56
2.2.3. Capacité d'Evaluation
57
2.2.3.1. Biais de Capacité de
calcul
57
2.2.3.2. Biais de Modification
d'évaluation
58
2.2.4. Critères de
Sélection
58
2.2.4.1. Biais de Stratégie ou niveau
d'acceptation
59
2.2.4.2. Biais d'Intérêt ou
Objectif
59
2.3.
Décision d'Investissement
60
2.3.1. Connaissance de l'environnement
62
2.3.1.1. Biais de récolte et de
sélection d'information
62
2.3.1.2. Biais de traitement et
d'utilisation des connaissances (références)
63
2.3.2. Système de
Préférences
64
2.3.2.1. Biais de valeurs
64
2.3.2.2. Biais de
« Danger »
65
2.3.3. Capacité d'Evaluation
65
2.3.3.1. Biais de Capacité de
calcul
66
2.3.3.2. Biais de Modification
d'évaluation
67
2.3.4. Critères de
Sélection
67
2.3.4.1. Biais de Stratégie ou niveau
d'acceptation
67
2.3.4.2. Biais d'Intérêt ou
Objectif
68
2.4.
Décisions de Rétribution
69
2.4.1. Connaissance de l'environnement
71
2.4.1.1. Biais de récolte et de
sélection d'information
71
2.4.1.2. Biais de traitement et
d'utilisation des connaissances (références)
72
2.4.2. Système de
Préférences
73
2.4.2.1. Biais de valeurs
73
2.4.2.2. Biais de
« Danger »
75
2.4.3. Capacité d'Evaluation
75
2.4.3.1. Biais de Capacité de
calcul
76
2.4.3.2. Biais de Modification
d'évaluation
76
2.4.4. Critères de
Sélection
77
2.4.4.1. Biais de Stratégie ou niveau
d'acceptation
77
2.4.4.2. Biais d'Intérêt ou
Objectif
78
3. PROJET DE
RECHERCHE
80
3.1.
Modélisation
80
3.1.1. Développement
théorique : Processus de décision en finance d'entreprise
comportementale
81
3.1.2. Développement empirique :
Pouvoir explicatif de la finance d'entreprise comportementale
82
3.2.
Hypothèses testables
83
3.3.
Démarche préconisée
83
3.3.1. Epistémologie
84
3.3.2. Démarche empirico-formelle
84
CONCLUSION : APPORTS & LIMITES
86
TABLE DES ANNEXES
88
BIBLIOGRAPHIE
95
Introduction :
Intérets & Contexte
En finance d'entreprise, nous observons une multitude de
théories qui ne semblent pas correspondre à la
réalité. A titre d'exemple, Modigliani et Miller (1963)
suggèrent une structure optimale de capital avec 100% d'endettement au
vu de l'économie d'impôt généré (tax
shield). Pourquoi ? Tout simplement, à force de simplification
du comportement de l'individu voire d'éviction du rôle de l'homme
dans les prises de décisions, ces théories sont trop
normalisées pour prétendre à une validation empirique.
En effet, toute décision - en finance d'entreprise -
est prise par un individu (le responsable ou le dirigeant) ou par un
collège d'individus « approprié ». Par
exemple, au sein de la Gouvernance d'Entreprise, ce collège peut
être le conseil d'administration... Dans ces conditions,
différents biais comportementaux influencent mutuellement les divers
agents :
. Leurs schémas cognitifs et affectifs propres
(état psychologique)
. Leurs interactions avec différents réseaux
(effets de socialisation / effet de groupe)
D'ailleurs, toute décision d'un individu est un
arbitrage au sein même de son comportement. Le comportement est donc un
élément essentiel dans la compréhension de la prise de
décision. Même si l'analyse du comportement est l'apanage
principal des disciplines anthropologiques et des sciences humaines, telles que
la psychologie, la sociologie, cette étude est aussi de plus en plus
considérée dans le domaine de l'économie lorsque les
économistes souhaitent comprendre les mécanismes
décisionnels des agents et rendre plus réaliste les
hypothèses auxiliaires des théories économiques.
En fait, le développement des approches
comportementales, dont les neurosciences, en économie (Behavioral
Economics), s'inspirant des domaines de la psychologie et de la
sociologie, est disparate. Actuellement, la finance de marché
(Behavioral Market) est plus propice à cette avancée
thématique (Barberis et Thaler, 2002, p59-60) que la finance
d'entreprise (Behavioral Corporate Finance), surtout pour les
études empiriques évènementielles. En effet, les
hypothèses d'efficience du marché et de rationalité de ses
agents sont mises à mal, principalement par l'étude des anomalies
des cours boursiers (Glaser et al., 2003). De plus, la finance
d'entreprise comportementale s'appuie en grande majorité sur les
recherches comportementales effectuées dans le domaine de la finance de
marché. C'est pour ces raisons de complexité que la finance de
marché comportementale est bien plus développée que la
finance et la gouvernance d'entreprise comportementales qui en sont à
leurs balbutiements. D'ailleurs Baker et al. (2004) présentent
une revue de la littérature sur la finance d'entreprise comportementale
illustrant ce lien entre finance de marché et finance d'entreprise. Ils
utilisent la même approche que Shefrin (2001). Ces deux articles
distinguent, d'une part, une approche interne, et d'autre part, une approche
externe. La première se focalise sur le manager qui n'est pas totalement
rationnel, ou qui effectue des erreurs, et la seconde s'oriente sur le
comportement partiellement rationnel des analystes et des investisseurs,
constituant le marché financier, dont le manager doit prendre en compte
lors de ses prises de décision. Dans tous les cas, ces deux approches
sont étudiées d'une manière exclusive. Dans ces articles,
pour des raisons de simplification, le manager et les investisseurs ne sont pas
traités comme "irrationnels" simultanément. D'ailleurs, dans la
synthèse de Baker et al. (2004), il n'est question pour
l'analyse comportementale que de l'étude de l'optimisme et de la
"surconfiance" 3(*) des
managers, ce qui restreint la vision du comportement. En effet, il existe une
multitude de comportements pouvant influencer la prise de décision. De
plus, contrairement à ce que présente Baker et al.
(2004), l'étude du comportement ne peut se réduire ni à
une dimension binaire (rationnelle ou non) ni à une vision
actionnariale. Shefrin (2001, p16), quant à lui, introduit un point sur
la prise en compte du comportement des employés et donc implicitement
une vision partenariale.
Charreaux (2005, p2-3), d'ailleurs, présente deux voies
possibles d'améliorer les pouvoirs explicatifs des théories de
gouvernance : une approche partenariale et le levier cognitif de la
création de valeur (qui effectue implicitement des allusions aux
comportement des agents par la théorie de l'agence, la prise en compte
des compétences des individus et bien d'autres
éléments...) ou une introduction des éléments issus
de la littérature comportementale et donc de la gouvernance
comportementale. Comme le suggère Charreaux (2005, p21) dans cet
article, afin de distinguer le levier cognitif de création de valeur des
schémas cognitifs différents entre les individus, nous
maintiendrons le terme « cognitifs » uniquement pour les
schémas mentaux et les systèmes de raisonnement des individus.
Par contre, en ce qui concerne ce levier cognitif, nous utiliserons, dès
à présent, le terme de levier de « compétences
». De plus, les approches cognitives de la gouvernance, qui traitent
principalement de levier de « compétences », seront
présentées comme les approches productives de la création
de valeur que ce soit un coût ou un gain. Afin de pouvoir
appréhender l'ensemble des facettes du comportement dans l'entreprise en
tant qu'organisation, nous nous poserons au sein du cadre théorique de
l'approche par les ressources. Par ailleurs, l'environnement obligeant une
adaptation de prises de décision, nous opérerons donc des
emprunts dans divers domaines de recherche en sciences de gestion dont la
stratégie, l'architecture organisationnelle...
D'un point de vue méthodologique, d'après Glaser
et al. (2003, p8 4(*)), qui étudient le comportement de surconfiance
des investisseurs sur le marché financier générant des
anomalies de cotation, la finance comportementale a deux approches. La
première est issue de la psychologie décrivant le comportement
humain lors de certaines circonstances économiques. Ces études,
par la suite, sont utilisées afin de construire un nouveau modèle
pour expliquer les observations de marché. Inversement, la seconde
approche étudie les déviations empiriques des prédictions
effectuées à partir des théories financières
traditionnelles. Par la suite, il s'agit de rechercher les causes de ces
dérives, soit au travers de frictions de la rationalité des
individus, soit en ayant recours à des études psychologiques du
comportement humain. Ces deux approches s'apparentent réciproquement
à une approche normative et à une approche descriptive. Dans le
cadre de notre étude, nous allons référencer des approches
comportementales pouvant améliorer les pouvoirs explicatifs des
théories en finance d'entreprise. Dans ce contexte, nous aurons
principalement une approche descriptive en s'appuyant sur une démarche
hypothético-déductive.
Dans ce contexte, cette recherche souhaite constituer et
développer le champ de la finance d'entreprise comportementale en
adoptant une nature de l'homme plus réaliste que celle
généralement usitée en économie (finance de
marché et d'entreprise) à l'aide des approches comportementales
inspirées de la psychologie. Il s'agit donc d'une étude
descriptive s'effectuant principalement à travers une revue de la
littérature. Ce développement s'apparente à une
complémentarité voire, sur certains points, à une
révolution des paradigmes5(*). En effet, certains auteurs - comme Heaton (2002),
Hermalin et Isen (2000) - étudient l'approche comportementale dans le
cadre de la rationalité (principalement substantive) et d'autres - tels
que Shiller (1997) et Camerer (2003) - analysent le comportement en dehors de
ce cadre. Voici les paradigmes éprouvés par ces diverses
démarches :
. Nature de l'homme dont la rationalité de l'individu
(Simon, 1955 ; Loewenstein, 2000 ; Rabin 2002 ; Camerer,
2003)
. Nature de la firme (Zingales, 2000, p11 ; Charreaux,
2002b, p12)
De plus, toute cette démarche a pour objectif de tenter
d'améliorer les réponses ou plutôt compléter le
« puzzle »6(*) de la finance d'entreprise qui n'a pas pu être
fait avec une approche économique standard de la firme et de la
rationalité des agents.
Dans cette perspective, nous allons dans un premier temps,
définir les domaines de recherche, les dimensions du comportement et ses
facteurs. Dans un second temps, nous effectuerons donc une revue de la
littérature du processus de décisions et des décisions en
finance d'entreprise. Et enfin, nous constituerons un projet de recherche dans
une troisième partie.
1.
PROBLÉMATIQUE
En fait, l'objectif de cette recherche est d'expliquer et de
déterminer l'importance du pouvoir explicatif des approches
comportementales au sein des développements de la recherche en finance
d'entreprise.
L'objet de cette recherche est d'amorcer une réponse
à une multitude de questions dont les suivantes :
. Quels sont les facteurs comportementaux qui influencent la
prise de décision ?
. Dans quelle mesure l'étude du comportement des
acteurs permettrait de mieux comprendre les décisions financières
de la firme ?
. Rendre les hypothèses auxiliaires du comportement de
l'individu plus réalistes augmentent-t-elles le pouvoir explicatif des
théories financières de la firme ?
. Cette prise en compte des facteurs comportementaux
entraîne-elle une réforme ou une révolution au sein des
paradigmes de la finance d'entreprise ?
En fait, il s'agit de résoudre le puzzle des
théories financières de la firme par l'analyse du comportement.
Dans ces conditions, nous allons dans un premier temps définir les
principaux domaines de recherche. Dans un second temps, nous
présenterons les différentes dimensions du comportement. Et, dans
un troisième et dernier temps, nous développerons les
différents facteurs explicatifs de ces dimensions.
Au fur et à mesure de ces étapes, et tout au
long de cette recherche, nous expliciterons d'autres questions aux moments les
plus opportuns.
1.1.
Définitions
Nous allons présenter tout d'abord le domaine de la
finance d'entreprise et ensuite les approches comportementales.
1.1.1. Domaine de la Finance
d'Entreprise
La présentation du domaine de la finance d'entreprise
nécessite d'abord une présentation de la firme ou plutôt de
la nature de la firme. En effet, la nature perçue ou
considérée oriente la recherche en finance d'entreprise et
détermine les processus d'analyses appropriés. Celle-ci permet
d'étudier les conditions générales des enjeux en sciences
de gestion concernant la répartition de la rente et la création
de valeur à court ou long terme permettant une valorisation et une
pérennité de la firme.
1.1.1.1.
Préambule : Nature de la Firme
Il est primordial d'identifier les frontières de la
firme et de décliner les diverses typologies de sa structure de
propriété qui vont nécessairement influencer la finance
d'entreprise.
Principalement la délimitation de la firme se
décline par trois approches distinctes (Zingales, 2000): ses actifs et
ses opportunités de croissance, un noeud de contrats (explicites - Coase
(1937), Alchian et Demsetz (1972) - ou/et implicites - Demsetz, 1988 - ), et un
noeud de compétences spécifiques (Hodgson, 1998). Ces
différentes approches instaurent un certain type de vision des
théories et influencent le type de valorisation de la firme. A titre
d'exemple, d'après Coase (1937), l'existence de la firme, en tant que
noeud de contrats, est conditionnée par la comparaison entre les
coûts de marché et les coûts de management par la firme.
Afin de pouvoir englober et permettre l'épanouissement totale des
différentes approches comportementales, nous nous situerons
principalement dans le cadre des noeuds de compétences.
Postulat 1 (P1) : La firme est un
noeud de compétences spécifiques.
La structure de propriété d'entreprise, quant
à elle, opère une modification ou plutôt une adaptation des
théories utilisées. En effet, chaque type de structure
détermine les objectifs et les différents processus à la
disposition de l'entreprise (Hansmann, 1988). A titre d'exemple, la
théorie de l'agence (Charreaux, 2002a ; Jensen & Meckling,
1976) n'a pas la même signification si cette entreprise est une
société entrepreneuriale ou une société
managériale voire une coopérative... Nous considérerons
que l'entreprise est une firme managériale a priori et nous
effectuerons donc des apartés, si c'est utile, pour présenter des
cas particuliers pour les autres types de structure de
propriété7(*).
Postulat 2 (P2) : L'entreprise est une
société managériale.
A présent que les postulats de la nature de la firme
sont établis nous pouvons présenter le domaine de la finance
d'entreprise.
1.1.1.2. Finance
d'Entreprise
Maintenant que la nature de la firme est
présentée, nous pouvons mieux concevoir la finance d'entreprise.
Celle-ci regroupe généralement la valorisation, la structure de
capital et la gouvernance financière (Zingales, 2000, p11 ;
Charreaux, 2002b, p13).
La valorisation de l'entreprise est fonction de la nature de
la firme considérée et des méthodes de calculs.
D'après le Postulat 1 8(*), les compétences doivent
être évaluées correctement. La firme a donc une valeur
propre. De plus, d'après le Postulat 2
9(*), l'entreprise est une
société dans laquelle le manager ne concentre pas la
totalité des titres de propriété de cette dernière.
Généralement, dans le cadre d'études, ce type d'entreprise
est représenté par les sociétés cotées en
bourse. Bien évidemment, dans le cadre du paradigme de l'efficience de
marché, la valeur propre de l'entreprise est égale à celle
de sa capitalisation boursière. Par contre, au vu des anomalies de
marchés, cette hypothèse d'efficience semble compromise. Dans
cette seconde perspective, l'étude du comportement prend toute sa
valeur. Nous allons donc considérer par défaut que le
marché n'est pas efficient, sauf stipulation contraire
ponctuelle10(*). Dans ce
contexte, il peut y avoir sur ou sous évaluation de la valeur de la
firme. En fait, nous devrons envisager ces deux possibilités. Etant
donné que la finance de marché n'est pas notre objet
d'étude pour cette recherche, nous ne démontrerons pas
l'efficience de marché même si l'étude du comportement des
agents peut prétendre à cette démarche (Baker et
al., 2004 ; Barberis et Thaler, 2002 ; Glaser et
al., 2003 ; Shiller, 1997). Par contre, nous utiliserons ces
données pour présenter le comportement en finance d'entreprise.
C'est pour ces raisons que nous maintenons le terme de postulat et non
d'hypothèse pour ces deux possibilités.
Postulat 3a (P3a) : le marché
n'est pas efficient.
Postulat 3b (P3b) : le marché
est efficient.
Une multitude de décisions peut affecter la structure
de capital de la firme : autofinancement et financement par les
marchés financiers et par les banques (augmentation de capital, rachat
d'actions, endettement, opération publique d'achat ou
d'échange...). D'ailleurs, si nous relâchons le
postulat 2 11(*), des décisions - telle que l'introduction en
bourse - peuvent être rajoutées. De plus, les modifications de
structure de capital peuvent avoir un rôle au sein de la théorie
du signal afin de palier les asymétries d'information.
La gouvernance financière, quant à elle,
regroupe tous les éléments de gestion de l'activité de
l'entreprise. Elle se décline par les stratégies d'investissement
et de désinvestissement concernant les politiques de dividendes, les
restructurations financières telles que les fusions et acquisitions, les
divers projets de diversification et de concentration d'activités...
Par ailleurs, dans le cadre de la finance d'entreprise, il
faut considérer les capacités d'adaptation de la firme (Foss,
1996), au vu, par exemple, de la théorie de dépendance de
sentier. En outre, les diverses caractéristiques de la firmes, telle que
son activité, conditionnent les décisions de cette
dernière. En effet, à titre d'exemple, la société a
besoin de certaines ressources afin de pouvoir fonctionner ce qui implique la
prise en compte de la théorie de dépendance aux ressources
(Kreiser et Marino, 2002)... De plus, Charreaux (2002b) présente deux
approches très distinctes de la gouvernance (autres que
macroéconomie et microéconomie) : la vision disciplinaire et
la vision productive qui ont des influences sur la recherche de financement et
d'investissement.
En fait, la finance d'entreprise se scinde en trois types de
décision : décisions de financement, d'investissement et de
rétribution. Il est possible d'identifier des relations opposées
entre financement et investissement. La première, qui est
généralement l'idée la plus répandue, consiste
à rechercher un financement lorsque l'on a un projet d'investissement.
La seconde suit le principe contraire. L'entreprise a une trésorerie
qu'elle cherche à investir dans des projets. Même si cela peut
induire des comportements différents aux vues des divergences de
pressions suivant la relation spécifique de la situation, nous
n'étudierons pas cette relation. De plus, les politiques de
rétributions (rachat d'actions, payement de dividendes...) sont des cas
particuliers pouvant être classées dans les deux
précédentes familles (comme présenté
précédemment au sein de la structure de capital et de la
gouvernance financière) mais elles peuvent avoir des répercutions
importantes dans l'autre catégorie. Nous analyserons donc
indépendamment les politiques de financement, d'investissement et de
rétribution.
1.1.1.2.1. Décisions de
Financement
Les décisions de financement jouent principalement sur
la structure de capital de la firme. Le financement peut s'effectuer, soit en
interne, par l'autofinancement, soit en externe, par l'appel à des
capitaux d'investisseurs. En fait, nous allons considérer comme
financement toutes ressources possibles (inputs) quelles soient
financières ou non. A titre d'exemple, les compétences des
employés font partie intégrante des ressources de la firme.
Toutefois, étant donné que l'ensemble des ressources de
l'entreprise est valorisé par la structure de capital, et par soucis de
simplification, nous étudierons le financement principalement au travers
des fonds propres, de l'endettement et de leurs évolutions.
L'autofinancement, issu principalement de la trésorerie
d'exploitation, des cessions d'actifs et tous les moyens à disposition
de la firme qu'elle alloue à telle ou telle activité, constitue
le « slack managérial » ou le
« surplus organisationnel » 12(*) du dirigeant. En effet, il
dispose, à sa discrétion, de ces fonds. Il n'a donc pas
nécessairement de relation directe avec les investisseurs. Il s'agit
d'un financement immédiat et sans autorisation particulière,
puisqu'il fait partie de la gestion courante des activités de
l'entreprise, même si la théorie de l'agence est toujours de mise
mais elle est simplement différée jusqu'aux rapports financiers.
Par contre, il peut exister une gestion interne à l'entreprise
concernant ce slack qui peut nécessiter une étude du
comportement au sein même de la firme surtout dans le cadre de cession de
branches d'activités.
Lorsque le dirigeant fait appel à des investisseurs
externes, le dirigeant peut choisir de pourvoir son financement par des dettes
auprès des banques et des obligations ou par une augmentation de capital
(voire une introduction en bourse pour les entreprises entrepreneuriales
13(*)) sur les
marchés financiers. Dans ce cas, le contact avec les investisseurs est
immédiat et inévitable. Il faut donc
« vendre » le projet pour lequel le financement est
recherché. Dans ce contexte, afin de pouvoir expliquer les
décisions, nous devons prendre en compte le comportement interne
à la firme mais aussi celui des investisseurs et donc le comportement
externe constituant le système financier (marché et banque) et
son niveau d'efficience (Postulat 3a et
3b 14(*)).
La recherche, dans ce domaine, s'intéresse
principalement aux questions suivantes :
. Quelle est la structure de capital optimale pour une
firme ?
. Comment gérer les problèmes d'agence ?
Dans ce contexte, l'étude du comportement s'organise
principalement autour des conflits d'intérêts (Jensen et Meckling,
1976), de la rationalité des agents au sein de la gouvernance
(Charreaux, 2002b) et des études sur l'efficience de marché mis
à mal par les anomalies boursières (Barberis et Thaler,
2002 ; Glaser et al., 2003) voire des croyances
hétérogènes (Bigus, 2003).
De plus, les politiques de financement sont
généralement liées à des décisions
d'investissement que nous allons maintenant aborder.
