Quelle stratégie numérique
pour les éditeurs de livres ?
Patricia Gendrey
MBA Marketing et Commerce sur Internet 2009/2010 Sous la
direction de Vincent Montet
Mars 2011
« Un livre indisponible, c'est un pan de
mémoire qui tombe, c'est une parcelle de patrimoine qui s'efface, c'est
aussi une oeuvre artistique qui s'oublie elle-même. L'outil
numérique nous permet aujourd'hui de mettre à la portée de
tous des contenus culturels de qualité. »
Discours de Monsieur le Ministre de la Culture
Frédéric Mitterrand
prononcé à l'occasion de la signature de
l'accord cadre sur la numérisation et l'exploitation des livres
indisponibles du XXème siècle, le mardi 1er
février 2011.
TABLE DES MATIÈRES
Résumé 7
Paper outline 9
Recommandations 10
Introduction 12
Partie 1 : Le livre, un marché en pleine
mutation 15
Chapitre 1 : Le Marché de
l'édition 16
Section 1. L'histoire du livre et de ses grandes
mutations 16
Sous-section 1- L'évolution du livre et des
modes de lecture 16
Paragraphe1. La première révolution du livre
16
Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex 16
Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier 17
Paragraphe 2. La seconde révolution du livre 17
Sous-paragraphe 1 : L'impression 17
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre
18
Paragraphe 3. La dématérialisation,
troisième révolution du livre 19
Sous-paragraphe 1 : Le Cdrom 19
Sous-paragraphe 2 : Les Ebooks et
les tablettes de lecture 19
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et
librairies en ligne 21
Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture 23
Sous-section 2 - Les mutations de l'industrie du livre
24
Paragraphe 1. Déplacement du centre du pouvoir
24
Paragraphe 2. Industrialisation et concentration 24
Section 2. L'organisation de la filière livre
25
Sous-section 1 - Vers une évolution de la
chaîne de valeur 25
Paragraphe 1. La chaîne de valeur du livre papier
25
Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre
numérique :
clone du livre papier ? 27
Paragraphe 1. Les agents littéraires et les
auteurs :
alliés de la renégociation des droits 31
Paragraphe 2. L'éditeur : un métier à
réinventer 33
Sous-paragraphe 1 - Les éditeurs et Google :
une nécessaire alliance 34
Sous-paragraphe 2 : Les pures players
de l'édition 36
Sous-paragraphe 3. Les ventes d'ebooks 37
Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu majeur
38
Sous-paragraphe 1 : La concentration
du marché 39
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des
plates-formes 39
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente
en ligne 42
Sous-paragraphe 4 : Google et les
bibliothèques numériques 49
Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers
contre tablettes 50
Sous paragraphe 6 : Les opérateurs de
téléphonie mobile 52
Chapitre 2 : Vers l'évolution du modèle
économique 52
Section 1. Les freins à lever pour
l'émergence d'une
économie numérique 52
Sous-section 1. Les enjeux juridiques 52
Sous-section 2 : les enjeux techniques 55
Paragraphe 1. Les DRM 55
Paragraphe 2 : Les métadonnées 56
Sous-section 3 : Les enjeux économiques 56
Paragraphe 1. Risque d'accroissement
de la concentration 56
Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance client
57
Paragraphe 3. Risque de piratage 57
Section 2 : Les modèles économiques du
livre numérique 61
Sous-section 1. L'éventail des modèles
existants 61
Paragraphe 1. Tour d'horizon des modes de
commercialisation 61
Paragraphe 2. le partage de la valeur 62
Paragraphe 3. Cas de l'édition juridique 63
Paragraphe 4. Le cas de l'édition scientifique
65
Partie 2 :Bâtir une stratégie
numérique 67
Chapitre 1 : La commercialisation du livre
dans l'univers numérique 68
Section 1. Etre présent sur les plates-formes 68
Section 2 : Développer site internet et application
71
Section 3. Mettre en oeuvre une cyberpromotion performante
72
Sous-section 1. Créer le buzz et développer la
viralité 72
Sous-section 2. Les blogs pour faire parler 72
Paragraphe 1 : Babelio 73
Paragraphe 2. Blog-O-Book 74
Paragraphe 3. Livraddict 74
Sous-section 3. Les Bonnes pratiques 74
Sous-section 4. Exemple d'une campagne de lancement
d'un titre jeunesse : Ghostgirl Lovesick 77
Sous-section 5. Les moteurs de recherche
au service de la promotion du livre 78
Sous-section 6. L'affiliation 84
Sous-section 7. Achat de mots clés 85
Chapitre 2 : Faire évoluer
l'organisation interne et les compétences 86
Sous-section 1. Adopter une organisation en réseau
86
Sous-section 2 : Des outils au service d'une stratégie
multisupport 87
Sous-section 3 : Former les collaborateurs 88
Chapitre 3 : Les éditeurs de livres de
demain 88
Section 1. Ce qu'attendent les lecteurs
88
Sous-section 1. Les tendances 90
Sous-section 2 : comparaison des modes de lecture
sur smartphones, tablettes et ordinateurs 89
Section 2 : Les pratiques des digital
natives 92
Section 3 : Le rôle de
l'éditeur 96
Sous-section 1. Les moyens de trouver et d'organiser
l'information 96
Sous-section 2 : Le devenir de l'éditeur 96
Sous-section 3 : Développer ou non des produits
numériques 98
Section 4 : Les nouvelles formes
d'édition 98
Sous-section 1. L'autopublication 98
Sous-section 2. « A book is a place » : la
lecture sociale 101
Sous-section 3. L'édition sans auteur 104
Sous-section 4 : Le Storytelling et les nouvelles formes
d'écriture 105
Paragraphe 1 : Storytelling 105
Paragraphe 2 : Les nouvelles formes d'écriture
107
Sous-paragraphe 1. les blogs 107
Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter 108
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes
le héros 110
Sous-section 3. Vers des manuels scolaires
numériques 110
Sous-section 5 : L'explosion du marché des
applications 113
Sous-section 7 : Les plates formes, lieu
privilégié d'animation des communautés 116
Conclusion 117
Bibliographie 118
Index 121
Résumé
Après le cinéma et la musique, les
éditeurs de livres constituent la dernière industrie culturelle
à être touchée par la numérisation. Ce
procédé impacte toute la chaîne de la filière du
livre : l'éditeur à travers la coordination du projet
éditorial, le compositeur, l'imprimeur et enfin le diffuseur et le
distributeur. Il s'agit donc bien là d'une révolution qui
engendre maints mouvements structurels.
Face à ces changements de fond, cette étude se
propose, à partir d'éléments chiffrés, d'analyser
le marché du livre et de déterminer les leviers qui aideront les
éditeurs à entrer dans l'ère numérique. En effet,
les sociétés d'édition doivent travailler et s'organiser
autrement pour se préparer aux changements attendus dans
l'écosystème du livre. Ils doivent acquérir de nouvelles
compétences. C'est là une condition de leur survie !
Les nouveaux contenus éditoriaux - livres enrichis,
applications pour Smartphones et tablettes - constituent une
véritable opportunité de croissance pour les éditeurs de
livres. Ceux-ci sont néanmoins indécis, ne pouvant être
certains qu'ils seront à même de rentabiliser leur investissement.
Cette étude analyse donc l'état du marché et se propose de
dégager les pistes de développement qui s'ouvrent aux maisons
d'édition traditionnelles.
Ainsi, les développements seront scindés en deux
grandes parties. La première est consacrée aux mutations qui
affectent le marché du livre et à l'évolution de la
chaîne de valeur. De même, les freins à lever pour
l'émergence d'une économie numérique seront
traités, suivis de l'éventail des différents
modèles économiques possibles. Sur ce dernier point, deux
secteurs éditoriaux, ayant depuis de nombreuses années
déjà basculé vers le numérique, seront
examinés : il s'agit de l'édition juridique et scientifique.
La deuxième partie sera consacrée à la
stratégie globale à adopter. Il est mis ici l'accent sur les
outils digitaux de promotion du livre, sur le choix des plates-formes de
distribution des livres, sur la nécessité d'organiser autrement
les sociétés d'édition et l'évolution
nécessaire des compétences en interne. Cette étude
s'achève avec des éléments prospectifs sur ce que sera le
livre de demain.
Paper Outline
After the movie and music industry, book publishing is the
last cultural industry to be affected by the digital era. This process has an
impact upon all the segments of this industry: the publisher who coordinates
the publishing work, the compositor, the print worker and last but not least
the distributor. It is truly a revolution that gives rise to many structural
changes.
In light of these dramatic changes, the present paper will,
based upon various data and figures, provide an analysis of the book market and
will also identify the tools enabling the publishers to enter into the digital
world. Indeed, the publishing houses must re-organise and adapt themselves to
the changes foreseen in the book ecosystem. They must build or acquire new
skills, failing which their survival is at stake !
The new types of publishing content, that is enhanced
books, Smartphone applications and e-tabs, give book publishers a true
opportunity for growth. Publishers feel however very reluctant as they have
some doubts about their ability to see the return on their investment. This
paper contains a market analysis and will describe the various ways that may be
followed by traditional publishing houses.
The first paper chapter is dealing with the mutations that
impact the book market and the evolution in the value chain. Further, it is
describing how to overcome the hurdles to the development of the digital
business as well as a quite comprehensive overview of the possible business
models. For illustration purposes, the paper looks into two specific publishing
markets that have already switched into the digital world for several years,
that is legal and scientific books.
The second chapter of this paper is focused on the global
strategy to be adopted, in particular with respect to the digital tools for
book marketing, the choice of platforms for book distribution, the critical
need to reorganise publishing houses and revisit the in-houses skills that are
required. The paper conclusion contains some further prospective considerations
about what likely will be the book of tomorrow.
Recommandations
Travailler dans le secteur du livre permet de prendre conscience
des grandes disparités existant entre les maisons d'édition. Il y
a d'abord les grands groupes qui, depuis quelques années
déjà, opèrent une veille sur le marché et se sont
organisés afin de faire face à un changement brutal. D'ailleurs,
dans le cas du livre numérisé, ils sont aujourd'hui tous en ordre
de marche. Pour eux, 2011 est le « moment ebook
»1. Cette année doit donc être
consacrée à l'enrichissement des catalogues numériques,
l'une des conditions du basculement du marché. Toutefois, ils restent
très frileux pour entreprendre de nouvelles expériences sur les
contenus. La raison en est simple : pas de production éditoriale sans
rentabilité. Cette place est donc prise par des « start-up »
qui tentent l'aventure et se lancent à la conquête de ce nouvel
eldorado en développant tous azimuts des livres enrichis et applications
pour Smartphones et tablettes, en faisant bien trop souvent l'économie
d'une étude de marché.
Ensuite, viennent les moyennes et petites maisons
d'édition dont la vision d'avenir dépend bien trop souvent d'une
personne un peu Geek, un peu webmarketeur, mais pas assez d'une
stratégie claire et bien établie. Trop de sociétés,
dont le chiffre d'affaires n'est pas négligeable, ne connaissent pas
vraiment le rôle des plates-formes de distribution et des
agrégateurs. Elles ignorent aussi comment produire un simple fichier
epub pour mettre à disposition le livre numérique. Elles
voudraient parfois se lancer dans des applications dérivées de
leur contenu, mais elles n'en font rien parce qu'elles ne savent pas par
où commencer et à quelles compétences elles doivent
s'adresser. Par conséquent, les « pure players » s'engouffrent
dans la brèche, conscients qu'il existe des potentiels de
développement. Ceux-là ne sont pas issus de l'édition,
mais sont très souvent «game designers» ou informaticiens.
Alors, les éditeurs sont-ils condamnés à ne produire que
du livre papier et, si celui-ci devenait objet rare pour collectionneurs,
à disparaître avec lui ?
Le déficit de compétences touche aussi les
nouvelles manières de promouvoir le livre. Trop d'éditeurs n'ont
encore pas l'ombre d'un site web; trop d'éditeurs réalisent le
marketing des ouvrages comme il y a dix ans.
Pour répondre à ces problématiques,
plusieurs points sont abordés :
La chaîne de valeur qui se modifie peu à peu.
D'abord, véritable clone du livre papier, son maillage évolue
d'une structure linéaire vers une structure réticulaire,
réseau où tous les maillons
1 Concept dégagé par Virginie Clayssen,
Présidente de la Commission numérique du syndicat national de
l'édition
peuvent entrer en contact. Cette prise de conscience est
importante, afin que l'éditeur réaffirme son double rôle de
coach de l'auteur et de support à la commercialisation du livre, mais
aussi qu'il devienne un véritable animateur de communautés.
La répartition de la valeur est un point également
important. Certes, les lecteurs souhaitent un prix du livre numérique
inférieur à celui de l'ouvrage papier (de l'ordre de 40 % moins
cher2). Certes, les coûts de production sont relativement
importants. Certes, la TVA est plus élevée. Certes, les
éditeurs doivent faire face à un risque de perte de la valeur.
Pour toutes ces raisons, les maisons d'édition ont adopté une
position qui consiste à fixer les droits d'auteur à 15 %. Il
s'agit là d'une légère augmentation par rapport aux droits
versés pour la publication papier, mais pour les auteurs cela est loin
d'être suffisant. La révolte actuellement gronde et, les auteurs,
bien conscients de disposer désormais de moyens de pression, menacent de
s'organiser pour vendre leurs livres sans l'intermédiation des
éditeurs. À ce jeu, les éditeurs risquent d'être les
grands perdants et de se voire évincer par d'autres acteurs. La
renégociation des droits d'auteur numériques est aujourd'hui un
enjeu capital pour l'avenir de la profession.
Les plates-formes permettent aujourd'hui la distribution des
livres numériques. L'interopérabilité est cruciale pour
diminuer les coûts et permettre la diffusion des oeuvres de l'esprit par
l'ensemble des cyberlibraires. Un accord a été signé entre
les trois grands acteurs, toutefois, il ne semble pas que cela soit pour le
moment opérationnel. Il est important d'accélérer ce
processus.
Les modèles économiques sont analysés. Une
évolution vers un modèle à abonnement à un flux de
données semble l'hypothèse la plus probable. Dans l'avenir, des
sites se constitueront sans doute autour d'une communauté
intéressée par le même thème, l'art par exemple. Ils
auront alors accès à l'ensemble des contenus sur un sujet
donné, quelque soit la maison d'édition ou la
société de presse à l'origine de la publication. C'est
sans doute là aussi, une piste de développement pour les
éditeurs.
La cyberpromotion est passée en revue. L'étude
tente de dégager des bonnes pratiques à partir de cas concrets.
De même, des pistes sont données afin de moderniser la
manière de promouvoir les livres par l'utilisation des nouvelles
techniques de webmarketing.
Enfin, une partie est consacrée aux nouvelles
expériences de lecture. Il s'agit d'une approche prospective qui devrait
constituer pour les éditeurs une source de réflexion.
2 Etude IPSOS/CNL, Les publics du livre
numérique, mars 2010
Introduction
Nous y sommes, la révolution numérique est en
marche et s'emploie à changer en profondeur le monde de
l'édition. Pourtant, ces modifications ne datent pas d'hier. L'amont de
la filière a modifié ces pratiques depuis plusieurs années
déjà, le mode de production du livre papier ayant radicalement
changé depuis plusieurs années. Ce dont on parle aujourd'hui
c'est de l'aval, c'est bien ce qui fait l'objet aujourd'hui de toutes les
attentions, ce livre sur support numérique qui annonce, selon Robert
Chartier, une triple révolution : la révolution de la technique
de production du texte, une révolution du support de l'écrit et
enfin une révolution des pratiques de lecture.
Mais pourquoi entend-t-on évoquer chaque jour dans les
médias un raz de marée qui modifiera en profondeur les pratiques
si l'on ne parle que du livre homothétique, s'il ne s'agit que de la
simple reproduction de l'ouvrage papier sur support numérique ? Parce
que l'enjeu ne réside pas dans la simple action de déposer un
fichier sur une plate-forme de distribution, mais il est bien plus crucial. En
outre, parler de livre numérique, est-ce parler encore de livre ?
Interrogeons-nous tout d'abord sur la définition du livre.
Curieusement, seule l'administration fiscale en propose une. Selon elle, «
Un livre est un ensemble imprimé, illustré ou non,
publié sous un titre ayant pour objet la reproduction d'une oeuvre de
l'esprit d'un ou plusieurs auteurs en vue de l'enseignement, de la diffusion de
la pensée et de la culture. »3 Sont donc exclus de
cette définition, les produits non imprimés et par
conséquent le livre numérique. Ceci peut paraître incongru
à l'éditeur comme au lecteur ; « À la recherche du
temps perdu » diffusé sur le FnacBook, ne serait donc pas
un livre au sens de l'administration fiscale. On comprend bien là qu'il
existe un vaste malentendu, et que celui-ci réside dans la confusion
entre l'oeuvre de l'esprit et son support. Le travail de l'éditeur est
bien de créer du contenu afin d'enrichir la connaissance, peu importe le
média sur lequel il est diffusé. Il ne s'agit plus seulement, par
conséquent, pour les maisons d'édition de se lancer dans la
production de livres homothétiques, mais bien de permettre la diffusion
de la pensée quelque soit le support (Smartphones, tablettes,
ordinateurs...). Ainsi, le contenu est caméléon,
3 Bulletin officiel des impôts, Direction
générale des impôts, 3 C-4-05, n° 82 du 12 mai 2005,
relatif à la TVA au taux réduit et à la définition
fiscale du livre
prenant différentes formes en fonction de l'appareil sur
lequel il est consulté : il peut revêtir les atours d'une
application de guides de voyage géolocalisée sur iPhone, d'un
livre enrichi d'illustrations animées, de musique et de commentaires
dans le secteur de la jeunesse pour iPad, d'une base documentaire juridique sur
ordinateur ou d'un livre de littérature générale qu'il
sera possible au lecteur d'annoter sur un Kindle. Les maisons d'édition
doivent déterminer le support en fonction du contenu et en adapter la
narration.
L'observateur pourrait trouver les éditeurs attentistes.
Alors qu'ils expérimentent aujourd'hui la commercialisation de livres
numérisés, ils sont encore, pour la plupart, bien loin
d'être en mesure de produire des contenus numériques. Les freins
sont de plusieurs ordres. Ils sont d'abord financiers. Les coûts de
production d'un livre application sont sans commune mesure avec ceux
générés par un ouvrage imprimé. L'équipement
du marché en supports doit donc être suffisant. C'est le cas
aujourd'hui pour les Smartphones, cela ne l'est pas encore pour les tablettes
sur le marché français. Les sociétés sont soumises
à des objectifs de rentabilité et la récente faillite de
la société numérique Leezam ne devrait pas encourager les
sociétés d'édition à prendre plus de risques.
Ces freins résident aussi dans la formation des
équipes. Réaliser une application qui intègre du texte, de
la vidéo et du son, fait appel à de nouvelles compétences
qu'il convient de développer dans les maisons d'édition.
Enfin, cet attentisme est dû également à la
difficulté qu'éprouvent les éditeurs à trouver leur
place au sein de la nouvelle chaîne de valeur. Celle-ci se disloque.
Désormais, à l'instar du monde de la musique, chaque maillon de
la chaîne peut potentiellement entrer en contact avec les autres. Ce
constat constitue une menace. Jadis, le lecteur n'avait de lien qu'avec le
libraire, alors qu'aujourd'hui, il peut dialoguer avec l'auteur. De même,
il n'y a pas si longtemps l'écrivain devait
conclure un contrat avec l'éditeur s'il voulait être
publié, maintenant il lui est loisible de s'autopublier facilement, les
cyberlibraires proposant maintenant des plates-formes d'autopublication. Des
auteurs anglo-saxons inconnus peuvent même se targuer de vendre des
millions de livres (voir plus loin, le thème consacré à
l'autopublication). Les éditeurs se trouvent face à des colosses
aux moyens financiers étendus qu'ils ne voient pas bien comment
concurrencer.
À ces changements profonds, s'ajoutent ceux liés
à la commercialisation du livre. Le web apporte aux éditeurs de
nouveaux outils de promotion pour accroître les ventes d'un titre. Les
éditeurs des grands groupes maîtrisent l'art et la manière
de conjuguer réseaux sociaux, plates- formes de partage ou encore
actions de communication sur les hubs littéraires. Pour les maisons
d'édition de petite et moyenne tailles, ces techniques ne sont pas si
simples à utiliser.
La présente étude ambitionne de répondre aux
questions liées à la stratégie numérique à
mener, mais aussi, les menaces sont-elles identifiées afin de formuler
des recommandations.
Dans une première partie, il sera question d'analyser les
mutations du marché du livre et de comprendre quels pourront être
les modèles économiques des livres numériques, car ils
sont bien pluriels.
Dans une seconde partie, l'étude livre les clés
pour bâtir une stratégie numérique efficace, afin de ne pas
se laisser distancer. Il s'agira tout d'abord des nouveaux moyens de promotion
du livre, afin d'en dégager les bonnes pratiques. Ensuite, les pistes
pour réorganiser les maisons d'édition seront abordées
afin de se préparer à la révolution qui s'annonce. Enfin,
la section consacrée aux nouvelles expériences de lecture
constitue une approche prospective qui devrait aider à mieux comprendre
ce que sera le métier de demain et à identifier les
opportunités de développement.
Producteur de contenus multimédias et webmarketeur averti
seront les deux compétences clés de l'éditeur.
Aujourd'hui, la révolution est en marche. Il convient donc d'en
comprendre les enjeux et de bâtir une stratégie numérique
qui permettra de créer de la valeur dans le monde de demain qui gronde
déjà à nos portes.
Partie 1 :
Le livre, un marché en pleine
mutation
CHAPITRE I : LE MARCHE DE L'EDITION
Section 1. L'histoire du livre et de ses grandes
mutations
Le célèbre historien du livre, Roger Chartier,
définit trois révolutions du livre : le livre papier tel que nous
le connaissons, l'imprimerie et la dématérialisation des
ouvrages. Avec cette dernière évolution apparaît
l'hypertextualité qui modifie en profondeur la dynamique de
lecture4.
Tout au long de cette section, nous nous attacherons, à
travers l'histoire du livre, à mettre en exergue les grandes
évolutions qui devraient permettre de mieux comprendre les mutations qui
affectent les éditeurs de livres.
Sous-section 1- L'évolution du livre et des modes
de lecture
Paragraphe1. La première révolution du
livre
L'histoire du livre est si intimement imbriquée
à celle des civilisations que les débats sur l'avenir de ce
support ne peuvent être que virulents et teintés
d'inquiétude. Quand certains parlent de la disparition de l'odeur de
l'encre et du papier, pour opposer le livre tel que nous le connaissons aux
liseuses, ce n'est pas tant de conservatisme dont il s'agit mais de la crainte
de perdre une part de ce qui a construit l'identité des hommes et de
l'humanité toute entière.
Sous-paragraphe 1 :Du volumen au Codex
Cette histoire a commencé tout d'abord avec la
civilisation Sumérienne. Les hommes gravaient alors à l'aide
d'une tige de roseau des signes cunéiformes sur des tablettes d'argile
3000 ans avant J.-C. Ce fut aussi les Égyptiens qui tracèrent les
hiéroglyphes sur des feuilles de papyrus collées les unes aux
autres, constituant ainsi des « volumina », rouleaux de
plusieurs mètres, à l'instar du « Papyrus
Prisse », recensé comme le plus vieux livre du
monde5.
Le coût de fabrication du papyrus produit par l'Egypte et
la rivalité avec Alexandrie conduira Pergame - ville d'Asie mineure
abritant une bibliothèque contenant 200 000
4 Christian Vanderdorpe, Du papyrus à
l'hypertexte, Essai sur les mutations du texte et de la lecture:
http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf
5 Annie Schneider, Le livre objet d'art, objet rare,
Éditions la Martinière, 2008
rouleaux - à inventer un nouveau support, le
parchemin6. Ce support peut être utilisé sur deux faces
et présente l'énorme avantage de pouvoir être
réemployé en grattant le texte précédent.
Le volumen, omniprésent à Rome, sera
concurrencé à compter du 1er siècle par une
nouvelle forme de livre. Il s'agit de tablettes de cire destinées aux
notations d'ordre pratique et reliées entre elles. Cet agencement
inspira sans doute le codex, feuilles de parchemin pliées en cahiers et
cousues ensemble. Son usage se développera dès le IIIe
siècle, avec les débuts de la chrétienneté, ce
support étant plus commode à consulter et à conserver. En
effet, le volumen devant être tenu des deux mains, il était
impossible de lire et d'écrire en même temps, à l'inverse
du codex. Ce support permit enfin aux lecteurs d'annoter et de se
repérer dans le texte à l'aide des numéros de pages qui
facilitent la navigation dans le texte (index7, table des
matières, renvois...). Ainsi, le changement de forme matérielle
du livre a changé la façon d'aborder le texte ; la lecture
pouvait ne plus être linéaire, mais tabulaire, facilitant ainsi le
travail de consultation d'un livre.
Sous-paragraphe 2 : Du parchemin au papier
Une vaste production de manuscrits se développe en France,
en Germanie et en Angleterre. Celle-ci dépasse le cadre des
monastères et des abbayes ; le livre n'étant plus uniquement un
objet de vénération religieuse, mais aussi vecteur
d'érudition et d'affirmation du statut social. La création des
premières universités suscite une demande importante de la part
des étudiants et, par conséquent, de la société
civile. Dans les ateliers, les copistes travaillent alors à la
chaîne dans les librairies. Le premier mouvement de
démocratisation du livre s'affirmera dès le XVe siècle.
Très vite donc, la nécessité se fait jour
de trouver un support moins coûteux et moins long à fabriquer que
le parchemin ; c'est ainsi que le papier, inventé en Chine, s'introduit
en Europe, mais son usage ne se généralisera qu'à compter
de l'invention de l'imprimerie.
Paragraphe 2. La seconde révolution du livre
Sous-paragraphe 1 : L'impression
Jusqu'à la moitié du XVe siècle, des
scribes, essentiellement des moines, recopient les textes pour en faire des
livres. Outre les copistes, d'autres métiers gravitent pour enrichir ce
support : les miniaturistes, les enlumineurs et les calligraphes.
À la fin du moyen âge, le public de plus en plus
avide de connaissances accroît la demande de livres. Les libraires des
Pays-Bas et d'Allemagne sont amenés à mettre au point un
procédé d'impression tabellaire : le texte est sculpté de
manière inversée dans une plaque de bois. Une fois encré,
il est transféré sur une feuille de papier ou de parchemin.
Pratiquée en
6 Etymologiquement, parchemin signifie peau de
Pergame.
7 L'indexation ne se développera qu'au XIIe
siècle.
Asie depuis plusieurs siècles, cette technique
xylographique8 est par la suite supplantée par l'impression
typographique9 à caractères mobiles fondus dans le
plomb. Cette invention permettra la diffusion de la pensée en
reproduisant les livres en nombre. Le premier livre imprimé en
typographie par Gutenberg est une bible latine, la célèbre bible
à 42 lignes10.
À compter de 1450 donc, date de l'invention de
l'imprimerie par Gutenberg, le livre passe du manuscrit à
l'imprimé. Plusieurs facteurs favoriseront l'expansion de cette
technique :
Il s'agit d'abord de l'époque des découvertes, et
par conséquent des voyages, qui vont favoriser la commercialisation des
livres et l'extension de l'imprimerie.
L'apport massif d'or et d'argent ensuite, en provenance
d'Amérique, permettra l'essor du commerce et l'émergence d'une
nouvelle classe sociale, celle des bourgeois. Cette dernière,
fortunée et avide de reconnaissance, satisfera son appétit de
connaissance par la lecture.
