INTRODUCTION GENERALE
L'affaire relative à des Questions concernant
l'obligation de poursuivre ou d'extrader1(*), entre la Belgique et le Sénégal, est
portée devant la Cour internationale de Justice (ci-après :
« la Cour ») au moment où la lutte contre
l'impunité2(*) est
devenue une préoccupation essentielle3(*) de la société internationale.
L'Ordonnance rendue par la Cour le 28 mai 20094(*) est une décision avant-dire-droit
c'est-à-dire une décision ayant pour objet de régler un
point de procédure sans statuer sur le fond de l'affaire. Il s'agit du
résultat d'une procédure incidente5(*) à savoir l'examen de la demande en indication
de mesures conservatoires introduite au Greffe de la Cour le 19 février
2009 par la Belgique. Cette procédure est prévue par le Titre
III, Section D, Sous-section 1 du Règlement de la CIJ, tel
qu'adopté le 14 avril 1978 (entré en vigueur le 1er juillet
1978). Les mesures conservatoires ont une très grande valeur dans le
règlement juridictionnel des différends, dans la mesure où
elles sont « destinée[s] à assurer qu'en attendant le
règlement de droits contestés, ceux-ci soient
sauvegardés »6(*). Le contentieux qui oppose la Belgique au
Sénégal est inédit dans la mesure où la Cour est
invitée pour la première fois à statuer sur la question
sensible de l'obligation de poursuivre ou d'extrader les auteurs de crimes
internationaux. La Cour devrait en effet dire si oui ou non le
Sénégal a l'obligation d'extrader à défaut de
poursuivre Hissène HABRE que d'aucuns n'hésitent pas à
qualifier de « Pinochet africain »7(*).
*
Malgré la gravité et le nombre de crimes
imputés à l'ancien président tchadien8(*), « l'affaire
Habré » n'a pas beaucoup retenu l'attention de la
doctrine publiciste africaine. Peut-être n'a-t-elle pas voulu
étudier une espèce inachevée. L'article de Abdoullah
CISSE9(*), bien que
consacré à « l'affaire
Habré », n'analyse que la jurisprudence en la
matière au Sénégal et qui plus est, date du 20 mars
200110(*). Pourtant
nombreux sont les auteurs non africains qui se sont penchés sur cette
affaire11(*).
L'étude de l'Ordonnance en indication de mesures
conservatoires du 28 mai 2009, en l'affaire relative à des Questions
concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, est
intéressante à plusieurs égards. Cette décision est
importante et présente un intérêt d'autant plus grand
qu'elle a en toile de fond l'opportunité de l'indication des mesures
conservatoires. En outre, c'est une décision récente, rendue
alors que la question de la compétence universelle12(*) des juridictions internes en
matière de répression des crimes internationaux, qui
préoccupe particulièrement les dirigeants africains, n'a pas
encore connu d'éclairage jurisprudentiel au niveau de la C.I.J. La
saisine de la Cour par le Royaume de Belgique le 19 février 2009 a
marqué l'actualité événementielle13(*). Elle a également
suscité beaucoup d'espoir tant parmi les victimes des exactions de
l'ex-président tchadien que parmi les militants de la lutte contre
l'impunité des auteurs de crimes contre l'humanité14(*). La décision de la Cour
dans cette procédure incidente était donc très attendue
dans la mesure où « l'obligation de juger ou d'extrader, [...]
qui découle du principe de juridiction universelle, suscite
l'intérêt en ces temps où le droit pénal
s'internationalise » 15(*). Sur le plan processuel, c'est la
première fois qu'un État (la Belgique) sollicite l'office de la
Cour afin que celle-ci indique des mesures conservatoires afin que la
compétence universelle soit exercée. Il convient de relever que
dans l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République Démocratique du Congo c. Belgique), la demande
en indication des mesures conservatoires déposée au Greffe de la
Cour, le 17 octobre 2000, par la RDC, « tend[ait plutôt] à
faire ordonner la mainlevée immédiate du mandat d'arrêt
litigieux »16(*). La Cour a ainsi une nouvelle
opportunité17(*) de
contribuer au développement du droit pénal international18(*). En effet, la Belgique qui
fait figure de grande promotrice de la compétence universelle19(*) a connu quelques
déconvenues diplomatiques du fait de sa législation en
matière de compétence universelle.
De fait, la Belgique, « bras séculier de la
lutte universelle contre l'impunité des crimes
majeurs »20(*)
est confrontée au « mouvement du
balancier »21(*) : après un engouement sans réserve
en faveur de la compétence universelle (la loi belge de 1999 a
été votée à l'unanimité au Parlement), il y
a eu un démantèlement de ce principe sous la pression de certains
États dont les dirigeants ont été mis en cause dans des
plaintes en Belgique. C'est notamment le cas de la République
Démocratique du Congo qui a utilisé le canal de la justice
internationale22(*) pour
faire échouer la tentative de mise en oeuvre de la compétence
universelle belge concernant son ministre des Affaires étrangères
bénéficiant d'immunités de juridiction pénale. Par
ailleurs, les États-Unis et Israël, « États
puissants », ont usé de pressions économiques et
politiques23(*) pour la
pousser à modifier sa législation24(*).
L'intérêt que l'on peut porter à cette
étude résulte enfin de l'importance d'une ordonnance25(*), rendue par
« l'Organe judiciaire principal »26(*) des Nations Unies, pour la
poursuite de la procédure dans l'affaire relative à des
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal). De ce fait, l'étude de l'Ordonnance en
indication de mesures conservatoires du 28 mai 2009 s'en trouve pleinement
justifiée.
*
Les faits27(*) pertinents de la présente espèce
remontent à 1990, année au cours de laquelle Hissène
HABRE, président de la République du Tchad du 7 juin 1982 au
1er décembre 1990, fut chassé du pouvoir par les
forces insurgées de Idriss DEBY ITNO. Après une escale au
Cameroun, Hissène HABRE se réfugia alors au Sénégal
où il vécut en exil paisiblement jusqu'en 2000. Mais suite
à une plainte déposée le 25 janvier 2000 par sept
personnes et par une ONG, l'Association des Victimes de Crimes et de
Répression Politiques au Tchad (AVCRP), l'ex-président tchadien
sera inculpé la semaine suivante à Dakar de faits de
complicité de « crimes contre l'humanité, d'actes de torture
et de barbarie » et assigné à résidence. Cette
inculpation fut rejetée par la Chambre d'accusation de la Cour d'appel
de Dakar le 4 juillet 2000, au motif que « les juridictions
sénégalaises ne peuvent connaître des faits de torture
commis par un étranger en dehors du territoire sénégalais
quelles que soient les nationalités des victimes, que le libellé
de l'article 669 du Code de Procédure Pénale exclut cette
compétence »28(*).
Entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, un
ressortissant belge d'origine tchadienne et plusieurs ressortissants tchadiens
vont déposer des plaintes similaires auprès de la Justice belge.
Depuis fin 2001, les instances judiciaires belges ont adressé de
nombreux « devoirs d'instruction judiciaire » (commissions
rogatoires) au Sénégal. Le 29 septembre 2005, elles ont
délivré, à l'encontre de l'ex-président tchadien,
un mandat d'arrêt international auquel la justice
sénégalaise a opposé une fin de non-recevoir, motif pris
de ce qu'il concernerait des faits commis par un chef d'État
« dans l'exercice de ses fonctions ». Pourtant ledit mandat
faisait référence à la levée par le Tchad, le 7
octobre 2002, des immunités de Hissène HABRE29(*).
L'on se souviendra en effet que, suite à une lettre
ouverte adressée au président Abdoulaye WADE par la FIDH30(*) et ses organisations
membres31(*), l'appelant
à répondre favorablement à la demande d'extradition de
Hissène HABRE vers la Belgique, celui-ci a été
arrêté et placé en détention à Dakar, le 15
novembre 2005. Mais quelques jours plus tard, le 24 novembre, le Procureur de
la République du Sénégal a recommandé à la
Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dakar de se déclarer
incompétente pour statuer sur la demande d'extradition. En
conséquence, l'ex-président tchadien a été
relâché le lendemain32(*).
L'affaire connaîtra un nouveau rebondissement lorsque le
Sénégal décide de solliciter l'"arbitrage" de l'Union
Africaine (ci-après : « UA »). La
Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'UA est alors
informée lors de sa sixième session ordinaire, tenue à
Khartoum (Soudan) du 23 au 24 janvier 2006, que le Gouvernement
sénégalais a décidé de transmettre le dossier
à l'UA. Cette dernière a adopté une décision
appelant à la création d'un Comité d'éminents
juristes africains chargé d'examiner « tous les aspects et
toutes les implications du procès Hissène
HABRE »33(*).
Les chefs d'État et de Gouvernement de l'UA, réunis lors du
septième sommet ordinaire de l'organisation, tenu à Banjul
(Gambie) du 1er au 2 juillet 2006, suivant les recommandations dudit
comité, ont mandaté « la République du
Sénégal de poursuivre et de faire juger, au nom de l'Afrique,
Hissène HABRE par une juridiction sénégalaise
compétente avec les garanties d'un procès juste »
34(*). En février 2007,
le Sénégal modifiera son Code pénal et son Code de
procédure pénale afin d'y intégrer les incriminations de
génocide, de crime de guerre et de crime contre l'humanité.
Cependant lors du douzième sommet ordinaire de l'UA, tenu à
Addis-Abeba du 1er au 3 février 2009, le
Sénégal fera part des difficultés financières qu'il
rencontre pour l'organisation d'un procès contre Hissène HABRE.
Ce qui amène la Conférence à adopter la Décision
240 (XII)35(*) dont il
ressort qu'elle :
« 3. PREND NOTE que malgré
l'élaboration du budget du procès par l'Union européenne,
qui s'est offerte en partenaire, avec le Gouvernement de la République
du Sénégal, les ressources nécessaires à la tenue
du procès ne sont pas encore disponibles ;
4. CONSIDERE que le budget définitif du procès
devrait être élaboré et arrêté par l'Union
africaine, en collaboration avec le Gouvernement de la République du
Sénégal et l'Union européenne ;
5. LANCE UN APPEL à tous les États membres de
l'Union africaine, à l'Union européenne et aux pays et
institutions partenaires, pour qu'ils apportent leurs contributions au budget
du procès en versant directement ces contributions à la
Commission de l'Union africaine».
Par ailleurs, l'on se souviendra des déclarations
médiatiques du président WADE évoquant la cessation
éventuelle de la surveillance exercée sur l'ex-président
tchadien au cas où le Sénégal ne trouverait pas le budget
nécessaire à l'organisation de son procès.
*
La Belgique trouvant alors que le jugement de Hissène
HABRE au Sénégal devenait hypothétique, a
décidé de saisir la CIJ. Elle a introduit une instance contre le
Sénégal, par une requête déposée au Greffe de
la Cour le 19 février 2009. Cette requête porte sur un
différend relatif au « respect par le Sénégal de
son obligation de poursuivre [Hissène] Habré [...] ou de
l'extrader vers la Belgique aux fins de poursuites
pénales»36(*). Le même jour, la Belgique a
présenté une demande en indication de mesures conservatoires.
Dès lors, la Cour devait examiner d'urgence cette
demande comme le prévoit l'article 74 de son Règlement, aux
termes duquel la demande en indication de mesures conservatoires a
priorité sur toutes autres affaires (paragraphe 1). Il ressort du
paragraphe 2 de cet article que, si la Cour ne siège pas au moment de la
présentation de la demande, elle est immédiatement
convoquée pour y statuer d'urgence.
A ce stade, deux remarques peuvent être faites. Tout
d'abord, en l'absence de juges de la nationalité des deux parties, deux
juges ad hoc ont été désignés
conformément au paragraphe 3 de l'article 31 du Statut de la Cour. Il
s'agit de MM. Philippe KIRSCH et Serge SUR, désignés
respectivement par la Belgique et par le Sénégal. Les deux juges
ad hoc ont prêté serment le 6 avril 2009, à
l'ouverture de la phase orale. Ensuite, il faut relever la rapidité de
la procédure. La phase orale a eu lieu les 6, 7 et 8 avril 2009 avec
deux brefs tours de plaidoiries. La Cour a immédiatement entamé
son délibéré, en Chambre de conseil, qui a duré
environ sept semaines ; après quoi elle a rendu son Ordonnance le
28 mai 2009.
*
Dans sa requête, la Belgique prie la Cour de dire et
juger que le Sénégal est obligé de poursuivre
Hissène HABRE ou, à défaut, de l'extrader vers la Belgique
pour qu'il réponde des crimes qui lui sont imputés en tant
qu'auteur, coauteur ou complice37(*).
Au titre de mesures conservatoires, la demanderesse
sollicitait de la Cour
« d'indiquer, en attendant qu'elle rende un arrêt
définitif sur le fond, que le Sénégal doit prendre toutes
les mesures en son pouvoir pour que [Hissène] Habré reste sous le
contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du
Sénégal afin que les règles de droit international dont la
Belgique demande le respect puissent être correctement appliquées
» 38(*).
Au soutien de sa prétention, la demanderesse faisait
essentiellement valoir qu'il ressort d'un entretien accordé par le
président sénégalais à Radio France Internationale
(ci-après : « RFI »), que « le
Sénégal pourrait mettre fin à [la] mise en
résidence surveillée [de M. HABRE] s'il ne trouve pas le budget
qu'il estime nécessaire à l'organisation d[e son procès]
»39(*). La Belgique a
alors estimé que l'éventualité d'un départ de
Hissène HABRE du Sénégal constituait un risque réel
que le Sénégal cause un préjudice irréparable
à ses droits et que ce risque doit être considéré
comme imminent. Selon la requérante, les conditions pour que les mesures
demandées soient indiquées sont réunies en
l'espèce.
Pour repousser la prétention de la Belgique, le
Sénégal a fait valoir qu'il n'existe aucun risque imminent
justifiant l'indication de mesures conservatoires en arguant que les mesures
que sollicitait la Belgique étaient déjà prises au
Sénégal. Le défendeur invitait par conséquent la
Cour à rejeter la demande belge comme étant sans objet.
*
L'étude de l'Ordonnance de la Cour en l'affaire
relative à des Questions concernant l'obligation de
poursuivre ou d'extrader est une entreprise délicate, au vu de la
multiplicité des problèmes juridiques qu'elle recèle. Il
est donc impérieux d'adopter une démarche qui éloigne le
travail entrepris du danger de la spéculation abstraite. De fait,
lorsque le juriste prend pour objet d'étude une décision du juge
international, il doit analyser en profondeur l'interprétation qui a
été faite des instruments juridiques internationaux en vigueur.
Cela exige non seulement une bonne connaissance des textes en question, mais
également celle de la jurisprudence de la Cour.
En effet, l'examen des instruments internationaux, notamment
la Convention contre la torture de 1984, des arrêts et des ordonnances
(en indication des mesures conservatoires) de la Cour a une valeur essentielle
dans le cadre de cette étude. Toutes ces considérations rendront
nécessaire le recours à la méthode analytique. Cette
méthode est d'autant plus indiquée qu'elle permettra, d'une part,
de comprendre l'examen que la Cour a fait des conditions requises pour
l'indication des mesures conservatoires et, d'autre part, de mieux
appréhender la lecture qu'elle a faite de la demande belge en indication
des mesures conservatoires. Le recours à une approche historique rendra
facile la compréhension et l'analyse de l'évolution de l'affaire
« Hissène HABRE » au Sénégal
depuis 2000.
*
La question centrale de cette étude est celle de
l'opportunité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour. Le
problème de l'opportunité des mesures conservatoires est
apprécié à l'aune de trois paramètres
principaux : i) la compétence prima
facie de la Cour, ii) le lien entre les droits
protégés et les mesures demandées et surtout
iii) l'urgence. A cette question majeure se greffent
plusieurs interrogations. La première porte sur les conditions requises
pour l'indication des mesures conservatoires par la Cour. La deuxième
concerne la pertinence de la demande belge en indication desdites mesures. On
s'est en effet interrogé sur les conséquences des assurances
sénégalaises et des réponses des parties aux questions du
juge GREENWOOD. Par ailleurs, l'on s'est demandé si la nature provisoire
de l'Ordonnance et l'importance de l'affaire "Hissène HABRE" ne
rendaient pas nécessaire l'examen des questions non tranchées par
la Cour dans cette étude.
*
L'hypothèse autour de laquelle s'ordonne cette
étude est la suivante : lors du dépôt de la demande
belge le 19 février 2009, toutes les conditions requises pour
l'indication des mesures conservatoires sollicitées étaient
réunies. L'on a ainsi entrepris de démontrer que la Cour a
décidé de ne pas indiquer ces mesures uniquement pour deux
raisons : d'une part, le Sénégal a donné des
assurances nécessaires à la Cour, d'autre part, cet Etat s'est
engagé solennellement à ne pas laisser Hissène HABRE
quitter son territoire tant que l'affaire est pendante devant la Cour ; ce
que la Belgique a accepté comme suffisant.
*
Appelée à statuer, la Cour a pris une Ordonnance
qui est plus le fruit d'un « compromis » que l'admission de
l'argumentation du défendeur. En effet, tenant compte des assurances
proprio motu du Sénégal et des réponses des
parties aux questions du juge GREENWOOD40(*), la Cour a jugé que les circonstances, telles
qu'elles se présentent actuellement, ne sont pas de nature à
exiger l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires en vertu
de l'article 41 de son Statut41(*). C'est le lieu de noter que cette décision est
motivée de facto essentiellement, d'une part, par l'engagement
du Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son
territoire et, d'autre part, par l'acceptation par la Belgique de cet
engagement comme suffisant.
Il importe dès lors d'analyser et surtout d'expliquer
la démarche intellectuelle ayant conduit à cette décision.
On examinera donc successivement les conditions requises pour l'indication de
mesures conservatoires (Première Partie) et la
pertinence de la demande belge (Deuxième Partie). Par
ailleurs, l'enjeu de la présente affaire rend l'analyse des questions
non tranchées par l'Ordonnance de la Cour indispensable
(Troisième Partie).
A travers son Ordonnance du 28 mai 2009, la Cour a
réaffirmé l'ensemble des conditions requises pour l'indication de
mesures conservatoires. Ces conditions constituent la trame de la
procédure d'examen de la demande en indication des mesures
conservatoires dans la mesure où ces exigences occupent une place de
choix dans les décisions de la Cour en la matière. Il suffit de
consulter le texte de l'Ordonnance du 28 mai 2009 pour s'en convaincre :
du paragraphe 40 au paragraphe 73, la Cour examine peu ou prou ces exigences.
Classiquement, la Cour se prononce sur les conditions requises pour
l'indication des mesures conservatoires sollicitées par les parties aux
litiges dont elle est saisie. Une lecture attentive de l'Ordonnance de la Cour
permet de classer ces conditions en deux catégories : les
conditions liminaires et les conditions procédurales.
Les conditions liminaires sont au nombre de deux : la
compétence prima facie de la Cour et l'existence prima
facie d'un différend entre les parties. Lorsqu'elle est saisie
d'une demande en indication de mesures conservatoires, la Cour vérifie
avant tout s'il existe des bases sérieuses permettant d'établir
prima facie sa compétence pour en connaître. A
défaut d'une telle compétence, l'affaire est tout simplement et
purement radiée du rôle.
C'est le lieu de relever que la Cour ne peut connaître
d'un différend qu'à la demande d'un ou de plusieurs États.
Elle ne peut se saisir d'office d'un litige. Son Statut ne lui
permet pas d'enquêter et de statuer à son gré sur les
agissements d'États souverains42(*). Il faut de surcroît que les États
en cause aient accès à la Cour et aient accepté sa
compétence, c'est-à-dire qu'ils consentent que la Cour examine le
différend en question. Le consentement des Etats à la juridiction
de la Cour est un principe fondamental du règlement des
différends internationaux, les États étant souverains et
libres de choisir les moyens pour résoudre leurs différends. Le
consentement d'un État peut s'exprimer alors de quatre
façons : soit à travers un compromis, soit par une clause
dans un traité43(*), soit par une déclaration unilatérale
(d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour), soit par le forum
prorogatum.
Sans doute il serait inutile et même dangereux pour la
Cour d'indiquer des mesures conservatoires alors qu'elle n'a manifestement pas
compétence. On est dans cette hypothèse d'incompétence
lorsqu'il n'existe aucune base formelle comme une déclaration
unilatérale d'acceptation de sa juridiction sur la base de l'article 36,
§ 2 du Statut de la Cour, ou lorsqu'une réserve écarte
manifestement la compétence de la Cour, ou encore lorsqu'il y a absence
de toute clause compromissoire dans un traité, ou en cas de la
non-acceptation d'une telle clause par une partie. Dans toutes ces situations,
l'incompétence de la Cour serait manifeste ; de même serait
manifeste l'irrecevabilité d'une requête qui se fonderait sur un
traité non en vigueur, ou à l'encontre d'un État qui n'en
est pas partie et n'a pas accepté les obligations qui en
découlent44(*).
L'examen de la question relative à l'existence d'un différend et
des bases de compétence forment la toile de fond de la compétence
prima facie. S'il appert prima facie qu'aucun
différend n'oppose les parties, il y aurait de sérieux doutes
quant à la poursuite de la procédure au fond. L'existence d'un
différend permet en effet de justifier la compétence de la
Cour.
Les conditions procédurales sont constituées de
l'urgence et du lien suffisant entre les droits protégés et les
mesures demandées. Ces deux conditions sont non seulement
inhérentes à la procédure, mais sont aussi relatives aux
droits objet des mesures conservatoires sollicitées. Lorsqu'elle est
appelée à statuer sur une demande en indication de mesures
conservatoires, la Cour doit vérifier si les circonstances de l'affaire,
dont elle est saisie exigent l'usage du pouvoir qu'elle tient de l'article 41
de son Statut. En effet, les circonstances d'une espèce, plus que
l'urgence d'une situation, semblent être des facteurs déterminants
dans ce genre de décision45(*).
La Cour, ayant constaté l'existence prima facie
d'un différend entre les parties, a affirmé sa
compétence prima facie. Elle s'est par ailleurs
prononcée sur les conditions relatives aux droits protégés
invoqués par la demanderesse. L'examen de l'exigence de la
compétence prima facie (Chapitre I)
précèdera l'analyse des conditions relatives aux droits
protégés (Chapitre II).
CHAPITRE I : L'EXIGENCE DE LA COMPETENCE PRIMA
FACIE DE LA COUR
La CIJ ne « s'est pas retranchée
derrière son incompétence » comme elle a eu à le
faire « dans la tourmente de la crise du Kosovo »46(*). Dans son Ordonnance du 28 mai
2009, la Cour a en effet commencé par rappeler qu'en présence
d'une demande en indication de mesures conservatoires, point n'est besoin pour
elle, avant de décider d'indiquer ou non de telles mesures, de s'assurer
de manière définitive qu'elle a compétence quant au fond
de l'affaire. Toutefois, la Cour a précisé qu'elle ne peut
indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur
semblent prima facie constituer une base sur laquelle sa
compétence pourrait être fondée. C'est le lieu de signaler
que la compétence prima facie peut « être
confirmée ou infirmée à un stade ultérieur de la
procédure »47(*).
La compétence prima facie peut être
légitimement considérée comme la condition primordiale
pour l'indication des mesures conservatoires. L'on se souviendra que, lorsque
la Cour est amenée à examiner une demande en indication de
mesures conservatoires et qu'elle se déclare incompétente, la
procédure doit tout simplement s'arrêter et l'affaire doit par
conséquent être radiée de son rôle48(*). Selon la jurisprudence
antérieure, c'est à la date du dépôt de la
requête que s'apprécie la compétence de la Cour49(*). Ce qui amène à
examiner, d'une part, les bases de la compétence prima facie
(Section I) et, d'autre part, l'existence d'un
différend justifiant la compétence prima facie
(Section II).
