Des fonctions de l'institution de soins et mortalité hospitalière au chu campus de Lome( Télécharger le fichier original )par Edinam Kokou AGBODJAN Université de Lome - Maitrise en sociologie 2011 |
M.E.G : Médicaments Essentiels et GénériquesO.M.S : Organisation Mondiale de la SantéO.R.L: Ortho-Rhino-LaryngologieP.N.D.S : Plan National de Développement SanitaireSYNPHOT : Syndicat National du Personnel Hospitalier du TogoU.N.F.P.A : Fonds des Nations Unies pour la PopulationV.I.H : Virus de l'Immuno Déficience Humaine AcquiseINTRODUCTION Pendant qu'à la maternité retentissent les vagissements d'un nouveau né, au même lieu, dans le même service ou dans un autre s'échappent les derniers souffles d'un autre être humain, puéril ou mature. Compte tenu de certains facteurs désavantageux indépendants du milieu de soins tels que la redoutable létalité de certaines maladies, les négligences des patients et de leur entourage dès les premiers symptômes de maladie ou encore la vulnérabilité des sujets trop vieux, l'hôpital devient souvent impuissant dans sa mission d'offre de soins garantissant la sauvegarde de la vie des patients. Néanmoins, au-delà de ces facteurs externes, une part de responsabilité revient tout de même à l'institution de soins dans l'explication du décès des patients hospitalisés : « l'hôpital est tout autant un créateur de maladies qu'une institution destinée à guérir » (Steudler, 1974 : 32). Les vieux par exemple « tendent à apparaître, quelque soit leur état sur le plan médical, comme des hôtes abusifs, inutilement coûteux, dont on souhaite le départ et dont la mort n'émeut personne » (Herzlich, 1973 : 46). En effet, l'institution de soins de par son organigramme et son fonctionnement se présente sous la configuration d'une mosaïque d'individus issus de couches sociale différentes avec leurs moeurs, habitudes, valeurs et convictions. C'est dans cet ordre d'idées que Strauss (1963) décrit l'hôpital comme un lieu hautement professionnalisé où se côtoient des personnes issues de différents horizons professionnels (médecins et infirmiers) et des personnes issues du monde profane, (personnel hospitalier non-soignant, malades et familles) , s'y trouvant rassemblées afin de mener à bien leurs objectifs respectifs. Les malades et leurs familles forment pour ainsi dire l'environnement extérieur avec lequel l'hôpital est en interaction. Cet environnement a des demandes, des besoins qui sont des exigences externes dont l'hôpital doit tenir compte. Etant donné que ces exigences ne sont pas immuables, l'hôpital doit s'adapter à leur évolution à travers le temps, puisque « la pratique médicale n'est pas une activité fixe » : (Honorat, 2006 :6). Sa définition et ses normes d'exécution sont donc fonction des transformations qui affectent les moeurs, les habitudes, les valeurs, la culture de la société (Ogrizek et alii, 1996). En amont, la compatibilité des infrastructures, la qualité et la disponibilité des ressources matérielles, financières humaines, la motivation du personnel soignant, la planification des activités et la gestion même de l'institution de soin sont aussi des paramètres qui doivent nécessairement rentrer dans le fonctionnement de l'hôpital. C'est aussi le point de vue partagé par Shwartzenberg (1988) qui affirme que l'infrastructure, c'est-à-dire les forces productives et les rapports de production, détermine la superstructure, qui en est le reflet. Outre la dotation en ressources, la planification des activités, l'hôpital doit fonctionner selon une certaine cohésion entre les soignants d'un même service, entre les personnels des différents services, puis entre les soignants, les patients et leurs familles dans la mesure où « l'essentiel de l'activité est régi par des négociations entre structure administrative et activité soignante, entre catégories professionnelles, à l'intérieur même d'une catégorie professionnelle, entre monde professionnel et monde profane, entre le monde de l'hôpital et le monde extérieur » : (Carricaburu et Ménoret,2004 :31). En ce sens, Argyris (1985) stipule que la santé d'une organisation se définit à partir du degré d'intégration du système qu'elle représente. Au sein même de chaque service, Kuty (1994) pense que c'est le type d'orientation culturelle du chef, ses choix idéologiques, qui influencent le type de relations entre le personnel et les patients, ainsi que les relations entre les différentes catégories de personnel. Cela se justifie dans la mesure où le savoir scientifique et médical s'inscrit dans le cadre des représentations sociales, culturelles, collectives et individuelles, conscientes et inconscientes qui existent déjà sur la maladie, la mort et la bonne santé (Ogrizek, 1996) Dans ces circonstances, la cohésion entre les différentes catégories de personnel nécessite une réciprocité des orientations, une adhésion totale aux fins visés par l'hôpital et une certaine loyauté, donc un engagement à travers des valeurs internes partagées par le personnel, qui les accepte et qui s'y réfère. L'hôpital doit donc tenir compte des valeurs fondamentales du personnel dans la définition de ses normes, de sorte que celui-ci ne se sente pas en insécurité, soumis à des contraintes excessives, surexploité ou peu considéré. L'administration doit aussi définir les normes de sorte qu'aucun membre du personnel n'empiète sur les droits de l'autre dans l'exercice des rôles car, l'hôpital a souvent tendance à devenir l'atelier du médecin, c'est-à-dire que ce dernier utilise les ressources en équipement et en personnel, avec des objectifs qui ne coïncident pas forcément avec ceux de l'institution (Pauly, 1980). Il ressort des lignes précédentes que la létalité des maladies, la responsabilité du malade et de son entourage ou encore la vieillesse ne suffisent pas pour rendre compte du phénomène de la mortalité en milieu hospitalier. Comme le souligne Chauvenet (1978), l'hôpital lui même devient le siège d'une médecine sans médecins et sans soins véritables. C'est dans la ligne de ces préoccupations que s'inscrit le sujet de notre recherche. Il vise à élucider le phénomène du point de vue des dysfonctions internes à l'hôpital : ses déficits en ressources, ses défaillances dans la planification des objectifs, la définition des normes, la motivation du personnel et les problèmes relationnels. Pour y parvenir, nous avons structuré notre travail en deux parties : · La première aborde les cadres théorique, conceptuel, institutionnel et méthodologique · La deuxième traite de l'analyse des données et l'interprétation des résultats.
PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE, CONCEPTUEL, INSTITUTIONNEL ET METHODOLOGIQUE
Chapitre I : cadre théorique et conceptuel 1- Analyse de la situation Le maintien et le rétablissement de la santé constituent l'une des principales missions de l'hôpital contemporain. Selon Lebeux(1996), l'hôpital a pour rôle la prise en charge des patients et l'amélioration de leur état de santé. C'est dans ce même ordre d'idées que Foucault(1994) stipulait que l'hôpital doit fonctionner comme une machine à guérir, c'est-à-dire comme un lieu d'opération thérapeutique. Dès lors, les prestations de soins dans les centres de santé devraient-elles se résoudre à l'éradication des maux, des affections de l'espèce humaine, dans la mesure du possible. Dans cette perspective, l'hôpital doit fonctionner comme une institution capable de maîtriser la morbidité par la prévention et la mortalité par la guérison des patients. C'est ce qu'exprime aussi Lumumba (2006), pour qui l'hôpital doit assurer à la population des soins médicaux complets, préventifs et curatifs ; il est censé protéger les patients contre d'éventuels décès en évitant que ceux-ci succombent à leurs maux. Comme le soulignait bien le serment d'Hippocrate (Adams,www.citations-se.net), l'agent de santé, dans toute la mesure de ses forces et de ses connaissances doit conseiller aux malades le régime de vie capable de les soulager et d'écarter d'eux tout ce qui peut leur être contraire ou nuisible. L'engagement de l'hôpital dans l'élimination de la mortalité se révèle bénéfique pour le malade, l'hôpital même, la santé publique et la société en général dans la mesure où, selon Gatef (1980), les dégâts de la maladie sur la population sont évalués en termes de mortalité, de morbidité, d'incapacité définitive ou temporaire. Adam et Herzlich (1994) soulignent que la maladie empêche l'homme de répondre aux exigences liées à son environnement, à ses relations familiales et professionnelles. L'élimination de la mortalité à travers la guérison des malades hospitalisés permettra alors à ceux-ci de jouir à nouveau d'un bon état en vue d'être réintégrés à la société. Il va aussi dans l'intérêt de l'institution de soins de s'engager dans la lutte contre la mortalité. La maîtrise de la mortalité constitue en fait un indicateur de performance dans la mission d'offre de soins des institutions sanitaires. Elle témoigne de la réputation de l'hôpital et représente pour le personnel un critère du devoir bien fait. Il va sans dire que les avantages rejaillissent également sur la santé publique, du fait qu'elle permettra d'anéantir la force dévastatrice des affections épidémiques sur la population. Selon Lemieux (1982), la mort est synonyme de rupture ; à l'occasion d'un décès, une place sociale est laissée vide. Le groupe des proches, la famille, le réseau du disparu est appelé à se reconstituer. On en déduit que la maîtrise de la mortalité hospitalière contribue aussi à la cohésion de la collectivité d'appartenance du malade et au maintien de l'ordre social existant. Cependant, les statistiques selon UNFPA (2008) montrent qu'au Togo, le taux de mortalité hospitalière se situe autour de 6% au cours de ces dernières années : 6,35% en 2003 contre 6,93% en 2004, 6,43% en 2005, 6,49% en 2006 et 6,03% en 2007. Au CHU Campus, les statistiques les plus récentes disponibles jusqu'alors remontent à 2008. Ainsi, le rapport d'activité (2008) situe le taux de mortalité à 10,67% en 2008 contre 11,56% en 2007, 8,67% en 2006 et 8,36% en 2005. Le tableau suivant présente la situation dans les services de soin au cours des deux dernières années (2007-2008). Tableau1 : variations du taux de mortalité hospitalière dans les services du CHU Campus, bilans de 2007 et 2008
Source : rapport d'activité du CHU Campus (2007-2008) Il ressort de ce tableau que sur l'ensemble des services du CHU, 6 ont connut le décès des malades qui y étaient admis en 2007 contre 7 en 2008. En 2007, le service de neurologie avait connut le taux de mortalité le plus élevé avec 24,32% contre 20,29% en médecine interne, 16,24% en hépato gastro-entérologie, 5,36% en cardiologie, puis viennent la pédiatrie (1,97%) et la psychiatrie (1,15%). L'année 2008 a aussi enregistré des taux de mortalité hospitalière sensiblement égaux à ceux de 2007, et obéissant au classement des services selon la gravité du phénomène. Le service de neurologie a encore connut le taux de mortalité le plus élevé avec 25,23% contre 12,01% en médecine interne, 9,4% en hépato gastro-entérologie, 8,28% en cardiologie, 1,89% en pédiatrie, 1,15% en psychiatrie et psychologie médicale, et 0,27% en maternité. Au vu des chiffres des bilans annuels du CHU campus, le taux de mortalité hospitalière a augmenté de 2% et plus lors des deux dernières années : 10,67% en 2008 et 11,56% en 2007, alors qu'il tournait autour de 8% en 2005 et 2006 (8,36% et 8,67%). A cette allure, le CHU est en train de perdre au fil des années sa capacité de sauvegarde de la vie des patients, par référence aux exercices de 2005 et 2006. Au niveau des quatre services les plus touchés (neurologie, médecine interne, hépato gastro-entérologie, et cardiologie), on compte 406 décès sur les 2139 hospitalisés en 2007 (soit un taux de mortalité de 18,98%) ; contre 391 décès sur les 2411 hospitalisés en 2008, soit un taux de mortalité de 16,28%. Si le phénomène se maintient à ce rythme, les patients hospitalisés dans ces services seront prédestinés à une issue fatale de leur admission au CHU, alors qu'ils constituent la proportion la plus élevée des malades avec 2139 patients sur un total de 3481 soit 61,44% en 2007 ; contre 2411 patients sur un total de 3841 en 2008, soit 62,77% du total des 7 services. Dans ces circonstances, il va sans dire que les malades hospitalisés en neurologie, en cardiologie, en hépato gastro-entérologie et en médecine interne deviennent la cible privilégiée de la chaine hospitalière sur laquelle la mortalité fait le plus sensation. Il s'avère donc indispensable de mener des investigations pour détecter les facteurs qui conduisent à l'existence du phénomène et l'ordre auquel il obéit dans les services respectifs. La mortalité hospitalière étant un phénomène qui se produit à l'intérieur du CHU, nous estimons qu'elle est en relation avec le milieu médical et le système dans lequel, il se produit. Elle relève nécessairement des dysfonctions internes au CHU campus. Crozier (1963) pense que tout ce qui est vécu organisationnellement comme une dysfonction au CHU, trouve ses causes dans une rationalité qu'il convient de reconstruire. Pour Petitbon (1993), la non-motivation des soignants demeure l'une des principales causes des dysfonctionnements observés. Abordant le sujet dans le même sens que cet auteur, nous citerons en plus de la démotivation, des problèmes d'adaptation, de planification et d'intégration, comme l'a suggéré Parsons(1964). 2- Problématique Les institutions sanitaires du Togo présentent des handicaps énormes qui entravent l'équilibre de la fonction d'offre de soins ; on constate ces dernières années l'émergence de dysfonctions au sein du système hospitalier. PNDS (2006) révèle que ces handicaps tiennent pour une large part à des défaillances dans la planification, la gestion et la formation des personnels de santé. Selon OMS (2008), le système de soins au Togo est caractérisé par l'état vétuste des bâtiments et équipements, l'insuffisance du personnel qualifié et la non disponibilité permanente des médicaments dans les formations sanitaires. D. Sambiani (2000) souligne que les professionnels de santé sont entre eux-mêmes confrontés à des conflits internes se traduisant par l'embouteillage, les surcharges excessives, la mauvaise organisation des services et le désordre qui en découle. Dans la foulée, surgissent des problèmes liés aux dysfonctions rencontrées dans les centres de soins ; du coup, la mortalité hospitalière est devenue un phénomène fréquemment observé ces dernières années, observation essentiellement attestée par la DRS (2008) qui confirme qu'au Togo, la mortalité en milieu hospitalier est en hausse et a connu une progression en dents de scie de 2003 à 2007. L'amélioration et la dégradation des soins de santé d'une année par rapport à une autre se trouvent à l'origine de ces variations. Le CHU campus n'échappe pas à cette situation. De nombreuses études sur la mortalité hospitalière y ont déjà été menées. Sans trop approfondir leurs réflexions, certains auteurs considèrent la maladie d'origine qui fût la raison d'hospitalisation des patients, sa gravité et les aggravations qui concourent à sa létalité comme étant les causes des décès (Latame 2008 ; Eklou 2003 ; Balogou et alii 2007). D'autres en font la résultante du poids de l'âge ou des négligences de la part des malades et de leurs familles (Agbéko 2005 ; Anani 1985 ; Améla 2005). Pour justifier leur position Anani (1985) pense que la détermination des causes de décès n'a pu souvent être faite avec précision, compte tenu de la non-réalisation d'autopsies. En fait, seul le CHU Tokoin dispose d'un laboratoire d'anatomie pathologique susceptible de procéder à des autopsies, mais, elles s'y font rarement malgré les dispositions légales l'autorisant : article 88 du décret No 61-14, portant règlement intérieur du CHU Tokoin. Hors du Togo, les études portant sur la mortalité hospitalière abondent un peu partout dans les pays du tiers monde comme ceux du Nord. Orientant leur réflexions dans le sens de notre étude, quelques auteurs attribuent l'existence du phénomène aux dysfonctions de l'institution de soin (Diby et alii 2004 ; Kohn et alii 1999 ; Takongomo et alii 1993). Mais les insuffisances de ces études résident dans le fait qu'elles se limitent trop à un service particulier. En outre elles évoquent l'impact que produisent les pratiques à risque pour les patients sur le phénomène sans pour autant analyser les conditions dans lesquelles ces pratiques s'observent. Nous considérons que ce problème tel qu'il se pose au CHU Campus, fait intervenir la pratique médicale et la vie sociale dans laquelle cette pratique se produit. Il est par conséquent indissociable du fonctionnement du système social à l'hôpital. C'est pourquoi pour l'étudier, nous nous centrons sur l'analyse du système social à partir des prérequis fonctionnels, telle que l'a menée Parsons (1964) ; d'où la question : quelle relation le fonctionnement du système social au CHU Campus entretient-il avec la mortalité hospitalière ? Cela suppose plus spécifiquement un bilan fonctionnel au niveau des sous-systèmes économique, politique, social et culturel, d'où les questions suivantes : Quelles sont les déficiences en ressources financière, matérielle ou humaine qui concourent au décès des malades au CHU Campus ? Quelles sont les défaillances des stratégies de lutte contre le phénomène prédéfinies par le CHU? Quels sont les conflits interpersonnels qui empiètent sur la guérison et la survie des malades ? Comment la non-motivation des soignants concoure t- elle à l'existence du phénomène ? 