Enfin, l'apparition au XVIe siècle du protestantisme, et
l'opposition de Luther et Calvin au catholicisme en s'appuyant sur les textes
sacrés, sont des courants qui stimuleront les besoins en matière
de livres. Ainsi, le pamphlet de Luther intitulé <<A la
noblesse de la nation allemande>>, publié en 1520, sera vendu
à 4000 exemplaires en quelques jours. Certains historiens ont
écrit que <<la Réforme fut la fille de
l'imprimerie>>, cette invention permit quoiqu'il en soit la diffusion
rapide des idées de Luther et des réformateurs.
Sous-paragraphe 2 : La démocratisation du livre
L'imprimerie a été une invention remarquable qui a
permis de diminuer les coûts de fabrication, et par conséquent de
permettre à un plus grand nombre de lecteurs potentiels d'acheter des
livres. Cette révolution a été l'instrument d'une
évolution importante. Ainsi, l'imprimeur-éditeur Alde
Manuce11, qui publiera dans son imprimerie de Venise 150 ouvrages
entre 1494 et 1515, invente le livre à petit format
(in-octavo)12 et à grand tirage de 1000 à 1500
exemplaires.
Au XVIIIe siècle, la littérature populaire
apparaît et avec elle, la collection bleue. Ces livres de petits formats
étaient faciles à lire et accessibles à des personnes de
peu d'instruction (livres pratiques, romans, contes...). Toutefois, les
ouvrages restant chers, des lieux de lecture collective apparurent alors : les
cabinets de lecture. Ces endroits, ouverts par les libraires euxmêmes,
constituaient des bibliothèques privées au sein desquelles les
livres étaient achetés en commun.
8 Du grec Xylo : bois
9 Du grec Typo : empreinte
10 Ce livre est appelé la B42, car il se
divisait en deux colonnes de 42 lignes chacune.
11 Alde Manuce est aussi le concepteur de la lettre
italique.
12 In-folio : feuille pliée une fois (4 pages);
in-quarto : feuille pliée deux fois (8 pages); in-octavo : feuille
pliée trois fois (16 pages).
Avec le XIXe siècle, le livre se démocratisera
réellement grâce à la production industrielle et à
l'alphabétisation. Deux textes auront un impact important : la loi
Guizot d'abord, parue en 1833, qui impose aux villages de plus de 500 habitants
d'avoir une école et la loi Jules Ferry ensuite, publiée en 1882,
qui prône l'école laïque et obligatoire. Si en 1832,
près de 50 % des hommes savent lire, ce chiffre passera à 96 % en
1914.
En outre, grâce au mode de production, les prix chutent et
les tirages augmentent.
Cette démocratisation s'accélèrera en 1838
quand, en riposte à la concurrence des éditeurs belges, Gervais
Charpentier confiera à un imprimeur le soin de créer un nouveau
format permettant de contenir plusieurs volumes en un seul afin de diminuer le
prix du livre. Avec le format in-18 (18,3 x 11,5 cm), l'ancêtre du livre
de poche était né et avec lui l'emblématique collection
qui prendra le nom de <<Bibliothèque Chapelier>. Sur la base
d'un volume in-octavo, le prix passa de 7 francs à 3,50 francs. D'autres
éditeurs se positionnèrent également sur ce marché
: en 1846 Michel Lévy et sa <<Bibliothèque
contemporaine>, puis Louis Hachette en 1853 et sa
<<Bibliothèque des chemins de fer>. En 1855, les livres de la
<<Collection Michel Lévy> seront tous vendus à 1
franc.
Paragraphe 3. La dématérialisation,
troisième révolution du livre
Il ne sera nullement question dans les développements qui
suivent de l'évolution du mode de production des livres grâce
à l'électronique. Ainsi, nous ne parlerons pas de publication
assistée par ordinateur bien que cette technique ait changé de
façon spectaculaire la façon de travailler des éditeurs.
Nous nous intéresserons ici à l'aval, c'est-à-dire aux
supports. Enfin, nous ne reprendrons pas les développements sur
l'histoire d'internet, rendu très populaire par le web, qui ne sont pas
propres qu'au domaine du livre.
Sous-paragraphe 1 : Le CDrom
En 1984, les spécifications du compact disc ont
été étendues afin de pouvoir y stocker des données
numériques. La généralisation du codage multimédia,
et avec elle, l'hypertexte, qui améliore de manière
considérable l'accès à l'information, débutent
l'histoire d'une révolution. Désormais, la navigation ne se fait
plus seulement à l'intérieur du même support, mais aussi
à l'extérieur permettant ainsi de créer des liens à
l'infini.
Sous-paragraphe 2 : Les ebooks et les tablettes de lecture
Avant les readers nouvelle génération, de nombreux
supports sont apparus à l'état de prototypes ou même
commercialisés.
Il y eu d'abord le projet d'Alan Kay, professeur au MIT, au
début des années soixantedix avec l'invention du
Dynabook13. Au format magazine, cet ordinateur sans clavier est
doté d'un écran plat haute résolution couleur et d'un
stylet électronique permettant d'annoter les documents. Ce support,
portable et sans fil, peut communiquer avec d'autres machines à l'aide
d'un émetteur-récepteur radio. Le Dynabook n'est pas seulement un
ordinateur personnel puisqu'il permet d'écouter de la musique, de
recevoir du courrier, jouer à des jeux vidéo ou encore de
visionner des films. Il « ouvre un des deux axes de recherche et de
développement pour le livre électronique : l'axe informatique. Il
s'agit d'exploiter les possibilités d'ouverture, d'interactivité
et de communication qu'offre l'ordinateur (...) pour transformer celui-ci en un
nouveau type de livre, par un travail sur l'ergonomie et la
lisibilité.»
Le Datadiscman, baptisé également readman et
Electronic Book Player, ouvre un second axe de développement : l'axe
électronique. Ce support, adaptation de l'ancêtre des baladeurs
nommé Discman, a été commercialisé par Sony au
Japon en 1990 et en 1991. Il se présentait sous la forme d'un bloc de
touches, était doté d'un petit écran à cristaux
liquides et lisait des disques de 8 cm de diamètre pouvant contenir 200
Mo de données (100 000 pages de texte imprimé). Il fut
commercialisé aux Etats-Unis avec une encyclopédie
multimédia au prix de 550 dollars. En outre, il était possible
d'acquérir une trentaine de titres dont le prix variait entre 20 et 70
dollars, ainsi que les disques musicaux du Discman. Ce produit, en dépit
de son aspect novateur, n'eut pas le succès attendu pour plusieurs
raisons :
- la faible résolution de l'écran ne permettait pas
la lecture intensive, - l'absence de standard de stockage de données,
- l'existence de produits concurrents : Commodore commercialisait
son lecteur de disque laser, Philips et Sony créait le CD-I, suivi du
CD-ROM.
Autre évolution, le ebook fabriqué par la
société française Cytale qui apparaît en avril 2000
et commercialisé en décembre de la même année. De
même, l'encre élecronique (e-ink) sera présentée au
Congrès international des éditeurs à Buenos Aires en mai
2000.
Puis ce sera le tour du Kindle d'Amazon, en 2007, bientôt
suivi d'autres concurrents, comme le Nook de Barnes and Noble ou le Sony
Reader. Toutefois, c'est ce premier qui s'impose aujourd'hui sur le
marché, grâce à son modèle économique
créant un effet de verrouillage des pratiques.
Enfin, c'est l'iPad d'Apple, suivi de la tablette de Samsung et
de beaucoup d'autres, qui a suscité chez les éditeurs le plus
d'intérêt. Le marché n'a pas encore basculé, bien
qu'il convient de souligner que 7,33 millions d'exemplaires14 d'iPad
ont été vendus au cours du dernier trimestre 2010 portant ainsi
le parc à 15 millions dans le monde et à 350 000 en France. Bien
que l'écran LCD n'offre pas un confort de lecture optimal contrairement
à
13 La lecture numérique :
réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire
Bélisle, Presses de l'ENSSIB, avril 2004.
14
http://www.ebouquin.fr/2011/01/18/apple-a-vendu-733-millions-dipad-au-dernier-trimestre/
l'encre électronique, Apple a néanmoins
démontré que la tablette est susceptible de pouvoir s'imposer
comme un support pour les loisirs qui fera évoluer les usages, en
proposant à la fois du jeu vidéo, des livres-applications et de
la presse en ligne, notamment.
Sous-paragraphe 3 : bibliothèques et librairies en
ligne
C'est en 1971 qu'un étudiant de l'Illinois, Michaël
Hart, fonde le projet Gutenberg15 qui a pour ambition de diffuser
gratuitement par voie électronique le plus grand nombre possible
d'oeuvres littéraires.
Puis, c'est au tour d'un doctorant à la Carnegie Mellon
University, John Mark Ockerbloom, de créer en 1993, l'Online Books Page,
pour répertorier les textes électroniques anglophones du domaine
public en accès libre sur le web.
15 Une courte histoire de l'ebook, Marie Lebert,
Université de Toronto, 2009
Le projet français de bibliothèque numérique
géré par la bibliothèque nationale de France,
dénommé Gallica, sera lancé en 1997, avec comme ligne
éditoriale de devenir la «bibliothèque virtuelle de
l'honnête homme». Toutefois, c'est le lancement de Google livres qui
constituera le fait marquant. C'est en effet fin 2004 que Google a
annoncé la création d'une bibliothèque contenant un fonds
numérisé de 15 millions de documents issus des grandes
bibliothèques américaines. L'objectif de la société
de Mountain View était de créer une base de données au
sein de laquelle les internautes pourraient effectuer leurs recherches. En
2005, Google mettra en ligne un outil permettant de procéder à
des recherches directement dans le contenu numérisé,
baptisé alors Google Print, il deviendra par la suite
Google Book Search. L'annonce fin 2004 du lancement du projet ne fut
pas sans soulever la critique. Ainsi, Jean-Noël Jeanneney alors
président de la Bibliothèque nationale de France,
dénonça les risques d'hégémonie de la culture
américaine dans un livre désormais célèbre :
«Quand Google défie l'Europe, plaidoyer pour un
sursaut»16.
Ce plaidoyer sera repris par le Président Jacques Chirac
qui lança, avec cinq autres chefs d'Etats, un appel aux institutions de
l'Union Européenne pour la création d'une bibliothèque
numérique européenne, afin de rendre le patrimoine culturel et
scientifique de l'Europe accessible à tous. Europeana était
née.
Ce bref panorama historique ne serait pas complet sans
évoquer les encyclopédies. C'est en 2001 que naîtra
Wikipédia qui est sans doute l'une des causes de la quasi disparition
d'un pan entier du marché de l'édition, celui des
encyclopédies. En outre, les universités renforceront ce
phénomène. Certaines d'entre elles archivent des cours gratuits
en ligne,
16 «Quand Google défie l'Europe, plaidoyer pour un
sursaut», Jean-Noël Jeanneney, Mille et une nuits, 2005
comme par exemple le célèbre MIT (Massachusetts
Institute of Technology)17 qui lança ce programme en 2002
suivi en 2007 par l'Université de Boston.
Si les bibliothèques virtuelles ont marqué
l'histoire de l'édition numérique, il en va de même des
librairies en ligne. Jeff Bezos, créera en juillet 1995,
Amazon.com, ouverte 7j/7 et 24h/24
grâce à l'émergence du web
Quand au printemps 1994, le patron de la célèbre
société de Seattle réalisa une étude de
marché, il hésitait alors entre les vêtements, les
instruments de jardinage, les livres, les CD, les vidéos, les logiciels
et le matériel informatique. Voici pourquoi, Jeff Bezos choisit le livre
:
«J'ai utilisé tout un ensemble de critères
pour évaluer le potentiel de chaque produit. Le premier critère a
été la taille des marchés existants. J'ai vu que la vente
de livres représentait un marché mondial de 82 milliards de
dollars US. Le deuxième critère a été la question
du prix. Je voulais un produit bon marché. Mon raisonnement était
le suivant : puisque c'était le premier achat que les gens allaient
faire en ligne, il fallait que la somme à payer soit modique. Le
troisième critère a été la variété
dans le choix : il y avait trois millions de titres pour les livres alors qu'il
n'y avait que 300 000 titres pour les CD, par exemple.»
La Fnac, quant à elle, créera son site de ventes de
produits culturels en 2000 et atteindra la rentabilité cinq ans plus
tard.
Paragraphe 4. Evolution du mode de lecture
L'écriture alphabétique a été
conçue à l'origine en fonction de la parole, d'après
l'ordre linéaire de l'oralité. C'est cette même
linéarité qui s'appliquait à la feuille de papyrus et au
volumen. Le mode de conception de ces supports contraignait le lecteur à
lire de la première à la dernière ligne, sans pouvoir
consulter les passages susceptibles de l'intéresser.
C'est pourquoi le codex marque une rupture radicale.
L'assemblement des feuilles pliées et reliées, puis
l'intégration de la foliotation et de l'indexation permettront au texte
d'échapper à la continuité et d'entrer ainsi dans
l'ère de la tabularité. Le lecteur va aussi devenir actif, il
peut annoter et mettre des repères sur la page. L'historienne Colette
Sirat déclarera : « Il faudra vingt siècles pour que
l'on se rende compte que l'importance primordiale du codex pour notre
civilisation a été de permettre la lecture sélective et
non pas continue, contribuant ainsi à l'élaboration de structures
mentales oil le texte est dissocié de la parole et de son
rythme.» La lecture sur internet relève de la même
révolution en modifiant les fonctions cognitives des internautes et plus
particulièrement celles des digital natives.
17 MIT open courseware : http:/
ocw.mit.edu/index.htm
Sous-section 2 - Les mutations de l'industrie du
livre
Durant plusieurs siècles, un seul acteur assurait les
fonctions de création, de production et de diffusion. Puis les
métiers vont s'individualiser, donnant peu à peu le pouvoir
à l'éditeur. Les maisons d'édition vont d'ailleurs entrer
dans une phase de concentration dès le début du XIXe
siècle et s'internationaliser.
Paragraphe 1. Déplacement du centre du
pouvoir
Les libraires, puis après eux, les éditeurs ont
cherché à maîtriser la diffusion des ouvrages et par la
même à contrôler le prix. Il faudra attendre l'invention de
l'imprimerie au XVe siècle, et en particulier, l'introduction des
presses en France en 1470 pour voir naître la diffusion commerciale des
ouvrages imprimés. Outre la vente de livres, l'activité des
libraires va s'étendre à l'élaboration des contrats avec
l'auteur, l'impression, le façonnage et la reliure des ouvrages.
Dans le courant du XIXe siècle, les métiers vont
s'individualiser, l'éditeur devenant une profession distincte de celle
du libraire qui lui-même se désolidarisera de la profession
d'imprimeur. L'éditeur étant désormais chargé de
fixer le prix, il devient l'acteur dominant de la chaîne du livre.
Paragraphe 2. Industrialisation et concentration
Louis Hachette est désigné par Jean-Yves
Mollier18 comme le premier industriel du livre. En effet, la loi
Guizot qui prône l'instruction universelle, conduit cet éditeur
à concevoir des manuels scolaires destinés aux enfants des
écoles élémentaires publiés à plusieurs
milliers d'exemplaires. Ainsi, avec l'Alphabet, premier livre de lecture vendu
à un million d'exemplaires à l'Etat, il n'est plus question
d'artisanat, mais de processus industriel. À compter de 1852, la
société L. Hachette et Cie sera restructurée. Elle
deviendra alors une entreprise importante vendant des livres en France et
à l'étranger, et employant de nombreux collaborateurs. Ainsi
d'autres sociétés suivront comme Flammarion, par exemple.
Après la seconde guerre mondiale, le mouvement reprendra pour
s'accélérer dans les années 1950- 1960.
Une bataille se mènera ensuite pour la domination des
groupes de communication. En 1979, CEP Communication (filiale d'Havas),
spécialisée alors dans la presse scientifique et technique, va se
lancer dans la course à la concentration afin de détrôner
Hachette. Après l'acquisition de Nathan et de Larousse, il deviendra le
deuxième groupe français, suivi de près par les Presses de
la Cité. Cependant en décembre 1980, Jean-Luc Lagardère
rachète 41% des
18 Où va le livre, Dir. Jean-yves Mollier, La
Dispute, 2007
actions de la société Hachette. En riposte, Havas
passera un accord de partenariat avec les Presses de la cité devenant
ainsi en 1988 le premier éditeur français.
CEP deviendra la société Havas Publications
Edition, puis Vivendi Universal Publishing. Cependant, c'est à l'automne
2002 que sonnera le glas de VUP, après la déconfiture de
Jean-Marie Messier, par la vente des maisons d'édition au plus offrant.
Hachette tentera de racheter la totalité de ces sociétés,
mais le groupe sera arrêté par Bruxelles qui ne l'autorisera
à acquérir que 40% de VUP. Ce qui n'empêchera pas
néanmoins Hachette, par cette opération, à devenir le
premier groupe français et le sixième mondial.
Ces phénomènes d'industrialisation et de
concentration, auront un impact fort sur la créativité. Ces
groupes, mus par des objectifs de rentabilité
financière19 toujours croissants, sont conduits à
mener une politique éditoriale sans risque, laissant ainsi aux petites
maisons d'édition le soin d'innover. Ce phénomène explique
aujourd'hui la réticence des éditeurs à numériser
leur catalogue et à se lancer dans le livre enrichi. N'étant pas
assuré de la rentabilité, ces groupes laissent la part belle
à l'arrivée de pure players sur ce marché.
Section 2. L'organisation de la filière
livre
Sous-section 1 - Vers une évolution de la
chaîne de valeur Paragraphe 1. La chaîne de valeur du
livre papier
Depuis l'individualisation des métiers, la chaîne du
livre traditionnel n'a guère été modifiée.
L'éditeur est au centre du dispositif, il en est le chef d'orchestre. Il
assure la gestion des auteurs et leur coaching, il donne les directives pour
fabriquer le livre, il briefe le diffuseur, suit la distribution et dresse le
plan de promotion.
L'éditeur gère donc l'ensemble de la
chaîne du livre, il en est le coordinateur. Avec l'arrivée des
nouveaux acteurs, la chaîne de valeur numérique, encore
calquée sur la chaîne papier, va sans doute s'en trouver
modifiée, notamment par la pression de certains acteurs traditionnels,
mais aussi et surtout de nouveaux entrants.
19 L'édition sans éditeurs, André
Schiffrin, éditions La Fabrique, mars 1999
Cette valeur est inégalement répartie. Ainsi la
commercialisation est le poste le plus important pour l'éditeur, car
elle représente 55% du chiffre d'affaires. Il est donc
stratégique pour les maisons d'édition de maîtriser la
diffusion et la distribution, car alors, ce n'est pas seulement 21% du chiffre
d'affaires qui leur revient, mais bien 41 %, en déduisant la part
revenant au libraire).
Pour un ouvrage revenant 10 euros TTC, en prenant en compte
les coûts de promotion (PLV, dépliants...) et la TVA, la vente du
livre ne rapportera que 1,42 euros à l'éditeur s'il fait appel
à un diffuseur-distributeur extérieur, au lieu de 3,32 euros dans
le cas contraire.
Exemple de répartition de la valeur
Toutefois, à la question des motivations liées aux
revenus, s'ajoute celle d'assurer la promotion la plus efficace, ce qui conduit
à internaliser les fonctions de diffusion au sein même de
l'activité. L'éditeur peut à la fois déterminer les
librairies qui seront visitées et maîtriser les leviers qui
permettront de motiver les commerciaux afin d'assurer de meilleures
performances commerciales.
Paragraphe 2. La chaîne de valeur du livre numérique
: clone du livre papier ?
La problématique est si stratégique que les gros
éditeurs, bien que peu actifs du moins au début pour
numériser leur catalogue, se sont lancés en ordre dispersé
dans la mise en place de plates-formes de distribution de livres
numériques. C'est ainsi que Numilog a été racheté
par Hachette, puis Eden Livres a été créé sous la
forme d'un partenariat entre les éditions Gallimard, Flammarion et la
Martinière et enfin, Editis a lancé depuis peu « eplateforme
» (voir les acteurs du livre numérique). L'objectif clairement
affiché par ces deux dernières
plates-formes est de protéger la chaîne
traditionnelle et de ne pas court-circuiter le libraire. Iine s'agit
bien entendu pas là d'une forme d'altruisme, mais du désir de
préserver les détaillants qui assurent encore plus de 75% du
chiffre d'affaires de ces éditeurs.
Chaîne de valeur du livre
numérique
La répartition de la valeur du livre numérique
n'est pas simple, car tout dépend du mode de production : s'agit-il
d'une numérisation à partir du livre ? du PDF ? ou le contenu
est-il nativement structuré ?
Le schéma de synthèse proposé par Le motif -
Observatoire du livre numérique en Ile de France-, bien que ne prenant
pas en compte l'ensemble de ces paramètres, a le mérite de
présenter une répartition de la valeur pouvant donner un ordre
d'idée aux éditeurs néophytes dans ce domaine.
Répartition du prix de vente d'un livre
numérique (HT)
Alors que les éditeurs peuvent sans peine évaluer
les coûts de fabrication d'un livre papier, il est aujourd'hui difficile
de connaître les ordres de grandeur de production d'un ouvrage
numérique. On peut toutefois noter que la présence ou l'absence
de DRM, n'est pas anodine en termes de coûts, puisque cette technologie
représente 3% du coût total.
Cette répartition varie en outre en fonction des acteurs
intervenant dans la chaîne de
valeur :
Les éditeurs tentent de maintenir la chaîne de
valeur traditionnelle, parfois même en dépit du bon sens.
Comparaison de la chaîne du livre papier et de la
chaîne du livre numérique
Source DEPS : Ministère de la culture et de la
communication 2010
C'est ainsi que cette volonté a été
réaffirmée dernièrement par le président du SNE,
déclarant ainsi que : « Face à des modèles
d'intégration exclusifs développés par des grands
opérateurs technologiques, les auteurs et les éditeurs ont un
intérêt partagé à faire respecter la chaîne de
valeurs communes au livre imprimé et au livre numérique. Dans la
perspective proche d'une coexistence de ces deux marchés,
l'équilibre de notre secteur ne se conçoit sans que la librairie
y joue son rôle. 20» Les autres acteurs ne seront
peut-être pas de cet avis.
Toutefois, la chaîne de valeur peut ne plus être
linéaire, puisque l'ensemble des acteurs ont maintenant les moyens
matériels d'entrer en contact avec les autres. Les lecteurs peuvent
désormais parler aux auteurs, ces derniers peuvent placer directement
leurs livres sur des plateformes de distribution, les éditeurs peuvent
aussi vendre en direct via une boutique en ligne. La chaîne de valeur
traditionnelle plutôt que linéaire évolue vers un
dispositif en réseau.
L'ensemble des acteurs intègre désormais un vaste
maillage où tout devient possible. Lorenzo Soccavo propose le
schéma ci-dessous et parle d'une recomposition progressive de la
chaîne qui passera d'un modèle horizontal à une structure
réticulaire dans les dix prochaines années. En fait, tous les
acteurs sont à même d'entrer en contact désormais avec tous
les
autres maillons que ce soit les auteurs, les éditeurs, les
edistributeurs ou les cyberlibraires.
Source « Prospective du livre et de
l'édition », Lorenzo Soccavo, janvier 2009
Sous-section 2. Les acteurs
Les acteurs traditionnels de la chaîne du livre, et en
particulier les éditeurs, considèrent les nouveaux entrants comme
une menace, agissant bien trop souvent de manière protectionniste,
tentant parfois de mettre en place des dispositifs leur assurant de conserver
le contrôle de l'ensemble du processus.
20 L'édition numérique accorde les
mêmes droits d'auteur que le livre imprimé, Le Monde, 20 janvier
2011
Le site d'un éditeur pure player dont la
société est en création propose un mapping des acteurs
numériques sur lequel il place l'ensemble des intervenants de la
chaîne21.
Cartographie des acteurs du livre
numérique
Extrait du blog de Romain Champourlier
Paragraphe 1. Les agents littéraires et les auteurs :
alliés de la renégociation
des droits
L'agent littéraire est défini, dans l'étude
commandée par le Motif22, comme «l'interface entre
auteurs et éditeurs, ou l'intermédiaire entre éditeurs
pour la vente et
21 http://www.rchampourlier.com/
22 L'agent littéraire en France,
réalités et perspectives, Juliette Joste, Le Motif, Juin 2010
31
l'achat de droits de traduction ou la négociation des
coéditions.» Il est rémunéré à la
commission23.
Cette activité est en France peu développée,
tant et si bien, que l'Hexagone est raillé comme étant le pays
aux deux agents : Susanna Lea et François Samuelson. En fait,
l'étude du Motif recense une vingtaine d'agences et 200 à 300
auteurs représentés. Néanmoins, les débats sur le
livre numérique relancent l'intérêt pour cette profession,
susceptible de jouer un rôle primordial dans la défense des droits
des auteurs. Ces derniers ne pouvant pas se tourner vers l'éditeur, qui
est à la fois juge et partie, il trouve un allié en la personne
de l'agent mieux armé pour défendre ses droits. Cette profession
va sans doute considérablement croître dans les prochaines
années.
En revanche, la situation est inverse aux Etats-Unis, cette
profession étant largement représentée. D'ailleurs, alors
que les ventes numériques croissent dans ce pays atteignant 8% en valeur
et 10 % en volume du marché global en 201024, les agents
tentent tout naturellement de renégocier les droits, arguant de la
réduction des coûts et donc de l'augmentation des marges au profit
de l'éditeur. Ces derniers ont souhaité fixer les droits d'auteur
numériques à hauteur de 25 %, restant sourds aux revendications.
Cette attitude intransigeante est la cause des évènements
intervenus au cours de ces derniers mois.
Notons, tout d'abord, la décision des ayants-droit de
William Styron qui ont refusé de céder les droits
numériques de l'oeuvre du défunt à Random House
(l'éditeur de la version papier), au profit d'un pure player, Open Road
Integrated Media, lequel proposait de verser 50 % de droits d'auteur.
De même, l'agent star, Andrew Wylie, gestionnaire d'un
portefeuille prestigieux - Philipp Roth, Salman Rushdie, Norman Mailer, Julian
Barnes et bien d'autres - a tenté lui aussi de renégocier les
droits numériques, mais sans succès. L'homme baptisé le
Chacal, n'étant pas un enfant de coeur, a annoncé25 en
juillet dernier lors d'une conférence de presse qu'il venait de
créer sa maison d'édition numérique et de conclure un
accord de distribution exclusif avec Amazon, afin de mieux
rémunérer les droits des auteurs qu'il représente. Le
patron de Random House a aussitôt riposté déclarant que
toute négociation était suspendue avec l'agence d'Andrew Wylie,
celle-ci étant devenue de fait un concurrent. Les deux parties avaient
bien trop à perdre, ils conclurent donc fin août 2010 un accord,
sans en dévoiler les détails. Random House récupéra
alors 13 des 20 titres exploités par l'agence26.
Ainsi, Antoine Gallimard se réjouissait-il à la
foire de Franckfort, s'exclamant que <<L'affaire est
réglée» en se félicitant qu'Andrew Wylie ait
précisé que <<le couplage des droits papier et
numérique allait de soi et relevait de l'éditeur. Il n'y a donc
plus de
23 La commission varie de la façon suivante :
10 à 15 % sur les droits couverts par le contrat d'édition, 20%
sur les adaptations audiovisuelles et 20 % sur les cessions de droits
étrangers (Source Le Motif)
24 Association of American Publishers
25 Odyssey Editions, société
d'édition numérique, créée par Andrew Wylie en
juillet 2010 :
http://www.odysseyeditions.com
26 Odyssey Editions a conservé l'exploitation
de 7 titres d'auteurs n'ayant pas cédé leurs droits
numériques.
malentendu.» Enfin, le monde de l'édition se
sentait soulagé, parvenant de plus en plus difficilement à
répondre aux critiques liées à la
rémunération des droits.
