4.1.2 Résultats économétriques et
interprétations
Nous nous proposons dans cette section de commenter les
résultats obtenus, après l'estimation du modèle logit au
moyen du logiciel Stata 9. Nous voulons faire remarquer que les analyses qui
suivent sont faites toutes choses égales par ailleurs, inutile de nous
répéter.
§ L'assistance au moment de l'accouchement
Les résultats du tableau 3 à la page 72 nous
montrent globalement qu'au Cameroun, les enfants qui naissent des mères
assistées à l'accouchement (par un personnel de santé, ou
un assistant traditionnel) ont presque 45 % de chances de plus de survivre
jusqu'à l'âge de 4 ans révolus, que ceux qui naissent des
mères qui ne sont pas assistées. L'assistance au moment de
l'accouchement est dont un élément important qui améliore
les chances de survie des enfants.
§ Le lieu d'accouchement
À côté de l'assistance, il faudra aussi
s'interroger sur le lieu d'accouchement. En effet un lieu d'accouchement
convenable peut garantir une assistance de qualité. Ainsi, les enfants
qui naissent dans les formations sanitaires que ce soit les hôpitaux
privés ou publics, ou alors les cliniques, présentent en moyenne
26 % de risques en moins de décéder avant leur
5ème anniversaire que ceux qui naissent à domicile.
C'est pour cette raison qu'il faut faire appel aux personnes compétentes
et aux endroits adéquats. La naissance dans un centre de
santé symbolise plusieurs avantages. C'est dans les formations
sanitaires que la femme reçoit des conseils pertinents pour une bonne
croissance de l'enfant. Pourtant, celle qui accouche à domicile, a des
difficultés à couper le cordon ombilical, et aussi à
détacher l'enfant du placenta. C'est ce qui sans doute, peut
entraîner une mortalité dès les premiers jours, en raison
des complications qui pourront subvenir. Lorsqu'il peut dans certains
accouchements se produire des complications comme des pertes de sang, des
déchirures, et bien d'autres encore, les femmes qui accouchent à
domicile ont alors plus de risques de décéder ou de voir leurs
enfants décéder. Généralement le temps qu'il faut
observer pour courir à l'hôpital est suffisant pour provoquer un
décès. Il ne faudrait pas toujours derrière cela voir une
volonté manifeste des femmes d'accoucher à la maison. Dans un
contexte de pauvreté comme c'est le cas au Cameroun, où les
régions sont très désenclavées et peu
électrifiées, des urgences parfois mal fonctionnelles, il est
alors difficile pour une femme qui commence à manifester des signes
d'accouchement à partir d'une heure avancée de la nuit de
poursuivre l'accouchement dans un centre de santé. Ceci, du fait qu'il
est alors impossible pour elle de se rendre à l'hôpital à
pareille heure, ou de se faire transporter dans un service d'urgence. Plusieurs
femmes accouchent à domicile risquant par là leur vie et celle de
l'enfant qui va naître.
§ L'utilisation d'une moustiquaire
L'utilisation d'une moustiquaire est également
déterminante pour la survie de l'enfant. En effet, l'utilisation d'une
moustiquaire imprégnée limite le risque de piqûre par le
moustique et l'on sait qu'au Cameroun, le paludisme est la première
cause de mortalité et de morbidité. Ainsi, il est tout à
fait utile pour la mère de protéger l'enfant et de se
protéger, ceci en dormant sous une moustiquaire. Ainsi, les enfants dont
la mère utilise régulièrement une moustiquaire, ont moins
de risques de décéder que ceux dont la mère n'utilise pas
de moustiquaire.
§ Le rang de l'enfant
Remarquons également que le rang de l'enfant est aussi
déterminant pour sa survie. Les enfants de rang élevé ont
plus de risques de décéder que ceux dont le rang est faible. Plus
précisément, relativement aux enfants de rang 1 (le premier
enfant ou la première naissance) les enfants qui ont un rang compris
entre 2 et 5 ont 10 % de risques de plus que les autres de mourir avant
l'âge de 5 ans. Ce risque de décéder avant le
5ème anniversaire augmente pour les enfants dont le rang est
supérieur à 6. Les familles ont tendance à accorder plus
de précaution et d'assistance aux premières naissances. Les
dernières naissances n'ont plus alors la même attention que les
premières. Bien plus, la qualité du lait qu'une femme donne aux
dernières naissances, n'est plus la même qu'elle donnait aux
premières naissances. Enfin, après un certain nombre de
naissances, l'organisme est fatigué et peut par conséquent
lâché.