3 - Hypothèses et objectifs de recherche 3.1 Hypothèses Hypothèse générale La mortalité hospitalière est un phénomène interne à l'hôpital. Elle résulte des dysfonctionnements dans l'activité médicale. Hypothèses spécifiques - la mortalité hospitalière s'accentue parce que les ressources déployées par l'hôpital sont insignifiantes face aux besoins des patients - la mortalité hospitalière provient également d'une défaillance dans la planification des buts visés par le CHU - la mortalité hospitalière émane aussi de la détérioration des relations professionnelles pendant l'offre de soins et de la négligence des valeurs communes qui motivent les soignants 3.2- Les objectifs de la recherche · Objectif général Mesurer l'impact des dysfonctionnements de l'institution de soin sur la mortalité hospitalière. · Objectifs spécifiques - Identifier les pratiques médicales à risque opérées par les soignants, qui sont susceptibles d'engendrer le décès des patients - déterminer les conditions de travail dans lesquelles ces pratiques se produisent - détecter les conduites de communications bloquées qui concourent au décès des patients - établir un lien entre la précarité salariale et les problèmes familiaux que les soignants ressentent jusqu'au travail - mesurer les effets de ces problèmes sur l'activité médicale - relever les faiblesses des mesures préventives adoptées par l'administration du CHU, et en dépit desquelles le phénomène persiste 4- Intérêt de l'étude L'intérêt de notre étude se situe à trois niveaux : scientifique, institutionnel, et social. 4.1 - Intérêt scientifique La présente étude est une contribution à la sociologie des organisations. A travers l'approche structuro-fonctionnaliste, elle s'emploie à expliquer le phénomène par les relations qu'il entretient avec les sous-ensembles et les éléments constitutifs du système hospitalier. Elle vise à étudier le problème de la mortalité hospitalière sous divers aspects : économique, politique, social et culturel. Cette démarche permet une analyse plus approfondie du phénomène et une spécification de ses origines par rapport aux quatre principales fonctions qui s'y déroulent. Elle permet en outre de dégager les responsabilités de chaque catégorie du personnel dans les dysfonctionnements qui conduisent au problème. Elle revêt aussi un intérêt méthodologique, du fait qu'elle fait ressortir le lien entre les défaillances fonctionnelles du CHU et les problèmes socio-économiques individuels des soignants, puis l'influence négative de ces problèmes sur les prestations de soin. Elle représente par ailleurs un exemple d'analyse du fonctionnement des systèmes vu l'organigramme même du C.H.U. 4.2 - Intérêt institutionnel La connaissance des impacts des dysfonctionnements sur la mortalité hospitalière se révèle indispensable pour les garants de l'ordre au sein du C.H.U. Le directeur du C.H.U, ses adjoints, le directeur du personnel et les chefs d'équipes en tireront profit face aux défis de la gestion des ressources financières, matérielles et humaines. Au-delà du management, la prise en compte des différents jeux qui jalonnent le vécu quotidien des agents de santé servira à adopter des mesures compensatoires contre les conflits interpersonnels. Elle suscitera l'éveil de la conscience professionnelle chez les agents trop enracinés dans les pratiques informelles. 4.3 - Intérêt social L'intérêt social de notre étude réside dans les retombées positives de l'élimination de la mortalité en milieu de soin sur la population. Chaque individu détient en réalité, un rôle précis dans son milieu social de provenance. De ce fait, la perte considérable des malades hospitalisés constitue un obstacle à la dynamique évolutive des sociétés. L'élimination de la mortalité contribue alors à la cohésion des groupes sociaux, à travers le maintien des forces engagées dans les interactions quotidiennes, sur une période relativement prolongée. 5- Les raisons du choix du sujet Notre sujet de recherche nous est dicté par nos penchants personnels pour les faits sociaux de santé, la visibilité du problème à travers l'observation des cas et l'engagement critique de la lecture ambiante de la mortalité hospitalière. 5.1- Penchants personnels pour les faits sociaux de santé Le développement d'ensemble de la société constitue l'une des préoccupations majeures du sociologue. La santé étant l'une des dimensions essentielles de ce développement, nous nous sommes résolus à jeter un regard sociologique sur un phénomène de santé, en focalisant notre attention sur une institution sanitaire. Une telle résolution nous amène à une analyse des dysfonctionnements qui sont à l'origine de la mortalité hospitalière au C.H.U campus. 5.2- La visibilité du phénomène à travers l'observation des cas Le décès des malades en milieu hospitalier est devenu un phénomène fréquemment observable ces dernières années. Son ampleur s'étend à toutes les couches sociales, et elle ne se résume pas à une affection spécifique. Cette situation constitue un paradoxe dans la mesure où la médecine réalise de jour en jour des progrès considérables. 5.3- Engagement critique de la lecture ambiante du phénomène L'évidence de la mortalité hospitalière a gagné de la place dans la conscience collective des populations. Par ailleurs, une idée souvent préconçue des négligences ou de l'ignorance du malade et de son entourage en matière d'attitudes à adopter avant et pendant l'hospitalisation se trouve reliée à la cause des décès en milieu de soin. Notre étude remet en cause cette lecture du phénomène pour rechercher plus loin ses origines dans les dysfonctionnements de l'institution de soins. 6 - Analyse conceptuelle D'après Durkheim (1986), tout discours scientifique doit utiliser des concepts clairs et précis afin de se démarquer de la confusion qui caractérise le sens commun. C'est en ce sens que nous procédons à la définition opérationnelle des deux concepts clés qui ressortent de l'intitulé de notre thème d'étude : dysfonction et mortalité hospitalière. 6.1 - Dysfonctions sociales · L'analyse des dysfonctions selon Parsons Parsons(1964) conçoit le système social comme une pluralité d'acteurs individuels inclus dans un processus d'interactions qui se déroule dans une situation affectée de propriétés physiques. Cette définition du système social s'applique aussi aux organisations qui représentent de ce fait, des microsociétés au sein desquelles on retrouve les mêmes caractéristiques : ensemble d'individus réunis dans un cadre physique bien structuré, et déployant leurs actions dans le sens d'un but commun. Dans cette conception, comme un système d'action, toute organisation doit être analysée sous l'angle des quatre catégories fonctionnelles suivantes : - l'adaptation aux besoins et aux changements de l'environnement extérieur, - la planification des objectifs à atteindre, - l'intégration des individus engagés dans les interactions, - la motivation de ces individus Il en ressort que le dysfonctionnement d'une organisation se traduit par le déséquilibre entre les ressources disponibles et les buts à atteindre, la mauvaise planification des activités, la désintégration des relations socioprofessionnelles et la non-motivation des individus impliqués dans les interactions. · L'analyse des dysfonctions selon Radcliffe Brown Selon Brown (1972), un système social a une certaine unité que nous pouvons appeler unité fonctionnelle. Cette unité provient du fait que les éléments constitutifs du système, loin d'être un simple assemblage forment plutôt un tout intégré, comparable à un organisme au sein duquel les rapports entre les divers éléments sont institutionnellement définis et contrôlés. Il s'ensuit de façon générale que la fonction d'un usage social particulier est la contribution qu'il apporte à l'existence et à la permanence de la vie sociale considérée comme l'ensemble du fonctionnement de la société. Dans la même foulée, la fonction d'une pratique particulière au sein d'une organisation se traduit alors par la correspondance entre cette pratique et les objectifs visés, puis l'influence positive qu'elle exerce sur les résultats escomptés. De ce fait, il y a dysfonction dans une organisation lorsqu'une ou plusieurs actions s'insurgent contre l'unité, la cohésion, l'harmonieuse coopération entre les éléments constitutifs de l'organisation, produisent des effets contraires aux résultats attendus, ou demeurent improductives. · L'analyse des dysfonctions selon R.K. Merton Selon Merton (1965), dans une organisation, les actions développées dans un but précis peuvent entrainer à la fois des effets inattendus et néfastes tout comme des effets vitaux, voulus par tout le personnel. De ce fait, quels que soient les motifs officiels qui justifient le déploiement d'une action, ses conséquences ne coïncident pas toujours avec les résultats escomptés. Ceci traduit la dualité entre les phénomènes explicites favorisant le fonctionnement de l'organisation et les phénomènes implicites l'entravant. Ce constat sous-tend l'existence de deux types de fonctions : la fonction manifeste et la fonction latente. La première conduit à des conséquences attendues, espérées par les membres de l'organisation, et la seconde mène à des conséquences inattendues, non souhaitées, ce qui est synonyme de dysfonction. 6.2- La mortalité hospitalière D'après le dictionnaire de l'académie française (2008), la mortalité désigne la condition de ce qui est sujet à mort ou de ce qui doit causer la mort. Sous un autre angle, elle désigne le phénomène de la mort envisagé du point de vue quantitatif. Dans cette perspective, elle représente généralement chez l'espèce humaine la quantité d'individus qui meurent annuellement sur un certain nombre de vivants. Elle traduit du point de vue sanitaire, la mort d'une quantité plus ou moins considérable d'hommes ou d'animaux qui sont emportés par la même maladie. C'est en ce même sens que le dictionnaire médical Larousse définit la mortalité comme le fait, pour un humain de mourir d'une maladie. La mortalité s'exprime en pourcentage et s'obtient par le rapport entre le nombre de décès et l'effectif moyen de la population dans un lieu donné et pendant une période déterminée. La mortalité est dite hospitalière lorsqu'elle survient en milieu de soin, à la suite d'une affection ou d'un mal particulier qui se trouve à l'origine de l'hospitalisation de la victime. Elle s'exprime aussi en pourcentage. Selon la D.R.S(2007), le taux de mortalité hospitalière s'obtient par le rapport entre le nombre total de décès dus à toutes les affections pendant une période donnée et le nombre total d'admission à l'hôpital au cours de la même période. 7- Analyse du phénomène selon la théorie structuro-fonctionnaliste de T. Parsons Le structuro-fonctionnalisme propose un modèle normatif du fonctionnement de l'hôpital, fondé sur le maintient de l'ordre existant. L'hôpital est alors défini comme un système global composé d'un ensemble de sous-systèmes qui se distinguent les uns des autres par les fonctions qu'ils remplissent. Sous cet angle, on distingue les sous-systèmes, économique, politique, social et culturel. Le sous-système économique assure la fonction d'adaptation du CHU à son environnement extérieur. Cette adaptation passe par la satisfaction des besoins des patients et de leurs accompagnateurs. Pour y parvenir, le CHU doit normalement mobiliser des ressources financières, matérielles et humaines à la hauteur des besoins ressentis. Au-delà de la disponibilité de toutes les ressources, la compatibilité du matériel médical, la compétence des soignants et l'ajustement de leurs rôles conformément aux attentes des patients sont aussi des conditions sine qua non au déroulement de l'activité médicale. Les ressources ainsi réunies, le CHU est censé procéder à la planification des objectifs pour lesquels elles seront déployées, les répartir en fonction de la demande dans les services et procéder à leur renouvellement au fur et à mesure qu'elles s'usent. Il doit aussi opérer de temps en temps la remise à niveau des connaissances du personnel soignant, à travers des sessions de formation, étant donné que le savoir médical évolue au fil des jours. Au sein même des équipes soignantes, une certaine cohésion devait régner. Le CHU est censé réguler le déroulement de ses activités au travers des normes de conduite, orientant ainsi l'action de tous vers un but commun. Dans cette perspective, il évitera aussi qu'un membre du personnel usurpe des droits d'un autre dans l'exercice des rôles. Par ailleurs, les valeurs humaines constituent aussi une prérogative que le CHU a intérêt à intégrer aux normes en vigueur en vue d'assurer l'équilibre et le maintien du déroulement des activités. C'est au travers de ces valeurs que les soignants retrouvent les attributs du travail, nécessaires à leur motivation : la liberté face aux contraintes organisationnelles excessives, la sécurité face aux risques du métier, et la reconnaissance professionnelle vis-à-vis des efforts fournis. Toute irrégularité qui intervient au C.H.U provient alors d'une défaillance au niveau de l'assurance des fonctions inhérentes au quatre sous-systèmes. La mortalité hospitalière perçue comme une anormalité, un « effet pervers » comme le dirait Crozier (1963), résulte alors des dysfonctions qu'il convient de rechercher aux niveaux économique, politique, social et culturel. Cela implique en premier lieu une insuffisance ou une incompatibilité des ressources financières, matérielles et humaines mises à la disposition des soignants et des patients. Le problème se justifie aussi par une défaillance dans la définition des buts à atteindre et une mauvaise gestion des ressources disponibles. Dans une autre mesure, une défaillance au niveau des normes qui régulent la conduite des agents de santé constitue un facteur de désintégration des liens interpersonnels, ce qui peut être valablement à l'origine du problème. Enfin, l'existence du problème est due au fait que les valeurs fondamentales partagées par la majorité du personnel ne sont pas prises en compte dans la définition des normes du C.H.U. Cela constitue un obstacle à la motivation du personnel et au maintient de l'équilibre de l'activité médicale. 8- Revue de la littérature Les études qui abordent le thème de la mortalité en milieu hospitalier ont été réalisées par des auteurs formés en médecine. De ce fait, les ouvrages que nous avons consultés présentent plus le problème dans sa dimension médicale et clinique. Nous avons néanmoins répertorié trois catégories d'études : celles qui relient la cause de la mortalité hospitalière à la maladie dont souffre la victime, celles qui en font la résultante des négligences des patients et celles qui attribuent la responsabilité aux institutions de soins. 8.1- Les études liant la mortalité hospitalière à la maladie d'origine - Dans la revue « journal of neurogical sciences », Balogou et alii. ont publié un article sur la mortalité des patients V.I.H positifs dans le service de neurologie du C.H.U campus. L'objectif de l'étude était d'identifier les causes de décès et mesurer la létalité des affections de toute catégorie chez les personnes vivant avec le V.I.H sida. Une analyse rétrospective transversale fût donc menée sur les dossiers des malades hospitalisés dans ledit service du 1er janvier 1996 au 31 Décembre 2005. Il ressort de cette analyse que la toxoplasmose cérébrale se trouve essentiellement à l'origine des décès avec 40,8% des cas. Cependant, les auteurs émettent aussi la suggestion selon laquelle les principales affections neurologiques associées à l'infection du V.I.H devraient bénéficier d'une connaissance précise des signes diagnostiqués et de la mise en place de protocoles de prise en charge immédiate. - Latame a travaillé sur la morbidité et la mortalité des nouveau-nés de faible poids de naissance, hospitalisés au CHU Tokoin de Lomé du 1er Juin 2006 au 31 mai 2007. Il constitue alors à partir des dossiers médicaux, une population cible formée de 353 nouveau-nés de faible poids. Dans cette population cible, 77 individus dont 37 de sexe féminin et 40 de sexe masculin sont décédés, soit un taux de mortalité de 21,8%. L'asphyxie est présentée comme la cause la plus meurtrière avec 51,9% de décès. L'âge gestationnel constitue aussi selon l'auteur, un facteur du décès des nouveau-nés de faible poids. Le taux de mortalité a-t-il souligné est très élevé pour les nouveau-nés d'âge gestationnel inférieur à 32 semaines (70,1%). Les infections représentent aussi l'un des facteurs de décès avec 36,3% des cas. L'auteur pense qu'une meilleure prise en charge de la grossesse et du nouveau-né constitue la solution à adopter pour remédier au phénomène. - Tumuinimo et alii. ont étudié la mortalité hospitalière due au paludisme grave chez les enfants de moins de 5ans. La population cible était constituée de 60 patients de moins de 5ans hospitalisés pour accès pernicieux palustre durant une période comprise entre le 1er janvier 2007 et le 31 juillet 2007. Comme dans l'étude précédente, les affections telles que les maladies respiratoires, la méningite, l'anémie sont retenues comme les causes qui ont entrainé ensemble avec le paludisme grave, une grande mortalité.