Néanmoins, l'accalmie fut de courte durée. Dans un
article plein d'humour, cinq auteurs écrivent en commun une
<<lettre ouverte d'un auteur à son éditeur»
(Voir annexe 1). De façon faussement naïve, ils
s'étonnent que les droits ne sont pas répartis plus
équitablement, s'amusent de l'infidélité des
héritiers de William Styron <<indifférents aux liens
anciens», s'inquiètent de <<certaines pratiques en
amis», évoquent <<l'hypothèse
d'école» de confier les droits numériques à un
éditeur web, à un libraire virtuel ou à un fabricant de
tablettes. Les rédacteurs de l'article concluent de la manière
suivante, faisant ainsi planer la menace : <<Car s'il n'y a
peut-être pas d'auteur sans éditeur, il n'y a sûrement pas
d'éditeur sans auteur. Je sais ce que je sais ce que je te dois, cher
ami, je souhaite être ton allié et aussi que tu me
considères comme tel. Alors, voici ma question : faut-il humilier un
allié ?»
Il ne semble pourtant pas que cet avertissement, véritable
menace d'éviction de l'éditeur dans le processus de publication,
ait été compris par la communauté des éditeurs,
ainsi Antoine Gallimard déclarait dans un article publié par le
Monde : << Malgré le contexte d'incertitude du marché
et les investissements qu'ils font, les éditeurs proposent à
leurs auteurs des taux de rémunération au moins égaux
à ceux du livre imprimé, en retenant de plus en plus
fréquemment le "haut de la fourchette" de ces taux et en l'asseyant sur
le prix public (et non sur leur chiffre d'affaires net). 27»
Ces évènements montrent que les agents, et
à travers eux les auteurs, souhaitent une redistribution des profits et
que, dans le cas contraire, ils se tourneront vers les acteurs de la
chaîne qui se montreront plus généreux. La question d'une
renégociation des droits est donc aujourd'hui un enjeu majeur pour les
éditeurs.
À trop se replier sur le passé et les
privilèges, certains finissent par en oublier les perspectives d'avenir
et omettre de bâtir pour demain.
Paragraphe 2. L'éditeur : un métier à
réinventer
Le monde de l'édition s'inquiète de
l'arrivée de nouveaux acteurs et se met en ordre de marche pour
préserver la chaîne traditionnelle du livre. Pourtant, il est
temps de se lancer dans la bataille, car les pure players réalisent des
produits innovants qui, dans la durée, leur permettront d'installer leur
marque et de conserver un avantage concurrentiel. Les grandes maisons
d'édition auront sans doute les moyens de rattraper leur retard, ce sont
les sociétés de taille moyenne qui prennent le risque
d'être évincées de la course de façon
définitive. Il est à noter que ce marché est dominé
par un petit nombre, ainsi 50 éditeurs représentent 80 % du
chiffre d'affaires du secteur et sept maisons d'édition contrôlent
90 % du marché du livre, c'est-à-dire les principaux maillons de
la chaîne.
27 L'édition numérique accorde les
mêmes droits d'auteur que l'édition imprimé, Le Monde, 20
janvier 2011
Classement des éditeurs
Source Livres hebdo
Quand on parle d'édition de livres, le grand public a
tendance à penser que ce secteur est resté totalement à
l'écart de la révolution numérique et ne commence que
depuis quelques mois à se mettre en ordre de marche. Il s'agit là
d'idées reçues pour deux raisons : d'une part, il y a bien
longtemps que ces changements ont eu lieu en amont et que le dispositif de
fabrication profite pleinement des avancées technologiques
; d'autre part, les produits numériques constituent une grande part du
chiffre d'affaire des éditeurs scientifiques et juridiques.
Sous-paragraphe 1 - Les éditeurs et Google : une
nécessaire alliance
La communauté des éditeurs est majoritairement
hostile à Google, parfois sans bien même comprendre l'origine du
problème. Revenons donc, en 2004. Google propose alors aux
éditeurs et aux bibliothèques de numériser
et de mettre en ligne leurs contenus. C'est ainsique la firme de
Mountain View a entrepris de scanner les livres des bibliothèques.
Ces
ouvrages sont présentés sous deux formes : les
livres du premier groupe figurent en texte intégral s'ils sont
entrés dans le domaine public ; en revanche, ils apparaissent sous forme
d'extraits s'ils sont encore protégés par le droit d'auteur, sauf
refus explicite des titulaires des droits. Le groupe La Martinière
considérant qu'il s'agissait là d'une violation de la
législation a intenté une action en 2006 devant le tribunal de
grande instance de Paris, soutenue par le SNE. Google a alors été
condamné en 2009 en première instance pour contrefaçon.
Le
jugement lui interdit de poursuivre la numérisation
d'ouvrages sans autorisation des éditeurs (pour mieux comprendre ce
contentieux, voir Annexe 3). La société américaine a fait
appel de ce jugement. Albin Michel, Flammarion, Eyrolles et Gallimard ont eux
aussi poursuivi Google.
Les représentants des éditeurs et des auteurs
américains ont porté également l'affaire devant les
tribunaux. Un accord transactionnel, baptisé l'ASA28, a
été conclu entre Google et les ayants droits dont les
règles s'appliquaient aux Etats-Unis mais visaient aussi les oeuvres
étrangères. Après protestation du SNE notamment, un
règlement du différend est intervenu en 2009 pour réduire
le champ d'application du texte et exclure les livres français, à
l'exception de ceux enregistrés au Copyright Office (environ 200 000
titres). Le 22 mars 2011, Google a essuyé un nouveau revers. Le juge
Chin a estimé l'accord << ni juste, ni suffisant, ni
raisonnable >>. Il demande aux parties de réviser leur copie
et d'abandonner l' << opt out >> 29 au profit de l' << opt in
>>. Ainsi, ce qui serait pour lui acceptable, c'est qu'auteurs et
éditeurs puissent accepter a priori la numérisation des oeuvres
orphelines, le silence des parties ne devant pas être
considéré comme un accord implicite. Amazon et Apple se sont
réjouis de cette décision judiciaire, considérant que la
pratique de numérisation des oeuvres orphelines constituait une
concurrence déloyale.
Alors que le dossier est toujours en cours auprès des
juridictions françaises et que le contentieux n'a pas pris fin entre
Google et la communauté des éditeurs , Arnaud Nourry,
Président d'Hachette Livre a, dans la consternation la plus totale,
annoncé le 17 novembre 2010, que son groupe avait conclu un accord avec
le géant américain se désolidarisant ainsi du reste de la
profession. Ce contrat concerne 40 000 à 50 000 livres anciens dans les
secteurs de la littérature générale (Grasset, Fayard,
Calmann Lévy), des ouvrages universitaires (Armand Colin, Dunod) et des
ouvrages documentaires (Larousse). Cet accord signé pour cinq ans,
prévoit une autorisation préalable pour la numérisation
des livres et pour la diffusion commerciale des fichiers sous forme d'ebooks.
Ce protocle ne comprend pas les questions de rémunération des
ayants droits, ainsi que la répartition des revenus entre Google et
Hachette, points qui donneront lieu à un autre accord. De même, un
deuxième contrat a été signé avec les filiales
américaines d'Hachette afin de permettre la mise en vente, sur la
plate-forme de vente de livres numériques Google Editions, des
nouveautés. Il s'agit notamment de la commercialisation des titres de
Stephanie Meyer, John Connoly ou James Patterson, par exemple.
Le premier coup de colère passé, Antoine Gallimard
tenta de faire bonne figure en se félicitant officiellement du recul du
géant américain à travers cet accord. Le ministre de la
culture, Frédéric Miterrand, a souhaité cependant rappeler
que <<les questions de numérisation et des droits des oeuvres
indisponibles font l'objet d'un travail commun>> entre les acteurs
de la chaîne du livre, critiquant le manque de concertation et exprimant
ainsi sa crainte que l'initiative d'Hachette, premier acteur en France, brise
la solidarité entre les éditeurs français contre
l'hégémonisme de Google.
28 Amended Settle Agreement
29 Opt out : acceptation tacite des
propriétaires des droits ; Opt in : acceptation préalable des
propriétaires des droits
Néanmoins, en dépit de la démarche
individualiste du groupe Hachette, cet accord aidera peut-être les
maisons d'édition à négocier un cadre légal qui
protégera au mieux les droits de chacune des parties.
Sous-paragraphe 2 : Les pures players de
l'édition
Les éditeurs traditionnels sont frileux. Certes, il n'est
pas si simple de proposer des livres numérisés, tant le droit
français est strict. À l'exception des livres récents,
pour lesquels les éditeurs font signer des contrats autorisant la
cession de droits numériques, pour le reste la mise à disposition
d'un fichier numérique peut relever du parcours du combattant. Pour les
sociétés ayant un fonds relativement modeste, la
numérisation est assez simple ; tandis que pour les autres, il s'agit
d'une entreprise de longue haleine. Non seulement, il faut parfois partir
à la recherche des héritiers, mais en plus lorsque l'ouvrage fait
intervenir plusieurs acteurs (auteur, illustrateur, photographe, par exemple),
l'éditeur est contraint d'adresser un avenant à chaque
intervenant.
En outre, les maisons d'édition traditionnelles n'osent
pas se lancer dans l'aventure du livre enrichi. S'il est facile
d'établir un compte d'exploitation pour un livre papier traditionnel,
l'entreprise est compliquée pour les nouveaux contenus. Difficile quand
il faut rendre compte à des actionnaires, d'engager des coûts sans
connaître le retour sur investissement.
Les pures players en revanche n'ont rien à perdre. Ainsi,
nombre de sociétés intervenant dans le domaine de
l'édition numérique se multiplient depuis quelques mois. Il peut
s'agir d'acteurs ne faisant que de l'édition. C'est le cas par exemple
de Smartnovel, jeune maison lancée lors du salon du livre en 2009 qui
reprend un genre ancien celui du feuilleton, en lançant une collection
de romans baptisée, Episod, à lire sur Smartphone. Les
lecteurs reçoivent chaque jour sur leur mobile un épisode (4000
signes au maximum). Les textes émanent d'auteurs aussi prestigieux que
Didier Van Cauwelaert ou Marie Desplechin.
Smartnovel n'est toutefois pas le premier à avoir
tenté cette aventure. Il a été
précédé par Ave Comics et son application MyComics en
2008, une solution pour lire et conserver des bandes dessinées digitales
sur téléphones mobiles. Citons aussi
Publie.net, coopérative d'auteurs
pour la littérature numérique, qui édite des livres
nativement numériques et qui, tout dernièrement, a lancé
une revue littéraire multimédia baptisée D'ici
là.
Il peut s'agir d'éditeurs-libraires aussi. Tel est le
cas de Leezam qui diffuse son propre catalogue, mais aussi celui de maisons
d'édition françaises et québécoises. Il s'agit
cependant d'expérimentations dont l'issue est incertaine, puisque pour
Leezam, l'aventure semble avoir pris fin en ce début
d'année30.
30
http://www.ebouquin.fr/2011/02/24/leezam-la-faillite-dun-pionnier-francais-de-ledition-numerique/
Sous-paragraphe 3. Les ventes d'ebooks
Les acteurs du livres numériques parlent souvent
d'ebooks en regroupant des réalités différentes : livres
enrichis, livres homothétiques, Cdroms, livres audio... Les comparaisons
sont donc souvent difficiles à effectuer.
Toutefois, si l'on en croit le syndicat de
référence aux Etats-Unis - l'Association of American publishers
(AAP)- le chiffre d'affaires des ventes d'ebooks était de 313 millions
de dollars en 2009, ce qui correspond à une progression de plus de 1%.
Les chiffres présentés cidessous sont faibles car ils n'incluent
pas l'ensemble de l'activité numérique, et en particulier, le
marché juteux des bases de données disponibles par abonnement
pour les marchés professionnels.
Part du livre numérique dans le chiffre
d'affaires des éditeurs américains
L'International Digital Publishing Forum (IDPF) indiquait quant
à lui presque le triple des ventes entre le début 2009 et la mi
2010.
Croissance confirmée par le patron d'Hachette, Arnaud
Nourry, qui déclarait31, en juin dernier, avoir
réalisé 8% de son chiffre d'affaires aux états-unis avec
des ebooks, essentiellement en littérature générale.
31
http://www.challenges.fr/magazine/strategie/0215.031025/?xtmc=toutes_nos_vidA_os&xtcr=9
En France, le SNE32 estime que le livre
numérique représente 1,7 % de l'activité
éditoriale, ce chiffre est porté à 2,7 % en y ajoutant les
ventes d'abonnement et d'applications. Selon l'enquête annuelle
menée par ce syndicat, le chiffre d'affaires numérique serait
constitué à 53 % des ventes sur support physique, 28 % de la
diffusion numérique (abonnement à des services en ligne) et pour
19 % des ventes d'ouvrages en téléchargement (livres audio et
ebooks).
Répartition des ventes de produits
numériques
Paragraphe 3 : Diffusion et distribution : un enjeu
majeur
Seuls les éditeurs les plus importants se sont
organisés pour être autonomes dans la mise à disposition
des contenus et l'organisation des circuits de distribution traditionnels. Dans
le domaine du numérique, les processus de diffusion et de distribution
ne sont pas encore figés. Ils évolueront beaucoup au cours de ces
prochaines années. Outre les nouvelles plateformes, les éditeurs
doivent faire face à l'arrivée de nouveaux entrants : Amazon et
Google, prêts à briser ce qui constituait les codes d'hier, avec
pour enjeu le contrôle de la chaîne du livre.
32
http://www.sne.fr/dossiers-et-enjeux/economie.html
Sous-paragraphe 1 : La concentration du marché
La diffusion et de distribution comportant des coûts
importants, seuls les éditeurs ayant atteint une taille critique peuvent
intégrer cette activité. Les autres doivent alors faire confiance
et sous-traiter. Cinq gros diffuseurs captent 80% du marché :
- Hachette, par l'intermédiaire de sa filiale Hachette
Diffusion Services (HD), est à la tête du plus grand réseau
de diffusion ;
- Editis et Gallimard ont conclu un accord de partenariat pour la
diffusion et la distribution dans les supermarchés au travers
d'Interforum ;
- Le Seuil et la Martinière gèrent Volumen ;
- Flammarion possède Union Distribution ;
- Gallimard est à la tête de la Sodis.
Ce phénomène de concentration touche aussi la
libraire avec une double tendance :
- Concentration de l'achat : la vente de livres se réalise
principalement au sein des grandes chaînes ;
- Concentration du capital : une librairie sur deux figurant dans
le top 50 du classement livres hebdo appartient à un groupe.
Sous-paragraphe 2 : La multiplication des plateformes
Ces plates-formes sont essentielles, car elles assurent le
stockage des données et leur référencement. On peut les
diviser en deux catégories : celles qui mettent les livres
numériques à disposition des seuls libraires revendeurs d'ebooks
et celles qui autorisent la vente au consommateur final. Le choix est certes
stratégique, puisque dans le premier cas, l'objectif est de
préserver la chaîne du livre et en particulier les libraires; dans
le second, le but est d'accroître les chances de rencontrer son public en
étant présent sur tous les canaux.
Parmi les trois principales plates-formes, seule Numilog,
propriété d'Hachette, propose un accès direct aux
lecteurs. Eden Livres (partenariat Flammarion, Gallimard et La
Martinière) et eplateforme (Editis) ne sont accessibles qu'aux
revendeurs.
Numilog joue pleinement son rôle de diffuseur en proposant
une réelle prestation commerciale aux éditeurs adhérents.
Ainsi, il propose tout un éventail d'offres commerciales : achat du
livre à l'unité, vente par chapitre (Pick and mix), location du
fichier numérique à l'heure ou à la journée, le
teasing (un chapitre offert), l'achat de bouquet de titres, l'abonnement aux
bibliothèques avec un accès illimité à une
collection de titres.
La multiplication du nombre de plates-formes rend coûteux
l'accès aux catalogues des éditeurs et privilégie de ce
fait les gros revendeurs (ex : Fnac). En effet, si ces plates-formes
ne sont pas interopérables, le libraire qui veut
accéder à l'ensemble d'entre elles doit procéder à
autant de développements informatiques, ce qui s'avère si
coûteux que l'entreprise s'avère peu rentable. Pour éviter
les distorsions de concurrence, il est indispensable que les éditeurs
parviennent à s'entendre, afin de rendre les plates-formes
interopérables, Un accord aurait été signé en mai
2010 entre Eden livres, Eplateforme, Epagine et Numilog afin de mettre à
disposition des libraires un catalogue commun. Il ne semble pas pour le moment
que ce déploiement soit opérationnel. Les revendeurs sont donc
toujours en attente d'un hub professionnel, indispensable pour rendre l'offre
plus lisible et offrir aux lecteurs un catalogue riche qui les incitera
à lire des livres numériques.
Cependant, une étape importante a été
franchie. Dilicom, société en charge des catalogues
informatisés qu'elle met à la disposition des distributeurs et
des libraires, est actuellement en cours de réalisation d'un hub entre
Eden Livres, eplateforme, Immatériel et la librairie Dialogue.
Distributeurs et détaillants pourront donc se brancher à ce point
de connexion unique. Toutefois, le catalogue le plus important, celui
d'Hachette, ne fait pas partie de l'accord, ce qui limite la portée de
ce point de connexion qui a pour ambition de devenir unique.
Plates-formes de livres numériques
Site
|
Modèle
|
Type d'opérateur
|
Nombre de références
|
Positionnement de l'offre
|
Numilog
|
Essentiellement miroir
|
Plate-forme (Hachette)
|
61 000
|
Tous genres
|
I-Kiosque
|
Gratuité et miroir
|
Librairie en ligne
|
2 400
|
Tous genres
|
E-Pagine
|
Miroir
|
E-distributeur
|
2 650
|
Tous genres
|
E-Plateforme
|
Miroir
|
Plate-forme (Editis)
|
|
|
Fnac
|
Miroir
|
Libraire en ligne
|
|
|
Cyberlibris
|
Service
|
Bibliothèque et librairie en
ligne
|
1 200 pour l'offre grand public
|
Plusieurs catalogues : grand public (livres
pratiques surtout) et universitaire
|
Ave-comics
|
Gratuité et service
|
Bibliothèque en ligne
|
Plusieurs centaines
|
BD
|
Site
|
Modèle
|
Type d'opérateur
|
Nombre de références
|
Positionnement de l'offre
|
Relay.com
|
Miroir
|
Librairie en ligne
|
2 000
|
Essentiellement best-sellers et guides
|
Publie.net
|
Miroir et service
|
Editeur numérique
|
250
|
Littérature contemporaine
|
Smartnovel
|
Service
|
Editeur numérique
|
19
|
Romans en feuilletons
|
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la
Communication, 2010
Après l'interopérabilité, un autre point
est important, est celui de permettre au libraire de disposer du fichier. En
effet, lors d'une table ronde organisée par Le Motif - Observatoire du
livre numérique en Ile de France- le 7 février 2011 sur le
thème « Se lancer dans l'édition numérique
», Stéphane Michalon, directeur général
d'epagine, spécifiait que l'on peut
distinguer deux catégories d'éditeurs : ceux qui
disposent d'une copie du fichier et ceux qui n'en disposent pas. Pour lui, il
faut rapprocher rapidement le fichier du lecteur, c'est à la fois un
problème d'intermédiation et aussi de services. Le libraire qui
dispose du fichier pourra créer de nouveaux services : proposer un
extrait des contenus ou permettre de procéder à une recherche
plein texte, par exemple. Le schéma ci-dessous illustrant le circuit du
fichier dans les deux hypothèses exposées
précédemment, démontre que le modèle qui a le plus
d'avenir est celui où le libraire dispose d'une copie du fichier. En
effet, il comporte le double avantage de l'accès plus rapide aux
données et de réduire les coûts d'intermédiation.
Circuit de commande d'achat du livre numérique Cas 1 : le
libraire ne dispose pas du fichier
Cas 2 : Le libraire dispose du fichier
Sous-paragraphe 3 : Les librairies et la vente en
ligne
Le paysage de la vente de livres en France par des
détaillants a été considérablement modifié.
Par le poids des grandes surfaces (grandes surfaces spécialisées
et non spécialisées) d'abord, lesquelles comptabilisent plus de
40 % de parts de marché. Par la montée en puissance d'internet
ensuite qui enregistre près de 10 % de parts de marché. La
librairie ne représentant que 17,4 % en valeur.
Les lieux d'achat du livre
Source DEPS
Sur un marché du livre de 4,2 milliards d'euros en
2010, selon l'institut GfK, la vente en ligne représente 9 % des ventes
totales en valeur et 8 % en volume (le SNE estime quant à lui qu'il
frôle les 10 %), soit 320 millions d'euros. La progression est de 0,1 %
en valeur et de 0,2 en volume par rapport à 2009. Cette croissance peut
paraître faible, mais contrairement
aux autres secteurs culturels, c'est un marché qui se
maintient.
Il est à noter que le poids de la vente sur internet
évolue en fonction des marchés. Il est en effet largement
prédominant dans le domaine des sciences humaines, et en particulier le
développement personnel qui est bien représenté.
Source GfK
De même, le poids du fonds ancien est prédominant
sur internet (43 % pour la vente en ligne, contre 27 % pour l'ensemble des
circuits), constatation allant dans le sens d'un effet longue traîne
pourtant contesté par certains.
Source GfK
De même, on peut noter une saisonnalité
spécifique d'internet par rapport aux autres circuits de distribution.
Quelques points importants sont à noter à ce sujet :
- Internet décroche en période de vacances ou de
longs week-ends ;
- Les achats en ligne se font aussi à la rentrée
scolaire, ce qui n'était pas le cas auparavant ;
- Les ventes de livres en ligne sont plus importantes sur
internet par rapport aux autres circuits de distribution au moment de la fin de
l'année. Toutefois les achats de dernière minute ne profitent
qu'aux circuits traditionnels.
Source Gfk
Si la part de marché d'internet a presque doublé en
4 ans, celle des libraires s'érodent lentement mais de manière
constante au fil des années.
Source GfK
Plus de la moitié du chiffre d'affaires
généré par la vente en ligne revient à Amazon,
suivi par la FNAC dont la vente en ligne représentait, à la fin
2010, 15 % du chiffre d'affaires livre de l'enseigne. La librairie Decitre
vient en 3e position avec 1,5 millions de visiteurs par mois, puis dans l'ordre
: Chapitre, Leclerc, Virgin, ainsi que les sites des grandes librairies
indépendantes (Mollat, Dialogues, Ombres blanches,
Sauramps)33.
Comment expliquer la diminution des parts de marché de la
librairie traditionnelle au profit d'internet ? De prime abord, on pourrait
affirmer que le circuit classique bénéficie d'atouts
indéniables, au moins au nombre de trois :
- le conseil,
- la capacité d'entretenir un fonds maîtrisé,
- la souplesse de fonctionnement.
Ces points forts ne doivent néanmoins pas dissimuler les
faiblesses. Aujourd'hui, les libraires ont tendance à privilégier
les ouvrages à forte rotation (les best-sellers) au détriment du
fonds éditorial. Ensuite, en raison du phénomène de
surproduction, ils sont contraints de faire le tri, leur surface de vente
n'étant pas extensible, les livres sont donc retournés plus
rapidement. Il n'est donc pas étonnant, en raison de cette
difficulté à maintenir le fonds éditorial, de constater
que les ouvrages de la longue traîne profitent principalement à la
vente en ligne.
De même, le succès d'internet s'explique
également par la perception erronée des français qui, pour
45 %, pensent que le livre est moins cher sur ce circuit. Ainsi, il y a
là un levier pour les syndicats de libraires qui devraient communiquer
plus largement sur la loi relative au prix unique du livre34.
33 « 1001 libraires se mobilisent contre Amazon », Le
monde des livres, 28 octobre 2010
34 Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative
au prix du livre
Source GfK
Face à ces tendances, plusieurs mesures pourraient
être mises en place pour soutenir la librairie :
1° Comme mentionné plus haut, les syndicats de
librairie devraient communiquer auprès du public sur la loi Lang afin de
faire savoir qu'un livre acheté sur internet ne revient pas moins
cher.
2° Il conviendrait d'informer qu'un livre non disponible
chez un libraire peut-être commandé et obtenu en deux jours,
délai aussi rapide, voire plus, que celui garanti par un
cyberlibraire.
3° Rendre la librairie indépendante plus attractive
et la rapprocher de ses clients, en s'interrogeant sur ce qu'un magasin peut
offrir de plus. Contrairement à ce que dit Philippe Lane35 :
«Triste constat : les libraires seraient de plus en plus amenés
à remplir ce rôle de divertissement (notamment la
restauration dans les magasins eux-mêmes.», les libraires
devraient s'attacher à rendre le lieu de vente accueillant et en faire
un vecteur de lien social. Force est de constater que les libraires qui l'ont
compris parviennent à générer du profit en organisant, par
exemple, des ateliers adaptés à la cible de leurs clients (par
exemple, les librairies du secteur jeunesse organisent bien souvent des
activités pour les enfants le mercredi ou les librairies spirituelles,
des conférences dispensées par des maîtres), devenant
parfois aussi des concepts stores où il est possible de lire, de se
restaurer, de participer à des lectures publiques, de se rencontrer et
d'échanger. Le profil du libraire est donc conduit à
évoluer en
35 Où va le livre, direction Jean-Yves Mollier,
édition La Dispute, 2007
un communiquant désireux de transmettre son amour du livre
et réunir autour de lui des gens désireux de tisser des liens et
de débattre autour de sujets réunissant des communautés de
lecteurs.
4° La librairie traditionnelle devrait tenter de
dépasser ses craintes vis-à-vis du livre numérique. En
effet, un ebook, en dépit de tous les débats, reste un livre. Les
conseils restent indispensables. Les libraires, en association avec les
éditeurs, devraient proposer des bornes sur lesquelles, il serait
possible de consulter le livre et le télécharger, par exemple. La
société epagine a lancé une initiative dans ce
sens36.
Des initiatives intéressantes sont toutefois menées
par certains. Ainsi, l'exemple de 1001libraires.com37
mérite d'être cité. Il s'agit d'un portail qui propose
l'accès à la totalité de l'offre de livres, la livraison
du livre à distance, mais aussi le retrait du livre dans un délai
de 2h. Le libraire dispose en outre d'une plateforme qui lui permet de
créer son site internet. L'ambition du projet est de ramener les
lecteurs dans la relation avec les libraires grâce au dispositif de
géolocalisation et à la possibilité d'acheter en ligne
chez son libraire adhérent.
Visuel 1001
libraires.com
Le libraire, quoiqu'il en soit, aurait intérêt
à prendre la parole sur le net, excellent médium pour informer,
conseiller et orienter. De même, il s'agit d'un excellent canal de vente
pour les libraires indépendants. La librairie Mollat l'a bien compris.
Son dirigeant déclarait, au journal Le Monde le 28 octobre 2010, avoir
réalisé 7% de son chiffre d'affaires grâce au Net.
36
http://blog.epagine.fr/index.php/2010/10/les-bornes-numeriques-debarquent-dans-six-librairiesparisiennes/
37 Le site dont la sortie était prévue
initialement en décembre n'est pas encore disponible au moment de la
rédaction de ce document. Il devrait être mis en ligne avril
2011.
Ce site souffre toutefois d'un double handicap : la remise de 5 %
ne sera pas appliquée et la livraison sera facturée 2,95 €
si le panier est inférieur à 25 €, gratuite au
delà.
Il convient également de noter des initiatives locales,
comme par exemple Libr'Est, réseau de librairies du Nord-Est
parisien38 qui dispose d' un fonds de 800 000
références et donne au lecteur la possibilité de retirer
le livre dans une des 9 librairies du réseau. Ce dernier peut aussi
choisir la livraison à domicile qui est faite sous 3 heures à
Paris et Vincennes.