§ La gémellité
Par ailleurs, ce même tableau montre qu'au Cameroun, la
gémellité est un élément déterminant de la
mortalité des enfants. En effet, les enfants jumeaux ou triplés,
ont dès la naissance plus de risques de décéder avant
l'âge de 5 ans que leurs confrères (les singletons). Le tableau 3
montre que les jumeaux ou triplés ont deux fois plus risques de
décéder avant l'âge de 5 ans que les enfants (singleton).
L'une des raisons, pouvant être la capacité de prise en charge. En
effet dans un contexte de pauvreté comme le nôtre, il est plus
difficile pour une famille ou un ménage de s'occuper de deux ou
plusieurs enfants, que de s'occuper d'un seul. Les naissances multiples sont
également un coût sur le plan biologique.
§ Niveau d'instruction de la mère
Outre la gémellité et l'assistance à
l'accouchement, l'instruction de la mère est très
déterminante pour la survie de l'enfant au Cameroun. L'effet de
l'instruction de la mère sur la mortalité des enfants, n'est
significatif qu'à partir du niveau secondaire. En effet les enfants
nés des femmes ayant atteint le niveau primaire ont les mêmes
chances de décéder avant leur 5ème
anniversaire, que ceux nés des mères n'ayant aucun niveau
d'instruction. Par contre relativement aux enfants nés des femmes sans
niveau d'instruction, ceux nés des femmes ayant atteints le niveau
secondaire ou plus ont 41 % de chances de plus de survivre jusqu'à
l'âge de quatre ans révolus. On peut donc conclure qu'au Cameroun
l'instruction de la mère améliore les chances de survie des
enfants, à condition que la mère atteigne le niveau secondaire au
moins. Il est par conséquent plus probable, pour les enfants de survivre
jusqu'à leur 4ème anniversaire, lorsque leurs
mères sont instruites. Comme nous l'avons évoqué,
l'instruction de la mère est un gage de santé de son enfant.
À contrario, l'instruction du père est sans effet sur la
mortalité des enfants. Les enfants issus des pères dont les
niveaux d'instruction sont différents, ont presque les mêmes
chances de décéder avant l'âge de quatre ans
révolus.
§ Le milieu d'existence
Le milieu d'existence de l'enfant a un effet sur la
mortalité des enfants de moins de 5 ans au Cameroun. En effet,
relativement aux enfants qui vivent en milieu urbain, ceux qui vivent en milieu
rural ont 64 % de chances en plus de décéder avant l'âge de
cinq ans. Le Cameroun se caractérise par une inégale
répartition des services de santé. En milieu rural,
l'accessibilité aux services de santé est plus difficile qu'en
ville. Le nombre de formations sanitaires est insuffisant en milieu rural, pour
répondre à la demande de soins de santé. Et enfin en zone
rurale l'utilisation même des services de santé moderne est
limitée, parce que se développe également la
médecine traditionnelle. Tout ceci n'est pas de nature à garantir
une meilleure santé aux enfants du milieu rural. Par contre en milieu
urbain, le niveau de socialisation et de culture est plus
développé. Les femmes se servent plus abondamment des services de
santé publics et privés. On retrouve également en milieu
urbain les professionnels de la santé, des personnes qualifiées.
Cette discrimination n'a des répercussions que sur l'enfant qui
naît et grandit dans son milieu.
§ Le niveau de vie du ménage
De manière générale, les conditions de vie
du ménage demeurent déterminantes pour la suivie de l'enfant de
zéro à quatre ans révolus. En effet, les enfants qui
naissent des ménages riches ont plus de chances de survivre
jusqu'à l'âge de 4 ans révolus que ceux qui naissent des
ménages pauvres. Ces derniers ont exactement 76 % de chances en plus,
d'atteindre leur 4ème anniversaire, que ceux qui naissent
dans les familles pauvres. Bien plus encore, ceux qui naissent dans les
ménages de niveau de vie moyen, ont 64 % de chances en plus de ne pas
décéder avant l'âge de quatre ans révolus, que ceux
qui naissent dans les ménages pauvres. Cette observation montre que les
enfants dès la naissance n'ont pas les mêmes chances de survivre
jusqu'à l'âge de quatre ans révolus. Les ménages
pauvres ne peuvent pas apporter aux enfants toute la quantité de
calories et de nutriments dont ils ont besoin par jour. Bien encore, l'enfant
issu d'un ménage pauvre risque de subir l'influence de l'activité
de ses parents. En effet lorsque la maman se battra dans ses activités
génératrices de revenus, à l'exemple du commerce, de
l'agriculture, l'enfant sera mis à l'écart, abandonné
à lui seul et parfois précocement sevré. Tout ceci n'est
pas de nature à assurer une bonne survie de l'enfant jusqu'à
l'âge de 4 ans. Dans pareilles situations, il n'est pas pertinent
d'analyser la cause du décès, qui pourra être la
malnutrition, mais plutôt le facteur représenté ici par le
niveau de vie du ménage où vit et grandit l'enfant.