1.1.1.2.2. Décisions
d'Investissement
Si l'on considère les décisions d'investissement
en tant que projet pour lequel il y a un flux financier, les différents
projets peuvent se promouvoir soit en un renouvellement soit en une
évolution de l'activité de l'entreprise. Ces différentes
familles d'investissement peuvent, en grande partie, s'apparenter à de
la gouvernance financière (Zingales, 2000 ; Charreaux 2002b).
En effet, les projets d'investissements peuvent se
décliner en 3 catégories : les actifs tangibles (achat ou
renouvellement), les actifs intangibles (brevets...) et le capital humain
(rémunération du dirigeant et des salariés). Par contre,
au sein des politiques d'investissement, il existe des politiques de
désinvestissement. Dans ce contexte, il s'agit d'un réajustement
des investissements, un retrait d'un projet qui ne correspond plus aux
attentes, voire une source de financement pour un autre projet.
En fait, ces projets ne sont généralement pas
étiquetés suivant leurs catégories mais plutôt
suivant leurs objectifs (diversification et concentration) ou leur nature
(joint-ventures, fusions et acquisitions d'entreprises, création ou
cessions d'activités, élaboration de nouveaux produits,
(ré)investissement dans les actifs de production...).
La recherche, dans ce domaine, s'intéresse
principalement aux questions suivantes :
. Quel projet choisir ? A qui cela profite ? Au
dépens de qui ?
. Pourquoi réaliser ce projet
d'investissement ?
. Quelle est la stratégie d'investissement de la
firme ?
Dans ce contexte, l'étude du comportement se focalise
principalement sur le décisionnaire et sur ses attitudes optimistes
(Heaton, 2002) ou d'excès de confiance (Malmendier et Tate, 2002) voire
sur ses capacités cognitives (Duhaime et Schwenk, 1983).
Nous allons maintenant aborder les décisions de
rétribution qui pouvaient faire partie des décisions
d'investissement ou de financement.
1.1.1.2.3. Décisions de
Rétribution
Les décisions de rétribution peuvent être
considérées comme des politiques d'investissement qui affectent
très largement la structure de capital de la firme. Il s'agit,
d'ailleurs, d'un moyen de rémunération des
« fournisseurs » de la manne financière de
l'entreprise. Pour ces raisons, nous avons souhaité étudier les
politiques de rétributions indépendamment des autres
décisions de la finance d'entreprise. En fait, la rétribution ou
redistribution financière peut s'effectuer par l'intermédiaire de
politiques de dividendes et de rachats d'actions pour les actionnaires, par le
payement des intérêts et des remboursements pour les banquiers.
Dans ce cadre, il s'agit principalement d'une vision actionnariale de la
gouvernance qui nécessite une prise en compte du comportement des
acteurs internes et externes d'après la structure de Baker et
al. (2004) et de Shefrin (2001).
La recherche, dans ce domaine, s'intéresse
principalement aux questions suivantes :
. Pourquoi effectuer des projets de
rétributions ?
. Quel niveau doivent-elles atteindre ?
. Pourquoi choisir le rachat d'actions ou le payement de
dividendes ?
Dans ce contexte, l'analyse du comportement s'oriente sur
l'analyse de l'efficience de marché (Barberis et Thaler, 2002 ;
Glaser et al., 2003 ; Shiller 1997) mais aussi sur les
interactions comportementales entre le manager et les investisseurs (Baker
et al., 2004 ; Baker et Wurgler, 2004 ; Fama et French,
2001).
En résumé, nous postulons que la firme est un
noeud de compétences spécifiques ou « répertoire
de connaissances » (P1). De plus, il s'agit
d'une entreprise managériale (P2). Enfin, le
marché peut être considéré soit non efficient
(P3a) soit efficient (P3b).
L'ensemble des éléments de postulats, de facteurs et
d'hypothèses, qui est ou va être effectué tout au long de
notre recherche, est référencé en note de bas de page et
en annexe 1.
Maintenant que le domaine de la finance d'entreprise est
défini, nous pouvons présenter les approches comportementales qui
vont nous permettre d'introduire l'étude du comportement dans la prise
de décision en finance d'entreprise.
1.1.2. Domaine des Approches
Comportementales dont les Neurosciences
Afin de présenter les approches comportementales, dans
une perspective générale et dans une seconde rapportée
à la finance d'entreprise, il nous paraît nécessaire de
définir la nature de l'homme. Nous l'approfondirons lors de la
présentation des dimensions et des facteurs du comportement. Enfin, nous
référencerons les principales approches comportementales dont les
neurosciences.
1.1.2.1.
Préambule : Nature de l'Homme
En économie et surtout en finance, l'homme,
« Homo Economicus »15(*), est considéré
en grande majorité comme un être rationnel qui cherche à
maximiser son propre intérêt (sa richesse, son utilité...).
Dans le cadre de la rationalité substantive, il choisit obligatoirement
la meilleure solution existante sans aucune équivoque. Simon en 1955
introduit la rationalité limitée qui induit un
fléchissement des précédentes affirmations telle que la
recherche de la satisfaction et non plus de la maximisation. Les travaux sur la
nature de l'homme en sciences de gestion se développent de plus en plus.
A titre d'exemple, diverses autres théories telles que la REMM -
Ressourceful, Evaluative Maximizers Model - de Jensen et Meckling
(1994), la PAM - Pain Avoidance Model - de Jensen (1998)
présentent une modélisation de la nature de l'homme. En fait,
tous ces éléments concernant la nature de l'homme composent
implicitement, la plupart du temps, avec une étude comportementale.
Toutes ces tentatives entendent promouvoir un comportement de plus en plus
réaliste de l'individu au sein de la finance tout en maintenant une
simplification permettant de prédire le comportement à l'aide de
modèles économiques.
D'ailleurs, l'évolution de la nature de l'homme au sein
de l'économie peut s'effectuer au travers soit d'une vision
complémentaire (révision et amélioration du cadre de la
rationalité), soit d'une vision alternative (réforme ou
révolution16(*) du
modèle de rationalité).
Dans le cadre de la rationalité, le
développement de l'approche comportementale introduit et
développe les caractéristiques individuelles a
posteriori des théories. Cela regroupe les compétences
générales ou spécifiques en tant que connaissance propre
de chaque individu (contrairement à l'information qui est commun et
accessible). Les perceptions différentes des opportunités ou
d'autres éléments permettent une approche différente de
l'innovation et de l'adaptation de l'entreprise (Charreaux, 2002b). Les
émotions dans cette perspective sont principalement des freins à
la réflexion ou un facteur incorporé dans l'utilité, et
donc au sein de la rationalité, sans pour autant mettre à mal ce
paradigme (Hermalin et Isen, 2000). L'approche par les ressources, la
rationalité limitée et la prise en compte des compétences
sont diverses manières de prendre en compte, implicitement, le
comportement des agents dans le cadre de la rationalité.
Par contre, la vision alternative tente de constituer de
nouvelles hypothèses comportementales en introduisant les biais
comportementaux contraires à la rationalité. En effet, dans le
cadre de la rationalité, certains comportements sont
considérés comme irrationnels. Si l'on introduit le
développement des approches comportementales au sein des
hypothèses auxiliaires des théories (donc ex ante), il
est possible de constituer un paradigme comportemental comme une alternative
à la rationalité puisque certains comportements peuvent à
la fois paraître complètement irrationnels dans le cadre de la
rationalité et suivre une logique correspondante à un cadre
différent (Kahneman, 2003 ; Camerer, 2003 ; Shiller, 1997).
Cette alternative tente d'établir un modèle plus
général dont les hypothèses de rationalité font
images de cas particuliers (voir Tableau 1).
Tableau 1: Hypothèses auxiliaires des
théories économiques et des alternatives
comportementales(d'après Camerer, 2003 17(*))
Hypothèses de choix rationnel
|
Alternatives comportementales
|
Préférences complètes, transitives et
homogènes
|
Préférences construites
|
- Concernant le risque (utilité)
|
- Théorie de la perspective18(*)
|
|
- Aversion à l'incertitude
|
|
- Basé sur des cas
|
- Concernant le temps
|
|
|
- Systèmes multiples (ex. chaud-froid)
|
|
- Internalisations (habitudes, préférences pour les
augmentations)
|
Programmation dynamique
|
Heuristiques
|
Préférences sont
« asociale »
|
Effet moutonnier, effet de cascade
|
Ajustement Bayesien
|
Quasi-Bayesien
|
- Séparation de la croyance, de la valeur
|
- Biais de prendre ses désirs pour la
réalité, de se servir soi-même
|
- Séparation des antécédents, de la
probabilité
|
- Biais d'encodage
|
Son propre intérêt
|
Utilités sociales
|
Maximisation du profit
|
Ajustement par tâtonnement
|
Marché de liquidation
|
Rationnement sans prix (ex. queues, népotisme),
caractère poisseux19(*) du salaire
|
Equilibre de la théorie des jeux
|
Hiérarchie cognitive, apprentissage
|
Axiomes sous-jacents
|
- Invariance de la description
|
- Cadre
|
- Invariance de la procédure
|
- Effet de compatibilité
|
- Invariance du contexte
|
- Modèles comparatifs
|
- Vision de portefeuille
|
- Isolation des décisions
|
- Capacité illimitée
|
- Compartimentage mental
|
L'objectif de cette recherche n'étant pas d'affirmer ni
l'une ou l'autre des démarches, nous nous bornerons à indiquer
l'étude comportementale comme seul moyen d'améliorer les
théories actuelles de la finance d'entreprise sans porter de jugement
sur un possible changement de paradigme. Dans ce contexte, nous effectuerons
des hypothèses sur la nature de l'homme que nous allons approfondir lors
de la détermination des facteurs. Sauf spécification contraire,
nous supposerons que l'homme est de rationalité substantive. Par la
suite, nous spécifierons quels éléments de cette
rationalité nous relaxerons aux moments opportuns.
Hypothèse A (HA) : L'homme est
totalement rationnel (rationalité substantive).
Afin de rentrer plus en avant dans la spécification de
la nature de l'homme, nous présenterons tout d'abord succinctement les
différentes approches comportementales à notre disposition.
1.1.2.2. Approches
Comportementales
En fait, une étude comportementale tente de comprendre
la manière d'agir ou de réagir de l'individu. Mais suivant les
doctrines, les recherches n'ont pas le même centre
d'intérêt. Dans un premier temps, nous présenterons donc
une synthèse succincte des différentes approches comportementales
dans les domaines de l'économie et des sciences de gestion afin d'avoir
une vue d'ensemble. Ensuite, nous creuserons certaines de ces approches suivant
les besoins de cette recherche voire introduire des approches comportementales
provenant d'autres domaines comme en psychologie.
Charreaux (2005, p8) référence quatre principaux
courants de la littérature comportementale : finance comportementale,
économie comportementale, courant comportemental « droite
économie » et le courant comportemental en management
stratégique. De plus, il fait allusion, sans s'y attarder, à
d'autres courants comportementaux en marketing et en comptabilité
comportementale. Charreaux (2005, p13) a effectué un tableau
synthétisant les quatre principaux courants.
Souhaitant mieux cibler notre recherche, nous avons
tenté de compléter et de restructurer son tableau afin de mieux
faire ressortir la place de la neuroéconomie et de la finance &
gouvernance d'entreprise comportementale (voir Tableau 2).
Tableau 2:Synthèse de certains courants
comportementaux en économie et en sciences de gestion 20(*)
|
|
|
Objectif
|
Auteurs Représentatifs
|
Economie Comportementale
|
|
|
Eclairer le comportement économique avec la psychologie,
l'anthropologie, la sociologie...
|
Kahneman, Tversky, V. Smith, Rabin, Loewenstein...
|
Neuroéconomie
|
Etudier des imageries cérébrales lors de prises de
décisions économiques
|
Camerer, Prelec...
|
Droit & Economie
|
Améliorer les théories explicatives du droit
(paternalisme...)
|
Jolls, Korobkin, Langevoort, Cunningham...
|
Sciences de Gestion Comportementale
|
Finance
|
Marché
|
Expliquer les anomalies
|
Shiller, Shleifer, Thaler, Barberis, Greenfich...
|
Entreprise
|
Comprendre les décisions financières et le
rôle de la gouvernance
|
Shefrin, Baker, Bigus, Charreaux...
|
Comptabilité
|
Analyser les défaillances des analystes et auditeurs
financiers
|
Ricardo...
|
Marketing
|
Expliquer le comportement du consommateur
|
Filser...
|
Management Stratégique
|
Comprendre le processus de prise de décisions
|
Simon, March, Hogarth, Bazerman, Schwenk, Anderson...
|
La neuroéconomie est une application des neurosciences
dans le cadre de l'économie. En effet, la neuroéconomie
étudie les réactions neuronales dans le cadre d'activités
économiques à l'aide d'imageries cérébrales. Par
exemple, les annexe 2 et 3 présentent des imageries
cérébrales illustrant, pour la première, les zones
d'activités cérébrales et, pour la seconde, les
différences d'activités cérébrales entre une
« personne novice et une personne
expérimentée ». Nous allons donc parcourir
succinctement les évolutions vers les approches des neurosciences
cognitives21(*). Delacour
(1998) présente une opposition entre l'homme cerveau et l'homme machine
ou l'homme moléculaire. De plus, Delacour illustre la diversité
des doctrines : 22(*)
. Watson (1925) et Skinner (1938) sont les principaux
précurseurs du béhaviorisme (courant positiviste) avec un
modèle de Stimuli - Réflexe (S-R) qui observe des réponses
à un stimuli sans prendre en compte l'activité interne de
l'individu (cognitif et affectif). A ce niveau, l'homme est
considéré comme une machine. Depuis les années 1960, ce
courant s'est essoufflé.
. Tolman (1948) avec la carte cognitive
. Lycan (1991) avec les états mentaux
(Folkspsychology).
De plus, il existe des approches psychanalytiques
(communément classées dans le courant constructiviste) qui
analyse les raisons inconscientes, les attitudes, les valeurs, les
schémas mentaux du sujet individu (cognitif et subjectif). D'ailleurs au
sein de ces courants, les comportements considérés comme
irrationnels dans le cadre de l'Homo Economicus peuvent avoir une
explication « rationnelle ». En effet, à titre
d'exemple, dans le cadre de la sociologie, l'homme recherche la reconnaissance
sociale et non la maximisation de sa richesse. Par contre, en psychanalyse,
tout agissement est effectué en vu d'assurer l'identification du sujet
(individu). Afin de ne pas rester cloisonné dans le paradigme
économique de rationalité et pouvoir plus facilement faire des
emprunts dans les autres courants, nous allons éviter de
catégoriser les comportements comme rationnels ou non. En effet, nous
présenterons les éléments du comportement comme moyen
d'expliquer la réalité sans pour autant leur attribuer une valeur
de rationalité qui reste subjective ou emprisonnée dans des
cadres de référence.
Maintenant que les domaines de recherche sont
présentés, comment définir le comportement, ses dimensions
et ses facteurs ?
1.2. Dimensions du
Comportement
Quelles sont les dimensions comportementales les plus
adéquates à l'analyse du comportement dans le domaine de la
finance d'entreprise ? Quelles sont les dimensions les plus prometteuses
pour la recherche en finance d'entreprise ? Existe-t-il une typologie du
comportement ?
Il existe une multitude de dimensions du comportement :
. Contrôlé vs23(*) Automatique,
. Intentionnel vs Spontané
. Acquis vs Inné,
. Conscient vs Inconscient,
. Actif vs Passif,
. Cognitif vs Affectif,
. Individuel vs Collectif...
D'après Camerer et al. (2004, p14), les
catégories « réaction automatique ou
contrôlée » seraient trop inégales voire pour
certaines presque inexistantes. En effet, ces catégories montreraient
seulement une petite différence dans l'aménagement du
comportement et donc entraîneraient plus une répétition
qu'une avancée dans la recherche. Nous effectuerons donc, lorsque cela
sera utile, un aparté présentant la différenciation entre
un comportement contrôlé et automatisé.
De plus, Charreaux (2002a, p34) distingue deux types de
comportement. Une décision peut être
« intentionnelle » au sens où les mécanismes
sont formalisés, comme le conseil d'administration, ou
« spontanée » (mécanismes informels), par
exemple la culture d'entreprise. Dans ces conditions, certains agissements
peuvent être considérés comme imposés et d'autres
comme suggérés.
De même, au lieu de présenter les
éléments acquis ou innés qui pourraient être
redondants pour les mêmes comportements, nous présenterons
plutôt en généralité les origines de ceux-ci, si
cela a une forte importance. Par contre, nous présenterons le processus
d'apprentissage qui joue un rôle important dans le comportement mais
surtout en finance d'entreprise pour les acteurs.
Les dimensions Conscient/Inconscient ou Actifs/Passifs sont
respectivement l'apanage des domaines des théories psychanalytiques et
de la sociologie. Nous ferons peut-être allusion à ces dimensions
à certains moments mais cela ne semble pas constituer les pièces
explicatives maîtresses dans notre domaine de la finance.
Les comportements peuvent être dus à un
raisonnement cognitif ou à une sensibilité affective. Cette
dimension est principale dans tous les domaines de la psychologie et de la
sociologie (Camerer et al., 2004 ; Rabin, 2002). Par contre, en
finance, déjà cette dimension n'est pas tellement prise en compte
explicitement, mais en plus, l'aspect émotionnel est en grande
majorité inexistante (Lowenstein, 2000, p426) ou simplement perçu
comme un frein à la cognition (Charreaux, 2005, p 13-14 ; Hermalin
et Isen, 2000). En effet, Kahneman (1991, p145) présente les
émotions comme un nouveau domaine de recherche pour expliquer le
jugement et les prises de décisions qui est pourtant un domaine dans
lequel la psychologie a déjà beaucoup contribué
contrairement à la finance d'entreprise. Depuis, l'étude de
l'affectif en finance s'est principalement focalisée sur l'excès
de confiance et l'optimisme des investisseurs (Glaser et al., 2003) et
des dirigeants (Baker et al., 2004 ; Heaton, 2002) voire sur les
stratégies d'interactions entre individu (Hermalin et Isen, 2000).
Pourtant, cette dimension semble pouvoir permettre un développement des
théories explicatives du comportement lors de prises de décision
en finance d'entreprise.
Suivant les courants, les dimensions du comportement peuvent
évoluer24(*). A
titre d'exemple, en psychologie ou psychanalyse, l'étude du comportement
se focalise sur l'individu (« le sujet »25(*)). Contrairement en sociologie,
seul le comportement du groupe d'individu a son importance. Ils ne
s'intéressent pas à l'individu. En finance et gouvernance
d'entreprise, la dimension Individuel/Collectif a son intérêt
puisque le dirigeant doit agir suivant les règles qui lui sont
imposées. Ces règles peuvent être politiques,
juridiques...26(*) afin
d'assurer le bon fonctionnement des organisations.
A présent, nous avons présenté un certain
nombre de dimensions. Nous allons établir une typologie du comportement.
Camerer et al. (2004, p1027(*)) ont présenté une typologie utilisant
les dimensions Cognitif/Affectif et Contrôlé/Automatique dans le
cadre individualiste. Mais cela ne semble pas correspondre au mieux au domaine
de la finance puisque Camerer et al. (2004), eux-mêmes, ont
précisé (p14) que la répartition était
inégale voire limitée principalement à deux profils
(affectif automatique et cognitif contrôlé) sur les quatre
présentés. De plus, il est difficile en finance d'entreprise de
déterminer le niveau de contrôle des éléments
comportementaux (e.g. pensées magiques...).
Par contre, Greenfinch (2005) a présenté une
typologie du comportement suivant les dimensions Cognitif/Affectif et
Individuel/Collectif qui semble prometteuse pour la finance et la gouvernance
d'entreprise. Le vocabulaire n'étant pas normalisé et
étant donné que le classement, suivant ces dimensions, peut
être contesté dans chacune de ces dimensions et semble, de plus,
être déjà discuté par les commentaires de Greenfinch
sur son site internet, nous allons donc tenter de concilier tous ces
éléments dans le tableau suivant.
Tableau 3: Introduction à la
variété et à la multitude des biais comportementaux
28(*)
|
Biais Individuels
|
Biais Collectifs
|
Biais Cognitifs
|
Ancrage, attention, attribution, croyances, surcharge cognitive,
dissonance cognitive, cadrage, heuristique, irrationalité,
représentativité, compartimentage mental, habitude,
rétrospective, domicile...
|
Cascades, croyances communes, consensus, manipulation, memes (*),
mimétisme, paradigmes, percolation, anticipations rationnelles
(positive feedback/rétroactions positives), apprentissage
social...
|
Biais Emotionnels
|
Addiction, effet de dotation et d'héritage, attentisme et
attentes magiques, abnégation, cupidité, peur, aversion pour les
pertes et les regrets, pensée magique, optimisme, confiance, orgueil,
statu quo
|
Conformisme, épidémie/contagion, manies,
pensée ou lubies de groupe/ inhibitions, hystérie collective,
modes, comportement moutonnier, pression des pairs...
|
(*) Unités de transmission culturelles
Maintenant que nous avons choisi une typologie du
comportement, nous allons sommairement référencer les
différents éléments de ces dimensions, afin de mieux
expliciter les possibles retombés en finance et gouvernance
d'entreprise.
1.2.1. Cognitif vs
Affectif
Cognitif
Affectif
Raison
Coeur
Comportement
Schéma 001: Dimension Cognitif vs Affectif du
comportement
« Le coeur a ses raisons, que la raison ne
connaît point ; on le sait en mille choses. [...] »
Pascal, Pensées (1657-1662), n°277, p134.
Comme le présente Pascal, nous allons donc
considérer que le comportement est tiraillé entre le coeur, soit
l'affectif, et la raison, soit le cognitif. En effet, la vision de l'individu
ne peut être réduite à celle d'une machine. C'est un
être complexe qui a ses propres schémas cognitifs (Mullainathan et
Thaler, 2000) et des compétences, des perceptions différentes -
théories cognitives de Charreaux (2002a) - . De plus il ressent des
émotions (Hermalin & Isen, 2000) et structure son propre
système de préférences (Camerer, 2003).