Sous-paragraphe 4 : Google et les bibliothèques
numériques
Google l'inclassable : ni libraire en ligne, ni
bibliothèque, ni agence publicitaire, mais tout cela à la fois,
et bien plus encore. Le souhait de départ était de proposer une
bibliothèque numérique planétaire. Non par altruisme, mais
parce que des données correctement indexées alliées
à des résultats pertinents attirent un nombre croissant
d'internautes et par conséquent de revenus. Google n'avait-il pas
affirmé qu'il ne vendrait pas de livres ? Pourtant, c'est ce qu'il
s'attache à faire aujourd'hui, avec le programme Google Edition,
plateforme de téléchargement de livres numériques,
déployé aux Etats-Unis. Après avoir été
repoussé plusieurs fois, ce service serait accessible dans le courant de
l'année 2011 .
Les éditeurs doivent-ils avoir peur de ce nouvel acteur
qui cumule les casquettes ? La vigilance doit être certes de mise,
toutefois, elle ne doit pas se transformer en dogmatisme. L'arrivée d'un
troisième acteur sur la place, ne peut être que positive. Une
concurrence est nécessaire pour rompre la position dominante du duopole
Amazon et Apple sur le marché du numérique. Google l'a bien
compris. C'est cette position de leader qui permet à Apple d'abuser de
son quasi-monopole sur le marché des tablettes, en imposant aux
éditeurs de presse de proposer leurs titres en passant par l'application
d'achat in-app39. Cette décision ayant pour
conséquence le versement à Apple de 30% du chiffre d'affaires
généré par les abonnements.
De même, la diffusion des applications est soumise à
l'approbation préalable d'Apple, ce qui peut mettre en danger le projet
et créer un risque financier non négligeable, si l'application
n'est pas retenue. En outre, les formats propriétaires imposés
par Amazon et Apple, accroissent les coûts de développement et par
conséquent les coûts de revient du livre.
Françoise Benhamou40 soulignait que :
«Bien que cette stratégie conforte la position dominante de
Google sur le marché de l'accès aux contenus numériques,
elle paraît plus ouverte que celle d'Amazon : elle ne crée ni
verrouillage, ni pression sur les prix et, comme le souligne la firme
elle-même, sa situation de quasi-monopole pourrait rendre plus de
services au consommateur que la fragmentation de l'offre constatée
aujourd'huii
Google ne vend pas seulement du livre numérique, cette
société est surtout connue comme étant devenue la plus
grosse bibliothèque en termes de références, suivie par
Europeana.
38 Le réseau regroupe les librairies : Le
comptoir des mots, l'Atelier, Atout Livre, La Manoeuvre, Le Genre urbain,
Millepages, Millepages BD et jeunesse, La librairie du 104, Le Merle
moqueur.
39
http://www.macgeneration.com/unes/voir/129102/apple-et-la-presse-de-l-eau-dans-le-gaz
40 Modèles économiques d'un
marché naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou
et Olivia Guillon, Département des études, de la prospective et
des statitstiques, Ministère de la culture, juin 2010
Les grandes bibliothèques
numériques
|
Affiliation
|
Date de lancement
|
Nombre de références
|
Interface
avec ventes éditeurs
|
Gallica
|
BNF
|
1997 puis 2007 pour Gallica 2
|
112 500 livres en mode texte
|
Oui
|
Projet Gutenberg
|
Organisation à but non lucratif
|
1971
|
30 000
|
Non
(ebooks gratuits)
|
Google livres
|
Google
|
2005 pour Google Print
|
12 millions
|
Non
|
Google Edition
|
Google
|
1er semestre 2011
|
|
Oui
|
Open content Alliance
|
Yahoo et Internet Archive
|
2005
|
1,2 millions de livres plein texte
|
Non
|
American Memory
|
Bibliothèque du Congrès, Etats-Unis
|
1994
|
|
Non
|
Europeana
|
Commission européenne
|
2007
|
6 millions de documents
tous types confondus
|
Non
|
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la
Communication, 2010
A ce stade, il convient de s'interroger sur la place des
bibliothèques traditionnelles. Internet ne devrait pas changer
fondamentalement la donne, les bibliothèques devraient conserver leur
rôle de médiateur et de conseils. Celui-ci pourrait être
renforcé par l'aide au public à la recherche d'informations sur
la toile et à la mise en place d'outils permettant d'organiser les
données (utilisation des moteurs de recherche, stockage des
données, outils pour créer sa propre bibliothèque
virtuelle...).
Sous-paragraphe 5 : Fabricants de readers contre tablettes
Amazon et Apple ont été conduits à
développer leur matériel de lecture numérique pour des
raisons différentes. Le premier pour vendre des livres, ce qui est son
coeur de métier, et le second pour vendre des matériels. C'est
d'ailleurs l'arrivée sur le marché de l'iPad qui a
encouragé Amazon à modifier son modèle. Ainsi, le libraire
en ligne a d'une part abandonné
la politique du prix plafonné, alors fixé à
9,99 € pour les nouveautés et a adopté le modèle
d'agence41 et d'autre part, a modifié la répartition
des revenus. Ainsi, cette société est passée d'un
modèle de partage du chiffre d'affaires 50/50 à une
répartition 70/30, à l'instar d'Apple. Il est à noter que
l' Agency model américain permet à l'éditeur de conserver
la maîtrise du prix qui sera pratiqué par le détaillant.
Amazon reste sans conteste le leader en nombre de supports
numériques vendus. Le rapport Cowen and Co estime les ventes de la firme
de Seattle à plus de 5 millions d'unités, Bloomberg l'estimerait
à un peu moins de 8 millions d'unités. Toutefois, si l'on en
croit le tableau ci-dessous, la part de marché de l'iPad ne sera que de
16 % en 2015. Or, le succès de ce support, 7,33 millions d'exemplaires
vendus du 25 septembre au 25 décembre 2010- ce qui porte le parc
à 14,79 millions d'appareils dans le monde42- risque de
démentir ces chiffres.
Le tableau ci-dessous compare les parts de marché du
Kindle et de l'iPad. Toutefois, il convient de noter à ce stade que les
deux produits n'ont pas les mêmes fonctionnalités, l'un n'est
consacré qu'à la lecture, il s'agit du Kindle ; tandis que
l'autre est un appareil destiné aux loisirs (lecture, musique,
vidéo, jeux).
Parts de marché du Kindle et de
l'iPad
|
Kindle
|
iPad
|
Part de marché
|
76 %
|
5 %
|
Projection 2015
|
51 %
|
16 %
|
Part reversée
|
70 % éditeur
|
70 % éditeur
|
Rapport Cowen and Co, 2010
Sur le marché des readers, Amazon est le leader
incontestable, suivi très loin derrière par le Pandigital Novel
et le Nook de Barnes and Noble.
Parts de marché des vendeurs de readers au
troisième trimester 2010
Rank
|
Vendor
|
3Q10 Shipments (M)
|
Market Share (%)
|
1
|
Amazon
|
1.14
|
41.5%
|
2
|
Pandigital
|
0.44
|
16.1%
|
3
|
Barnes and Noble
|
0.42
|
15.4%
|
4
|
Sony
|
0.23
|
8.4%
|
4
|
Hanvon
|
0.23
|
8.2%
|
6
|
Others
|
0.29
|
10.4%
|
Source: IDC Worldwide Quarterly Media Tablet and eReader
Tracker, January 18, 2011.
41 L'éditeur mandate la plate-forme pour vendre
le livre et fixe le prix.
42
http://www.apple.com/pr/library/2011/01/18results.html
La répartition est moins équitable sur le
marché des tablettes. Ainsi, l'iPad enregistrerait 87,4 % de parts de
marché. Toutefois, il convient de noter que le marché n'est pas
encore stabilisé et risque de basculer en raison de l'avalanche de
tablettes annoncées chaque jour, (Galaxy Tab de Samsung, le Xoom de
Motorola et le Playbook de Blackberry). Un basculement du marché est
possible. En effet, de nombreux produits équipés d'Androïd,
système d'exploitation open source, seront lancés sur le
marché. En revanche, l'iPad qui repose sur un dispositif
propriétaire, et qui par conséquent entraîne un
verrouillage de l'utilisation, risque de perdre à terme son avance sur
le marché. Les clients pourraient se laisser séduire par des
produits offrant plus de liberté.
15 millions d'iPad vendus rendent désormais le potentiel
du marché attractif pour les éditeurs désireux de publier
des livres en anglais ou en plusieurs langues. En outre, selon l'Institut
GfK43, 435 000 tablettes seraient en circulation en France dont 350
000 iPad. Cet équipement commence à être suffisamment
significatif pour commencer à développer des produits
adaptés à ces supports.
Sous-paragraphe 6 : Les opérateurs de
téléphonie mobile
Les opérateurs tentent de se lancer dans la course en
subventionnant les appareils pour recruter de nouveaux clients. Certains ont
négocié avec Apple et Samsung des accords de distribution.
En outre des éditeurs ont passé des accords avec
les opérateurs téléphoniques, en particulier sur les
créneaux du guide de voyage, du feuilleton ou des bandes
dessinées, par exemple. On peut ainsi citer Mobilire, les guides de
voyage Gallimard (Smartcity) et Michelin, ou encore Smartnovel.
CHAPITRE II : VERS L'EVOLUTION DU MODELE
ECONOMIQUE
Section 1. Les freins a lever pour l'émergence
d'une
économie numérique
Ils sont de plusieurs ordres : juridiques, techniques et
économiques
Sous-section 1. Les enjeux juridiques
43 « Les tablettes ont trouvé un public en 2010,
selon GfK »,
01.net, 27 janvier 2011
Si le droit de la propriété intellectuelle est
relativement bien adapté à l'économie du livre papier, il
l'est beaucoup moins à celui du livre numérique. Nous ne
soulignerons pas ici les incongruités qui imposent de citer dans les
contrats d'édition des dispositions qui ne peuvent s'appliquer aux
contenus numériques, comme le tirage par exemple.
Il s'agit d'abord des difficultés soulevées lors de
la conversion de la majeure partie des livres, c'est-à-dire globalement
à compter de 1995, voire des années 2000 pour les moins
prévoyants. En effet, les contrats antérieurs ne
prévoyaient pas la cession des droits numériques. Pour pouvoir
diffuser des contenus sous la forme digitale, les éditeurs doivent donc
régulariser les contrats en établissant un avenant avec chacune
des personnes intervenues dans le livre : écrivain, illustrateur,
photographes. Cela fait du monde donc et c'est une entreprise titanesque pour
les sociétés d'édition disposant d'un fonds important.
Autre problème, celui des oeuvres orphelines,
c'est-à-dire les livres dont on ne parvient pas à retrouver les
ayants-droits et qui ne sont pas encore entrés dans le domaine public.
Dans ce cas, l'éditeur doit-il renoncer à publier sur support
numérique ? Le pragmatisme justifierait d'éditer et de consigner
la part des droits revenant aux auteurs. Mais alors, si le livre
numérique devient un succès, les ayants droits se
feront alors connaître et pourront demander à obtenir en plus des
droits d'auteur des dommages et intérêts dont le montant pourrait
être préjudiciable à la rentabilité du titre.
Tous ces freins militent pour une remise à plat du droit
d'auteur. Il conviendrait par ailleurs d'intégrer l'ouverture d'un
débat sur l'entrée des oeuvres dans le domaine public,
passé depuis quelques années en France de 50 à 70 ans
à compter de la mort de l'auteur. Ainsi, il n'est possible
d'éditer librement à ce jour que les oeuvres d'auteurs
décédés avant 1941. Ces contenus pourraient pourtant venir
enrichir de nouvelles créations éditoriales et permettraient
à des pures players de limiter les coûts de production des oeuvres
aujourd'hui très élevés. Des voix s'élèvent
de plus en plus nombreuses, s'inquiétant des effets de l'extension de la
durée de protection des oeuvres, en particulier, la faible incitation
à la création et l'attribution de rentes44. En
réaction à ce phénomène, un mouvement en faveur du
libre s'est constitué, avec pour porte parole, Lawrence
Lessig45, juriste américain qui a lancé la licence
Creative Commons destinée à mettre les oeuvres à
disposition d'une communauté. Celles-ci pouvait être
modifiées et rediffusées librement, chaque contributeur
abandonnant ses droits exclusifs au profit du suivant. Ces dispositions
présentent un intérêt tout particulier pour les ouvrages
collaboratifs qui se développent aujourd'hui. Il n'est alors nul besoin
d'autorisation pour corriger le livre ou le compléter.
Pourtant, dans le cas d'une oeuvre collective, le choix pour
l'éditeur de se placer sous le régime des Creative Commons
plutôt que sous celui du code n'est pas forcément plus avantageux.
Pour bien comprendre le raisonnement, il convient d'abord de définir ce
qu'est une oeuvre collective. Au titre de l'article L. 113-2 al 3 du Code de la
propriété intellectuelle: « Est dite collective l'oeuvre
créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale
qui
44 L'économie de la culture, Françoise Benhamou,
Edition la découverte, collection repères, février 2010
45 Lawrence Lessig, The future of ideas, Random House,
New York, 2001
l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et
son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs
participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue
duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à
chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé
». Ainsi, un dictionnaire, une encyclopédie ou tout contenu
mêlant le travail de plusieurs auteurs de façon telle qu'il est
difficile de savoir quelle est la contribution réelle, sont
placés sous ce régime. Les effets sont définis par
l'article L. 113-5 qui stipule que << L'oeuvre collective est, sauf
preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale
sous le nom de laquelle elle est divulguée. ». Le
législateur ajoute dans le dernier alinéa que : <<
Cette personne est investie des droits de l'auteur. ». Ainsi,
dans cette hypothèse, c'est bien l'éditeur qui est titulaire des
droits d'auteur et non pas les contributeurs. Ce qui revient à dire
qu'il peut disposer de l'oeuvre, comme il le souhaite, sans avoir à
solliciter d'autorisations pour en modifier le contenu.
Les enjeux juridiques étant importants, c'est d'abord la
question des oeuvres orphelines qui a été mise à l'honneur
tant au niveau européen que français. En Europe, le <<
Comité des sages », groupe de réflexion sur la
numérisation du patrimoine culturel européen, a remis un
rapport46 traçant le cadre réglementaire et financier
de ce que devrait
être le programme commun des 27 Etats de l'Union
Européenne et appelle à l'adoption, aussi vite que possible, d'un
texte européen réglementant les oeuvres orphelines.
En France, un accord-cadre sur la numérisation et
l'exploitation des oeuvres indisponibles du XXe siècle, signé le
9 février 2011 entre le ministère de la culture, la
Bibliothèque nationale de France, le Syndicat national de
l'édition et la société des gens de lettres, marque une
première avancée dans la prise en compte de la
répercussion des évolutions technologiques par le droit. Ce texte
va permettre, après adaptation du code de la propriété
intellectuelle, une véritable adaptation des droits d'auteur à
l'ère du numérique. Les ouvrages encore dans le domaine
privé et non exploités entreront sous un régime de gestion
collective qui permettra, selon les propres mots du ministre de la culture, de
garantir d'une part, le respect des droits patrimoniaux et moraux, d'autre
part, la rémunération équitable des ayants
droit47.
Dernier point important, celui de l'extension de la TVA au taux
réduit aux livres numériques, soit le passage d'un taux de 19,6 %
à 5,5 %. L'enjeu est de taille puisqu'il permettrait de réduire
le prix du livre, en s'approchant plus sensiblement de celui souhaité
par les lecteurs. Bien que cette disposition figure dans l'article 25 de la loi
de finances 2011, elle ne s'appliquera théoriquement qu'à compter
du 1er janvier 2012. Il est à rappeler que ce vote du
parlement a été fait en infraction aux dispositions de la
directive 2006/112/CE relative à la taxe sur la valeur ajoutée
qui prévoit que c'est le taux normal qui s'applique en matière de
livre numérique. Pour que ce texte entre en vigueur, l'État
français va devoir mener un travail de lobbying important dans les
couloirs de Bruxelles et arracher à ses partenaires un vote à
l'unanimité. La mise en oeuvre du taux de TVA au taux réduit
n'est donc pas gagnée. En
46 The New Renaissance, Report of the «
Comité des sages », Elisabeth Niggemann, Jacques de Decker, Maurice
Lévy, Bruxelles, 10 janvier 2011
http://www.livreshebdo.fr/cache/upload/pdf/Rapport%20final%20-
%20complet.pdf
47 Discours d'ouverture du ministre de la culture
prononcé à l'occasion de la signature de l'accord-cadre sur la
numérisation et l'exploitation d'oeuvres indisponibles du XXe
siècle le 9 février 2011
outre, cette polémique concerne le livre
homothétique, ouvrage reflet du livre papier et non pas le livre
enrichi- le livre pluriel contenant à la fois du texte, du son et de la
vidéo-. Ce livre application, pourtant aujourd'hui extrêmement
cher à développer, gagnerait, plus que le modèle ancien,
à obtenir un coup de pouce afin de soutenir des nouvelles formes de
création.
Sous-section 2 : les enjeux techniques Paragraphe 1. Les DRM
Les DRM (Digital Rights Management) sont de plus en plus
critiqués. Charles Kermarec, propriétaire de la librairie
Dialogues à Brest, a déclaré qu'il n'accepterait plus de
fichiers protégés, la circulation des livres étant rendues
trop complexe et compliquée générant un SAV important. Il
souligne ainsi, avec beaucoup de bon sens: «A quoi, à qui
ça sert les DRM si ça emmerde les honnêtes gens et que
ça ne gêne pas les voleurs? Jouez ce jeu-là messieurs les
fournisseurs, mes amis, si ça vous chante. Mais sans ma
complicité.». En bref, cela ne fait que des mécontents.
En effet, contrairement, à l'achat d'un livre physique, le
propriétaire de contenus numériques ne peut en disposer
librement, le prêter ou le donner, par exemple.
Pour rassurer les éditeurs et les inciter à
diffuser des livres numériques sans protection, plusieurs arguments
pourraient être avancés :
- Les DRM accroissent tout d'abord le coût de revient du
numérique, puisqu'il est de l'ordre de 3% ;
- Il est très facile pour les pirates de supprimer les
DRM. De nombreux tutoriels présents sur internet enseignent aux
cyberpirates l'art et la manière de contourner la contrainte ;
- L'une des raisons du piratage serait l'absence d'offre
légale de livre numérique. Ainsi,
le livre de Michel Houellebecq a-t-il été
massivement piraté, jusqu'à sa mise à disposition sous
forme digitale ;
- Le piratage sera limité si les contenus
numériques sont proposés à un prix bien inférieur
au livre numérique, comme tend à le démontrer une
étude conduite par GfK ;
- C'est une incongruité absolue puisqu'il porte obstacle
à la portabilité des contenus qui ne peuvent être
transférés aisément d'un appareil nomade à un
autre.
Pour résoudre cette question qui ne peut l'être
que par l'expérimentation, les éditeurs devraient procéder
à des tests, en formant deux groupes de livres. Le premier
constitué de contenus protégés par DRM et l'autre sans
protection.
Le watermarking, c'est-à-dire un système de
tatouage numérique du livre, pourrait constituer une bonne
alternative.
Paragraphe 2 : Les métadonnées
Il s'agit des informations données sur le contenu : nom de
l'auteur, titre de l'ouvrage, nom de l'éditeur...La question des
métadonnées est essentielle, car elles permettent au consommateur
de se repérer facilement, si elles sont correctement renseignées.
En outre, plus les contenus numériques seront nombreux et plus
l'existence d'un ou plusieurs sites permettant de rechercher le titre
correspondant aux besoins des lecteurs sera indispensable. Avec un libre
accès aux métadonnées, il sera possible de
développer des outils permettant d'orienter le lecteur dans cette jungle
que constitue le web. Comme le souligne Françoise Benhamou :
«Aujourd'hui les métadonnées prennent une dimension
communautaire (dans un réseau social, l'usager pourrait par exemple
rendre visible et partager sa bibliothèque numérique) et
dynamique (mises à jour automatiques).»
Sous-section 3 : Les enjeux économiques
Paragraphe 1. Risque d'accroissement de la
concentration
La mise en place d'une chaîne permettant de produire
à la fois du livre numérique et du livre papier a un coût.
Celui-ci s'accroît encore s'il s'agit de livres enrichis. Si les
éditeurs ne parviennent pas à financer ces dépenses, il
faut s'attendre dans les années à venir à un renforcement
du phénomène de concentration. Les pures players qui actuellement
expérimentent seront rachetés par les plus gros, ainsi que les
éditeurs de petite taille, voire de taille moyenne, qui ne pourront pas
acquitter le ticket d'entrée en raison des coûts
d'investissement.
Le livre est une industrie de prototypes à fort
degré de risque. Les dépenses de création, de production
et de réalisation sont engagées, alors même que
l'éditeur n'est pas à même d'évaluer le
succès de l'oeuvre sur le marché48. Les petits et
moyens éditeurs peuvent assumer des coûts qui sont relativement
modestes quand il s'agit de livre papier, mais qui deviennent très
importants pour les livres applications. Les économistes ne sont pas
parvenus pour le moment à expliquer la dynamique du succès, en
dépit des tentatives d'intégrer des théories
mathématiques, comme celle du chaos par exemple. Pour faire face
à ce risque, il faut donc multiplier la production, pour élever
les chances statistiques de publier un blockbuster qui financera les
échecs et permettra de dégager une marge acceptable. S'il est
possible pour une petite maison de publier sur ses deniers propres un ou deux
livres enrichis ; elle sera contrainte de se rapprocher d'une structure plus
importante pour éditer un catalogue plus ambitieux. Les pures players ne
s'y sont pas trompés, puisqu'ils se voient contraints de lever des fonds
pour financer leur production éditoriale.
48 Révolution numérique et industries
culturelles, Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, La Découverte,
Collection repères, septembre 2010
Paragraphe 2. Risque de perte de la connaissance
client
Pour bien travailler, l'éditeur a besoin d'un fichier et
de connaître ses clients. Le marketing relationnel est une donnée
importante pour contribuer au succès des oeuvres. Ces données se
trouvent aujourd'hui concentrées chez les acteurs dont la position
dominante s'affirme de jour en jour. Quand un lecteur passe commande sur le
Kindlestore ou l'Applestore, ce n'est pas l'éditeur du livre qui
récolte les données clients, mais les deux cyberlibraires, Amazon
ou Apple, qui sont alors à même de communiquer en fonction des
produits déjà achetés par le client.
Paragraphe 3. Risque de piratage
La numérisation illégale de livres est, en
comparaison des marchés de la vidéo ou du jeu, très
marginale, représentant en effet moins de 1% de l'offre légale.
Ceci s'explique par le caractère fastidieux du travail de
numérisation d'un livre qui oblige le contrefacteur à scanner
l'ouvrage page par page, ce qui nécessite plusieurs heures de travail.
Avec le développement du livre numérique et donc de l'existence
d'un fichier digital, ce chiffre devrait être appelé à
augmenter considérablement.
Aujourd'hui, selon une étude menée par
Hadopi49, le livre arriverait en 4e position des biens
culturels les plus piratés, 29 % des internautes en faisant un usage
illicite. Le piratage est majoritairement masculin (56 %) et est le fait
d'adolescents et de jeunes adultes, les 15 à 24 ans représentant
70 % des pirates.
49 Hadopi biens culturels et usages d'internet :
pratiques et perceptions des internautes français, 23 janvier 2011
http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/HADOPI_VDef_02A4.pdf
Afin d'y voir plus clair, le Motif, Observatoire du
livre et de l'écrit en Ile de France, a lancé une étude
sur le piratage50. Cet organisme estime le nombre d'ouvrages
piratés, à l'été 2009, de 4 000 à 6 000
titres, dont 3000 à 4 500 bandes dessinées, soit plus de 50 % du
total.
Catégorie des titres sur le circuit du
piratage
|
Estimation des
quantités piratées
|
Provenance
|
Livrels
|
1 000 à 1500 titres
|
Une grande partie appartiennent aux domaines
scientifiques, techniques ou médicaux
|
Bande dessinée
|
3 000 à 4500 titres
|
Beaucoup proviennent de la diffusion de
séries complètes
|
Livres audio
|
200 à 300 titres
|
La moitié au moins entre dans le domaine public
|
Source le Motif
On note une très forte présence des best-sellers.
Ainsi, Bernard Weber, Amélie Nothomb et Frédéric Beigbeder
sont les auteurs les plus piratés.
Titres les plus piratés en 2010
Classement
|
Auteur
|
Titres piratés
|
1
|
Gilles Deleuze
|
13
|
2
|
Bernard Weber
|
11
|
3
|
Amélie Nothomb
|
10
|
4
|
Frédéric Beigbeder
|
7
|
5
|
J.K. Rowling
|
7
|
6
|
Michael Connelly
|
6
|
7
|
Sophie Dudemaine
|
6
|
8
|
Jean-Paul Sartre
|
6
|
50 Ebookz, Etude sur l'offre numérique
illégale des livres français sur internet en 2009, le Motif,
Octobre 2009
9
|
Albert Camus
|
5
|
10
|
Daniel Pennac
|
4
|
11
|
Eckart Tolle
|
4
|
12
|
Harlan Coben
|
4
|
13
|
Michel Foucault
|
4
|
14
|
Isaac Asimov
|
3
|
15
|
Marc Levy
|
3
|
16
|
Ken Wilber
|
3
|
17
|
Paul Ricoeur
|
3
|
18
|
Paulo Coelho
|
3
|
19
|
Stephenie Meyer
|
3
|
20
|
Ray Bradbury
|
3
|
Source le Motif
De même, certaines catégories d'auteurs font l'objet
d'un piratage accru, il s'agit d'abord des philosophes (Gilles Deleuze,
Jean-Paul Sartre, Albert Camus, Michel Foucault et Paul Ricoeur), qui
apparaissent pour 25 % dans le top 20. Ceci serait dû en partie à
la forte notoriété internationale de ces auteurs dans le monde
universitaire liée à la difficulté d'obtenir ces titres
dans des librairies ou des bibliothèques locales. De même, 25 %
des ouvrages les plus piratés sont des auteurs de science-fiction et
fantastique (Bernard Weber, J.K. Rowling, Isaac Asimov, Stephenie Meyer et Ray
Bradbury). Ceci peut s'expliquer par le fait que ces auteurs sont lus
majoritairement par des adolescents, lesquels disposent de plus de temps pour
scanner page après page les livres.
Enfin, les auteurs de livres ésotériques sont eux
aussi fortement piratés, tel est le cas de Eckart Tolle et Ken
Wilber.
Selon le classement effectué par le motif , les titres les
plus souvent piratés en 2009 sont << Le sexe pour les
nuls », la série << Harry Potter »,
<< Le grand livre de cuisine » d'Alain Ducasse et la
série Twilight.
De même, les catégories essais, romans et livres
pratiques représentent plus de 25 % des livres piratés.
Répartition du piratage en fonction du
secteur
Beaux-livres
Poésie, théatre
26,7
0,9 1,4
2,2
12,9
Fichiers illégauxEssais,
documents
Romans Pratique
27,1
28,8
Jeunesse
Scolaire et parascolaire
Beaux-livres
Poésie, théatre
Ventes papier légalesEssais,
documents
Romans Pratique
8,7
Scolaire et parascolaire
25,6
Jeunesse
10,8
17,4
12,1
2 0,6
Données SNE et le Motif
Les éditeurs les plus piratés sont Gallimard, Dunod
et Hachette. Pour la bande dessinée, Delcourt, Dargaud et Dupuis se
trouvent dans le Peloton de tête.