Section I : Les bases de la compétence prima
facie de la Cour
Dans le cadre de l'affaire qui l'oppose au
Sénégal, la Belgique entend fonder la compétence de la
Cour sur les déclarations faites, en application du paragraphe 2 de
l'article 36 du Statut, par la Belgique le 17 juin 1958 et par le
Sénégal le 2 décembre 1985, ainsi que sur le paragraphe 1
de l'article 30 de la Convention contre la torture50(*). Très souvent en effet,
les affaires portées devant l'organe judiciaire principal des Nations
Unies ont pour pomme de discorde l'application ou l'interprétation d'un
instrument bilatéral ou multilatéral51(*) ; cet instrument
étant alors invoqué, parfois ut singulus, pour servir de
base de compétence de la Cour. La Cour a estimé avoir
compétence prima facie, en vertu de l'article 30 de la
Convention contre la torture, pour connaître de l'affaire ; en
considérant en outre que la compétence prima facie
qu'elle tire de cette Convention est suffisante pour pouvoir indiquer les
mesures conservatoires sollicitées par la Belgique si les circonstances
l'exigent. Pour la Cour, il n'était donc pas nécessaire, à
ce stade de la procédure, de rechercher si les déclarations
invoquées par la Belgique pourraient elles aussi fonder prima facie
sa compétence52(*). Toutefois, il paraît important de s'attarder
tant sur l'article 30 de la Convention contre la torture (§
1) que sur les Déclarations facultatives d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la CIJ (§ 2).
§ 1- L'article 30 de la Convention contre la
torture
En décidant qu'elle a compétence prima
facie, en vertu de cette disposition conventionnelle, la Cour a
également examiné sommairement les conditions procédurales
y posées. On s'appesantira tour à tour sur le contenu de
l'article 30 (A) et sur l'examen prima facie par la
Cour des conditions procédurales posées par cette disposition
(B).
A. Le contenu de l'article 30 de la Convention contre
la torture
Le paragraphe 1 de cet article se lit comme suit :
« Tout différend entre deux ou plusieurs des
États parties concernant l'interprétation ou l'application de la
présente Convention qui ne peut pas être réglé par
voie de négociation est soumis à l'arbitrage à la demande
de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande
d'arbitrage, les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur
l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le
différend à la Cour internationale de Justice en déposant
une requête conformément au Statut de la Cour. »
Cette disposition constitue la clause attributive de
compétence inscrite dans la Convention contre la torture. Par celle-ci,
un Etat partie s'engage d'avance à accepter la compétence de la
Cour si un différend surgit avec un autre Etat partie quant à
l'application ou à l'interprétation de cette Convention. Il n'est
nullement incommodant de rappeler que Hissène HABRE avait
été inculpé le 3 février 2000 de complicité
de « crimes contre l'humanité, d'actes de torture et de
barbarie » par le doyen des juges d'instruction53(*) du Tribunal régional
hors classe de Dakar. Or ces incriminations sont au coeur de la Convention
contre la torture. En outre, le Sénégal et la Belgique
étant tous les deux parties à cette Convention54(*), c'est de manière
pertinente que la demanderesse l'invoque pour fonder la compétence de la
Cour. Dans la présente espèce, cette Convention s'imposait
même ipso facto dans la mesure où aucune des deux parties
n'a fait de réserve au paragraphe 1 de l'article 30. C'est pourtant une
faculté servie aux Etats parties par le paragraphe 2 de cet article aux
termes duquel :
« Chaque État pourra, au moment où il
signera ou ratifiera la présente Convention ou y adhérera,
déclarer qu'il ne se considère pas lié par les
dispositions du paragraphe 1 du présent article. Les autres États
parties ne seront pas liés par lesdites dispositions envers tout
État partie qui aura formulé une telle
réserve ».
Dès lors, l'établissement de la
compétence prima facie de la Cour à partir de l'article
30 de la Convention contre la torture s'en trouvait simplifié. La
substance de l'article 30 étant rappelée, il convient de
s'attarder sur la façon dont la Cour a examiné les conditions
procédurales qu'il prévoit.
B. L'examen prima facie des conditions
procédurales de l'article 30
Pour établir sa compétence prima facie
à partir de l'article 30 de la Convention contre la torture, la
Cour a examiné au préalable si les conditions procédurales
posées par cette disposition étaient réunies ;
même si cet examen ne s'est fait que de façon sommaire comme on le
verra plus loin.
Les conditions procédurales prévues par
l'article 30 sont les suivantes : l'existence d'un différend sur
l'interprétation ou l'application de la Convention, l'échec des
négociations, la demande d'arbitrage et le désaccord des parties
sur l'organisation de l'arbitrage au terme d'un délai de six mois.
La Cour a d'abord rappelé que l'article 30 exige que le
différend à elle soumis soit de ceux « qui ne peu[vent]
être réglé[s] par voie de négociation ». Elle
a estimé qu'au stade de l'examen de sa compétence prima
facie, il lui suffisait de constater que la Belgique a tenté de
négocier55(*). De
l'avis de la Cour, les négociations proposées par la Belgique au
Sénégal ne sauraient être réputées avoir
résolu le différend. Elle en conclut que la première
exigence de l'article 30 doit être regardée comme remplie
prima facie56(*).
La Cour a noté ensuite que la Convention prévoit
aussi qu'un différend entre Etats parties qui n'aurait pas
été réglé par voie de négociation devra
être soumis à l'arbitrage à la demande de l'un d'entre eux,
et qu'elle ne pourra en être saisie que si les parties ne parviennent pas
à se mettre d'accord sur l'organisation de cet arbitrage dans les six
mois à compter de la date à laquelle il aura été
demandé. Elle considère que la note verbale en date du 20 juin
2006 contient une offre explicite de la Belgique au Sénégal de
recourir à la procédure arbitrale, conformément au
paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention contre la torture, pour
régler le différend concernant l'application de la Convention au
cas de Hissène HABRE. La Cour fait observer qu'à ce stade de la
procédure, il lui suffit de constater que, même à supposer
que ladite note verbale ne soit jamais parvenue à son destinataire, la
note verbale de la Belgique en date du 8 mai 2007 s'y réfère
explicitement et qu'il est confirmé que cette seconde note a
été communiquée au Sénégal et reçue
par celui-ci plus de six mois avant la date de la saisine de la Cour le 19
février 200957(*).
A ce niveau, force est de constater que la Cour a fait sienne
l'argumentation belge sur la satisfaction des conditions procédurales de
l'article 30 de la Convention contre la torture. La manière avec
laquelle la Cour a établi sa compétence prima facie, sur
la base de l'article 30, est tout simplement remarquable.
Mais la Cour pourrait, selon le juge ad hoc Serge
SUR, se contenter de constater dans les autres hypothèses qu'elle n'est
pas manifestement incompétente, parce qu'elle peut se
référer à une base formelle, et que la requête n'est
pas manifestement irrecevable pour estimer que ces circonstances la mettent en
mesure d'exercer son pouvoir autonome, soit à la demande d'une partie,
soit de sa propre initiative58(*). Ceci permettrait en effet à la Cour de gagner
en temps et de se concentrer sur l'examen de la nécessité des
mesures conservatoires. Le juge ad hoc Serge SUR propose donc la
substitution à la pratique actuelle de la Cour, qui repose sur une
démonstration positive ? sa compétence prima facie et la
recevabilité prima facie de la requête ? une
démonstration négative, celle qu'elle n'est pas manifestement
incompétente et que la requête n'est pas manifestement
irrecevable59(*). En
prenant une position négative au lieu d'une affirmation provisoire, la
Cour écarterait toute critique de contradiction de jugement, voire de
revirement de position. Elle agirait en outre de façon plus
fidèle aux prescriptions de l'article 41 de son Statut, voire de son
Règlement qui ne mentionne pas davantage les questions de
compétence et de recevabilité à propos des mesures
conservatoires (articles 73-78 du Règlement)60(*).
La Cour a limité l'établissement de sa
compétence à la Convention contre la torture et n'a pas cru
nécessaire de s'étaler sur les déclarations facultatives
d'acceptation de sa juridiction obligatoire.
§ 2- Les déclarations facultatives
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ
En omettant d'établir sa compétence prima
facie également à partir des déclarations
facultatives d'acceptation de sa juridiction obligatoire faites par la Belgique
et le Sénégal, la Cour a fait preuve d'un laconisme qui peut se
justifié par la célérité qui caractérise la
procédure d'examen des demandes d'indication des mesures conservatoires.
La Cour aurait pu préciser que ces déclarations constituent une
base de sa compétence prima facie. De fait, ces
déclarations sont l'expression du principe du consentement des parties
à la juridiction de la Cour (A) dont la pertinence
procédurale (B) ne fait plus de doute dans le
contentieux international.
A. Une traduction du principe du consentement des
États à la juridiction de la Cour
En plus du fait que la Cour ait jugé que la
compétence prima facie qu'elle tire de la Convention contre la
torture est suffisante, elle a omis de préciser que les
déclarations facultatives d'acceptation de sa juridiction, tout comme
l'article 30 de cette Convention, sont l'expression du principe du consentement
des Etats à sa juridiction. En effet, les États parties au Statut
de la Cour ont la faculté de faire une déclaration
unilatérale reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la Cour
à l'égard de tout autre État acceptant la même
obligation. Ce système dit de la clause facultative revient à
créer un groupe d'États ayant mutuellement donné
compétence à la Cour pour régler tout différend qui
pourrait surgir à l'avenir entre eux. Il s'agissait au départ
d'une formule de compromis entre les idéalistes qui voulaient
établir la juridiction obligatoire de la Cour pour tous les
différends entre les États parties à son Statut, par le
simple fait de leur adhésion, et les traditionnalistes, qui
envisageaient la Cour comme un simple organe ouvert aux États
adhérant au Statut, s'ils décident de lui soumettre un
différend par accord spécial61(*).
Selon ABI-SAAB, « la solution ou le moyen terme
auquel ils sont parvenus était le système de l'article 36, §
2 du Statut, portant cette fameuse clause facultative de juridiction
obligatoire »62(*). Le principe est donc celui d'une juridiction
« facultative », l'exception étant une juridiction
« obligatoire »63(*) : « facultative » au
départ parce que les États sont libres de faire ou de ne pas
faire la déclaration unilatérale ;
« obligatoire » en fin de compte parce que s'ils le font,
ils sont obligés de se soumettre à la juridiction de la Cour pour
tout différend les opposant à un autre État ayant fait
pareille déclaration64(*). Les déclarations peuvent contenir des
réserves tendant à les limiter dans le temps ou à exclure
certaines catégories de différends. Elles sont
déposées par les États auprès du Secrétaire
général de l'Organisation des Nations Unies.
Comme l'écrivait ABI-SAAB, « la justice
institutionnalisée a toujours été pour les
internationalistes une panacée, un remède miracle à tous
les maux et à toutes les faiblesses structurelles du système, une
sorte de pierre philosophale du droit international »65(*). Or certains États ne
la conçoivent pas toujours de la même façon, la saisine de
la Cour étant perçue par certains comme un geste
inamical66(*).
La place qu'occupe la Convention contre la torture dans cette
affaire, a sans aucun doute permis à la Cour d'éviter de
rechercher à travers les déclarations en acceptation de sa
juridiction faites par les parties comme autre base de sa compétence
prima facie. L'on pourrait penser, pour justifier le raisonnement de
la Cour que, par souci de la célérité de la
procédure, elle n'ait pas voulu perdre du temps. En examinant les
conditions de l'article 30 de la Convention contre la torture, la Cour aurait
dû mettre un accent sur le principe du consentement des parties à
sa juridiction obligatoire67(*). L'on estime que la Cour aurait dû rappeler que
ce principe reste et demeure déterminant dans les procédures
devant elle. De fait, comme l'observe Jean-Pierre QUENEUDEC, « sa
décision n[e doit pas être] purement prophylactique ; elle
[doit avoir] aussi, par certains côtés, valeur
pédagogique »68(*). Par ailleurs, « une décision
judiciaire est à la fois susceptible d'être un modèle
à suivre, une source d'inspiration pour ceux qui ont fonction de
participer au mécanisme judiciaire, et un objet d'étude sur
lequel peuvent se pencher ceux qui s'intéressent au
phénomène du droit », renchérit Régine
BEAUTHIER69(*). Les
déclarations se sont avérées déterminantes, dans
bien des cas, pour fonder la compétence de la Cour70(*).
Les déclarations facultatives d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour expriment donc parfaitement la quintessence
du principe du consentement dont il serait intéressant de
démontrer la pertinence procédurale devant la Cour.
B. La pertinence procédurale du principe du
consentement des Etats à la juridiction de la
Cour
Dans son Ordonnance du 28 mai 2009, l'organe judiciaire
principal des Nations Unies n'a pas mis un accent sur le principe du
consentement des parties à sa juridiction obligatoire. Ce qui est pour
le moins étonnant quand on a à l'esprit que ce principe est
cardinal dans le cadre des procédures devant la Cour. Car il constitue
une limite à l'intervention de la Cour dans la mesure où le cadre
du litige est fixé par la volonté des parties. L'on se souviendra
pourtant qu'en d'autres espèces, la CPJI et la CIJ ont affirmé
cette évidence. La CPJI a en effet eu à rappeler que
« la juridiction de la Cour dépend de la volonté des
parties »71(*).
Pour sa part, la CIJ a déclaré que « la Cour ne peut
exercer sa juridiction à l'égard d'un État si ce n'est
avec le consentement de ce dernier »72(*). Il n'est pas futile de rappeler que les articles 36,
§ 5, et 37 prévoient que les déclarations et les
traités qui se réfèrent à la CPJI reporteront
désormais leurs effets sur la CIJ.
L'on se souviendra que, dans d'autres espèces, la Cour
a accordé une grande importance au principe du consentement des parties
à sa juridiction obligatoire. En effet, rivée à ce
principe pour établir sa juridiction, la Cour en apprécie
très souvent la portée pour décider qu'elle est ou non
compétente prima facie. Ce fut le cas dans les dix Ordonnances
du 2 juin 1999 rendues en l'affaire opposant la Yougoslavie à dix
États membres de l'OTAN73(*).
Toutefois, la saisine de plus en plus fréquente de la
Cour par les États contraste avec l'augmentation peu significative des
clauses conventionnelles et les déclarations unilatérales
élargissant la sphère de compétence de la Cour74(*). Fort de ce constat, Luigi
CONDORELLI s'est demandé si « la disponibilité
croissante des États à prendre le chemin de La Haye n'est [...]
pas en contradiction avec la réticence que ceux-ci continuent en
même temps à éprouver quant à l'acceptation
d'éventuelles clauses conventionnelles (ou à la formulation de
déclarations unilatérales) les soumettant à la
compétence de la Cour ? »75(*) Il faut préciser qu'en dehors de la clause
attributive de compétence inscrite dans des traités et la
déclaration facultative d'acceptation de la juridiction obligatoire, les
États peuvent aussi saisir la Cour sur la base d'un compromis conclu
après l'avènement du différend. Le forum prorogatum
est un moyen qui permet également d'établir le consentement
des États à la juridiction de la Cour. De toutes les formes de
consentement, son institution est de loin la plus souple76(*). L'article 38, § 5 du
Règlement de la Cour constitue une modalité de son
établissement. Cette disposition se lit comme suit :
« Lorsque le demandeur entend fonder la
compétence de la Cour sur un consentement non encore donné ou
manifesté par l'État contre lequel la requête est
formée, la requête est transmise à cet État.
Toutefois, elle n'est pas inscrite au rôle général de la
Cour et aucun acte de procédure n'est effectué tant que
l'État contre lequel la requête est formée n'a pas
accepté la compétence de la Cour aux fins de
l'affaire ».
Une définition nette du forum prorogatum a
été fournie par Hersh LAUTERPACHT :
« si un État, l'État A, introduit une
instance contre un autre État, l'État B, sur une base de
compétence inexistante ou défectueuse, le forum
prorogatum consiste en la possibilité pour l'État B d'y
remédier en adoptant un comportement valant acceptation de la
compétence de la Cour »77(*).
Il arrive parfois que la Cour fasse preuve de beaucoup
« d'audace et d'originalité dans la recherche et
l'établissement du consentement des parties (...), en faisant sienne la
doctrine du forum prorogatum »78(*). On est donc en droit de dire
que la Cour aurait dû montrer la place capitale du principe du
consentement en le réaffirmant dans son Ordonnance du 28 mai 2009.
De ce qui précède, force est de constater que
les bases de la compétence prima facie sont
déterminantes dans la procédure devant la Cour. Mais l'existence
d'un différend entre les parties est une exigence complémentaire
pour l'établissement de cette compétence, et partant, une
exigence de la continuité de la procédure incidente en
question.
Section II : L'existence prima facie d'un
différend justifiant la compétence prima facie
La décision de la Cour d'examiner la question de
l'existence prima facie d'un différend entre la Belgique et le
Sénégal, a certainement été motivée par des
considérations de logique et par une certaine précaution.
Lorsqu'elle est saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires,
la Cour doit toujours vérifier s'il existe prima facie un
différend entre les parties. Dans l'arrêt Mavrommatis, la
CPJI a considéré un différend comme « un
désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une
opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux
personnes »79(*). Il
est intéressant de constater que la Cour a distingué deux moments
de la constatation de l'existence d'un différend : la date du
dépôt de la requête belge et le
délibéré. Ce qui lui a permis de relever
l'évolution de la portée du différend entre les parties.
Aussi il apparaît important d'examiner les justifications de l'examen de
la question de l'existence prima facie d'un différend
(§ 1) ainsi que la période de constatation de
l'existence prima facie d'un différend (§
2).
§ 1- Les justifications de l'examen de la question
de l'existence prima facie d'un différend
Le fait que la Cour ait décidé de
vérifier s'il existait prima facie un différend entre la
Belgique et le Sénégal, ne surprend pas. En effet, cette position
relève tout simplement de la logique et dénote une certaine
précaution judiciaire. Les justifications de l'examen de l'existence
prima facie d'un différend entre les parties tiennent tant
à la logique (A) qu'à la précaution
judiciaire (B).
A. Une justification tenant à la
logique
La Cour fait remarquer tout d'abord que la Belgique et le
Sénégal sont parties à la Convention contre la torture
avant de noter que la première condition exigée pour que la
compétence de la Cour puisse être établie sur cette base
est l'existence d'un « différend entre deux ou plus des
États parties concernant l'interprétation ou l'application de la
présente Convention »80(*). Il est clair que la Convention contre la torture,
invoquée par le Royaume de Belgique comme base de compétence, a
eu une certaine influence sur le raisonnement de la Cour. En fait, dans
certaines procédures sur les mesures conservatoires, la Cour n'a pas
jugé nécessaire de vérifier spécialement
l'existence prima facie d'un différend, sûrement parce
qu'il allait de soi81(*).
En l'espèce, la Belgique faisait valoir qu'un
différend sur l'interprétation ou l'application de la Convention
l'oppose au Sénégal. Cet Etat a essayé de montrer, sans
convaincre la Cour, qu'un tel différend n'existe manifestement pas, car,
selon lui, la requête belge a pour objectif de demander à la Cour
de dire et juger qu'il est obligé de poursuivre pénalement
Hissène HABRE. Alors même que le Sénégal a
déjà pris les dispositions appropriées pour se conformer
à cette obligation.
Dès lors, la logique voulait donc que la Cour
établît si, prima facie, un différend tel que
celui que prévoit la Convention contre la torture existait tant à
la date du dépôt de la requête belge qu'au moment du
délibéré. En effet, malgré l'adage jura novit
curia (le droit est l'apanage du juge), la Cour se devait tout de
même de rendre compte aux parties de leurs arguments sur l'existence ou
non d'un différend les opposant. Il est clair en effet que les parties
ne sont pas d'accord au sujet de l'existence d'un différend. Ce
désaccord a sans doute contraint la Cour à analyser
minutieusement cette question, faisant preuve d'une certaine
précaution.
B. Une justification tenant à la
précaution judiciaire
En décidant d'examiner la question de l'existence
prima facie d'un différend entre la Belgique et le
Sénégal, la Cour a fait montre de prudence judiciaire. En effet,
omettre cette question peut causer la perte d'un temps précieux. La Cour
pourrait constater, après la procédure en indication de mesures
conservatoires, qu'un différend sérieux n'a jamais existé
entre les parties. L'on se souviendra ainsi que, dans l'affaire de
l'Anglo-Iranian Oil Company (Royaume-Uni c. Iran), arrêt du 22
juillet 1952 sur les exceptions préliminaires, après avoir
indiqué des mesures conservatoires, la Cour s'est déclarée
incompétente et a dû rapporter lesdites mesures
conservatoires82(*).
Même si en matière de mesures conservatoires, la
question de l'existence prima facie d'un différend entre les
parties n'est souvent examinée que de façon lapidaire ou avec
souplesse83(*), cet examen
reste indispensable. S'agissant de cette souplesse, on ne doit pas perdre de
vue qu'étant par hypothèse en matière urgente, les
questions en cause ne peuvent pas être examinées en profondeur, ni
les exigences observées strictement. C'est ce que semblait dire Pierre
PESCATORE lorsqu'il affirmait que, pour « parer au plus
pressé, on ne peut pas poser des exigences trop strictes en ce qui
concerne la logique et la perfection formelle des motivations [des Ordonnances
de la Cour] »84(*).
Par ailleurs, comme le rappellent les juges Awn Shawkat
AL-KHASAWNEH et Leonid SKOTNIKOV, dans leur opinion individuelle commune jointe
à l'Ordonnance du 28 mai 2009, la Cour a eu l'occasion de souligner que
«[w]hether there exists an international dispute is a matter for
objective determination» (Interpretation of Peace Treaties with Bulgaria,
Hungary and Romania, First Phase, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950, p.
74)85(*). Selon ces
juges, même prima facie, la Cour est censée faire preuve
de minutie et de précision.
La précaution ainsi prise par la Cour est à
saluer. De fait, d'un côté, la Cour devrait éviter
d'indiquer des mesures conservatoires alors même qu'il n'existerait
manifestement aucun différend entre les parties. De l'autre
côté, elle ne devrait pas s'abstenir d'indiquer de telles mesures
alors même que les droits de l'une des parties risqueraient de subir un
préjudice irréparable avant sa décision sur le fond.
Les justifications de l'examen de la question de l'existence
prima facie d'un différend étant exposées, il
convient à présent de s'appesantir sur la période de
constatation de l'existence d'un tel différend.
§ 2- La période de constatation de
l'existence d'un différend entre les
parties
La Cour a distingué deux moments
d'appréciation de l'existence prima facie d'un différend
entre la Belgique et le Sénégal, à savoir la date du
dépôt de la requête belge (A) et le moment
du délibéré (B).
A. A la date du dépôt de la requête
belge
La Cour a fait remarquer qu' « en règle
générale, c'est à cette date que, selon [sa] jurisprudence
(...), sa compétence doit s'apprécier »86(*). La condition relative
à l'existence d'un différend étant intimement liée
à la compétence prima facie, c'est à la date du
dépôt de la requête que doit également être
constatée l'existence d'un différend entre les parties au
litige.
Il n'est pas incommodant de rappeler que, suite à
l'échec de la procédure d'extradition de Hissène HABRE
vers la Belgique le 26 novembre 2005, Ousmane NGOM, ministre
sénégalais de l'Intérieur, prit un arrêt mettant
Hissène HABRE « à la disposition du président de
l'Union Africaine », poste occupé à ce moment-là par
Olusegun OBASANJO, alors président du Nigéria. L'expulsion de
l'ancien président tchadien vers le Nigéria semblait alors
imminente. Le Sénégal a informé la Belgique de la saisine
de l'UA, par note verbale datée du 23 décembre 2005. En
réaction, la Belgique contestera, par la même voie le 11 janvier
2006, que le Sénégal puisse se conformer à l'obligation
énoncée à l'article 7 de la Convention contre la torture
(aut dedere aut judicare) en déférant une question
relevant de cette Convention à une organisation internationale. Or le
Sénégal a estimé avoir pris des mesures suffisantes pour
s'acquitter desdites obligations et réaffirmé sa volonté
de continuer le processus de poursuite de Hissène HABRE. Ceci
étant un moyen d'assumer intégralement ses obligations
d'État partie à la Convention. Au vu de ces divergences de vues,
la Cour considère qu'il « apparaît prima facie
qu'un différend sur l'interprétation et l'application de la
Convention opposait les Parties à la date du dépôt de la
requête »87(*).