D'ailleurs, la neuroscience, grâce aux imageries
cérébrales, permet de mieux savoir quels sont les
éléments du cerveau qui ordonnent le comportement. Etant
donné que les experts en neuroscience savent déterminer qu'elles
sont les parties du cerveau qui représentent un raisonnement cognitif ou
un élan émotionnel29(*), il devient possible de pouvoir savoir la proportion
ou plutôt l'intensité d'activité des zones
cérébrales propres au raisonnement ou au sentiment qui conduit
à effectuer tel ou tel comportement.
Par le terme cognitif, nous entendons tous les systèmes
et mécanismes de raisonnement. Cela regroupe les schémas mentaux
- telles que l'analyse séquentielle, la tendance à rechercher des
éléments de confirmation et non d'infirmation (Shefrin, 2001) -,
les références (Kahneman, 2003), et les compétences
propres à chaque individu (Malmendier et Tate, 2002).
L'affectif regroupera l'ensemble des perceptions, des
sensations, des émotions, des humeurs et des sentiments que l'on
évoque communément en parlant de
« ressenti ». Les émotions regroupent non seulement
des sentiments positifs (joie...) (Hermalin et Isen, 2000) ou négatifs
(peur...) mais aussi d'autres sentiments viscéraux issus du besoin
naturel ou « animal » - tels que la faim, la soif, le
désire - et la douleur (Lowenstein, 2000).
Ce système Cognitif et Affectif est
intrinsèquement lié à l'environnent de la prise de
décision. En effet, un individu réagit différemment s'il
est en société.
1.2.2. Individuel vs
Collectif
Psychologie
Sociologie
Individu
Groupes
Comportement
Schéma 002: Dimension Individuel vs Collectif du
comportement
Le comportement est déterminé aussi bien par le
coeur & la raison (psychologie) de l'individu que par des groupes ou
réseaux (sociologie) auprès desquels l'individu est en
relation.
Parmi les diverses contributions, nous allons en
présenter certaines. D'après Brunner (1987) avec sa
théorie de l'homme socialisé, jouant un rôle et
sanctionné30(*), la
société détermine la nature de l'homme. En effet,
l'influence d'un groupe peut avoir deux natures différentes. La
première consiste à être en relation avec d'autres
individus ou groupes d'individus. La seconde se crée dans la
configuration entre membres du même groupe. D'ailleurs, Charreaux (2003,
p6) présente une relation d'intégration ou d'interorganisation.
Mais tout d'abord, nous présenterons les éléments
génériques de la prise en compte de l'influence des groupes.
Les dirigeants sont influencés par les groupes
(Shefrin, 2001, p10). En effet, l'individu prend des décisions en
interaction avec différents environnements et réseaux sociaux
(Charreaux, 2003, p7-8). L'individu remet constamment en jeu sa
légitimité, son pouvoir, son intégration et sa
réputation... (Charreaux, 2003, p6) L'analyse des influences des groupes
s'inspire des théories de la perspective (Kahneman, et Tversky, 1979),
des jeux et du mimétisme. Tous ces éléments
déterminent le comportement de l'individu envers autrui.
Dans le cas de la relation avec autrui, l'individu doit
prendre en compte la dépendance aux ressources et le niveau
d'incertitude de l'environnement (Kreiser et Marino, 2002). Le dirigeant a
besoin d'adapter son comportement lorsqu'il est en relation avec autrui. Il
faut, par ailleurs, distinguer le rôle des investisseurs et des managers
(Backer et al., 2004, p1-2). D'ailleurs Backer et al. (2004)
ont inspiré le tableau suivant dans le cadre de la rationalité
substantive :
Tableau 4: Cadre théorique de l'Interaction
entre Managers et Investisseurs
|
|
Investisseur
|
|
|
Rationnel 31(*)
|
Non Rationnel
|
Manager
|
Rationnel 32(*)
|
Efficience & Maximisation
|
Maximisation
|
Non Rationnel
|
Efficience
|
Irrationnel
|
D'après Baker et al. (2004, p34), le
dirigeant, s'il est rationnel, tentera de maximiser son utilité
(d'où le terme « Maximisation » dans le tableau 4).
Dans le cas où le marché serait inefficient, ce même
dirigeant tentera de corriger le cours du marché afin qu'il
reflète la valeur de l'entreprise. Par contre, un marché
efficient jouera un rôle disciplinaire qui aura encore plus
d'intérêt si le manager n'est pas rationnel afin de contenir ce
comportement divergent. Le cas particulier de rationalité ou de non
rationalité des deux types d'agent n'a pas été
étudié dans cette étude. Le premier est le seul
très largement traité par les recherches en finance d'entreprise
même si celles-ci ne présentent pas explicitement l'attrait de
l'étude du comportement. En effet, Baker et al. (2004) et
Shefrin (2000) étudient indépendamment la non rationalité
des managers et des investisseurs en postulant réciproquement
l'efficience de marché (Postulat 3b) et la
maximisation (Hypothèse A33(*)). En fait, l'étude du
comportement se réduit ni à une dimension binaire (rationnel ou
non) ni à une vision actionnariale (Charreaux, 2002b) mais reprendra
toutes les dimensions précédemment présentées comme
celles de Camerer et al. (2004).
L'étude des réseaux sociaux prend toute son
importance au sein des approches partenariales de la gouvernance (Charreaux,
2002a, p26). Les systèmes de gouvernance, dont le conseil
d'administration (Forbes et Milliken, 1999 ; Charreaux, 2003 ; Morck,
2004)..., sont les principaux réseaux influençant le dirigeant en
finance d'entreprise. Chaque membre du même groupe est en interaction
avec les autres. En effet, ces groupes incitent et génèrent une
décision collective après échange d'opinion et
élaboration d'une réflexion collective (Anderson, 1983). Dans ce
domaine, le conseil d'administration, suivant sa composition ou d'autres
critères, joue un rôle disciplinaire (La Porta et al.,
2000) et productif (Charreaux, 2002, p2634(*)). Dans ce cadre, tout élément
influençant le rôle, la constitution et les divers critères
du fonctionnement des conseils d'administration sont à prendre en
compte. De plus, la finance d'entreprise incorpore aussi des perspectives
stratégiques (Foss, 1996) comme celle de la réciprocité
(Hermalin et Isen, 2000).
Nous expliciterons, à mesure de notre progression,
différents éléments des interactions du dirigeant avec des
groupes35(*). D'ailleurs
afin de faciliter les introductions des différents
éléments constituant les dimensions du comportement, nous allons
formaliser les facteurs explicatifs de l'ensemble de ces dimensions qui vont
constituer notre grille de lecture pour cette recherche.
1.3. Facteurs explicatifs de
ces dimensions comportementales
Pour chacune de ces dimensions, il est nécessaire de
définir les facteurs représentant les divers comportements.
Étant donné que pour certains éléments du
comportement il y a souvent une interaction entre le cognitif et l'affectif et
entre l'individuel et le collectif pour la prise de décision, nous
tenterons de présenter des éléments d'une manière
générale puis pour chacun d'entre eux nous déterminerons
les facteurs qui sont propres à chaque dimension. Nous pourrons donc
avoir certains éléments ayant des facteurs aussi bien en cognitif
ou en affectif ou uniquement dans l'une des deux dimensions. Dans ces
conditions, il est intéressant de tenter de constituer des familles de
comportement.
Dans le cadre de la rationalité substantive, les
économistes assument que l'individu a une connaissance des aspects
pertinents de son environnement au moins de manière claire et abondante
si elle n'est pas complète. Il a un système de
préférence bien organisé et stable. De plus, il a les
compétences nécessaires pour évaluer l'ensemble des
alternatives possibles et atteindre le point maximal de son échelle de
préférence (traduit de Simon, 1955, p99). Simon (1955, p99), pour
son modèle de rationalité limitée, introduit des
conditions d'accès aux informations et des capacités de
calcul.
Afin de pouvoir comparer et faciliter les relations entre le
paradigme de la rationalité et nos travaux, nous classerons donc en 4
critères les biais comportementaux : 36(*)
. Niveau de connaissance de l'environnement
(aF)
. Etablissement du système de préférence
(bF)
. Capacité d'évaluation des alternatives
(cF)
. Critère de sélection ou de non
sélection (dF)
En effet, Les biais comportementaux se déclinent, d'une
part, par une identification des alternatives d'après l'étude de
l'environnement, d'autre part, par une hiérarchisation des
préférences, ensuite, par une évaluation des
événements, et, enfin, par une prise de décision suivant
certains critères de décisions. Par exemple, la
rationalité substantive se traduit d'après ces critères
par une connaissance pertinente (aF1) et claire
(aF2) de l'environnement, par une
préférence stable (bF1) et bien
organisée (bF2), par une capacité
calculatoire illimitée (cF1) et
simultanée (cF2), et, enfin, par la recherche
de maximiser (dF1) son utilité
(dF2).
Décision(s)
Connaissance de l'Environnement
Système de Préférences
Capacité d'Evaluation
Critères de Sélection
Schéma 003: Critères comportementaux du
processus de décision
Bien évidemment, la hiérarchisation des
critères et des facteurs n'a aucune valeur explicative ou de classement
important. Cette présentation a pour but de faciliter l'étude du
processus de prise de décision. En effet, généralement, la
première étape est la collecte d'information de manière
active ou passive qui peut être réajustée tout au long du
processus de décision suivant les besoins des prochaines étapes.
Puis, les trois autres critères sont étudiés en grande
partie indépendamment bien qu'il est impossible d'exclure une
interaction puisque chaque élément peut influencer les autres. De
plus, chaque décision faire évoluer l'environnement et donc la
connaissance que l'individu en a. Il faut donc tenir compte de
l'évolution perpétuelle de l'environnement et s'y adapter
(feedback, apprentissage)37(*).
Nous allons définir différents facteurs et
poursuivre cette classification étape par étape suivant ces 4
critères (sans pour autant prétendre être totalement
exhaustif). De plus, étant donné que cette classification n'est
pas normalisée, elle peut être contestée. D'ailleurs,
certains facteurs peuvent faire partie de plusieurs critères. Mais, pour
ceux-là, nous ne les nommerons que dans la catégorie qui nous
semble le plus en adéquation. L'ensemble de ces facteurs permettra
d'émettre des hypothèses dans les parties suivantes de cette
recherche. Afin d'alléger la rédaction, Il est également
évident que nous présenterons les biais comportementaux d'une
manière absolue même s'il peut arriver que certains
« agents d'exception » contredisent certaines affirmations
considérées comme « gratuites ». En fait,
nous ambitionnons de constituer une grille de lecture qui permet d'analyser les
influences en finance d'entreprise de différents comportements.
1.3.1. Connaissance de
l'environnement (aF)
Comme l'illustre le schéma 3, la connaissance de
l'environnement est l'élément de base commun pour
l'élaboration des autres critères. La plupart des biais de ce
critère sont présents dans chacune de ces étapes.
D'après le paradigme de la rationalité
substantive, l'homme a une connaissance pertinente
(aF1) et claire de l'environnement
(aF2). Ces facteurs identifient la qualité des
informations (Simon, 1955, p99).
Facteur a1 (aF1) : une connaissance
pertinente de l'environnement.
Facteur a2 (aF2) : une connaissance
claire de l'environnement.
Mais quels sont les biais comportementaux pouvant
altérer cette vision ? Quels sont les éléments
constituant la connaissance de l'environnement ?
Simon (1955, p106) introduit le niveau d'accès aux
informations. D'ailleurs, l'asymétrie d'information est un
élément important au sein des théories en finance
d'entreprise. En effet, il faut dans un premier temps récolter des
informations sur l'environnement, puis sélectionner et traiter les
informations pertinentes pour quelles deviennent des connaissances et enfin les
incorporer dans sa prise de décision.
La récolte et la sélection des informations
peuvent être altérées par des habitudes ou routines (Cyert
et March, 1963), une dissonance cognitive ou affective (Shiller, 1997), un
biais de confirmation (Shefrin, 2001) et une surcharge cognitive (Hallowell,
2005) qui peuvent entraîner une destruction de la création sens -
cas du « Mann Gulch Disaster » de Weick (1993) - .
Les routines révulsent la recherche d'information. Nous
présentons succinctement ces différents biais. La dissonance
cognitive ou affective sélectionne uniquement les informations en faveur
des préjugés de l'individu ou réfutant les autres
alternatives. Tandis que le biais de confirmation recherche en priorité
des éléments légitimant la vision de l'individu et ne
recherche nullement des infirmations pour cette possibilité ou pour
d'autres alternatives, même si cela serait plus simple. La surcharge
cognitive bloque toute assimilation de nouvelles informations lorsque le
cerveau ou l'esprit de l'individu est en saturation et ne peut donc plus
traiter d'informations supplémentaires ce qui peut entraîner un
manque d'attention et une baisse de performance (Hallowell, 2005).
Facteur a3 (aF3) : habitudes et
routines.
Facteur a4 (aF4) : dissonance
cognitive ou affective.
Facteur a5 (aF5) : biais de
confirmation.
Facteur a6 (aF6) : surcharge cognitive
ou affective.
D'un autre côté, le traitement de l'information
et l'incorporation des connaissances environnementales dans la prise de
décision génèrent des référentiels. Les
biais de référence se déclinent par l'ancrage, le cadre,
la suggestion, les croyances (Camerer, 2003 ; Kahneman, 2003 ;
Kahneman et Tversky, 1979 ; Rabin, 2002 ; Shefrin, 2001)... De
même nous allons faire une présentation succincte de ces
éléments. L'ancrage est le point de départ de toute
décision et toute la suite est influencée par ce point.38(*) Le cadre est la manière
de présenter l'information qui met en exergue un partie de l'information
communiquée pouvant influencer la décision. Bien
évidemment, les suggestions ou extrapolations ou prévisions
induisent un traitement vers cette perspective. Les croyances peuvent avoir le
même rôle que les suggestions même si leurs origines sont
différentes.
Facteur a7 (aF7) :
ancrage.
Facteur a8 (aF8) :
cadre.
Facteur a9 (aF9) :
suggestion.
Facteur a10 (aF10) :
croyance.
En résumé, les comportements affectant la
connaissance environnementale se scindent en deux groupes : biais de
récolte ou de sélection d'informations et biais de traitement ou
d'utilisation des connaissances (références).
En fait, une prise de décision est une
réadaptation des points de référence du décideur.
Cette adaptation est d'autant plus difficile suivant la qualité
d'accès aux informations présentées durant le
précédent paragraphe. L'ensemble des connaissances
environnementales de l'individu lui permet d'établir son système
de préférence que nous allons traiter maintenant.
1.3.2. Système de
Préférences (bF)
D'après la rationalité substantive, le
système de préférence est stable et bien organisé
(Simon, 1955, p99). Il est statique.
Facteur b1 (bF1) : un système
de préférence stable dans le temps.
Facteur b2 (bF2) : un système
de préférence bien
organisé/hiérarchisé.
Qu'en est-il vraiment ? Comment constituons-nous notre
système de préférence ? Est-il immuable et
structuré ? Quels sont les éléments du comportement
qui influencent notre système de préférence ?
Il est possible de concevoir un système de
préférence évoluant dans le temps (Rabin, 2002, p18). De
plus, ce système peut être constitué de différents
choix de même niveau d'appréciation (Simon, 1955, p108-109). Le
classement n'est pas nécessairement hiérarchisé
stricto sensu. D'ailleurs, le système de
préférence s'organise principalement autour de la perception de
la valeur, et du « danger ». Nous présenterons
succinctement ces différents éléments.
D'une part, la perception de la valeur oscille en fonction du
type de flux, du temps, de la localité et de la propriété.
En effet, l'individu évalue non pas une valeur absolue mais une valeur
relative qui fait donc appel à une valeur de référence
(Rabin, 2002, p9-10). Il est averse aux pertes (Camerer et al., 2004).
De plus, lors de choix intertemporels, l'agent a tendance à être
sujet à la myopie (Shiller, 1997). En effet, les variations à
court terme sont perçues plus importantes que celles à long
terme. L'effet de myopie peut aussi affecter les choix ayant une influence sur
la localité. En effet, l'individu est plus enclin à choisir ce
qui est le plus proche géographiquement. Il s'agit du biais de domicile
(Barberis et Thaler, 2002 ; Greenfinch, 2005). De plus, un individu
valorise bien plus l'objet dont il est propriétaire. En fait, si l'on
considère l'effet de dotation, la théorie de Coase (Coase, 1937)
peut être mise à mal (Kahneman, 2003, p164 ; Charreaux, 2005,
p5, Rabin, 2002, p9). En effet, l'effet de dotation consiste à prendre
en compte l'influence de la propriété, et surtout de la
volonté d'être propriétaire, qui peut engendrer un
déséquilibre entre les différents coûts de cette
comparaison, en particulier en surévaluant ses biens lorsqu'il envisage
de vendre.
Facteur b3 (bF3) : valeur
relative.
Facteur b4 (bF4) : aversion aux
pertes.
Facteur b5 (bF5) : myopie
temporelle.
Facteur b6 (bF6) : biais de
domicile.
Facteur b7 (bF7) : effet de
dotation.
D'autre part, la perception du « danger »
s'effectue au travers de la perception du risque (une probabilité) et de
l'incertitude (Baker et al., 2004). Le risque est une
probabilité connue de la « difficulté ».
L'agent peut avoir 3 types d'attitude face au risque : aversion au risque,
neutre ou preneur de risque. Toutefois, l'attitude la plus répandue est
l'aversion aux risques (Shefrin, 2001 ; Camerer, 2003 ; Camerer et
al., 2004). L'incertitude, quant à elle, est due à
l'inconnu, au manque d'information. Il s'agit de tout évènement
non prévisible influençant le projet. De même, l'individu
est généralement averse à l'incertitude quand il s'agit de
gain et inversement si cela concerne des pertes (Camerer, 2003 ; Camerer
et al., 2004). D'ailleurs, par peur de l'incertitude, l'individu
adopte une posture conservatrice et se refuse donc toute décision
pouvant modifier leur état actuel (Anderson, 1983).
Facteur b8 (bF8) : aversion aux
risques.
Facteur b9 (bF9) : aversion à
l'incertitude pour les gains.
Facteur b10 (bF10) :
préférence pour l'incertitude en cas de pertes.
Facteur b11 (bF11) :
conservatisme.
En résumé, le système de
préférence peut se classer en biais de valeur et de danger.
Maintenant que le système de préférences est établi
de manière générale, il faut évaluer les
alternatives propres à la situation.
1.3.3. Capacité
d'Evaluation (cF)
Dans le cadre de la rationalité substantive, l'individu
est considéré avoir les compétences qui lui permettent
d'évaluer l'ensemble des alternatives correctement Simon (1955, p99).
Par contre, la rationalité limitée de Simon (1955, p101)
considère que l'individu a une capacité limitée.
Facteur c1 (cF1) : une capacité
calculatoire illimitée.
Facteur c2 (cF2) : une capacité
calculatoire simultanée.
Quelle est la réelle capacité/compétence
de l'individu ? Quels sont les biais comportementaux qui affectent les
capacités de l'agent ?
Nous allons regrouper les capacités d'évaluation
en éléments de capacité de calcul et les autres au sein de
ceux modifiant l'évaluation des alternatives.
Parmi les éléments influençant les
capacités de calcul, nous pouvons référencer des
éléments tels que l'apprentissage ou la connaissance, le
compartimentage mental39(*), les erreurs de représentativité
(Camerer et al., 2004 ; Lowenstein, 2000 ; Shiller, 1997)...
En effet, l'apprentissage et la connaissance permettent de développer
les capacités cognitives qui sont utilisées pour effectuer les
évaluations. Le compartimentage, quant à lui, réduit voire
exclu la possibilité d'évaluer simultanément les
alternatives. Mais ce biais effectue une distinction entre les
éléments réduisant les interactions entre
différents éléments que ce soit pour éviter les
amalgames inintéressants que de tirer parti d'expériences qui ne
sont pas directement liées à la situation. L'analyse des
alternatives est donc, la plupart du temps, séquentielle. En effet, tout
biais peut avoir un rôle positif ou/et négatif. De plus, les
erreurs de représentativité génèrent des erreurs de
calculs lorsque l'on étudie des sous-familles de probabilités par
exemple.
Facteur c3 (cF3) :
apprentissage.
Facteur c4 (cF4) : capacité
cognitive et affective.
Facteur c5 (cF5) : compartimentage
mental.
Facteur c6 (cF6) : erreurs de
représentativité.
En plus de ces biais, les évaluations des alternatives
peuvent être sujettes à différents biais modifiant
l'évaluation tels que l'optimisme, l'excès de confiance, le
contrôle des évènements (Camerer et al.,
2004 ; Duhaime et Schwenk, 1983). L'optimisme (Parisi et Smith, 2005)
augmente la probabilité de succès de l'événement.
Tandis que l'excès de confiance ou « surconfiance »,
contrairement à l'optimisme, diminue les niveaux de risques
perçus ou augmente la plus-value puisqu'il surévalue les
capacités de l'individu (Baker et al., 2004). De plus,
l'individu peut croire avoir un niveau de contrôle de
l'événement même si cela n'est pas réel. En effet,
la pensée magique consiste à inventer une relation de cause
à effet lors des agissements de l'agent. D'ailleurs, la création
de sens a posteriori est un processus largement usité afin de
légitimer l'action, la décision (Weick, 1993).
Facteur c7 (cF7) :
optimisme.
Facteur c8 (cF8) : excès de
confiance ou « surconfiance ».
Facteur c9 (cF9) : pensée
magique ou création de sens.
En résumé, les biais de capacité
d'évaluation se déclinent en biais de capacité de calcul
et en biais de modification des évaluations. Une fois que
l'évaluation est achevée, il est nécessaire d'identifier
les critères de sélection du processus de décisions et
donc les biais comportementaux les affectant.