Le piratage concerne avant tout les parutions récentes
(2 ouvrages sur 3 ont été publiés il y a moins de 10 ans),
mais dans une moindre mesure les nouveautés (1 ouvrage piraté sur
4 a été publié il y a moins de 4 ans).
Une des motivations pour pirater semblerait être le
manque de disponibilité du titre : 25,6 % des livres et 31,4 % des BD ne
sont plus disponibles en offre légale papier. En outre, 94,9 % des
livres piratés ne sont pas proposés en version numérique
légale.
Ces données militent pour le développement d'un
catalogue numérique d'une part et pour des prix fixés très
inférieurs au livre papier. Enfin, les éditeurs vont devoir
concevoir des outils de veille afin d'identifier les copies illégales en
circulation et d'en bloquer le téléchargement.
Section 2 : Les modèles économiques du
livre numérique Sous-section 1. L'éventail des
modèles existants
Paragraphe 1. Tour d'horizon des modes de
commercialisation
Actuellement, de nombreux modèles coexistent. Il peut
s'agir de la vente du livre à l'unité, ou d'une seule partie de
celui-ci (Pick and mix51), d'un abonnement, du pay per view ou
encore de la vente d'un bouquet de titres.
Françoise Benhamou52 distingue ainsi trois
modèles, qui peuvent toutefois être mixés avec d'autres
:
- l'accès à durée déterminée
ou indéterminée, - la vente du livre en partie ou entier,
- la vente d'un livre ou d'un ensemble de livres.
De même elle distingue trois types d'offres :
1° L'offre simple miroir du papier : le lecteur paie alors
à l'unité et l'achat se fait par téléchargement
pour un accès à durée illimitée. La question qui se
pose étant le juste prix, les études montrent que le public se
décidera à basculer si le prix du livre numérique est
moins élevé que celui du livre papier. Actuellement, la
réduction de l'ordre de 15 à 20 %, est jugée insuffisante
par les consommateurs.
2° L'offre est gratuite : l'objectif étant d'inciter
les internautes à aller vers l'offre payante. Il peut s'agir d'une offre
numérique vers des accès payants du type miroir ou service. Cela
peut concerner aussi une offre papier payante jointe à un site compagnon
gratuit par exemple, proposant des ressources complémentaires. Ce site
étant un plus produit et une plateforme commerciale pour faire
découvrir le livre papier. Ces contenus gratuits peuvent être
financés par de la publicité (Le site du guide du routard et de
Larousse, par exemple).
3° L'offre de service : le lecteur achète non pas un
fichier ou un livre physique, mais l'accès à un service
associé à un contenu éditorial. Le lecteur consulte une
bibliothèque numérique, dont les droits lui sont accordés
par la souscription d'un abonnement ou le versement d'un forfait.
L'édition scientifique et juridique a adopté depuis une dizaine
d'années ce modèle qui s'avère très lucratif.
Toutefois, ces secteurs s'adressent à des cibles familières du
modèle par abonnement.
C'est sans doute ce dernier modèle qui se
développera au fil des années avec l'évolution des
mentalités. En effet, avec le livre numérique, il ne s'agit pas
de l'achat d'un objet physique, mais de l'accès à un flux de
données qui ne justifie plus que le lecteur
51 L'éditeur Lonely Planet propose ce type de
modèle
52 Modèles économiques : d'un marché
naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou, Olivia
Guillon, Département des études de la prospective et des
statistiques, février 2010
détienne le contenu. Il passe de la qualité
d'acheteur à celle d'usager. L'abonnement à des bouquets de
thématiques devrait donc se développer.
Typologie des offres de contenu
numérique
Modèle
|
Gratuité
|
Miroir
|
Service
|
Forme de tarification
|
Gratuit
Possibilité de financement par la publicité
|
Prix en miroir du papier
|
Paiement pour des flux de contenus ou
de services Possibilité de tarification collective
(communauté de lecteurs)
Possibilité de ventes liées entre l'édition
papier et l'édition ou les services numériques
|
Forme d'accès
|
Web
|
Téléchargement
|
Consultation sur support dédié ou occasionnel
|
Principaux genres concernés
|
Dictionnaires, pratiques
|
Contenus non évolutifs (oeuvres ayant un début et
une fin bien définis : romans...)
|
Feuilletons, éditions universitaires
|
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la
Communication, 2010 Paragraphe 2. le partage de la valeur
Différents modèles de partage de la valeur
coexistent dans l'univers numérique, contrairement à la
chaîne du livre papier.
Il existe plusieurs hypothèses :
1° L'éditeur vend directement le livre
numérique au lecteur (sur sa propre plateforme, par exemple), le revenu
dégagé sera alors réparti 50/50, comme pour la
coopérative
publie.net.
2° L'éditeur passe par un revendeur qui peut
être un libraire en ligne ou un libraire traditionnel, par exemple.
L'éditeur cédera alors 25 à 30 % du profit, voire 50 %
dans le cas d'offres d'abonnement ou de streaming.
3° L'éditeur conclut la transaction directement
avec le lecteur, grâce à un intermédiaire. En
l'hypothèse, il s'agit du cas où un site a orienté
l'acheteur sur le site de l'éditeur, par un lien par exemple.
L'intermédiaire recevra alors 15 % des revenus.
4° L'éditeur a sa propre plateforme et réalise
la vente grâce au libraire : ce dernier recevra 25 % du chiffre
d'affaires.
5° L'éditeur n'a pas de plateforme et passe par le
edistributeur : celui-ci recevra 50 % du CA qu'il partagera avec le
libraire.
6° L'éditeur numérique adapte une oeuvre
à la lecture sur mobile : l'opérateur reçoit 30 % pour
assurer la distribution et la solution de paiement ; 5 % sera consacré
à la mise en ligne, l'hébergement et la maintenance. Si le
contenu provient d'un éditeur papier, la somme restante sera
partagée.
Le partage de la valeur dans l'univers
numérique
Cas
|
Règle approximative de partage
|
Exemples d'acteurs
|
Vente directe au lecteur
|
50 % auteur 50 % éditeur
|
|
Vente intermédiée
|
50 à 85 % éditeur
15 à 50 % intermédiaire
|
Amazon, Apple
Cyberlibris (abonnement forfaitaire), Google Edition
|
Vente via plate-forme
|
50 % éditeur
50 % plate-forme
25 % e-distributeur et libriaire
|
Eden, Epagine
|
Vente sur téléphone
|
30 à 50 % opérateur
Partage négocié éditeur/éditeur
numérique
|
Smartnovel Mobilire
|
Source : DEPS, ministère de la Culture et de la
Communication, 2010 Paragraphe 3. Cas de l'édition juridique
On a tendance à penser bien trop souvent que le contenu
numérique est constitué d'ouvrages numérisés qui
seront lus sur liseuses. Pourtant, l'information électronique regroupe
les bases de données en ligne, les ouvrages et revues au format PDF, les
offres de CD-Rom/DVD-Rom, l'extranet et le mobile.
Le marché français de l'information juridique
électronique a été estimé par une étude
réalisée par SerdaLAB53 pour Juriconnexion à
257,4 millions d'euros en 2008, en croissance de 0,9% par rapport à
2007. Cette croissance est cependant inférieure à celle du
marché global de l'information électronique professionnelle en
France qui est de 3,4 % pour un chiffre d'affaires en 2008 de 1,57 milliard
d'euros, mais aussi en net ralentissement par rapport aux années
précédentes (+ 7,6 % en 2005, +16 % en 2006 et + 17 % en 2007).
Il est à noter que ce
53 Le marché français de l'information
juridique numérique en 2010, SerdaLAB pour Juriconnexion, mars 2010
marché a subi de plein fouet la crise et que les grands
groupes sont contraints de procéder à des
réorganisations54.
Le marché de l'information juridique est
caractérisé par une forte concentration. Les trois premiers
éditeurs (Wolters Kluwer, Lefebvre Sarrut et Lexis Nexis)
représentent 85 % du marché de l'information juridique
numérique.
SerdaLAB 2010
Les maisons d'édition juridique ne se contentent plus
seulement de publier des livres, elles diffusent de l'information
professionnelle. Elles vont d'ailleurs plus loin, le numérique leur
permet de fournir à la fois du contenu et des services, satisfaisant
ainsi l'ensemble des besoins de la cible. Désormais, il est donc
difficile de tracer la frontière entre information et outils. Pour
combler ce déficit de savoir-faire, les éditeurs juridiques ont
acheté, ces dernières années, des sociétés
de logiciels métier. C'est ainsi que le groupe Lefebvre
Sarrut55 est devenu en 2009, l'actionnaire majoritaire de la
société Dhymiotis spécialisée dans les solutions de
signature électronique, les certificats numériques et l'archivage
légal. L'objectif étant de positionner l'entreprise sur le
marché des téléprocédures (communication des
pièces par voie électronique, signature certifiée...)
à l'instar de Lexis Nexis56 et de Wolters Kluwer. Francis
Lefebvre a acquis en 2008 la société Patrimoine Management et
Technologies qui exploite notamment un logiciel d'approche patrimoniale
globale. Lexis Nexis a racheté, quant à lui, en 2006
l'éditeur de logiciel Datops qui propose des solutions d'extraction, de
traitement et d'analyse de l'information pour la veille sur internet. Wolters
Kluwer propose également des logiciels métier (Lamy solutions de
gestion, par exemple). Grâce à la fusion de l'information et des
outils métier, l'éditeur est à même de proposer une
solution intégrant nativement le fonds documentaire au logiciel.
54 Wolters Kluwer (Editions Lamy et Liaisons) a mis en
place un plan de suppression de 10% des postes situés en France.
55 Le groupe Lefebvre Sarrut regroupe les marques
Francis Lefebre, Editions Législatives et Dalloz. Il comporte plusieurs
activités : édition, formation et prestation informatique. Ce
groupe est contrôlé par la famille Lefebvre (66 %), Banexi (16 %)
et les cadres dirigeants (17 %)
56 Lexis Nexis, qui regroupe Litec, Documentation
organique et Jurisclasseur, appartient au groupe néerlandais Reed
Elsevier qui possède également en France Reed Business
Information (regroupe notamment le magazine Stratégies, les marques
Prat, ESF et Comundi).
L'offre électronique n'est pas anecdotique. L'étude
du SerLAB spécifie qu'elle représente entre 10 à 55 % du
chiffre d'affaires total des éditeurs juridiques.
Enfin, les éditeurs restent particulièrement
attentifs au développement de contenus juridiques par les
éditeurs publics (la direction de l'information légale et
administrative (DILA) -issue de la fusion entre la direction des journaux
officiels (DJO) et la documentation française- et les sites des
ministères ou d'établissements publics). En effet, les
éditeurs publics ne se contentent plus seulement aujourd'hui de livrer
à l'état brut des données (voir le site
Légifrance), ils proposent également des contenus
considérablement enrichis (voir le site Service Public). Cette
concurrence est qualifiée de déloyale par les éditeurs
privés. En effet, ces institutions mettent en ligne des contenus
entièrement gratuits, produits avec les deniers de l'Etat sans objectif
de rentabilité et sont en mesure de publier les commentaires d'un texte
récemment adopté bien avant les éditeurs privés
puisqu'ils sont l'auteur de ce document.
Bien que de nombreuses circulaires aient été
publiées par le gouvernement et qu'un médiateur de
l'édition publique ait été nommé, il est bien
difficile au syndicat national de l'édition de faire respecter le cadre
des missions de service public dévolues à ces institutions et de
freiner les éditeurs publics dans leur travail d'enrichissement des
données juridiques brutes. Cette concurrence loin de
décroître ne faisant que se renforcer, il est donc
nécessaire que les éditeurs juridiques ne se contentent pas de
proposer seulement du contenu, mais renforcent aussi leur offre de services.
Paragraphe 4. Le cas de l'édition scientifique
Le marché de l'édition scientifique peut être
segmenté de la manière suivante :
- les maisons d'édition appartenant à des groupes
financiers et à dimension internationale : Reed-Elsevier,
Wolters-Kluwer, Thomson-Reuters, Riley, Informa, par exemple;
- les maisons d'édition nationales : Lavoisier, Armand
Colin, Puf, Erès... ;
- Les sociétés savantes et les associations
scientifiques (ACM, ACS, APS...); - Les universités, organismes de
recherche et établissements publics.
La segmentation peut se faire aussi en fonction de la
finalité lucrative ou non, ces derniers n'étant pas soumis aux
mêmes objectifs de rentabilité.
En outre, ce marché est oligopolistique : 5 groupes se
partagent la plus grande part du marché avec en tête Reed-Elsevier
qui se prévaut de plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires pour
un taux de marge opérationnelle de 32,3 % de ce CA. Ce groupe est suivi
de Springer Science Business qui enregistre un chiffre d'affaires de 892
millions d'euros et une marge de 38 %, puis de Wolters Kluwer Health, Wiley et
Thomson Reuters. La structure financière de ces groupes engendre une
politique fondée sur la rentabilité à tout prix et un
développement de l'offr basée sur une politique à court
terme. Ghislaine Chartron57,
57 Scénarios prospectifs pour l'édition
scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011
professeur au CNAM et directrice de l'Institut National des
sciences et techniques de la documentation, dégage quatre effets induits
par le numérique :
1° Le marché est à la fois plus
concentré et ouvert. Des plates-formes ont été
créées ces dernières années mettant à
disposition un vaste catalogue de contenu accessible sous la forme d'un
abonnement global ou sectoriel. De même, la demande s'est
organisée avec le développement de groupements d'achats tels que
l'association internationale ICOLC, Couperin et Carel. Il s'est produit
l'émergence de nouveaux éditeurs (Biomedcentral et Plos, par
exemple) et de plates-formes comme celle de Scielo.
2° Le marché voit poindre la renégociation
et l'affirmation de nouvelles formes de pouvoir. L'arrivée de nouveaux
acteurs (plateformes de thèses, nouvelles revues, développement
des archives ouvertes, Google, par exemple) déplace le centre du
pouvoir. De même, l'accès au contenu des plates-formes des
éditeurs par l'abonnement à des bouquets réduit
l'autonomie des centres de documentation dans le choix des contenus. Les
archives ouvertes préservent ainsi la diversité.
3° Les nouvelles modalités de diffusion ont peu
modifié les modalités de communication entre chercheurs.
L'évaluation par les pairs continue d'être faite majoritairement
à partir des revues installées et jugées incontournables
et quelques nouvelles revues peu nombreuses.
L'auteur conclut son étude en préconisant un
partenariat public-privé afin de contrebalancer, d'une part, la
financiarisation de l'économie de l'édition avec pour
dérive l'inflation des prix et d'autre part, une édition purement
publique susceptible d'entraîner des freins à l'innovation.
Partie 2 :
Bâtir une stratégie
numérique
Au moment où sont écrites ces lignes, la question
n'est plus de publier ou non des ouvrages numériques, mais elle est de
savoir quels livres numériques ? Pour quelle rentabilité ?
Toutefois, la révolution numérique peut aussi
bénéficier aux livres papiers grâce à leur promotion
sur le web.
La numérisation modifiant les manières de produire
et de travailler en général, les compétences doivent-elles
aussi évoluer afin de publier des contenus qui rencontreront leur
public.
CHAPITRE 1 : LA COMMERCIALISATION DU LIVRE DANS L'UNIVERS
NUMERIQUE
Section 1. Être présent sur les plates-formes
Le livre, ce n'est pas le support, mais bien le contenu. Qu'il
soit papier ou numérique, l'éditeur doit s'assurer qu'il se vende
au mieux. La question qui se posait encore il y a quelques mois dans les
groupes d'édition, et qui semble avoir été résolue
depuis, tournait autour de l'opportunité d'éditer ou non la
version numérique d'un livre papier. La réponse aujourd'hui, pour
la majeure partie des maisons d'édition, est positive. Virginie
Clayssen, directrice adjointe du développement numérique chez
Editis, déclare que le contenu est systématiquement
édité sur ces deux supports. Cette assertion est d'ailleurs
démontrée par les faits. Ainsi, l'animatrice du blog
Idboox58, a posté le 22 janvier 2011 un billet,
écrivant que le distributeur de livres numériques ePagine a
augmenté son catalogue d'ebooks de 602 nouveautés provenant de 54
éditeurs, ce qui prouve que les éditeurs commencent à se
mobiliser sur ce marché.
Si les gros éditeurs ont choisi d'entrer dans la course,
les petits et les moyens éditeurs peuvent voir là une
manière d'accroître les canaux de distribution et par là
même de faire croître leur chiffre d'affaires. Ainsi, Hatier
propose sous la forme numérique sa collection
« Profil d'une oeuvre » composée de 45 titres.
L'éditeur jeunesse Nantais, Gulf Stream, a quant à lui
numérisé sa collection de romans policiers intitulée
« Courants noirs » destinée aux enfants de 9 ans et plus,
tendant ainsi à prouver que la digitalisation concerne l'ensemble des
secteurs, y compris celui de la jeunesse. De même, les éditions
Champ social, installées à Nîmes, a mis en ligne
l'intégralité de son catalogue en numérique sur son site
internet. En 4 mois, les ventes de livres numériques
représentaient 10 % de son chiffre d'affaires.
Cependant, le marché n'étant pas encore
suffisamment développé, beaucoup d'éditeurs attendent
qu'il bascule ou que, tout au moins, les chiffres deviennent significatifs.
Néanmoins, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce
marché se développe. D'abord, les constructeurs doivent proposer
à la vente des readers connectés (ce qui est le cas aujourd'hui
du Fnacbook). En outre, les lecteurs doivent pouvoir bénéficier
d'une variété de choix grâce à un catalogue de
titres en nombre suffisant. Actuellement, la Fnac ne propose que 80 000 titres
à la vente, alors qu'Amazon détient un fonds de plus de 800 000
références.
58 http://www.idboox.com/
Enfin, le prix des livres numériques est encore ressenti
comme trop élevé par le public. Une étude59
réalisée par l'IPSOS pour le compte du Centre National du livre,
montre que les lecteurs souhaiteraient que le prix du livre numérique
soit inférieur en moyenne de 40% à l'ouvrage papier.
Prix souhaité par le public
|
Prix du livre numérique
|
Baisse par rapport au livre papier
|
Un roman récent qui coûterait 20 € au format
papier
|
12€
|
-40 %
|
Un roman plus ancien qui coûterait 7 € en livre de
poche
|
4,1 €
|
-41 %
|
Un livre scientifique, technique ou professionnel qui
coûterait 20 € au format papier
|
22,9 €
|
-43%
|
Un essai (politique, philosophie, histoire...) qui
coûterait 20 € au format papier
|
11,2 €
|
-44%
|
Un album de bande dessinée qui coûterait 12
€ au format papier
|
6,7 €
|
-44 %
|
Un manga qui coûterait 6 € au format papier
|
3,3 €
|
-45 %
|
IPSOS mars 2010
Les prix pratiqués sont donc encore trop
élevés. Bien que les éditeurs réduisent
actuellement les prix de vente du livre numérique par rapport au papier,
cet effort reste encore bien timide. Ainsi, la version papier d'Antigone de
Jean Anouilh publiée par Hatier est vendue à 4,50 € prix
public (prix Fnac : 4,25 €), tandis que le prix du livre numérique
est fixé à 3,49 €. L'effort est encore moins significatif
pour l'éditeur Gulf Stream, car non seulement son fonds est
proposé dans la version PDF, mais la remise n'est pas susceptible
d'encourager
59 «Les publics du livre numérique»,
IPSOS/CNL, mars 2010
l'acheteur à acquérir la version numérique.
Le prix public du livre papier intitulé « Attaques nocturnes »
est fixé à 12,50 € et est vendu sur ePagine sous sa forme
numérique à 10,63 €. L'augmentation de la part des ventes
dans le chiffre d'affaires des éditions Champs social (voir plus haut)
montre que le facteur prix est déterminant. Alors que le livre papier
est vendu 20 €, celui-ci est proposé a 4,99 € dans sa version
numérique.
Les prix généralement pratiqués paraissent
disproportionnés pour le public qui est en droit de s'interroger sur les
raisons pour lesquelles le prix moyen d'une application sur l'Applestore est de
2,68 € alors que les coûts de développement sont largement
supérieurs aux coûts de production d'un livre
numérisé.
2,8
4,5 11
6,4
15,4
Volume d'ebooks (%) par
fourchettes de prix
20,5
12,8
26,5
Gratuit
0,01- 1,00 € 1,01 - 2,00 € 2,01 - 3,00 € 3,01 -
4,00 € 4,01 - 5,00 € 5,01 - 10 €
10,01 €
Apple Appstore - Mai 2010
Les éditeurs ne doivent pas s'attendre pour le moment
à des ventes faramineuses. Ainsi, la librairie électronique
Immatériel déclarait, lors d'une journée organisée
par Dilicom en février 2011, que son chiffre d'affaires est de 8000
€ par mois. Il faut toutefois remarquer que la progression des revenus de
ce cyberlibraire a en un an largement progressé Il est, en outre,
intéressant de constater que les livres en informatique et dans le
domaine de l'entreprise, sont ceux qui se vendent le mieux
proportionnellement.
Catalogue Immatériel
Secteurs
|
% du catalogue
|
% du CA
|
Littérature générale
|
37 %
|
35 %
|
Sciences humaines
|
28 %
|
9 %
|
Informatique
|
5 %
|
40 %
|
Entreprise
|
5 %
|
12 %
|
Livres pratiques
|
4 %
|
4 %
|
Section 2 : Développer un site internet
Le marché de l'édition étant fortement
concurrentiel, l'éditeur doit trouver le moyen de mieux communiquer et
d'accroître ses ventes. Aujourd'hui, internet étant pour la
plupart d'entre nous, un réflexe, il est indispensable de
posséder un site pour présenter son catalogue. Certains vont
même jusqu'à intégrer une boutique en ligne, afin de vendre
en direct. Il s'agit principalement des éditeurs techniques qui, moins
dépendants de la librairie en raison de la part importante des
abonnements dans leur chiffre d'affaires, peuvent mettre en place un site de
ventes directes. Ainsi certains éditeurs, tels que Dalloz et Elsevier
Masson, par exemple, ont développé des boutiques n'ayant rien
à envier aux cyberlibraires les plus chevronnés. D'ailleurs,
nombre d'entre eux proposent à la fois la vente du livre papier et sa
version numérique.
Ces sites présentent l'avantage de créer un contact
direct avec le lecteur, en permettant de mieux comprendre le lectorat de la
maison d'édition et de créer un lien entre le marché et la
marque. Alors que sur le marché traditionnel les éditeurs ne
connaissent pas leurs lecteurs, il est aisé sur internet de constituer
une base de données clients permettant de mettre en oeuvre une politique
de contacts directs pour adresser des propositions commerciales.
Il peut être joint à ce site, la création
d'une application présentant l'offre de la maison d'édition. Bien
qu'onéreuse à fabriquer, c'est un moyen de créer un
contact plus intime avec le client, en lui envoyant des informations en push
sur les nouveautés et en facilitant l'accès au catalogue
numérique. C'est ainsi que Le Diable Vauvert a proposé dès
janvier 2010 une
application. Celle-ci permet d'accéder au catalogue. En
outre, elle contient une rubrique actualités (signatures, sorties
libraires, rencontres...), ainsi qu'une section multimédia avec des
interviews d'auteurs, des bandes annonces et l'accès gratuit en
streaming à des ouvrages numériques. Toutefois, un an plus tard
l'application semble avoir été supprimée de
l'Applestore.
De même, les éditions Harlequin, chez qui le chiffre
d'affaires du livre numérique représente 8 % du total, propose
une librairie mobile sur l'Applestore. Afin de découvrir le
fonds, le lecteur peut accéder gratuitement à des
extraits des livres du catalogue, ainsi qu'au premier chapitre. Les livres sont
vendus 2,99 €.
Section 3. Mettre en oeuvre une cyberpromotion performante
Avec la généralisation de l'utilisation d'internet
en France, la manière de faire connaître les livres a
foncièrement évolué en permettant la mise en place de
nouvelles techniques de ventes qui requièrent bien souvent des
investissements moins importants que le marketing traditionnel.
Sous-section 1. Créer le buzz et développer la
viralité
Internet ouvre de nouvelles voies de communications permettant de
créer l'évènement en incitant l'internaute à
transmettre le message à son groupe de connaissances.
Aujourd'hui, les buzz orchestrés sont surtout le fait de
groupes d'édition qui mettent en pratique ces techniques quand les
enjeux sont importants, afin d'assurer une mise en place conséquente
d'ouvrages en librairie et permettre la rencontre entre le livre et son
lecteur. Il peut s'agir de campagnes d'emailing, d'interventions sur les
forums, de sites compagnons ou de vidéos, par exemple. Twilight de
Stephenie Meyer est un cas d'école. Cet ouvrage a été
d'abord publié chez un petit éditeur américain. Une
communauté très active s'est développée par la
suite sur intenet, alimentant le buzz.
Il en va de même pour le succès de librairie
français, Oksa Pollock, un livre du secteur jeunesse écrit par
deux bibliothécaires qui, en réaction aux héros de romans
pour enfants qui n'ont ni parents, ni grands-parents, se décident de
surfer sur la vague bit-lit, mais cette fois l'héroïne vit dans une
famille unie, excentrique, mais structurante. Le manuscrit ayant d'abord
été refusé par Gallimard, les auteurs décident
d'avoir recours à l'autopublication. Grâce au bouche à
oreille alimenté par les jeunes internautes, les trois tomes du livre se
vendront à
14 000 exemplaires, avant que Bernard XO ne décide de
publier cet ouvrage.
Sous-section 2. Les blogs pour faire parler
Ils peuvent être utilisés comme support de
communication, en créant une intimité entre la collection,
l'auteur ou le héros. Toutefois, il convient de faire attention, quand
le lien entre les personnages et les lecteurs est noué, il faut le
maintenir et ne pas se contenter d'alimenter le blog uniquement durant le
lancement de l'ouvrage.
Les blogs sont aussi des outils de prescription. Il faut alors
mener un travail d'identification des blogueurs reconnus dans le milieu et dont
l'avis compte. Dans le cas de l'édition littéraire, ce travail
quelque peu fastidieux, a été facilité grâce
à l'apparition des hubs littéraires. Il s'agit en fait
d'agrégateurs d'une communauté qui d'une part répertorie
les articles postés par les blogueurs et qui, d'autre part, les
rassemble autour de points d'intérêts communs. Ces hubs jouent de
plus en plus un rôle d'interface entre les éditeurs et les
blogueurs. Ainsi, l'éditeur contacte le hub et détermine le
nombre d'exemplaires à servir en service de presse, ceux-ci sont alors
répartis par le site entre les blogueurs.
Quatre hubs sont particulièrement efficaces dans
le secteur.
Paragraphe 1 : Babelio
Ce site créé en avril 2007 enregistre près
de 4 millions de visiteurs uniques. Outre son activité de mise en
contact des internautes par affinité de lecture, il met en oeuvre des
opérations baptisées « Masse critique »,
programme de promotion des livres auprès de la blogosphère
comprenant un fichier de 400 blogueurs. Le service de presse est gratuit,
toutefois une version premium payante est proposée aux
éditeurs.
|
Service gratuit : Masse critique
|
Service payant : Masse critique +
|
Partenaires
|
Opération multi-éditeur
|
Opération mono-éditeur
|
Timing
|
Date fixe imposée par Babelio
|
Date choisie en lien avec la campagne de promotion de
l'éditeur
|
Volume
|
5 exemplaires maximum par titre
|
20, 35 ou 50 exemplaires par titre
|
Mise en avant sur Babélio
|
Non
|
Bannières et newsletter dédiée
|
Synthèse
|
Liste des critiques
|
Liste des critiques et note d'analyse détaillée
|
Expéditions
|
Exemplaires expédiés par l'éditeur
|
Exemplaires expédiés par l'éditeur ou
Babélio
|
Tarification
|
Gratuit
|
Sur devis
|
Paragraphe 2. Blog-O-Book
Ce site a été créé en 2009 afin de
répertorier les livres dont les blogueurs parlent. Il propose aussi un
programme à destination des maisons d'édition. Ainsi, Blog-O-Book
affiche chaque semaine une liste de livres offerts tous les dimanches à
partir de 15h. Les premiers blogueurs volontaires reçoivent un
exemplaire du livre en échange d'une critique à publier dans le
délai maximum d'un mois. En outre, BOB publie une carte des lecteurs
francophones.