On est d'avis qu'il existait un différend manifeste
entre les parties le 19 février 2009. L'article 7, § 1 de la
Convention contre la torture prévoit en effet que :
« L'État partie sur le territoire sous la juridiction duquel
l'auteur présumé d'une infraction visée à l'article
4 est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans
les cas visés à l'article 5, à ses autorités
compétentes pour l'exercice de l'action pénale ». Or
peut-on pertinemment considérer les organes de l'UA comme
autorités compétentes du Sénégal ?
Certainement pas !
Toutefois, il est certain que le fait de transférer la
compétence à une organisation internationale aurait pour
conséquence une plus grande efficacité. En effet, l'organisation
internationale pourraitt disposer facilement d'énormes moyens financiers
qu'exige la poursuite des crimes internationaux. En plus, elle serait peu ou
prou épargnée des susceptibilités et influences politiques
qui pourraient entacher l'éclat de la procédure pénale
devant les juridictions nationales.
B. Au moment du
délibéré
Le délibéré est considéré
par la Cour comme le deuxième moment d'appréciation de
l'existence prima facie d'un différend entre les parties. Il
s'est agi pour la Cour de vérifier, comme elle le dit elle-même,
si compte tenu de la façon dont les Parties ont présenté
leurs positions à l'audience, un tel différend continue,
prima facie, d'exister.
La Cour note que le Sénégal a affirmé que
ses obligations ne découlent pas du mandat reçu de l'UA en 2006
et qu'un État partie à la Convention contre la torture ne peut
s'acquitter des obligations énoncées à son article 7 tout
simplement en saisissant une organisation internationale. Ce qui revient
à dire que les Parties s'entendent sur ce point. La Cour relève
par ailleurs que,
« les Parties semblent néanmoins continuer
de s'opposer sur d'autres questions d'interprétation ou d'application de
la Convention contre la torture, telles que celle du délai dans lequel
les obligations prévues à l'article 7 doivent être remplies
ou celle des circonstances (difficultés financières, juridiques
ou autres) qui seraient pertinentes pour apprécier s'il y a eu ou non
manquement auxdites obligations ; que les vues des Parties [...], continuent
apparemment de diverger sur la façon dont le Sénégal
devrait s'acquitter de ses obligations conventionnelles » 88(*).
La Cour en conclut que, prima facie, un
différend de la nature de celui visé à l'article 30 de la
Convention contre la torture demeure entre les Parties, même si sa
portée a pu évoluer depuis le dépôt de la
requête. On est donc parti d'un différend manifeste à un
différend quasi latent.
Toutefois, même ayant voté pour la
décision de la Cour, certains de ses membres ne semblent pas d'accord
avec son raisonnement sur l'existence prima facie d'un
différend entre la Belgique et le Sénégal. C'est notamment
le cas des juges Awn Shawkat AL-KHASAWNEH, Leonid SKOTNIKOV et du juge ad
hoc Serge SUR. Pour les deux premiers, «the Court could have
concluded that, given the explanation by the Parties, no dispute exists and
therefore the Application has been rendered moot»89(*). Ils en
déduisent que la conclusion à laquelle la Cour est parvenue est
peu vraisemblable.
S'agissant du juge ad hoc SUR, il considère
que « c'est de façon inappropriée » que la
Cour conclut à la persistance du différend. Selon lui, il
s'agit en effet de divergences qui ne font pas l'objet de la demande
présentée par la Belgique, mais ne sont que des motifs à
l'appui de sa requête. Citant Jean COMBACAU, il précise
que :
« le désaccord, l'opposition ... ne sont
constitutifs d'un différend que s'ils se manifestent à l'occasion
d'une réclamation adressée par un État à un autre
et à laquelle celui-ci refuse de faire droit ; le contentieux
international n'inclut ni les disputes abstraites ... ni même des
différences d'appréciation sur la conduite à tenir dans
une espèce déterminée : son concept implique l'expression
de prétentions, et pas seulement de thèses, contradictoires ; et
le différend n'apparaît que là où un État
réclame d'un autre un certain comportement et se heurte au refus de
celui-ci » (Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international
public, Montchrestien, Paris, 8e éd., 2008, p.
556)90(*).
Il ressort de la jurisprudence de la Cour qu' « [i]l faut
démontrer que la réclamation de l'une des parties se heurte
à l'opposition manifeste de l'autre »91(*). Toutefois, il est difficile
de suivre Serge SUR lorsqu'il affirme que la Cour aurait dû
reconnaître que le différend n'existe plus et en tirer les
conséquences, en déclarant, comme dans les affaires des
Essais nucléaires ((Australie c. France) et (Nouvelle-Zélande
c. France), arrêt [du 20 décembre 1974], Rec. 1974, p. 272)
que, la demande étant désormais sans objet, il n'y avait plus
rien à juger.
Certes, comme on le verra plus loin, les assurances
proprio motu du Sénégal et les réponses des
Parties aux questions du juge GREENWOOD étaient de nature à
priver d'objet la demande belge. Mais on ne doit pas confondre la
présente procédure incidente, où il est question de
l'examen de la demande belge en indication des mesures conservatoires, à
l'affaire principale qui porte sur l'obligation de poursuivre ou d'extrader. La
demande et la requête belges étant différentes, la perte
d'objet de la première n'a aucune conséquence sur l'objet de la
seconde.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
De ce qui précède, il ressort que la Cour a fait
preuve de précision et de minutie dans le processus ayant conduit
à l'établissement de sa compétence prima facie.
La Cour a joint la logique à l'urgence que commande la
procédure incidente. La requérante ayant évoqué
comme bases de compétence de la Cour, l'article 30 de la Convention
contre la torture et les déclarations facultatives d'acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour, celle-ci ne s'est pas contentée
d'affirmer spontanément sa compétence prima facie. La
Cour a d'abord vérifié si, prima facie, les conditions
procédurales de l'article 30 étaient établies. Un accent
particulier a été mis sur l'existence prima facie d'un
différend entre les parties. La Cour a déclaré ces
conditions procédurales réunies prima facie. Ce qui lui
a permis d'affirmer sa compétence prima facie sur la
base de la Convention contre la torture ; sans qu'elle ait besoin de
vérifier si les déclarations des parties pourraient
également fonder, prima facie, sa compétence.
On a pu constater que la compétence de la Cour est
largement tributaire de l'existence d'un différend entre les parties.
L'appréciation de l'existence d'un différend a permis en
l'espèce de remarquer qu'on est passé d'un différend
manifeste, à la date du dépôt de la requête, à
un différend quasi latent au moment du délibéré.
Alors qu'elles étaient très perceptibles à la date du
dépôt de la requête de la demanderesse, les divergences de
vues des parties avaient presque disparu au moment du
délibéré.
En matière de mesures conservatoires, la
compétence prima facie est une condition préliminaire et
capitale dans la mesure où seul son établissement permet à
la Cour de poursuivre l'examen des autres conditions requises. Dans cette
affaire, l'affirmation de l'existence d'un différend et donc de la
compétence prima facie a amené la Cour à
s'étendre également sur les conditions relatives aux droits
protégés.
CHAPITRE II : LA CONFIRMATION DES CONDITIONS
RELATIVES AUX DROITS PROTEGES
Les exigences liées aux droits invoqués par la
Belgique, sont aussi importantes que les exigences de la compétence
prima facie et de l'existence prima facie d'un
différend entre les parties. En effet, les mesures conservatoires ont
pour but de sauvegarder des droits de l'une quelconque des parties ;
d'où la nécessité de vérifier à l'occasion
de cette procédure incidente l'existence d'un lien suffisant entre ces
droits et les mesures demandées. Par ailleurs, la Cour doit toujours
vérifier s'il y a urgence à protéger lesdits droits par
des mesures conservatoires. L'urgence peut dès lors être
légitimement considérée comme une condition essentielle et
ultime en matière de contentieux des mesures conservatoires. C'est en
effet l'urgence d'une situation qui amène très souvent la Cour
à indiquer de telles mesures92(*).
Excepté la compétence de la Cour, l'urgence est
la condition qui se dégage facilement des dispositions du Statut et du
Règlement de la Cour. En fait, le Statut ne prévoit aucune
condition précise ; il autorise tout simplement la Cour à
indiquer des « mesures conservatoires du droit de chacun si elle
estime que les circonstances l'exigent » (article 41, § 1).
L'article 74 du Règlement mentionne tout simplement l'urgence de la
procédure en matière de mesures conservatoires et non l'urgence
que présentent les circonstances d'une affaire. L'urgence est intimement
liée aux droits à protéger dans la mesure où c'est
uniquement en cas de risque réel et imminent de préjudice
irréparable que la Cour pourra indiquer des mesures conservatoires. Ceci
conduit, d'une part, à l'examen de l'exigence du lien suffisant entre
les droits protégés et les mesures sollicitées
(Section I) et, d'autre part, à l'analyse de l'exigence
de l'urgence (Section II).
Section I : La confirmation de l'exigence du lien
entre les droits protégés et les mesures
demandées
La Cour a commencé par rappeler que le pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires qu'elle tient de l'article 41 de son
Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant
qu'elle statue au fond. Ce qui l'amène à rechercher, à
travers de telles mesures, la sauvegarde de droits que son arrêt
définitif « pourrait ultérieurement reconnaître,
soit au demandeur, soit au défendeur »93(*). L'indication de ces mesures
exige qu'un « lien [soit] donc établi entre [elles] et les
droits qui font l'objet de l'instance pendante devant la Cour sur le fond de
l'affaire »94(*). En plus, l'indication de mesures conservatoires ne
serait possible que si les droits allégués par une partie
apparaissent au moins plausibles. La vérification d'un tel lien et de la
plausibilité des droits allégués nécessite tant
l'examen du fondement des droits invoqués par la Belgique
(§ 1) qu'un exposé de leur contenu (§
2).
§ 1- Les fondements juridiques des droits
invoqués par la Belgique
Dans sa plaidoirie, la Belgique a revendiqué
essentiellement deux droits : le droit au respect de l'obligation de
poursuivre ou d'extrader et le droit à la lutte contre l'impunité
des crimes les plus graves. Ces droits sont prévus par des instruments
juridiques internationaux et ont un caractère erga
omnes95(*). L'analyse
des fondements conventionnels de ces droits (A)
précèdera l'examen de leurs fondements coutumiers
(B).
A. Les fondements conventionnels des droits
invoqués par la Belgique
L'Ordonnance du 28 mai 2009 mentionne uniquement la Convention
contre la torture comme fondement des droits invoqués par la Belgique
(le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader et le droit
à la lutte contre l'impunité des crimes les plus graves).
Pourtant en dehors de cette Convention, les droits invoqués puisent
également leur source dans les Conventions de Genève du 12
août 1949, pour ce qui est des crimes de guerre. Ces Conventions lient la
Belgique et le Sénégal depuis, respectivement, le 3 septembre
1952 et le 18 mai 1963. Elles obligent chaque partie contractante à
rechercher et à déférer les auteurs
d'« infractions graves » à ses propres tribunaux ;
l'État concerné peut cependant, s'il le préfère,
« les remettre pour jugement à une autre Partie contractante
intéressée à la poursuite »96(*).
Éric DAVID s'est fait l'écho de l'état du
droit international conventionnel en rappelant que des traités liant le
Sénégal et la Belgique obligent les parties à assurer la
répression des crimes attribués à Hissène HABRE par
le juge d'instruction belge dans le mandat d'arrêt international et dans
la demande d'extradition97(*). Il s'agit des crimes contre l'humanité, des
crimes de guerre, des crimes de torture et de génocide dont les auteurs
présumés doivent être soit poursuivis en justice dans
l'État où ils se trouvent, soit extradés vers un
État qui désire les poursuivre.
S'agissant principalement des crimes de torture, la Convention
contre la torture, qui lie les parties (depuis le 21 août 1986, pour ce
qui est du Sénégal, et le 25 juin 1999, en ce qui concerne la
Belgique) oblige les États parties à poursuivre les auteurs
présumés de ces crimes dans les conditions prévues aux
articles 5 et 7, ou à les extrader vers un autre État partie en
vertu de l'article 8. L'on se souviendra que cette règle, dans le cas
particulier de Hissène HABRE, a reçu une
« éclatante confirmation » de la part du
Comité contre la torture, organe institué par la Convention
contre la torture (article 17).
En effet, le Comité avait été saisi par
une requête d'anciennes victimes de Hissène HABRE alléguant
une violation par le Sénégal des articles 5 paragraphe 2, et 7 de
la Convention contre la torture (par son abstention à poursuivre) et
demandant, à ce titre, différentes réparations. Dans sa
décision du 17 mai 2006, le Comité « considère
que l'État partie n'a pas rempli ses obligations en vertu de l'article 7
de la Convention »98(*). Cette disposition prévoit en substance que
« L'État partie sur le territoire duquel l'auteur
présumé d'un acte de torture est découvert, s'il n'extrade
pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article
5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action
pénale ».
Le Comité contre la torture précise d'ailleurs
que : « l'obligation de poursuivre l'auteur présumé d'actes
de torture ne dépend pas de l'existence préalable d'une demande
d'extradition à son encontre »99(*). L'on suit alors facilement Éric DAVID, selon
qui « a fortiori, s'il faut poursuivre, même s'il n'y
a pas de demande d'extradition, a fortiori, il faut évidemment
poursuivre s'il y a une demande d'extradition »100(*). Le Comité
considère par ailleurs « qu'en refusant de faire suite
à cette demande d'extradition [du 19 septembre 2005], l'État
partie a une nouvelle fois manqué à ses obligations en vertu de
l'article 7 de la Convention »101(*). Le Comité reconnaissait donc ce que la
Belgique demande à la Cour en l'espèce, à savoir,
l'obligation pour le Sénégal de poursuivre pénalement
l'ex-président tchadien.
Sur le plan conventionnel, les droits invoqués par la
Belgique sont plus que plausibles. La Cour aurait dû relever le fait que
ces droits peuvent tirer également leur source tant des Conventions de
Genève du 12 août 1949 que du droit international coutumier tel
que l'avait exposé la demanderesse lors des plaidoiries.
B. Les fondements coutumiers des droits invoqués
par la Belgique
Alors même que la Belgique fondait ses droits
également sur le droit international coutumier, la Cour a omis d'en
faire allusion en affirmant la plausibilité de ces droits. La Cour a
ainsi fait montre d'un laconisme que d'aucuns pourraient expliquer par le
caractère urgent de la procédure incidente des mesures
conservatoires. Cet argument ne peut cependant être retenu dans le cadre
de cette étude. En effet, la Cour aurait pu dire que les droits
revendiqués par la Belgique, en tant que fondés sur une
interprétation possible des Conventions et du droit international
coutumier, sont plausibles. Ceci ne lui aurait pas coûté un temps
significatif.
Le principe aut dedere aut judicare, au centre de
l'affaire qui oppose la Belgique au Sénégal, est une règle
de droit international coutumier exprimée par l'Assemblée
générale des Nations Unies (ci-après AGNU)102(*) et par la Commission du
droit international (ci-après CDI). C'est presque une lapalissade que de
relever, en passant, que la fonction de la CDI consiste, aux termes de son
statut, à codifier et à encourager le développement
progressif du droit international103(*). Dans sa résolution 3074 (XXVIII), l'AGNU,
déclare :
« Les crimes de guerre et les crimes contre
l'humanité, où qu'ils aient été commis et quel que
soit le moment où ils ont été commis, doivent faire
l'objet d'une enquête et les individus contre lesquels il existe des
preuves établissant qu'ils ont commis de tels crimes doivent être
recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s'ils sont
reconnus coupables, châtiés »104(*).
Il convient de noter que l'AGNU n'a guère
précisé la portée de cette obligation. Dans la mesure,
toutefois, où elle insiste sur la nécessité que les
auteurs de ces crimes soient « recherchés,
arrêtés, traduits en justice et, s'ils sont reconnus coupables,
châtiés », on peut en déduire qu'on vise
l'État du lieu d'arrestation comme titulaire de l'obligation d'assurer
les poursuites s'il n'extrade pas l'auteur vers un autre État105(*). La CDI est beaucoup plus
précise dans son Projet de code des crimes contre la paix et la
sécurité de l'humanité adoptée en 1996. Il ressort
de l'article 9 de ce projet que : « Sans préjudice de la
compétence d'une cour criminelle internationale, l'État partie
sur le territoire duquel l'auteur présumé d'un crime visé
à l'article 17 [génocide], 18 [crimes contre l'humanité],
19 ou 20 [crimes de guerre] est découvert extrade ou poursuit ce dernier
».
A ce qui précède, l'on peut ajouter les
Conventions de Genève de 1949 et la Convention contre la torture qui,
selon Éric DAVID, sont autant d'expressions du droit international
coutumier106(*). La Cour
a d'ailleurs qualifié les Conventions de Genève de
« principes intransgressibles du droit international
coutumier »107(*). Il va sans dire que l'obligation de poursuivre ou
d'extrader lie son titulaire envers tout État, même si le droit
international conventionnel peut être plus facilement respecté en
la matière. La Belgique revendique en tout cas des droits sur la double
base conventionnelle et coutumière ; d'où la
nécessité d'exposer leur contenu.
§ 2- Le contenu des droits invoqués par la
Belgique
La Cour a estimé qu'« à ce stade de la
procédure [elle] n'a pas à établir de façon
définitive l'existence des droits revendiqués [...] ni à
examiner la qualité de la Belgique à les faire valoir [...]; et
que ces droits, en tant que fondés sur une interprétation
possible de la Convention contre la torture, apparaissent en conséquence
plausibles »108(*). La Belgique a spécialement invoqué
son droit de voir le Sénégal soit poursuivre, soit extrader
Hissène HABRE. Toutefois, il semble important de s'attarder aussi sur le
droit à la lutte contre l'impunité. On examinera donc tour
à tour le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader
(A) et le droit à la lutte contre l'impunité des
crimes les plus graves (B).
A. Le droit au respect de l'obligation de poursuivre ou
d'extrader
En omettant de mentionner clairement le droit de la Belgique
au respect de l'obligation de poursuivre ou d'extrader par le
Sénégal, la Cour a beaucoup surpris. En fait, on aurait pu penser
que la Cour reprendrait ce droit dans un obiter dictum de son
Ordonnance. L'on se souviendra que, dans l'affaire Barcelona Traction
(Belgique c. Espagne), la Cour a jugé que les obligations des Etats
envers la « Communauté internationale » dans son
ensemble, vu leur importance, tous les Etats peuvent être
considérés comme ayant un intérêt juridique à
ce que ces droits [fondamentaux de l'homme] soient
protégés109(*). Le principal organe judiciaire des Nations Unies
ajoutait que « les obligations dont il s'agit sont des obligations
erga omnes »110(*).
La Belgique et le Sénégal, comme la plupart des
États du monde, se sont engagés à poursuivre ou à
extrader les auteurs présumés des crimes internationaux les plus
graves. Cette obligation a en effet un caractère coutumier et erga
omnes. Son respect par l'une des parties devient donc un droit pour les
autres et vice versa. Celles-ci ont la possibilité de revendiquer le
respect d'une telle obligation. Le principe aut dedere aut judicare
peut être considéré comme l'un des ferments de l'ordre
public international111(*). On ne peut parler d'une société
internationale que si la demande de justice, qui accompagne toutes les
relations sociales, peut s'exprimer dans son cadre et si elle peut y recevoir
des réponses, même partielles. Selon Serge SUR, « si la
justice vient à faire défaut, rien ne peut la
remplacer »112(*). Pour l'auteur, la justice est comme l'air que l'on
respire, invisible mais vitale. D'où la nécessité pour
chaque État de respecter et d'exiger des autres le respect de
l'obligation internationale de poursuivre ou d'extrader les auteurs des crimes
les plus odieux. Ce système est d'ailleurs « la technique la
plus efficace pour assurer l'ubiquité de la
répression » 113(*) qui est au coeur du droit international
pénal.
Les affaires concernant la perpétration des infractions
graves au droit international humanitaire et au droit international des droits
de l'Homme sont devenues très fréquentes au sein des Etats. Ces
infractions graves, parce qu'elles sont faites à l'encontre de l'Homme,
heurtent la conscience de toutes les nations civilisées. C'est pourquoi
Gérard COHEN-JONATHAN estime que, « face à
l'universalité des victimes des violations des droits de
l'Homme, il faut sans cesse réaffirmer l'universalité des
droits eux-mêmes, et combattre pour la sauvegarde de ce
patrimoine commun de l'humanité »114(*). En effet, les souffrances
éprouvées par tous ceux qui sont maltraités ou
torturés, quelles que soient leur race, leur religion, leur
nationalité, sont identiques. Dans cette perspective, l'effort de
décriminalisation de la société internationale, à
travers la mise en oeuvre du principe aut dedere aut judicare, doit
être partagé par tous les États. C'est dire si le droit au
respect de ce principe appartient à tous ces États. Comme le note
justement Cherif BASSIOUNI,
« les Conventions internationales et
régionales, de 1963 à 2001, ont renforcé la notion aut
dedere aut judicare et cela a donné à la coopération
pénale internationale dans certains domaines un automatisme qui a
été en quelque sorte la feuille de vigne qui a couvert la
nudité partielle de la souveraineté
nationale »115(*).
Le chemin reste toutefois assez long si l'on considère
un tant soit peu l'attitude laxiste ou réticente des États pour
ce qui est de la mise en oeuvre de cette règle. Xavier PHILIPPE fait
d'ailleurs remarquer que
»in many cases the aut dedere aut judicare
principle remains purely theoretical, and states that have courageously tried
to implement the principles of universal jurisdiction and complementarity in a
more systematic and concrete manner through their national legislation have not
been long in realizing that the constraints of realpolitik or diplomacy clashed
with the concept of universal jurisdiction»116(*).
Au-delà d'un droit spécifique de la Belgique au
respect du principe aut dedere aut judicare par le
Sénégal, on peut, sur la base du droit international
conventionnel et coutumier, affirmer que le respect dudit principe est en
même temps un droit et un devoir pour chaque État vis-à-vis
de la communauté internationale dans son ensemble. Ce que l'Ordonnance
du 28 mai 2009 aurait dû relever dans un de ses obiter dicta.
L'on peut en effet relever, à la suite d'Alain PELLET117(*), que dans la droite
ligne du dictum de la CIJ dans l'affaire Barcelona Traction,
tout Etat peut mettre en cause la responsabilité de l'auteur d'un crime,
même sans en être la victime immédiate.
La Belgique, comme tout État, peut également
prétendre à un droit plus général à la lutte
contre l'impunité.
B. Le droit à la lutte contre l'impunité
des crimes les plus graves
Dès l'abord, l'on se doit de préciser que la
Cour n'avait pas à se pencher spécialement sur le droit de la
Belgique à lutter contre l'impunité des crimes les plus graves.
En fait, l'on ne doit pas perdre de vue que l'Ordonnance du 28 mai 2009 n'est
que l'aboutissement d'un incident de procédure. A ce titre, la Cour doit
tout simplement se préoccuper de sauvegarder par des mesures
conservatoires les droits que l'arrêt qu'elle aura à rendre
ultérieurement pourrait éventuellement reconnaître à
l'une des parties.