1.3.4. Critères de
Sélection (dF)
D'après le paradigme de la rationalité
substantive, l'agent cherche à maximiser son utilité (Simon,
1955, p99). En effet, il est totalement égoïste.
Facteur d1 (dF1) : L'homme cherche
à maximiser.
Facteur d2 (dF2) : Le critère
de sélection de l'alternative est l'utilité
calculée.
Que recherche l'agent lors de prises de
décisions ? Comment effectue-t-il son choix ? Quels sont les
biais comportementaux pouvant expliquer le choix ? Quel est le
mécanisme décisionnel usité permettant la sélection
d'une alternative ?
A la fin du processus de décision, l'individu, s'il
n'est pas obligé d'agir peut décider de ne prendre aucune
décision (Anderson, 1983). Dans tous les autres cas, différents
biais comportementaux influencent explicitement ou implicitement la prise de
décision. Un choix se traduit par une stratégie et un
critère de sélection.
La stratégie peut être une maximisation ou une
satisfaction (Simon, 1955) ou tout simplement une obligation soit par manque de
choix soit par un besoin de survie (Anderson, 1983) voire par hasard (Cohen et
al., 1972).
Facteur d3 (dF3) : L'homme cherche une
décision satisfaisante.
Facteur d4 (dF4) : L'homme est
contraint par défaut.
Facteur d5 (dF5) : L'homme est
contraint par besoin.
De plus, l'individu a différents intérêts
qui peuvent relever d'une posture égoïste ou altruiste (Jensen,
1998 ; Rabin, 2002, p13). Il peut être égoïste au
travers de la recherche de l'amélioration de son utilité, de sa
réputation, de sa légitimité... L'altruiste, quant
à lui, agit dans l'intérêt d'autrui ou de la
société. De plus, il existe différentes stratégies
d'interaction avec autrui, telle que la recherche de réciprocité
dans une logique d'intérêt commun (Hermalin et Isen, 2000, p12-13)
ou de loyauté (Morck, 2004).
Facteur d6 (dF6) :
égoïsme.
Facteur d7 (dF7) :
altruisme.
Facteur d8 (dF8) :
réciprocité.
Facteur d9 (dF9) :
loyauté.
En fait, dans cette catégorie, il existe une multitude
de critères que nous ne pouvons pas nous contenter de juxtaposer en les
présentant. Sans affirmer que les uns sont moins importants que les
autres, nous exposerons ceux qui nous paraissent le mieux correspondre aux
comportements que nous explorons.
En résumé, les critères de
sélections se répartissent entre les biais de stratégie ou
de niveau d'acceptation et les biais d'intérêt/d'objectif.
L'objectif de cette partie était de structurer les
biais comportementaux au sein du processus de prise de décision. La
globalité des critères et des facteurs comportementaux sont
repris dans l'annexe 1 afin de facilité la réminiscence de tous
ces éléments.
L'ensemble du contexte et de la grille de lecture des biais
comportementaux dans le cadre de la finance d'entreprise étant
établi, nous passons à la revue de la littérature qui
pourrait constituer le champ de la finance d'entreprise comportementale.
2. REVUE DE LA
LITTÉRATURE
Comme lors de toute décision en finance d'entreprise,
l'individu suit un schéma de décision. Notre synthèse de
la littérature présentera donc, en préambule, le processus
de décision. Ensuite nous verrons les contributions à la finance
d'entreprise comportementale pour la recherche de financement, pour les projets
d'investissement et pour les politiques de rétribution. Bien
évidemment, nous ne pourrons pas être exhaustif. Nous allons donc
présenter quelques illustrations des biais comportementaux en finance
d'entreprise tout au long de cette revue de la littérature.
2.1. Préambule :
Processus de Décision
Nous avons déjà présenté la nature
de l'homme qui influence les comportements. De plus, ces comportements
s'animent au sein d'un processus de décision constitué de
différentes étapes. Le processus de décision est un
agencement de comportements. Le processus de décision peut donc, lui
aussi, à l'aide des approches comportementales, générer un
plus grand pouvoir explicatif lors de prises de décision.
Hypothèse 1 (H1) : Le processus
de décision a un pouvoir explicatif sur les décisions en finance
d'entreprise.
Quels types d'agencement de comportements les processus de
décision génèrent-ils ? Est - ce que les
comportements agencés différemment procurent des résultats
différents ? Quels sont les comportements pris en compte dans les
processus de décision ?
En effet, Anderson (1983) analyse la prise de décision
durant la crise des missiles de Cuba. Dans ce contexte très particulier,
les approches traditionnelles de la prise de décision semblent ne pas
convenir. Pour cela, il développe une alternative intermédiaire
entre le système de prise de décisions traditionnelles,
rationnelles, et le Garbage Can Model 40(*)de Cohen, March et Olsen (1972). Il s'agit de la prise
de décision par objection. Nous allons donc, à notre tour,
répertorier les interactions entre le processus, les différents
biais comportementaux et les influences sur la décision en finance
d'entreprise.
Au sein des théories s'intéressant au processus
de décision, nous pouvons identifier deux dimensions. Il est bien
évident que d'autres dimensions pourraient être
présentées mais celles-ci semblent le mieux correspondre à
notre recherche. La première est le niveau de
« structuration » du processus, la seconde est le niveau de
« socialisation ». Nous allons simplement illustrer ces
dimensions par quelques exemples.
Tableau 5: Les dimensions des théories du
processus de décision
|
Structuré
|
Anarchique
|
Individuel
|
Théories traditionnelles (March et Simon, 1958)...
|
Garbage can Model (Cohen et al., 1972)...
|
Social
|
Théories comportementales (Cyert et March, 1963)...
|
IA41(*)
& Garbage Can Model (Masuch et LaPotin, 1989)...
|
Dans la première dimension
« Structuration », les théories traditionnelles,
telle que la théorie décisionnelle de March et Simon (1958), sont
très structurées et ne concernent qu'un seul individu. A
l'opposé, certaines théories, comme le Garbage Can Model
de Cohen et al. (1972), instaurent leur théorie dans un
environnement anarchique sans aucune dimension sociale. A partir de ces
théories, il y a une socialisation des théories traditionnelles
par les théories comportementales comme celles de Cyert et March (1963)
et une socialisation du modèle de la poubelle par Masuch et LaPotin
(1989) même s'ils introduisent une structure seulement
hiérarchique qui ne ressemble pas aux processus structurés des
théories traditionnelles. A celles là s'ajoute des
théories hybrides, comme le processus de décision par objection
d'Anderson (1983), qui relèvent d'un processus social qui se situe entre
une itération anarchique et une logique structurée vers laquelle
elles tendent.
Reprenons succinctement une présentation de ces
différentes théories. Dans un premier temps, les approches
traditionnelles de la prise de décision correspondent à une
étude rationnelle du comportement. Cette vision traditionnelle
d'après Anderson (1983, p201) se décompose en cinq étapes
successives : identifier les objectifs, chercher les alternatives,
prédire les conséquences, évaluer les résultats et
finalement sélectionner la meilleure alternative. Par contre, le
Garbage Can model de Cohen et al. (1972) répond
à cette très forte structuration qui semble utopique par une
autre extravagance : l'anarchie dans la prise de décision. En fait
dans ce contexte, seul le hasard permet la rencontre fortuite de
problèmes et de solutions auprès d'un « décideur
» qui n'est considéré que comme un incubateur passif. Il n'a
donc aucune influence dans la décision. Dans ce contexte, le
comportement de l'individu est neutre. Dans un second temps, Cyert et March
(1963) étudient le processus de résolution de conflits au sein
d'une organisation considérée comme une coalition interactive
d'individus avec des objectifs différents. Masuch et LaPotin (1989,
p40), quant à eux, tentent de combiner le choix ambigu avec un processus
de décision au sein d'une structure en s'appuyant sur le Garbage Can
Model. Ils calquent leur démarche sur le développement de
modèle informatique de l'intelligence artificielle (IA). Dans ces
conditions, des facteurs, telles que la capacité cognitive, les
aspirations, les préférences..., émergent. Enfin, partant
des processus traditionnels et en s'inspirant des Garbage Can model,
Anderson (1983) présente un processus de prise de décision par
objection. Ce dernier prône principalement une argumentation sociale, une
découverte successive des objectifs - dont le refus d'aggraver la
situation - et une analyse séquentielle des alternatives.
Afin de mieux appréhender l'importance du processus de
décision et la diversité de ces courants, nous étudierons
les impacts des biais comportementaux en commençant par la connaissance
de l'environnement.
2.1.1. Connaissance de
l'environnement
Comment le processus de décision peut-il influencer la
connaissance de l'environnement ? Quels sont les biais informationnels et
de références qui peuvent affecter le processus ? En fait la
première étape d'un processus de décision est une
étude de l'environnement. Les processus de récolte et de
sélection d'information en sont les premiers éléments.
2.1.1.1. Biais de
récolte et de sélection d'information
Dans une logique stratégique, l'identification de
l'environnement par la perception des besoins et des opportunités est la
première étape de toute bonne politique décisionnelle
(Kreiser et Marino, 2002). Pour cela il faut avoir un accès à
l'information pertinente (aF142(*)) qui est le cas dans le cadre
de la rationalité substantive (Hypothèse
A). Or, Masuch et LaPotin (1989, p41) introduisent trois niveaux
d'accès et la prise en compte de l'énergie dispensée. En
effet, l'accès à l'information, dans la réalité, se
décline soit par un accès total, soit par un accès par
rang soit par un accès spécifique. L'accès total permet
l'obtention d'une connaissance de l'ensemble des éléments.
L'accès par rang ne procure qu'une partie des informations soit de ses
homologues des autres départements ou de son propre département.
Enfin, l'accès spécifique réduit la prise d'information
strictement aux seuls éléments qui le touche vraiment. De plus,
il doit répartir son énergie sur l'ensemble de ses
activités puisqu'elles sont consommatrices d'énergie. Cette
énergie est donc sujette à différents facteurs
(aF de 3 à 643(*)). En effet, tous ces facteurs sont des
éléments de résistance à la capacité de
récolte des informations. Les habitudes
(aF344(*)) permettent d'économiser de l'énergie
puisque l'individu effectue les mêmes décisions sans
réévaluer à chaque fois la situation. Toutefois, si
celui-ci souhaite réadapter son comportement, cela lui coûtera de
l'énergie afin d'aller à l'encontre de ses routines et il en est
de même pour ces idées préconçues (dissonances
cognitives et affectives, aF4) (Shiller, 1997, p7-8).
D'ailleurs, le manque d'énergie conduit à une surcharge cognitive
ou affective (aF6) ce qui sature les
possibilités de récolte et de sélection d'informations
(Hallowell, 2005). De plus, parmi les théories présentées,
seule la décision par objection n'est pas sujette au biais de
confirmation (aF5) puisqu'il s'agit de la seule
démarche préconisant la recherche de critique aux
éléments apportés et non plus des argumentations en sa
faveur (Anderson, 1983).
Maintenant que ces informations sont
sélectionnées, quel est le processus de traitement de ces
informations ?
2.1.1.2. Biais de
traitement et d'utilisation des connaissances
(références)
Ces biais sont les éléments affectant la
transformation de l'information en connaissance pour l'individu
étudié si nous ne considérons pas le Garbage Can
Model de Cohen et al. (1972) qui n'effectue aucun traitement de
l'environnement (hasard). En effet, la connaissance claire de l'environnement
(aF2) ne semble pas être de vigueur à
chaque instant. Pour cette raison, Anderson (1983, p211), avec son principe de
décision par objection, prévoit une réévaluation
des objectifs durant son processus de décision. De plus, il
débute son approche par une évaluation de la situation actuelle
en présentant un objectif principal ou plutôt une obligation de ne
pas aggraver la situation. Il s'agit bien d'un ancrage
(aF7) du processus décisionnel par rapport
à un point initial ou d'origine. Ensuite, le processus fonctionne par
proposition (aF945(*)) d'un enchaînement d'actions avec
argumentation. Bien évidemment, lorsqu'une suggestion
(aF8) est faite, la manière de tourner ces
phrases influence la perception de cette proposition et tous ces
éléments sont issus des croyances
(aF10) propres à chacun.
Toute cette connaissance permet à l'individu de
construire son propre système de préférences.
2.1.2. Système de
Préférences
Le système de préférences est
présent tout au long du processus de décision. Comment est-il
introduit dans ce processus ? Quels sont les éléments
pouvant l'influencer ? Nous allons tout d'abord présenter les biais
de valeurs puis ensuite ceux de « danger ».
2.1.2.1. Biais de
valeurs
Anderson (1983), lorsqu'il illustre le processus de
décision réévaluant les objectifs, et donc les
éléments de préférences, suivant l'avancement des
découvertes des objectifs, ne considère pas le système de
préférences comme établi a priori et stable (non
bF1) .De plus, March et Simon (1958) réfutent
un système bien organisé des préférences (non
aF2) par l'introduction d'un ordre de
préférence conditionnel pour l'évaluation des alternatives
(voir tableau 6).
Tableau 6: Probabilité des alternatives
46(*)
|
|
Valeur positive
|
|
|
Important
|
Faible
|
Valeur négative
|
Important
|
Mixte
|
Pauvre
|
Faible
|
Bonne
|
Neutre
|
D'après March et Simon (1958), la première
condition à remplir est d'éviter les pertes
(bF447(*)) et la seconde est finalement la recherche de gains.
L'ordre de préférence conditionnel, en partant du meilleur choix
au moins bon, se décline donc de la manière suivante :
Bonne, Neutre, Mixte et Faible. En effet, aux vues des attitudes
supposées par March et Simon (1958), il est évident que les
meilleures solutions sont celles qui ont une forte probabilité positive
et une faible probabilité négative. Les plus mauvaises regroupent
les probabilités inverses. Par contre, la distinction de
préférence entre les alternatives « neutres »
et « mixtes » mérite une petite explication. En
effet, March et Simon (1958) et bien d'autres auteurs - tels que Camerer et
al. (2004), Shefrin (2001, p4)... - présentent un ordre de
préférence. L'individu est prioritairement averse aux pertes et
de manière bien plus importante que sa recherche de gains (Kahneman et
Tversky, 1979 ; Rabin, 2002, p10). Il préfère donc une
solution neutre à une solution mixte qui lui semble, d'ailleurs, plus
risquée.
En effet, Dans l'approche de March et Simon (1958), l'ordre de
préférence conditionnel peut aussi être expliqué par
les biais de « Danger ».
2.1.2.2. Biais de
« Danger »
La perception du danger est aussi présente dans la
présentation de l'ordre de préférence conditionnel de
March et Simon (1958) au travers de probabilité des alternatives. En
effet, le décideur rejette en premier lieu le risque
(bF8), illustré par la différence entre
les alternatives Neutre et Mixte (tableau 6). De plus, il préfère
une plus faible probabilité de perte
(bF1048(*)) et par contre une plus forte probabilité pour
le gain (bF949(*)) (Kahneman et Tversky, 1979, p265). Dans ce contexte,
la probabilité n'est pas uniquement un risque connu mais aussi une
répartition des éléments d'incertitude ressentie de ces
alternatives (Loewenstein, 2000). D'ailleurs, selon Anderson (1983, p217) par
sa théorie de décision par objection, le décideur
préfère conserver sa position (bF11) si
une solution n'est pas suffisamment satisfaisante pour agir tant qu'il n'est
pas contraint à réagir.
Une fois que le système de préférence est
établi, nous pouvons étudier les critères
d'évaluations et ses biais comportementaux.
2.1.3. Capacité
d'Evaluation
Au sein de toute décision ou processus de
décision, l'évaluation des alternatives sont
altérées par, d'une part, la capacité de calcul du
décideur, et, d'autre part, par d'autres éléments de son
attitude pouvant modifier les valeurs attribuées aux
éléments nécessaires pour le calcul.
2.1.3.1. Biais de
Capacité de calcul
Dans le cadre de la rationalité substantive qui est le
propre des processus de décision traditionnels, l'individu a une
capacité calculatoire illimitée (cF1)
et il peut effectuer tous ces calculs de différentes alternatives
simultanément (cF2) (Simon, 1955, p99). Par
contre, ces mêmes théories traditionnelles peuvent être
usitées dans le cadre de la rationalité limitée de Simon
(1955, p 101). Dans ce cas, les précédents facteurs sont
infléchis. Il introduit divers éléments comme la
capacité cognitive (cF4)...
En fait, la capacité de calcul d'un individu est
corrélée avec ses schémas cognitifs et affectifs. Ces
schémas sont issus par exemple de l'apprentissage aussi bien de
connaissances cognitives que de l'expérimentation de ses émotions
lors de circonstances particulières
(cF3)50(*) (Malmendier et Tate, 2003). D'ailleurs, Cyert et
March (1963) introduisent un apprentissage organisationnel lors du partage des
capacités calculatoires au sein d'une organisation. Dans le cas
où ces éléments sont trop sollicités (Hallowell,
2005), l'individu effectue des simplifications afin de pouvoir repérer
et effectuer des calculs à sa portée. A titre d'exemple, Duhaime
et Schwenk (1983) présentent différentes phases d'un processus de
simplification cognitive lors de la prise de décision pour tout objet
à forte complexité à savoir des décisions
d'acquisition et de désinvestissement que nous verrons de manière
plus approfondi ultérieurement51(*). En fait, généralement afin de
faciliter les calculs, l'individu effectue des analyses séquentielles
des alternatives qui s'apparentent au compartimentage mental
(cF5) de l'individu (Shiller, 1997, p11). Ceci peut
d'ailleurs aiguiller vers des erreurs de représentativité
(cF6) des éléments lors du choix du
processus de traitement des séquences de la prise de décision
(Shiller, 1997, p13). De plus, lors des analyses séquentielles,
d'après Masuch et LaPotin (1989, p42), l'individu doit gérer son
énergie afin de pouvoir effectuer toutes les opérations
nécessaires ou en déléguer certaines.
D'ailleurs, la perception de ces éléments peut
être modifiée par des attitudes que nous allons présenter
dans la partie suivante.
2.1.3.2. Biais de
Modification d'évaluation
L'attitude de l'individu peut influencer largement les
processus de calculs. En effet, d'après Hermalin et Isen (2000), les
émotions peuvent altérer les capacités cognitives de
l'individu. De plus, Mullainathan et Thaler (2000) prennent en
considération non seulement la rationalité limitée,
l'égoïsme limité mais aussi la volonté limitée
52(*). Cette
dernière peut expliquer l'arrêt des évaluations
d'alternatives lorsque l'individu est saturé (Hallowell, 2005).
Par ailleurs, au sein du Garbage Can Model,
l'individu n'a aucun contrôle sur sa décision (Cohen et
al., 1972). Mais d'après Masuch et LaPotin (1989, p 48), il
peut simplement choisir parmi six actions : transmettre, attirer,
réduire, combiner, démembrer et rester passif. Il ne
contrôle que ce choix très simpliste. En revanche, pour Anderson
(1983, p220), le décideur doit justifier sa décision et donc
créer un sens pour légitimer son comportement et assurer qu'il
contrôle ses éléments
(cF953(*)).
Les autres éléments modifiant
l'évaluation sont propres à la situation, nous ne les traiterons
donc pas ici dans la généralisation des processus de
décision.
L'évaluation des alternatives étant
achevée, l'individu peut effectuer sa sélection.
2.1.4. Critères de
Sélection
La sélection ou non sélection peut être
déclinée en niveau d'acceptation et en objectif. De plus, les
décisions, en général, sont aussi composées de deux
éléments : le choix de la décision stratégique mais
aussi le mécanisme de mise en application de cette décision.
2.1.4.1. Biais de
Stratégie ou niveau d'acceptation
Le décideur effectue sa sélection suivant sa
stratégie de sélection. En effet, il peut aussi bien rechercher
le choix optimal (dF154(*)) ou, tout simplement, celui qui lui est satisfaisant
(dF355(*)), voire celui qu'il est obligé de prendre
(dF456(*) et
dF557(*)).
D'ailleurs, Simon (1955, p104) présente différents
éléments de niveau d'acceptation telles que la maximisation
(dF1) et la satisfaction
(dF3).
D'après la théorie traditionnelle du processus
de décision, l'individu cherche à maximiser son choix
(dF1). Par contre, Cyert et March (1963)
prônent une solution satisfaisante (dF3).
De plus, le Carbage can Model de Cohen et
al. (1972) insiste sur le fait que l'individu n'a aucun contrôle
sur la décision. Il est donc contraint d'effectuer une décision
avec les éléments à sa disposition
(dF4). Par contre, d'après Masuch et LaPotin
(1989, p48), le décideur, suivant sa position dans l'organisation, ne
pouvant pas déléguer, devra peut-être effectuer son choix
par défaut comme dans le cas précédent.
Dans le cadre de la prise de décision par objection
(Anderson, 1983, p217), le décideur après avoir
déterminé les résolutions acceptables
(dF3) peut, s'il n'est pas impératif d'agir,
étudier des actions indépendantes. Par contre, s'il est contraint
à réagir, il recherchera des propositions concurrentes, en
déterminant si besoin, de nouveaux objectifs, tant qu'il ne trouvera pas
une résolution qui, du moins, n'aggravera pas la situation
(dF5).
Toutefois ces stratégies ou niveaux d'acceptation n'ont
de sens que s'ils sont joints à un critère d'objectif de
processus de sélection.
2.1.4.2. Biais
d'Intérêt ou Objectif
Suivant chaque stratégie, le décideur peut avoir
différents objectifs. Dans le cadre de la rationalité substantive
ou limitée, l'individu recherche sa propre utilité
(dF2) ou son propre intérêt
(dF6), ce qui est généralement le cas
dans les processus de décision traditionnel.