Paragraphe 3. Livraddict
Ce site communautaire, créé en septembre 2009,
enregistre 10 000 visiteurs uniques. Livraddict propose de la même
façon un espace partenariats baptisé « un livre, une
critique ». Livraddict publie une liste d'ouvrages tous les vendredis
à 20h, les blogueurs les plus rapides s'engagent à écrire
une critique en échange de l'exemplaire du livre choisi.
Sous-section 3. Les Bonnes pratiques
Notons tout d'abord les réseaux sociaux.
Complémentaires des blogs, ils permettent aux internautes de se
regrouper par cercles d'intérêts. Il est désormais
classique pour les éditeurs d'ouvrir une page Facebook et un compte
Twitter. C'est, en effet, une bonne manière de faire parler des livres,
sachant que pour les gros lecteurs comme pour ceux qui lisent peu, les conseils
fournis par des amis constituent le premier vecteur de prescription.
Ces réseaux sont un bon indice de la popularité
d'un titre ou d'une collection. Ainsi pour Twilight : 5 millions de personnes
aiment le livre ; Harry Potter comptabilise quant à lui près de 7
millions de fans. Les internautes sont parfois si impliqués qu'ils
n'hésitent pas à créer leurs propres pages pour alimenter
leur communauté, voire de créer des blogs à la gloire des
héros.
Les réseaux sociaux sont composés d'une palette
d'outils qu'il convient d'utiliser en fonction de l'objectif à
atteindre, mais aussi de la cible. Nicolas Cauchy60, responsable
internet Univers Poche (Editis), fournit un exemple concret. Lors du salon
Japan expo, évènement mondial réunissant les amoureux de
manga, le community manager de la collection Kurokawa a twitté pendant
toute la durée du salon, permettant aux lecteurs qui ne pouvaient pas se
déplacer de suivre les grands moments. Ces tweets ont donné lieu
à de multiples interactions au sein de la communauté.
Anne Assous, directrice marketing chez Gallimard, pense que les
réseaux sociaux constituent un outil bien adapté au livre qui est
un bien d'expérience, selon le concept introduit par Phillip
Nelson61. C'est cette expérience même qui permet
d'attribuer une valeur. L'éditeur doit apporter aux lecteurs les moyens
de faire part de cette expérience, de témoigner. Le ticket
d'entrée est toutefois élevé, certes l'ouverture d'une
page sur facebook est gratuite, mais si l'éditeur veut donner aux
internautes des raisons de transmettre l'information et de communiquer avec
d'autres, alors le coût au contact est plus élevé.
60 «Assises du livre numérique : la
commercialisation du livre dans l'univers numérique »,
conférence organisée par le SNE
61 « Information and consumer behavior », Phillip
Nelson, Journal of Political Economy, vol. 78, n° 2, p 311-329
Toutefois, si pour la littérature générale,
la question d'être ou ne pas être sur les réseaux sociaux
peut se poser, elle ne doit pas l'être pour le secteur jeunesse. Une
étude IFOP montrait que 96 % des jeunes62 de 18 à 24
ans sont sur les réseaux sociaux. Y être n'est même plus une
option mais une évidence.
Gallimard Jeunesse a lancé une expérience sur la
plate-forme Skyblog qui cible la tranche des 10-15 ans. Cet outil permet de
conserver un lien avec les lecteurs. La marque peut ainsi converser et
prolonger l'expérience de lecture. Plusieurs leviers ont
été mis en place : des vidéos sont proposées sur la
plateforme ; les internautes sont sollicités pour faire partie d'un
groupe de lecteurs experts ou devenir chroniqueurs.
Pour le lancement d'un livre, les éditeurs combinent
souvent différents outils. Pour le lancement de l'ouvrage « Le
chuchoteur » de Donato Carrisi, différents moyens ont
été utilisés :
1° les réseaux sociaux pour faire parler du livre,
2° une communication auprès des blogueurs influents,
3° l'achat d'espace,
4° l'organisation d'un concours,
5° la création d'un mini site sur lequel les
internautes étaient renvoyés pour entrer dans l'univers du
livre.
62 « Observatoire des réseaux sociaux », IFOP,
Janvier 2010
Les newsletters sont aussi un moyen de maintenir le lien avec le
lecteur et de procéder à un marketing ciblé. Le cercle de
lecteurs de la Pléiade compte 30 000 membres, dont 15 000 d'entre eux
abonnés à la newsletter. Gallimard utilise cet outil de
fidélisation pour communiquer auprès de cette communauté
de lecteurs fidèles. Les résultats sont d'ailleurs excellents :
le taux d'ouverture étant de 50 % et le taux de clic de 20 %.
Sous-section 4. Exemple d'une campagne de lancement d'un titre
jeunesse : Ghostgirl Lovesick
Ce titre, dernier livre d'une trilogie qui compte l'histoire
d'une jeune fille qui décédée et devenue fantôme
côtoie le monde des humains, a bénéficié d'une
campagne de grande ampleur. Ainsi, la sortie de ce livre a été
accompagnée d'un trailer, digne des meilleurs films d'animation. Ce
lancement a été soutenu par un jeu concours permettant à
l'internaute ayant posté la vidéo la mieux notée de gagner
une guitare rock.
Tonya Hurley, l'auteure, anime un blog sur lequel figure des
anecdotes concernant les évènements liés au livre, en lien
avec le mini-site skyrock aux couleurs de Ghostgirl. Une appli iPhone
crée une relation intime entre le personnage et le lecteur, afin de
prolonger l'expérience de lecture.
Sous-section 5. Les moteurs de recherche au service de la
promotion du livre
Notons d'abord qu'il n'y a pas seulement les moteurs de recherche
classiques qui proposent des dispositifs permettant de promouvoir le livre. En
effet, le cyberlibraire Amazon propose aux éditeurs d'intégrer
l'opération « Chercher au coeur du livre ». Ainsi, en
échange de l'envoi de l'ouvrage papier ou PDF, le livre est mis en
ligne. L'internaute accède alors à un dispositif de feuilletage.
Il peut également effectuer des recherches parmi les pages de l'ensemble
du fonds éditorial numérisé figurant sur le site afin de
trouver précisément le livre qu'il souhaite acheter.
A cette forme de promotion, l'éditeur peut
intégrer le dispositif proposé par Google, dont les performances
devraient être meilleures et ceci pour deux raisons : d'une part, parce
qu'il s'agit du moteur de recherche le plus utilisé en France et d'autre
part, sa plateforme de promotion est multicanal.
Après conclusion d'un contrat avec Google dans le cadre du
programme partenaires, l'éditeur peut proposer le contenu de ses livres
dans les résultats de recherche, accroissant ainsi la visibilité
des livres. L'adhésion à ce programme est gratuite. En
échange, l'éditeur s'engage à permettre la visualisation
d'au moins 20 % du contenu. Ce dernier reçoit chaque semaine un rapport
statistique rendant compte de la popularité des ouvrages mis en ligne.
L'internaute qui est intéressé par un livre peut l'acheter en
ligne grâce à un dispositif d'affiliation avec des libraires.
Les éditeurs français sont encore peu nombreux
à se joindre au programme de Google. Ils craignent à la fois de
mettre en ligne gratuitement du contenu qui ferait concurrence au livre payant
et éprouvent des craintes à pactiser avec la firme
américaine diabolisée par les médias. Pourtant les
avantages sont nombreux. 85 % des internautes passent par Google pour
procéder à une recherche. Donc si le fonds de l'éditeur
s'y trouve, et si l'internaute décide d'aller plus loin, il pourra
être enclin à acheter le livre, d'autant que la partie du contenu
lisible n'est ni imprimable, ni copiable. En outre, l'achat de l'internaute est
facilité par des liens vers les sites des libraires ou le propre site de
l'éditeur.
Lien vers l'achat d'un livre
De même, l'éditeur n'a pas à craindre
d'évincer les libraires physiques au profit des cyberlibraires, puisque
l'internaute peut procéder à une recherche sur le site des
librairies les plus proches de chez lui, afin de s'y rendre.
Liens vers les librairies avoisinantes
Bien que les revenus publicitaires soient anecdotiques pour
l'éditeur, celui-ci perçoit une rémunération
lorsque l'internaute clique sur une publicité figurant sur la page sur
laquelle figure le livre.
Revenus perçus grâce aux publicités
contextuelles
Enfin, le rapport statistique, adressé toutes les semaines
à l'éditeur, récapitule les tendances de consultation et
permet d'avoir une meilleure connaissance du marché. Il est ainsi
possible de comparer les chiffres d'une semaine sur l'autre et des points
particuliers, comme la consultation de livres, consultation de pages ou
consultation de livres avec clics d'achat, par exemple.
Rapport statistique
En outre, l'éditeur peut obtenir les chiffres pour un pays
ou une région et connaître ainsi l'origine du trafic.
Carte de représentation du trafic
Enfin, si l'éditeur accepte de fournir au moins 75 % de
son catalogue au programme, Google fournit une API Google recherche de
livres qui pourra être intégrée au site de
l'éditeur. L'internaute pourra ainsi procéder, sur le site de la
marque, au feuilletage des livres mais aussi à une recherche
intégrale.
Intégration de l'API Google Search sur le site de
l'éditeur
Cette même application pourra être
intégrée au site des libraires pour valoriser le fonds de
l'éditeur. L'internaute peut alors feuilleter les titres, mais ne peut
ni imprimer, ni copiercoller ou télécharger.
Partenariat Libraires / Google Book Search
Il est à noter que ce programme nommé Google
Books search ne doit pas être confondu avec Google ebooks
store. Le premier est un moteur de recherche dédié aux
livres, tandis que le second est un magasin en ligne qui permet de consulter et
d'acheter des livres électroniques.
Ce dernier programme baptisé, Google Editions, devait voir
le jour à l'été 2010 et a été sans cesse
repoussé depuis. Son lancement est programmé en France dans le
courant de l'année 2011. Celui-ci sera peut-être bientôt
accessible puisqu'un accord a été signé avec Hachette et
que le fonds présenté dans ce magasin virtuel devrait être
suffisant pour justifier son lancement.
Sous-section 6. L'affiliation
Ce levier de recrutement est actuellement exclusivement
développé par les revendeurs. Pourtant, les éditeurs
vendant en direct sur leur site auraient intérêt à mettre
en place une politique d'affiliation en s'adressant aux blogueurs, lesquels ont
souvent au sein des communautés un fort pouvoir de prescription. Le
pourcentage des commissions versées varie de 5 à 10 % en
moyenne.
Pourcentage de commission
Revendeur
|
|
|
Editeur
|
Plateforme
|
|
Amazon : 5%<20 ; >20-100
Fnac : 6 à 8 %
|
5,5
|
%
|
5 %
|
Numilog : 10
|
%
|
Amazon et
Fnac.com propose l'intégration de
mini-boutiques autonomes que le bloggeur peut intégrer directement dans
la page web de son blog.
Mini-boutique
Fnac.com
Sous-section 7. Achat de mots clés
La pratique d'achat de mots clés sur les moteurs de
recherche est particulièrement développée au sein des
librairies en ligne. L'éventail de mots clés choisis est
varié.
Les éditeurs du secteur professionnel utilisent
fréquemment ce levier marketing pour accroître le trafic sur leur
site. Il en va ainsi notamment de l'éditeur << le Moniteur »
qui achète fréquemment le mot clé : <<code des
marchés publics » pour promouvoir ces ouvrages dans le domaine ; ou
encore Dunod, qui acquiert << Livres action sociale », parvenant
ainsi en première position devant ESF, pourtant leader dans ce
domaine.
Sans doute pour les éditeurs techniques, cette politique
marketing est plus aisée à financer en raison du prix
élevé des livres. Toutefois, les éditeurs
généralistes pourraient eux aussi mettre en place des campagnes
adwords pour promouvoir l'ensemble d'une collection.
CHAPITRE 2 : FAIRE EVOLUER L'ORGANISATION ET LES
COMPETENCES
Section 1. Adopter une organisation en
réseau
Alors que les groupes ont les moyens de s'organiser afin de
réunir les compétences nécessaires en matière de
production numérique, la situation est plus compliquée pour les
petits et moyens éditeurs. Benoît Berthou, enseignant-chercheur
à l'université Paris XIII, auteur d'un rapport intitulé
« Etude de faisabilité et de préfiguration d'un SPL de
la filière livre sur le Nord-Est Parisien »63
préconise un modèle de développement économique, le
cluster, c'est-à-dire un pôle de compétence, reprenant la
théorie de l'économiste Michael Porter qui propose de penser le
territoire sur le mode de la compétence. C'est le rapprochement
d'entreprises de la filière livre au sein d'un même espace
géographique qui permettra l'acquisition d'avantages compétitifs
au niveau régional, national et international. La concentration
d'acteurs opérant dans la même filière permet de fournir
une main d'oeuvre disponible et qualifiée, et un réseau de
sous-traitants couvrant l'ensemble des besoins de la filière. L'accent
est mis sur la mise en réseau d'entreprises ayant des activités
similaires ou complémentaires.
63 « Etude de faisabilité et préfiguration
d'un SPL du livre dans le Nord-Est parisien », Benoît Berthou,
Université Paris XIII Nord, LABSIC, en collaboration avec Fontaine O
livres et en partenariat avec la Mairie de Paris (DPVI)
Benoît Berthou préconise, en outre, la mise en place
d'une coopération entre les différents acteurs de la
filière, laquelle permettrait notamment la mutualisation des
compétences (par exemple, le partage d'un comptable ou encore la
négociation en commun des achats) et la mise en place de
coopérations permettant de mieux exploiter le potentiel des outils de
production.
La création d'un Cluster pourrait effectivement combler le
déficit de compétences face à l'évolution
technologique en créant un pont entre des sociétés
d'édition de contenus livres, jeux vidéo, musique et
cinéma, par exemple.
Dans le même esprit, la mairie de Paris ouvrira les portes
du Labo de l'édition64, un lieu d'incubation et
d'innovation, qui a pour ambition d'aider les acteurs du livre à vivre
la transition numérique. La mairie de Paris souhaite :
«soutenir des projets innovants qui mutualisent des compétences
et suscitent des convergences et liens entre les filières du livre, de
l'édition et du marché numérique».
Section 2 : Des outils au service d'une
stratégie
multisupport
L'usage des tablettes et des readers étant appelé
à se généraliser, l'éditeur va devenir à
terme, non pas éditeur de livres, mais un éditeur de contenu. Il
devra définir à la fois le contenu et le support le plus
adéquat pour le rendre accessible aux lecteurs. Ce contenu pouvant
être multisupport, il est indispensable d'adapter la production, afin de
la rendre la moins onéreuse possible.
Aujourd'hui, force est de constater que nombre de maisons
d'édition réalisent cette production de façon artisanale.
Elles produisent les nouveautés, puis constituent les fichiers
numériques à partir du PDF ou du livre papier. Le bon sens milite
vers une modification du process en un mode de production XML natif, celui-ci
devant présenter un triple avantage :
- La publication simultanée des deux versions,
- La réduction des coûts de production,
- L'utilisation possible du flux XML pour alimenter, sans
retraitement, d'autres publications comme le site compagnon du livre, par
exemple.
La maison d'édition doit donc mettre en place des outils
destinés à fluidifier la production et à l'automatiser.
Cela commence d'abord par l'analyse des objectifs à moyen terme.
Ensuite, les différentes collections doivent être analysées
afin de définir le niveau de structuration qu'impose les
fonctionnalités nécessaires pour publier le contenu papier et
numérique tel que défini par l'éditeur. Ce travail
d'analyse servira de base pour écrire la DTD65. Celle-ci
devra être modulaire et comprendre par conséquent des modules
communs et des modules spécifiques. Cette DTD permettra l'export des
données au format XML et leur intégration automatique dans les
gabarits de mise en page.
64
http://www.paris.fr/accueil/accueil-paris-fr/le-labo-de-l-edition-un-nouvel-equipement-innovant-de-laville/rub_1_actu_98352_port_24329
65
DTD, définition de type de document, décrit un
modèle de document SGML ou XML.
Afin de réduire les coûts amont et de gagner du
temps, l'idéal serait de former les auteurs à l'utilisation
d'éditeur structuré du type XML Editor ou XMetal. En outre, il
faudra adopter de façon définitive un logiciel de mise en page
permettant de traiter du XML, Indesign CS5 étant considéré
comme le plus adapté aujourd'hui.
Section 3 : Former les collaborateurs
Les évolutions liées à l'intégration
du numérique en amont comme en aval de la chaîne a
ébranlé les fondements de l'édition traditionnelle en
générant des difficultés d'adaptation liées
à un déficit de compétence. Pour remédier à
cette situation, il est indispensable de former les équipes
appelées à produire les contenus de demain.
La formation de l'éditeur doit être double :
connaître la nouvelle chaîne de production et maîtriser les
techniques de webmarketing. L'outsourcing de ces compétences ne peut
être viable. En effet, s'agissant désormais du coeur de
métier, l'éditeur doit impérativement être à
même de piloter de ces deux activités.
L'éditeur étant au coeur du processus
éditorial, il se doit de bien connaître le process menant à
un mode d'édition multisupport. Ainsi, il devra notamment apprendre ce
qu'est un flux XML, lire et comprendre les DTD et avoir une bonne culture
générale sur l'outil de mise en page qu'est InDesign. De
même, il doit suivre très attentivement les nouvelles
opportunités qu'offre l'impression à la demande. Le Print On
Demand n'est pas à négliger, cette technique permettant de
mieux gérer les stocks et d'être prudent quant au tirage
initial.
De même, produire des contenus plurimedia, c'est bien, mais
encore faut-il savoir les vendre. C'est la raison pour laquelle
l'éditeur doit se former pour maîtriser les nouvelles techniques
permettant de faire connaître les ouvrages et de mieux les diffuser, afin
de dialoguer efficacement avec le service marketing et commercial.
Enfin, la tendance vers une convergence des médias, marque
la nécessité d'intégrer une partie des savoir-faire de
l'industrie du cinéma, des jeux vidéo et de la musique
notamment.
CHAPITRE 3 : LES EDITEURS DE LIVRES DE DEMAIN Section 1.
Ce qu'attendent les lecteurs
Sous-section 1. Les tendances
Le secteur du livre ne connaîtra sans doute pas un choc
semblable au marché de l'industrie musicale. Les français encore
très attachés au papier adopteront sans doute les nouveaux outils
de l'ère numérique de façon plus graduelle. Les tablettes
et les liseuses se démocratisent, en particulier en Corée et aux
Etats-Unis qui, selon une étude réalisée par Bain et
Company66 dans le cadre des rencontres «culture,
médias et économie» du Forum d'Avignon
présentée le 6 novembre 2010, devraient être adoptés
par 15 à 20 % de la
66 Les écrits à l'heure du
numérique, Bain et Company, Forum d'Avignon 2010
http://www.forum-
avignon.org/sites/default/files/editeur/2010_Etude_Bain_FR.pdf
population de ces deux pays d'ici 2015. La France devrait
atteindre 4% d'équipement en 2012.
50 % des personnes interrogées pourraient se
décider à acheter quand le prix sera inférieur à
200 € pour la liseuse et moins de 300 € pour les tablettes. Ces
chiffres expliquent pour une large part la réussite du Kindle sur le
marché, le prix d'entrée de gamme étant fixé
à 139 €. Les tablettes, quant à elles, apparaissent comme
étant beaucoup trop chères.
En outre, les pratiques changent. Alors que 20 % des lecteurs se
constituaient une bibliothèque complètement gratuite et 10 %
entièrement achetée sur ordinateur, ce chiffre est de 5 % dans le
premier cas et de 20 % dans le dernier quand ils font l'acquisition d'une
tablette ou d'une liseuse. Le lecteur électronique favorise le payant,
sans doute en raison de la facilité d'achat sur les librairies en ligne
; dans le cas de l'Applestore, il suffit de deux clics pour être
débité. L'ebook ne devrait pas remplacer complètement
à moyen terme le papier. En effet, 41 % des personnes interrogées
déclarent qu'elles ne peuvent pas se passer de l'expérience
papier.
Le prix n'est pas le seul catalyseur d'adoption de l'ebook (40 %
des personnes interrogées), puisqu'il entre en troisième
position. Le premier critère étant la facilité d'achat et
le second la portabilité de la bibliothèque sur un seul
support.
Bain et Company, 2010
En outre, les lecteurs actuels d'ebooks sont surtout des lecteurs
de livres de litterature generale appartenant au fonds pour 43 %, des
nouveautes pour 30 % et des livres illustres pour 23 %. La litterature generale
est surrepresentee, ceci en raison, sans doute, des fonctionnalites des
liseuses, dont l'encre est uniquement noire. Le developpement d'appareils
traitant les couleurs et permettant une lecture sans fatigue oculaire devrait
permettre d'accroître l'interêt pour le livre illustre.
Enfin, les lecteurs considèrent que le prix d'un livre
numerique doit être inferieur de 36 % pour les nouveautes et de 40 % pour
les livres plus anciens.
Sous-section 2 : comparaison des modes de lecture sur
Smartphones, tablettes et ordinateurs
La manière de lire change selon le support. Une
etude67, qui n'a rien de representatif, montre neanmoins certaines
tendances. Ainsi, on constate sur Iphone des pics d'activite à certains
moments de la journee : le matin au petit-dejeuner, au debut de la matinee,
à la fin de la journee, à 20 heures et au moment du coucher.
67
http://lafeuille.blog.lemonde.fr/2011/01/13/quelle-influence-ont-nos-supports-de-lecture-sur-le-momentou-on-lit/
Blog, La Feuille
Hubert Guillaud, rédacteur du blog «La
Feuille», note ainsi que «l'iPhone permet de faire de la
lecture interstitielle, dans les moments de vides, moments de transports, de
déplacements... » La lecture sur smartphones est bien
liée principalement à la mobilité.
Pour les utilisateurs d'un iPad, l'usage est différent.
Ainsi, on peut observer un pic en tout début de matinée et une
utilisation croissante en début de soirée à partir de 19
h.
Blog La Feuille
De même, si l'on compare l'usage des utilisateurs qui
possèdent à la fois un ordinateur et un iPad avec ceux qui ne
possèdent que le premier, on peut constater que les possesseurs d'iPad
lisent sur ordinateur pendant les heures de bureau de 10 h à 14 h, et
qu'ils se tournent vers l'iPad en fin de journée. Alors que le
deuxième groupe fait un usage important de l'ordinateur tout au long de
la journée.
Blog, La feuille
On peut ainsi en déduire que la tablette d'Apple est
lié à un usage de détente et de confort. Hubert Guillaud
conclut sur ces mots : «Les gens ont certainement tendance à
vouloir trouver un moment et un support plus confortable pour consommer du
contenu que devant leurs écrans d'ordinateur. Visiblement, l'iPad
conduit à un changement de consommation du contenu. On passe de la
contrainte de lire, de s'accrocher aux flux, au plaisir. On passe du fauteuil
de bureau au canapé du salon ou au lit.»
Section 2 : Les pratiques des digital natives
Le rapport 201068 sur la lecture des enfants et de la
famille écrit par le groupe Harrison et l'institut Scholastif, bien que
réalisé aux Etats-Unis, fournit des résultats
intéressants qui pourront alimenter la réflexion pour des
développements éditoriaux futurs.
Les parents pensent que le temps passé par leurs enfants
sur des supports numériques a des effets sur leur vie.
68 2010 Kids et Family reading report : turning the
page in the digital age, Harrison Group
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010KFRR.pdf
Harrison Group 2010
Plus les enfants sont âgés et plus le temps
passé sur des supports électroniques augmente au détriment
de celui occupé à la lecture.
Harrison Group 2010
La télévision, tous les âges confondus,
constitue le premier loisir, à l'exception de la tranche des plus de 15
ans. La lecture constitue la seconde activité pour la tranche des 6-11
ans et passe en dernière position à partir de 12 ans.
Les parents sont majoritairement inquiets de l'impact du
numérique sur le temps que leurs enfants consacrent à la lecture,
56 % en moyenne. En outre, si les parents devaient supprimer un appareil
électronique à leurs enfants pendant une à deux semaines,
ils répondent majoritairement la télévision, les jeux
vidéo et les téléphones portables. Toutefois, les
réponses diffèrent selon le sexe et l'âge des enfants.
Harrison Group 2010
La plupart des enfants de 9 à 17 ans ont une
définition plus large que leurs parents de ce qu'est la lecture, 28 %
pensent que lire des commentaires sur Facebook est une activité
apparentée à la lecture.
Harrison Group 2010
En dix ans, la lecture de livres a diminué chez les jeunes
parmi lesquels on note une réduction du rythme de lecture et du nombre
de gros lecteurs.
Toutes ces tendances sont intéressantes à analyser
pour les éditeurs de livres, et en particulier, du secteur scolaire et
parascolaire. Nous savons désormais en effet que les jeunes adoptent
d'autres formes de pensée69, en privilégiant les
accès au savoir et les approches aléatoires70, par le
biais des liens hypertextes notamment. Ils éprouvent des
difficultés avec l'enseignement académique, en particulier le
raisonnement démonstratif progressif71. Le digital
native est un impatient pour lequel tout doit aller vite. Il recherche la
satisfaction d'un plaisir immédiat et des récompenses
fréquentes. Ce que montrent les études, c'est que pour exploiter
ces nouvelles structures mentales, il faut aménager, sinon abandonner la
pédagogie traditionnelle où seul l'enseignant s'exprime et les
élèves restent passifs, sauf très rares exceptions. Le
jeune, désormais doté d'un cerveau hypertexte et d'une aptitude
au fonctionnement multitâches, attend plus d'autonomie,
d'interactivité et que soit privilégié le travail en
réseau ou en groupe. Certains auteurs plaident pour l'utilisation du jeu
sérieux72 à des fins pédagogiques. Ces attentes
peuvent trouver à être satisfaites par le développement de
produits plus adaptés dans l'édition scolaire et parascolaire.
Ceci ne pourra se faire néanmoins sans les enseignants. Les
éditeurs ne pourront faire évoluer seuls les manières de
concevoir des manuels numériques, ils doivent le faire au
côté des enseignants qui doivent eux-mêmes
révolutionner l'apprentissage et la transmission du savoir auprès
des digital natives, en remettant en question les méthodes
traditionnelles de pédagogie.
69 Marc Prensky, Digital natives, digital immigrants,
2001,
www.marcprensky.com
70 Born Digital, John Palfrey et Urs Gasser, Basic
Books, 2008
71 Pratiques culturelles chez les jeunes et
institutions de transmission : un choc de cultures, Sylvie Octobre, DEPS,
janvier 2009
72
http://henryjenkis.org
Section 3 : Le rôle de l'éditeur
Sous-section 1. Les moyens de trouver et d'organiser
l'information
La révolution numérique ne bouleverse pas seulement
les relations entre les différents acteurs de la chaîne, elle
donne les moyens à tous, grâce à la démocratisation
des outils de production et de distribution, de publier. C'est
l'avènement de la génération nobody. La star peut
être vous, quelque soit vos talents et vos qualités morales. A
l'instar des émissions de téléréalité qui
donnent l'opportunité à <<la fille du coin de la
rue» de devenir célèbre, la digitalisation de la
société donne à tous les moyens de se faire
connaître auprès du monde. Le web 2.0 est l'outil de
scénarisation de monsieur personne. Il annonce sur Facebook
qu'actuellement il est dans le train, rend public les photos de son chien sur
Flickr et dépose sur Youtube la vidéo d'une soirée trop
arrosée. Lui aussi peut devenir une star, il peut enfin exister aux yeux
de tous et les plates-formes de partage de contenus lui en donnent
l'opportunité.