8.2- Les études liant la mortalité hospitalière à l'âge avancé ou à une négligence de la part des patients - En vue d'évaluer la mortalité des adolescents au CHU Tokoin, et en déterminer les principales causes, Agbeko a mené une étude rétrospective portant sur 4170 adolescents au cours de deux périodes de 24 mois espacées de 10ans (1988-1989 et 1998-1999). Il constate que le taux de mortalité a été de 5,56% sur les deux périodes et qu'il est plus élevé chez les adolescents de 15 à 19ans (69%). Selon l'auteur, la mortalité a été essentiellement liée aux maladies infectieuses (33,08%). Les principales causes furent le paludisme (14,83%), les méningites (12,53%), le sida (9,13%). Par ailleurs, la mortalité maternelle des adolescents a été considérable (20,42%). Il dépasse ensuite le cadre des affections et attribue également la cause des décès à une sexualité précoce et mal contrôlée. Pour lui, la solution au problème réside dans une mobilisation impérieuse dans le domaine de l'éducation sexuelle des adolescents et de la prévention des maladies tropicales infectieuses. - Au centre Oscar Lambret de Lille, Amela a étudié les facteurs de risque de mortalité postopératoire en chirurgie carcinologique cervico-faciale lourde. Sa recherche a couvert une période de 36 mois (1er janvier 1977 au 31 décembre 1999) et a porté sur 261 patients. La mortalité postopératoire a été définie comme tout décès survenu dans les 30 jours suivant l'intervention chirurgicale. Les principales causes de décès ont été liées à la complication des cas durant l'hospitalisation ; mais 30% des malades étaient décédés pour des causes indéterminées. L'auteur retient en outre des facteurs comme la fragilité du sexe féminin, l'âge supérieur à 70ans, une intoxication alcoolique et la localisation tumorale. - Pour l'obtention de sa thèse de doctorat en médecine, Anani a travaillé sur la mortalité hospitalière à la clinique médicale du CHU de Lomé. Sur un échantillon de 574 patients, il enregistre 37 décès au cours de la période du 1er Septembre 1982 au 31 Août 1983. Il insista sur une influence de l'âge sur la mortalité, du fait que 42,9% des décès étaient âgés de 55ans et plus. Il retient aussi entre autres les maladies de l'appareil circulatoire, les tumeurs malignes, les maladies infectieuses et de l'appareil digestif comme les principales causes de décès. 8.3- Les études qui attribuent la mortalité hospitalière aux dysfonctions du milieu de soin
Dans l'article intitulé déclaration d'incidents aux soins intensifs, Diby et alii (2004) analysent les causes de décès des patients en milieu hospitalier, plus particulièrement dans les services de soins intensifs. Ils constatent que la fiabilité du système de santé est aujourd'hui une demande sociale forte. Chaque incident grave est médiatisé et l'erreur humaine évoquée. En effet, dans le domaine de la santé, l'attention du public et des professionnels a été renforcée sur les risques encourus à l'hôpital, suite à la publication du rapport de l'Institut de médecine (Kohn et alii, 1999). Ce rapport estimait qu'entre 44 000 et 98 000 décès étaient liés à des erreurs médicales pour le seul secteur hospitalier aux Etats-Unis. L'erreur médicale se plaçant ainsi entre la troisième et la huitième cause de mortalité hospitalière. De ce fait, la sécurité représente la dimension prioritaire sur laquelle la démarche qualité doit porter ses efforts. Si la complexité des activités de soins est universellement admise, remarquent-t-ils, l'évolution des techniques et des processus de soins, dans les services de soins intensifs participe à ce système complexe. En effet, les services de soins intensifs se caractérisent par une activité quantitativement et qualitativement variable, nécessitant des capacités d'adaptation importantes, aux flux et aux urgences. De plus dans chaque situation les soins aux patients peuvent requérir des compétences multiples et spécialisées. Dans les services de soins intensifs les incidents sont courants. Un incident étant défini ici comme «tout événement qui a diminué (ou aurait pu diminuer) la sécurité des patients ou/et la qualité des soins et /ou nuit au bon fonctionnement du service» (Runcimann 1993). Dans ce contexte, l'élimination de la mortalité hospitalière passe par la garantie de la sécurité du patient, et la sécurité du patient interpelle les hôpitaux à éviter les incidents. L'auteur suggère alors que face à l'ampleur du problème, des efforts d'amélioration de la sécurité des patients et de la qualité des soins sont à mettre en oeuvre. - Dans une approche similaire, Takongomo et alii (1993) ont étudié la mortalité hospitalière en milieu chirurgical au CHU de Yaoundé. Cette étude vise à faire une mise au point sur les principales causes de mortalité dans le service de chirurgie en vue de proposer des améliorations dans la gestion du personnel et du matériel et de donner des soins de meilleure qualité. Il s'agit d'une étude rétrospective portant sur 6615 dossiers de malades admis de 1982 à 1992 dans le service de chirurgie générale du CHU de Yaoundé. L'analyse a montré qu'il y avait 208 décès, soit un taux de mortalité de 3,14 % en moyenne, avec une évolution croissante pendant la période de l'étude. Les principales causes initiales de décès étaient entre autres les cancers pour 36,5 % et les traumatismes pour 22,6 %. Cependant, partant du constat selon lequel 58,6% des décès étaient survenus entre 18 h du soir et 8 h du matin, les auteurs évoquent une insuffisance dans la continuité des soins. La surveillance des malades doit donc être renforcée par une sensibilisation du personnel infirmier. Quand, à la survenue de 58,6 % des décès entre la tombée de la nuit (18 h) et le matin (8 h) s'ajoute celle de 22,5 % des décès moins de 24 heures après l'admission, les auteurs évoquent une insuffisance dans la qualité des soins. Devant l'absence de description des circonstances ultimes de décès dans les dossiers, la conclusion de cette étude était l'institution d'un audit médical régulier dans chaque service, ce qui permettra de faire un suivi plus précis de la mortalité. 8.4- Critique de la revue de littérature -Nous constatons que les études qui mettent en cause les dysfonctions du milieu de soin se limitent à un service particulier et ne permettent donc pas d'appréhender la totalité des défaillances des centres de soin. Bien que ces études évoquent l'erreur médicale, les problèmes d'adaptation, d'insuffisance dans la continuité et une mauvaise qualité des soins, elles n'ont pas fait le point des ressources matérielles, financières et humaines sur lesquelles fonctionnent les institutions de soin. Par ailleurs, les conditions de travail, l'aspect relationnel du fonctionnement des hôpitaux et la motivation du personnel soignant ne sont pas aussi pris en compte. Nous constatons en outre que les études qui ne tiennent pas compte des dysfonctions, approchent plus le phénomène par rapport à une affection spécifique, et empruntent une méthodologie monotone qui débouche sur des conclusions retenant quasiment pour causes de décès, la maladie originale qui est la raison première d'hospitalisation. La cause de décès était celle définie par l'OMS (1997) comme étant la maladie ou le traumatisme qui a déclenché l'évolution morbide conduisant directement au décès, ou les circonstances de l'accident ou de la violence qui ont entraîné le traumatisme mortel. Dans cette perspective, les conditions et les réalités du milieu d'hospitalisation des malades décédés sont négligées. Chapitre II : cadres juridique, institutionnel et méthodologique 1- Cadre juridique Sur le plan national, les dispositions pénales relatives à la responsabilité médicale dans le décès des malades en milieu hospitalier sont quasiment inexistantes. Le code de santé adopté le 14 Mai 2009 par les députés à l'assemblée nationale demeure jusqu'alors indisponible dans les institutions de soin, et ignoré par bon nombre d'agents de santé. Sur le plan international, c'est au lendemain de la seconde guerre mondiale caractérisée par toutes sortes d'atrocités que vit le jour, le code de Nuremberg (en Allemagne) en 1947. Les pays du Nord aussi bien que ceux du Sud sont appelés à respecter la déontologie prônée par ledit code. Cependant, bien que traitant de l'éthique médicale, le code de Nuremberg s'est systématiquement penché sur l'expérimentation médicale faite sur les sujets. Il s'est agit de déterminer les principes éthiquement acceptables d'actes biologiques et médicaux situés entre l'expérimentation thérapeutique et scientifique d'une part, et d'autre part entre les exigences médicales, sociales et politiques d'institutions et d'états. Dans ce contexte, deux questions émergent : celle de l'expérimentation et celle de la mort l'une et l'autre posée face à la liberté et face au crime. Le tribunal de Nuremberg détermina alors 10 règles à partir desquelles l'expérimentation médicale est autorisée. Les articles 5, 7 et 10 ont retenu notre attention compte tenu du phénomène que nous étudions.
En amont, faut-il souligner que l'article 1 recommande le consentement volontaire du sujet humain avant toute intervention expérimentale. Suite au code de Nuremberg, l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'assemblée générale des Nations-Unies le 16 Décembre 1966 détermina aussi les conditions des expérimentations médicales et scientifiques : « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradant. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement, à une expérience médicale ou scientifique ». Le consentement du sujet expérimental sera ensuite inscrit à l'article 8 de la déclaration d'Helsinki en Juin 1964. 2- Cadre institutionnel 2.1- Situation géographique Implanté sur le site universitaire de Lomé dans sa partie septentrionale, le Centre Hospitalier Universitaire campus est situé dans le district n°5, à 300m de la nationale n°1. Il est limité au Sud par la faculté mixte de médecine et de pharmacie, au Nord par la faculté des sciences économiques et de gestion, à l'Est par la route nationale n°1 et à l'Ouest par la bretelle de Bè Klikamé. Il couvre une superficie de 80 000 m2. 2.2 - Historique En vue de compléter la formation des étudiants de la faculté mixte de médecine et de pharmacie, et de faire face aux besoins de plus en plus croissants en matière de soins médicaux, le décret N° 87-47/PR du 14 Mai 1987 crée sur le campus de l'Université de Lomé, un centre de prestation de soins, de formation et de recherche en sciences de santé dénommé CHU campus. Il est construit par la Banque Africaine de Développement. Le CHU campus a ouvert ses portes au public le 1er Août 1988 avec pour premières activités, des consultations externes et des hospitalisations en pédiatrie, en cardiologie, en neurologie, en médecine interne et en hépato gastro-entérologie. Au fil des années, le centre accueille et offre ses services en ophtalmologie, en stomatologie, en O.R.L, en dermatologie, en psychiatrie, en psychologie et en médecine de travail. Le CHU est un centre de référence du système national de santé. A ce titre, il accueille des malades venant de tous les coins du Togo. Il est donc ouvert à toute la population togolaise (estimée à 5596 000 habitants en 2008). 2.3- Structures de contrôle de la pratique médicale
La direction du CHU campus est un département qui est dirigé par un directeur nommé par décret ministériel ; il est aussi le directeur du CHU campus. La direction se compose d'un directeur, de deux directeurs adjoints, du chef du personnel, de l'économe et des secrétaires. Elle regroupe généralement les services administratifs (le secrétariat, le service du personnel, le service des admissions, le service des soldes, le service social, le service des archives médicales, le service informatique et statistique sanitaire), les services économiques et financier (le service de comptabilité et la régie des recettes, le service économique) et les services techniques. La direction du CHU s'occupe de la gestion du CHU en collaboration avec des organes d'administration.
L'administration du CH.U campus est assurée par les organes de décisions et les organes consultatifs.
Ils sont composés de l'organe de délibération et de l'organe d'exécution.
C'est le conseil d'administration. Son rôle est de : - examiner et adopter le budget - délibérer sur les prix des journées d'hospitalisation, les problèmes d'organisation et de contrôle du système de recouvrement des coûts des services de soin. - se prononcer sur la gestion faite d'un exercice budgétaire et de délivrer un quitus - définir les conditions d'application des critères nationaux d'indigence en vue de l'admission faite de certains malades - délibérer et statuer sur la création de nouvelles unités, sur le projet de construction, de grosses réparations, d'extension des bâtiments et du renouvellement des équipements - statuer sur la proposition d'engagement des différentes catégories de personnel. Il se réunit sur invitation de son président et ses délibérations sont soumises au ministère de la santé pour approbation.
Il assure l'exécution des décisions prises au conseil d'administration. Il est l'ordonnateur des dépenses et des recettes de l'établissement. L'organe d'exécution est dirigé par un directeur nommé par arrêté ministériel. Il est assisté dans ses fonctions par : - un directeur adjoint chargé du personnel et du budget - un directeur adjoint chargé de la gestion financière et comptable - un surveillant général qui est le supérieur hiérarchique de tous les surveillants. Il assiste la direction dans la planification et dans la répartition du personnel de soins infirmiers dans les unités. Il veille constamment à l'amélioration des qualités de soins.
Ils regroupent la commission médicale consultative, le comité d'hygiène et de sécurité hospitalière et le comité technique paritaire. b.2.1 La commission médicale consultative (C.M.C) Elle doit donner son avis sur les constructions, l'agencement et l'installation des équipements nouveaux. Elle délibère sur l'hygiène, la salubrité et la propreté des locaux, l'implantation technique des services, le régime alimentaire des malades. La C.M.C se compose : - du directeur du C.H.U - des représentants du personnel - des spécialistes de chaque département - des surveillants de services. b. 2.2 Le comité d'hygiène et de sécurité hospitalière Il est chargé de la surveillance, de la salubrité, de la prévention des infections, des contaminations et des accidents dans le centre. Il est composé des chefs de différents services.
Il donne obligatoirement son avis au conseil d'administration et au directeur sur l'organisation et le fonctionnement du service, les conditions de travail, le règlement intérieur du centre, les règles concernant l'emploi des diverses catégories du personnel, le tableau d'agencement des agents recrutés par le C.H.U campus, le tableau d'effectif du personnel. Le C.T.P est formé : - de quatre représentants de l'administration - de quatre représentants du personnel - du président du conseil d'administration - du directeur du centre. Les autres membres sont désignés par le conseil d'administration. c. les différents services de soins du CHU campus c.1 Les services médico-chirurgicaux Il s'agit de la cardiologie, la dermatologie, la gynécologie obstétrique, l'hématologie clinique, l'hépato gastro-entérologie, la kinésithérapie, la médecine interne, la médecine de travail, la neurologie, l'ophtalmologie, l'O.R.L, la pédiatrie, la psychologie et psychiatrie, le service porte, la stomatologie. c. 2 La pharmacie Elle détient des médicaments essentiels et génériques (M.E.G) à la disposition des patients. 2.4 Les services d'aide aux diagnostics
- le laboratoire de parasitologie - le laboratoire de bactériologie - le laboratoire d'hématologie - le laboratoire de biochimie · Le service de radiologie 3- Cadre méthodologique 3.1 Techniques de recherche 3.1.1 La pré-enquête Selon Raymond Boudon (1969), la pré-enquête permet au chercheur de se départir des idées préconçues. Elle nous a permis de nous attacher des services d'un agent de santé qui nous a servi de personne ressource notamment dans la reconnaissance du milieu d'étude, les démarches qui autorisent l'accès aux données statistiques puis certaines informations susceptibles de nous guider dans notre recherche. La pré-enquête nous a aussi permis d'anticiper les réalités du CHU à travers les notes de service et les discussions des accompagnateurs des patients. 3.1.2 La recherche documentaire Elle s'est réalisée en dehors puis dans le milieu d'étude. Elle s'est avérée nécessaire pour mesurer la progression du phénomène au niveau national et au sein du C.H.U Campus. Elle nous a aussi permis de passer en revue les travaux déjà réalisés sur le thème, de dégager les méthodologies déjà empruntées, et les théories sociologiques qui expliquent mieux le phénomène, compte tenu du contexte dans lequel se situe le sujet. Elle nous a permis en outre d'avoir un aperçu sur notre zone d'étude, les différents services qui la composent, ceux qui sont concernés par le phénomène et la répartition du personnel soignant par service. 3.1.3 Choix et justification des variables et indicateurs 3.1.4 Les variables de l'étude
Selon Grawitz (1969), il faudrait que les variables soient en nombre suffisant et que les plus importantes soient retenues et définies sans confusion pour que l'hypothèse soit vérifiable. Dans le cadre de la présente étude, nous avons retenu les variables suivantes : · Variables indépendantes Le sexe : il permet de mesurer les variations des données selon que l'agent de santé soit du sexe masculin ou féminin, et dans quelle mesure le genre influe sur les informations recueillies. L'âge : il renseigne sur la composition par âge de l'échantillon. Il permet de mesurer les variations du phénomène d'un groupe d'âge à un autre. La situation matrimoniale : les problèmes personnels que les soignants ressentent au travail varient, s'intensifient ou s'amoindrissent selon qu'ils soient célibataires, mariés ou divorcés. L'introduction de cette variable permettra de mesurer les variations de ces problèmes en fonction de la situation matrimoniale des enquêtés et leur impact sur le phénomène. La catégorie professionnelle : cette variable permet de situer les défaillances constatées par rapport aux différentes catégories de personnel soignant. L'expérience professionnelle : elle renseigne sur l'ancienneté du soignant dans le métier et explique certaines de ces attitudes ; elle conditionne aussi la facilité avec laquelle le soignant exécute son rôle, étant donné qu'à force d'effectuer les mêmes gestes, il finit par s'y habituer au fil des années. La qualification du soignant : elle traduit l'aptitude intellectuelle et aussi la compétence du personnel soignant à exercer son métier. La fiabilité des ressources : les ressources matérielles, financières et humaines sont des conditions sine qua non au démarrage de l'activité médicale. L'adéquation du matériel médical et du budget associé à l'effectif et à la compétence du personnel déterminent la qualité du soin et influencent donc la mortalité. La planification des buts : elle permet de vérifier l'inscription de la lutte contre le phénomène dans les préoccupations de l'administration du CHU ; autrement dit, si le CHU fait de l'élimination de la mortalité hospitalière un objectif à atteindre. Le niveau d'intégration du personnel : l'administration des soins fait appel à plusieurs catégories de soignants. Chaque agent de santé doit alors jouer sa partition dans le processus de guérison du patient. Une certaine cohésion des équipes soignantes s'avère nécessaire pour un harmonieux déroulement de la pratique médicale. La désintégration des liens professionnels agit sur la promptitude et l'intégrité de l'offre de soin et concoure aussi alors à l'existence de la mortalité. La motivation du personnel : l'engagement total des soignants dans l'administration des soins contribue à la guérison des patients. La non- motivation des agents est donc synonyme d'inhibition du zèle, de désintéressement de ceux-ci vis-à-vis de leurs rôles. Cette attitude engendre aussi la mortalité hospitalière du fait de la négligence des rôles par les soignants. · La variable dépendante Il s'agit de la variable qu'on cherche à mesurer et qui fait l'objet de l'étude. Ici, elle est représentée par la mortalité hospitalière 3.1.5 Les indicateurs La pénurie de matériel : elle témoigne de la difficulté pour les soignants d'exercer leurs rôles avec plus de facilité et de perfection, et traduit la moindre qualité des soins. Le contenu explicite des notes de service : il démontre l'existence des pratiques à risque pour les patients qui s'opèrent au CHU. Les grèves du personnel soignant : elles traduisent la discontinuité des prestations de soins et remettent en cause leur intégrité. La lente évolution des files d'attente : elle traduit la surcharge du personnel soignant, plus précisément les médecins et implique donc l'insuffisance de l'effectif des soignants face au flux de patients. 3.1.6 Recherche quantitative 3.1.6.1 Univers de l'enquête C'est l'ensemble des individus concernés par l'enquête. Il s'agit ici du personnel soignant des 7 services où le phénomène s'observe régulièrement (médecine interne, hépato gastro-entérologie, cardiologie, neurologie, pédiatrie, psychiatrie et psychologie, maternité). 3.1.6.2 Le groupe cible prioritaire Notre population cible se concentre dans les services fréquemment touchés par le phénomène ; il s'agit notamment des services de neurologie, cardiologie, médecine interne et hépato gastro-entérologie. Elle se compose particulièrement du personnel soignant issu des services susmentionnés. Ils ont habileté à fournir des informations relatives aux pratiques à risques qui surviennent dans l'activité médicale et les conditions dans lesquelles ces pratiques se produisent. 3.1.6.3 Méthode d'échantillonnage Le taux de mortalité hospitalière varie considérablement d'un service à un autre ; de ce fait, nous nous sommes résolus à prélever un échantillon de la population cible qui reflète proportionnellement cette variation. Nous avons donc opté pour la méthode d'échantillonnage par quota. Comme le souligne Berthier (2006 : 6) : « dans l'organisation de la collecte des informations, on attache une attention particulière au mode de recueil et au choix de l'échantillon ». Vu donc l'écart considérable entre les statistiques présentées dans l'analyse de la situation (cf tableau1), et la taille de l'effectif du personnel soignant au niveau des 4 services concernés pendant la période de l'étude, nous avons fixé un taux de sondage de 50% pour un effectif total de101 agents, d'où le tableau de répartition suivant. Tableau 2 : répartition de l'échantillon des soignants selon les services respectifs
Remarque : Exemple:
Ni = effectif de la strate N1 = 20 (strate médecine interne) ni = taille de l'échantillon de la strate n1 = échantillon (médecine interne) Ts = taux de sondage Ts = 50% On a donc ni =Ni * Ts On a n1 = 20*50/100 = 10 3.1.6.4 Elaboration du questionnaire Afin d'éviter de rendre le questionnaire long et ennuyeux, et de susciter un quelconque jeu de refus des soignants à nous accorder du temps pour la collecte des données, nous l'avons rédigé en trois sections tout en faisant usage des questions essentielles relatives aux dysfonctions et qui font appel aux pratiques et attitudes du personnel soignant inclus dans la population cible, peu importe les spécialités ou les catégories d'appartenance professionnelles. Nous avons donc eu recours tant aux questions ouvertes que semi-fermées, afin de permettre aux soignants de pouvoir s'exprimer sur tous les aspects du sujet.