Les atrocités qu'a connues la société
internationale, d'abord, notamment pendant les deux conflits mondiaux, et
ensuite, dans le cadre des conflits armés internationaux et internes
récents, ont suscité chez des États une volonté
réelle de lutter contre l'impunité de celles-ci. Cette
volonté punitive a eu pour résultat le développement d'un
arsenal juridique coutumier et conventionnel en faveur de la répression
internationale des infractions graves. C'est ainsi que le droit international
oblige les États à lutter contre l'impunité des auteurs de
telles infractions. Pour s'en convaincre, il suffit de consulter les
Conventions de Genève du 12 août 1949 (notamment l'article commun
aux quatre Conventions118(*)), la Convention contre la torture (articles 5, 6 et
7), le Statut de la CPI (préambule, considérants 4 à
6119(*)) et les
résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies de
2003 sur la situation en Côte d'Ivoire120(*), en République Démocratique du
Congo121(*) et en Sierra
Leone122(*). Ces
exemples montrent bien que la volonté de réprimer efficacement
les crimes internationaux et d'obvier les cas d'impunité se trouve le
mieux assurée par l'obligation faite aux États de traduire les
auteurs présumés en justice123(*). L'objet principal de la plupart de ces textes est
de combattre l'impunité et d'exercer une répression efficace des
infractions graves, en assurant qu'une juridiction nationale sera toujours
compétente à l'égard de celles-ci. Le juge CANÇADO
TRINDADE pense d'ailleurs que, dans le cas d'espèce, «the right
to be preserved is ultimately the right to the realization of justice, the
right to see to it that justice is done...»124(*)
L'obligation pour les États de lutter contre
l'impunité des crimes internationaux ne faisant plus de doute, ne
peut-on pas dès lors affirmer que chaque État a également
le droit d'en exiger l'observation des autres ? Certainement dans la
mesure où l'État violerait le droit international et où sa
responsabilité internationale se trouverait engagée en cas de non
respect de son obligation de réprimer les infractions graves. Le non
respect de cette obligation par l'amnistie des crimes en cause ne serait pas
opposable aux États ayant compétence pour connaître desdits
crimes, ceux-ci pouvant toujours entamer des poursuites contre les auteurs
présumés125(*).
De fait, certains États (notamment la
Belgique126(*) et
l'Espagne) affirment avec force l'exigence de mettre fin à
l'impunité en se substituant aux juges nationaux ou au for du
territoire, « coupables » d'omission, car ils n'engagent
aucune poursuite contre les auteurs présumés de crimes
gravissimes127(*). Ces
États remplissent ainsi leurs obligations conventionnelles au risque de
courroucer leurs homologues. Il faut noter, pour le déplorer, que,
même si le droit international exige la lutte contre l'impunité,
certains États n'y accordent pas toujours beaucoup d'attention. Il
s'agit là d'un « décalage frappant entre les
potentialités du droit et leur usage effectif »
évoqué par Antonio CASSESE128(*), d'un contraste déplorable entre le discours
politico-diplomatique et la pratique judiciaire.
De ce qui précède, il ressort que les droits
invoqués par la Belgique sont bien fondés et c'est à bon
droit que la Cour a affirmé leur plausibilité. Dès lors,
il reste à examiner la dernière exigence pour l'indication des
mesures conservatoires, l'urgence, pour dire s'il existait en l'espèce
un risque de préjudice irréparable aux droits invoqués par
la demanderesse.
Section II : La confirmation de l'exigence de
l'urgence
L'Ordonnance de la Cour a le mérite de comporter un
examen minutieux de la notion d'urgence. L'urgence y est
considérée comme une condition déterminante pour
l'indication des mesures conservatoires. Celles-ci ont pour objet la sauvegarde
d'un droit du fait de l'urgence. L'urgence constitue en réalité
la condition ultime et la justification pratique de l'indication des mesures
conservatoires par la Cour. De la décision de la Cour, il ressort que
l'urgence est constituée par un risque réel et imminent et un
préjudice irréparable. On examinera d'abord les
éléments constitutifs de l'urgence (§ 1)
avant d'analyser son caractère relatif et son effet procédural
(§ 2).
§ 1- Les éléments constitutifs de
l'urgence
Il ressort de l'Ordonnance du 28 mai 2009 que, l'urgence est
constituée, lorsqu'il est possible de démontrer qu'il existe un
risque réel et imminent et qu'un préjudice irréparable est
susceptible d'être causé aux droits en litige avant que la Cour
n'ait rendu sa décision définitive. On examinera donc tour
à tour le risque réel et imminent (A) et le
préjudice irréparable (B).
A. Le risque réel et imminent
Se référant à sa propre jurisprudence, la
Cour a rappelé dans l'Ordonnance du 28 mai 2009 que son pouvoir
d'indiquer des mesures conservatoires ne sera exercé que s'il y a
urgence, c'est-à-dire s'il existe un risque réel et imminent
qu'un préjudice irréparable soit causé aux droits en
litige avant qu'elle n'ait rendu sa décision au fond129(*). Un risque peut être
considéré comme réel lorsque son existence ne fait pas de
doute. En l'espèce, la demanderesse a exposé les
différentes déclarations médiatiques du président
WADE130(*) faisant
état du fait que le Sénégal pourrait laisser
Hissène HABRE quitter son territoire. La possibilité du
départ de l'ex-président tchadien du Sénégal a
été évoquée dans les médias internationaux,
par la plus haute autorité de ce pays. Cela démontrait à
suffisance que les droits de la Belgique étaient susceptibles de subir
un préjudice.
S'agissant de l'imminence du risque, c'est le lieu de rappeler
que le conditionnel étant de mise dans les propos du président
WADE, on ne saurait dire péremptoirement qu'un préjudice
irréparable était sur le point d'être causé aux
droits en litige. En effet, il ressort des différents propos de ce
dernier, que le procès contre Hissène HABRE commencera dès
que les moyens financiers nécessaires seront disponibles. La
possibilité du départ de Hissène HABRE n'a
été envisagée qu'au cas où le Sénégal
n'obtiendrait pas ces moyens.
On peut donc affirmer qu'en l'espèce, le risque,
même s'il était réel, son imminence faisait défaut.
Mais, il faut noter que le doute a commencé à planer sur la
réalité du risque avec les assurances données
spontanément par le Sénégal et surtout avec les
précisions apportées en ce qui concerne les déclarations
de son président. Ce risque va disparaître complètement
lorsque le Sénégal, répondant à la question du juge
GREENWOOD, s'engagera solennellement à ne pas laisser Hissène
HABRE quitter son territoire avant que la Cour n'ait rendu sa décision
définitive.
B. Le risque de préjudice irréparable
Il importe de noter dès l'abord qu'en matière de
mesures conservatoires, la Cour rappelle constamment qu'elle ne peut les
indiquer que si un préjudice irréparable est susceptible
d'être causé aux droits de l'une des parties131(*). Le préjudice
irréparable a été défini par la CPJI comme celui
qui ne saurait être réparé « moyennant le
versement d'une simple indemnité ou par une autre prestation
matérielle »132(*).
La Belgique a estimé que les déclarations
médiatiques du président WADE démontrent clairement que
ses droits sont menacés. Elle expose que, si l'ex-président
tchadien devait être autorisé à quitter le territoire
sénégalais, il pourrait se soustraire à toute poursuite et
il deviendrait impossible pour le Sénégal de se conformer,
notamment, aux obligations énoncées par la Convention contre la
torture. Elle ajoute que la violation de l'obligation de poursuivre ou
d'extrader ainsi causée ne saurait être réparée par
d'autres moyens, notamment par des compensations pécuniaires133(*). Le Sénégal,
pour sa part, souligne que la déclaration du chef de l'État ne
constitue pas une menace justifiant une demande en indication de mesures
conservatoires. Il assure ne pas avoir l'intention de mettre fin aux mesures
efficaces de contrôle et de surveillance dont fait l'objet Hissène
HABRE134(*), faisant
évaporer le risque de préjudice allégué par la
Belgique.
La position qu'a adoptée la Cour est conséquente
lorsque, tenant compte des assurances données par le
Sénégal, elle a constaté que « le risque de
préjudice irréparable aux droits revendiqués par la
Belgique n'[était] pas apparent à la date à laquelle [son]
ordonnance [a été] rendue »135(*). Si l'on ajoute à
tout cela les réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD, la
conclusion à laquelle est parvenue la Cour est assez
compréhensible.
De fait, en acceptant l'engagement solennel du
Sénégal (de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son
territoire tant que la Cour n'a pas rendue un arrêt définitif), la
Belgique a tout simplement consacré la disparition du risque de
préjudice irréparable.
On peut toutefois s'étonner du fait que le juge
CANÇADO TRINDADE n'ait pas été du même avis que
les autres membres de la Cour. Pour ce juge, il y avait urgence puisqu'aussi
bien des mesures auraient dû être prises pour préserver et
respecter le droit à ce que justice soit rendue136(*). Il a précisé
en effet que
«[i]n its own case law, the Court, invoking the
principle jura novit curia, has clarified that it is not bound to confine its
consideration of the case at issue to the pleas or the materials formally
submitted to it by the parties. In sum, the Court is the master of its own
jurisdiction, and it is empowered to indicate any provisional measures it deems
necessary in a case, irrespective of the arguments of the parties, or even in
the absence of such arguments»137(*).
On constate dès lors que la Cour a conclu à
l'absence de l'urgence tout simplement parce que ses éléments
constitutifs n'étaient pas réunis en l'espèce. On a pu
ainsi noter le caractère relatif et mesurer l'effet procédural de
l'urgence.
§ 2- Le caractère relatif et l'effet
procédural de l'urgence
L'Ordonnance de la Cour met en relief la relativité de
l'urgence. Les circonstances des affaires dont la Cour est saisie pouvant
évoluer, l'urgence n'est pas absolue. Par ailleurs, cette
décision permet de mesurer le poids que peut avoir l'urgence sur la
procédure incidente des mesures conservatoires. L'existence de l'urgence
étant l'exigence ultime pour l'indication des mesures conservatoires,
son absence empêche généralement la Cour de le faire.
L'analyse du caractère relatif de l'urgence (A)
précèdera l'examen de son effet procédural
(B).
A. Le caractère relatif de l'appréciation
de l'urgence par la Cour
L'Ordonnance du 28 mai 2009 illustre très bien la
difficulté qu'il y a souvent à établir l'existence d'un
risque, surtout lorsque cela ne relève pas de l'évidence. La Cour
a dans ce cas un large pouvoir d'appréciation de la situation ou du
comportement préjudiciable de l'une des parties au litige. Le
caractère préjudiciable d'un comportement ou l'urgence d'une
situation ne sont pas absolus. La Cour peut donc opter soit pour une
interprétation restrictive, soit pour une appréciation extensive
du caractère urgent des circonstances qui sous-tendent le
différend dont elle est saisie. Il arrive en effet que la Cour indique
des mesures conservatoires sur la base d'un risque éventuel, voire
simplement virtuel138(*) : « si les otages subissaient des
atteintes à leur intégrité physique, le préjudice
subi serait irréparable »139(*) ; « si des essais nucléaires
avaient lieu dans l'atmosphère, il n'est pas exclu que des substances
radioactives se déposent sur le territoire d'États tiers, et que
ce dépôt cause un préjudice
irréparable »140(*).
Dans le cas d'espèce, on a assisté plutôt
à une autre dimension de la relativité de l'appréciation
de l'urgence. Il s'agit de la disparition d'un risque de préjudice
irréparable en cours de procédure devant la Cour. En effet, au
moment où la Cour a été saisie de la demande belge en
indication de mesures conservatoires, il existait des raisons sérieuses
de croire qu'il y avait urgence à sauvegarder les droits
allégués par la Belgique. Les déclarations du
président WADE justifiaient en tout cas les inquiétudes belges.
La Belgique a démontré le caractère
irréparable du préjudice menaçant ses droits du fait du
comportement du Sénégal. C'est en réaction que ce dernier
a affirmé sa volonté de maintenir Hissène HABRE sur son
sol. A ceci s'est ajouté son engagement solennel qui a tout simplement
fait voler en éclat l'urgence alléguée par la Belgique. La
Cour considère tout d'abord que les déclarations émanant
du président sénégalais, même si elles ont pu fonder
certaines inquiétudes de la Belgique, ont été
précisées par d'autres déclarations du chef de
l'État141(*). Par
la suite, elle tient compte des assurances données par le
Sénégal pour constater que « le risque de
préjudice irréparable aux droits revendiqués par la
Belgique n'est pas apparent... »142(*). Même si la Cour conclut de tout cela qu'il
n'existe « aucune urgence »143(*), en réalité il
aurait été plus exact de conclure qu'il n'existe
« plus » aucune urgence.
En effet, la Cour en statuant ainsi, a donné
l'impression que l'urgence n'avait jamais existé dans l'affaire opposant
la Belgique au Sénégal. Or une lecture moyenne des obiter
dicta (opinions ou indications occasionnelles du juge) de l'Ordonnance du
28 mai 2009 permet de se faire une idée différente sur la
question. Il est presque certain que n'eussent été les assurances
données par le Sénégal, la Cour aurait indiqué des
mesures conservatoires allant dans le sens du maintien de Hissène HABRE
sous le contrôle et la surveillance des autorités
sénégalaises. On a ainsi pu constater que l'urgence n'est ni
absolue ni définitive, la Cour ayant un large pouvoir
d'appréciation des circonstances et l'urgence d'une situation pouvant
disparaître avant le délibéré de la Cour. Même
si celle-ci a conclu à l'inexistence de l'urgence dans les circonstances
de l'espèce, il importe tout de même d'examiner l'effet
procédural de l'urgence lorsqu'elle est établie.
B. L'effet procédural de l'urgence
L'Ordonnance du 28 mai 2009 permet de mesurer l'effet
procédural de l'urgence. De fait, lorsque l'urgence fait défaut,
la Cour ne peut valablement faire usage du pouvoir qu'elle tient de l'article
41, § 1 de son Statut. Aux termes de cette disposition, la Cour a le
pouvoir d'indiquer, si elle estime que les circonstances l'exigent, quelles
mesures conservatoires du droit de chacun doivent être prises à
titre provisoire. Cette disposition, il faut le rappeler, confère
à la Cour un pouvoir et non une obligation. Toutefois, lorsque la Cour
estime qu'il existe un risque de préjudice irréparable pesant sur
les droits de l'une quelconque des parties, l'indication des mesures
conservatoires est inévitable. On remarque d'ailleurs que, dans toutes
les espèces où la Cour a eu à indiquer de telles mesures,
l'urgence est le plus souvent sa principale motivation.
Certaines affaires illustrent de manière
éclatante le caractère décisif de l'urgence pour
l'indication des mesures conservatoires. Dans l'affaire du Nicaragua
par exemple, l'existence d'un risque de préjudice
irréparable, qui est parfois difficile à établir, relevait
de l'évidence144(*) ; ce qui a amené la Cour à
indiquer des mesures tendant à faire cesser les violences, à
protéger les droits du Nicaragua, à éviter l'aggravation
du différend145(*) etc. L'affaire LaGrand illustre encore
mieux l'effet procédural de l'urgence. L'on se souviendra que la
requête et la demande en indication des mesures conservatoires de
l'Allemagne furent enregistrées au Greffe de la Cour le 2 mars 1999,
à 19h 30 (c'est-à-dire la veille du jour de l'exécution de
M. Walter LaGrand). Au regard de l'urgence à protéger le droit
à la vie de ce dernier, la Cour a rapidement rendu dès le
lendemain une Ordonnance appelant les États-Unis à suspendre
l'exécution avant son arrêt définitif. Même si ces
derniers ont violé la décision de la Cour en exécutant M.
LaGrand le 8 mars 1999146(*), la célérité avec laquelle elle
a été prise est remarquable. La Cour a même
considéré courageusement qu'elle peut, « en cas
d'extrême urgence, procéder [à l'indication des mesures
conservatoires] sans tenir d'audience »147(*).
Au total, de même que l'existence de l'urgence
amène la Cour à indiquer des mesures conservatoires comme ce fut
le cas dans les affaires Nicaragua et LaGrand, le
défaut d'urgence la conduit à s'abstenir d'indiquer de telles
mesures comme ce fut le cas dans son Ordonnance du 28 mai 2009.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
La Cour a jugé plausibles les droits invoqués
par la requérante dans la mesure où, selon elle, ils pouvaient
être fondés sur la Convention contre la torture. Ces droits ont
certainement leur source dans le droit international conventionnel et
coutumier. La requérante invoque essentiellement le droit au respect de
l'obligation de poursuivre ou d'extrader par le Sénégal. A ce
droit est ajouté le droit qu'a tout État de participer à
la lutte contre l'impunité des infractions graves. En
réalité, le droit international prévoit l'obligation de
poursuivre ou d'extrader et l'obligation de lutte contre l'impunité. Ces
obligations ont un caractère erga omnes. On estime dès
lors que les États doivent en même temps les exécuter et
revendiquer leur respect.
Les mesures conservatoires ne peuvent être
indiquées par la Cour que s'il y a urgence c'est-à-dire un risque
réel et imminent de préjudice irréparable aux droits en
litige. L'urgence constitue en effet la condition ultime de l'indication de
telles mesures. Elle est la justification pratique des mesures conservatoires.
On a toutefois pu constater que la Cour a un large pouvoir
d'appréciation de l'urgence des circonstances qui se présentent
à elle. Cette appréciation est assez relative dans la mesure
où l'urgence peut même disparaître en cours de
procédure, comme ce fut le cas en l'espèce.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
La Cour a réaffirmé les conditions
préalables et indispensables pour l'exercice du pouvoir prévu par
l'article 41 de son Statut à savoir l'indication de mesures
conservatoires. Elle a marqué son souci de tenir largement compte du
consentement des parties à sa juridiction dans l'examen de sa
compétence et de la recevabilité de la requête belge,
même prima facie. Selon le juge ad hoc Serge SUR, elle
s'y estime d'autant plus tenue que le caractère obligatoire des mesures
conservatoires est désormais incontestable, et qu'elle estime devoir
s'assurer que l'exercice de son pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires
repose sur des bases, au départ, plausibles148(*). Ce juge se demande
cependant si « la Cour ne fait pas montre d'une prudence excessive et
si cette prudence ne risque pas, en réalité, de la conduire
à des résultats qui pourraient ultérieurement
apparaître fâcheux pour la manière dont ses décisions
sont perçues »149(*).
Le soin mis par la Cour dans l'examen de l'existence d'un
différend entre les parties relève des considérations
logiques et dénote une précaution judiciaire. La Cour a pu
constater l'évolution de la portée de ce différend entre
la date du dépôt de la requête et le moment du
délibéré. On est passé d'un différend
manifeste à un différend quasi latent.
Les droits invoqués par la Belgique sont plausibles.
L'obligation de poursuivre ou d'extrader est prévue par le droit
international conventionnel et coutumier. Le droit de la Belgique au respect de
cette obligation ne fait donc pas de doute. La lutte contre l'impunité
constitue une obligation internationale de la communauté des
États.
L'urgence est constituée en réalité du
risque réel et imminent du préjudice irréparable pesant
sur les droits en litige. Celle-ci constitue la condition ultime, la
justification même de l'indication des mesures conservatoires par la
Cour. On a démontré le caractère relatif de
l'appréciation de l'urgence par la Cour. Les circonstances
évoluent en parallèle avec les attitudes respectives des parties.
En l'espèce, on a pu constater, d'abord, que les assurances
sénégalaises ont remis en question l'urgence
alléguée par la Belgique, ensuite, la disparition de l'urgence du
fait des réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD. Par
ailleurs, ces assurances du Sénégal de ne pas laisser
Hissène HABRE quitter son territoire et ces réponses des parties
permettent de mesurer la pertinence de la demande belge en indication des
mesures conservatoires.
Comme on a pu le constater, la demande belge en indication des
mesures conservatoires n'était pas du tout dénuée de
pertinence. La lecture de l'Ordonnance permet en effet de l'affirmer. La Cour
n'a pas méconnu, comme certains pourraient le penser, l'urgence du
jugement de Hissène HABRE. Il s'est passé une chose très
importante au cours de la procédure, qui constitue sans aucun doute la
ratio decidendi, c'est-à-dire les motifs décisifs de la
décision de la Cour. En effet, la Belgique a saisi la CIJ en
prétendant qu'il existait des raisons sérieuses de croire que le
Sénégal pourrait laisser l'ex-président tchadien quitter
son territoire. Mais le Sénégal a, à maintes reprises et
tout au long des observations orales, donné des assurances en disant
qu'il ne permettra pas à Hissène HABRE de quitter son territoire
avant que la Cour ait rendu sa décision définitive.
Mais plus déterminantes ont été les
réponses données par les parties aux questions du juge GREENWOOD.
Ces questions et les réponses qui y ont été servies ont
permis de jeter un regard particulier sur la fonction médiatrice que la
Cour a remplie dans la présente procédure. On peut penser que la
Cour aurait indiqué des mesures conservatoires n'eût
été la survenance de ces faits. En effet, comme on l'a
noté, la saisine de la Cour par la Belgique a marqué
énormément l'actualité événementielle
à travers la planète150(*). A défaut donc de cette sorte de
médiation ou de justice transactionnelle que les questions du juge ont
permis de réaliser, l'Ordonnance rendue par la Cour aurait
été en marge de la tendance prédominante du droit
international pénal à savoir la lutte contre l'impunité.
En effet, si l'urgence n'avait pas disparu en cours de procédure, la
Cour aurait certainement indiqué les mesures sollicitées par la
Belgique. Ceci afin de s'assurer de la possibilité de poursuivre et de
juger Hissène HABRE.
La requête et la demande belges visent à
empêcher que les crimes attribués à Hissène HABRE
restent impunis. On n'est qu'à l'étape des mesures conservatoires
et il plane déjà un sentiment du définitif. En effet, rien
ne peut permettre aujourd'hui de dire si la Cour aura à statuer sur le
fond. Il n'est pas incommodant de préciser que rien n'oblige, en
réalité, le Sénégal aujourd'hui à s'activer.
Cet Etat peut en effet considérer que l'affaire étant pendante
devant la Cour, la seule obligation qui lui incombe est de maintenir
Hissène HABRE au Sénégal. Mais la société
internationale a le droit d'espérer en la bonne foi du
Sénégal qui, de l'avis de Reed BRODY, a un « rôle
[...] avant-gardiste dans la promotion du droit
international »151(*). L'on se rappellera que, lors des audiences
publiques, le Sénégal a parlé du jugement de
Hissène HABRE comme étant « son
droit »152(*).
Il a par ailleurs évoqué les réformes entreprises et les
mesures prises en vue de la tenue de ce procès.
La pertinence de la demande belge est perceptible à
partir des assurances données proprio motu par le
Sénégal (Chapitre I) et de la fonction
médiatrice de la Cour à travers les questions du juge GREENWOOD
(Chapitre II).
CHAPITRE I : LES ASSURANCES DONNEES PROPRIO
MOTU PAR LE SENEGAL
Le Sénégal a entrepris de démontrer, sans
y être incité tout au long des audiences publiques, qu'il n'y
avait aucun risque que Hissène HABRE quitte son territoire et
échappe à toute poursuite pénale153(*). Il a ainsi apporté
un certain nombre d'éléments qui, a priori, peuvent
démontrer sa détermination à exécuter le mandat
à lui donné par l'UA, à savoir poursuivre et juger
l'ex-président du Tchad au nom de l'Afrique. Les assurances
données par la partie sénégalaise vont du rappel de
l'effectivité des mesures relatives à la rétention de
Hissène HABRE au Sénégal à l'affirmation de sa
volonté ou mieux sa détermination à juger celui-ci.
On peut penser que le Sénégal est conscient de
son obligation de poursuivre et juger Hissène HABRE comme l'exigent le
droit international conventionnel et le droit international coutumier. En
effet, lorsque l'on se souvient un instant des interférences politiques
qui se sont produites lors de la première tentative de jugement de
Hissène HABRE au Sénégal, tout procès d'intention
exclu, le doute peut être permis154(*).
On va tout d'abord faire cas de la teneur des assurances
sénégalaises (Section I), après quoi on
passera à l'analyse de l'impact desdites assurances sur le sort de la
demande belge et sur le différend principal (Section
II).
Section I : La teneur des assurances proprio motu
du Sénégal
L'importance des assurances données par le
Sénégal peut être mesurée par rapport à la
demande en indication des mesures conservatoires. Ces assurances sont
relatives, d'une part, à l'effectivité des mesures tenant
à la rétention de Hissène HABRE au Sénégal
(§ 1) et, d'autre part, à la volonté
affirmée de ce dernier de juger l'ex-président tchadien
(§ 2).
§ 1- L'effectivité des mesures relatives
à la rétention de Hissène HABRE au
Sénégal
On s'attardera tour à tour sur l'explication de la
déclaration du président sénégalais
(A), et la surveillance exercée sur Hissène
HABRE et sur son entourage (B).