Par conséquent, le public est noyé d'informations
de qualités diverses. Chris Anderson, dans son célèbre
ouvrage << La longue traîne »73
définit deux règles : Make everything available (rendre
tout disponible) et Help me find it (aidez moi à le trouver).
Cette surproduction induite renverse la relation entre l'offre et la demande,
modifiant ainsi ce qui est à la base de l'économie de
marché, la rareté. La surabondance d'offre de biens
informationnels rend la demande rare, et par conséquent sa valeur,
conduisant les éditeurs à s'interroger sur la question de savoir
si l'ensemble des contenus ne finiront pas à terme par devenir gratuits.
Tendance induite par le web, mais modérée avec l'explosion du
marché des applications.
La profusion de contenu oblige les éditeurs à
mettre en oeuvre des stratégies marketing destinées à
capter l'attention de la cible et devrait ouvrir la voie à la
création de sociétés qui mettraient à disposition
du public des outils permettant de faire la part des informations pertinentes
et non pertinentes. Google répond en partie à cette
problématique en <<vendant de l'attention» aux
éditeurs et en permettant aux consommateurs d'accéder au contenu
en fonction de sa pertinence. Toutefois, les moteurs de recherche tels que nous
les connaissons ne suffisent pas à satisfaire ce besoin. Il est, par
exemple, très difficile de s'y retrouver dans le capharnaüm des
applications distribuées sur l'Apple Store. Certains éditeurs
s'organisent, comme Hachette , en créant avec Myboox un réseau
communautaire jouant le rôle de prescripteur, mais aussi en
développant un module <<My boox affinité» - ayant pour
base line <<j'ai rencontré un livre»- qui, en fonction de la
typologie de l'internaute, fournit des conseils de lecture.
Sous-section 2 : Le devenir de
l'éditeur
On peut se poser aujourd'hui la question, à l'instar de
Matt Shatz - Directeur de la stratégie pour les contenus chez Nokia - :
<<Les auteurs ont-ils encore réellement besoin des
éditeurs ?»
73 La longue traîne : la nouvelle
économie est là, Chris Anderson, Pearson, avril 2009
Matt Shatz affirme que le rôle de l'éditeur est
affecté par ce qui hier faisait sa valeur ajoutée : la
coordination de la fabrication du livre papier ou ses relations avec les
libraires, n'a plus d'intérêt dans l'ère numérique.
Il y a, dit l'auteur de cet article, quelques signes avantcoureurs de
l'érosion de la position dominante des éditeurs. Ainsi,
l'éditeur Random House annonçait récemment qu'il
souhaitait sous-louer 30 % de la surface de son siège social à
Manhattan. De même, Seth Godin, ancien responsable du marketing chez
Yahoo et auteur de plusieurs livres à succès, a passé un
accord avec Amazon pour vendre ses livres en direct.
Cette bataille qui consiste à devenir
l'intermédiaire principal entre l'auteur et les lecteurs est
composée de trois acteurs : agents, éditeurs et distributeurs.
Les agents ont certes une relation privilégiée avec les auteurs,
mais ne possèdent pas l'infrastructure pour mettre en oeuvre une
politique commerciale et marketing satisfaisante. Matt Shatz estime que les
mieux placés sont les distributeurs parce qu'ils sont directement en
contact avec le consommateur et peuvent déployer de façon
efficace des outils de marketing relationnel, ce qui n'est pas le cas de
l'éditeur. L'analyste Marianne Wolk estime qu'Amazon, Apple et Google
vendent en cumulé aujourd'hui 40 à 50 % des livres
électroniques. L'enjeu est donc de casser cet oligopole à trois
têtes, afin d'éviter que ces acteurs dictent les lois du
marché.
Matt Shatz pense qu'il est temps pour les éditeurs de
chercher à recréer dans le monde numérique les forces
qu'ils avaient en marketing traditionnel, afin que les auteurs soient
convaincus que passer par une maison d'édition permet d'atteindre la
plus large audience et de vendre plus de livres. L'éditeur dispose
pourtant d'un avantage considérable, c'est la maîtrise des
métadonnées. Ainsi, il est bien placé pour fournir les
informations permettant d'optimiser la recherche d'un internaute sur un livre
en particulier . Ces données pourraient aller très loin,
l'éditeur pourrait ainsi renseigner le style, le ton, le
caractère pratique, l'épaisseur des personnages, la
maîtrise du suspens. Faire donc son métier, trier l'information,
l'organiser et orienter le lecteur vers le livre qu'il attend.
Ce qui va faire la force des éditeurs de demain, c'est
la capacité de vendre livres papier et numérique, en
démontrant qu'avec lui l'auteur s'enrichit beaucoup plus qu'avec les
plates-formes. C'est plus son aptitude à vendre et à organiser
les métadonnées que l'art de corriger la copie qui lui
permettront de demeurer au coeur de la chaîne du livre.
Enfin, les éditeurs qui parviendront à animer des
communautés auront un avantage concurrentiel considérable. Les
maisons d'édition dans le domaine du voyage l'ont bien compris. C'est le
cas de Lonely Planet qui propose sur son site aux internautes
voyageurs de nombreuses fonctionnalités : catalogue des publications,
réservation de chambres d'hôtel, de voitures, billets d'avion, des
conseils au voyageur, la possibilité de contracter une assurance
voyage... L'éditeur répond ainsi à l'ensemble des besoins
d'un internaute intéressé par une destination. Il renforce, en
outre, sa relation avec les lecteurs par le biais des forums de voyageurs et de
plusieurs blogs. C'est cette compétence d'animation et de
développement d'une communauté qui rend Lonely Planet
difficile à concurrencer par des plates-formes comme Amazon ou Apple.
Dans ce cas précis, les distributeurs seraient plutôt des
alliés pour assurer le développement des sociétés
d'édition, que des concurrents.
Cette politique nécessite néanmoins des
investissements. En effet, l'utilisation de technologies interactives et la
mise en place d'une politique d'animation nécessitent un budget
considérable qui peut être difficilement dégagé par
les éditeurs de petite et moyenne taille. Des alliances et des
partenariats avec des sites animant des communautés pourraient
constituer une solution. Dans le domaine du voyage, en dehors des
éditeurs Lonely Planet et
le Routard, il existe des sites animant des communautés,
qui ne développent pas de produits éditoriaux du type livres.
C'est le cas de
VoyageForum.com, un site
francophone qui compte près de 700 000 membres ou encore de
Tripadvisor. Les éditeurs de voyage sont néanmoins
concurrencés par des sites communautaires qui tentent de
développer des produits apparentés aux livres pour
monétiser leur site. Citons, par exemple, Cityscouter qui
produit des applications sur iPhone et iPad ou encore
Newyorknetguide.com qui
édite un livre papier sur le shopping à New-York.
Sous-section 3 : Développer ou non des produits
numériques
La réponse est positive si le marché est
suffisamment équipé. La vraie question est la suivante : quels
sont les facteurs qui favoriseront le basculement du marché en faveur du
numérique ? On peut citer comme facteurs :
- Un support mobile connecté, ayant une taille
d'écran suffisante pour faciliter la
lecture. De même, la lecture sur un écran LCD
étant fatigante, la possibilité de
produire une encre électronique couleur de
qualité devrait avoir une incidence ;
- Le support de lecture doit proposer des fonctionnalités
d'interactivité et intégrer le son
et la vidéo ;
- La liseuse intègre des fonctionnalités de lecture
sociale ;
- Les téléchargements doivent être rapides et
faciles ;
- L'indexation doit être performante afin que le lecteur
trouve aisément le titre qu'il recherche ;
- La lecture doit être possible à tout moment,
partout et sur n'importe quel support ;
- Le prix de l'ouvrage numérique doit être bien
inférieur à l'ouvrage papier, dans l'idéal moins de 40%
;
- Les plates-formes doivent proposer un catalogue riche ;
- Le lecteur doit pouvoir feuilleter le produit en ligne ;
- Le lecteur doit pouvoir consulter le produit chez un
libraire qui pourra jouer son rôle de conseil. Tl le
téléchargera ensuite sur une borne ou via un lien qui lui sera
adressé sur son mobile ou par mail.
Des secteurs entiers pourront à terme basculer en grande
partie dans le numérique, il s'agit des livres qui nécessitent
une mise à jour fréquente ou qui sont destinés
principalement à la consultation : les dictionnaires, les
encyclopédies, les ouvrages pratiques, les livres juridiques et
scientifiques. En revanche, dans le cas des romans qui nécessitent une
lecture immersive, nombre de lecteurs continueront à lire encore durant
de nombreuses années sur papier. Les seules fonctionnalités
sociales et d'annotations, n'étant pas, à mon sens suffisantes,
pour supprimer entièrement le livre broché.
Section 4 : Les nouvelles formes d'édition
Sous-section 1. L'autopublication
La révolution numérique met désormais les
outils de production du livre à portée des auteurs, si bien
qu'ils s'interrogent sur l'utilité des éditeurs. En outre, les
maisons d'édition ne les ont pas convaincus de leur capacité
à savoir vendre le livre numérique, ni même le livre
papier, mieux qu'ils ne pourraient le faire eux-mêmes, vu la
difficulté à mettre en place un plan de promotion efficace pour
ces supports liée à la politique du statu quo sur la
répartition de la valeur, les auteurs sont tentés d'aller voir
ailleurs. Les cas sont de moins en moins isolés,
on peut ainsi citer tout d'abord les ayants-droits de William
Styron qui ont confié la gestion de leurs droits numériques
à Open Road Integrated Media qu'ils jugeaient plus apte que
Random House à vendre les titres au format numérique, leur
permettant ainsi d'être mieux rétribués (50 % de droits
d'auteurs). Citons encore cette jeune écrivaine du Minnesota, Amanda
Hocking, qui, en déposant simplement son fichier numérique sur le
Kindle store, vend près de 100 000 livres par mois et est devenue
millionnaire. Soyons clair, elle est loin d'être un amateur : ses livres
possèdent une maquette attrayante, elle anime un blog, manie les
réseaux sociaux comme personne et a créé un trailer pour
présenter sa trilogie.
Amazon vient de rebaptiser l'outil de publication des auteurs
Kindle Digital Publishing, mettant ainsi l'accent sur le fait qu'il
s'agit bien d'une plate-forme de publication ouvert à tous. En outre,
les auteurs peuvent légitiment être intéressés par
le montant des droits reversés qui sont de 70 %, alors qu'en France pour
une édition papier, ils sont en moyenne de 8 à 10 %. Le
cyberlibraire de Seattle n'est pas le seul sur ce créneau, les gros
libraires numériques proposent tous ce service, c'est le cas de Barnes
and Noble (fabricant du Nook) et de sa plate-forme d'autoédition
nommée Pubit, mais aussi d' Apple sur son Ibookstore.
Toutefois, la jeune auteure Amanda Hocking prouve que
déposer un fichier ne suffit pas, encore faut-il être capable
d'aider à capter l'attention, afin de le vendre. L'expérience
mitigée de Stephen King74 montre que la
notoriété ne suffisait pas à vendre en autopublication la
version numérique de ses livres, sans un marketing efficace.
Ces plates-formes d'autopublication proposeront sans doute
à terme la réalisation d'actions de marketing pour le compte des
auteurs. Ainsi, le libraire numérique français, également
éditeur, Feedboox qui met sa plate-forme de publication au service des
auteurs souhaitant être publiés sans éditeur, fournit aux
auteurs des conseils afin d'accroître leur visibilité :
- ouvrir une page facebook et l'animer,
- tweeter,
- communiquer sur les forums et les blogs.
Ce développement de l'autopublication va sans doute faire
émerger deux types de services : d'une part, des sociétés
qui mettront en forme le texte (réécriture, modification de la
hiérarchie du texte, corrections orthographiques et typographiques,
ainsi que la réalisation d'une mise en page attrayante) ; d'autre part,
des sociétés qui se chargeront de promouvoir l'auteur
numérique proposant ainsi des prestations en marketing et communication
(réalisation du service de presse, par exemple).
Un autre phénomène qui s'apparente à
l'autoédition, est celui de la personnalisation du livre.
Désormais pour un coût modique, le consommateur peut faire
fabriquer son livre personnalisé, à l'occasion
d'évènements comme une naissance, un mariage ou une Bar Mitza,
par exemple. Il achète ainsi un ou plusieurs exemplaires de livres
photos.
74 Stephen King a mis en ligne sur son site, en mars
2000, la nouvelle « The Plant ». Il a par la suite
arrêté l'expérience en novembre 2000, pour la reprendre en
2001, considérant que la vente en ligne de chapitres s'avérait
rentable dans la durée. Ainsi, il déclarait : "Mes amis, nous
avons la chance de devenir le pire cauchemar de la Grande Edition".
Production de livres aux Etats-Unis
Booker reports 2009
Sur le marché américain, souvent précurseur
dans les tendances, on peut constater qu'en 2002, l'édition
professionnelle était majoritaire avec 215 000 titres différents
et 32 000 titres à la demande. En 2008, le marché bascule en
faveur de l'édition personnalisée, pour prendre largement le
dessus. Le marché a donc profondément changé. Les titres
publiés par des éditeurs étant désormais
inférieurs en nombre par rapport aux titres publiés à la
demande, laissant la première place à des sociétés
proposant des prestations d'autoédition. C'est ainsi que Kelly Gallagher
de l'institut Booker déclarait que les premiers éditeurs sont
aujourd'hui BiblioBazaar (275 000 titres), Books LLC et Kessinger Publishing
LLC, spécialisés dans l'autopublication.
Les plates-formes de financement de projets forment
également une concurrence d'un genre nouveau. Kickstarter permet ainsi
à des auteurs de trouver les fonds pour se faire publier et met à
leur disposition des widgets qui les aident à promouvoir leurs
créations sur les réseaux sociaux.
Le financeur reçoit en contrepartie des cadeaux et non de
l'argent contrairement à My major company books qui propose
également de financer des projets, mais avec pour contrepartie
l'intéressement au profit. Ce site a été toutefois
très critiqué. Une sélection est réalisée en
amont par XO, l'éditeur qui se chargera de diffuser le livre. Ce qui a
fait dire à certains, que cette maison d'édition avait
trouvé un bon moyen de générer des profits sans mise de
fonds initiale. Ces plates-formes pourront devenir concurrentes des
éditeurs quand elles mettront à disposition des auteurs des
outils de promotion pour donner toutes les chances aux livres.
Autre exemple d'autopublication : les coopératives d'
auteurs. Publie.net, par
exemple, dirigé par le flamboyant François Bon, en est le porte
drapeau. Les revenus sont ici partagés à part égale entre
auteurs et éditeurs. Les livres diffusés sont uniquement
numériques et
peuvent être achetés à l'unité ou par
abonnement. Ce site est très dynamique et semble mettre en place une
politique de promotion des livres efficace.
Enfin, citons les blogs d'auteurs qui déposent,
généralement gratuitement sur leur site, le fichier PDF d'un
livre qui n'a jamais été publié dans les circuits
traditionnels. L'objectif étant d'accroître leur réputation
et non pas leurs revenus. Ce système est certes peu coûteux, mais
sa portée est limitée. En effet, multiplier la présence
d'un produit sur différents canaux (livre papier, livre numérique
et application, par exemple) en procédant à une promotion
efficace donne plus de chance au contenu et accroît par conséquent
la notoriété de l'auteur.
Sous-section 2. « A book is a place »
: la lecture sociale
Ce titre repris de l'intervention de Bob Stein, directeur de
l'Institute for the future of book, au Tools of Change for
Publishing en 2009 dévoile une nouvelle définition du livre en le
définissant comme tel : « A book is a place where readers - and
sometimes authors- congregate ».
Le web 2.0 met en contact les gens. Le lecteur peut
désormais communiquer en temps réel avec d'autres ou tout
simplement avec des amis, faisant partager ainsi ses lectures. Kevin Rose,
patron de Digg, l'a bien compris à travers ce petit cours posté
sur Youtube75 destiné à Jeff Bezos et Steve Jobs. En
un mot, il leur explique ce que veulent les lecteurs et ce que doit être
le livre de demain, les enjoignant de fabriquer des liseuses adaptées
aux besoins. Ces enseignements sont de plusieurs ordres :
75
http://www.youtube.com/watch?v=odQfE48wM_M&feature=player_embedded
1° Information sur les personnages
Cette fonctionnalité est essentielle pour Kevin Rose. Le
lecteur pourra obtenir ainsi des informations sur les personnages quelque soit
l'endroit du livre où il se trouve, ces informations évolueront
en fonction de la progression dans le récit.
2° Le partage de commentaires
Le partage sur les réseaux sociaux, comme Facebook et
Twitter aujourd'hui possible, est insuffisant. Il préconise d'enrichir
cette fonction, afin que le lecteur puisse choisir ceux à qui il
souhaite adresser ses annotations. Il peut s'agir de commentaires ou de
passages surlignés, par exemple.
3° Prêter un livre à un ami
Le voeu de Kevin Rose a été exaucé puisque
cette fonctionnalité est désormais possible sur Kindle.
Toutefois, il va plus loin, en souhaitant savoir où chacun en est de la
lecture, de lire en même temps les mêmes passages et de pouvoir
chatter en temps réel, créant ainsi un club de lecture des temps
nouveaux.
4° Fournir des statistiques de lecture
Ces informations mettraient fin au reproche couramment
exprimé par les lecteurs, l'absence d'informations relatives au nombre
de pages lues et restant à lire. Il suggère aussi
d'intégrer un outil permettant de connaître la vitesse moyenne de
lecture et le temps restant.
5° Ouvrir le livre sur l'extérieur
Donner la possibilité au lecteur d'obtenir des
informations complémentaires en accédant à un
dictionnaire, une encyclopédie en ligne, des compléments
vidéo ou audio, par exemple.
The Internet Archive 2010
La société de consulting Ideo76
a montré dans une courte vidéo ce que pourrait être le
livre de demain en montrant les fonctionnalités possibles en fonction de
la typologie du lecteur. Le personnage << Copland >> illustre
l'usage en entreprise qui pourrait être fait, comme le partage et le
transfert des connaissances, mais aussi des recommandations de lecture sur des
problématiques précises. Pour << Nelson >>, c'est la
lecture enrichie avec des informations liées au contenu qui est à
l'honneur, enrichissement auquel participera la communauté par des
débats ou des discussions.
Le livre de demain, nous fera donc sortir du livre,
étendant ces ramifications à l'infini. La lecture sociale est
sans doute la fonctionnalité qui révolutionnera le plus le livre.
Ces applications sont infinies. Des groupes dont les membres interagissent
entre eux pourront se réunir autour de contenu, c'est là
notamment une piste intéressante pour les éditeurs de manuels
scolaires ; de la même façon, il sera possible d'engager une
conversation en marge, ce mot prenant ainsi un double sens - à
côté du discours, et physiquement dans la partie blanche des
pages- créant ainsi un dialogue ininterrompu entre chercheurs ou
enseignants et élèves.
Des outils se créent pour organiser cette
fonctionnalité. Le réseau social de lecture Goodreads,
par exemple, qui compte 4 millions de contributeurs, met en commun plus d'un
million de commentaires disponibles sur de nombreuses plates-formes. De
même, le lancement prochain d'un système de lecture sociale
nommé Readsocial API qui permettra aux lecteurs de mettre en
commun des commentaires à partir de n'importe quel support et quelque
76
http://vimeo.com/15142335
soit le logiciel de lecture. Ainsi un lecteur sur iPad pourra
échanger des informations avec l'utilisateur d'un Kindle ou d'un
téléphone ayant pour système d'exploitation
Androïd.
Cette socialisation là se rencontre aussi dans
l'écriture, dont le blog en est le paradigme. Endroit désormais
de toutes les conversations où blogueurs et lecteurs débattent au
sein d'un vaste espace composé de la blogosphère en
perpétuels échanges grâce aux rétroliens. Cette
collaboration de la construction d'un discours se réalise aussi au sein
des encyclopédies libres. Profitant des technologies de partage, les
ateliers d'écriture se sont installés sur le web . Ils peuvent
prendre des formes diverses de la conception d'écrit par mail, à
la rédaction guidée destinée à des
élèves, en passant par la conception d'un texte collaboratif.
C'est la fonction sociale qui fait toute la force de
l'édition numérique et l'attachement quasi addictif de certains.
L'intégration de ces fonctionnalités dans les nouveaux produits
est un point important pour en assurer le succès commercial.
L'éditeur pourrait trouver sa place en aidant les auteurs à
devenir, comme le prédit Bob Stein, les chefs de files de
communauté de réflexion lorsqu'il s'agit d'essais ou
d'études ou les créateurs de mondes imaginaires quand il s'agit
de romans : << Authors become leaders of communities of inquiry
(non-fiction) or creators of worlds that readers populate (fiction)
».
Sous-section 3. L'édition sans auteur
Ce scénario décrit par James Thomas Farrel en 1958
est-il seulement envisageable ? Il y a plus de 50 ans, une nouvelle
intitulée << A benefactor of humanity
»77, décrit l'ascension d'Ignatius Bulganov Worthington
qui pour répondre à la question d'une jeune employée d'une
maison d'édition : << Pourquoi faut-il donc qu'il y ait des
auteurs ? » invente une nouvelle technologie permettant de supprimer les
auteurs grâce à l'invention d'une nouvelle technologie la
Worthy, Worthington, Writing. JT Farell écrit ainsi : <<
Et il inventa la machine qui révolutionna la vie de
l'humanité : il inventa la Worthy Worthington Writing machine (WWW)
» (Notons à cet égard que l'auteur avait, bien avant
l'émergence du web, baptisé sa machine WWW... Simple
coïncidence ?). Une machine extraordinaire, qui non seulement supprime les
auteurs, mais ne produit plus de livre immoral ou simplement triste. Une
machine qui écrit des ouvrages au contenu << pleins de joie et
d'espoir ». Une machine, digne ascendant de la firme Google, laquelle
prône la philosophie : << Don't be evil », ou encore
d'Apple qui entend contrôler les contenus immoraux. L'auteur
développe dans cette nouvelle l'idée que les livres peuvent
être produits sans qu'on puisse les attribuer à un auteur. La
situation est-elle si différente aujourd'hui ? Plus vraiment. Philip M.
Parker78 a créé la Worthy, Worthington,
Writing, à partir du web justement.
Ce professeur de l'INSEAD, qui a déjà à son
actif plus d'une dizaine de milliers de livres, a construit une machine capable
d'écrire automatiquement des études, des
77 La version française traduite par Thierry
Quinquetton figure dans la Revue Esprit éditée en mai 2010, sous
le titre plein d'ironie : un bienfaiteur de l'humanité
http://www.esprit.presse.fr/archive/review/article.php?code=35636
78
http://www.neatorama.com/2010/10/05/how-to-write-85000-books/
;
http://www.youtube.com/watch?v=SkS5PkHQphY&feature=playerembedded
bibliographies, des dictionnaires ou des guides à partir
de données reprises du web. Il suffit d'entrer dans le logiciel
certaines données telles que le domaine de l'étude, le sujet ou
le pays et dix minutes à deux heures plus tard, à partir de
sources fiables, le robot produit des informations parfaitement
ordonnées, référencées, indexées comprenant
graphiques et tableaux. Le créateur ne s'arrête pas là
puisqu'il travaille sur des projets de programmes
télévisés et des jeux vidéo éducatifs qui
seront produits automatiquement. Cette expérience n'est toutefois pas
nouvelle puisqu'une entreprise aux Etats-Unis automatise les histoires
relatives au sport, de même que Thomson Reuters le fait pour l'histoire
de la finance. En outre, le site Qwiki propose une compilation intelligente du
web sur un thème donné en scénarisant l'information par
l'agrégation de vidéos, de photos, notamment.
Toutefois, l'usage que laisse présager l'invention de
Parker est très intéressant, puisque la machine est susceptible
de produire des sujets très pointus qui ne peuvent intéresser
qu'un nombre infime de personnes, comme par exemple, « The 2007-2012
Outlook for Chinese Prawn Crackers in Japan ». Certes, il s'agit d'un
titre improbable, mais ce qui est extraordinaire, c'est que la machine est
capable de produire un livre qui n'intéresse que vous, un livre
seulement écrit pour vous.
La créature de Frankenstein fera-t-elle
disparaître les auteurs ? Je ne le pense pas, tout au moins à
moyen terme, puisque ces données sont exportées à partir
de ce qui a déjà été écrit sur le web. Le
monde aura encore très longtemps besoin de personnes capables d'analyser
des données et non pas seulement de les compiler. Toutefois, la machine
du Professeur Parker
ouvre des perspectives de développement
intéressantes.
Sous-section 4 : Le Storytelling et les nouvelles formes
d'écriture
Avec les nouveaux supports, de nouvelles formes de narration
émergent. En effet, la transmission du savoir, du discours ou tout
simplement de l'histoire se matérialise différemment en fonction
du média. Les histoires ne peuvent être en effet racontées
de façon semblable au théâtre, au cinéma ou dans les
webdocumentaires, par exemple.
Paragraphe 1 : Storytelling
La structuration de la narration se modifie radicalement sur les
nouveaux médias, l'enjeu étant de trouver une forme
adaptée. L'interactivité est une fonctionnalité qui permet
de raconter autrement. Les expériences se multiplient, comme celle d'HBO
Imagine79, qui propose de suivre la trame de l'histoire par
fragments sur un immense écran noir, sur lequel sont disposées
des images. C'est à l'internaute de reconstituer le fil du récit,
en associant les différents éléments les uns aux
autres.
79
http://www.hboimagine.com
Une expérience semblable a été menée
dans le domaine littéraire. Le livre de Stephen Fry intitulé
The Fry Chronicles80 a été
découpé de manière à permettre une lecture non
linéaire sur une application interactive et de naviguer dans l'ouvrage
au fil de ses envies, le lecteur étant libre de créer sa propre
structure narrative. Une sorte de balade à travers le contenu est
proposée au lecteur grâce aux différentes options
proposées : mots clefs, tags, catégories de couleur identifiant
les thèmes (sentiments, personnages, questions, par exemple). La rosace,
véritable fil conducteur, est fragmentée de barres qui
constituent autant de sections du texte.
Parlons aussi de ce webdocumentaire réalisé par
Karine Lebrun, une artiste plasticienne, qui engage une conversation autour de
13 mots81 avec l'écrivaine Christine Lapostolle. Sorte de
face à face, écriture chorale et littéraire, où les
deux femmes se répondent dans deux vidéos à l'écran
partagé. Expérience artistique inédite qui nous
amène vers de nouveaux champs du possible.
80
http://www.youtube.com/watch?v=kxLpMMzXVCk&feature=player_embedded
81
http://www.13mots.com/#/1/13_mots
Sommes-nous toujours dans le livre ? Non, probablement pas. Avec
les nouveaux supports, le métier de l'éditeur évolue : un
peu producteur de film, un peu metteur en scène, un peu metteur en
écran, mais toujours coordinateur de projets. Désormais,
éditeur de contenus quelque soit le support, et non plus de livres, sa
culture métier deviendra au fil des années transmedia, c'est le
gage de sa survie.
Paragraphe 2 : Les nouvelles formes d'écriture
Sous-paragraphe 1. les blogs
Citons encore une fois les blogs. Il s'agit ici de
l'écriture d'un texte littéraire sous une forme inédite.