3.1.6.5 Le test du questionnaire Il a porté sur un groupe de sept soignants issus de la pédiatrie, compte tenu du fait que ce service vient en cinquième position selon l'ordre de classification présenté dans le tableau1 et que ces soignants ne font pas parti de la population cible. Il nous a permis de faire un réajustement des questions mal comprises. 3.1.6.6 Administration du questionnaire L'administration des questionnaires s'est faite dans l'enceinte même du C.H.U, plus précisément dans les quatre services retenus. Afin d'amener les soignants à pouvoir se prononcer sur nos questions sans réticence, nous nous sommes faits passer pour un chercheur désirant recueillir des informations sur les conditions de travail qui conduisent aux grèves répétitives du personnel soignant, et l'accès aux soins au CHU campus. Ce motif de recherche a suscité l'engouement des soignants, voulant dévoiler les difficultés accrues de leur métier aux yeux de tous, à répondre aux questions. Nous profitons du peu de temps libre qui sépare les visites matinales des soignants aux malades des heures de pause pour effectuer la collecte des données. Nous avons opté pour le mode d'administration indirecte afin d'amener, les enquêtés à se prononcer plus sur les questions ouvertes, enrichissant ainsi les données recueillies. 3.2 Méthode de traitement des données Le dépouillement des questionnaires s'est fait de façon manuelle. Nous avons procédé à la quantification des données qualitatives selon la fréquence des réponses similaires, puis à la construction de tableaux simples et de tableaux croisés montrant l'interaction entre certaines variables et leur influence sur le phénomène étudié. Les logiciels Word et Excel ont ensuite servi à la construction des tableaux, aux opérations statistiques et à la saisie des données. 3.3 Difficultés rencontrées - Nous avons étés confronté à l'absence aux postes du personnel administratif du C.H.U pendant les heures de rendez-vous, ce qui nous a retardé dans la collecte des statistiques. - Nous avons aussi noté la non-disponibilité des statistiques récentes due à la mise à jour tardive des statistiques annuelles, dans la mesure où le bilan des activités de l'année précédente ne se publie qu'à la fin de l'année en cours. - Nous avons déploré l'attitude de certains soignants qui réclament quelques sous avant de répondre au questionnaire, tout en recommandant aux autres soignants de procéder comme eux. DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE DES DONNEES ET INTERPRETATION DE RESULTATS
Chapitre I : PRESENTATION ET ANALYSE DES DONNEES 1- Caractéristiques sociodémographiques et conduites de rupture de rôle 1.1 Age et modalités de prise de rôle Tableau 3 : distribution des enquêtés selon les pratiques à risque perçues pour les malades
N.B : (1) et (2) total et pourcentages supérieurs à 50 et 100 : questions à choix multiples (valables pour tous les tableaux similaires) Les observations faites par les soignants sur le déroulement de l'activité médicale dans les services du CHU lèvent le voile sur une pluralité de conduites et pratiques à risque pour les patients, qui s'y opèrent. Selon l'ordre de grandeur des statistiques illustrées dans le tableau, 42% des enquêtés ont observé le refus d'administration de soins, 34% en ont observé l'administration hâtive, et 30% ont observé des interventions tardives de soignants. A ces pratiques s'ajoutent l'administration précoce de soins palliatifs (28%), les diagnostics incomplets (24%), les soins inachevés (22%) et les désertions du service (22%). On notera que la précocité des soins palliatifs va à l'encontre des visions de l'OMS (2002) qui recommande que ces soins soient exclusivement administrés aux sujets malades en fin de vie, dont la pathologie dépasse toute tentative de guérison. En dernier ressort, viennent le mépris des règles d'hygiène (16%), les maladresses de manipulation d'instruments de soin causant des lésions (14%), l'isolement du poste de surveillance des patients (14%) et la réutilisation d'un kit d'intervention à usage unique (12%). On remarquera que les fréquences de ces dernières pratiques sont nettement inférieures à celles des deux premières catégories ; néanmoins, s'agissant de la vie humaine, ils n'en demeurent pas moins négligeables. Ce tableau récapitulatif des pratiques à risque perçues par les soignants témoigne réellement de l'influence des dysfonctions dans l'activité médicale sur le décès des patients au CHU. Cependant, pour minimiser ces observations, un soignant s'exprime en ces termes : « il ne se passe rien du tout ici je vous assure. Allez voir au CHU Tokoin, même un brancard se loue avant tout usage ». Tableau 4 : répartition des pratiques médicales à risque déclarées en fonction des classes d'âge des soignants
Les déclarations faites par les soignants sur les pratiques à risque pour les patients qu'ils ont eut à commettre individuellement n'est pratiquement que le reflet des pratiques à risque perçues. Cependant, deux nouveaux genres de pratiques à risque font agrandir la liste. Il s'agit notamment de l'administration de produits en surdose et de l'administration de produit contre-indiqué. La répartition de ces pratiques à risque suivant les groupes d'âges des soignants montre que celle qui est usuellement opérée (les soins incomplets) est déclarée par 48% des enquêtés. Elle s'observe plus chez les soignants âgés de 26 à 31 ans et ceux de 20-25 ans, représentant respectivement 16% et 10% des enquêtés ; puis vient le refus d'administration de soins déclaré par 46% des enquêtés, dont 12% âgés entre 20-25ans et 8% pour chacune des catégories d'âge de (26 à31 ans, 32 à 40 ans, 60 ans et plus). L'administration hâtive de soins déclarée par 42% des enquêtés s'observe majoritairement chez les soignants âgés de 20 à 25 ans représentant 16% des enquêtés, puis chez ceux âgés de 51 à 59 ans représentant 8%. L'intervention tardive fût déclarée par 40% des enquêtés, dont 10% appartiennent au groupe d'âge de 26-31 ans et 8% appartenant au groupe d'âge des 60 ans et plus. On remarque que les pratiques à risques que nous venons de mentionner sont plus fréquentes chez les soignants de jeune âge. Une seconde catégorie de pratiques à risque de moindre fréquence que celles susmentionnées émerge avec en tête, les diagnostics incomplets, déclarés par 30% des enquêtés. Celle-ci s'observe plus chez 8% des enquêtés âgés entre 32 et 40 ans. Par ailleurs, 28% des enquêtés déclarent qu'ils quittent souvent le service pendant les heures de travail pour s'occuper d'autres activités génératrices de revenus hors de l'hôpital. Parmi eux, on compte 10% appartenant au groupe d'âge des 51-59 ans, 8% appartenant à celui des 60 ans et plus, 6% âgés entre 32 et 40 ans, puis 4% âgés entre 41 et 50 ans. On remarque ici que les plus âgés ont plus tendance à déserter les lieux de travail que les jeunes. Aucun des enquêtés appartenant aux groupe d'âges des 20-25 ans et 26-31 n'adopte cette attitude. En revanche, ils représentent majoritairement 8% sur les 22% d'enquêtés ayant déclaré la maladresse de manipulation d'un instrument de soins, provocant des lésions chez le patient. L'isolement des postes de surveillance des patients a été déclarée par 20% des enquêtés. Il est le plus pratiqué par 8% des enquêtés âgés entre 41 et 50 ans, puis 6% des enquêtés de chacun des groupes d'âges de 32-40 ans et 51-59 ans. Ensuite, 18% des enquêtés ont déclaré le mépris des règles d'asepsie et de stérilisation d'instruments de soin. Ils sont représentés respectivement par 6% d'enquêtés âgés entre 41 et 50 ans, 4% âgés entre 20 et 25 ans, 4% âgés entre 32 et 40 ans, 2% âgés entre 26 et 31 ans, et 2% âgés entre 51 et 59 ans. En dernier ressort, se trouvent l'administration de produits en surdose déclarée par 6% des enquêtés dont 2% âgés entre 26-31ans, et 4% âgés de 41-50 ans ; vient ensuite l'administration involontaire de produits contre-indiqués déclaré aussi par 6% des enquêtés, dont 2% pour chacun des groupes d'âges de 26-31 ans, 32-40ans et 51-59 ans. Enfin, la réutilisation d'un kit d'intervention à usage unique fût déclaré par 8% des enquêtés, dont 4% âgés entre 20 et 25 ans, 2% âgés entre 41-50 ans, et 2% âgés de 60 ans et plus. Tableau 5 : répartition des soignants en fonction de leur âge, et du nombre de malades sous traitement décédés qu'ils auraient pu sauver.
Sur les 50 soignants de l'échantillon, 29 soient 58% ont affirmé avoir disposé de patients sous traitement décédés (42 au total) qu'ils auraient pu sauver si les conditions favorables avaient été réunies. Les soignants appartenant aux catégories d'âge de 41-50 ans et 51-59 ans sont les plus concernés par ce constat. Ils représentent chacun 14% des enquêtés, soient en tout 28% de l'échantillon et comptent respectivement 23,81% et 21,43% de décès sur les 42 déclarés. Ensuite, 10% des enquêtés représentant la catégorie des 60ans et plus (retraités actifs) déclarent 8 décès pour leur part, soient 19,05% des 42 cas. Les soignants des groupes d'âge des 26-31 ans et 32-40 ans représentant chacun 8% des enquêtés, soient en tout 16% de l'échantillon comptent respectivement 16,67% et 11,9% de décès déclarés. En dernier ressort, 4% des enquêtés âgés de 20 à 25 ans ont déclaré le décès de 7,14% de patients à qui ils avaient administré des soins. Dans ces circonstances, les conditions de travail des soignants méritent d'être éclaircies afin de relever les déficits qui ont conduit au décès des patients. 1.2 Sexe et modalités de prise de rôle (pratique médicales à risque déclarées pour les malades) Tableau 6 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction du sexe des soignants
Ce tableau répartit les pratiques à risque déclarées par les soignants en fonction de leur sexe. On remarque qu'elles sont généralement plus fréquentes chez les enquêtés de sexe masculin que ceux du sexe féminin. En effet, sur les 50 soignants constituant l'échantillon, on compte 32 de sexe masculin contre 18 de sexe féminin. Cet écart considérable entre l'effectif des hommes et celui des femmes traduit la composition même de l'effectif du CHU, nettement dominé par les hommes. La première catégorie de pratiques à risque, celles qui sont les plus citées par les enquêtés obéit aussi à cet ordre. Ainsi, sur les 48% d'enquêtés qui déclarent avoir administré des soins incomplets aux patients, 36% sont de sexe masculin contre 12% de sexe féminin. De même, sur les 46% d'enquêtés ayant déclaré le refus d'administration de soins, 28% sont de sexe masculin contre 18% de sexe féminin. L'administration hâtive de soins, déclarée par 42% des enquêtés concerne précisément 34% d'hommes et 8% de femmes. A cela s'ajoute l'intervention tardive de la part des soignants, déclarée par 40% des enquêtés, dont 30% de sexe masculin et 10% de sexe féminin. Il ressort également du tableau que les diagnostics incomplets (30%), l'isolement des postes de surveillance des malades (20%), l'administration de produits en surdose (6%) et l'administration de produits contre-indiqués (6%) sont des pratiques exclusivement déclarées par des soignants de sexe masculin. Comme dans le premier cas de pratiques à risque, la désertion du service est pratiquée par 22% des enquêtés de sexe masculin contre 6% de sexe féminin. De même, les lésions causées par la maladresse de manipulation d'un instrument de soin sont déclarées par 22% des enquêtés, dont 14% d'hommes contre 8% de femmes. Par ailleurs, on notera que 14% des enquêtés de sexe masculin méprisent les règles d'asepsie et de stérilisation d'instruments, contre 4% de sexe féminin. Il en est de même pour l'administration précoce de remèdes palliatifs, déclarée par 16% d'hommes contre 2% de femmes. Enfin, la réutilisation involontaire d'un kit d'intervention à usage unique est pratiquée par 6% des enquêtés de sexe masculin contre 2% de sexe féminin. 1.3 Situation matrimoniale et pratique médicales à risque déclarées pour les malades Tableau 7 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction de la situation matrimoniale des soignants
La répartition des pratiques et conduites à risque selon les situations matrimoniales des soignants révèle qu'elles sont commises en grande partie par les célibataires et les mariés : respectivement 18% et 30% pour les soins incomplets, 16% et 30% pour le refus d'administration de soins, 10 et 32% pour l'administration hâtive de soins, 8% et 22% pour les diagnostics incomplets,6% et 16% pour les lésions dues à la maladresse de manipulation d'instrument, 2% et 16% pour l'administration précoce de remèdes palliatifs, 4% et 14% pour le mépris des règles d'asepsie et de stérilisation d'instruments, et enfin 4% et 2% pour l'administration involontaire de produits contre-indiqués. Il ressort de cette première analyse que les pratiques et conduites à risque sont plus fréquentes chez les mariés que chez les célibataires. Dans cette logique, on notera aussi que la désertion du service (28%), l'administration de produits en surdose (6%), et la réutilisation involontaire de kits d'intervention à usage unique (8%) demeurent des faits exclusivement attribués aux mariés. Par contre, l'isolement des postes de surveillance des malades (20%) et l'intervention tardive des soignants (40%) sont des conduites adoptées par les soignants célibataires, tout comme mariés et divorcés. Dans cet ordre, ils représentent respectivement 6%, 12% et 2% pour l'isolement ; puis 16%, 22% et 2% pour l'intervention tardive. Là également, on remarque que ces conduites sont plus fréquentes chez les mariés que chez les célibataires, et les divorcés viennent en dernière position. La situation matrimoniale des soignants constitue aussi un déterminant non négligeable des pratiques à risques. 2- caractéristiques professionnelles et modalités de prise de rôle 2-1 catégories professionnelles et pratiques à risque déclarées
Tableau 8 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction des catégories professionnelles des soignants
Il ressort du tableau que le refus d'administration de soins constitue la seule conduite à risque commune à toutes les catégories professionnelles de soignants incluses dans notre échantillon. Il est déclaré par 46% des enquêtés, dont 22% sont infirmiers, 18% médecins, 4% étudiants hospitaliers et 2% psychologue. Ensuite, on remarque aussi que certaines pratiques à risque s'observent seulement chez les infirmiers et les médecins. Il s'agit notamment de la désertion du service déclarée par 12 % de médecins et 16% d'infirmiers, de l'administration précoce de remèdes palliatifs déclarée par 14% de médecins et 4% d'infirmiers, de l'intervention tardive du soignant déclarée par16% de médecins et 24% d'infirmiers, de l'administration hâtive de soins déclarée par12% de médecins et 30% d'infirmiers. En revanche, d'autres pratiques demeurent exclusivement des faits propres aux infirmiers. Il s'agit entre autres du mépris des règles d'asepsie d'instruments déclaré par 18% d'entre eux, de la réutilisation involontaire de kits d'intervention à usage unique déclarée par 8%, de l'administration de produits en surdose déclarée par 6% puis de l'administration involontaire de produits contre-indiqués déclarée aussi par 6%. Les diagnostics incomplets représentent de façon logique, la seule pratique non déclarée par les infirmiers. Ils sont pratiqués par 28% de médecins contre 2% de psychologue. Cependant comme dans la plupart des cas, les soins incomplets sont pratiqués par 34% d'infirmiers contre 12% de médecins et 2% de psychologue. De même, l'isolement des postes de surveillance est déclaré par 16% d'infirmiers et 4% d'étudiants hospitaliers. Enfin, les lésions dues à la maladresse de manipulation d'instruments sont provoquées par 8% d'infirmiers contre 8% d'internes et 6% de médecins. On retiendra des lignes précédentes que les pratiques et conduites à risque sont plus fréquentes chez les infirmiers et les médecins que chez les autres catégories de soignants. Cela paraît évident dans la mesure où le tandem médecin-infirmier constitue normalement la chaîne de soin au CHU. 2-2 années d'expérience professionnelle et pratiques à risque déclarées Tableau 9 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction des années d'expérience professionnelles des soignants