Par contre, pour Cyert et March (1963), étant
donné qu'il s'agit de gérer les conflits entre individus au sein
d'une organisation par un objectif commun, ce processus pourrait avoir comme
objectif la réciprocité (dF8) afin que
chacun puisse profiter de cette collaboration et entretenir cette
dernière.
D'autres théories mettent en avant des objectifs
différents. A titre d'exemple, Morck (2004) présente la
loyauté (dF9) comme un critère de
sélection de son comportement. De plus, Jensen (1998) et d'autres
auteurs démontrent que certains agents peuvent cumuler des comportements
égoïstes et altruistes. En effet, en réalité,
certaines décisions peuvent juste rechercher le bien-être d'autrui
(dF758(*)).D'ailleurs, dans cette perspective, Anderson (1983)
introduit l'aspect social et la recherche de légitimité (Suchman,
1995) dans les prises de décision. Il y a donc une recherche de
justifications et donc rétrospectivement une création de
sens59(*) de ses
décisions envers autrui.
En résumé, les processus de décisions ont
un pouvoir explicatif sur le comportement des décideurs et donc sur les
décisions en finance d'entreprise. L'hypothèse
160(*)
semble donc être validée. D'ailleurs, le principe de
décision par objection de Anderson (1983) a déjà
incorporé une partie non négligeable des biais comportementaux
régissant la prise de décision. Le prolongement de recherches
descriptives et normatives dans cette perspective pourrait permettre
l'élaboration de théories du processus de décision en
finance d'entreprise comportementale bien plus réalistes.
L'analyse du processus de décision, très
largement utilisée en finance d'entreprise, nous permet donc, dès
à présent, d'étudier les objets des décisions en
finance d'entreprise. Nous commencerons par le financement de son
activité.
2.2. Décision de
Financement
Nous constatons une divergence entre les théories
traditionnelles de la structure de capital des entreprises et la
répartition de cette structure dans la réalité. Par
exemple, au sein des théories traditionnelle, Modigliani et Miller
(1963) développent l'intérêt de l'endettement grâce
à l'utilisation de « tax shield » (économie
d'impôts) en présence d'impôts sur les
sociétés. Dans ce contexte, théoriquement, l'entreprise
devrait s'endetter à 100 %. La prise en compte du comportement peut
permettre de mieux expliquer les situations réelles.
Hypothèse 2 (H2) :
L'étude du comportement permet de mieux expliquer la structure de
capital des entreprises que les théories actuelles.
Marché
Financier
Marché Bancaire
Entreprise
Schéma 004: Acteurs des politiques de
financement
De plus, lors de décision de financement, les acteurs
principaux sont le dirigeant, les actionnaires et les banquiers. Dans ce
contexte, il s'agit principalement d'une vision actionnariale et les
hypothèses auxiliaires sont principalement l'efficience de marché
(Postulat 3b), la rationalité des agents et
l'asymétrie d'information. Nous nous inspirerons donc des études
comportementales de la finance de marché. Le jeu61(*) de décision en
recherche de financement s'articule en binôme : le manager et
l'investisseur. Il faut donc considérer toutes les variantes
comportementales dans ce jeu d'interaction. D'ailleurs implicitement, certains
éléments d'interaction du comportement sont pris en compte dans
les théories en finance d'entreprise telle que la théorie de
l'agence (Jensen et Meckling, 1976)... Dans ce contexte, l'étude du
financement est aussi bien interne qu'externe62(*).
Hypothèse 3 (H3) : Les agents,
dans le cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux.
Cette interaction affecte le comportement de chaque agent.
D'autres théories, dites « théories du
compromis », introduisent un premier niveau de comportement, même si
celui-ci semble plus ou moins explicite. A titre d'exemple, Jensen (1986), avec
sa théorie du Free Cash Flow, prône un rôle
disciplinaire exercé par l'endettement afin de contrôler le
comportement du dirigeant. Or cette modélisation du comportement est
très réductrice. En effet, intégrer d'autres approches
comportementales dans la modélisation - eg63(*) Charreaux (2005) pour la
gouvernance - permettrait de dépasser une logique qui considère
les comportements seulement comme des compétences. La
modélisation des comportements, dans ce champ, devrait être
d'autant plus productive en offrant des pistes d'explications de nombreux
éléments, actuellement, inexpliquées.
Hypothèse 4 (H4) : Le
comportement, lors de décisions de financement, a une dimension
disciplinaire et une dimension productive.
Qu'est-ce que la structure de capital ? Pourquoi modifier ces
structures ? Et comment l'étude du comportement permet-t-il de mieux
comprendre la composition de cette structure de capital ?
Après avoir défini les diverses
possibilités de financement intéressantes, et exclu les autres
alternatives figurant dans l'environnement, il s'agit de déterminer
quelles proportions affecter à chaque type de financement. Nous
présentons donc, tout d'abord, la connaissance de l'environnement avant
d'étudier les préférences, les évaluations et les
sélections des alternatives.
2.2.1. Connaissance de
l'environnement
En fait, nous avons principalement explicité les
démarches décisionnelles en finance d'entreprises qui sont
généralement sous-entendues afin de mieux comprendre l'influence
du comportement lors de prise de décision dans ce genre de situation.
Donc la première analyse se porte sur la nature, la composition, de la
firme.
Avant de prendre toute décision concernant la structure
de capital, il faut au préalable étudier sa composition.
Contrairement au choix d'investissement ou plutôt aux opportunités
d'investissement, la recherche de financement semble bornée. En effet,
il existe uniquement trois familles de financement : l'autofinancement,
l'endettement et enfin le recours aux actionnaires. Bien évidemment nous
considérons ces familles dans un sens élargi. Par exemple, lors
d'une création de joint-venture, il y a un rapprochement entre au moins
deux entreprises qui autofinancent ce projet par l'apport des connaissances, de
matériel, des capitaux qui leurs sont propres. Dans ce contexte,
l'autofinancement regroupe tout ce qui est à la disposition de
l'entreprise, qu'il s'agisse d'actifs pécuniaires ou d'autres bien plus
ou moins tangibles tels que les brevets. En sus, cet joint-venture peut faire
appel à de l'endettement ou/et à une ouverture de capital sur le
marché. Dans ce contexte, le choix d'un financement est
considéré comme un ensemble fermé.
Le diagnostic financier ne se limite évidemment pas
à l'analyse du financement de l'activité de l'entreprise. Il doit
aussi reproduire la représentation historique de l'évolution de
l'entreprise. Cette évolution historique est issue des
précédents comportements accumulés au sein de l'entreprise
et de signal envers le marché. Tout ceci reflète la culture
d'entreprise ou les effets de mode (Abrahamson, 1996 ; Shiller, 1997, p19,
p24, p26). En effet, la situation actuelle de l'entreprise détermine les
possibilités de financement envisageables.
S'agit-il d'une société déjà
cotée en bourse ou de nature familiale ? En résumé,
a-t-elle déjà eu recours aux marchés financiers ? À
quel niveau s'est-t-elle endettée ? Quel type d'endettement a-t-elle ?
A-t-elle encore la possibilité de recourir à de l'endettement ?
Enfin, à quelle hauteur peut-elle financer elle-même ses
investissements ? En résumé, quelles sont ses capacités de
financement ?
Nous allons présenter les biais de récolte et de
sélection d'information, dans un premier temps, et ensuite, les biais de
traitement et d'utilisation des connaissances.
2.2.1.1. Biais de
récolte et de sélection d'information
La récolte des informations est inégale entre le
dirigeant et les investisseurs ce qui affecte la connaissance pertinente de
l'environnement (aF1). En effet, les investisseurs,
comme les banquiers et les « zinzins » (les investisseurs
institutionnels), ont généralement une multitude d'informations
sur le marché financier et les secteurs économiques ainsi que sur
les concurrents des entreprises. En revanche, le dirigeant a surtout des
informations sur son entreprise, plus complètes que celles dont
disposent les autres acteurs. Il ne reste que les petits porteurs qui n'ont pas
de tel accès à l'information et ne chercheront pas un tel niveau
d'information dû au fait de la surcharge cognitive ou affective
(aF6) et des efforts nécessaires relatifs
à ce qu'ils disposent en temps et en argent. Les acteurs pâtissent
donc, plus ou moins, d'une source d'asymétrie d'information qui semble
se calquer sur les niveaux d'accès présentés par Masuch et
LaPotin (1989, p41) précédemment présentés dans les
processus de décisions. Une manière de palier la distance entre
les banquiers, les « zinzins » et les entreprises consiste
à étudier, élaborer un conseil d'administration
adéquate. En effet, d'après les théories de la
gouvernance, le conseil d'administration - constitué de membres de
l'entreprise mais surtout d'indépendants - permet de récolter
des informations de la part des autres partenaires (Forbes et Milliken,
1999).
Nous venons d'évoquer la structure de capitaux
principalement dans le cadre de l'approche contractuelle. D'autres perspectives
peuvent la compléter. Charreaux (2002a) présente une approche
cognitive de la structure de capitaux. D'après Charreaux (2002a, p26),
les échanges - promus au sein du conseil d'administration, entre les
différents partenaires financiers (actionnaires institutionnels et
industrielles) et l'entreprise - permettent une meilleure appréhension
des opportunités d'investissement et de financement propre à
l'entreprise. Ce mécanisme engendre de plus grandes probabilités
de création de valeur pour l'entreprise. Dans cette perspective, les
échanges au sein du conseil d'administration permettent même de
casser les habitudes et les routines (aF3) en
apportant de nouvelles idées qui doivent être argumentées,
justifiées envers les autres membres du conseil (Anderson, 1983). En
effet, chaque membre a ses propres schémas mentaux qui le conduisent
à sélectionner les informations en fonction de ses dissonances
cognitives et affectives (aF4). Ce mélange de
dissonances permet que chaque membre apporte des informations avec son point de
vue. La récolte d'informations est accrue tout en limitant le risque
d'« oublier » des informations pertinentes. En revanche,
cet échange présente autant de chances d'améliorer la
sélection des informations qu'un risque de surabondance de
données rendant difficile la sélection mais surtout le traitement
de l'information.
2.2.1.2. Biais de
traitement et d'utilisation des connaissances
(références)
Les théories de la gouvernance, concernant le conseil
d'administration, n'expliquent pas uniquement la récolte d'information
mais aussi les traitements des connaissances. En effet, chaque individu du
conseil d'administration effectue des suggestions
(aF9) au sein d'un cadre
(aF8). De plus, il est influencé par ses
propres ancrages (aF7) ainsi que par ses croyances
(aF10). Tous ces éléments sont
implicitement incorporés dans le background de chaque membre du
conseil d'administration (Forbes et Milliken, 1999)
Dans cette perspective, à titre d'exemple, Bigus (2003)
introduit, dans l'approche de la théorie de structure de capitaux, le
rôle des « croyances » (aF10)
hétérogènes entre les investisseurs et les entrepreneurs
sur l'avenir de la firme. Mais Bigus (2003) ne prend pas en compte le conseil
d'administration. D'après Bigus (2003, p136), les croyances
altèrent le traitement de l'information puisque chacun extrapole des
prévisions en adéquation avec ses croyances.
Tous ces éléments environnementaux affectent les
préférences des agents.
2.2.2. Système de
Préférences
En ordre général, étant donné que
la recherche de financement s'effectue parmi une famille de possibilités
bornées, les préférences s'orientent vers une des 3
catégories suivantes : Autofinancement, Dette, Action. Bien
évidemment certains auteurs comme Myers et Majluf (1984)
présentent des sous catégories. En effet, pour Myers et Majluf
(1984), le dirigeant aura une préférence de financement dans cet
ordre : (1) financement interne, puis (2) dette sans risque, puis (3) dette
risquée et enfin (4) augmentation de capital. Bien entendu, si
l'entreprise ne remplit pas le Postulat 2
(P2)64(*), ce classement peut se présenter d'une
manière différente. Pour une entreprise entrepreunariale, le
point (4) deviendra l'introduction en bourse. Par contre, s'il s'agit d'une
association à but non lucratif, le point (4) cesse d'être une
option. Mais les financements pourront se faire par des dons de personnes
tierces qui prendront place au sein du financement interne (1).
Mais comment sont constitués les systèmes de
préférences de financement ? Quels sont les biais de valeurs
et ensuite de « danger » qui influencent ces
systèmes ?
2.2.2.1. Biais de
valeurs
En considérant la catégorisation des
possibilités de financement, le système de
préférence de ces dernières peut être
considérée comme bien organisée
(bF2). Or, Bigus (2003) analyse le système de
préférence et la structure de capital optimale suivant les
croyances entre dirigeants et actionnaires, principalement dans le cadre de
saturation de capacité d'endettement. L'auteur établit le
même ordre hiérarchique que Myers et Majluf (1984) si les
croyances sont hétérogènes. En revanche, si elles sont
homogènes, la recherche d'un ordre n'a plus d'intérêt.
De plus, étant donné que la nature de
l'entreprise peut évoluer et que le dirigeant peut être
changé par le conseil d'administration, le système de
préférence du dirigeant ne peut pas être
considéré comme stable (bF1). En effet,
Une entreprise familiale (non Postulat 2), qui n'a
jamais eu recours aux marchés, ne tentera une introduction en bourse que
si elle n'a pas d'autres possibilités. En effet, par l'effet de dotation
(bF7) (Rabin, 2002, p9), l'entrepreneur ressent un
besoin de contrôler son entreprise. Il est impliqué aussi bien
affectivement que financièrement et rechigne à ouvrir le capital
à des étrangers même dans une logique de
développement de son activité. A l'inverse, une entreprise
déjà cotée en Bourse (Postulat
2) ne suscite pas une telle logique protectionniste puisque le
contrôle est déjà partagé à différents
niveaux avec des étrangers. L'objectif n'est plus de rester
propriétaire mais de développer son activité et donc la
perception des opportunités, dans ce contexte, est totalement
bouleversé uniquement par la nature de la firme.
De plus, Myers et Majluf (1984) présentent leur
hiérarchisation dans le cadre de la rationalité. Dans ce
contexte, la myopie temporelle (bF5) n'est pas
étudiée. Pourtant, cela pourrait aisément expliquer les
politiques de financement. En effet, souvent l'individu est concentré
sur les perspectives à courts termes (Camerer et al., 2004).
Influencé par la vision actionnariale, le dirigeant, comme les
actionnaires, se focalise généralement sur le management au jour
le jour puisque la communication financière s'intéresse à
l'évolution du cours de l'action de son entreprise et le compare avec
les cours passés assez récents
(bF3)65(*) (Rabin, 2002, p9 et 18 ; Shiller, p6 et 20). Le
manager risque ainsi de manquer de discernement, d'anticipation et de
capacité d'interprétation de phénomènes habituels
telle qu'une diminution de la valeur de l'action suite à une
augmentation de capital (bF4)66(*). De même, la
souscription à de nouvelles dettes ou actions nécessite une
vision à plus long terme contrairement à l'autofinancement qui
peut s'effectuer au coup par coup sans avoir à justifier ce type de
financement. En revanche, s'il n'est pas « myope » (non
bF5)67(*), le dirigeant peut avoir des stratégies
à long terme de développement. Il privilégiera alors le
recours aux marchés, d'un part, pour garder à terme des
possibilités de financement par endettement ou par autofinancement, et,
d'autre part, augmenter le pouvoir discrétionnaire et son slack
managérial.
Bien évidemment, la manne financière est
réglementée et limitée. Le manager ne peut donc pas
choisir sans contrainte son type de financement (par exemple, dû à
la capacité d'endettement). De plus, certains types de financement, tel
que l'endettement, peuvent fragiliser la santé de l'entreprise. En
effet, afin d'établir un système de préférences, il
faut tenir compte de la valeur perçue des alternatives mais aussi du
danger encouru.
2.2.2.2. Biais de
« Danger »
Les valeurs des alternatives sont corrélées
à la perception du danger de ces dernières. L'endettement
génère obligatoirement des remboursements de capitaux et des
payements d'intérêts. De plus, même si Modigliani et Millers
(1963) le présentent comme une structure optimale des capitaux, il est
bien évident que l'entreprise ne peut pas être endettée
à 100 %. Effectivement, celle-ci serait en faillite et aucune banque
n'accepterait de financer une entreprise à cette hauteur du fait du
risque encouru. En effet, l'entreprise est limitée dans sa
capacité d'endettement (Bigus, 2003) puisque ce type de financement peut
engendrer un risque de faillite (bF868(*)) de celle-ci, si elle n'a plus
la capacité de rembourser. Ceci constitue un risque pour une entreprise
en détresse surtout si les gains prévisionnels sont incertains
(bF9) ou si les pertes sont certaines
(bF10) (Kahneman et Tversky, 1979). De plus,
l'endettement est sujet à autorisation de la banque. Le banquier doit
donc croire en la capacité de remboursement de l'entreprise afin de lui
octroyer un prêt (Bigus, 2003).
La décision d'autofinancement est, en revanche,
à la discrétion du dirigeant. De plus, l'autofinancement ne
génère aucune obligation de remboursement. Il n'y a donc aucun
risque en rapport avec l'incertitude (bF9 69(*)ou/et
bF10)70(*)) à venir de l'activité (Kahneman et
Tversky, 1979). Dès lors, si le dirigeant peut financer ses projets
uniquement par l'autofinancement sans aucune restriction, il utilisera ce
mécanisme de financement sans chercher d'autres moyens afin de conserver
(bF11) les autres possibilités pour une
prochaine décision. Enfin, pour une entreprise managériale
(Postulat 2), le dirigeant doit prendre en compte le
risque et les incertitudes quant à la fluctuation du cours des actions
et des prises de contrôle.
Après avoir établi les systèmes de
préférences, il est nécessaire d'évaluer les
alternatives avant d'effectuer sa sélection.
2.2.3. Capacité
d'Evaluation
L'évaluation du financement étudie le coût
mais aussi le montant nécessaire recherché. De plus, d'autre
éléments, telles que la théorie du signal ou de protection
contre les prises de contrôle, doivent faire partie intégrante de
l'évaluation des alternatives. Cette étude est tout d'abord
influencée par la capacité de calcul.
2.2.3.1. Biais de
Capacité de calcul
Contrairement à l'approche traditionnelle de prise de
décision, les possibilités de financement ne sont pas
étudiées en parallèle (non cF2
71(*)) mais
successivement, même si cet ensemble est fermé (Bigus, 2003).
D'ailleurs, cette manière de procéder fait partie
intégrante du comportement qui peut s'appeler biais de compartimentage
(cF5) ou d'analyse séquentielle (Barberis et
Thaler, 2002). Par cette analyse séquentielle, une
hiérarchisation de l'étude se fait instinctivement en respect aux
critères de simplification (cF472(*)) et de souci
d'économies d'énergie (non cF173(*)) présenté dans
le processus de décision (Masuch et LaPotin, 1989).
De plus, l'individu peut se rendre compte, par l'apprentissage
(cF3) (Camerer et al., 2004), qu'un certain
seuil d'endettement limite les risques d'acquisitions hostiles. En effet,
l'endettement peut être considéré, premièrement,
comme un risque de faillite si le seuil d'endettement est trop important,
deuxièmement, comme un mécanisme de sauvegarde contre les prises
de contrôle, et, troisièmement, comme un signal de bonne
santé de l'entreprise. Ces éléments sont à prendre
en compte lorsque l'entreprise cherche des financements. En effet, c'est un des
moyens à sa disposition afin de palier les asymétries
d'informations lorsque celle-ci est comparée avec des entreprises
concurrentes de son secteur afin d'être évaluée.
Par contre, certaines attitudes modifient la perception de
l'évaluation et surtout altèrent les comparaisons entre les
entreprises concurrentes ou entre sa valeur intrinsèque et sa valeur de
marché.
2.2.3.2. Biais de
Modification d'évaluation
L'attitude du dirigeant - tels que l'optimisme, l'excès
de confiance... - influence l'évaluation des alternatives. En effet, A
titre d'exemple, d'après Baker et al. (2004), un dirigeant
optimiste (cF7) ou surconfiant
(cF8) considérera toujours que son entreprise
est sous-évaluée par le marché. Il évitera donc au
maximum de se financer par le marché (introduction en bourse ou
augmentation de capital) afin de ne pas brader son entreprise sauf s'il en est
contraint. D'ailleurs, afin de garder le plus de bénéfice pour
son entreprise, il utilisera au maximum l'autofinancement, ensuite les
capacités d'endettement de la firme (Heaton, 2002). Bien
évidemment, un dirigeant pessimiste ou sous confiant aura le
comportement inverse vu qu'il estimera que le marché superforme
l'entreprise. Mais cette attitude « négative » est
peu répandue chez les dirigeants.
Maintenant que tous ces éléments sont
établis, quels sont les critères de sélection de
financement ?
2.2.4. Critères de
Sélection
Les critères de sélection sont multiples. Lors
de décision de financement, ceux-ci sont principalement du domaine de la
finance ou plutôt de la gestion ou des mathématiques. De plus, il
ne s'agit pas de choisir un type de financement mais plutôt une
répartition spécifique du financement entre les
différentes familles de financement.
2.2.4.1. Biais de
Stratégie ou niveau d'acceptation
Généralement en finance d'entreprise, les
chercheurs - tels que Modigliani et Millers (1963), Bigus (2003) - tentent de
présenter une structure de capital optimal. Il s'agit donc de maximiser
la structure de capital (dF1). Dans ces conditions,
Bigus (2003, p155) présente comme optimal une structure de capital mixte
ou hybride en vue des croyances hétérogènes entre
dirigeants et investisseurs. De plus, Bigus (2003) effectue sa première
partie de son étude en introduisant la capacité d'endettement et
d'autofinancement de l'entreprise. Le dirigeant est donc de temps à
autre contraint (dF4 74(*) et/ou dF575(*)) d'effectuer des financements
par actions ou par dettes.
Dans le contexte de la recherche de financement, il ne semble
pas, à l'état actuel, que la perspective d'une structure
satisfaisante (dF3) est envisagée.