Le site d'Eric Chevillard82 constitue en cela un exemple
intéressant. L'auteur livre à ses lecteurs, selon ses propos, une
« chronique nerveuse ou énervée d'une vie dans la
tension particulière de chaque jour ».
Il s'agit bien d'un texte littéraire ayant investi le
champ de l'écran : jour après jour, l'auteur nous livre au fil
des pages web ses pensées.
82 http://l-autofictif.over-blog.com/
Sous-paragraphe 2. La narration sur Twitter
De nouvelles expériences ont été
menées également sur Twitter. Ainsi de nombreux auteurs essayent
ce nouveau genre contraignant, puisque le texte ne doit pas dépasser 140
caractères. Laurent Zavack83 fut le tout premier à
publier un Twitteroman qu'il fit ensuite éditer sur papier.
Après cette expérience, l'auteur est devenu cyberéditeur.
Il propose la reconstitution par chapitres de romans écrits via
Twitter. Le site de l'éditeur se veut espace de promotion pour
tous les « twittecrivains ». L'expérience s'est
ensuite propagée aux EtatsUnis avec Matt Stewart qui, ne parvenant pas
à trouver un éditeur, a publié sur Twitter en 2009 son
premier roman « The French Revolution »,
décomposé en 3 700 tweets. Le livre a ensuite été
mis à disposition sous forme d'ebook à 1,99 $.
De même, un genre nouveau a été
inventé par un auteur américain Matt Ritchel, le Twiller, un
thriller à base de tweets. Il a été suivi par Thierry
Crouzet en France, avec son livre croisade, et au Québec, par LeRoy K.
May et Eric Bourdonnais, un livre à quatre mains intitulé
Buboneka84. Twitter est d'ailleurs le terrain d'élection des
poètes, genre particulièrement apprécié dans les
pays anglophones que l'on retrouve sous le hastag #micropoetry, redonnant une
seconde vigueur aux haikus, ces poèmes en tercets d'origine japonaise,
s'adaptant parfaitement aux contraintes de concision. Le site
twitterhaikus85 reprend toutes les heures les derniers textes
publiés.
Sous-paragraphe 3 : La renaissance du roman feuilleton
De même, les nouveaux médias ont fait revivre un
genre oublié, celui du roman feuilleton, genre littéraire qui fit
florès au XIXe siècle et permit à un plus large public de
découvrir des auteurs tels que Honoré de Balzac ou Charles
Dickens, par exemple. La forme courte étant particulièrement bien
adaptée aux smartphones, des sociétés 100 %
numériques se sont créées, comme l'éditeur
Smartnovel qui a su réunir des auteurs prestigieux comme Didier Van
Cauwelaert ou Marie Despleschins. Ici aussi, l'écriture se doit
d'être différente : les phrases sont plus courtes et surtout
chaque épisode doit laisser en attente de lire le second,
83
http://twitter.com/Laurent_ZAVACK
84
http://twitter.com/buboneka
85 http://twitterhaikus.com/
afin de ménager un certain suspens. Le modèle
assure une récurrence aux maisons d'édition, puisque le lecteur
souscrit un abonnement.
Alexandre Jardin se livre, avec le soutien d'Orange, à
l'exercice de la rédaction d'un feuilleton en temps réel depuis
octobre 2010. Quinze ans après, l'auteur lance le pari de donner une
seconde vie au roman Fanfan 286 en invitant les lecteurs à
poursuivre l'histoire en temps réel. Cette expérience est non
seulement une aventure écrite à plusieurs mains, mais aussi un
projet transmédia. Au programme : le récit se déroule
principalement sur le site fanfan2, complété par la
rédaction des textes sur twitter et facebook.
Les lecteurs peuvent consulter les derniers textes sur leur
Smartphone en téléchargeant l'application. Une application
payante, 1,59 €, permet de basculer dans l'univers des personnages et de
participer au processus créatif.
Dans le même esprit, Michel Field a lancé un
polar interactif en septembre 2010 dans le cadre de son émission «
Au field de la nuit »87. Ingrid Desjours, auteur de
polar, a proposé un premier chapitre et a dressé le portrait de
l'ensemble des personnages. Les téléspectateurs sont
invités à imaginer la suite de l'histoire. Les meilleurs
chapitres sont sélectionnés par un comité de lecture.
L'expérience prendra fin en juin prochain et donnera lieu à la
publication d'un livre chez Plon, dans la collection nuit blanche.
86 http://www.fanfan2.fr/
87
http://www.tf1.fr/au-field-de-la-nuit/le-roman-de-l-ete/
Sous-paragraphe 4 : Les romans dont vous êtes le
héros
Les nouveaux médias donnent une seconde vie aux «
histoires dont vous êtes le héros » qui invitent le lecteur
à naviguer dans le livre en fonction de ses attentes et de ses envies.
Ils permettent aussi de ressusciter la littérature combinatoire de
Queneau et ses Cent
mille milliards de poèmes (1960). Ainsi, le
lecteur s'associe à l'auteur dans la composition de l'histoire et
interagit, devenant partie intégrante du récit. De nombreuses
applications pour Iphone et Ipad, généralement anglosaxones, ont
été développées sur ce principe comme « Je
suis le héros », développé par une entreprise
québécoise .
De même, la société Choose your own
adventure a porté plusieurs titres sur iPhone. Citons encore
l'initiative de la société Choice of games qui a
créé un script, certes plutôt compliqué à
utiliser, mais qui offre le mérite de proposer aux internautes de
créer leur propre histoire. Même idée chez
Istory88 dont l'application est disponible sur iPhone. Les
sociétés d'édition françaises semblent
malheureusement absentes de l'aventure, à ce jour.
Sous-section 3. Vers des manuels scolaires numériques
Le marché du livre scolaire est le 4e secteur
de l'édition Il représente 8,8 % du chiffre d'affaires de
l'édition française en 2009 et pèse 239 millions
d'euros.
Infographie, le Figaro.fr, 25 août 2010
Le livre scolaire est composé de différents
supports : les livres papiers, les livres numérisés et
vidéoprojetables, l'offre bimédia (livre papier et
généralement livre numérisé), les livres purement
numériques, actuellement rares, et surtout des sites web mettant en
ligne du contenu collaboratif produit par des professeurs. On peut donc
s'interroger sur ce que sera le marché de demain.
88 http://istoryweb.appspot.com/
89
http://www.educnet.education.fr/contenus/dispositifs/manuel-numerique/evaluation-manuel-numerique
Le ministère de l'Éducation nationale
expérimente89 actuellement dans douze académies
l'utilisation de manuels scolaires numériques via l'Espace
Numérique de Travail (ENT) des collèges depuis la rentrée
2009, en visant plusieurs objectifs :
- diminuer le poids du cartable de l'élève,
- proposer des ressources numériques pédagogiques
innovantes, - développer les usages des TICE en classe.
C'est à travers 69 collèges Via l'ENT que plus
de 15 000 élèves et 1000 enseignants ont été
observés dans leur pratiques. Des premiers résultats pour
l'année scolaire 2009-2010 ont été analysés par
l'Education nationale.
Il ressort de ce rapport plusieurs constats :
La première situation d'usage du manuel numérique
est une utilisation collective ; c'est d'ailleurs la plus
appréciée. Les enseignants mettent en avant une motivation et une
attention plus importantes. En outre, 54 % des enfants déclarent
être plus concentrés et 86 % des élèves aiment quand
le manuel est projeté au tableau. Les fonctionnalités les plus
appréciées sont différentes selon les disciplines.
Fonctionnalités les plus appréciées
dans le manuel numérique
Discipline
|
Fonctionnalités
|
Histoire et géographie
|
L'utilisation des enrichissements : projection de fonds de cartes
et de croquis ; dans une moindre mesure les vidéos et les animations.
|
Français
|
Analyses d'images extraites du manuel
|
Mathématiques
|
Projection de l'énoncé de l'exercice permettant aux
élèves de venir corriger au tableau
|
Sciences de la vie et de la terre
|
Projection d'animations et de vidéos
|
Langues
|
Ecoute du texte
|
Les freins cités par les enseignants à l'adoption
du manuel numérique sont de plusieurs ordres :
- Il s'agit d'un manuel numérisé et non pas
numérique. Il est souvent difficile d'afficher
certains contenus sélectionnés, notamment quand ils
se trouvent sur une double page ; - Certains contenus sont peu exploitables :
par exemple, quand le texte est trop long ou
encore lorsque des contenus figurent sur différentes pages
du manuel, il s'avère
impossible de les projeter ensemble afin de les comparer ;
- Peu de ressources multimédia sont proposées ;
- Le travail individuel en classe est difficile quand chaque
élève ne possède pas un poste informatique ;
- Manque d'accompagnement pour l'utilisation des tableaux
interactifs.
À la maison, le manuel numérique est très
peu utilisé. Les raisons évoquées sont :
- Le souhait de ne pas pénaliser les enfants n'ayant pas
d'accès internet à leur domicile ; - L'absence de valeur
ajoutée du livre numérique par rapport au papier ;
- Impossible d'enregistrer les résultats des exercices
rédigés par les élèves.
S'agissant de l'utilisation de ce manuel dans la
préparation des cours, les freins évoqués sont
principalement la difficulté de personnalisation de ce support
(impossible de modifier le contenu ou d'en intégrer d'autres).
Le rapport de synthèse de l'expérimentation
précise que : « L'absence de fonctions interactives
observée dans la quasi-totalité des manuels numériques
limite très fortement, pour l'instant, leur valeur ajoutée par
rapport à la version papier. »
Les éditeurs traditionnels sont néanmoins
conscients du manque de fonctionnalités interactives de ces manuels
numérisés vidéoprojetables.
Ils ne semblent pas avoir pris la décision d'investir pour
réaliser des manuels ambitieux répondant pleinement aux attentes
et ce, pour plusieurs raisons :
- Les sociétés d'édition appartiennent
à des groupes qui souhaitent maintenir voire augmenter les marges.
L'investissement pour réaliser un ouvrage multimédia est
considérable et donc la rentabilité à court terme est donc
loin d'être assurée ;
- L'équipement est aussi un frein. Pour que le manuel
numérique puisse être utilisé dans toutes ses composantes,
cela nécessite d'investir dans des espaces numériques de travail,
d'installer des tableaux interactifs dans chaque classe et que tous les
élèves possèdent des postes informatiques ;
- Une partie du corps enseignant est hostile au
déploiement de ces technologies. Il faudra donc d'une part, vaincre les
résistances et d'autre part, accompagner le corps professoral afin de
maîtriser les nouveaux outils.
Bien que le livre papier et le manuel numérique
s'avèrent complémentaires, il est fort probable que, dans
l'avenir, seul ce dernier subsistera. Non pas en raison des attentes des
utilisateurs, mais parce qu'il s'avérera moins coûteux. Les
collectivités investissent des sommes considérables dans l'achat
des livres. Ils pourront ainsi mettre les éditeurs en concurrence et
retenir celui qui leur proposera le meilleur prix pour l'accès au
contenu en ligne sous forme d'abonnement. Des pures players arrivent d'ailleurs
sur ce marché, comme le livre
scolaire.fr, et seront sans doute plus
enclins à proposer une tarification avantageuse.
De même, notons la concurrence de sites collaboratifs
gratuits d'excellentes qualités, comme Sésamath ou
Weblettres. Cette tendance devrait se développer au fil des
années.
Ainsi, des professeurs enseignant une même matière
dans une école ou une académie peuvent être tentés
de s'organiser pour concevoir au sein de l'ENT un manuel pour une discipline
donnée. Celui-ci pouvant non seulement être personnalisé en
fonction de l'enseignant, par l'ajouts de ressources propres, mais ces contenus
sont aussi susceptibles d'être plus adaptés au projet
pédagogique de l'établissement.
Le manuel de demain sera sans doute collaboratif et
personnalisé. Cette personnalisation pourra se faire en fonction du
niveau de l'enfant par rapport à la classe, mais aussi en fonction des
centres d'intérêt d'un professeur. Les éditeurs scolaires
doivent donc être plus actifs pour
ne pas être évincés de ce nouveau
marché. L'animation de communauté peut s'avérer une porte
d'entrée intéressante qui leur permettra d'entretenir un lien
privilégié avec la cible et de proposer des produits plus
adaptés.
Sous-paragraphe 5 : L'explosion du marché des
applications
Le marché des applications a explosé. L'Applestore
enregistre une croissance globale du nombre d'applications de + de 58 % de
janvier à mai 2010.
Sans surprise, c'est Apple qui domine sur ce marché. La
répartition en terme de volume étant la suivante :
- Iphone : 30%,
- Android : 23%, - RIM : 12%,
- Windows mobile : 6%,
Selon l'étude REC réalisée par GfK, plus de
la moitié des applications mobiles téléchargées
concerne les contenus. De même, l'ebook réussit la percée
la plus spectaculaire , en effet l'offre de livres numériques a
été multipliée par 16 dans le mois suivant le lancement de
l'Ipad. Apple déclarait le 24 janvier 2011 avoir atteint le cap de 10
milliards d'applications téléchargées depuis le lancement
de sa boutique d'applications en 2008.
Nombre d'applications disponibles sur les
stores
Magasin d'applications
|
Société
|
Nombre applications
téléchargées
|
App store
|
Apple
|
350 000
|
Android Market
|
|
200 000
|
App world
|
Research in Motion
|
20 000
|
Market Place
|
Microsoft
|
6 200
|
Source blog
bénéfice.net, 24 janvier
2011
Une étude réalisée par l'institut de
Marketing Gartner déclare que 8,2 milliards d'applications ont
été téléchargées en 2010 et prévoit
que celui-ci atteindra 15 milliards en 2011 et 54 milliards en 2014. Les
applications gratuites représentent 81 % des
téléchargements. Le rapport d'étude fait remarquer que
« Les usagers commenceront à payer pour plus d'applications
quand ils verront l'utilité du concept, et qu'ils auront plus confiance
dans les mécanismes de paiement. » Seulement 16 % des recettes
sont générées par la publicité, elles devraient
représenter près du tiers en 2014. Tous ces chiffres sont
toutefois à
retenir avec beaucoup de réserves. En effet, selon
l'institut Distimo,90 la part des applications payantes serait de
62,2 %, Gartner l'estime quant à elle à 81 %.
Il convient de même de noter que c'est l'Androïd store
qui enregistre la plus grosse part d'applications gratuites par rapport aux
payantes.
De même, le prix moyen des applications varie en fonction
des Stores. Pour une même application, le prix peut se
révéler plus élevé dans une boutique (IM + For
Skype est à 5$ sur Iphone et à ...30 $ sur Blackberry). En raison
sans doute de la typologie des clients, bien que venant à se
démocratiser, le Appworld de Blackberry affiche les prix les plus
élevés du marché (une moyenne de 8,26 dollars).
Sans surprise, c'est Apple toujours qui enregistre le taux de
croissance le plus élevé en terme de nombres d'applications : 13
% contre 3 % pour Android.
Enfin, les jeux arrivent en première position tous Stores
confondus.
90
http://www.slideshare.net/distimo/distimo-mobile-world-congress-2010-presentation-mobile-applicationstores-state-of-play
Les éditeurs doivent être très attentifs
à ce marché en pleine croissance et produire des applications de
qualité. Il semblerait que le fort taux de gratuité des
applications soit synonyme de piètre qualité puisque le
pourcentage d'utilisation unique des applications est passé de 22 % en
janvier 2010 à 28 % en décembre de la même année.
Le marché des applications est en pleine explosion et
constitue une véritable opportunité pour les éditeurs. Les
éditeurs de livres, s'ils veulent se positionner sur ce marché,
vont devoir développer des compétences en gestion de projets
complexes et intégrer de nouveaux profils dans leurs équipes. De
même, les nouveaux acteurs auront intérêt à
débaucher des talents venant du monde de l'édition.
En outre, le coût d'une application étant
élevé, au regard des perspectives de ventes actuelles et du
budget nécessaire (30 000 euros pour une application de bonne
qualité), il convient de trouver des sources de financement. La
publicité serait une manière de financer partiellement le projet,
mais rien ne dit qu'elle sera acceptée par le client quand l'application
est payante.
Enfin, avec des milliers d'applications disponibles,
l'éditeur va devoir cultiver l'art de capter l'attention par des moyens
marketing et renforcer sa présence auprès des communautés
virtuelles et réelles.
Les éditeurs anglo-saxons dans les domaines de la jeunesse
et parascolaire ont investi massivement ce secteur, en particulier sur Iphone
et Ipad. Ce dernier support offre des perspectives créatives sans
précédent. Les maisons d'édition traditionnelles, comme
les pures players, ne s'y sont pas trompées. On a vu fleurir ces
derniers mois au rayon des livres pour enfants des applications aussi
étonnantes que The Peddlar Lady of Gushing cross91
passée en tête des meilleures ventes sur iPad et Twas the
Night Before Christmas. Citons également, la jeune
société française Soouat et son livre à
succès « Les trois petits cochons » classé en
tête du palmarès de l'Education Apps Review.
En dépit des 370 000 IPAD vendus en France selon GfK, le
potentiel est insuffisant pour développer sur le marché national
des applications ambitieuses en langue française seulement. Le
marché anglo-saxon reste bien le premier. En effet, alors que Moving
Tales, éditeur du livre animé The Peddlar Lady of Gushing
cross, avait publié l'application en trois langues (anglais,
français et espagnol), sa seconde application Twas the night before
christmas, publiée quelques mois plus tard, a été
développée uniquement en anglais. Les éditeurs
traditionnels français ne se positionnent que timidement sur ce
marché. On peut citer Nathan qui a publié plusieurs Apps pour les
jeunes enfants à partir de 3 ans. Bien que positionnées dans la
fourchette haute des applications de ce secteur en terme de prix, elles
s'avèrent décevantes eu égard au potentiel créatif
qu'offre l'iPad.
Sous-paragraphe 6 : Les plates-formes, lieu
privilégié d'animation des communautés
Les communautés sont aujourd'hui des outils de
prescription. Demain, ces communautés vont se multiplier, s'organiser et
devenir de plus en plus segmentées. Les plates-formes qui regroupent
plusieurs maisons d'édition et de presse autour d'une ou plusieurs
thématiques devraient avoir de l'avenir. La cible étant
homogène, il sera possible de leur proposer un abonnement à un
flux de données. Si l'on prend l'exemple de l'art contemporain,
l'amateur de sculptures pourra s'abonner à un flux qui lui permettra
d'obtenir le contenu de tous les éditeurs publiant sur ce sujet. Les
contenus seront à terme agrégés à la manière
de Flipboard ou de Qwiki, mettant en valeur le fonds en
accordant moins d'importance à la marque.
Izneo, plate-forme numérique qui regroupe 80 % de
l'édition francophone de bandes dessinées numériques, a
déjà franchi le pas. Ainsi trois maisons du groupe Media
Participations (Dargaud, Dupuis, Lombard), Casterman, Delcourt et Glénat
se sont regroupées pour proposer leurs produits. Les amateurs du genre
peuvent de leur ordinateur ou iPad accéder à un catalogue de plus
de 2000 titres, moyennant l'achat ou la location d'un titre. Très
bientôt une formule d'abonnement leur sera proposée. La plupart
des albums sont vendus 40 % moins cher qu'au format papier. Ainsi un livre de
12 € sera accessible sur la plate-forme à 4,99 €. La location
est, quant à elle, facturée 1,99 €. Le deuxième pas
que devra franchir Izneo sera d'aider les lecteurs à se repérer
dans le catalogue en fonction de leurs goûts et de créer un lien
plus étroit avec eux, en animant la communauté des amateurs de
BD.
91
http://www.youtube.com/watch?v=1mfm9dwLzdU&feature=player_embedded
Conclusion
Tous les voyants sont aujourd'hui au vert pour se lancer dans
l'aventure numérique, à condition d'y être
préparés. Le préalable reste donc la formation dans les
domaines de la fabrication et de la commercialisation notamment.
Les éditeurs doivent dès aujourd'hui mettre en
place une chaîne de production multi-supports qui leur permette de
produire le livre papier et le contenu numérique à moindre
coût. De même, il est de leur intérêt de multiplier la
présence de l'ouvrage numérique sur les réseaux de
distribution. Il n'est donc pas conseillé de conclure un contrat
d'exclusivité avec une plate-forme, mais de multiplier les canaux de
vente, afin d'accroître la visibilité du livre.
L'étude insiste sur l'importance d'animer des
communautés. Il peut s'agir de partenariat ou d'un site
créé par l'éditeur. Pour le secteur littéraire,
l'intérêt est sans doute moindre, en revanche, dans le cas de
l'édition technique, c'est moins une opération de branding qu'une
manière de recruter et de fidéliser. Un client faisant partie
d'une communauté, aura tendance à acheter les produits de la
marque animatrice de la plate-forme. Il y a un lien manifeste à d'une
part, vendre des livres pour préparer l'examen d'entrée pour
devenir avocat, et d'autre part animer un site regroupant les étudiants
se préparant au barreau.
Alors qu'un français sur deux possède un Smartphone
et que 370 000 iPad circuleraient sur le territoire, il est désormais
possible de travailler sur des développements éditoriaux
nouveaux. Les livres enrichis, presqu'essentiellement développés
dans les pays anglo-saxons, constituent une opportunité de croissance
pour les maisons d'édition, tout comme les applications. Les
éditeurs français devraient prendre garde à ne pas trop
attendre pour se positionner sur ce marché.
Il y a donc de nombreuses opportunités pour faire du
numérique un vecteur de croissance. Toutefois, les éditeurs
doivent d'ores et déjà combler leur déficit de
compétences pour dissiper les menaces qui planent sur la profession et
assurer leur maintien dans la chaîne de valeur du livre.
Bibliographie
· L'agent littéraire en France . ·
réalités et perspectives, Le Motif, Juin 2010
· Apologie du livre : demain, aujourd'hui, hier,
Robert Darnton, Gallimard, janvier 2011
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The socialist call, 1958
· Un bienfaiteur de l'humanité, James
Thomas Farell, Revue Esprit, mai 2010 (version française)
· Born Digital, John Palfrey et Urs Gasser, Basic
Books, 2008
· Une courte histoire de l'ebook, Marie Lebert,
Université de Toronto, 2009 (
http://www.etudes-françaises.net/dossiers/ebook.htm)
· Don't bother me mum . · i'm learning,
Marc Prensky, Paragon House, février 2006
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illégale des livres français sur internet en 2009, le Motif,
Octobre 2009
· L'économie de la culture,
Françoise Benhamou, Edition la découverte, collection
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· Les écrits à l'heure du
numérique, Bain et Company, Forum d'Avignon 2010
http://www.forum-avignon.org/sites/default/files/editeur/2010
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· L'édition électronique, Pierre
Mounier et Marin Dacos, Edition la découverte, collection
repères, mars 2010
· L'édition sans éditeurs,
André Schiffrin, éditions La Fabrique, mars 1999
· Teaching digital natives . · Partnering for
real learning, Marc Prensky, Corwin Press, Mars 2010
· The future of ideas, Lawrence Lessig, Random
House, New York, 2001
· 2010 Kids et Family reading report . ·
turning the page in the digital age, Harrison Group
http://dayspringag.org/files/Fall2010/2010
KFRR.pdf
· Hadopi biens culturels et usages d'internet
. · pratiques et perceptions des internautes français, 23
janvier 2011
http://www.lefigaro.fr/assets/pdf/HADOPI
VDef 02A4.pdf
· La lecture numérique . ·
réalité, enjeux et perspectives, coordonné par Claire
Bélisle, Presses de l'ENSSIB, avril 2004.
· Le livre objet d'art, objet rare, Annie
Schneider, Éditions la Martinière, 2008
· La longue traîne, Chris Anderson, Pearson
Education, 2007
· Le manuel scolaire à l'heure du
numérique : une « nouvelle donne » de la politique des
ressources pour l'enseignement, rapport remis au ministre de l'Education
nationale, juillet 2010
· Le marché français de l'information
juridique numérique en 2010, SerdaLab, mars 2010
· Le marketing du livre, promotion et outils de
communication - Laurence Bascle-Parkansky et Max Prieux - Editions du
cercle de la librairie - Avril 2010
· « Les Modèles économiques du livre
numérique : perspectives internationales (Canada, États-Unis,
Japon) », Institut de l'audiovisuel et des
télécommunications en Europe (Idate)/MCC/Deps, mars 2010
· Modèles économiques d'un marché
naissant : le livre numérique, Françoise Benhamou et Olivia
Guillon, Département des études, de la prospective et des
statitstiques, Ministère de la culture, juin 2010
· Oil va le livre, Direction Jean-Yves Mollier,
Edition La Dispute, avril 2007
· Du papyrus à l'hypertexte, Essai sur les
mutations du texte et de la lecture, Christian Vanderdorpe,
http://vandendorpe.org/papyrus/PapyrusenLigne.pdf
· Pour le livre, Hervé Gaymard, Gallimard,
septembre 2009
· Pratiques culturelles chez les jeunes et institutions
de transmission : un choc de cultures, Sylvie Octobre, DEPS, janvier
2009
· Les pratiques culturelles des français
à l'ère numérique, Olivier Donnat, La
Découverte, septembre 2009
· Les publics du livre numérique,
IPSOS/CNL, mars 2010
· Quand Google défie l'Europe, plaidoyer pour un
sursaut, Jean-Noël Jeanneney, Mille et une nuits , 2005
· Rapport d'étude sur l'édition
numérique de livres scientifiques et techniques : L'éditeur des
années 2010, Bernard Prost, 2007, Étude
réalisée par QUÆ avec le soutien du Ministère de
l'Enseignement Supérieur et de la Recherche.
· Rapport relatif au prix du livre
numérique, Hervé Gaymard, Assemblée Nationale,
février 2011
· Rapport sur le livre numérique,
Bruno Patino, Juin 2008
· Read write book : le livre inscriptible -
Collection édition électronique - Cleo - mars 2010
· Révolution numérique et industries
culturelles, Philippe Chantepie et Alain Le Diberder, La
Découverte, Collection repères, septembre 2010
· Scénarios prospectifs pour l'édition
scientifique, Ghislaine Chartron, CNRS, janvier 2011
· Situation du livre : évaluation de la loi
relative au prix du livre et questions prospectives, Hervé Gaymard, mars
2009
INDEX
Acteurs 30
Adwords 85
Affiliation 84
Agents littéraires 31 Amazon
23, 78
Androïd 114
Applications 113
Auteurs 31
Autopublication 98 Bibliothèque
numérique 21, 49 Blog 72, 107
Buzz 72
Chaîne du livre 25
Communautés 97, 116 Cyberpromotion
72
Diffusion 38
Digital natives 92
Distribution 38
DRM 55
Ebooks 19, 37, 69, 89 Editeur
33, 96 et s.
Edition juridique 63
Edition multisupport 87 Edition sans
auteur 104 Edition scientifique 65
Enjeux techniques 55
Espace numérique de travail 111
Facebook 74
Formation 88
Google 34, 49, 78
Histoire du livre 16 et s. Hubs
littéraires 73 et s. iPad 20, 50, 89, 90
iPhone 90
Kindle 20, 50, 89, 90
Kindle Digital Publishing 99 Lecture
sociale 101
Libraire 42
Librairie en ligne 21, 42
Manuel scolaire numérique 110
Métadonnées 56
Modèles économiques livre numérique
61 Moteurs de recherche 78
Opérateurs de téléphonie 52
Organisation 86
Organiser l'information 96 Piratage
57
Plateformes 39, 68, 116 Produits
numériques 98 Promotion 72
Pure player 36 Reader 50
Roman dont vous êtes le héros 110
Site éditeur 71
Smartphones 90
Storytelling 105 Tablettes 19,
50, 89 et s.
Tendances 88 Twitter 74, 108
Vente de livres en ligne 42 et s.
Viralité 72
Webdocumentaire
106
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