L'analyse de ce tableau montre que les soignants enquêtés dont l'expérience professionnelle est comprise entre 0-5 ans et 6-11 ans s'abstiennent à déserter leurs services et à s'isoler des postes de surveillance des patients. La désertion des services, est donc pratiquée par 12% des enquêtés d'expérience professionnelle comprise entre 21 et 29ans, 8% expérimentés de 30 ans et plus, et 6% d'expérience comprise entre 12 et 20 ans. De même, l'isolement des postes de surveillance concerne 12% de soignants d'expérience professionnelle comprise entre 12 et 20 ans, contre 8% d'expérience comprise entre 21 et 29 ans. L'ancienneté dans le métier constitue donc un facteur déterminant dans l'explication de ces conduites. Comme dans le tableau précédent, il ressort également de ce tableau-ci que certaines pratiques et conduites sont communes à tous les soignants, peu importe leurs années d'expérience professionnelle. On y compte les soins incomplets, déclarés majoritairement par 16% des expérimentés de 6 à 11 ans, 12% de ceux de 12-20 ans et 10% de ceux de 0 à 5 ans. Ensuite, on note le refus d'administration de soins, plus fréquent chez 12% d'expérimentés entre 0-5 ans, 10% de ceux d'entre 21-29 ans, contre 8% pour chacune des autres catégories restants. L'administration hâtive des soins est plus fréquente chez 16% d'expérimentés entre 0-5 ans, 10% de ceux d'entre 12- 20 ans et 8% de la catégorie des 21-29 ans. De même, 12% des enquêtés d'expérience professionnelle allant de 12 à 20 ans déclarent une intervention tardive en faveur des patients contre 10% de ceux dont l'expérience est comprise entre 6 et 11 ans. Les diagnostics incomplets sont plus fréquents chez les soignants expérimentés de 12 à 20 ans, représentant 10% des enquêtés contre 8% d'entre eux dont l'expérience professionnelle va de 21 à 29 ans. Contrairement à la désertion des services et à l'isolement des postes de surveillance, on remarque dans ce cas-ci que les expérimentés de 30ans et plus constituent la catégorie d'enquêtés dont les fréquences des pratiques déclarées sont les moins élevées. Cependant, l'administration de produits en surdose et l'administration de produits contre-indiqués sont exclusivement pratiquées par deux groupes d'expériences professionnelles : 4% appartenant au groupe des 12-20 ans contre 2% appartenant à celui des 6-11 ans pour le premier cas, et 2% appartenant au groupe des 6-11 ans contre 1% appartenant à celui des 21-29 ans pour le second cas. Concernant la réutilisation involontaire d'un kit d'intervention à usage unique, elle est plus pratiquée par 4% des enquêtés expérimentés de 0 à 5 ans contre 2% pour chacune des catégories de 21-29 ans et 30 ans en allant. Les lésions dues à la maladresse de manipulation d'un instrument de soins sont plus fréquentes chez 8% de chacun des groupes de soignants expérimentés de 0-5 ans et 12-20 ans contre 4% pour le groupe des 21-29 ans et 2% pour les 30 ans et plus. Enfin, l'administration précoce de soins palliatifs s'observe plus chez les enquêtés expérimentés de 21 à 29 ans représentant 10% de l'échantillon ; alors que le mépris des règles d'asepsie et de stérilisation des instruments s'observe plus chez les expérimentés de 12 à 20 ans et ceux de 0 à 5 ans, représentant chacun 6% des enquêtés, contre 4% pour les expérimentés de 6 à11 ans et 2% pour ceux de 21 à 29 ans. 3- les sources de conduites de rupture de rôle 3.1 La situation de travail difficile et les contraintes qui en découlent Tableau 10 : répartition des conditions difficiles de travail évoquées par les soignants.
Les conditions de travail dans lesquelles se déroule l'activité médicale constituent un des facteurs qui sont à l'origine des pratiques à risque pour les patients. Ce tableau illustre bien la situation. Il en ressort que la pénurie de matériel évoquée par 94% des enquêtés, l'irrégularité des salaires (citée par 90% d'entre eux), leur insignifiance (évoquée par 86%), et le non paiement des primes de garde et de risque de contamination (évoqué par 78% des enquêtés) sont les situations qui indisposent le plus les soignants. Le Syndicat National du Personnel Hospitalier du Togo (SYNPHOT, 2010), confirme le dernier point en ces termes : « la prime de risque du personnel médical est fixée à 3000 F CFA le mois contre 100 000 F CFA au Bénin voisin, et pourtant les risques sont là, quotidiens ». A propos des matériels, le chef du personnel déclare : « la pénurie de matériel est un point que presque tous les soignants que vous allez aborder évoquerons sûrement ». Cependant, non seulement le matériel de soin est insuffisant, mais aussi vétuste, inadapté. 76% des enquêtés considèrent que le matériel de soin est désuet, alors que leur renouvellement constitue une véritable énigme pour le CHU. Dans le même sens, l'effectif du personnel soignant demeure aussi insuffisant face aux demandes des patients. 30% des enquêtés ont soulevé ce point et 42% s'en prennent aux infrastructures, jugées inadéquates. Les services de soin, en raison de la pénurie de moyens, ne détiennent pas une autonomie en tant que telle ; ils se trouvent dans l'obligation de procéder constamment au transfert des malades afin de pouvoir leur procurer des soins complets, alors que certains déplacements pouvaient normalement être évités. Un infirmier déclare : « le lien entre les services n'a pas l'air compliqué, mais il suffit de participer au transfert d'un malade d'un service à un autre pour se rendre compte de l'exigüité de l'espace par endroits ; il fût un temps où nous exigeons une contribution d'environ 500 francs de la part du malade pour son transfert avant que l'administration ne nous rappelle à l'ordre, sous peine de sanction dorénavant ». Tableau 11 : répartition des contraintes (situations embarrassantes) découlant des conditions difficiles de travail auxquelles les soignants se trouvent confrontées
Les conditions difficiles de travail vécues au CHU engendrent des contraintes dans l'activité médicale. 86% des enquêtés affirment travailler sans la moindre motivation à cause de l'irrégularité des salaires. Aussi, l'insuffisance du personnel soignant soumet 74% d'entre eux à la surcharge. Dans la foulée, 64% des enquêtés estiment être contraints à travailler sous le coup de la fatigue. Par ailleurs, 33 enquêtés (66%) déplorent la limitation du déploiement de leurs compétences, du fait de manque de matériel de soin. Dans cette perspective, les risques de contraction d'infections nosocomiales s'accentuent. C'est ce que témoigne aussi le secrétaire général du SYNPHOT, le docteur Walla (2010) : «tous les jours que le bon Dieu fait, on se fait piquer ; une fois je me suis fait piquer lors de l'opération d'une personne séropositive connue comme telle et vous imaginez, je ne pouvais pas faire le test parce qu'il n'y avait pas de réactifs et j'ai dû sortir l'argent de ma propre poche pour payer les médicaments ». Au CHU campus, 54% des enquêtés affirment endurer cela comme une contrainte qui empêche leur engagement total dans le travail et 22% d'entre eux en rajoutent celle causée par des incertitudes sur les traitements à adopter dans la mesure où les analyses indispensables à leur réalisation sont inachevées, faute de manque de réactifs. 3.2 Le milieu relationnel ou la situation de communication Tableau 12 : répartition des entraves à la circulation de l'information pendant l'administration des soins.
Il ressort de ce tableau que 4 grands maux minent la circulation de l'information et concourent à l'existence de la mortalité hospitalière au CHU. Parmi ces maux, 16% des enquêtés évoquent le fait que certains soignants sous-estiment les collègues avec qui ils sont appelés à collaborer. Un infirmier (28 ans, expérience professionnelle comprise entre 0 et 5 ans) s'exprime ainsi : « ici, on sollicite souvent avant vous, des gens avec qui vous partagez la même expérience professionnelle, même s'ils sont occupés à soigner d'autres patients ». 10% des enquêtés évoquent aussi l'existence de mésentente au sein des équipes soignantes ; le manque de convivialité affecte en ce sens le climat de travail. Ensuite la divergence d'opinions citée par 22% des enquêtés s'ajoute à la liste. Selon les propos d'un médecin : « les divergences d'opinions émergent surtout quand, en raison de l'insuffisance du matériel et des produits de soin, les soignants sont contraints à travailler avec les moyens de bord ». Enfin 8% des enquêtés déplorent l'existence de groupuscules informels de soignants partageant une vision commune de la légitimité des négligences temporaires des méthodes de soins, compte tenu des conditions difficiles de travail. Ces groupuscules, véritables « cercles vicieux » dans les termes de Crozier (1963) constituent également une entrave à la circulation des informations. Tableau 13 : répartition des conduites de communication bloquée susceptibles d'engendrer des risques pour les patients
Ce tableau renseigne sur les conduites de communication bloquée consécutives aux entraves à la circulation des informations. On assiste dans cette perspective à la monopolisation des décisions sur les traitements adoptés se traduisant par la réticence et le refus de tenir compte des suggestions des autres, sans en discuter préalablement. 24% des enquêtés ont soulevé ce point qu'ils considèrent comme un manque de confiance dans les aptitudes des autres. Le psychologue s'exprime en ces termes : « il arrive que certains médecins s'engagent à prendre le monopole des décisions sur les traitements administrés sans l'avis des autres alors qu'il y a des cas qui nécessitent la collaboration entre tous ». Par ailleurs, la mésentente se traduit par le fait que des soignants adoptent des attitudes d'évitement de collaboration avec des collègues ciblés. Ce point-ci fût soulevé par 14% des enquêtés. Dans la foulée, les divergences d'opinion engendrent également des disputes entre soignants pendant l'administration de soins. Un infirmier déclarait : « vis-à-vis de certaines situation, la hiérarchie du soignant s'efface devant son expérience professionnelle, et si d'autres ne l'entendent pas de cette oreille, il va falloir qu'on laisse de côté nos connaissances théoriques et que la pratique nous départage ». Ces propos s'expliquent par le fait qu'au CHU campus, la promotion s'accorde d'abord en fonction des performances des soignants, et en second lieu, selon l'ancienneté dans le métier. Dans ces circonstances, les plus expérimentés ne sont pas forcément les plus gradés. Enfin, 10% des enquêtés déplorent également la conduite de non information de la direction sur les pratiques à risque pour les malades qui s'opèrent dans les services. Ils attribuent cela à la complicité des chefs et des surveillants de service. 3.3 Évaluation de la gestion de la situation par l'administration du CHU Tableau 14 : répartition des réponses des enquêtés sur les mesures correctives adoptées par l'administration afin d'éviter le décès des patients.
Face au décès des malades hospitalisés, l'administration du CHU adopte des mesures correctives en vue d'éviter que la responsabilité des soignants ne soit engagée dans l'existence du phénomène. Selon ce tableau, 86% des enquêtés reconnaissent que le CHU contribue à l'éveil de la conscience professionnelle des soignants à travers des formations organisées à leurs endroits. 76% d'entre eux affirment également bénéficier d'un renforcement des connaissances à travers des séances de recyclage. Par ailleurs, tous les soignants enquêtés (100%) affirment que le CHU exige de leur part des rapports sur les circonstances de décès des patients, ce qui devrait normalement constituer un obstacle aux pratiques à risque adoptées, à cause des sanctions disciplinaires auxquelles ils s'exposeraient. Au rang de ces sanctions, on citera selon la gravité du comportement répréhensible, la mise-à-pied ne pouvant excéder sept jours, la mise-à-pied ne pouvant excéder un mois, la radiation du tableau d'avancement, la réduction d'ancienneté d'échelon, la rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonction, la révocation sans suspension des droits à pension et la révocation avec suspension des droits à pension. Cependant, la longue liste de pratiques à risque déclarées par les soignants eux-mêmes, traduit les limites des mesures correctives adoptées par le CHU et laisse présager l'existence d'obstacles à leur éradication. Tableau 15: répartition des obstacles à l'éradication des pratiques à risque
Si les pratiques à risque pour les malades persistent, cela est dû d'une part à l'insuffisance des mesures correctives adoptées. 56% des enquêtés déplorent la lenteur des décisions compensatoires prises par l'administration et 48% en déplorent leur caractère trop souvent provisoire. C'est ce que confirme un médecin en ces termes : « l'administration du CHU n'a jamais trouvé satisfaction à toutes les lacunes qu'on rencontre dans ce service ; on s'en tient toujours à des mesures provisoires en fonction des maigres moyens de bord ». Par ailleurs, 38% des enquêtés dénoncent l'impunité des retraités actifs, ce qu'ils estiment être aussi un obstacle à la correction des dysfonctions observées. Cela provient du fait que les soignants âgés de 60 ans et plus sont en réalité des retraités, mais le CHU continue toujours par les compter parmi l'effectif des soignants actifs, du fait de manque de personnel. On note ainsi un absentéisme récurrent de ceux-ci et une certaine marge de liberté vis-à-vis des règlements du CHU tels que l'assiduité et la ponctualité. Ils échappent en quelque sorte au contrôle de l'administration. Dans la foulée, les pratiques à risque persistent et prennent le dessus sur les mesures compensatoires prises. Pour expliquer ce fait, 14% des enquêtés affirment pour leur part une absence de suivi rigoureux sur les rapports faisant suite au décès des malades. 3.4 Les évènements personnels ressentis pendant l'exercice des rôles Tableau 16: répartition des problèmes familiaux ressentis par les soignants au service, en fonction de leur âge
Hormis les disputes conjugales, tous les autres problèmes mentionnés dans ce tableau s'observent chez toutes les catégories d'âge. En fait, les enquêtés âgés entre 20 et 25 ans sont exempts des disputes conjugales. Cependant, sur les 18% d'enquêtés touchés par le problème, 6% appartiennent au groupe d'âge des 41-50 ans, contre 4% pour le groupe des 32-40 ans, 4% également pour celui des 51-59 ans, 2% pour le groupe d'âge des 26-31 ans et 2% pour celui des 60 ans et plus. On remarque de façon générale que les autres problèmes observés chez tous les groupes d'âge sont de nature socio-économique. Parmi eux, prédominent les difficultés d'approvisionnement des ménages en biens consommables déclarées par 68% des enquêtés, dont 22% âgés entre 26 et 31 ans, 12% âgés entre 41et 50 ans, 10% âgés entre 32 et 40 ans, puis 8% pour chacune des catégories d'âge restantes. Ensuite, 56% des enquêtés sont confrontés à la mise en suspens de la satisfaction de besoins urgents ; on notera qu'elle est plus fréquente chez les plus âgés. On en compte 14% âgés entre 32 et 40 ans, 12% âgés entre 41 et 50 ans, 12% également âgés de 60 ans et plus, 10% âgés entre 51 et 59 ans, puis 4% appartenant à chacun des groupes d'âge des 20-25 ans et 26-31 ans. Par ailleurs, 54% des enquêtés affirment être endettés afin de subvenir aux besoins de leurs ménages. Parmi eux, 12% sont âgés entre 32 et 40 ans, contre 10% appartenant à chacune des catégories d'âge de 20-25 ans et 51-59 ans, 8% âgés entre 41 et 50 ans, 8% également âgés de 60 ans et plus, puis 6% âgés entre 26 et 31 ans. Tableau 17: répartition des problèmes familiaux en fonction du sexe des soignants.