En fait, existe-il des objectifs différents pouvant
influencer la décision ?
2.2.4.2. Biais
d'Intérêt ou Objectif
Il semblerait que dans le cadre spécifique de la
recherche de financement, les objectifs sont très condensés. En
effet, le dirigent peut soit agir pour son propre intérêt
(dF6) soit essayer d'agir pour l'intérêt
de l'entreprise et donc pour tous partenaires
(dF876(*)). En effet, la théorie de l'agence, comme
présenté par Jensen et Meckling (1976), fait état d'un
conflit d'intérêts entre le dirigeant, les actionnaires et les
créanciers. Ce conflit pourrait pousser le dirigeant à tenter de
minimiser, autant que possible, l'importance des autres agents afin de pouvoir
s'octroyer la rente de la firme (dF2 77(*) et
dF678(*)).Dans l'autre cas, il s'agit d'une recherche de
réciprocité (dF8) afin que chaque
acteur ait intérêt à collaborer (Hermalin et Isen, 2000).
Le dirigeant, dans ce contexte, peut être soit poussé par un
sentiment altruiste (dF7) (Jensen, 1998) soit par un
esprit de loyauté (dF9) (Morck, 2004).
De plus, le dirigeant peut avoir des stratégies
à long terme de développement au lieu de se focaliser sur le
court terme, dans ce contexte l'objectif est d'assurer la
pérennité de l'entreprise et la capacité de financement
pour d'autres besoins.
En résumé, Les études comportementales
peuvent permettre une meilleure explication des politiques de financement
(H2). Ces politiques s'inscrivent dans une vision
principalement actionnariale de la gouvernance (H3).
De plus, le comportement peut avoir un rôle disciplinaire ou productif
(H4).
En dehors des décisions de financement, le domaine de
la finance d'entreprise a pour objet les décisions d'investissement que
nous allons traiter sans plus tarder.
2.3. Décision
d'Investissement
Le processus de décision dans la recherche
d'investissement peut, en partie, se calquer sur les logiques exposées
dans la partie précédente consacrée au financement. En
effet, certains éléments peuvent être commun. Il faut, par
ailleurs, préciser que lorsque nous parlons de politique
d'investissement, nous sous-entendons aussi la possibilité de
désinvestissement.
Au sein des théories traditionnelles des politiques
d'investissement en finance d'entreprise, le courant le plus important est
l'évaluation par la Valeur Actuelle Nette - VAN - qui permet de
déterminer si le projet est rentable. Or, il est facile de
découvrir des projets effectués par les entreprises qui ne sont
pas rentables. Pourquoi ? Bien évidemment, des recherches
empruntées à d'autres champs pourraient contribuer à
répondre à cette question. Dans une perspective
stratégique, par exemple, un projet avec une VAN négative peut
toutefois être nécessaire au développement
stratégique de l'entreprise. Dans le cadre de cette étude, nous
ferons quelques emprunts à la stratégie mais nous allons
principalement tenter d'entamer une réponse à cette interrogation
à l'aide du développement des approches comportementales en
finance d'entreprise.
Hypothèse 5 (H5) :
L'étude du comportement peut mieux expliquer les politiques
d'investissements des entreprises que les théories
actuelles.
Lors de décision d'investissement, les acteurs
principaux sont le dirigeant et les parties prenantes de l'entreprise
(salariés, fournisseurs, distributeurs...). Il s'agit donc d'une vision
partenariale. En effet, lorsqu' un projet d'investissement est effectué,
le dirigeant doit compter sur les différents partenaires intervenant
dans ce projet afin de mener à bien ce dernier. D'ailleurs,
l'hypothèse auxiliaire la plus importante est la rationalité des
agents. Dans ces conditions, les interactions ne sont plus binaires mais
multipartites. Si cela est utile pour certaines précisions de notre
recherche, nous étudierons certaines interactions, par simplification,
deux à deux afin de mieux cerner les interactions à
l'étude. De plus, ces acteurs peuvent être soit internes soit
externes à l'entreprise selon le vocabulaire de Baker et al.
(2004) et Shefrin (2001).
Hypothèse 6 (H6) : Les agents,
dans le cadre de la vision partenariale, agissent et interagissent entre eux.
Cette interaction affecte le comportement de chacun des
agents.
Bien évidemment, à partir du moment où
des interactions entre agents sont prises en compte dans la
modélisation, le comportement de chacun acquiert une dimension
disciplinaire, afin de réguler les conflits psychologiques ou
interpersonnels, et une dimension productive pour créer de la valeur et
donc créer une « utilité » de travailler en
équipe.
Hypothèse 7 (H7) : Le
comportement, lors de décisions d'investissement, a une dimension
disciplinaire et une dimension productive.
Mais comment identifier les opportunités
d'investissement rentables ? Comment définir un
« bon » projet ? Pourquoi tel ou tel projet est
sélectionné ?...
Afin d'aborder pleinement les politiques d'investissement,
nous allons présenter, dans un premier temps l'environnement, ensuite,
les systèmes de préférences, puis, les évaluations
des alternatives, et, enfin les critères de sélections.
2.3.1. Connaissance de
l'environnement
Toute entreprise doit tenir compte de sa dépendance aux
ressources et de sentiers (Kreiser et Marino, 2002). En effet, dans le contexte
d'investissement, la firme doit tout d'abord étudier son environnement
en récoltant et sélectionnant les informations
nécessaires, puis les traiter et les utiliser pour adapter sa
connaissance de cet environnement. Toutes ces démarches permettent
d'établir une stratégie d'investissement.
De plus, contrairement aux recherches de financement, les
projets d'investissement ne sont pas bornés. En effet, il en existe une
multitude voire une infinité. Dans ces conditions, le dirigeant doit
découvrir les opportunités d'investissement au sien d'un
environnement abondant et illimité.
2.3.1.1. Biais de
récolte et de sélection d'information
Pour établir une stratégie viable, l'entreprise
a besoin de se constituer des informations pertinentes de l'environnement
(aF1). Ces informations ne sont pas innées,
elles doivent être acquises.
Dans un premier temps, la recherche d'information peut
être considérée comme une action individuelle. Tout
d'abord, les habitudes, les routines (aF3) et les
biais de confirmations (aF5) (Barberis et Thaler,
2002, p14 ; Shefrin, 2001, p5) incitent l'individu éternellement
à promouvoir les politiques d'investissement déjà
établies soit en poursuivant l'activité sans se poser de question
pour des raisons de facilités (aF379(*)) soit en recherchant des
arguments afin de légitimer la reconduction des
précédentes actions d'investissement
(aF580(*)). Ensuite, la recherche de nouvelles
opportunités est freinée par la dissonance cognitive ou affective
(aF4) (Shiller, 1997, p7-8) que l'individu a envers
certaines idées ou projets d'investissement (narrow framing de
Barberis et Thaler, 2002). Sa recherche est donc conditionnée par son
attitude. D'ailleurs, cette recherche est consommatrice d'énergie
(Masuch et LaPotin, 1989). Enfin, un individu, face à un environnement
d'informations surabondantes, ne peut faire face puisqu'il peut atteindre
très rapidement son seuil de surcharge cognitive ou affective
(aF6) (Hallowell, 2005). A ce moment, il n'est plus
capable de rechercher la moindre information supplémentaire. De plus,
cette surcharge peut détériorer sa perception de l'environnement.
En effet, il a pu récolter et sélectionner que peu d'informations
pertinentes (aF1) ce qui l'empêche de s'adapter
correctement à l'environnement.
De plus, dans un second temps, cette étape peut
être effectuée collectivement entre plusieurs individus comme au
sein d'un conseil d'administration (Forbes et Miliken, 1999). Dans cette
perspective, tous les éléments présentés dans le
paragraphe précédent sont spécifiques à chaque
membre. Chacun étant unique, ils n'ont pas la même perception.
Donc, en regroupant, toutes leurs informations, le groupe augmente ses chances
d'obtenir les informations pertinentes (aF1). A titre
d'exemple, Charreaux (2002b) présente l'intérêt d'avoir des
partenaires industriels au sein du conseil d'administration afin de profiter de
leurs perceptions des opportunités d'investissement.
En plus de ces éléments de récoltes et de
sélection d'informations, d'autres biais de traitement et d'utilisation
de la connaissance influencent les références des
décideurs.
2.3.1.2. Biais de
traitement et d'utilisation des connaissances
(références)
Maintenant que les soi-disant informations pertinentes sont
sélectionnées, l'individu doit traiter ces informations afin de
se les approprier comme connaissances et afin d'adapter ses
références à l'environnement en perpétuel
mouvement. Pour cela, il nécessite une connaissance claire de
l'environnement (aF2).
Contrairement à la récolte d'information, le
groupe peut générer des suggestions
(aF9) influençant le traitement, en plus des
cadrages (aF8), par la pression des pairs (Shefrin,
2001, p10). Le dirigeant adaptera donc son ancrage
(aF7) en fonction de ses croyances
(aF10) et des influences des partenaires (Morck,
2004 ; Greenfinch, 2005). D'ailleurs l'investissement de départ est
souvent établi comme référence pour les résultats
du projet (aF781(*)) (Barberis et Thaler, 2002, p14).De plus, la
connaissance des entreprises concurrentes permet au décideur de
rechercher ou d'étudier les opportunités d'investissement en
fonction de sa position stratégique et de l'évolution des
concurrents (aF7).
Tous ces éléments constitueront les
références des connaissances à la disposition de
l'entreprise. De plus, ceux-ci permettront une certaine adaptation des
systèmes de préférence de l'individu.
2.3.2. Système de
Préférences
L'analyse des préférences concernant les projets
d'investissement se focalise généralement sur la perception du
retour sur investissement. D'ailleurs, dans cette partie, il est assez
aisé de recourir aux courants d'économie comportementale et de
psychologie puisque nous allons étudier l'impact des valeurs sur les
préférences et donc le comportement de l'individu face à
une évolution de son « épargne ». Nous allons
donc, dans un premier temps, étudier les biais de valeurs et, dans un
second temps, les biais de « danger ».
2.3.2.1. Biais de
valeurs
Il existe différents types de valeur pour
établir les systèmes de préférences. La principale
est la valeur pécuniaire. En fait, comme l'illustre l'utilisation de la
VAN, l'étude des projets s'effectue à travers un écart de
valeur. De plus, le dirigeant évalue le rendement en valeur relative
(bF3) la rentabilité par rapport à
l'investissement (Rabin, 2002, p9). Bien évidemment, l'individu est
toujours averse aux pertes (bF4). D'ailleurs, comme
présenté lors du processus de décision, le sujet ressent
beaucoup plus une perte qu'un gain même s'ils sont de même valeur
absolue (Camerer et al., 2004 ; Kahneman et Tversky, 1979). En
fait, ces éléments sont stables à travers le temps
(bF1). Toutefois, certains autres
éléments peuvent devenir plus importants que ceux
précédemment présentés. En effet, par exemple, un
don n'a aucun retour sur investissement. De plus, si un investissement à
un intérêt stratégique, le dirigeant peut envisager une
perte pécuniaire si cela est nécessaire, mais dans ces
conditions, la valeur globale de l'investissement n'est pas limitée
à sa valeur pécuniaire. Par exemple, ils peuvent avoir une valeur
idiosyncrasique.
En dehors de ces éléments, l'individu a tendance
à être myope (bF582(*)). En effet, une valeur est
perçue comme plus importante à court terme qu'à long
terme, même si les théories actuelles en finance d'entreprise ne
prennent pas en compte cette myopie temporelle (Camerer, 2003 ; Rabin,
2002, p18). Par contre, ce biais peut évoluer suivant les
époques.
De plus, l'effet de dotation (bF7)
(Rabin, 2002, p9) incite l'individu à préférer les
éléments en sa possession. Dans ces conditions, un bien est
évalué plus cher lorsque l'individu est propriétaire que
le même bien s'il devait l'acheter. Le dirigeant, même s'il
reconnaît qu'un projet d'investissement n'est pas aussi rentable que
prévu, poursuivra donc sa politique d'investissement malgré tout
puisqu'il n'arrivera pas à se résigner à revendre son
investissement au prix du marché ou à accepter de montrer, voire
prouver, son erreur de management (critère de visibilité de
Shefrin, 2001).
D'après tous ces éléments, la valeur est
un critère plus ou moins stable de l'élaboration du
système de préférence. Par contre, la
hiérarchisation des préférences semble fluctuante et non
exclusive.
Après avoir identifier les biais de valeur, nous
présenterons les biais de « danger ».
2.3.2.2. Biais de
« Danger »
Pour tout projet d'investissement, l'individu est averse aux
risques (bF8). Il choisira le projet le moins
risqué. La démarche est identique pour son aversion à
l'incertitude des gains (bF9). D'ailleurs,
inversement, le sujet recherchera l'incertitude quant à la
possibilité d'enregistrer une perte (bF10) et
non la matérialiser directement (cas de Sony Corporation
étudié par Shefrin, 2001, p6). En fait, si un dirigeant effectue
un investissement non rentable, il refusera de l'admettre, pour son ego ou son
orgueil ou tout simplement en considérant que la perte actuelle est
fictive et que, dans un futur, le projet deviendrait rentable. Dans ce cas, il
conserve son projet (bF11) même s'il est
déficitaire en espérant recouvrir ses pertes avec des profits
futurs afin de ne pas devoir admettre son échec dans sa sélection
de projet.
Lors de la présentation des préférences,
nous avons utilisé l'interprétation des évaluations des
projets. Mais ces derniers sont aussi sujet à certains biens que nous
allons dès maintenant aborder.
2.3.3. Capacité
d'Evaluation
L'évaluation des projets d'investissement joue une part
importante dans les politiques d'investissement. A ce niveau, les biais de
capacité et de modification de la perception des évaluations
doivent être pris en compte.
2.3.3.1. Biais de
Capacité de calcul
Parmi les différents biais de capacité de calcul
qui sont les plus importants pour l'évaluation des projets
d'investissement, la capacité cognitive et affective
(cF4) et le compartimentage mental
(cF5) sollicitent des simplifications des projets
d'investissement afin d'étudier étape par étape les
projets. D'ailleurs, Duhaime et Schwenk (1983) présentent une
simplification des analyses des décisions de projets d'acquisitions et
de désinvestissements. Cette technique est d'ailleurs commune à
tous autres projets complexes. D'après ces auteurs, les
différentes activités sont influencées par
différents biais cognitif. Nous allons présenter un extrait de
cette étude sans, pour autant, rentrer dans les détails des biais
comportementaux présentés. Certains de ces biais sont
traités plus précisément à leur place
privilégiée au sein de cette recherche.
Tableau 7: Principales Activités d'Acquisition et
de Désinvestissement et leurs Processus de simplification cognitive
83(*)
Activités
|
Biais Cognitifs
|
Considération des Alternatives d'Acquisition
|
Raisonnement par Analogie
|
Illusion de Contrôle
|
Management de l'Acquisition
|
Illusion de Contrôle
|
Escalade d'engagement
|
Considération de décision de
désinvestissement
|
Evaluation unique des résultats
|
De plus, l'expérimentation des projets et leurs
apprentissages (cF3) permettent de mieux percevoir
les opportunités d'investissement similaires et faciliter les
raisonnements par analogie. D'après Duhaime et Schwenk (1983, p14-15),
une fois que l'on a pris en compte la possibilité de céder une
activité, les mécanismes de raisonnement restent
cloisonnés sur les différentes alternatives de
désinvestissement mais n'analysent plus les politiques d'investissement
pour cette même activité. Tous ces éléments sont des
exemples pouvant mettre à mal la capacité calculatoire
illimitée (cF1) et simultanée
(cF2) des alternatives qui est l'apanage de la
rationalité substantive.
En plus de ces éléments, il existe certains
biais pouvant influencer l'évaluation.
2.3.3.2. Biais de
Modification d'évaluation
Généralement, l'optimisme
(cF7) et l'excès de confiance
(cF8) peuvent être traités conjointement
comme le présente Baker et al. (2004). En effet, tous ces
éléments incitent le dirigeant à surévaluer ses
projets. Même lors de l'exclusion des conflits d'intérêt ou
plutôt lorsque le dirigeant recherche de lui-même
l'intérêt des actionnaires, ces attitudes vont pousser le
dirigeant à sélectionner des projets non rentables qu'il aura
pourtant considéré comme rentable.
De plus, d'après Duhaime et Schwenk (1983, p13), le
dirigeant est enclin à croire avoir un contrôle sur les projets
d'investissement ou sur d'autres éléments sur lesquels il n'a
pourtant aucun impact. Ceci s'apparente à la pensée magique ou
à la création de sens (cF9) (Shiller,
1997, p21-22 ; Weick, 1993).
Maintenant que l'évaluation des alternatives est
effective, il s'agit de comprendre les critères de sélection lors
de politiques d'investissement
2.3.4. Critères de
Sélection
Les grandes familles des critères de sélections
sont, en majorité, toujours les mêmes. Elles se
répartissent en deux groupes. Quels sont les niveaux
d'acceptation ? Quels sont les objectifs des politiques
d'investissement ?
2.3.4.1. Biais de
Stratégie ou niveau d'acceptation
Généralement, le dirigeant cherche à
maximiser (dF1) voire à trouver au moins une
situation satisfaisante (dF2) (Simon 1955).
D'ailleurs ces éléments ont déjà été
présentés dans les précédentes parties.
Par contre, lors de politiques d'investissement, le dirigeant
est généralement contraint soit par défaut
(dF4) soit par besoin
(dF5). Par défaut, puisque son temps est
compté et qu'il doit tenir compte des compétences à
disposition (Kreiser et Marino, 2002). Par besoin, puisqu'il doit renouveler
les actifs permettant la remise à jour de son activité (tel que
les salariés, les machines, les brevets...).
En plus de ces niveaux, le décideur tente, à
travers ses décisions, à atteindre un objectif.
2.3.4.2. Biais
d'Intérêt ou Objectif
Bien évidemment, les mêmes éléments
que ceux présentés lors des décisions de financement
peuvent être traité. En revanche, d'autres sont plus
spécifiques aux décisions d'investissement. Par exemple, un
dirigeant ayant peur de perdre sa place, pourra inciter l'entreprise à
investir dans des projets idiosyncrasiques ou en recherches et
développement. Ces éléments font partis d'un domaine
opaque pour de potentiels successeurs du dirigeant, ce qui freinerait les
envies de concurrences externes. Dans ce contexte, l'égoïsme
(dF6) prime même si les stratégies de
politiques d'investissement peuvent aussi être bénéfique
pour l'entreprise (actionnaires et salariés)
(dF8 voire dF9 et
dF7)84(*).
Par contre, d'autres éléments, comme la
surenchère d'investissement en vue de masquer un projet
déficitaire, soit en retardant l'échéance, soit en
espérant un retour de situation, peuvent engendrer des crises au sein de
la firme voire sa déchéance, la faillite (cas de Syntex
Corporation de Shefrin, 2001, p8-9 ; Duhaime et Schwenk, 1983, p14).
Dans cette perspective, les biais comportementaux pouvant expliquer cette
attitude sont la peur, le refus d'accepter de reconnaître ses erreurs,
tenter de « préserver » sa réputation...
En résumé, les politiques d'investissement
s'inscrivent dans une vision partenaire de la gouvernance d'entreprise
(H6) et le comportement, ayant aussi bien un
rôle disciplinaire que productif (H7), peut
générer de nouvelles explications quand la politique
d'investissement restait inexpliquée par les théories
traditionnelles (H5).
Après avoir étudier les décisions de
financement et d'investissement, nous allons maintenant analyser les politiques
de rétribution qui, en plus d'être des décisions
d'investissements, influencent la structure de financement.
2.4. Décisions de
Rétribution
Avant de commencer cette partie, nous souhaitons expliquer
pourquoi nous traitons la politique de dividendes et de rachat d'actions
ensembles et séparément des décisions de financement et
d'investissement. Ce sont des cas particuliers qui font partie des politiques
d'investissement mais affectent largement la structure de capital de
l'entreprise puisque ce sont aussi des moyens de rétributions des
actionnaires. D'ailleurs un certain nombre d'éléments seront en
commun entre ces deux rétributions. De plus, le rachat d'actions de sa
propre entreprise peut permettre d'accéder à des projets
d'investissement - tel que l'achat d'entreprise, alliance, partenariat... - en
échangeant des actions en lieu et place de liquidités
(Opération Publique d'Echange - OPE - au lieu d'Opération
Publique d'Achat - OPA - ). Bien évidemment, il aurait été
possible de présenter ici, les remboursements de capital et les
intérêts des emprunts. Mais en fin de compte, il s'agit simplement
d'une résolution de contrat qui nécessite une étude de
comportement uniquement aux moments précontractuels et pour les
non-respects du contrat (eg hasard moral...). Or, ces
éléments ont été largement illustrés par les
théories telles que la sélection adverse, le risque moral, qui
sont des références implicites à l'étude du
comportement. Nous n'allons donc pas les présenter directement. Par
contre, certains éléments pourront être ajoutés aux
politiques que nous allons étudier.
La recherche dans ce domaine cherche à expliquer les
politiques de dividendes et de rachat d'actions. Pourquoi verser des dividendes
? Pourquoi racheter des actions ?
Au sein des théories explicatives de ces politiques,
nous allons en répertorier certaines comme celles de la propension
à payer des dividendes de Fama et French (2001), la « prime de
dividende » de Baker et Wurgler (2004), la théorie du Free
Cash Flow de Jensen (1986) et la théorie du signal.
Fama et French (2001) tentent d'expliquer la disparition de
paiement de dividendes. Ils prennent en compte deux explications : les
caractéristiques de l'entreprise et la propension à payer des
dividendes. Par contre, leur terme de propension reste implicite. En fait, une
approche comportementale permettrait une meilleure explication. De plus, Baker
et Wurgler (2004) établissent une corrélation entre la proportion
à verser des dividendes et l'existence d'une « prime de dividende
» établie par les investisseurs.