A. L'explication de la déclaration du
président WADE
Le Sénégal a avant tout entrepris de
préciser et de justifier les propos médiatiques de son
président. Le défendeur prétend en fait qu'il s'agissait
d'un « faux prétexte à la demande de mesures
conservatoires »155(*). En effet, on se souviendra que la demande belge
était principalement justifiée par une déclaration du
président de la République du Sénégal sur les ondes
de Radio France Internationale (ci-après :
« RFI ») le 2 février 2009. L'entretien
accordé à RFI est d'ailleurs la seule référence
médiatique inscrite dans la demande belge. On peut y lire ce qui
suit :
« Actuellement, [Hissène] HABRE est en
résidence surveillée à Dakar, mais il ressort d'un
entretien donné par le Président sénégalais,
A[bdoulaye] WADE, à Radio France Internationale, que le
Sénégal pourrait mettre fin à cette mise en
résidence surveillée s'il ne trouve pas le budget qu'il estime
nécessaire à l'organisation du procès de [Hissène]
HABRE »156(*).
On peut donc regretter, avec le Sénégal, que
lors des observations orales, la Partie belge ait plutôt mentionné
d'autres déclarations médiatiques du président
sénégalais157(*), et n'ait pas tenu compte davantage de la
déclaration faite sur RFI.
Dans sa plaidoirie, la demanderesse mentionne en premier lieu
l'interview accordée au journal espagnol Público et
reproduite dans le numéro daté du 14 octobre 2008. Interview qui
a d'ailleurs amené Human Rights Watch158(*) à
déclarer que le président sénégalais semait le
doute sur la tenue du procès contre Hissène HABRE159(*). Le président WADE
conditionnait en effet le jugement de Hissène HABRE par l'obtention du
financement requis de la société internationale et
déclarait qu'il « n['allait] pas garder indéfiniment
[Hissène] HABRE au Sénégal »160(*).
La demanderesse mentionne ensuite la déclaration faite
dans le journal français La Croix du 18 décembre
2008 :
« Je vais donc mettre en garde mes homologues lors
du prochain sommet de l'Union africaine en janvier [2009] et, si des
[décisions] ne sont pas prises, peut-être renverrai-je
Hissène Habré au Tchad. Mais en tout cas, si le procès
ne se tient pas, je ne le garderai pas encore longtemps au
Sénégal »161(*).
Enfin, la Belgique fait cas de l'entretien accordé, le
3 février 2009, à l'Agence France-Presse (AFP) qui rapporte ledit
entretien comme suit :
« Interrogé pour savoir ce qu'il comptait
faire en l'absence de financements, M. Wade a évoqué deux options
: « ou je le renvoie chez lui » mais dans ce cas, a-t-il
estimé, c'est l'actuel président tchadien Idriss Deby « qui
va avoir des problèmes » ; « ou je le renvoie au
président de l'Union africaine », [...] le leader libyen Mouammar
Kadhafi »162(*).
L'État défendeur a insisté sur le fait
que la déclaration faite à RFI, dont se prévaut la
demanderesse pour solliciter les mesures conservatoires, a été
« complètement distraite de son contexte, et s'est vu
attribuer un sens qu'elle n'avait évidemment pas »163(*). Le président
sénégalais déclare en effet dans cette interview ce qui
suit :
« J'avais dit que si on ne me mettait pas dans
les conditions, c'est-à-dire de financement du procès, moi,
j'allais rendre le dossier.
J'autorise ces ONG à venir au Sénégal
pour qu'on leur dise exactement où nous en sommes... J'ai
accepté [que le procès se tienne] parce que je suis contre
l'impunité. Nous avons été jusqu'à prendre les
textes internationaux et à les intégrer à notre propre
droit pour pouvoir juger Hissène Habré. [Après toutes les
promesses d'appui qui ont été faites], comme ça
traînait un peu, j'ai dit « il faut que le [soutien financier
promis] soit réellement disponible... C'était pour pousser un
peu pour qu'on accélère... Dès que nous aurons les moyens,
le procès va commencer. Il n'y a absolument aucun doute
»164(*).
Le défendeur a conclu là-dessus en disant que la
« tonalité générale du propos
présidentiel se situe (...) dans la perspective de la tenue d'un
procès » et qu'une « interprétation
contraire serait en effet quelque peu
déloyale »165(*).
On conviendra facilement que, même si la Belgique n'a ni
versé dans le « caviardage »166(*), ni tronqué les
déclarations du président WADE, elle n'en a tout de même
présenté que des extraits de nature à dénoter la
mauvaise foi du président sénégalais. Cette façon
d'opérer, quand bien même elle serait motivée par l'urgence
de la situation, peut être pertinemment qualifiée de tentative de
manipulation.
B. La surveillance exercée sur Hissène
HABRE et sur son entourage
A propos de la surveillance exercée sur Hissène
HABRE et sur sa famille, le Sénégal la qualifie de
« constante et resserrée ». A l'issu de la
plaidoirie des représentants sénégalais, il est clair que
la « probabilité que l'ex-président tchadien quitte
le Sénégal et échappe à toute poursuite
pénale est quasi nulle »167(*). La Cour sera par ailleurs
informée de ce que Hissène HABRE ne dispose pas d'un titre de
voyage en cours de validité, lui permettant de voyager - ni passeport,
ni sauf-conduit168(*).
Sur le plan de la logistique, le défendeur
relève que ladite surveillance est exercée au quotidien par le
gouverneur militaire, responsable de la sécurité du Palais de la
République ; mission de surveillance confiée
également à un groupe d'intervention de la gendarmerie
sénégalaise. Cette dernière est une unité
d'élite dotée de moyens spéciaux, formée et
entraînée pour la protection des autorités. Dans la
banlieue dakaroise Ouakam, lieu de localisation des deux demeures de
Hissène HABRE, cette surveillance est assurée également
par une autre brigade de gendarmerie sénégalaise.
Si l'on s'en tient à ce qui précède, l'on
constate tout simplement une certaine application, par le
Sénégal, de l'une des exigences de la Convention contre la
torture à savoir la détention de toute personne
présumée auteur d'infractions prévues à l'article
4. Il s'agit des « actes de torture »,
« tentative de pratiquer la torture » ou « tout
acte qui constitue une complicité ou une participation à l'acte
de torture ». En effet, il ressort de l'article 6, § 1 de ladite
Convention que :
« S'il estime que les circonstances le justifient,
après avoir examiné les renseignements dont il dispose, tout
État partie sur le territoire duquel se trouve une personne
soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à
l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres
mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette
détention et ces mesures doivent être conformes à la
législation dudit État ; elles ne peuvent être maintenues
que pendant le délai nécessaire à l'engagement des
poursuites pénales ou d'une procédure
d'extradition ».
De ce qui précède, il peut être
relevé la capacité et une certaine volonté du
Sénégal de maintenir Hissène HABRE sur son sol. L'on se
doit de rappeler ici que l'ancien dirigeant tchadien n'est pas détenu.
Il n'est pas inutile en effet, de préciser que la
« détention » et la « résidence
surveillée » sont deux situations nettement
différentes. La « détention » est
l'état de l'individu retenu à quelque titre que ce soit dans un
établissement pénitentiaire169(*). L'on dit par contre qu'un individu est mis en
« résidence surveillée », cas de
l'ex-président tchadien, lorsque ce dernier, bien que continuant
d'habiter sa résidence ou son domicile habituel, est soumis à une
surveillance systématique des autorités judiciaires. Cette
situation est celle dans laquelle est placé Hissène HABRE au
Sénégal.
§ 2- La volonté affirmée du
Sénégal de juger Hissène HABRE
Des éléments qui permettent de dénoter
une volonté sénégalaise de juger Hissène HABRE, on
a retenu les réformes normatives (A) et les
négociations internationales (B) engagées en vue
de l'organisation du procès contre l'ex-président tchadien par le
Sénégal.
A. Les réformes normatives entreprises par le
Sénégal
Comme on l'a relevé à l'introduction de cette
étude, le Sénégal a modifié sa législation
afin de doter ses juridictions de la compétence pour le jugement des
crimes internationaux en général et des crimes
allégués de Hissène HABRE en particulier. La partie belge
s'en est réjouie d'ailleurs lors du premier tour de plaidoiries sur sa
demande en indication de mesures conservatoires. Ces
« réformes de fond et de forme » touchent non
seulement la législation pénale, mais aussi la législation
constitutionnelle sénégalaise.
Sur le plan pénal, le Sénégal a
promulgué deux lois le 12 février 2007170(*) à savoir :
Ø la Loi n° 2007-02 qui modifie son Code
pénal en y incorporant le crime de génocide, les crimes de guerre
et les crimes contre l'humanité ;
Ø la Loi n° 2007-05 qui modifie son Code de
procédure pénale en y introduisant, d'une part, le principe de la
compétence universelle pour la répression des crimes
énumérés ci-dessus et, d'autre part,
l'imprescriptibilité par « nature » de ces crimes171(*).
Le Sénégal a ainsi mis sa législation
pénale en conformité avec la Convention des Nations Unies sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité du 26 novembre 1968172(*). Du fait de ces deux lois, relève
Raphaël TIWANG WATIO, le Sénégal rentre ainsi, bon
gré mal gré, dans le groupe minoritaire d'Etats africains ayant
effectivement [intégré dans l'ordre juridique interne] les
Conventions internationales protectrices des droits de l'homme173(*).
Il importe de noter qu'à travers les dispositions de
l'article 669 dudit Code de procédure pénale, « il
a été prévu qu'à l'occasion des crimes
internationaux commis par un étranger, à l'étranger, les
juridictions sénégalaises pouvaient être compétentes
si cet étranger était appréhendé sur [son]
territoire ou si le gouvernement obtenait son
extradition »174(*). Le défendeur a fait valoir que c'est d'une
compétence universelle assez large qu'ont été
dotées les juridictions sénégalaises.
Sur le plan constitutionnel, le Sénégal a
modi?é sa Constitution par la Loi constitutionnelle n° 2008-33
du 7 août 2008175(*). L'article 1er de cette loi remplace
l'article 9176(*) de la
Constitution de la République du Sénégal par les
dispositions suivantes :
« Toute atteinte aux libertés et toute
entrave volontaire à l'exercice d'une liberté sont punies par la
loi.
Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu la
rentrée en vigueur avant l'acte commis.
Toutefois, les dispositions de l'alinéa
précédent ne s'opposent pas à la poursuite, au jugement et
à la condamnation de tout individu en raison d'actes ou omission qui, au
moment où ils ont été commis, étaient tenus pour
criminels d'après les règles du droit international relatives aux
faits de génocide, crimes contre l'humanité, crime de guerres.
La défense est un droit absolu dans tous les Etats et
à tous les degrés de la procédure. »
La lecture de ces dispositions nouvelles enseigne sur
l'étendue et l'importance de la réforme ainsi
opérée. En effet, on constate qu'il existe désormais une
exception au principe de la non-rétroactivité de la loi
pénale pour le crime de génocide, les crimes contre
l'humanité et le crime de guerre177(*).
C'est dire si à présent les juridictions
sénégalaises peuvent pertinemment poursuivre les crimes
internationaux, ce qui n'était pas vraiment le cas en 2000. Raphaël
TIWANG WATIO n'est pas de cet avis. En fait, au sujet du motif
d'incompétence tiré de l'article 669 du Code de procédure
pénale sénégalais par la Cour d'appel de Dakar le 4
juillet 2000, cet auteur trouve que cet « argument était
fallacieux »178(*). Il se justifie en affirmant que l'adoption des
mesures de mise en oeuvre de la compétence universelle, à travers
les deux lois du 12 février 2007, n'aura pas pour effet de rendre l'Etat
sénégalais universellement compétent ; puisqu'il
l'était depuis la ratification de la Convention contre la
torture179(*)
(c'est-à-dire depuis 1986180(*)).
Ces réformes permettent de toutes les façons de
donner plein effet aux dispositions de la Convention contre la torture. En
effet, comme le rappelle fort à propos Damien VANDERMEERSCH,
« en ratifiant l'une des Conventions prévoyant le principe de
compétence universelle, les États s'engagent à attribuer
compétence à leurs juridictions pour connaître des
infractions visées par [lesdites] Convention[s] »181(*). Les États ont en
fait une certaine responsabilité dans le renforcement de l'ordre
juridique international en général. Michel VIRALLY faisait
d'ailleurs remarquer en 1964 que « l'ordre juridique international
est (...) incomplet [et a par conséquent] besoin du droit interne
pour fonctionner »182(*). John DUGARD renchérissait en affirmant
que : «[w]hile international protective measures are important,
it is essential, in the first instance, that municipal law provide legal
protection to the rights contained in international human rights
conventions»183(*).
Les réflexions de ces auteurs soulèvent
subtilement la question des rapports entre deux catégories juridiques
bien distinctes qui coexistent : d'un côté une
pluralité de droits nationaux, cadres et reflets de
sociétés fortement intégrées et étroitement
hiérarchisées, de l'autre le droit international, qui s'adresse
avant tout à des entités souveraines184(*). La doctrine est
divisée sur la question des rapports entre les deux ordres juridiques.
Il existe ainsi deux grandes écoles ou théories en la
matière : la théorie moniste et la théorie dualiste.
La théorie moniste voit une unité voire une
consubstantialité entre le droit international et le droit interne. Dans
la pratique des Etats, l'on distingue deux types de monisme : le monisme
avec primauté du droit interne et le monisme avec primauté du
droit international. Ce second type de monisme demeure le plus répandu
de nos jours. Le Sénégal a opté pour ce type dans sa
constitution (articles 97 et 98185(*)). La lecture de ces dispositions permet de constater
que le Sénégal fait une place éminente, parmi les normes
applicables dans l'ordre juridique national, aux normes d'origine
internationale, en particulier conventionnelle. Les réformes normatives
entreprises par le Sénégal en 2007 et 2008 sont en parfaite
conformité avec le principe de la primauté du droit
international.
Les réactions à ces importantes réformes
ont été, d'une part, le dépôt de la plainte du 16
septembre 2008186(*)
contre Hissène HABRE, d'autre part, la saisine en octobre 2008 de la
Cour de Justice de la Communauté Économique des États de
l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO)187(*) par les conseils de l'ancien président
tchadien et la procédure engagée contre le Sénégal
par un partisan de Hissène HABRE devant la Cour africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples (CrADHP)188(*).
B. Les négociations internationales
engagées en vue de l'organisation du procès contre Hissène
Habré
Selon la partie sénégalaise, c'est sa
préoccupation d'organiser le procès contre Hissène HABRE
qui justifie les négociations entreprises avec l'Union européenne
(ci-après : « UE ») et avec l'Union africaine
(ci-après : « UA »). Ces deux organisations se
sont en effet engagées à apporter leur soutien au
Sénégal pour l'organisation et la tenue du procès.
Procès qui, comme on le verra plus loin, nécessiterait des
ressources financières colossales.
Pour ce qui est de l'UE, l'on peut d'abord rappeler que
celle-ci a montré un certain intérêt pour la lutte contre
l'impunité en Afrique en général et pour l'affaire
Habré en particulier. De fait, dans la Résolution
législative du Parlement européen sur l'impunité en
Afrique, en particulier le cas de Hissène Habré, du 16 mars
2006, l'UE a invité le Sénégal à garantir à
Hissène HABRE un procès équitable, conformément
à la Convention des Nations Unies contre la torture, en l'extradant vers
la Belgique s'il ne devait pas y avoir d'alternative africaine189(*).
Ensuite, le 26 avril 2007, le Parlement européen
exhortera l'Union à « encourager et [à] appuyer le
gouvernement du Sénégal dans ses efforts, en vue de
préparer un procès rapide et équitable de Hissène
Habré, a?n qu'il réponde devant la justice des accusations de
violations massives des droits de l'Homme »190(*). A cet effet, une
délégation européenne s'est rendue à Dakar
l'année suivante. Aux termes de cette visite, celle-ci a fait un
rapport, et dans une lettre du 15 mars 2008, elle a
« constaté avec satisfaction la détermination du
Sénégal à mener à bien ce
procès »191(*).
Enfin, on peut noter l'élaboration conjointe du budget
du procès, par l'UE et par le Gouvernement de la République du
Sénégal192(*). Il convient de noter que le 24 novembre 2010, s'est
tenue à Dakar la table ronde des bailleurs de fonds pour le financement
du procès de Hissène HABRE. Au cours de cette rencontre, l'Union
africaine s'est engagée à dégager un million de dollars
(près de 500 millions Cfa) ; l'Union européenne
s'apprête à donner pour sa part 2 millions d'euros (environ 1
milliard 310 millions Cfa). Le reste du budget sera complété par
les engagements unilatéraux d'autres Etats comme la Belgique, le Tchad,
la France, l'Allemagne ou les Pays-Bas.
S'agissant de l'UA, tout a commencé avec la
décision des autorités sénégalaises de soumettre
à cette organisation régionale l'affaire Habré.
Les négociations avec l'UA ont conduit à l'adoption d'un ensemble
de décisions. Outre la mise en place du Comité d'éminents
juristes africains et le mandat donné au Sénégal de
« poursuivre et de faire juger » Hissène HABRE, la
Conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'UA a
demandé à tous les États membres de coopérer avec
le Gouvernement sénégalais.
La Conférence a par ailleurs lancé un appel tant
aux États membres qu'aux partenaires internationaux et à la
communauté internationale pour la mobilisation de toutes les ressources,
notamment financières, utiles à la préparation et au bon
déroulement du procès193(*). Le Sénégal a été
également invité par l'UA à « s'ouvrir
à l'expérience et à la contribution des juridictions et
juges du continent en vue de l'organisation du
procès »194(*).
Après l'analyse des assurances proprio motu du
Sénégal dont le caractère convaincant apparaît
clairement, il importe d'analyser leur impact tant sur la demande belge que sur
le différend principal.
Section II : L'impact des assurances
sénégalaises sur la demande belge et sur le différend
principal
Les assurances données par le Sénégal ont
eu une influence non négligeable sur l'évolution de l'affaire qui
l'oppose à la Belgique. Cette influence est très facile à
démontrer. En effet, le but recherché à travers la demande
belge, était d'empêcher Hissène HABRE de quitter le
Sénégal ; hypothèse qui aurait pour
conséquence la perte, par la Belgique, de son droit de poursuivre et
juger le mis en cause. Or les assurances sénégalaises ont le
mérite de battre en brèche les craintes belges. Ces assurances
remettent en cause l'urgence alléguée et donnent un
caractère superflu aux mesures conservatoires demandées par la
Belgique.
Par ailleurs, les assurances données par le
Sénégal ont un effet apaisant sur le différend principal
opposant les parties en ce qui concerne le respect par le Sénégal
de son obligation de poursuivre Hissène HABRE ou de l'extrader vers la
Belgique aux fins de poursuites pénales. L'on analysera tout d'abord
l'impact des assurances sénégalaises sur la demande belge
(§ 1) avant d'examiner cet impact sur le différend
principal (§ 2).
§ 1- L'impact des assurances sur le sort de la
demande belge
Il s'agit ici de disséquer l'influence des assurances
sénégalaises sur la demande belge en indication de mesures
conservatoires. Le premier effet ou l'effet indirect de ces assurances a
été de rendre discutable l'existence d'une urgence en
l'espèce. Pour ce qui est de leur effet direct, elles ont rendu
superflues les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique. Il
importe donc de s'attarder sur la superfluité des mesures conservatoires
sollicitées par la Belgique (B) non sans s'être
au préalable appesanti sur la remise en cause de l'existence de
l'urgence alléguée par la Belgique (A).
A. La remise en cause de l'urgence
alléguée par la Belgique
La Cour a tenu compte des assurances données par le
Sénégal pour constater que le risque de préjudice
irréparable aux droits revendiqués par la Belgique n'est pas
apparent à la date à laquelle son Ordonnance est rendue195(*). Elle en conclut par
conséquent qu'il n'existe, dans les circonstances de l'espèce,
aucune urgence justifiant l'indication des mesures conservatoires.
Il faut relever qu'avant le premier tour d'observations orales
du Sénégal, les craintes de la Belgique étaient clairement
fondées. En effet, nul ne peut nier que les déclarations
médiatiques du président WADE étaient de nature à
semer le doute sur l'éventualité du procès Habré au
Sénégal. C'est du reste pour cette raison que dès
l'ouverture de l'audience consacrée à sa plaidoirie (du 06 avril
2009), l'agent du Sénégal, Cheikh Tidiane THIAM, a reconnu que
cette affaire allait donner l'occasion à son pays de faire clairement
connaître sa détermination à demeurer un État de
droit respectueux du droit international196(*). Tout au long de la phase orale, les
représentants du Sénégal ont déclaré
à plusieurs reprises que le Sénégal ne permettra pas
à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait
rendu sa décision définitive197(*).
Le Sénégal a fait des précisions en ce
qui concerne les déclarations de son président. En effet, lorsque
l'on prend connaissance de ces déclarations sur toute leur
étendue, il est loisible de reconnaître que leur auteur a voulu
faire pression notamment sur l'UA et sur les éventuels donateurs. Mais
l'on ne peut pas reprocher à la Belgique d'avoir pris ces
déclarations pour argent comptant. Car l'essentiel à retenir
de celles-ci était la possibilité ouverte que Hissène
HABRE quitte le Sénégal. Les interférences
politiques198(*) qu'il y
a eu auparavant dans la tentative de jugement de Hissène HABRE au
Sénégal confortaient en tout cas les inquiétudes de la
Belgique.
En outre, le Sénégal a prouvé sa
détermination à poursuivre et à juger Hissène
HABRE, notamment en relevant les réformes normatives et les
négociations entreprises avec l'UE et avec l'UA en vue de la
mobilisation des ressources financières aux fins de l'organisation du
procès. Au vu du caractère convaincant des assurances ainsi
faites, on peut convenir avec le défendeur qu'il y a absence de risque
de préjudice irréparable justifiant l'indication de mesures
conservatoires. Toutefois, il faut préciser que l'urgence
alléguée par la demanderesse est considérée comme
inexistante dans cette affaire parce que le défendeur a donné des
assurances suffisantes. Celles-ci ont rendu inutiles les mesures conservatoires
sollicitées par la Belgique.
B. La superfluité des mesures conservatoires
sollicitées par la Belgique
Les assurances données par le Sénégal ont
eu un impact considérable sur la demande belge en indication de mesures
conservatoires. Il convient de rappeler que cette demande visait plus
précisément une mesure conservatoire, à savoir la prise
par le Sénégal de toutes les mesures en son pouvoir pour que
Hissène HABRE reste sous le contrôle et la surveillance de ses
autorités, en attendant que la Cour rende un arrêt
définitif dans cette affaire. Or, dans sa plaidoirie, le
Sénégal a fait valoir l'effectivité de la surveillance et
du contrôle exercés sur l'ex-président tchadien et sur sa
famille. Le Sénégal a aussi rassuré la Cour sur le fait
que cette surveillance était exercée au quotidien et de
manière resserrée. Le défendeur a par ailleurs
relevé que les mesures sollicitées par la demanderesse
étaient identiques aux mesures déjà prises par lui.
Le Sénégal ayant démontré
l'absence de son intention de laisser Hissène HABRE quitter son
territoire, les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique
devenaient donc superflues. En effet, la Cour, rappelant les assurances tant
proprio motu qu'en réponse au juge Christopher GREENWOOD, a
conclu qu'il n'existait, dans les circonstances de l'espèce, aucune
urgence justifiant l'indication de mesures conservatoires.
Dans leur déclaration commune, les juges KOROMA et
YUSUF ont affirmé que les assurances du Sénégal, au cours
des audiences, protègent les droits des parties et écartent le
risque de préjudice irréparable, exactement de la même
façon qu'une Ordonnance indiquant des mesures conservatoires199(*). Ils ajoutent que
«the Court should simply have declared that following the declaration
by Senegal the request for the indication of provisional measures had ceased to
have any object»200(*).
Le juge CANÇADO TRINDADE, pour sa part, n'est pas de
cet avis. Ce dernier estime que la décision de la Cour de ne pas
indiquer des mesures conservatoires peut être sérieusement
contestée201(*).