L'analyse de ce tableau révèle que les difficultés d'approvisionnement des ménages en biens consommables et la mise en suspens de la satisfaction des besoins sont les deux types de problèmes personnels que rencontrent les soignants de sexe masculin tout comme ceux du sexe féminin. Cependant, ils se posent avec plus d'acuité chez les hommes que chez les femmes. En effet, 62% des enquêtés, tous de sexe masculin sont confrontés à des difficultés d'approvisionnement de leurs ménages en biens consommables contre 6% de sexe féminin. De même, 46% des enquêtés, tous de sexe masculin sont confrontés à la mise en suspens de la satisfaction de besoins urgents contre seulement 10% de femmes. En revanche, les endettements en vue de subvenir aux besoins du ménage et les disputes conjugales demeurent exclusivement des problèmes personnels des enquêtés de sexe masculin, respectivement 54% et 18% de l'effectif total des enquêtés. Les enquêtés de sexe masculin sont donc plus touchés par les problèmes personnels que les femmes. Tableau 18: répartition des problèmes familiaux des soignants en fonction de leur situation matrimoniale
Il ressort du tableau que les difficultés d'approvisionnement des ménages en bien consommables demeurent le problème majeur auquel les soignants du CHU se trouvent confrontés. Sur les 68% concernés par ce problème, les soignants divorcés constituent la cible privilégiée avec 38% des cas, contre 24% vivant encore en couple et 6% de célibataires. Ces derniers justifient leur cas par le fait qu'ils disposent des personnes à charge, dont l'entretien constitue des dépenses supplémentaires : le contexte de la famille élargie dans les sociétés africaines explique bien cette situation.
Les endettements en vue de subvenir aux besoins du ménage constituent aussi un second problème personnel qui influence l'exécution des rôles par les soignants. 59% d'entre eux affirment être concernés. Dans ce cas encore, les divorcés sont les plus touchés. Ils représentent 24% de l'échantillon, contre 18% de mariés et 12% de célibataires.
Le troisième cas de problème que représente la mise en suspens de la satisfaction de besoins urgents obéit aussi au même ordre que les deux précédents. Là également, les divorcés représentant 30% des enquêtés demeurent les plus touchés. Cela s'explique par le fait qu'ils endossent seuls les multiples dépenses de leurs ménages, ce que d'autres gèrent en couple. C'est ce qui ressort des propos d'une infirmière (37 ans, divorcée) : « il n'est pas du tout facile pour un divorcé de joindre les deux bouts surtout quand on a la garde des enfants ». Les disputes conjugales viennent enfin en dernier ressort. Seuls les mariés en sont logiquement concernés ; ils représentent 18% des enquêtés. 3.5 Les effets des évènements personnels sur la prise des rôles Tableau 19 : variation des effets induits par les évènements personnels sur l'activité médicale, en fonction des expériences professionnelles des soignants
Il ressort de ce tableau que le manque de concentration dans l'exécution des rôles demeure le seul effet induit par les évènements personnels sur l'activité médicale que subissent tous les soignants enquêtés peu importe leurs années d'expérience professionnelle. Il est plus fréquent chez les enquêtés expérimentés entre 0 et 5 ans. Ils représentent 14% des enquêtés contre 10% pour les expérimentés d'entre 6 et 11 ans, 10% également pour ceux de 12 à 20 ans, 8% pour ceux de 21 à 29 ans, et 4% pour ceux de 30 ans et plus. On remarque ensuite un désintéressement vis-à-vis du travail chez 34% des enquêtés et une passivité dans l'exécution des rôles chez 30% d'entre eux. Il est à noter que les enquêtés expérimentés entre 0 et 5 ans ne sont pas concernés. Par contre, ils sont plus fréquents chez ceux qui sont expérimentés entre 12 et 20 ans. Ces derniers représentent dans le premier cas 14% des enquêtés contre 10% pour les expérimentés de 30ans et plus, 6% pour ceux d'entre 6 et 11 ans, puis 4% pour ceux d'entre 21 et 29 ans. Dans le second cas, ils représentent 10% des enquêtés contre 8% pour les expérimentés de 21 à 29 ans, 6% pour ceux de 6 à 11 ans et 6% également pour ceux de 30 ans et plus. Dans la foulée, 22% des enquêtés affichent une nervosité notoire dans les relations professionnelles pendant l'offre de soins. Hormis les expérimentés de 12 à 20 ans, les autres groupes d'expérience professionnelles en sont concernés. 8% appartiennent au groupe des 0-5 ans, 6% à celui des 21-29 ans, 4% à celui des 6-11 ans, puis 4% à celui des 30 ans et plus. De même, on observe chez 16% des enquêtés à l'exception des expérimentés de 6 à 11 ans une prédisposition aux disputes pendant l'offre de soins. On y compte 8% des expérimentés de 30 ans et plus, 4% de ceux de 21 à 29 ans, et 2% pour chacun des deux autres catégories. Un soignant l'exprime en ces termes : « des fois je suis de mauvaise humeur ; il m'arrive de lancer certains mots agressifs à l'endroit de mes collègues, ce que je regrette après ». Tableau 20 : variations des effets induits par les évènements personnels sur l'activité médicale, en fonction des catégories professionnelles des soignants
On constate sur ce tableau que les deux effets prédominants s'observent chez toutes les catégories professionnelles incluses dans l'échantillon. Il s'agit entre autres du manque de concentration dans l'exécution des rôles observé chez 46% des enquêtés, dont 22% d'infirmiers, 12% de médecins, 10% d'étudiants hospitaliers et 2% de psychologue. C'est ce que reportent les propos d'un médecin : « il arrive a tout le monde de commettre des erreurs ; j'avoue que j'en commets, mais je pense que les miens proviennent du manque de concentration. Cela arrive quand on se sent débordé par les soucis ». Suit dans le même ordre, le désintéressement vis-à-vis du travail observé chez 34% des enquêtés, dont 16% d'infirmiers, 10% de médecins, 6% d'étudiants hospitaliers et 2% de psychologue. Cependant, la passivité dans l'exécution des rôles et la nervosité notoire dans les relations professionnelles pendant l'offre de soins demeurent propres aux médecins, infirmiers et étudiants hospitaliers. La première obéit aussi à l'ordre précédent, et s'observe chez 14% d'infirmiers, 8% de médecins et 8% d'étudiants hospitaliers. Il en est de même pour la seconde, observée chez 14% d'infirmiers, 6% de médecins, et 2% d'étudiants hospitaliers. Enfin, 10% d'infirmiers, 4% de médecins et 2% de psychologue affirment être prédisposés aux disputes pendant l'offre de soins. Chapitre III : INTERPRETATION DES RESULTATS : les dysfonctions hospitalières et risques de mortalité des malades 1- rupture entre statut, rôle et valeurs
L'approche structuro-fonctionnaliste conçoit l'hôpital tout entier comme une microsociété, incluse dans la société globale environnante dans laquelle il se localise. De ce fait, l'hôpital n'est pas socialement neutre ou différent car il présente les mêmes caractéristiques que la société, et partage alors les mêmes valeurs que celle-ci. Dès lors, pour garantir sa fiabilité, la pratique médicale devait-elle se conformer aux mêmes valeurs qu'on retrouve dans la culture ambiante. Autrement dit, les motifs qui justifient les modalités de prise de rôle par les soignants doivent être élaborés à partir des caractéristiques fondamentales propres à la société. Cependant, nous constatons que l'activité médicale au CHU campus s'éloigne de cette norme (tableau3). Selon Arnaud (1968 :7) : « depuis Hippocrate, le désintéressement et l'altruisme représentent pour la profession médicale les deux plus grandes valeurs qui soient. Au plan de la pratique, toutes les générations de médecins les considèrent comme absolument inaltérables : leur fonction essentielle, c'est de justifier l'exercice de la médecine en tout lieu et à toute époque ». C'est également le point de vue partagé par Parsons (1951) pour qui les soignants, au nom du désintéressement et de l'altruisme doivent placer le bien être du malade au-dessus de leurs intérêts personnels et exclure le mobile du profit. Dans cette optique, les soignants sont appelés à déployer, sans réserve aucune, toutes leurs compétences techniques au service des patients (mais il ressort du tableau 11 que le déploiement des compétences se trouve limité au CHU) et la guérison de ceux-ci doit constituer leur préoccupation primordiale. Ils doivent s'abstenir d'étendre leur intervention au-delà du domaine de la santé et de la maladie, et bannir de même toute attitude tendant à administrer des soins en fonction du gain qui en découle. Les soignants doivent donc « traiter les malades sans transactions ni pourboires » : (Echo de Santé, 1996 : 10)
Les progrès de la médecine à travers les découvertes de remèdes, le renforcement de l'outillage technique, l'organisation et la division du travail supposent une « rationalisation » de l'activité médicale au sens où l'entend Weber (1971). Le cadre dans lequel s'exerce la pratique médicale constitue donc un préalable à cette rationalisation. En d'autres termes, la dotation de l'hôpital en budget compatible avec ses besoins, en équipements adéquats, l'établissement des règles impersonnelles, le contrôle de l'activité interne (tableau 14), devait amener les soignants à poser des gestes professionnels uniformes à l'endroit des patients. Il s'ensuit que les malades admis dans un même service sont censés subir les mêmes traitements. Même s'il n'existe réellement pas de processus standardisé de production de soins à l'hôpital comme le souligne Souweine (2006), le soignant se doit de poser ses gestes uniquement dans le sens de l'application des compétences techniques inhérentes à sa spécialité. C'est ce que Parsons (idem) désigne par « l'universalisme du rôle ». Selon lui, la culture moderne et sa médecine incitent les soignants à universaliser leurs rôles, c'est-à-dire, à adopter des attitudes professionnelles semblables devant chaque patient. Ils doivent traiter les malades d'une manière égale en raison exclusive de ce dont ils souffrent, et non en fonction de leur catégorie sociale, d'autres formes de considérations ou des idéologies personnelles et états d'âme des soignants eux-mêmes (comme le montre si bien le tableau3). Il en ressort que les soignants doivent faire preuve de justice sociale, et se plier aux exigences de l'éthique professionnelle. De même le médecin est censé donner de bonnes instructions à l'infirmier, de même celui-ci, y compris les éventuels collaborateurs hospitaliers (tableau 8) sont appelés à les appliquer à la lettre, tout en se conformant aux critères d'intégrité dans le métier.
Le rôle du soignant sur le plan social à l'hôpital s'inscrit ici dans le cadre de ses rapports avec les patients. Il est constaté dans cette étude que la désertion du service au détriment des besoins des patients sous traitement, l'isolement des postes de surveillance, et le refus d'administration de soins constituent entre autres les pratiques ou conduites qui caractérisent les rôles des soignants au CHU campus (tableau 3). Dans ce contexte, les négociations autour des prestations de soins définies par Strauss (1992 : 88) comme : « les processus de donnant-donnant, de diplomatie, de marchandage qui caractérisent la vie d'une organisation », deviennent inévitables. Comme le soulignent Carricaburu et Ménoret (2004 :31) : « l'hôpital doit faire face aux réalités des négociations entre l'équipe soignante et les patients, mais aussi entre l'équipe soignante et les familles ». En ce sens, pour amener les soignants à se préoccuper d'eux, les patients et leurs familles ont la possibilité d'exercer une certaine influence sur ceux-ci à travers la mobilisation de leurs capitaux économiques ou sociaux. Ce principe de négociation s'éloigne du cadre formel du rôle social du soignant. Selon Arnaud (op.cit), la relation soignant-patient représente désormais une relation de type secondaire où il va de soi que le soignant ne fasse intervenir que les éléments indispensables à l'exercice de son rôle professionnel. Si les soignants du CHU campus n'arrivent parfois à adapter leurs rôles aux besoins des patients que sous l'influence des liens sociaux, affectifs, ou des potentiels économiques de ceux-ci, ils ne sont guère « désintéressés », car une telle attitude tend vers le clientélisme. Dans cette perspective, les malades dépourvus de liens sociaux et détenant juste l'essentiel, c'est-à-dire les ressources financières normalement requises pour leur guérison, deviennent en quelque sorte des cas sociaux circonstanciels. Nous retrouvons là, un autre aspect de la reproduction des inégalités sociales en milieu de soin. Carricaburu et Ménoret (idem :21) pensent que : « l'injustice sociale relative aux soins ne va pas disparaître, elle va perdurer au sein même de l'institution hospitalière ».
Comme nous l'avons mentionné précédemment, le « désintéressement » et « l'altruisme » représentent en tout lieu et en tout temps, les deux valeurs fondamentales auxquelles la pratique médicale doit se conformer (Parsons 1951 ; Arnaud 1968). Maurois (1967) partage aussi ce point de vue ; selon lui, le rôle du soignant en tout temps est de maintenir la vie et d'alléger la souffrance, tout en tenant chaque patient pour une personne humaine qui doit être respectée.