§ L'âge de la mère à
l'accouchement
Le tableau 3 montre également un effet net de l'âge
de la mère au moment de l'accouchement sur la mortalité des
enfants. L'âge de la mère à l'accouchement, au Cameroun est
déterminant pour la survie des enfants. En effet, les enfants nés
des mères très jeunes (moins de 20 ans) ont moins de chances de
survivre, que ceux nés des mères ayant un âge compris entre
20 et 35 ans. En revanche les enfants qui naissent des mères ayant plus
de 35 ans, présentent les mêmes risques de décéder,
que ceux dont la mère a moins de 20 ans au moment de l'accouchement. En
effet, les femmes qui accouchent dans la tranche 20-35 ans, ont de
manière générale 59 % de chances en moins de voir leur
enfant décéder avant leur 5ème anniversaire,
que ceux qui accouchent à moins de 20 ans. Il est donc
préférable pour les femmes d'accoucher dans la tranche 20-35 ans,
si elles veulent avoir moins de risques de décès infantiles.
Cette surmortalité, due à l'âge précoce à
l'accouchement d'une part et à l'âge très avancé
d'autre part peut pourtant être évité. Ce qui permettra
d'éviter inéluctablement les complications dues à une
immaturité génitales et aux complications congénitales.
Notons également qu'en dehors des raisons biologiques qui peuvent
davantage exposées les enfants nés des mères jeunes, se
cachent aussi des raisons sociologiques (leur connaissance de la vie est
embryonnaire voire rudimentaire). Il est bien vrai que l'accouchement
précoce est en rapport avec, le statut matrimonial.
§ Le statut matrimonial de la mère
Comme le montre le tableau 3, relativement aux enfants qui
naissent des femmes non mariées, ceux qui naissent des femmes
mariées présentent 25 % de chances en plus de survivre
jusqu'à l'âge de quatre ans révolus. Les chances de
survivre pour les enfants qui naissent des femmes divorcées ou veuves
sont les mêmes que ceux qui naissent des femmes non mariées. En
réalité il faut percevoir le mariage ici comme un facteur de
responsabilisation, c'est-à-dire un cadre où l'enfant a la
possibilité d'être très bien suivi par ses parents.
À contrario, les femmes qui accouchent sans être mariées
connaissent parfois des difficultés, et sont parfois naïves pour la
tenue d'une bonne grossesse. En définitive le tableau 3 nous permet de
constater que les enfants qui naissent des mères mariées,
s'opposent (en terme de chance de survivre) au groupe d'enfants qui naissent
des mères jamais mariées et des mères veuves.
§ La vaccination de l'enfant
Comme l'affirme l'UNICEF dans le rapport sur la situation des
enfants 2007, plusieurs de décès des enfants auraient pu dans de
nombreux cas être évités. Les enfants sont souvent victimes
des maladies, à l'exemple de la poliomyélite, de la coqueluche et
bien d'autres. Afin de prévenir ces différentes maladies, des
techniques préventives sont alors recommandées, au premier rang
desquelles la vaccination. Au Cameroun plusieurs femmes tardent encore à
administrer aux enfants les 5 vaccins recommandés par l'OMS. Certaines
n'administrent même aucune des ces doses de vaccins. On ne peut, dans
cette situation s'attendre à une mortalité plus accrue des
enfants. Ainsi comme le montre le tableau 3, un enfant qui a reçu toutes
les doses de vaccins a exactement 62 % de chances en moins de
décéder, qu'un enfant qui n'en a pas reçu. La vaccination
est obligatoire pour tous les enfants. Comme nous l'avons mentionné au
chapitre précédent, le gouvernement met sur pied plusieurs
programmes permettant d'assurer une plus large couverture vaccinale, notamment
à travers le PEV.
§ Le sexe de l'enfant
Ce tableau montre également que le sexe de l'enfant n'est
pas déterminant pour la survie de l'enfant au Cameroun. En effet, les
garçons ou les filles ont dès la naissance, les mêmes
chances de survivre jusqu'à l'âge de cinq ans.
§ La parité
Notons enfin que la parité c'est-à-dire le nombre
total d'enfants qu'une femme a déjà mis au monde est
déterminant pour la survie de l'enfant qui vient de naître. En
effet d'après le tableau 3 on se rend compte que lorsque le nombre
d'enfants mis au monde par une femme augmente d'une unité, le risque de
décès de l'enfant qui naît augmente de 13 %.
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