Il est cependant difficile de suivre cette opinion dans la mesure où le
fait, pour la Belgique, de demander des mesures qui existent déjà
au Sénégal, en plus de la volonté affirmée de
celui-ci de les maintenir, rend superflue leur indication par la Cour. Mais ce
caractère superflu ne concerne évidemment pas la demande en
elle-même. Ces assurances sénégalaises sont susceptibles
d'influencer le différend principal.
§ 2 - L'impact des assurances
sénégalaises sur le différend principal
Les assurances données par le
Sénégal dans le cadre de cette procédure incidente sont de
nature à influencer le différend principal. De fait, ces
assurances font ressortir en substance la reconnaissance par le
Sénégal de son obligation de poursuivre Hissène HABRE. Or,
faut-il le rappeler, la requête belge vise la reconnaissance par la Cour
de l'obligation pour le Sénégal de poursuivre pénalement
l'ex-président tchadien, à défaut, de l'extrader.
Dès lors, on ne peut nier que le Sénégal, en prenant cette
option, a en quelque sorte réduit l'ampleur du différend. Dans
son opinion individuelle, le juge ad hoc Serge SUR a d'ailleurs
estimé qu'on ne voyait plus en quoi consiste le différend, la
Belgique et le Sénégal convenant que la Convention contre la
torture impose aux États qui y sont parties d'établir leur
compétence pénale et de poursuivre les personnes accusées
des incriminations qu'elle prévoit, à défaut de les
extrader202(*).
Mais on ne saurait prendre le risque de conclure
péremptoirement, comme Serge SUR, à la disparition de l'objet du
différend203(*).
Les questions que soulève cette affaire exigent la prudence. En effet,
le but ultime de celle-ci est le jugement de Hissène HABRE, le moyen
pour l'atteindre étant de poursuivre ce dernier (au
Sénégal) ou de l'extrader vers la Belgique aux fins de poursuites
pénales. Or, tout dépendra dorénavant de la bonne foi du
Sénégal par rapport aux assurances données. L'essentiel
n'est pas de reconnaître son obligation. Bien sûr que le faire
c'est déjà une bonne chose, une avancée. Mais l'on attend
du titulaire de l'obligation moins des déclarations de bonne foi que des
actes concrets (les poursuites). C'est pour cette raison que la position de la
Cour sur la question de l'existence prima facie d'un différend
entre les parties, doit être saluée. En fait, même si les
assurances sénégalaises ont pu atténuer la portée
du différend, seul l'engagement des poursuites contre Hissène
HABRE ou son extradition pourrait faire disparaître définitivement
l'objet du différend. De plus, on doit toujours « distinguer
du différend substantiel le différend résultant de la
divergence des États sur sa réalité
même »204(*).
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Les assurances proprio motu du Sénégal
se sont avérées importantes dans cette procédure dans la
mesure où elles ont fait ressortir en substance la volonté de cet
État de respecter ses engagements conventionnels. Le
Sénégal a apporté des précisions quant aux
déclarations médiatiques de son président et
présenté les mesures prises pour le contrôle et la
surveillance de Hissène HABRE. Par ailleurs, le défendeur a
affirmé sa volonté de juger l'ex-président tchadien, la
preuve de celle-ci étant notamment les réformes normatives
opérées et les négociations internationales entreprises en
vue de la recherche des ressources financières nécessaires pour
l'organisation du procès contre Hissène HABRE.
Le caractère convaincant de ces assurances est
mesurable à l'aune tant de leur effet superfétatoire sur les
mesures conservatoires sollicitées que de leur effet atténuant
sur la portée du différend principal. Elle a remis en cause
l'urgence alléguée par la demanderesse et surtout rendu
superflues les mesures par elle sollicitées. Cependant, on espère
que cette pléthore d'assurances signifie une réelle
volonté d'assurer la poursuite et le jugement de Hissène HABRE,
et non l'expression de ruse d'un État qui s'obstinerait dans la voie de
l'impunité. Nonobstant l'importance de ces assurances, les
réponses des parties aux questions du juge GREENWOOD semblent avoir
été encore plus déterminantes dans la décision de
la Cour.
CHAPITRE II : LA FONCTION MEDIATRICE DE LA C.I.J.
A TRAVERS LES QUESTIONS POSEES PAR LE JUGE GREENWOOD
L'examen de la demande belge en indication des mesures
conservatoires a mis en exergue la fonction médiatrice de la Cour. Le 6
avril 2009, c'est-à-dire à la fin du premier tour d'observations
orales des parties, il s'est passé une chose assez intéressante.
En effet, le juge GREENWOOD a posé deux questions aux deux
parties ; questions qui allaient s'avérer déterminantes pour
la suite de la procédure. D'autant plus que les parties y ont
répondu positivement. Il s'agit de la déclaration solennelle
sénégalaise et de l'acquiescement belge. Il convient d'examiner
tour à tour ces questions (Section
préliminaire), les réponses des parties à
celles-ci (Section I) et l'impact de ces réponses sur
la décision du juge (Section II).
Section préliminaire : Les questions du
juge
Ces questions se lisent comme suit :
«First, does Senegal give a solemn assurance to the
Court that it will not allow Mr. Habré to leave Senegal while the
present case is pending before this Court? And secondly, if so, does Belgium
accept that such assurance is a sufficient guarantee of the rights which it
claims in the present case ?»205(*)
Il n'est pas incommodant de rappeler que la demande belge en
indication des mesures conservatoires était justifiée par la
crainte d'un éventuel départ de l'ex-président tchadien du
Sénégal. L'on voit bien qu'en posant ces questions aux parties,
le juge GREENWOOD a voulu non seulement faciliter l'office de la Cour
en l'espèce, mais surtout trouver une solution à
laquelle celles-ci s'accommoderaient facilement. En effet, ce juge a
certainement cherché à trouver une solution acceptable pour les
deux parties. Comme le faisait remarquer Frédérique COULEE,
« les juridictions internationales sont confrontées
à la nécessité d'obtenir et de conserver la confiance des
Etats »206(*).
Cette confiance ne peut être confortée
qu'à travers les décisions que rend la Cour au sujet des
différends que lui soumettent les Etats. Ceci peut alors amener la Cour
à se comporter comme un arbitre et donc à chercher un compromis
au lieu d'appliquer strictement le droit international. L'on pourrait
dès lors se demander si dans son Ordonnance du 28 mai 2009 la Cour ne
s'est pas mise sur la « pente glissante de la justice
transactionnelle »207(*).
Il existe des cas où la tendance à la
« justice transactionnelle » peut s'avérer
plutôt salutaire. Ce fut le cas dans le cadre de l'examen de la demande
belge en indication des mesures conservatoires. En effet, il s'agissait pour la
Cour d'apprécier les circonstances de l'affaire et de décider
s'il y avait urgence à sauvegarder les droits allégués par
la Belgique. Etant donné que l'urgence dépendait essentiellement
du comportement du Sénégal vis-à-vis de Hissène
HABRE, c'est de manière judicieuse que le juge a voulu savoir si cet
Etat pouvait s'engager solennellement à ne pas laisser
l'ex-président tchadien quitter son territoire avant que la Cour ait
rendu une décision définitive. L'on pourrait alors penser que le
juge a tout simplement cherché une solution juste à travers ses
questions. Ce qui rappelle le célèbre aphorisme dont Louis
RENAULT se faisait l'écho : « il ne suffit pas que la
justice soit juste, encore faut-il qu'elle le paraisse »208(*).
Les questions du juge sont d'autant plus importantes qu'elles
ont permis de mettre en exergue la politique transactionnelle que la Cour peut
mettre en oeuvre pour faciliter le règlement des différends
portés devant elle. L'Ordonnance du 28 mai 2009 a en effet
été facilitée par les réponses des parties à
ces questions.
Un membre de la Cour peut donc poser des questions aux parties
afin de mieux comprendre leurs arguments et rechercher une solution au litige
soumis à la Cour. L'on se souviendra en effet, que dans l'affaire des
Essais nucléaires (Australie c. France), le juge GROS avait
posé deux questions à l'agent de l'Australie le 25 mai 1973 lors
de la phase orale de l'examen de la demande en indication des mesures
conservatoires australienne209(*). Ces questions étaient formulées de la
manière suivante :
1ère question :
"[...]M. l'agent du Gouvernement de l'Australie peut-il indiquer quelle
position est ainsi réservée; et s'il s'agit d'une réserve
de position juridique qui serait un élément du différend
soumis à la Cour par le Gouvernement de l'Australie, le point a-t-il
été soulevé et traité comme tel dans les entretiens
à Paris, en avril 1973, entre les représentants des deux
gouvernements?"
2nde question :
"Vis-à-vis de quels Etats, en dehors de la France, le Gouvernement
de l'Australie estime-t-il être lié par l'Acte
général pour le règlement pacifique des différends
internationaux de 1928, pour l'ensemble de l'Acte ou pour
partie?"210(*)
L'agent de l'Australie, comme les agents de la Belgique et du
Sénégal en l'espèce, a fourni des réponses
satisfaisantes aux questions du juge211(*).
Section I : Les réponses des parties aux
questions du juge
Aux questions du juge, le Sénégal et la Belgique
ont apporté des réponses affirmatives. Le premier a fait une
déclaration solennelle et la seconde a acquiescé. Il s'est en
effet produit un modus vivendi (accord permettant à deux
parties en litige de s'accommoder d'une situation en réservant la
solution du litige sur le fond) dans la mesure où les parties, en
répondant comme elles l'ont fait, se sont tout simplement
accordées sur le fait d'empêcher Hissène HABRE de quitter
le Sénégal tout au long de la procédure devant la Cour, la
solution du litige étant réservée sur le fond. Il est donc
important d'analyser la substance desdites réponses. Celles-ci emportent
certainement des effets juridiques pour leurs auteurs dans la mesure où
elles sont faites devant la CIJ ou mieux dans le cadre de rapports juridiques
internationaux. On examinera donc la valeur juridique des réponses des
parties (§ 2) non sans avoir au préalable fait cas
de leur teneur (§ 1).
§ 1- La teneur des réponses des
parties
Les réponses du Sénégal et de la Belgique
se résument respectivement en une déclaration solennelle et en un
acquiescement. L'analyse de la déclaration solennelle
sénégalaise (A) précèdera l'examen
de l'acquiescement belge (B).
A. La déclaration solennelle
sénégalaise
En réponse à la première question du juge
GREENWOOD ci-dessus, le coagent du Sénégal, sur ordre de son
Gouvernement, a déclaré : «Senegal will not allow
Mr. Habré to leave Senegal while the present case is pending before the
Court. Senegal has not the intention to allow Mr. Habré to leave the
territory while the present case is pending before the
Court»212(*).
Il est loisible de constater que cette déclaration
sénégalaise constitue en réalité un engagement
répétitif. En effet, le Sénégal a formellement, et
à plusieurs reprises, donné l'assurance qu'il ne permettra pas
à Hissène HABRE de quitter son territoire avant que la Cour ait
rendu sa décision définitive213(*). Il ressort du compte rendu de plaidoiries que
« la probabilité pour que [Hissène] HABRE quitte le
Sénégal et se soustraie à toute poursuite est quasiment
nulle »214(*).
Par ailleurs, le Sénégal a fait référence, de
manière répétée, à l'effectivité des
mesures nécessaires pour assurer la présence de
l'ex-président tchadien sur son sol. Cependant, cela n'a pas paru aussi
clair qu'une déclaration solennelle. La question du juge GREENWOOD a
constitué une opportunité pour le Sénégal de
montrer que les déclarations médiatiques de son président,
bien qu'ayant pu fonder certaines inquiétudes de la Belgique, ne
pouvaient cependant justifier l'indication de mesures conservatoires.
B. L'acquiescement belge
A la deuxième question du juge GREENWOOD exposée
ci-dessus, le coagent belge, au nom de son Gouvernement, a fourni la
réponse suivante :
« Une telle déclaration solennelle,
prononcée par l'agent du Sénégal devant la Cour, au nom de
son gouvernement, pourrait suffire au Royaume de Belgique pour
considérer que sa demande [de] mesures conservatoires n'aurait plus
d'objet, moyennant les précisions suivantes.
Cette déclaration devrait être claire et sans
condition : il devrait s'agir d'une déclaration selon laquelle
toutes les mesures nécessaires seront prises par le
Sénégal pour que M. Hissène Habré ne quitte pas le
territoire sénégalais tant que la Cour n'aura pas rendu son
jugement final dans le cadre de la présente
instance »215(*).
Cette réponse montre que la Belgique n'était pas
de mauvaise foi en saisissant la Cour, comme on a pu l'entendre des plaidoiries
sénégalaises au départ. Dans le compte rendu du premier
tour d'observations orales du Sénégal, on peut en effet lire
qu' : « en réalité, en demandant l'indication de
mesures conservatoires qui visent à faire débuter le
procès dans les circonstances actuelles, la Belgique veut faire
provoquer son échec »216(*).
En matière procédurale, l'acquiescement est
perçu comme « l'acte par le quel une partie à un
différend accepte, expressément ou tacitement, purement et
simplement ou sous condition, une obligation ou une prétention de
l'autre partie »217(*). La réponse belge correspond à cette
définition.
A la suite de sa réponse, la demanderesse a prié
la Cour de reprendre la déclaration du Sénégal dans le
dispositif de son Ordonnance, afin que cette déclaration ait la
même force juridique qu'une mesure conservatoire indiquée par la
Cour. Cette préoccupation laissait déjà entrevoir la
question de la valeur juridique des réponses des parties aux questions
du juge.
§ 2- La valeur juridique des réponses des
parties
Les réponses des parties telles qu'elles les ont faites
emportent des conséquences juridiques pour chacune d'elles. Il importe
de ce fait d'analyser tour à tour le caractère obligatoire de la
déclaration sénégalaise (A) et de
l'acquiescement belge (B).
A. Le caractère obligatoire inconditionnel de la
déclaration solennelle sénégalaise
D'entrée de jeu, il importe de signaler que la
déclaration solennelle du Sénégal n'est pas seulement un
engagement juridique parce que la Belgique l'a acceptée. Il convient en
effet de préciser que, même en l'absence de l'acquiescement belge,
cette déclaration n'en serait pas moins un engagement emportant des
obligations pour le Sénégal. C'est le lieu de rappelé que,
selon la jurisprudence de la Cour, le règlement d'un différend
peut être obtenu par l'effet d'une déclaration unilatérale
créant une obligation juridique. Ce fut le cas dans l'affaire des
Essais nucléaires où la Nouvelle-Zélande ayant
admis que le différend pourrait être résolu par une
déclaration unilatérale ferme qui serait donnée par la
France218(*), le
président de cet Etat a décidé la cessation effective des
essais atmosphériques219(*). Ce que la Cour a considéré comme
étant « un engagement vis-à-vis de la communauté
internationale »220(*). Cette déclaration présidentielle,
ajoutée à celles d'autres autorités officielles
françaises, a permis à la Cour de décider que la demande
de la Nouvelle-Zélande était désormais sans objet et qu'il
n'y avait plus dès lors lieu à statuer221(*).
La Cour a précisé par ailleurs la portée
des déclarations sur le plan international en affirmant que :
« Il est reconnu que des déclarations
revêtant la forme d'actes unilatéraux et concernant des situations
de droit ou de fait peuvent avoir pour effet de créer des obligations
juridiques. Des déclarations de cette nature peuvent avoir et ont
souvent un objet très précis. Quand l'Etat auteur de la
déclaration entend être lié conformément à
ces termes, cette intention confère à sa prise de position le
caractère d'un engagement juridique, l'Etat intéressé
étant désormais tenu en droit de suivre une ligne de conduite
conforme à sa déclaration. Un engagement de cette nature,
exprimé publiquement et dans l'intention de se lier, même hors du
cadre de négociations internationales, a un effet obligatoire. Dans ces
conditions, aucune contrepartie n'est nécessaire pour que la
déclaration prenne effet, non plus qu'une acceptation ultérieure
ni même une réplique ou une réaction d'autres Etats, car
cela serait incompatible avec la nature strictement unilatérale de
l'acte juridique par lequel l'Etat s'est prononcé »222(*).
A la suite de ce dictum de la Cour, Jean SALMON
précise : « il est traditionnel que les
déclarations des agents, qui sont les porte-parole de leur État
devant un tribunal international, peuvent constituer un engagement liant leur
État »223(*).
Ainsi, dans l'affaire relative à Certains
intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, la CPJI
nota que, par une déclaration unilatérale, « Le
représentant, devant la Cour, de la partie défenderesse, en
dehors des déclarations relatives à l'intention de son
Gouvernement de ne pas exproprier des parties déterminées de
bien-fonds (...) a fait d'autres déclarations analogues (...). La Cour
ne saurait mettre en doute le caractère obligatoire de toutes ces
déclarations »224(*).
Le même auteur, citant un obiter dictum de la
CPJI, ajoute que par des déclarations bilatérales :
« il résulte encore des déclarations orales des
parties, qu'elles sont d'accord pour demander à la Cour de
décider (...) »225(*).
Dans le cas d'espèce, la déclaration solennelle
du Sénégal oblige cet État à ne pas laisser
Hissène HABRE quitter son sol tant que l'affaire qui l'oppose à
la Belgique est pendante devant la CIJ. Le caractère obligatoire de la
déclaration sénégalaise est inconditionnel dans la mesure
où, même dans l'hypothèse d'un refus belge en
l'espèce, la Cour aurait pu tout de même en tirer les mêmes
conséquences. En effet, l'hypothèse pour cet État de
laisser l'ex-président tchadien quitter son territoire avant une
décision définitive de la Cour, constituerait un manquement grave
à une obligation internationale. Si la déclaration
sénégalaise a un caractère obligatoire inconditionnel, il
n'en est pas de même de l'acquiescement belge qui n'est obligatoire que
dans la mesure où le Sénégal respecte son engagement.
B. Le caractère obligatoire conditionnel de
l'acquiescement belge
Il serait peut être exagéré de dire que
l'acquiescement belge a pour effet de valider la déclaration solennelle
sénégalaise. Par contre, cet acquiescement est susceptible de
créer des obligations à la charge de la Belgique. En effet, le
principe « ex consensu advenit vinculum » (le
consentement lie ceux qui l'ont exprimé) peut trouver application en
l'espèce. L'on se souviendra que la Cour a eu à considérer
l'acquiescement comme source créatrice d'une situation de droit à
savoir le modus vivendi tacite226(*). Il s'agit d'un accord tacite permettant à
deux parties en litige de s'accommoder d'une situation en réservant la
solution du litige sur le fond.
Comme on le verra par la suite, la Belgique était tenue
par exemple d'accepter la décision de la Cour de ne pas indiquer des
mesures conservatoires. En outre, la Belgique ne peut dorénavant
demander ces mesures conservatoires qu'en cas de changement de circonstances,
comme le prévoit le paragraphe 2 de l'article 76 du Règlement de
procédure de la Cour aux termes duquel « toute
demande présentée par une partie et tendant à ce qu'une
décision concernant des mesures conservatoires soit rapportée ou
modifiée indique le changement dans la situation considéré
comme pertinent ». Par ailleurs, la Belgique ne doit ou ne peut
raisonnablement envisager une demande d'extradition tant que le
Sénégal remplit les obligations nées de son engagement.
Il est donc clair que les réponses des Parties ne
les obligent pas au même degré. En effet, le caractère
obligatoire de l'acquiescement belge dépend du respect, par le
Sénégal, de son engagement solennel devant la Cour.
Au-delà de leur valeur juridique, les réponses des parties ont eu
un impact considérable sur la décision de la Cour.
Section II : L'impact des réponses sur la
décision de la Cour
Les réponses des parties aux questions du juge
GREENWOOD peuvent être considérées comme la "ratio
decidendi" (« raison de la
décision »)227(*) de la décision de la Cour de ne pas indiquer
les mesures conservatoires sollicitées par la Belgique. Ces
réponses ont en effet rendu inutile l'indication par la Cour de telles
mesures. La démonstration du caractère déterminant
desdites réponses des parties dans l'Ordonnance du 28 mai 2009
(§ 1) précèdera l'analyse des raisons de
l'inutilité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour
(§ 2).
§ 1- Le caractère déterminant des
réponses des parties dans la décision de la Cour
En amenant le Sénégal à déclarer
solennellement qu'il ne laissera pas Hissène HABRE quitter son
territoire avant une décision définitive de la Cour, le juge a
certainement voulu trouver une solution avant même le
délibéré. L'acquiescement de la Belgique a
constitué un bon moyen de légitimation de l'Ordonnance du 28 mai
2009. Il y a donc eu une sorte de « fuite en avant vers
l'équité »228(*), vers une réalisation suprême de la
justice229(*). En effet,
la Cour peut faire « application, pour la solution d'un litige
donné, des principes de la justice, afin de combler les lacunes du Droit
positif ou d'en corriger l'application lorsqu'elle serait trop
rigoureuse »230(*).
Par leurs réponses, les parties ont en
réalité vidé la question de l'indication des mesures
conservatoires de tout objet.
Les questions du juge GREENWOOD et les réponses
subséquentes des parties ont remis au goût du jour la tendance
vers la « justice transactionnelle ».
Georges ABI-SAAB affirme qu'il s'agit d'une « technique
qu'utilise la Cour pour pouvoir arriver à une solution transactionnelle
ou pour éviter de se prononcer sur des questions
« délicates » ou qui touchent de trop près la
sensibilité d'une des parties dans la mesure du
possible » 231(*). Cette tendance a eu cours notamment entre la fin
des années soixante-dix et 1986232(*). Dans le cas d'espèce, il s'est agi surtout
d'éviter d'indiquer des mesures conservatoires. En effet, la Cour aurait
offusqué le Sénégal si elle avait indiqué des
mesures conservatoires bien que cet Etat ait démontré qu'il avait
pris toutes les mesures que sollicitait la Belgique en l'espèce.
Il était donc clair, pour toute personne ayant suivi la
phase orale de la procédure, que la Cour n'indiquerait pas les mesures
sollicitées par la Belgique. La Cour ne pouvait plus logiquement
indiquer des mesures conservatoires que sur la base de l'article 75, § 2
de son Règlement de procédure. Cette disposition lui donne en
effet la possibilité d'indiquer motu proprio des mesures
conservatoires « totalement ou partiellement différentes de
celles qui sont sollicitées » par l'une des parties233(*). Or l'engagement solennel du
Sénégal devant la Cour était déjà de nature
à protéger de manière tout à fait satisfaisante les
droits invoqués par la Belgique. La déclaration solennelle du
Sénégal et l'acquiescement subséquent de la Belgique ont
donc rendu les mesures conservatoires superfétatoires.
§ 2- L'inutilité de l'indication des
mesures conservatoires par la Cour
Les réponses des parties aux questions du juge
GREENWOOD ont été décisives dans la procédure, dans
la mesure où elles ont rendu l'indication des mesures sollicitées
par la Belgique inutile. En effet, on peut suivre facilement les juges KOROMA
et YUSUF qui ont affirmé que la déclaration solennelle du
Sénégal «preserves the rights of the Parties and ensures
against the risk of irreparable prejudice in exactly the same way as would an
order indicating provisional measures»234(*).
Si par ses questions, et les réponses que les parties
allaient y apporter, le juge GREENWOOD a voulu légitimer la
décision de la Cour en évitant de heurter la sensibilité
de l'une ou de l'autre partie, il va sans dire que ce voeu a été
exaucé. La décision de la Cour a en effet, été
accueillie favorablement tant par les deux parties, par les victimes (des
exactions attribuées à Hissène HABRE) que par les
défenseurs des droits de l'Homme.
S'agissant tout d'abord de la Belgique, sa satisfaction
était prévisible, du fait de son acquiescement, et a
été exprimée à la suite de la décision de la
Cour. Au soir de la décision, le ministre belge des Affaires
étrangères a indiqué, dans un communiqué, que
"l'engagement solennel du Sénégal devant la Cour
[internationale] de Justice que Hissène Habré ne
pourrait quitter le pays prématurément rend [les]
mesures conservatoires superflues"235(*).