Compte tenu de la pérennité de ces deux valeurs, elles demeurent également incontournables dans l'évaluation de l'activité médicale au CHU campus. En effet, il ressort de cette étude que 28% des soignants enquêtés désertent les services de soin pour vaquer à d'autres occupations hors du CHU, et ceci, au détriment des patients sous traitement. De même, 20% d'entre eux ont tendance à s'isoler des postes de surveillance des patients. Par ailleurs, 46% de ces mêmes soignants affirment qu'il leur arrive de refuser d'administrer des soins à des patients (tableau3). Cette attitude s'explique surtout par les mouvements de grève reconnus légaux par le CHU. Néanmoins, cela va à l'encontre de l'attitude désintéressée et altruiste telle que l'entend André Maurois (idem : 12) : « aujourd'hui comme hier, l'action médicale ne doit être destinée qu'à servir le malade, en dehors de tout amour propre et de tout souci de carrière » Sous cet angle, l'écart entre l'activité des soignants et les valeurs de la pratique médicale s'exprime aussi à travers les négociations éventuelles autour de l'offre de soins, en cas de refus. On rappellera ici qu'il est dans l'habitude du CHU campus d'assurer au moins le service minimum en période de grève. Dans ces circonstances, comme nous l'avons également mentionné, l'influence sociale ou économique du malade et de son entourage, ou encore l'affectivité du dispensateur de soins sont des paramètres qui déterminent l'accomplissement des rôles. En ce sens, le désintéressement et l'altruisme ne trouvent plus place dans l'activité médicale au CHU campus : la pratique médicale se trouve dépourvue de ses valeurs fondamentales. 2- Contradiction entre conditions objectives de travail au CHU campus et poursuite des buts 2.1- Polémique des soins administrés aux patients et risques d'infections nosocomiales Loin de garantir la fiabilité des soins et le rétablissement des malades, les pratiques à risque relevant de l'activité des soignants au CHU campus sont en outre, susceptibles d'engendrer l'aggravation des états de santé des demandeurs de soin. Au rang de ces pratiques, qui peuvent directement provoquer des complications, nous relèverons notamment le mépris des règles d'asepsie et de stérilisation d'instruments de soin, la réutilisation des kits à intervention unique, et les lésions dues à la maladresse de manipulation des instruments de soin (tableau 4). Elles sont plus fréquentes chez les infirmiers que chez les médecins (tableau8). Il va sans dire que de telles pratiques font accroître les risques de contamination des malades hospitalisés, ce qui est désigné dans le langage médical sous le terme d'infections nosocomiales. Cette situation est vraiment inquiétante dans la mesure où on sait effectivement que de nos jours, certaines pathologies à l'instar du VIH-SIDA sont réputées incurables et encore, faudra-t-il que les soignants s'aperçoivent tôt de la réinfection des patients en question pour en tenir compte dans les traitements adoptés. Dans cette perspective, comme l'affirmait (Steudler, 1974 : 32), le CHU campus devient effectivement «autant un créateur de maladies qu'une institution destinée à guérir ». La lecture structuro-fonctionnaliste de cette situation nous amène à dire que les soignants du CHU campus n'arrivent pas à adapter leurs rôles aux besoins exprimés par les patients, ce qui concoure évidemment au décès de ceux d'entre eux dont l'état de santé s'aggrave pendant l'hospitalisation. Il se pose alors une défaillance de la fonction d'adaptation au niveau de l'application des rôles. 2.2- l'infrastructure et l'intégration interne
La politique prônée par l'Etat, celle qui à conduit à la création du CHU campus est de : « faire face aux besoins de plus en plus croissants de la population en matière de soins médicaux » : (décret N° 87-47/PR du 14 Mai 1987). Cependant, cette politique voit aujourd'hui ses limites dans l'incapacité du CHU à prendre en compte les besoins des patients de façon autonome. Les déplacements des malades du CHU campus vers d'autres structures de soin pour des analyses complémentaires deviennent fréquents et au sein même du CHU, les transferts de malades entre les services de soin deviennent de durs labeurs pour les soignants. 42% des soignants enquêtés déplorent cette situation qui ralenti la promptitude des soins administrés aux patients (tableau 10). Il en résulte que le CHU ne dispose plus d'infrastructures nécessaires à l'accomplissement de la politique prônée à l'endroit de son existence. Il ne s'est donc pas adapté à l'évolution des besoins à travers le temps. Aussi, l'espace dans lequel se déroule les activités de soin rend difficiles les liens nécessaires entre les services. Or, le cadre de la pratique médicale constitue un des premiers critères selon Parsons (op.cit), à l'obtention des résultats escomptés dans l'institution de soin. On en déduit que la fonction d'adaptation connaît dans ce cas aussi une défaillance due à la faiblesse de la mobilisation des ressources, plus précisément des infrastructures adéquates. 2.3- division du travail et demande de rôle La rationalisation de la médecine moderne a entrainé une division plus poussée du travail dans les institutions de soin. Cela se traduit par la spécialisation des praticiens et la spécification de leurs rôles (Parsons op. cit). Le CHU campus se conforme à cette tendance, et la composition de notre échantillon le démontre en partie : médecins, infirmiers, psychologue et étudiants hospitaliers s'y retrouvent (tableau 8). Il ressort aussi de notre enquête que tous les soignants composant l'échantillon disposent des qualifications requises pour l'exercice de leurs rôles ; la compétence technique n'y fait donc pas défaut. Toutefois, si la spécification des rôles y est établie, il est à noter que l'effectif des soignants demeure quantitativement insuffisant face à la demande de soin (tableau 10). Par conséquent, 74% des soignants enquêtés affirment subir une surcharge du travail, et cette situation amène 42% d'entre eux à administrer des soins aux patients de façon hâtive, alors que 40% se trouvent obligés de prendre le temps nécessaire pour les soins et interviennent tardivement au chevet d'autres patients. Du coup, la fatigue affecte 64% d'entre eux. Mayo (1933) pense que la fatigue exprime l'incapacité ressentie par le travailleur à continuer à exercer son rôle. Cela explique la multiplication des erreurs médicales de la part des soignants : administration de produits en surdose, réutilisation d'un kit d'intervention à usage unique, maladresse de manipulation des instruments (tableau 4). On déduira essentiellement de ces observations que le CHU campus connaît une pénurie des ressources humaines. L'activité des retraités âgés de 60 ans et plus (tableau 4) traduit bien ce manquement. Les lacunes de la fonction d'adaptation se matérialisent ici sous l'angle de la défaillance quantitative de la mobilisation des ressources humaines impliquées dans les rôles. 2.4- incohérence entre fins collectifs et fonction d'adaptation : biens et services nécessaires Dans son approche de l'institution de soin, Parsons (1955) considère qu'à la différence de l'homme d'affaires et des idéologies d'autres professions le rôle du soignant est orienté vers la collectivité et non pas vers celui qui l'exécute. Il en ressort que les fins collectifs que doivent viser les acteurs de l'institution de soin se confondent à la satisfaction des besoins de la collectivité que représentent les patients. Dans le cadre de cette étude, les services disponibles déployés à l'endroit des patients se trouvent notoirement restreints, compte tenu de la pénurie et de la désuétude accrues de matériel médical que signalent 94% des enquêtés (tableau 10). Les répercussions de cette pénurie de matériel médical s'avèrent néfastes pour les malades. Elle explique l'observation des diagnostics incomplets, ce qui provoque l'administration des soins incomplets, l'administration involontaire de produits contre-indiqués, et l'administration précoce de soins palliatifs, alors que des possibilités de guérison existent encore (tableau 4). Par ailleurs, 27% des soignants se trouvent confrontés à l'incertitude des soins à adopter. Parsons(op.cit) pense que l'exercice de la pratique médicale dans une situation d'incertitude pose particulièrement de grandes tensions pour le médecin. D'une manière générale, on constate ici que les ressources matérielles déployées par le CHU campus sont insuffisantes et incompatibles par rapport aux services à fournir. Ce constat traduit toujours une autre facette de la défaillance de la fonction d'adaptation, et son impact sur le décès des malades hospitalisés. 2.5- fins collectifs et fins individuels : les entraves à la fonction d'intégration Parmi les quatre fonctions sur lesquelles repose toute organisation, la fonction d'intégration est celle-là qui, à partir de normes et règles de contrôle, évite les déviations, introduit l'harmonie au sein des individus impliqués dans les rôles et oriente leurs attitudes professionnelles vers la réalisation des buts que poursuit l'organisation (Parsons 1964). Cependant, les entraves à la circulation de l'information pendant l'offre de soins (tableau 12) et les conduites de communication bloquée qui se développent autour du malade (tableau 13) témoignent de la désintégration des relations professionnelles et de la faible intériorisation des obligations de loyalisme au sein des services de soin du CHU. Cette étude révèle que la mésentente, la divergence d'opinion sur les méthodes de soin à adopter, l'existence de groupuscules informels (cercles vicieux) et la sous-estimation des collègues (tableau 12) constituent les entraves qui gangrènent les relations professionnelles des soignants au chevet du patient. Elles se traduisent manifestement par (tableau 13) l'évitement de collaboration avec des collègues ciblés, les disputes relatives aux méthodes de soins employées, la non-information de l'administration sur les conduites et pratiques à risque pour les malades, puis la monopolisation des décisions par un seul ou quelques individus de même catégorie professionnelles (de même spécialité). Ce dernier point survient surtout entre médecins et psychologues qui sont normalement appelés à collaborer (tableau 13). Dans cette optique, Steers et Rhodes (1978) soutiennent que dans une organisation, de piètres relations professionnelles réduisent la satisfaction et l'assiduité des employés au travail. Par extension, la moindre qualité des relations professionnelles selon Quick (1997), contribue à l'affaiblissement de l'institution à long terme. En effet, la dégradation des relations professionnelles porte également un coup à la collaboration, à la complémentarité des rôles entre les soignants ; elle amenuise la promptitude et l'intégrité des soins : la défaillance de la fonction d'intégration contribue donc au phénomène de la mortalité hospitalière au CHU campus. 2.6- processus de désintégration interne : crise des « valeurs internes » et rupture de rôle
Pour le maintien, la pérennité de son équilibre (de sa stabilité), l'activité médicale doit se conformer aux attributs, aux valeurs du travail humain (Parsons 1964). En ce sens, Mucchielli (1998) fait ressortir de l'analyse fonctionnelle de Parsons que la liberté face aux contraintes organisationnelle, la sécurité et la reconnaissance professionnelle constituent les trois valeurs primordiales portées par les organisations. Le rapprochement entre ces valeurs référentielles et les traits caractéristiques de la pratique médicale dans cette étude laisse entrevoir une crise des « valeurs internes » au CHU campus. Comme l'illustrent respectivement les tableaux 10 et 11, la pénurie et la vétusté du matériel de soin soumet les soignants aux risques permanents de contamination : leur sécurité n'est pas alors garantie. Aussi, les primes de risque de contamination qu'ils jugent dérisoires, comparativement à celles des pays voisins, se font rares. A cela, s'ajoutent l'irrégularité des salaires, jugés insignifiants par 86% des soignants (tableau 10). Dans ces circonstances, la sauvegarde de la vie du patient au CHU campus s'heurte au risque pour le soignant de perdre la sienne, ou de se confronter à des dépenses inattendues pour sa propre santé, et cela en absence d'une rémunération conséquente. En dépit des promotions qui leurs sont accordées, cette situation traduit une certaine ingratitude vis-à-vis des soignants, et la non -reconnaissance de leurs efforts en faveur des malades et des buts visés par le CHU en général. En ce sens, Maslow (1954) estime que pour sa motivation au travail, le soignant doit être défini comme un être doté de besoins psychologiques « naturels » et stables devant être satisfaits : besoins de sécurité, d'estime de soi, et d'épanouissement personnel. Il doit aussi, selon Mc Gregor (1960), être reconnu et traité comme responsable et créatif. L'absence de « sécurité » au travail et de « reconnaissance » des efforts fournis amènent les soignants à se désengager du travail et à s'intéresser à des activités rémunératrices hors du CHU campus. Or, dans le même ordre d'idées que Parsons, Porter et Steers (1982) précisent que le travailleur devait être animé d'un sentiment d'engagement, synonyme de loyauté, d'appartenance forte à l'organisation pour laquelle il décide de faire un effort de plus. Ainsi, le désengagement se traduit ici par la désertion du service au détriment des patients sous traitement, l'isolement des postes de surveillance des patients et le refus d'administration de soins faisant suite aux mouvements de grève (tableau 4). Il ressort de ces lignes que la mortalité hospitalière au CHU campus s'explique aussi par une défaillance de la fonction de motivation ; le travail des soignants se trouve déshumanisé, ce qui les amène à adopter des attitudes de rupture de rôle au détriment des malades. 3- Conflit entre environnement professionnel et milieu familial du soignant 3.1- Précarité salariale et rôles parallèles « Seuls peuvent sourire pendant leur travail, ceux qui authentiquement, je veux dire physiquement et moralement, éprouvent de la satisfaction à l'accomplir » : disait Friedmann (1950 :185). Il s'ensuit que le travail, loin de toute usure, devait permettre la réalisation de soi (Mc Clelland, 1961). Mais, comme nous l'avons déjà mentionné, tel n'est pas le cas au CHU campus. Nous rappellerons que la désertion des services de soin pour d'autres occupations et le refus d'administration de soins faisant suite aux grèves (tableau 4), caractérisent explicitement, l'expression de la précarité salariale, et donc de l'insatisfaction des soignants face à un travail qui ne favorise pas leur épanouissement. Dès lors, il paraît clair que les pratiques et conduites à risque qui provoquent le décès des patients hospitalisés trouvent également leur origine dans la précarité salariale qui sévit au CHU. Cependant, si les attitudes au travail dépendent aussi de « rapports du travailleur avec les diverses collectivités dont il est membre »: (Friedmann 1961 : 17), il convient ici d'établir un prolongement de l'approche fonctionnaliste de Parsons hors du cadre physique du CHU pour appréhender l'effet de boomerang entre l'environnement intérieur et extérieur particulièrement dans le contexte actuel de la précarité salariale. Cela nous amène plus précisément à établir un rapport entre la précarité salariale, sont influence sur les problèmes familiaux des soignants et les effets de ces problèmes sur l'exercice des rôles. 3.2- Précarité socioéconomique et climat familial L'étude démontre que les disputes conjugales, les difficultés d'approvisionnement des ménages en bien consommables, les endettements pour la satisfaction des besoins du ménage et la mise en suspens de la satisfaction de besoins urgents constituent les problèmes familiaux que les soignants ressentent jusqu'au service (tableau 18). Parmi ces problèmes, ceux qui sont d'ordre socioéconomique trouvent leur source réelle dans la précarité salariale qui pèse sur les soignants du CHU. D'ailleurs, il est à noter que généralement, l'activité productive n'offre pas un moyen d'oublier les problèmes familiaux, pour ceux dont le travail est peu valorisant (Friedmann, 1964). Autrement dit, les difficultés d'approvisionnement des ménages en biens consommables, les endettements, et la non-satisfaction de besoins urgents proviennent de l'irrégularité et de l'incommodité des salaires (tableau 10). On soulignera que ces problèmes sont différemment ressentis par les soignants dans leurs activités et leurs intensités varient selon l'âge (tableau16), le sexe (tableau 17) et la situation familiale des soignants (tableau 18). Il est remarqué dans ce dernier cas que les soignants mariés constituent la cible privilégiée sur laquelle les problèmes personnels font plus sensation au travail. Il s'ensuit généralement que la précarité salariale agit également, d'une façon indirecte sur l'offre de soin, par l'entremise des problèmes socioéconomiques qu'elle crée dans l'environnement familial des soignants. 3.3- Climat familial, effets ressentis et rupture de rôle La passivité dans l'exécution des rôles, le manque de concentration, le désintéressement vis-à-vis du travail, la nervosité dans les relations professionnelles pendant l'offre de soins, et la prédisposition aux disputes constituent les effets induits par les problèmes personnels des soignants sur l'activité médicale (tableau 20). Effectivement, toutes les tensions et les frustrations ne sont pas forcément imputables au seul travail en lui-même, car des problèmes familiaux peuvent produire les mêmes effets (G. Friedmann, idem). Il va sans dire que ces effets se trouvent aussi en partie, à l'origine des pratiques et conduites de rupture de rôle qui émaillent l'activité des soignants au CHU. D'une part, le désintéressement vis-à-vis du travail se caractérise par l'isolement des postes de surveillance médicale, le mépris des règles d'hygiène des instruments de soin et les désertions du service (tableau4). D'autre part, le manque de concentration se traduit par des erreurs médicales telles que la maladresse de manipulation des instruments de soin, l'administration de produits en surdose, et la réutilisation de kits à usage unique (tableau 4). Aussi, le climat de travail se trouve détérioré par la nervosité et la prédisposition de certains soignants aux disputes. De ce fait, la précarité salariale reconnue également comme une défaillance de la mobilisation des ressources financières par Parsons (op.cit) influe d'une autre façon sur l'exercice des rôles, de par les problèmes qu'elle crée dans le milieu familial des soignants. On retiendra essentiellement que l'environnement professionnel et le milieu familial s'interagissent ; la précarité salariale accentue les problèmes socioéconomiques du milieu familial des soignants, ce que ceux-ci ressentent jusqu'au travail et qui se répercute sur l'exercice de leurs rôles. La figure suivante illustre bien le mécanisme.
(Précarité salariale, problèmes socioéconomiques) ----------------------------------------------------------? ?---------------------------------------------------------- (Rupture de rôle, effets ressentis) Figure 1 : conflit entre environnement professionnel et milieu familial du soignant (contexte de la précarité salariale). 4- Fonctionnement interne, régulation et problème du changement 4.1- Le contrôle social des ruptures de rôle et les changements normativement attendus Le contrôle social à l'hôpital s'inscrit généralement dans le cadre du maintien de l'ordre social (Parsons, op.cit). Cela passe inévitablement par le contrôle des pratiques et attitudes de rupture de rôle. Plus précisément dans cette étude, il est question des actions entreprises par l'administration du CHU campus, qui vont dans le sens de l'éradication de la mortalité hospitalière causée par le milieu de soin même. C'est dans la ligne de ces préoccupations que se situent l'exigence des rapports sur les circonstances de décès des malades, et aussi l'organisation des séances de formation et de recyclage du personnel soignant (tableau 14). Cette démarche vise le renforcement des connaissances, l'éveil de la conscience professionnelle des soignants, l'adoption de mesures disciplinaires ou sanctions éventuelles vis-à-vis des manquements et irrégularités constatés dans le décès des patients hospitalisés. Ainsi, le contrôle va jouer dans l'organisation hospitalière, ce rôle de limiteur de risques (Souweine, op.cit). Si cette initiative aboutit vraiment aux buts visés par l'administration, on n'assisterait plus aux pratiques et attitudes hors norme et l'activité médicale suivra alors son cours normal sans obstacle. Le personnel soignant se conformerait alors à « l'ajustement primaire », qui prend effet « lorsqu'un individu collabore à une organisation en participant à une activité demandée dans les conditions requises, sous l'impulsion des motivations courantes, telles que la recherche du bien-être qu'offre l'institution, l'énergie que procurent stimulants et valeurs associées et la crainte de sanctions prévues » :(Goffman, 1968 :245).