Dans un premier temps, nous allons essayer d'expliquer le
versement des dividendes par l'analyse du comportement même si certains
auteurs tel que Miller (1986) considère que dans le cas des politiques
de dividende, l'approche comportementale n'a qu'un apport qui se limite
à la microéconomie, aux cas spécifiques. En effet,
d'après cet auteur, l'étude du comportement est inutile pour
établir des théories générales. Nous
présenterons d'ailleurs un projet de recherche en réponse
à cette critique85(*).
Hypothèse 8 (H8) :
L'étude du comportement peut mieux expliquer les politiques de
rétribution des entreprises que les théories
actuelles.
Etant donné, que ces politiques sont des
rétributions possibles au financement, la vision actionnariale semble de
mise comme présentée lors de décisions de financement.
Nous allons donc principalement s'inspirer du courant de la finance de
marché comportementale.
Hypothèse 9 (H9) : Les agents,
dans le cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux.
Cette interaction affecte le comportement de chacun des
agents.
D'ailleurs, d'après Jensen (1986) et sa théorie
des Free Cash Flow, ces politiques de rétribution ont comme
principal rôle une dimension disciplinaire. Par contre, par exemple,
lorsque le rachat d'action est effectué en vue d'échanger des
actions dans le cadre d'un projet d'investissement cette politique engendre un
rôle productif.
Hypothèse 10 (H10) : Le
comportement, lors de décisions de distribution de dividendes ou de
rachat d'actions, a une dimension disciplinaire prédominante sur celle
productive.
En fait, dans ce domaine les questions sont
multiples :
Pourquoi verser des dividendes ? Pourquoi racheter des
actions ? Comme précédemment présenté mais
aussi : Quel montant accorder à ces politiques ?
Afin d'établir une première ébauche de
réponses, nous allons présenter l'environnement, puis les
préférences, ensuite l'évaluation et enfin la
sélection.
2.4.1. Connaissance de
l'environnement
Le domaine environnemental propice à ces politiques est
aussi bien le marché financier et les investisseurs que les entreprises
concurrentes, les potentiels partenaires et la firme elle-même. Dans ce
contexte, certains biais de récolte d'informations et de traitement de
connaissances sont à prendre en compte dans la prise de connaissance de
l'environnement.
2.4.1.1. Biais de
récolte et de sélection d'information
La politique de dividende est un des mécanismes
possibles de signal. D'après Fama et French (2001, p11), divers
éléments influencent cette politique. Parmi ceux-ci
l'étude des caractéristiques de l'entreprise. En fait, il s'agit
d'une étude des caractéristiques de l'entreprise pouvant affecter
la politique de dividendes. Ces éléments sont le niveau de
profit, les opportunités d'investissement et la taille. Il est donc
important d'avoir une connaissance pertinente de ces éléments
(aF1).
Tableau 8: Caractéristiques de la Firme (Vision
statique) 86(*)
|
Paie des dividendes
|
Ne paie plus de dividendes
|
N'a jamais payé de dividendes
|
Profits
|
Elevés
|
Très bas
|
Bas
|
Opportunités d'investissement
|
Faibles
|
Faibles
|
Nombreuses
|
Taille
|
Grande
|
Moyenne
|
Petite
|
Comme le présente ce tableau 9, la distribution de
dividendes est inversement proportionnelle au nombre des opportunités
d'investissement. D'ailleurs, Baker et Wurgler (2004) montrent que les
entreprises du secteur de nouvelles ou hautes technologies (par exemple :
informatique) ne versent pas de dividendes. Donc, par mimétisme ou
nécessité, les dirigeants s'accorderont
généralement avec la tendance du marché afin de ne pas
aller à l'encontre des idées reçues sur le marché
(dissonance cognitive et affective (aF4)) ce qui
pourrait les pénaliser lors de recherche de financement.
De plus, sans contrainte spécifique, pour des questions
de facilité, le dirigeant va généralement poursuivre sa
politique de dividendes habituelles (aF3), surtout
s'il en a déjà versés (biais de confirmation
(aF5)), puisque cela voudrait signaler au
marché que l'entreprise n'est plus performante (Fama et French,
2001 ; Jensen, 1986). En revanche, si la firme n'a encore jamais
versé de dividendes, elle attendra de voir la réaction du
marché au premier versement de dividendes afin de savoir s'il existe une
prime de dividendes (Baker et Wurgler, 2004)
(aF1)87(*).
En fait dans ce contexte, la surcharge cognitive ou affective
(aF6) n'est pas trop de mise puisque le dirigeant
répond à deux questions fermées - l'une n'excluant pas
l'autre (Fama et French, 2001, p35) - dans un premier temps :
. Est-ce que je verse des dividendes ?
. Est-ce que je rachète des actions de mon
entreprise ?
Par contre, il doit connaître en grande ligne
l'environnement de son entreprise afin de répondre correctement à
ces questions. Le rachat d'actions semble similaire à la politique de
dividende même si la première est plus ponctuelle et non
constante. Le rachat d'action n'a donc pas de relation historique
avancée. Une fois que toutes ces informations sont à sa
disposition, il faut les traiter.
2.4.1.2. Biais de
traitement et d'utilisation des connaissances
(références)
Le traitement des informations en connaissances peut
être freiné ou facilité par différents biais.
D'ailleurs, Fama et French (2001, p23) présentent une relation dynamique
de la politique de dividendes. En effet, comme présenté
précédemment pour d'autres raisons, une entreprise
généralement à une tendance, une
« propension » à poursuivre la même politique
de dividendes. Il s'agit d'un ancrage (aF7) de la
politique de dividendes. En effet, si une entreprise a déjà
versé des dividendes les années précédentes, les
investisseurs s'attendent à que celle-ci continue. Dans ce contexte, il
est considéré comme normal la distribution de dividendes. Par
contre, s'il s'avère que l'entreprise n'en verse pas, cela donnera un
signal (aF9) au marché comme quoi l'entreprise
est en difficulté puisque le paiement du dividende fait partie de la
théorie du signal et de la théorie du free cash-flow de
Jensen (1986) afin de démontrer que l'entreprise n'est pas encore dans
une phase de déclin. D'ailleurs, d'après la théorie du
free Cash Flow de Jensen (1986), les investisseurs suggéreront
(aF9) des versements de dividendes suivant la
situation économique de l'entreprise (principalement entreprise à
maturité et ayant des profits, voir tableau 9). En fait, le cadrage
(aF8) dans une politique de dividende est très
important pour les changements de politiques. En effet, cela implique un
message de bonne santé ou de difficulté de la firme.
En ce qui concerne le rachat d'actions, la perception est
différente. En effet, il s'agit d'une politique ponctuelle,
hérétique. D'ailleurs, contrairement à une politique de
dividendes, lorsque qu'une entreprise vient de racheter ses propres actions,
l'investisseur n'a pas tendance à croire que celle-ci va
récidiver sa politique l'année suivante
(aF1088(*)). Il s'agit d'éléments de
rétributions complémentaires à la politique de dividendes
(Fama et French, 2001, p35).
L'étude de l'environnement étant achevée,
nous allons aborder les systèmes de préférences.
2.4.2. Système de
Préférences
Les systèmes de préférences pour les
politiques de rétribution s'organisent autour de deux catégories
d'agents : les actionnaires ou bénéficiaires et le(s)
décideur(s) des politiques de rétribution. Nous allons donc
présenter au moins ces deux perspectives à travers les biais de
valeurs et de « danger ».
2.4.2.1. Biais de
valeurs
D'après Baker et Wurgler (2004), le décideur
observe le marché afin de savoir si les investisseurs offrent pour cette
année ou pour une certaine période une « prime de
dividendes ». Cette prime montre l'intérêt que portent
les actionnaires au versement de dividendes. Souhaitent-ils recevoir des
dividendes ? Dans ces conditions, le système de
préférence n'est pas stable (non bF1).
En fait, elle fluctue suivant les conditions économiques du
marché. Bien évidemment, un dividende est un gain pour
l'investisseur. Par contre, il s'agit d'une perte pour l'entreprise. La firme
aurait donc tendance à ne pas vouloir payer de dividendes
(bF489(*)) (Glaser et al., 2003 ; diminution des
propensions présentée par Fama et French, 2001).
De plus, l'investisseur accorde plus d'importance à un
versement de dividendes assez proche dans le temps qu'un coupon qui sera
versé plus tard (bF590(*)) (Baker et al., 2004,
p30 ; Barberis et Thaler, 2002).
Par ailleurs, la différence de valeur entre les
versements de dividendes et les rachats d'actions se matérialise
principalement sur les règles d'imposition divergente entre ces deux
mécanismes de rétribution. Pour retirer la plus-value des rachats
d'actions, il faut vendre les actions. La plus-value se calcule
généralement net d'impôt
(bF391(*)). La taxation étant propre à chaque
pays et n'étant pas l'objet de notre recherche, nous n'allons pas la
présenter mise à part une petite présentation
franco-française. Le payement de dividende
(Div) est sujet à un prélèvement
libératoire (PL) tandis que les ventes
d'actions (vA) sont imposées par l'impôt
sur les revenus (soit la tranche marginale supérieure de l'impôt
sur les revenus : tsupIR) et aux frais de ventes
de leur intermédiaire bancaire (fvIB). Donc un
individu avec un fort revenu (comme les dirigeants, les principaux
investisseurs...), étant fortement imposé sur les revenus,
préfèrera le versement de dividendes et, les autres, inversement,
souhaiterons une augmentation de leurs titres. En fait, la
préférence se décline suivant la résolution de
cette équation :
Tableau 9: Equation de valeur nette des
rétributions 92(*)
Div * (1 - PL) ? vA * (1 - fvIB) * (1 -
tsupIR)
|
?
|
Préférence
|
=
|
Pas d'importance
|
<
|
Rachats d'Actions
|
>
|
Versement de Dividendes
|
Du point de vu du dirigeant, en dehors de son comportement
d'actionnaire, préfèrera avoir une politique de rachats d'action,
s'il perçoit que le marché sous-évalue la valeur de son
entreprise (Baker et al., 2004, p23).
Dans ce contexte, seulement pour l'investisseur, les
systèmes de préférence sont bien organisés /
hiérarchisés (bF2). Maintenant que les
biais de valeurs des systèmes de préférence sont
traités, nous passons aux biais de danger.
2.4.2.2. Biais de
« Danger »
Dans un premier temps, nous aborderons la vision des
investisseurs et, dans un second temps, la vision du dirigeant. Une politique
de dividendes est un moyen d'assurer une rétribution
régulière sans vendre les actions de l'entreprise. Il s'agit donc
d'un moyen de réaliser avec certitude des gains
(bF9). En même temps, cela réduit les
risques sur les fluctuations de la cotation de la firme
(bF893(*)) contrairement au rachat d'actions (Baker et
al., 2004 ; Mullainathan et Thaler, 2000).
D'un autre côté, le dirigeant, au travers des
rachats d'actions sollicite l'incertitude en cas de pertes
(bF10) mais prône la protection et le
conservatisme (bF11) pour le contrôle de son
entreprise en réduisant les prises de contrôle d'une entreprise
concurrente dans son capital. Ce type de conservatisme est donc un moyen de
contrecarrer un risque de perte de contrôle
(bF8) (Barberis et Thaler, 2002, p57).
Après les différences de systèmes de
préférences, nous abordons, dès à présent,
les biais d'évaluations de ces alternatives.
2.4.3. Capacité
d'Evaluation
L'évaluation des alternatives peut être
altérée par différents biais aussi bien de capacité
de calcul que de modification des perceptions. Tout ceci influence le
comportement lors des politiques de rétributions. En fait, il est
important d'avoir à l'esprit que le décideur doit calculer les
différentes alternatives mais aussi les valeurs de comparaison comme
celle de la valeur de marché de l'entreprise qui n'est pas directement
liée aux évaluations des alternatives.
2.4.3.1. Biais de
Capacité de calcul
Dans le cadre de l'évaluation des alternatives, les
individus effectuent successivement les évaluations (non
cF2)94(*) puisqu'ils sont sujets au compartimentage mental
(cF5) (Barberis et Thaler, 2002, p56). Il peut donc
arriver de nouvelles informations entre temps ce qui peut bouleverser les
précédentes évaluations, surtout sur le marché
financier. D'autre part, il peut arriver, qu'entre deux calculs, il y a des
erreurs de représentativité différentes
(cF6) qui peuvent être dues à une
capacité cognitive et affective (cF4)
fluctuante entre les évaluations d'alternatives (Loewenstein, 2000).
Bien évidemment, par apprentissage (cF3),
certains de ces éléments peuvent être corrigés ou
par échange avec le conseil d'administration (Forbes et Milliken, 1999,
p495). Il en est de même pour les évaluations de la valeur de
l'entreprise.
En fait, une politique de dividende est aisément
calculable pour évaluer sa valeur pécuniaire. Par contre,
l'évaluation de la perception des décideurs est plus difficile,
d'où l'étude de la prime de dividende de Baker et Wurgler (2004).
De plus, ce calcul nécessite aussi la prise en compte du coût
d'arrêt d'une telle politique de dividende ou la
réitération de celle-ci durant les prochaines périodes
(cF4 et cF5)95(*).
D'un autre côté, l'évaluation des
politiques de rachat d'actions n'a pas cette nécessité de
pérennité ou ce coût d'arrêt. En revanche,
l'évaluation est beaucoup plus fluctuante étant donné
qu'elle est indexée sur le cours de l'action. De plus, le calcul de la
répercussion de cette politique sur le cours des actions est encore plus
difficile à établir (non cF1).
En plus de ces biais de capacité de calcul, il existe
d'autres biais qui modifient les évaluations des alternatives.
2.4.3.2. Biais de
Modification d'évaluation
Pour ce qui concerne les biais modifiant les perceptions
d'évaluation, le dirigeant est le principal agent dont le comportement
est à étudier dans ce contexte. Un dirigeant optimisme
(cF7) ou surconfiant (cF8)
perçoit beaucoup plus d'opportunités d'investissement (Baker et
al., 2004 ; Heaton, 2002, Malmendier et Tate, 2002). Il n'aura
donc pas tendance à réaliser des politiques de dividendes. Par
contre, un dirigeant avec ce type d'attitude considérera que le
marché sous performe la valeur réelle de son entreprise. Il aura
donc intérêt à racheter les actions afin de réaliser
une plus-value sur la valorisation de la firme s'il a les fonds.
A fortiori, en cas de crise, ce type de dirigeant
considérera que ce n'est qu'une petite phase passagère, soit par
orgueil puisqu'il ne veut pas admettre l'échec de son entreprise, soit
par habitude, soit par la peur de perdre ses investisseurs, voire par une
pensée magique (cF9) en considérant que
le paiement de dividendes va donner un signal relançant
l'activité l'entreprise.
Maintenant que l'ensemble de ces critères a
été présenté, nous étudions les
critères de sélection.
2.4.4. Critères de
Sélection
Les deux mécanismes de rétribution n'ont pas les
mêmes caractéristiques en ce qui concerne les critères de
sélection. En effet, la politique de dividende peut être
considérée comme une dépense nette du point de vue
pécuniaire. En revanche, les politiques de rachat d'actions peuvent
être perçues comme un moyen d'échange ou d'investissement
qu'il est possible de repositionner sur le marché en les vendant et donc
reconstituer des liquidités. En effet, tant que ces actions ne sont pas
retirées du marché, cette politique est réversible.
Les critères de sélections se déclinent
en niveau d'acceptation et de détermination d'objectifs.
2.4.4.1. Biais de
Stratégie ou niveau d'acceptation
Nous verrons dans un premier temps la politique de dividendes
et ensuite le rachat d'action. Lors de politiques de dividendes, le dirigeant
ne décide pas de maximiser (non dF1) sa
richesse hormis s'il est actionnaire, surtout s'il est majoritaire. Mais, en
fait, il lui serait plus « profitable » d'utiliser d'autres
mécanismes pour maximiser sa richesse. En effet, une politique de
dividende est de facto contrainte par le conseil d'administration et
les actionnaires quand cela est possible. Contrainte par défaut
(dF4), s'il n'a pas d'autres opportunités
d'investissement. Contrainte par besoin (dF5), si les
actionnaires ne votent le budget que s'il affiche une politique de dividende
(Free Cash Flow Theory de Jensen, 1986). Par contre, le
décideur peut considérer comme satisfaisant
(dF3) une politique de dividende. En effet, s'il veut
obtenir des financements par le marché ou être mieux
valorisé par ce même marché, il peut considérer
dérisoire le coût de la politique de dividendes.
Dans un second temps, une politique de rachat d'action peut,
contrairement à la politique de dividende, être un moyen pour
maximiser (dF1) les profits de l'entreprise en
achetant les actions de cette dernière lorsqu'elles sont
sous-évaluées par le marché et les revendre lorsqu'elles
sont surévaluées (Baker et al., 2004, p23). De plus, le
dirigeant peut être contraint par besoin (dF5)
de racheter des actions en vue de se préserver des prises de
contrôle par les concurrents ou par défaut
(dF4) en vue d'une politique d'investissement
à long terme d'échange d'action qui peut d'ailleurs être
une décision satisfaisante (dF3).
Maintenant que les biais de stratégies sont
présentés, nous allons étudier les biais
d'intérêt ou d'objectif des critères de
sélection.
2.4.4.2. Biais
d'Intérêt ou Objectif
Pour une politique de dividendes, le principal objectif est de
signaler que l'entreprise, même si elle est à maturité, est
toujours rentable (Jensen, 1986). Cela peut se faire de facto sans
pression du conseil d'administration. Dans ces conditions, le dirigeant peut
être considéré comme ayant un objectif de
réciprocité (dF8), de
réputation, de loyauté (dF9) voire
altruiste (dF7). En revanche, le dirigeant, par
égoïsme (dF6), rationnel ou non, peut
verser des dividendes mêmes si l'entreprise est en déclin afin de
cacher la situation. De même, il peut tenter de protéger sa
réputation.
Lors de rachat d'actions, l'objectif est beaucoup plus
difficile à appréhender. Une des principale piste est le maintien
du contrôle de l'entreprise par elle-même et donc a
fortiori augmenter le pouvoir du dirigeant face aux actionnaires, surtout
s'il devient majoritaire (dF6). S'il opère
pour une politique à long terme d'investissement par échange
d'action, par exemple, ou pour protéger l'entreprise contre des achats
hostiles, cette démarche peut avoir des penchants altruistes
(dF7), de réciprocité
(dF8), de loyauté
(dF9)...
D'après tous les éléments
présentés dans cette partie, nous pouvons considérer que
les différentes hypothèses sont validées. Ces politiques
s'organisent principalement au sein de la vision actionnariale de la
gouvernance (H9). De plus, le comportement, dans ce
contexte, est majoritairement disciplinaire même si certains sont
productifs (H10).Enfin, l'étude du
comportement au sein des politiques de dividendes et de rachat d'actions,
apporte un pouvoir explicatif supplémentaire à celles provenant
des théories actuelles (H8).
Après avoir référencé une
multitude, non exhaustive, des influences du comportement sur la finance
d'entreprise et avoir présenté le pouvoir explicatif prometteur
de la finance d'entreprise comportementale, nous présentons le projet de
recherche.
3. PROJET DE
RECHERCHE
Ce projet de recherche se décline par une
modélisation, des hypothèses testables et une démarche
préconisée pour cette étude. Il est évident que ce
projet est une première ébauche qui nécessitera des
approfondissements durant la thèse. Comme le suggère le terme de
première ébauche, toute cette partie doit être
appréciée avec réserve.
3.1.
Modélisation
L'élément essentiel de la recherche en finance
d'entreprise comportementale est le processus de prise de décision du
dirigeant qui est en relation presque permanente avec le conseil
d'administration. Or, d'après Larcker et al. (2004), les
études empiriques n'ont pas validé l'importance des
systèmes de gouvernance au sein de l'entreprise. De plus, d'après
Miller (1986) pour les politiques de dividendes, les approches comportementales
peuvent jouer un rôle dans les études cliniques. Mais cet auteur
prétend que ces mêmes approches n'ont aucune utilité dans
une perspective macroéconomique ou dans les théories normatives,
générales. Il serait donc intéressant d'analyser les
contributions de la finance d'entreprise comportementale lors des prises de
décisions du dirigeant au travers du conseil d'administration96(*). L'objectif serait
d'étudier l'influence de la gouvernance dans ce domaine et de
déterminer si les approches comportementales puissent apporter de
meilleures explications aussi bien pour des études de cas que pour des
tests statistiques.
Dans la situation actuelle, nous envisageons donc une double
modélisation. La première consisterait à développer
les processus de décisions en s'appuyant sur les approches
comportementales. La seconde porterait sur la constitution d'un système
d'équation de comparaison entre les pouvoirs explicatifs des
théories traditionnelles et celles des théories avec
l'introduction des approches comportementales pour chacun des domaines de la
finance d'entreprise.
3.1.1. Développement
théorique : Processus de décision en finance d'entreprise
comportementale
Nous pourrions extrapoler un processus de décision
coïncident avec les différentes démarches afin de
représenter le comportement d'un ou d'un groupe d'individus lors de la
prise de décision. Il s'agirait de concilier au mieux les
différentes approches afin d'être plus représentatif de la
réalité. Ce processus serait basé sur la prise de
décision par objection d'Anderson (1983).
Décision(s)
Connaissance de l'Environnement
Système de Préférences
Capacité d'Evaluation
Critères de Sélection
Schéma 003: Critères comportementaux du
processus de décision
A l'aide d'une étude clinique et en approfondissant le
schéma 397(*), il
s'agira d'étudier le comportement de chaque membre et leur interaction
durant les prises de décisions effectuées au sein du conseil
d'administration afin de déterminer quels sont les facteurs
comportementaux qui influencent les décisions en finance
d'entreprise.