S'agissant ensuite des victimes, c'est par la voix de la
personne autorisée que s'est exprimé leur sentiment. Il s'agit de
Souleymane GUENGUENG, président fondateur de l'Association des Victimes
des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), qui a
déclaré : "Le Sénégal est maintenant sous
le regard de la Cour internationale de Justice. Nous espérons que les
autorités sénégalaises vont enfin permettre à la
justice de faire son travail"236(*).
Pour ce qui est des défenseurs des droits de l'Homme
enfin, Reed BRODY, porte-parole et conseiller juridique de Human Rights
Watch, a déclaré qu'avec cette promesse du
Sénégal dont la Cour a tenu compte, le risque que Hissène
HABRE se réfugie dans un État de non droit semble être
écarté237(*). Souhayr BELHASSEN, alors présidente de la
FIDH, a pour sa part déclaré que « c'est une bonne
nouvelle » que la Cour ait tenu compte de l'engagement
solennel du Sénégal, avant d'ajouter que le
Sénégal "a pris un engagement politique, conforté
désormais par une décision judiciaire, d'honorer ses obligations
internationales"238(*).
Ces réactions confortent fort bien l'idée de la
superfluité de l'indication des mesures conservatoires par la Cour en
l'espèce.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Par leurs réponses, les parties ont trouvé un
modus vivendi sur la question des mesures conservatoires,
réservant la solution du différend sur le fond. La pertinence de
la demande belge est ici confortée. Il est évident que le
compromis qui s'est opéré entre les parties a permis à la
Cour de conclure facilement qu'il n'y avait aucune urgence justifiant
l'exercice du pouvoir que lui confère l'article 41 de son Statut
à savoir l'indication des mesures conservatoires.
Cette attitude lui offre la possibilité de faire
accepter facilement sa décision par les parties au litige dont elle est
saisie. Le juge GREENWOOD a ainsi rendu aisée, à dessein ou non,
la motivation de la décision de la Cour. Les réponses des parties
ont été déterminantes dans la décision de la Cour,
dans la mesure où elles ont rendu inutiles les mesures conservatoires.
En effet, la Belgique a obtenu du Sénégal ce qu'elle avait
initialement sollicité de la Cour. Il importe de noter qu'en
matière de mesures conservatoires, l'urgence des circonstances constitue
toujours le motif décisif de leur indication.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
En somme, la pertinence de la demande de la Belgique, telle
que modifiée dans ses conclusions finales aux termes du second tour
d'observations orales, est confortée par l'étendue des assurances
sénégalaises et la fonction médiatrice que la Cour a
été amenée à remplir grâce aux questions du
juge GREENWOOD. Il a été démontré que ce sont ces
assurances et les réponses subséquentes des parties aux questions
du juge qui ont constitué la ratio decidendi de la
décision de la Cour. Les assurances sénégalaises ont remis
en cause l'urgence alléguée par la Belgique, tandis que les
réponses des parties l'ont tout simplement fait disparaître,
rendant l'indication des mesures sollicitées futile.
On a pu constater l'impact assouplissant des assurances
données par le Sénégal sur le différend principal.
En effet, le fait que le défendeur reconnaisse son obligation de
poursuivre, et considère même le jugement de Hissène HABRE
comme un droit et un devoir, réduit considérablement la
portée du différend tel qu'il se présentait au moment du
dépôt de la requête belge. Toutefois, il serait imprudent et
excessif d'y voir la disparition de l'objet du différend comme certains
membres de la Cour (notamment le juge ad hoc Serge SUR). Car la
question de l'attitude du Sénégal au cas où il ne
trouverait pas le budget nécessaire pour l'organisation du
procès, reste posée. En effet, jusqu'à date, l'obligation
« subsidiaire » d'extrader demeure une pomme de discorde
entre les deux parties.
Maintenir Hissène HABRE au Sénégal ne
constitue en soi que le respect d'une obligation préliminaire qu'impose
à ce pays la Convention contre la torture. Seule l'extradition, à
défaut de la poursuite de l'ex-président tchadien, permettrait au
Sénégal de remplir pleinement son obligation en l'espèce.
Le refus d'extrader en cas d'incapacité de juger constitue un manquement
grave au droit international, une telle attitude étant une manifestation
de la volonté d'encourager l'impunité des crimes internationaux.
Dans cette affaire, la Cour n'en était encore qu'au
niveau des mesures conservatoires et il régnait déjà un
sentiment du définitif. L'Ordonnance du 28 mai 2009 a le mérite
de contenir l'engagement solennel du Sénégal à maintenir
l'ex-président tchadien sur son territoire, et la reconnaissance de son
obligation de poursuivre ce dernier, même si elle n'a pas tranché
toutes les questions soulevées à ce stade de la procédure.
L'Ordonnance du 28 mai 2009 n'a pas tranché toutes les
questions que soulève l'affaire relative à des Questions
concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader opposant la Belgique
au Sénégal. Il s'agit en fait d'une décision qui
règle un point de procédure, à savoir la question des
mesures conservatoires. De ce fait, l'examen des questions non tranchées
par cette décision pourrait s'avérer intéressant.
Il y a en effet un certain nombre de questions qui ont
été évoquées dans le cadre de l'examen de la
demande des mesures conservatoires, sans pourtant être tranchées.
Il semble opportun de les examiner ici. Parmi ces questions, on peut citer
celle relative au changement de contenu de la demande belge en indication de
mesures conservatoires. Il est loisible de noter que la Cour n'a fait aucune
allusion à la portée de cette modification. A cela, on peut
ajouter les questions relatives à la recevabilité de la
requête au fond. L'examen de la question des modalités
d'organisation du procès contre Hissène HABRE par le
Sénégal permettra opportunément d'exposer les enjeux et
les contours de ce procès.
Les questions non tranchées par l'Ordonnance du 28 mai
2009 peuvent être regroupées en deux catégories à
savoir, d'une part, les questions relevant de la procédure devant la
Cour (Chapitre I) et, d'autre part, celles relatives aux
modalités d'organisation du procès contre Hissène HABRE
(Chapitre II).
CHAPITRE I : LES QUESTIONS RELEVANT DE LA
PROCEDURE DEVANT LA COUR
Ces questions n'ont pas été tranchées par
la Cour soit par manque de volonté, soit parce qu'il était
inopportun de le faire. La Cour aurait pu, mieux, aurait dû en effet se
pencher sur la modification, pendant la procédure orale, de la demande
belge en indication de mesures conservatoires. D'autant plus que le
Sénégal y a fait valoir une argumentation assez solide. De plus,
c'est certainement les observations critiques du défendeur sur la
demande qui auraient poussé son auteur à la modifier. Par contre,
les questions relatives à la recevabilité de la requête
belge au fond, ne pouvaient être tranchées définitivement.
Comme on l'a déjà mentionné, à plusieurs reprises,
la recevabilité n'est examinée que de manière prima
facie en matière de mesures conservatoires.
L'analyse de la question du changement de contenu de la
demande belge (Section I) précèdera l'examen des
questions relatives à la recevabilité de la requête au fond
(Section II).
Section I : La question du
changement de contenu de la demande belge en indication de mesures
conservatoires
Aux termes du second tour d'observations orales, la demande en
indication de mesures conservatoires belge a été modifiée
(§ 1). Mais la Cour n'a pas cru devoir s'étendre
sur la portée de cette modification (§ 2).
§ 1- La modification en question
Une lecture comparative de la demande de la Belgique et de ses
conclusions finales à la fin du second tour des plaidoiries, permet de
constater l'état de la modification opérée dans ladite
demande. Il n'est pas superflu de rappeler qu'aux termes de la demande
présentée au Greffe de la Cour, la Belgique priait celle-ci
« d'indiquer, en attendant qu'elle rende un arrêt
définitif sur le fond, que le Sénégal [devait] prendre
toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le
contrôle et [sous] la surveillance des autorités
judiciaires du Sénégal afin que les règles
de droit international dont la Belgique demande le respect puissent être
correctement appliquées »239(*).
Dans ses conclusions finales, la Belgique sollicitait de la
Cour d'indiquer qu'
« il est demandé à la
République du Sénégal de prendre toutes les mesures en son
pouvoir pour que M. Hissène Habré reste sous le contrôle et
[sous] la surveillance des autorités sénégalaises
afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le
respect puissent être correctement
appliquées »240(*).
L'on constate que les termes « autorités
sénégalaises » ont remplacé
« autorités judiciaires du
Sénégal ». Comme l'a si bien fait remarquer
l'agent de l'État sénégalais, l'indication des mesures
conservatoires sollicitées par la Belgique dans sa demande initiale
aurait constitué un préjugement sur le fond241(*). Cette demande visait
à imposer au Sénégal la prise de mesures destinées
à faire adopter par le juge une mesure de contrôle judiciaire
contre Hissène HABRE. Or relève le défendeur, dans son
système juridique, la prise d'une telle mesure par lui suppose qu'au
préalable Hissène HABRE soit poursuivi en tant qu'auteur,
coauteur ou complice pour les crimes de torture et les crimes contre
l'humanité qui lui sont imputés et qu'une information soit
ouverte contre lui. Elle suppose aussi qu'il soit inculpé (ou mis en
examen selon l'expression en usage dans le système pénal de la
plupart d'Etats francophones). Le juge ad hoc Serge SUR
renchérit en faisant remarquer que la Convention contre la torture
invoquée par la Belgique comme fondement de sa demande, ne
prévoit que des « mesures juridiques nécessaires pour
assurer [la] présence » de la personne soupçonnée,
prises par les États parties, « conformes à la
législation » desdits États et non un contrôle
judiciaire242(*).
La demande initiale de la Belgique était donc de nature
à préjuger du fond de l'affaire relative à des
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader. Il est
pourtant interdit aux parties d'empiéter sur les questions de fond lors
de l'examen d'une demande en indication de mesures conservatoires. De fait, aux
termes de l'instruction de procédure XI243(*),
« Dans leurs exposés oraux sur les demandes
en indication de mesures conservatoires, les parties devraient se limiter aux
questions touchant aux conditions à remplir aux fins de l'indication de
mesures conservatoires, telles qu'elles ressortent du Statut, du
Règlement et de la jurisprudence de la Cour. Les parties ne
devraient pas aborder le fond de l'affaire au-delà de ce qui est
strictement nécessaire aux fins de la demande ».
En effet, les parties ne peuvent pas par exemple
présenter des exceptions préliminaires au stade de l'examen d'une
demande en indication des mesures conservatoires. Il convient de noter que la
Cour ne peut indiquer des mesures conservatoires que si le caractère
distinct de celles-ci par rapport à la requête au fond est
établi. Il est donc évident que n'eût été sa
modification, la demande belge aurait été rejetée sans
difficulté par la Cour. Il est donc regrettable qu'après une
telle modification la Cour en ait passé sous silence la portée
sur l'issue de la procédure.
§ 2- La portée de la modification de la
demande belge
L'attitude adoptée par la Cour n'est rien moins qu'une
volonté de choisir la facilité. De fait, en omettant de relever
la portée de la modification de la demande belge, la Cour fait preuve
d'un laconisme critiquable. Il importe de préciser que n'eût
été le changement effectué par la Belgique dans le contenu
de sa demande, celle-ci serait dépourvue de toute pertinence. Cette
modification a tout simplement rendu recevable la demande belge en indication
de mesures conservatoires.
On suit donc volontiers le juge ad hoc Serge SUR,
lorsqu'il affirme qu'en substituant l'imposition d'un contrôle des «
autorités sénégalaises » à celui des «
autorités judiciaires sénégalaises », la Belgique a
considérablement modifié la sens de sa demande244(*). Cette attitude est pour le
moins surprenante car la Cour aurait dû souligner au moins ce changement,
à défaut d'en préciser la portée. En effet, la
motivation doit rendre compte aux parties des arguments qu'elles ont
utilisés devant la Cour245(*). Au lieu de cela, la Cour s'est bornée
à constater implicitement le changement dans les paragraphes
introductifs de sa motivation246(*), où elle décrit les positions des
parties, et à n'examiner que la demande finale de la Belgique, faisant
totalement silence, dans ses analyses propres247(*), sur l'existence et sur l'importance de cette
modification248(*).
En procédant de la sorte, la Cour a fait montre de
laconisme et manqué à un devoir, si l'on considère qu'elle
doit rendre compte aux parties des argumentations par elles
développées devant la Cour249(*). Même si l'on considère que le
Règlement de la Cour ne lui impose de motiver que ses
arrêts250(*), et
non ses Ordonnances251(*), lorsqu'elle décide de motiver celles-ci,
elle devrait le faire avec précision. En effet, « la
motivation ne sert pas seulement à reprendre et à organiser les
positions antagonistes telles qu'elles s'expriment dans la procédure
écrite et orale, mais elle doit également retracer les
étapes du raisonnement de la Cour... »252(*). L'on constate que
l'argumentation sur la non pertinence de la demande initiale de la Belgique est
tout simplement ignorée dans la décision de la Cour. Or il est
évident que c'est cette argumentation qui a poussé la Belgique
à modifier, sans aucune explication, ladite demande.
Cette attitude de la Cour pourrait être
préjudiciable à long terme pour l'image qu'elle projette à
travers les décisions qu'elle rend. En effet, si les justiciables
constatent que leurs positions n'ont pas fait l'objet d'un examen objectif ou,
au pis aller, qu'il n'en a pas été tenu compte, cela pourrait
créer un climat de méfiance vis-à-vis du juge. Selon le
juge ad hoc Serge SUR, il aurait suffi que la Cour notât au
paragraphe 60 ou au paragraphe 61 que la modification de la demande de la
Belgique au cours des audiences conduisait, non plus à imposer une
nouvelle attitude du Sénégal par rapport à Hissène
HABRE, mais simplement à rendre obligatoire en droit international le
maintien de son attitude actuelle ; qu'il était loisible à la
Belgique de modifier les termes de sa demande et que la Cour statuait sur la
demande ainsi modifiée253(*).
La Cour aurait dû s'attarder sur cette modification dans
la mesure où, sans elle, la recevabilité de la demande en
indication des mesures conservatoires n'aurait pas été
envisagée. Si cette question était traitable par la Cour dans son
Ordonnance, les questions liées à la recevabilité de la
requête belge au fond ne pouvaient l'être.
Section II : Les questions relatives à la
recevabilité de la requête belge au fond
Lors de l'établissement de sa compétence
prima facie, la Cour n'a examiné la question de l'existence
d'un différend et les conditions procédurales posées par
la Convention contre la torture que de façon superficielle. Elle n'a pas
tranché ces aspects de l'affaire. Ceux-ci étant
étroitement liés à la recevabilité de la
requête belge, leur examen dans le cadre de ce travail s'avère
intéressant et nécessaire. L'analyse de la question de
l'existence d'un différend entre les parties (§ 1)
précèdera l'examen de la question relative aux conditions
procédurales prévues par la Convention contre la torture
(§ 2).
§ 1- La question de l'existence d'un
différend entre les parties
Le fait que le Sénégal ait reconnu devant la
Cour son obligation de poursuivre Hissène HABRE a fait penser à
la disparition de l'objet du différend dans la mesure où on a pu
y relever une certaine convergence des positions des parties sur la question.
Toutefois, l'on va démontrer que, malgré cette reconnaissance de
son obligation par le Sénégal (A), la
disparition de l'objet du différend n'est qu'apparente
(B).
A. La reconnaissance par le Sénégal de
son obligation de poursuivre Hissène HABRE
Il convient de rappeler que, sans y être incité,
le Sénégal a assuré à plusieurs reprises qu'il
entendait maintenir la surveillance et le contrôle sur Hissène
HABRE et sur son entourage254(*). En plus, répondant à la question du
juge GREENWOOD, il a déclaré solennellement qu'il ne laisserait
pas Hissène HABRE quitter son sol avant que la Cour ait rendu sa
décision définitive255(*). Plus importante encore est la reconnaissance non
équivoque de son obligation de poursuivre Hissène HABRE. En
effet, le Sénégal a fait valoir, lors de sa plaidoirie, son droit
de poursuivre ce dernier. Cela était décelable dès la
prise de parole par son agent, Cheikh Tidiane THIAM, lors du premier tour
d'observations orales du Sénégal le 6 avril 2009. Ce dernier a
déclaré que l'« action précipitée [de la
Belgique] ne peut que gêner les efforts que le Sénégal
entreprend depuis plusieurs années pour remplir ses obligations
internationales en assurant des poursuites loyales et un procès
équitable et impartial au sieur Hissène Habré
[...] »256(*).
Par ailleurs, le Sénégal prétend que l'indication des
mesures conservatoires demandées reviendrait à le priver de son
droit de poursuivre257(*). Pour le Sénégal en effet, le droit de
réclamer l'extradition ne peut prévaloir sur celui d'un
État assumant son obligation de juger258(*).
La reconnaissance de son obligation de poursuivre par le
Sénégal peut également être déduite de
l'acceptation du mandat de l'UA et de la recherche des moyens
nécessaires à la tenue du procès. En outre, les
réformes constitutionnelle, pénale et institutionnelle
entreprises par le Sénégal constituent, selon celui-ci, une
preuve de sa volonté de poursuivre. A la fin de son second tour
d'observations orales sur la demande en indication des mesures conservatoires,
le 8 avril 2009, le Sénégal a réaffirmé sa
« volonté de continuer le processus [consistant à]
assumer intégralement ses obligations d'État partie à la
Convention de 1984 (...) »259(*).
Tout cela montre bien que le Sénégal est
d'accord avec la Belgique à propos de son obligation de poursuivre
Hissène HABRE. Mais il faut relever que le Sénégal a
surtout reconnu essentiellement l'obligation de poursuivre. Ainsi, même
si cette convergence partielle des vues des parties a pu faire penser à
la disparition de l'objet du différend, il faut reconnaître
qu'elle n'est qu'apparente et non réelle.
Il est très important de préciser que même
si l'objet du différend avait disparu, ce n'est qu'en principe dans la
procédure au fond que la Cour pourrait le constater. En effet, en
l'état actuel de la jurisprudence de la Cour, il n'est possible de
mettre fin à une affaire au stade de l'examen de la demande en
indication de mesures conservatoires que lorsque la Cour considère
qu'elle n'a manifestement pas compétence. Ce fut le cas par exemple, le
2 juin 1999 dans l'affaire relative à la Licéité de
l'emploi de la force où la Cour ayant estimé qu'elle
n'était manifestement pas compétente pour les requêtes
contre l'Espagne et contre les Etats-Unis, avait rayé ces deux cas de
son rôle. L'on peut donc dire qu'il était loisible au
Sénégal de déposer une exception préliminaire sur
le défaut d'objet de la requête belge après le
dépôt du mémoire de la Belgique dont le délai
était fixé au 9 juillet 2010260(*), comme le prévoit le Règlement de la
Cour261(*).
B. La disparition apparente de l'objet du
différend entre les parties
La reconnaissance de son obligation par le
Sénégal a fait croire que l'objet du différend avait
disparu. Certains membres de la Cour ont même affirmé
péremptoirement la disparition de cet objet. C'est notamment le cas du
juge ad hoc Serge SUR. Selon ce dernier, c'est de façon
inappropriée que la Cour relève que :
« les Parties semblent néanmoins continuer de
s'opposer sur d'autres questions d'interprétation ou d'application de la
Convention contre la torture, telles que celle du délai dans lequel les
obligations prévues à l'article 7 doivent être remplies ou
celle des circonstances (difficultés financières, juridiques ou
autres) qui seraient pertinentes pour apprécier s'il y a eu ou non
manquement auxdites obligations ; que les vues des Parties, par ailleurs,
continuent apparemment de diverger sur la façon dont le
Sénégal devrait s'acquitter de ses obligations » 262(*).
Le juge ad hoc Serge SUR poursuit en précisant
qu'il s'agit en effet de divergences qui ne font pas l'objet de la demande
présentée par la Belgique, et qui ne sont que des motifs à
l'appui de sa requête263(*). L'on suit volontiers ce juge sur ce point. Mais
l'on ne peut le suivre lorsqu'il déclare qu'on ne voit « plus
en quoi consiste le différend entre la Belgique et le
Sénégal »264(*).
En effet, même s'il est admis qu'il y a différend
dès lors « que la réclamation de l'une des parties se heurte
à l'opposition manifeste de l'autre »265(*), il est clair que la
disparition prétendue de l'objet du différend, en
l'espèce, n'est qu'apparente. De fait, la requête de la Belgique
vise essentiellement à faire dire et juger que le Sénégal
est obligé de poursuivre pénalement Hissène HABRE ou,
à défaut, de l'extrader vers la Belgique. Or le
Sénégal a reconnu uniquement l'obligation de poursuivre, laissant
l'obligation alternative à savoir l'obligation d'extrader266(*). Par conséquent, tant
que le Sénégal n'aura pas engagé des poursuites
concrètes contre Hissène HABRE, un différend continuera
d'exister entre la Belgique et lui. Même si les assurances
sénégalaises et les réponses des parties aux questions du
juge GREENWOOD ont pu atténuer la portée du différend,
seul l'engagement des poursuites contre Hissène HABRE ou son extradition
pourrait faire disparaître définitivement l'objet du
différend.
§ 2- La question relative aux conditions
procédurales posées par la Convention contre la
torture
Pour établir sa compétence prima facie,
la Cour a vérifié si les conditions procédurales de
l'article 30 de la Convention contre la torture du 10 décembre 1984
étaient réunies. Ce faisant, c'est de manière sommaire
qu'elle les a examinées pour conclure qu'elle a compétence
prima facie en l'espèce. Ce qui signifie que ces conditions
sont réunies (A). Une analyse approfondie de ces
conditions s'avère nécessaire. A ce stade, il est opportun de
s'attarder sur la recevabilité de la requête belge au fond
(B) au vu des éléments dont on dispose à
présent.
A. La réunion des conditions procédurales
de la Convention contre la torture
Les conditions procédurales dont il est question ici,
sont prévues à l'article 30, § 1 de la Convention contre la
torture. Cette disposition constitue en réalité la clause
attributive de juridiction inscrite dans la Convention. Par cette clause, les
États parties s'engagent d'avance à accepter la compétence
de la Cour au cas où un différend surviendrait entre eux quant
à l'application ou à l'interprétation de ladite
Convention. Le paragraphe 1 de l'article 30 de la Convention prévoit
quatre conditions à remplir pour que la requête d'une partie soit
recevable devant la Cour. Ces conditions sont les suivantes : l'existence d'un
différend sur l'interprétation ou l'application de la
Convention (1), l'échec des négociations (2), la demande
d'arbitrage par l'une des parties (3), et la persistance du désaccord
des parties sur l'organisation de l'arbitrage au-delà d'un délai
de six mois (4).
1. L'existence d'un différend sur
l'interprétation ou l'application de la Convention
En l'espèce, comme on l'a déjà
relevé, un différend continue d'exister entre les parties.
Contrairement à ce que d'aucuns ont pu penser, l'engagement solennel du
Sénégal de ne pas laisser Hissène HABRE quitter son
territoire, ne concerne que la demande en indication des mesures
conservatoires. En effet, « l'existence d'un différend [...]
ne résulte pas plus de son assertion unilatérale par un
État que son inexistence ne peut être inférée de
l'assertion contraire de l'autre »267(*). Ceci amène Jean COMBACAU à conclure
que l'on doit « distinguer du différend substantiel le
différend résultant de la divergence des États sur sa
réalité même »268(*). Ainsi, tant que des poursuites ne seront pas
engagées au Sénégal contre Hissène HABRE, le
différend persistera. Au cas où le Sénégal
n'obtiendrait pas les moyens financiers sollicités pour l'organisation
du procès, il faudrait envisager sérieusement l'extradition de
Hissène HABRE vers la Belgique. Car garder indéfiniment
Hissène HABRE impuni constituerait un manquement grave à la
Convention contre la torture.