4.2- Les entraves au changement Les mesures correctives prises par l'administration s'heurtent d'abord à leur propre lenteur et à leur caractère trop souvent provisoire. Le CHU éprouve du mal à répondre de manière spontanée aux lacunes signalées au niveau des services de soin (tableau 15). De même, on note une absence de suivi rigoureux sur les rapports faisant suite au décès des malades ; le CHU ne dispose d'aucun mécanisme pour vérifier la véracité des contenus de ces rapports, et des détails importants des réalités de l'activité médicale au sein des services de soin échappent au personnel administratif. En outre, la rétention en service des retraités et la marge de liberté que s'octroient ceux-ci face à la ponctualité et à l'assiduité (tableau 4) pèsent aussi sur le contrôle normal des activités au sein des services du CHU. Du coup, le reste des soignants interprète cela comme une injustice, une application sélective des règlements du CHU (tableau 15). On assiste plutôt à un ajustement secondaire, celle qui « représente pour l'individu un moyen de s'écarter du rôle et du personnage que l'institution lui assigne » :(Goffman, idem:245). Dans cette perspective, les faiblesses des stratégies de réajustement des rôles des soignants traduisent aux yeux de Parsons (op.cit), une incapacité d'organisation des activités et donc une défaillance de la fonction de définition des buts (réalisation). 4.3- Les mécanismes ou les conditions du changement au CHU campus 4.3.1- Les conditions théoriquement requises Dans toute institution comme au CHU campus, les conditions généralement requises pour la normalisation des activités demeurent pareilles : il faut que les prérequis fonctionnels (adaptation, réalisation, intégration et motivation) trouvent à s'exprimer au moins d'une façon relative (Parsons, op.cit). Autrement dit, il faut que le responsable de l'institution produise les actions qui permettront la satisfaction des « besoins nécessaires » que sont l'adaptation, la réalisation, l'intégration et la motivation (Rocher, 1972). Etant donné que l'activité médicale au CHU campus est sujette à des défaillances dans l'expression des quatre prérequis fonctionnels, la réinstauration des quatre fonctions inhérentes à ces prérequis s'y impose comme condition sine qua non au changement. De prime à bord, un réajustement des ressources financières, matérielles et humaines s'avère indispensable en vue de répondre aux défaillances d'adaptation qui ressortent de cette étude : risque de réinfection des malades dû à des erreurs techniques, pénurie et vétusté des infrastructures et matériel médical, insuffisance des effectifs de soignants dans les services de soin. Ensuite, l'administration a intérêt à mettre en place un procédé lui permettant d'avoir un aperçu clair des réalités qui caractérisent la prise des rôles dans les services de soin afin de pouvoir opérer de temps en temps, les ajustements nécessaires à la production des soins de qualité. Elle doit veiller à l'application de ses règles et normes de conduite, et amener tous les soignants à s'y conformer sans exception d'âge, de grade, d'ancienneté, de catégorie professionnelle, pour une normalisation des liens professionnels et l'instauration d'une certaine harmonie au sein des équipes soignantes. Enfin, l'activité des soignants au sein du CHU campus doit se fonder sur les considérations éthiques du travail humain. La valorisation du métier, la protection des soignants contre les risques encourus sont des attributs que l'administration doit nécessairement joindre au statut de soignant. Vu l'ampleur des dysfonctionnements constatés par cette étude, l'instauration d'un changement total au CHU campus constitue un véritable défi et une initiative de longue haleine. Cependant, elle paraît peu évidente compte tenu des difficultés actuelles de l'état à assumer le financement des institutions de soin du système national de santé. Dans cette perspective, il convient plutôt de formuler des suggestions en se fondant sur les conditions objectives de leur faisabilité. 4.3.2- Vérification des hypothèses A la lumière des résultats auxquels nous sommes parvenus, il paraît clair que la pénurie des ressources matérielles, financières et humaines, les mauvaises conditions de travail et les contraintes consécutives qu'elle engendre concourent au décès des malades hospitalisés. Notre première hypothèse spécifique est donc vérifiée. Nous avons aussi noté que les faiblesses des mesures correctives adoptées par le CHU et la persistance des obstacles à l'éradication des pratiques à risques pour les malades témoignent incontestablement d'une défaillance dans l'organisation des activités de soin et dans la planification des buts. Notre deuxième hypothèse spécifique est aussi vérifiée. Dans la foulée, les entraves à la circulation des informations pendant l'offre de soins, les conduites de communication bloquée, associées à la déshumanisation du travail justifient la confirmation de notre troisième hypothèse spécifique. La mortalité hospitalière est effectivement un phénomène interne à l'hôpital. Elle résulte réellement des dysfonctionnements constatés dans l'activité médicale. 4.3.3-Suggestions : les mécanismes d'un changement objectif au CHU campus Les dysfonctions du CHU campus qui ressortent de cette étude nécessitent l'une comme l'autre, des apports de solution certes, mais le recrutement du personnel de soin supplémentaire et la réglementation de leur situation salariale s'avère primordiale afin d'éviter les grèves répétitives et d'assurer la permanence de l'offre des soins. Ensuite, la mobilisation de l'essentiel de matériel de soin est obligatoirement requise pour un déploiement plus aisé et accrue des compétences techniques des soignants. Les problèmes d'organisation des activités, de réglementation des conduites et de considérations éthiques du travail au sein du CHU trouveront satisfaction seulement après les deux premiers points que nous venons de citer. De ce fait, il nous paraît raisonnable d'articuler nos suggestions de façon concise autour de deux pôles d'intervention (l'extérieur et l'intérieur). · A l'extérieur du CHU Nos suggestions vont à l'endroit de l'état : - procéder au recrutement du personnel soignant pour rééquilibrer les effectifs dans les services de soin après les départs à la retraite - veiller à la régularité des salaires et primes à défaut de les augmenter - doter le CHU campus d'un budget susceptible de couvrir les besoins en infrastructures et les limites du plateau technique (ensemble des équipements) - solliciter l'appui des coopérateurs internationaux supplémentaires afin d'accroître les possibilités de subventions de toute nature Ainsi, l'état s'assurera d'avoir répondu aux droits des soignants et peut alors exiger l'accomplissement des devoirs de ceux-ci vis-à-vis du CHU. · A l'intérieur du CHU Nos suggestions vont à l'endroit de la direction du CHU : - une fois les revendications des soignants prises en compte par l'état, la direction doit s'atteler à obtenir l'adhésion des chefs et surveillants de service ainsi que de la surveillante générale à la réalisation des objectifs du CHU à travers des réunions ; cette action visera à les amener à accomplir leurs rôles avec plus d'honnêteté, sans négligence et sans parti pris. Ceux-ci fourniront davantage les informations réelles, relatives au déroulement des activités et aux lacunes rencontrées dans les services de soin - suite aux informations recueillies dans les services de soin, la direction devra agir immédiatement pour palier les déficits et appliquer les mesures disciplinaires contre les pratiques et conduites déviantes - le personnel administratif doit opérer des visites impromptues dans les unités d'hospitalisation des services de soin pour recueillir, les impressions des malades et de leurs familles sur les traitements reçus, à travers de petites causeries. Cela permettra à la direction de cerner les besoins réels des patients avec exactitudes, et d'anticiper sur les pratiques et conduites à risque dont ils font l'objet
Nos suggestions vont également à l'endroit des soignants : - même dans les conditions les plus difficiles, faire davantage preuve de sacrifice et d'humanisme en évitant au maximum de poser consciemment des actes susceptibles de provoquer la perte de vie des patients.
CONCLUSION
Conclusion Cette étude s'est fixé l'objectif de mesurer l'impact des dysfonctionnements du CHU campus sur la mortalité hospitalière, plus précisément aux niveaux de la mobilisation des ressources, de la définition des buts, de l'intégration du personnel et de leur motivation. A la suite, nous avons émis l'hypothèse selon laquelle, la mortalité hospitalière est un phénomène interne au CHU, et qu'elle résulte des dysfonctionnements dans l'activité médicale. D'une manière plus précise, elle provient de l'incompatibilité des ressources du CHU avec les besoins des patients, d'une défaillance dans la définition des objectifs, de la détérioration des relations professionnelles pendant l'offre de soins et de la non-motivation des soignants.
Au terme de la recherche, nous estimons que nos objectifs ont été atteints et que les hypothèses énumérées ci-dessus se vérifient également. Le CHU connaît effectivement des dysfonctions qui concourent à l'existence de la mortalité hospitalière. La pénurie et la vétusté des infrastructures et matériels de soin, l'insuffisance du personnel soignant, l'irrégularité et l'incommodité des salaires, ajoutées au non-paiement des primes de garde et de risque de contamination ont contribué à la dégradation de la qualité des soins ; les pratiques à risque pour les patients qui s'y développent le témoignent bien. L'approche fonctionnaliste a été d'une grande importance dans la réussite de cette étude. Cependant, il convient de souligner que non seulement, les dysfonctions du milieu interne (CHU) provoquent directement des pratiques et conduites de rupture de rôle, mais aussi de façon indirecte à travers les bouleversements qu'elles produisent dans la cellule familiale du soignant, et les répercussions de ces bouleversements sur le travail. Le rapport entre l'environnement intérieur (CHU campus) et le milieu familial du soignant dans la production des ruptures de rôle est ainsi établi, et rend cette recherche relativement complète. Néanmoins, à l'image de toutes les oeuvres humaines, cette étude ne peut exceptionnellement prétendre à l'exhaustivité. Des brèches restent donc ouvertes pour des analyses du phénomène sous d'autres dimensions que notre recherche n'a pu aborder. BIBLIOGRAPHIE BIBLIOGRAPHIE I. OUVRAGES METHODOLOGIQUES BERTHIER N. (2006), Les techniques d'enquêtes en sciences sociales, Paris, A. Colin. BOUDON R. 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SECTION 2 : REALITES DE LA PRATIQUE MEDICALE AU C.H.U CAMPUS : CONDUITES ET PRATIQUES A RISQUE POUR LES PATIENTS
SECTION 3 : LES SOURCES DES PRATIQUES ET CONDUITES A RISQUE POUR LES MALADES
ANNEXE 2 : ORGANIGRAMME DU CHU CAMPUS TABLE DES MATIERES TABLE DES MATIERES DEDICACES.............................................................................................................................................2 REMERCIEMENTS..................................................................................................................................3 SOMMAIRE.............................................................................................................................................4 SIGLES ET ABREVIATIONS....................................................................................................................5 INTRODUCTION.....................................................................................................................................6 PREMIERE PARTIE : CADRES THEORIQUE, CONCEPTUEL, INSTITUTIONNEL ET METHODOLOGIQUE ..............................................................................................................9 Chapitre I : cadres théorique et conceptuel.......................................................................9 1. Analyse de la situation........................................................................................................9 Tableau 1 : variations du taux de mortalité hospitalière dans les services du CHU Campus, bilans de 2007 et 2008...........................................................................................11 2. problématique.....................................................................................................................13 3. Hypothèses et objectifs de recherche.............................................................................15 4. Intérêt de l'étude................................................................................................................16 5. Les raisons du choix du sujet.............................................................................................17 6. Analyse conceptuelle......................................................................................................18 6.1 Dysfonctions sociales........................................................................................................18 6.2 La mortalité hospitalière...................................................................................................20 7. Analyse du phénomène selon la théorie structuro-fonctionnelle de T. Parsons.......................................................................................................................................21 8. Revue de la littérature........................................................................................................23 8.1 Les études liant la mortalité hospitalière à la maladie d'origine.....................................................................................................................................23 8.2 Les études liant la mortalité hospitalière à l'âge avancé ou à une négligence de la part des patients.......................................................................................................................24 8.3 Les études qui attribuent la mortalité hospitalière aux dysfonctions du milieu de soin.............................................................................................................................................25 Chapitre II : cadres institutionnel et méthodologique........................................................28 1. Cadre juridique................................................................................................................28 2. Cadre institutionnel.............................................................................................................29 2.1 Situation géographique.....................................................................................................29 2.2 Historique............................................................................................................................29 2.3 Structures de contrôle de la pratique médicale............................................................30 2.4 Les services d'aide aux diagnostics .................................................................................33 3. Cadre méthodologique......................................................................................................33 3.1 Techniques de recherche.................................................................................................33 3.1.1 La pré-enquête...........................................................................................................33 3.1.2 La recherche documentaire...........................................................................................33 3.1.3 Choix et justification des variables et indicateurs......................................................34 3.1.4 Les variables d'étude......................................................................................................34 3.1.5Les indicateurs..................................................................................................................35 3.1.6Recherche quantitative...................................................................................................36 3.1.6.1Univers de l'enquête ...................................................................................................36 3.1.6.2Le groupe cible prioritaire .........................................................................................36 3.1.6.3Méthode d'échantillonnage........................................................................................36 Tableau2 : répartition de l'effectif des soignants selon les services respectifs.............37 3.1.6.4Elaboration du questionnaire.....................................................................................37 3.1.6.5Le test du questionnaire..............................................................................................38 3.1.6.6Administration du questionnaire............................................................................38 3.2 Méthode d'analyse des données ................................................................................38 3.3 Difficultés rencontrées....................................................................................................39 DEUXIEME PARTIE : PRESENTATION, ANALYSE DES DONNEES ET INTERPRETATION DES RESULTATS......................................................................................................................40 Chapitre I : présentation et analyse des données..............................................................41 1- Caractéristiques sociodémographiques et conduites de rupture de rôle................41 1.1 Age et modalités de prise de rôle................................................................................41 Tableau 3 : distribution des enquêtés selon les pratiques à risque perçues pour les malades....................................................................................................................................41 Tableau 4 : répartition des pratiques médicales à risque déclarées en fonction des classes d'âge des soignants...................................................................................................42 Tableau 5 : répartition des soignants en fonction de leur âge, et du nombre de malades sous traitement décédés qu'ils auraient pu sauver...........................................................45 1.2 Sexe et modalités de prise de rôle (pratique médicales à risque déclarées pour les malades....................................................................................................................................46 Tableau 6 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction du sexe des soignants...................................................................................................................................47 1.3 Situation matrimoniale et pratique médicales à risque déclarées pour les malades.....................................................................................................................................48 Tableau 7 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction de la situation matrimoniale des soignants...................................................................................................49 2- caractéristiques professionnelles et modalités de prise de rôle.................................50 2-1 catégories professionnelles et pratiques à risque déclarée......................................50 Tableau 8 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction des catégories professionnelles des soignants..............................................................................................51 2-2 années d'expérience professionnelle et pratiques à risque déclarées....................53 Tableau 9 : répartition des pratiques à risque déclarées en fonction des années d'expérience professionnelles des soignants......................................................................53 3- les sources de conduites de rupture de rôle....................................................................55 3.1 La situation de travail difficile et les contraintes qui en découlent...........................55 Tableau 10 : répartition des conditions difficiles de travail évoquées par les soignants....................................................................................................................................55 Tableau 11 : répartition des contraintes (situations embarrassantes) découlant des conditions difficiles de travail auxquelles les soignants se trouvent confrontées................................................................................................................................57 3.2 Le milieu relationnel ou la situation de communication.............................................58 Tableau 12 : répartition des entraves à la circulation de l'information pendant l'administration des soins........................................................................................................58 Tableau 13 : répartition des conduites de communication bloquée susceptibles d'engendrer des risques pour les patients............................................................................59 3.3 Évaluation de la gestion de la situation par l'administration du CHU.......................60 Tableau 14 : répartition des réponses des enquêtés sur les mesures correctives adoptées par l'administration afin d'éviter le décès des patients.....................................60 Tableau 15: répartition des obstacles à l'éradication des pratiques à risque..................61 3.4 Les évènements personnels ressentis pendant l'exercice des rôles..........................62 Tableau 16: répartition des problèmes familiaux ressentis par les soignants au service, en fonction de leur âge............................................................................................................63 Tableau 17: répartition des problèmes familiaux ressentis jusqu'au travail en fonction du sexe des soignants...............................................................................................................64 Tableau 18: répartition des problèmes familiaux des soignants en fonction de leur situation matrimoniale.............................................................................................................65 3.5 Les effets des évènements personnels sur la prise des rôles.......................................66 Tableau 19 : variation des effets induits par les évènements personnels sur l'activité médicale, en fonction des expériences professionnelles des soignants...........................67 Tableau 20 : variations des effets induits par les évènements personnels sur l'activité médicale, en fonction des catégories professionnelles des soignants..............................69 Chapitre II : INTERPRETATION DES RESULTATS : les dysfonctions hospitalières et risques de mortalité des malades........................................................................................................71 1- rupture entre statut, rôle et valeurs ........................................................................71
2- Contradiction entre conditions objectives de travail au CHU campus et poursuite des buts.............................................................................................................................................75 2.1- Polémique des soins administrés aux patients et risques d'infections nosocomiales.............................................................................................................................75 2.2- l'infrastructure et l'intégration interne.........................................................................75 2.3- division du travail et demande de rôle..........................................................................76 2.4- incohérence entre fins collectifs et fonction d'adaptation : biens et services nécessaires.................................................................................................................................77 2.5- fins collectifs et fins individuels : les entraves à la fonction d'intégration...............78 2.6- processus de désintégration interne : crise des « valeurs internes » et rupture de rôle..............................................................................................................................................79 3- Conflit entre environnement professionnel et milieu familial du soignant...............80 3.1- Précarité salariale et rôles parallèles ..........................................................................80 3.2- Précarité socioéconomique et climat familial..............................................................81 3.3- Climat familial, effets ressentis et rupture de rôle......................................................82 Figure 1 : conflit entre environnement professionnel et milieu familial du soignant (contexte de la précarité salariale).......................................................................................83 4- Fonctionnement interne, régulation et problème du changement.............................83 4.1- Le contrôle social des ruptures de rôle et les changements normativement attendus.....................................................................................................................................83 4.2- Les entraves au changement.........................................................................................84 4.3- Les mécanismes ou les conditions du changement au CHU campus.......................85 4.3.1- Les conditions théoriquement requises.....................................................................85 4.3.2-Vérification des hypothèses..........................................................................................86 4.3.3- suggestions : les mécanismes d'un changement objectif au CHU campus.......................................................................................................................................87 CONCLUSION............................................................................................................................91 BIBLIOGRAPHIE.........................................................................................................................94 ANNEXES....................................................................................................................................99 Annexe 1 : questionnaires d'enquête................................................................................. 100 Annexe 2 : organigramme du CHU campus..................................................................... 104 |
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