L'intérêt serait de mieux considérer ces
différents critères dans le processus de décision, qu'il
soit individuel ou de groupe, et de les intégrer véritablement
dans les différents processus de décision.
Une fois l'analyse théorique achevée, il sera
possible de constituer une étude empirique.
3.1.2. Développement
empirique : Pouvoir explicatif de la finance d'entreprise
comportementale
L'étude empirique permettrait d'évaluer si le
pouvoir explicatif du comportement est viable aussi bien au niveau micro qu'au
niveau macroéconomique en finance d'entreprise comportementale.
Il s'agirait d'évaluer les coûts (C) et les
profits (P) des critères comportementaux de la prise de décision
afin de déterminer lesquels sont les plus rentables (R), importants.
Le test pourrait donc se constituer d'un système
d'équations afin de savoir quels sont les critères
comportementaux qui freinent ou dynamisent la finance d'entreprise :
. Niveau de connaissance de l'environnement
(aF) RaF =
CaF - PaF
. Etablissement du système de préférence
(bF) RbF =
CbF - PbF
. Capacité d'évaluation des alternatives
(cF) RcF =
CcF - PcF
. Critère de sélection ou de non
sélection (dF) RdF
= CdF - PdF
D'ailleurs l'ensemble devrait permettre de comprendre pourquoi
telle ou telle décision (D) est prise.
D = RaF + RbF +
RcF + RdF + Nf + Nh
98(*)
Cette « équation » devra être
comparée avec l'équation similaire qui est propre aux
théories traditionnelles afin d'évaluer réellement
l'écart du pouvoir prédictif entre ces deux types d'explication
des théories en finance d'entreprise. De plus, il est possible de
détailler encore plus ces éléments en incorporant les
facteurs présentés dans les parties précédentes du
mémoire.
Le sujet de comportement en finance d'entreprise est tellement
vaste et complexe qu'il est difficile à l'heure actuelle
d'établir une modélisation du projet de recherche, surtout sans
avoir effectuer une mise en situation. Nous allons donc présenter une
première vague d'hypothèses testables.
3.2. Hypothèses
testables
Quelles sont les hypothèses que nous pourrions
tester ? En fait, il serait théoriquement possible de
décliner les « modélisations »
précédentes pour chaque type de décisions et pour chaque
sujet d'étude tel que le rôle disciplinaire et productif...
Voici donc une liste d'hypothèses pouvant être
intéressante à tester, en sus, des éléments
présentés précédemment durant cette
recherche :99(*)
. H1 : L'étude du comportement réforme le
paradigme de la rationalité.
. H2 : L'effet de groupe discipline les comportements des
membres.
. H3 : Les différences de comportement assurent
à l'entreprise une capacité d'innovations plus importante que si
les individus étaient identiques
. H4 : Les différences de comportements ne sont
pas uniquement culturelles (entre les pays). Il existe même au sein des
membres d'une même famille.
. H5 : La culture d'entreprise est créée
par l'accumulation historique des comportements du dirigeant.
. ...
Ces hypothèses sont à décliner suivant le
processus de décision, les décisions de financement,
d'investissement et de rétribution.
Nous avons identifié des éléments que
nous pourrions tester, mais quelle démarche allons-nous suivre afin
d'assurer cette étude ?
3.3. Démarche
préconisée
Notre démarche doit tenir compte que durant cette
étude nous nous confronterons avec la possibilité de
révolutionner le paradigme de l'efficience et principalement le
paradigme de la rationalité. Notre méthodologie doit donc
envisager et inclure une partie d'épistémologie et une
démarche empirico-formelle.
3.3.1.
Epistémologie
Tout changement de paradigme comporte une dimension
épistémologique. Il en résulte que la validité des
arguments est propre aux affinités de chacun. La plupart des courants
recherchent un réalisme dans leurs hypothèses sous-jacentes
contrairement au courant Friedmannien qui ne considère que le pouvoir
prédictif des théories. À défaut d'être
neutre de tout courant épistémologique, nous présenterons
chaque argument avancé dans leur cadre épistémologique de
prédilection et étudierons leur validité au sein des
autres courants.
A partir du moment, par principe de précaution, que les
quiproquos concernant les courants utilisés sont écartés,
nous pouvons aborder la démarche méthodologique
envisagée.
3.3.2. Démarche
empirico-formelle
Revue de littérature
Etude qualitative
Etude quantitative
Hypothèses
Variables
Validations
Cette recherche suivra principalement une démarche
méthodologique empirico-formelle. Dans cette perspective, nous
approfondirons la revue de la littérature. Par la suite, les
hypothèses issues de cette synthèse seront formalisées en
variables grâce à une étude qualitative de
découverte (étude factorielle ou/et de cas cliniques :
entretien, observations, jeux de rôle) afin d'identifier les
différents vecteurs comportementaux de la prise de décision au
sein de l'entreprise. Dans un second temps, la validité des
hypothèses et les mesures des pouvoirs explicatifs de ces variables
seront testées à l'aide d'une étude, cette fois-ci,
quantitative (test statistique). L'ensemble de cette recherche permettra de
clairement préciser l'influence, et donc, l'intérêt de ces
variables comportementales en finance d'entreprise.
La présentation du projet de recherche touchant
à sa fin, nous allons synthétiser notre recherche au sein de la
conclusion qui va suivre.
Conclusion : Apports
& Limites
Tout au long de cette recherche, nous avons tenté de
synthétiser et d'articuler différents concepts de la finance
d'entreprise comportementale. De plus, nous avons essayé d'anticiper
certaines des évolutions futures de ce domaine.
En résumé, la recherche en finance d'entreprise
comportementale est assez récente et ce domaine se développe de
plus en plus. Généralement l'étude comportementale tente
de relaxer les hypothèses auxiliaires trop stricte de
l'« homo economicus » au sein du paradigme de la
rationalité substantive de la finance d'entreprise.
Pour cela nous avons exploré les différentes
dimensions comportementales dont les principales sont les aspects cognitifs et
affectifs et le contexte individuel ou collectif des prises de
décision.
Afin de promouvoir un développement des approches
comportementales et de la neuroéconomie pouvant apporter un plus grand
pouvoir explicatif que les théories traditionnelles de la finance
d'entreprise, nous avons comparé ces différentes théories
et explicité l'utilisation des études comportementales. Les
différents facteurs explicatifs se déclinent par la connaissance
de l'environnement, les systèmes de préférences, les
capacités d'évaluation et les critères de
sélections. Il existe une multitude de biais comportementaux qui semble
opportun d'aborder. Parmi ceux-ci, nous avons présenté certains
biais tels que les dissonances et les surcharges cognitives et affectives, les
habitudes, les références et les cadrages, l'effet de dotation,
la myopie temporelle, l'aversion aux pertes et aux risques, la perception de
l'incertitude, les capacités cognitives et affectives, le
compartimentage mental, l'optimisme, l'excès de confiance, les
pensées magiques, les contraintes, l'altruisme, ...
A travers les diverses études présentées
sur les décisions de financement, d'investissement et de
rétributions, les approches comportementales semblent mieux expliquer la
réalité. En effet, la mise en perspective des comportements
agrémente les dimensions disciplinaires et productives de la gouvernance
et ses visions actionnariales et partenariales. Tous ces éléments
entrouvrent un domaine de recherche très vaste.
Bien évidemment, il s'agit d'une étude
exploratoire de la finance d'entreprise comportementale. Elle comprend donc
toutes les réserves propres à ce type d'étude. De plus,
étant donné que le champ de recherche en finance d'entreprise
comportementale est récent, les notions et le vocabulaire ne sont pas
encore clairement définis et admis. Dans ce contexte, les typologies
présentées ne sont qu'indicatives et elles sont donc sujettes
à discussions.
Toutefois, cette recherche permet d'entrevoir des apports
managériaux. En effet, la prise en compte des biais comportementaux
voire la formation des dirigeants pourraient expliquer les risques lors de
prises de décision des dirigeants ainsi que les enjeux
(responsabilité et influences) de ces diverses mises en applications
auprès des personnes concernées
Table des annexes
ANNEXE 1 : LISTE DES POSTULATS,
FACTEURS, HYPOTHÈSES
89
ANNEXE 2 : IMAGERIE
CÉRÉBRALE DES ZONES COGNITIVES ET AFFECTIVES
93
ANNEXE 3 : IMAGERIE D'ACTIVITÉ
CÉRÉBRALE
94
Annexe 1 : Liste des
Postulats, Facteurs, Hypothèses
Liste des Postulats et Hypothèse
traditionnelle :
. Postulat 1 (P1) : La firme est un noeud de
compétences spécifiques.
. Postulat 2 (P2) : L'entreprise est une
société managériale.
. Postulat 3a (P3a) : le marché n'est pas
efficient.
. Postulat 3b (P3b) : le marché est
efficient.
. Hypothèse A (HA) : L'homme est totalement
rationnel (rationalité substantive).
Liste des Facteurs :
. Facteur a (aF) : Connaissance de
l'environnement.
- Biais de récolte et de sélection
d'information
* Facteur a1 (aF1) : une connaissance pertinente
de l'environnement.
* Facteur a3 (aF3) : habitudes et routines.
* Facteur a4 (aF4) : dissonance cognitive ou
affective.
* Facteur a5 (aF5) : biais de confirmation.
* Facteur a6 (aF6) : surcharge cognitive ou
affective.
- Biais de traitement et d'utilisation des connaissances
(références)
* Facteur a2 (aF2) : une connaissance claire de
l'environnement.
* Facteur a7 (aF7) : ancrage.
* Facteur a8 (aF8) : cadre.
* Facteur a9 (aF9) : suggestion.
* Facteur a10 (aF10) : croyance.
. Facteur b (bF) : Préférences
- Biais de valeurs
* Facteur b1 (bF1) : un système de
préférence stable dans le temps.
* Facteur b2 (bF2) : un système de
préférence bien organisé/hiérarchisé.
* Facteur b3 (bF3) : valeur relative.
* Facteur b4 (bF4) : aversion aux pertes.
* Facteur b5 (bF5) : myopie temporelle.
* Facteur b6 (bF6) : biais de domicile.
* Facteur b7 (bF7) : effet de dotation.
- Biais de « Danger »
* Facteur b8 (bF8) : aversion aux risques.
* Facteur b9 (bF9) : aversion à
l'incertitude pour les gains.
* Facteur b10 (bF10) : préférence
pour l'incertitude en cas de pertes.
* Facteur b11 (bF11) : conservatisme.
. Facteur c (cF) : Evaluation
- Biais de Capacité de calcul
* Facteur c1 (cF1) : une capacité
calculatoire illimitée.
* Facteur c2 (cF2) : une capacité
calculatoire simultanée.
* Facteur c3 (cF3) : apprentissage.
* Facteur c4 (cF4) : capacité cognitive et
affective.
* Facteur c5 (cF5) : compartimentage mental.
* Facteur c6 (cF6) : erreurs de
représentativité.
- Biais de Modification d'évaluation
* Facteur c7 (cF7) : optimisme.
* Facteur c8 (cF8) : excès de confiance ou
« surconfiance ».
* Facteur c9 (cF9) : pensée magique ou
création de sens.
. Facteur d (dF) : Critères de
Sélection
- Biais de Stratégie ou niveau d'acceptation
* Facteur d1 (dF1) : L'homme cherche à
maximiser.
* Facteur d3 (dF3) : L'homme cherche une
décision satisfaisante.
* Facteur d4 (dF4) : L'homme est contraint par
défaut.
* Facteur d5 (dF5) : L'homme est contraint par
besoin.
- Biais d'Intérêt ou Objectif
* Facteur d2 (dF2) : Le critère de
sélection de l'alternative est l'utilité calculée.
* Facteur d6 (dF6) : égoïsme.
* Facteur d7 (dF7) : altruisme.
* Facteur d8 (dF8) : réciprocité.
* Facteur d9 (dF9) : loyauté.
Liste des
Hypothèses :
. Hypothèse 1 (H1) : Le processus de
décision a un pouvoir explicatif sur les décisions en finance
d'entreprise.
. Hypothèse 2 (H2) : L'étude du
comportement permet de mieux expliquer la structure de capital des entreprises
que les théories actuelles.
. Hypothèse 3 (H3) : Les agents, dans le
cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux. Cette
interaction affecte le comportement de chaque agent.
. Hypothèse 4 (H4) : Le comportement, lors
de décisions de financement, a une dimension disciplinaire et une
dimension productive.
. Hypothèse 5 (H5) : L'étude du
comportement peut mieux expliquer les politiques d'investissements des
entreprises que les théories actuelles.
. Hypothèse 6 (H6) : Les agents, dans le
cadre de la vision partenariale, agissent et interagissent entre eux. Cette
interaction affecte le comportement de chacun des agents.
. Hypothèse 7 (H7) : Le comportement, lors
de décisions d'investissement, a une dimension disciplinaire et une
dimension productive.
. Hypothèse 8 (H8) : L'étude du
comportement peut mieux expliquer les politiques de dividendes et de rachat
d'actions des entreprises que les théories actuelles.
. Hypothèse 9 (H9) : Les agents, dans le
cadre de la vision actionnariale, agissent et interagissent entre eux. Cette
interaction affecte le comportement de chacun des agents.
. Hypothèse 10 (H10) : Le comportement,
lors de décisions de distribution de dividendes ou de rachat d'actions,
a une dimension disciplinaire prédominante sur celle productive.
Annexe 2 : Imagerie
cérébrale des zones cognitives et affectives
Certaines zones du cerveau humain pouvant être
mobilisées par une activité économique (Camerer et
al., 2004, p86)
Somatosensory
Visual
cortex
Cognitive
control
«interrupt
Automatic
affect
Brodmann 10
L insula R insula
Annexe 3 : Imagerie
d'activité cérébrale
Activité cérébrale lors de la
première partie de Tétris (gauche) puis après Plusieurs
semaines de pratique (Haier et al., 1992)100(*)
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* 1 Development of Behavioral
approaches and Neuroeconomics: Which consequences for the development of
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* 2 E-mail :
lionel_tolle@hotmail.com
& Website :
http://lionel.tolle.free.fr/
* 3 Le terme de
« surconfiance » pour présenter l'excès de
confiance est usité par une multitude d'auteurs d'articles dont Baker et
al. (2004), Charreaux (2005)...
* 4 Figure 26.1 page 28 dans
l'article de Glaser et al. (2003)
* 5 Kuhn (1983, p 92) :
« Bref, consciemment ou non, la décision d'employer un
appareillage particulier, d'une manière particulière, sous-entend
qu'un certain genre de circonstances seulement se présentera. Sur le
plan instrumental comme sur le plan théorique on s'attend à
certains résultats et cela a souvent joué un rôle
décisif dans le développement scientifique. »
* 6 L'image du puzzle au sien de
la recherche en finance et dans bien d'autres domaines est largement
usitée. Par exemple, Myers (1984) utilise ce terme.
* 7 Principalement dans la
partie 2.2 « Décisions de financement »
* 8 Firme comme noeud de
compétences spécifiques
* 9 Société
managériale
* 10 Principalement dans la
partie 2.4 « décision de rétribution »
* 11 Société
managériale cotée en bourse
* 12 terme usité par
Myers
* 13 Précision
complémentaire au Postulat 2 de l'entreprise
managériale.
* 14 Marché non
efficient (P3a) et marché efficient
(P3b)
* 15 terme usité par
Mullainathan et Thaler (2000) et bien d'autres auteurs
* 16 selon Kuhn (1983)
* 17 Ce tableau est une
traduction approximative de celui de Camerer (2003, p 4) étant
donné que le vocabulaire n'est pas encore normalisé.
* 18 Théorie
présentée par Kahneman et Tversky (1979) « Prospect
Theory ».
* 19 Traduction
« maladroite » du terme anglais
« stickiness »
* 20 Inspiré du tableau
synthétique et de la présentation des principaux courants
comportementaux de Charreaux (2005). Ce tableau est surtout introduit afin de
montrer la variété des courants comportementaux en
économie et en sciences de gestion. Certain classement d'auteurs peuvent
être contestés étant donnée que certaines
frontières entre les courants peuvent être très friables.
De plus, ce tableau n'est pas exhaustif.
* 21 Camerer et al.
(2004), Delacour (1998) présentent, dans leur article, de plus amples
présentations des outils et informations sur les approches des
neurosciences cognitives.
* 22 La liste ci-dessous
présente un condensé historique de Delacour (1998). Les auteurs
présentés sont donc des références, issues du
domaine de la psychologie, propres à cet ouvrage.
* 23 Versus (vs)
* 24 Kuhn (1983, p 92)
* 25 L'individu en psychanalyse
est nommé « sujet ».
* 26 LaPorta et al.
(2000), Charreaux (2002a), Parisi et Smith (2005), Forbes et Milliken (1999)
...
* 27 Camerer et al.
(2004) illustrent leur typologie par une matrice présentée dans
les annexes de leur article : Table 1 page 85.
* 28 Charreaux (2005, p7)
achève une synthèse, afin de définir le comportement, avec
une traduction approximative du tableau établi en anglais par Greenfinch
(2005) sur le site internet qu'il consacre à la finance comportementale.
Depuis, Greenfinch (2005) a réalisé ce même tableau en
français.
* 29 Voir Annexe 2 issu de
Camerer et al., 2004 et l'introduction à la neuroscience de
Delacour (1998).
* 30 SRSM :
Sozialized, Role-playing and Sanctioned Man de Brunner (1987,
p375).
* 31 Efficience du
marché si les investisseurs sont rationnels.
* 32 Maximisation de la
richesse du manager si le manager est rationnel.
* 33 Rationalité
Substantive
* 34 Tableau 1 de l'article de
Charreaux (2002a) présentant le rôle productif des actionnaires
industriels et institutionnels.
* 35 Principalement dans la
section 2.3 Décisions d'investissement sur les opportunités.
* 36 L'ensemble du classement
des facteurs comportementaux est repris dans l'annexe 1.
* 37 Pour ne pas alourdir le
Schéma 3, nous avons préféré ne pas faire figurer
ce feedback reliant la décision à la connaissance de
l'environnement.
* 38 Ceci correspond aussi
à la dépendance de sentier ou path dependency.
* 39 Le compartimentage fait
allusion aux différentes zones du cerveau qui n'ont pas une
activité conjointe. Chaque zone interprète, suivant sa fonction,
une partie du message.
* 40 Garbage Can
Model : Modèle de la poubelle.
* 41 IA - Intelligence
Artificielle.
* 42 Connaissance pertinente de
l'environnement
* 43 Détail
ci-après ou voir liste complète des facteurs dans l'annexe 1
* 44 Habitudes et routines
* 45 Suggestion
* 46 Tableau inspiré par
Anderson (1983, p215) lors de sa restitution de March et Simon (1958).
* 47 Aversion aux pertes
* 48 Préférence
pour l'incertitude en cas de pertes
* 49 Aversion à
l'incertitude en cas de gains.
* 50 Apprentissage
* 51 Section 2.3
Décisions d'Investissement.
* 52 Traduction des termes de
Mullainathan et Thaler (2000) par Charreaux (2005, p5).
* 53 Pensée magique ou
création de sens.
* 54 Maximisation
(Maximizing)
* 55 Satisfaction
(Satisfycing)
* 56 Contraint par
défaut
* 57 Contraint par besoin
* 58 Altruisme
* 59 Sense-making de
Weick (1993)
* 60
H1 : Le processus de décision a un
pouvoir explicatif sur les décisions en finance d'entreprise.
* 61 En référence
à l'utilisation de la théorie des jeux.
* 62 Au sens de Baker et
al. (2004) et de Shefrin (2001).
* 63 Eg : Exempli
gratia = par exemple, pour exemple.
* 64 entreprise
managériale
* 65 Valeur relative
* 66 Aversion aux pertes
* 67
bF5 : myopie temporelle
* 68 Aversion aux risques
* 69 Aversion à
l'incertitude en cas de gains
* 70 Préférence
pour l'incertitude en cas de pertes.
* 71 Capacité
calculatoire simultanée
* 72 Capacité cognitive
et affective
* 73 Capacité
calculatoire illimitée
* 74 Contraint par
défaut
* 75 Contraint par besoin
* 76
Réciprocité
* 77 Utilité
* 78 Egoïsme
* 79 Habitudes et routines
* 80 Biais de confirmation
* 81 Ancrage
* 82 Myopie temporelle
* 83 Traduction approximative
effectuée du tableau présenté dans l'article de Duhaime et
Schwenk (1983, p13).
* 84
dF7 : altruisme /
dF8 : réciprocité /
dF9 : loyauté
* 85 Section 3. Projet de
recherche.
* 86 Tableau inspiré des
travaux de Fama et French (2000, p21)
* 87 Connaissance pertinente de
l'environnement
* 88 Croyances
* 89 Aversion aux pertes
* 90 Myopie temporelle
* 91 Valeur relative
* 92 Il s'agit d'une
extrapolation de la juridiction française. Bien évidemment,
d'autres auteurs ont dû présenter ces points plus
précisément. Mais pour ce qui nous concerne, il ne s'agit qu'une
illustration sommaire de cette perspective.
* 93 Aversion aux risques
* 94 Capacité
calculatoire simultanée
* 95
cF4 : capacité cognitive et affective /
cF5 : compartimentage mental
* 96 Amorcé par
Charreaux (2005, tableau 3, p26) pour la gouvernance comportementale.
* 97 Présenté p
30 pour facilité la réminiscence de ce schéma.
* 98
Nf : Nature de la firme /
Nh : Nature de l'homme
* 99 La numérotation de
ces hypothèses est totalement indépendante des hypothèses
des parties 1 et 2 de notre recherche. Ces hypothèses ne sont pas
référencées dans l'annexe 1 contrairement aux
précédentes hypothèses.
* 100 Référence
de seconde main : Figure 3 p 88 de Camerer et al. (2004).
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