2. L'échec des négociations entre les
parties
Il importe de rappeler, avec Jean COMBACAU, que face à
un différend qui les oppose, deux États ont, par application du
principe très général de bonne foi, une obligation de
négocier « en vue de parvenir à un
accord »269(*). L' « obligation de règlement
pacifique » désigne improprement une obligation de
négocier sur l'objet du différend270(*). Selon sir Michael WOOD,
coagent de la Belgique, «[t]hat this dispute could not be settled
through negotiation is (...) clear»271(*). On est de cet avis si l'on considère, un
tant soit peu, le nombre d'échanges272(*) infructueux qu'il y a eu entre les parties depuis
l'avis d'incompétence de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de
Dakar du 25 novembre 2005, sur la demande d'extradition belge. Les vues
divergentes des parties sont mises en évidence lorsque le
Sénégal soumet l'affaire Habré à l'UA et
accepte son mandat pour le juger. En fait, les parties ne s'entendent pas sur
la manière dont le Sénégal doit remplir son obligation de
poursuivre ou d'extrader selon l'article 7 de la Convention contre la torture.
3. La demande d'arbitrage par l'une des parties
Les divergences de vues des parties ont amené la
Belgique à demander que la procédure d'arbitrage soit
engagée. Cette proposition a été faite à travers
les notes verbales des 4 mai et 20 juin 2006.
4. La persistance du désaccord des parties sur
l'organisation de l'arbitrage au-delà d'un délai de six
mois
En mai 2007, c'est-à-dire un an après la demande
d'arbitrage, la Belgique a constaté que celle-ci n'a reçu aucune
réponse. A travers la note verbale du 8 mai 2007, la Belgique avait
demandé au Sénégal si des poursuites allaient être
menées contre Hissène HABRE ; mais elle n'avait reçu
aucune réponse. Par le biais de sa note verbale du 2 décembre
2008, la Belgique a fait une nouvelle tentative destinée à
faciliter les poursuites contre Hissène HABRE au Sénégal.
Elle y proposait au Sénégal de recevoir les magistrats
instructeurs sénégalais et de leur transmettre le dossier
d'instruction relatif au cas Habré. Là encore, elle a dû
faire face au mutisme sénégalais.
Au vu de ce qui précède, force est de constater
que les conditions procédurales de l'article 30 de la Convention contre
la torture ont été remplies par l'État demandeur. Ce qui
conduit au questionnement sur la recevabilité de sa requête.
B. La recevabilité subséquente de la
requête belge
Rendu à ce stade de l'étude, il importe
d'examiner la question de la recevabilité de la requête belge,
sans vouloir empiéter sur le fond de l'affaire. En effet, la question de
la recevabilité ne peut être examinée par la Cour qu'au
fond. Elle ne saurait le faire pendant la phase de la demande en indication de
mesures conservatoires. Il s'agit donc tout simplement de se demander si, au
regard des éléments analysés ici, la requête belge
est recevable. De fait, il existe trois raisons qui militent en faveur de la
recevabilité de ladite requête.
Tout d'abord, comme on vient de le constater, la Belgique a
rempli les conditions procédurales posées par la Convention
contre la torture. De ce point de vue donc, la requête est recevable.
Ensuite, comme démontré ci-dessus un
différend existe bel et bien entre les parties273(*). La Cour n'aura donc pas du
mal à établir sa compétence quant à la
procédure au fond.
Enfin, l'enjeu de l'affaire relative à des
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader peut
contribuer à la recevabilité de la requête belge. En effet,
on peut imaginer que la Cour aura à coeur de contribuer au
développement d'une règle essentielle du droit pénal
international à savoir le principe aut dedere aut judicare ou
compétence universelle conditionnée. Cette volonté pourra
amener la Cour à adopter une certaine souplesse dans l'examen de la
recevabilité de la requête.
Tout cela relève toutefois de l'ordre des
hypothèses, dans la mesure où la Cour pourrait ne pas avoir
à examiner cette question. En effet, au cas où le
Sénégal engagerait des poursuites contre Hissène HABRE
avant l'examen au fond, la Cour pourrait estimer qu'il est désormais
inutile de donner suite à la requête belge.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
En somme, il est regrettable que la Cour n'ait pas
souligné le changement de contenu de la demande belge dans la mesure
où c'est ce changement qui a vraisemblablement rendu pertinente ladite
demande. Pour donner du crédit aux décisions qu'elle rend, la
Cour devrait y tenir plus largement compte de l'argumentation
développée par les parties au différend.
Il est clair que les conditions posées par l'article 30
de la Convention contre la torture ont été remplies par la
Belgique dans cette affaire ; ce qui facilitera certainement la
recevabilité de sa requête au fond. Toutefois, au cas où le
Sénégal engagerait des poursuites contre Hissène HABRE
avant la procédure au fond devant la CIJ, celle-ci pourrait estimer que
le différend l'opposant à la Belgique est désormais sans
objet, arrêtant alors la procédure. Cela rend intéressante
l'analyse des modalités d'organisation du procès Habré par
le Sénégal.
CHAPITRE II : LES QUESTIONS RELATIVES AUX
MODALITES D'ORGANISATION DU PROCES CONTRE HISSENE HABRE
Les modalités d'organisation du procès contre
Hissène HABRE font partie des questions qui n'ont pas été
tranchées par l'Ordonnance de la CIJ. Le jugement de Hissène
HABRE devrait pourtant revêtir un grand intérêt pour
l'Afrique que pour la société internationale toute
entière. Il s'agit en effet, selon Alioune TINE et Reed BRODY de
« l'affaire test de la justice africaine »
274(*). L'Afrique en
général et le Sénégal en particulier ont là
l'opportunité de montrer aux yeux du monde qu'un criminel international
peut être jugé en terre africaine par des juges africains dans le
respect des exigences d'une justice équitable.
La décision de l'UA mandatant le Sénégal
de juger Hissène HABRE et l'engagement du Sénégal de s'en
charger représentent une étape déterminante dans l'effort
de poursuivre en justice l'ancien président du Tchad. Si ce jugement est
juste, transparent et équitable, il constituera un
précédent historique dans la lutte pour le jugement des
responsables des pires atrocités. Ce serait un précédent
à valeur de symbole.
Par ailleurs, c'est avec satisfaction que l'on a
constaté l'amendement, l'abrogation et l'introduction de certaines
dispositions dans le Code pénal et le Code de procédure
pénale sénégalais275(*). Cela a permis l'introduction de nouvelles
infractions comme les crimes internationaux que sont les crimes de guerre, les
crimes contre l'humanité et les génocides, crimes prévus
du reste par le Statut de Rome que ce pays a été le premier
État à ratifier. Il a doté ses juridictions d'une
compétence élargie. A travers les dispositions de l'article 669
du Code pénal, il a été prévu qu'en cas de crimes
internationaux commis par un étranger, à l'étranger, les
juridictions sénégalaises pouvaient être compétentes
si cet étranger était appréhendé sur le territoire
ou si le gouvernement sénégalais obtenait son extradition. C'est
d'une compétence universelle assez large qu'ont été
dotées les juridictions sénégalaises276(*). Par
ailleurs, le 7 août 2008, le Sénégal a promulgué la
loi qui amendait sa Constitution. L'un des aspects capitaux de cette
réforme constitutionnelle est l'exception au principe constitutionnel de
non-rétroactivité des lois pénales en matière de
crimes internationaux notamment le génocide, les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre277(*). Il est important de relever également que le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques278(*), dont l'article 15 (2)
prévoit subtilement la rétroactivité des lois
pénales pour les crimes les plus graves, a été
ratifié par le Sénégal depuis 1978279(*).
D'autres questions juridiques pourraient être
soulevées à l'occasion de ce procès. Il s'agit par exemple
de la prescription, des immunités et de l'indépendance des
autorités judiciaires du Sénégal. Il faut signaler tout de
suite que, « pour lutter contre l'impunité, le droit
pénal international et national prévoit que certains crimes sont
imprescriptibles »280(*). C'est le lieu de noter que cette
imprescriptibilité était déjà prônée
par Cesare BECCARIA281(*) en 1764. Les crimes imputés à
Hissène HABRE sont de ceux-là à savoir les crimes les plus
graves du fait de leur caractère odieux. En outre, l'immunité (de
juridiction pénale) de Hissène HABRE a été
levée par les autorités tchadiennes le 7 octobre 2002282(*). Seule l'indépendance
des autorités judiciaires sénégalaises reste à
assurer afin que ce procès connaisse l'éclat qu'il
mérite.
Au-delà des problèmes juridiques qu'il convient
de surmonter dans la conduite de ce procès, il existe des défis
à relever. En effet, l'organisation de ce procès met au
goût du jour des questions importantes comme celles du financement, de la
logistique, du personnel et de sa formation, de l'accessibilité des
victimes ou témoins aux procédures, la question de la protection
des témoins etc. En effet, le Sénégal a soulevé la
question du coût élevé du procès tant lors de la
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA que devant la CIJ
pour justifier le retard accusé dans l'affaire Habré.
Les questions relatives aux modalités d'organisation du procès
contre Hissène HABRE sont donc de deux ordres, à savoir la
question relative au coût élevé du procès
(Section I) et la question tenant aux actions
procédurales préalables au jugement de Hissène HABRE
(Section II).
Section I : La question du coût
élevé allégué par le Sénégal
La question du coût du procès contre
l'ex-président tchadien n'a pas été tranchée par la
Cour malgré son invocation par la partie sénégalaise.
C'est pourtant une question qui mérite que l'on s'y attarde. En effet,
il est certain que ce procès va occasionner des dépenses
énormes. Au-delà des conjectures, le budget d'un tel
procès est colossal du fait même de la nature internationale des
crimes en cause et des défis logistiques à relever. L'on
conviendra que ce serait pervertir la justice que de confier
« l'affaire Habré » au
Sénégal sans lui octroyer les moyens de le juger efficacement.
Ceci conduit à examiner la question du financement du procès
(§ 2) non sans avoir au préalable fait cas des
raisons du coût élevé du procès (§
1).
§ 1- Les raisons du coût élevé
du procès contre Hissène HABRE
Les facteurs de renchérissement du procès contre
Hissène HABRE sont de deux ordres : la nature internationale des
crimes imputés à l'ex-président tchadien
(A) et la logistique (B) qu'implique son
procès.
A. La nature internationale des crimes attribués
à Hissène HABRE
La poursuite de l'ancien chef de l'État tchadien au
Sénégal suppose des enquêtes à l'étranger sur
des crimes internationaux commis à l'étranger par un
étranger. Cette extranéité des infractions en cause est un
élément de complexification des poursuites et du jugement de
Hissène HABRE. De plus, l'établissement des preuves de crimes
commis dans un autre pays, il y a plus de vingt ans, représente un
défi considérable. Human Rights Watch a noté que
le fait que les instances nationales n'aient pas d'expérience dans
l'instruction et le jugement des crimes internationaux ou des crimes massifs
commis à l'étranger, constitue un obstacle pour mener à
bien ce procès283(*). Poursuivre des crimes contre l'humanité peut
paraître intimidant et demander beaucoup de ressources et ceci pour
plusieurs raisons. Il ne s'agit pas seulement de crimes pour lesquels les
procureurs nationaux ont peu d'expérience, mais également d'une
affaire où il faut mener à bien des enquêtes
extraterritoriales, où il faut faire face à des obstacles
linguistiques (nombre de tchadiens ne parlent pas français), où
il faut comprendre le contexte historique et politique dans lequel ont eu lieu
les crimes en question et où il faut rechercher des
éléments de preuves attestant des crimes encore jamais
jugés au niveau d'une juridiction nationale284(*).
Tout ceci fait jaillir tout d'abord la nécessité
pour les autorités judiciaires sénégalaises de
« s'ouvrir à l'expérience et à la contribution
des juridictions et juges du continent » comme les y invitait
l'UA285(*) en 2007. Ce
qui suppose des frais, surtout en honoraires. Ensuite, la traduction est une
activité assez coûteuse. Enfin, il est clair que l'instruction de
l'affaire par le Sénégal va s'avérer très
coûteuse dans la mesure où le lieu de commission de l'infraction
en matière pénale est également celui où se
déroulent des activités capitales d'une instruction. Il s'agit
notamment des perquisitions qui nécessitent très souvent le
transport du ou des magistrats instructeurs sur les lieux où les
infractions ont été commises. Même si les autorités
sénégalaises chargées de l'affaire acceptent d'exploiter
les documents belges grâce à une coopération légale,
il restera encore beaucoup de travail à faire, comme des visites au
Tchad et des analyses plus approfondies de centaines de documents de la
DDS286(*). Les auditions
et interrogatoires, qu'ils soient faits au Sénégal ou sur place
au Tchad, nécessiteront d'énormes moyens financiers.
B. Les exigences logistiques du procès contre
Hissène HABRE
La conduite des poursuites et du jugement de l'ancien
président tchadien suscitent des problèmes logistiques auxquels
il faudra faire face. En effet, des dizaines, voire des centaines de victimes,
témoins (à charge et à décharge) et autres experts
devront venir déposer et être entendus pendant les audiences,
spécialement s'ils n'ont pas pu être entendus pendant la phase
d'instruction. Ces personnes viendront, pour leur plus grande majorité,
du Tchad, mais certaines viendront d'autres parties du monde. Leur transport et
leur hébergement devront être pris en charge. Au
cas où les autorités chargées de l'instruction ne
pourraient pas se rendre au Tchad ni certains témoins ou victimes au
Sénégal, l'on pourrait envisager de prendre leur
déposition par transmission vidéo.
Il ressort par exemple d'un rapport de Human Rights Watch
que lors du procès, à Londres, du chef de guerre afghan
Faryadi ZARDAD, seize témoins ont déposé depuis les locaux
de l'ambassade d'Angleterre à Kaboul en direct lors des audiences au
moyen d'une connexion vidéo287(*). Reed BRODY a relevé par ailleurs qu'un
« aller et retour du Tchad au Sénégal coût[ait]
environ 950 $ »288(*). Or, l'on peut supposer que du fait des menaces ou
des intimidations289(*)
qu'elles peuvent subir au Tchad de la part d'anciens collaborateurs de
Hissène HABRE, encore en fonction290(*), certaines victimes aient
préféré quitter le pays pour des destinations diverses. Ce
qui complique davantage les problèmes de transport.
Les défis logistiques constituent donc une raison
évidente du coût élevé du procès contre
l'ex-président du Tchad. Le coût élevé de ce
procès pose un problème sérieux de financement.
§ 2- La question du financement du procès
contre Hissène HABRE
Le financement du procès contre Hissène HABRE,
du fait de son importance, exige la contribution de la société
internationale toute entière. Cependant, l'UA devrait y jouer un
rôle principal. En effet, malgré la nécessité de la
contribution (subsidiaire) de toutes les entités de la
société internationale, la contribution de l'UA doit être
prépondérante. On s'attardera tour à tour sur les
estimations du budget du procès (A) et la
nécessité des contributions des États membres de l'UA et
des autres entités de la société internationale
(B).
A. Les estimations du budget du procès
Comme on l'a relevé tantôt, il est évident
que le procès Habré va engendrer des dépenses colossales.
Pour s'en convaincre, il faut se référer au procès de
Faryadi ZARDAD susmentionné291(*) qui aurait coûté, selon les estimations
de la British Broadcasting Corporation (ci-après
"BBC")292(*),
plus de trois millions de livres (soit 5,2 millions de dollars ou 3,4 milliards
de francs CFA). Le Sénégal a élaboré, pour
le cas Habré, un budget d'un montant de 27.400.000 euros (soit dix-huit
milliards de francs CFA)293(*). Comment s'étonner dès lors que ce
budget soit jugé exagéré par certains ?
Dans sa requête, la Belgique affirme que les trois
procès tenus en Belgique relatifs au génocide commis au Rwanda
d'avril à juillet 1994 ont coûté, selon la Direction
générale de l'Ordre judiciaire du Service public
fédéral belge de Justice :
Ø 233.496,59 euros pour le procès des «
quatre de Butare » (Affaire Ntezimana et al.), 2001 ;
Ø 308.345,56 euros pour l'Affaire Nzabonimana et
al., 2005 et ;
Ø 219.117,90 euros pour l'Affaire Ntuyahaga,
2007 (estimation provisoire au 31 août 2008)294(*).
Par ailleurs, lorsque l'on considère un tant soit peu
l'ampleur du travail d'investigation qui a déjà été
abattu depuis près de dix-sept ans par les victimes, soutenues par une
coalition d'organisations internationales, et par les autorités
judiciaires belges, il est logique que le budget élaboré par le
Sénégal surprenne. L'on pourrait penser que ce budget n'est autre
chose qu'une manoeuvre dilatoire dans la mesure où son montant
élevé pourrait décourager de potentiels donateurs. Ce qui
aurait pour résultat final l'impunité de Hissène HABRE.
Toutefois, le bon sens amène à
considérer que les défis financiers diffèrent
d'une espèce à l'autre. En plus, ainsi qu'il ressort d'une
décision de l'UA du 3 février 2009295(*), l'UE a collaboré
à l'élaboration dudit budget. Dans la même décision,
l'UA considérait « que le budget définitif du
procès devrait être élaboré et arrêté
par [elle], en collaboration avec le Gouvernement de la République du
Sénégal et l'Union européenne »296(*). Quelque soit le budget qui
sera arrêté pour ce procès, le Sénégal ne
pourra le couvrir seul.
B. La nécessité des contributions des
États membres de l'UA et des autres entités de la
société internationale
L'UA a fait de l'affaire Habré une
priorité, dans ses décisions sur l'affaire297(*). Il suffit de consulter ses
décisions sur l'affaire pour s'en convaincre298(*). L'Organisation a certes
confié la poursuite et le jugement de l'ex-homme d'Etat tchadien au
Sénégal, mais sa participation est nécessaire. En effet,
l'on convient avec Joe VERHOEVEN que ce serait « une perversion
de la justice que de donner le pouvoir de punir sans accorder les moyens de
juger valablement »299(*). La contribution de l'Organisation doit donc
être conséquente et même prépondérante, car
l'Afrique doit faire du procès Habré un symbole de la
capacité des juridictions nationales du continent de juger ses
dirigeants auteurs de crimes internationaux. Pour ce faire, tous les
États membres de l'UA doivent y participer. L'on se souviendra en effet
que certains de ces États, notamment le Cameroun300(*), ont collaboré
efficacement à la répression des crimes de génocide commis
au Rwanda en 1994.
Lors de la treizième session ordinaire de la
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement, tenue à Syrte du
1er au 3 juillet 2009, l'UA a exprimé son regret de constater
que malgré la décision précédente prise par la
Conférence et invitant tous les États membres à apporter
leurs contributions volontaires au budget du procès de Hissène
HABRE, aucune réaction positive ne s'est manifestée de la part de
ces États. Elle a par ailleurs réitéré son appel
à tous les États membres de l'Union pour qu'ils
« apportent leurs contributions au budget du procès et
accordent leur soutien au Gouvernement de la République du
Sénégal dans l'exécution du mandat de l'Union africaine
d'inculper et de juger Hissène Habré »301(*). En outre, l'Organisation a
décidé d'apporter une « contribution symbolique au
budget du procès ».
Bien que l'UA en fasse une priorité, dans ses
décisions y relatives302(*), « l'affaire Habré » ne
concerne pas seulement l'Afrique. Les autres sujets et acteurs de la
société internationale y sont également interpelés,
même si c'est de manière subsidiaire. L'on pense
immédiatement aux ONG : comme on l'a déjà
noté, celles-ci ont joué jusqu'ici un rôle
déterminant dans la recherche des voies et moyens pour la poursuite et
le jugement de Hissène HABRE. Si « l'histoire lointaine et
récente de l'humanité interpelle [...] l'ensemble des peuples de
la terre sur la nécessité de prendre les droits de l'homme au
sérieux »303(*), la collaboration des États est indispensable
en matière de répression des crimes contre l'humanité. La
nécessité de la contribution des autres entités de la
société internationale est ainsi justifiée par le fait
même que les crimes en cause sont constitués d'actes tellement
odieux qu'ils heurtent la sensibilité de l'ensemble de la
communauté des États. Joe VERHOEVEN affirmait d'ailleurs que
« l'obligation qui est faite par plusieurs
Conventions [...] d'extrader ou de punir des criminels (aut dedere, aut
punire), participe d'une politique de prévention d'infractions
jugées particulièrement graves [...] parce qu'elles mettent en
cause - par exemple dans le cas de la torture - les fondements sur lesquels
repose la communauté des États »304(*).
C'est donc à juste titre que l'UA a lancé
l'appel de manière réitérative tant aux partenaires
internationaux, qu'à l'UE et à l'ensemble de la
société internationale pour la mobilisation des ressources
financières nécessaires à l'organisation du procès
contre Hissène HABRE. Les ressources envisagées ici ne sont pas
forcément pécuniaires, même si c'est ce type de ressources
que l'on attend le plus. En effet, les juges sénégalais auront
certainement besoin de l'expertise des États ayant une certaine
expérience dans la répression des crimes internationaux les plus
graves. Il est évident qu'au cas où ces ressources seraient
réunies, il faudrait entreprendre certaines actions préalables au
jugement.
Section II : La question des actions
procédurales préalables au jugement de Hissène
HABRE
L'organisation du procès contre Hissène HABRE,
outre les questions financières et logistiques, nécessite la
prise d'un certain nombre de mesures préalables. En effet, pour
être crédible, un tel procès ne devrait pas être tenu
dans la précipitation, au risque de porter atteinte tant aux
intérêts des victimes qu'à ceux de Hissène HABRE. A
ce propos, l'on peut s'accorder avec le Sénégal, lorsqu'il
déclare dans sa plaidoirie que
« La lutte contre l'impunité ne doit pas
occulter le devoir non moins important que nous avons tous de reconnaître
à l'accusé, quelle que soit la gravité des faits dont on
l'accuse, une présomption d'innocence jusqu'à ce qu'intervienne
contre lui une déclaration de culpabilité à l'issue d'un
procès équitable et c'est ce procès équitable que
le Sénégal prépare »305(*).
Il est en effet indispensable que les suspects et les
accusés bénéficient tous du droit à un
procès équitable et rapide qui est prévu par les normes
internationales306(*).
L'on suit volontiers Jelena PEJIC lorsqu'elle affirme que :
«Justice, it should not be forgotten, means not only
doing good by individual victims or segments of society affected by crime, but
also insuring that the fair trial rights of suspects and accused in criminal
proceedings are fully respected»307(*).
La conciliation des intérêts des victimes avec
ceux de Hissène HABRE pourrait se faire d'abord à travers
l'examen des diverses plaintes présentées contre ce dernier au
Sénégal, ensuite par l'accessibilité des témoins
aux procédures et, enfin, par leur protection tout au long de celles-ci.
La conciliation des intérêts des deux parties nécessitera
également une instruction sérieuse de l'affaire qui comporterait
la reprise, par le juge sénégalais, du travail d'instruction fait
par son homologue belge et l'approfondissement de l'enquête. L'on
s'attardera donc, d'une part, sur les actions relatives aux plaintes contre
Hissène HABRE (§ 1) et, d'autre part, sur
l'instruction de l'affaire (§ 2).
§ 1- Les actions relatives aux plaintes contre
Hissène HABRE et aux témoins
Le jugement de l'ancien homme d'Etat tchadien nécessite
qu'au préalable soient exploitées de manière efficace les
plaintes faites contre lui. Les témoins devront pouvoir participer aux
procédures et être protégés. L'analyse des plaintes
présentées au Sénégal contre Hissène HABRE
(A) précèdera l'examen des questions
d'accessibilité et de protection des témoins
(B).
A. L'examen des plaintes déposées contre
Hissène HABRE devant la justice sénégalaise
Sans les victimes, point de compétence universelle,
est-on tenté de s'exclamer. En fait, l'utilisation récente du
principe de compétence universelle est le fruit d'un double
constat de la part des victimes des crimes les plus graves et des organisations
de défense des droits de l'Homme : « l'incapacité ou la
défaillance » des États dans la lutte contre
l'impunité au niveau national et la prise de conscience progressive que
les victimes pouvaient forcer la main de la justice en portant plainte et en
mettant les États face à leurs obligations
internationales308(*).
C'est ce qu'ont fait les victimes des exactions attribuées à
Hissène HABRE en déposant des plaintes avec constitution de
partie civile au Sénégal. Les victimes ont ainsi exercé
l'action civile par voie d'action, c'est-à-dire avant toute poursuite
lancée par le Ministère public, afin de mettre en mouvement
l'action publique et d'être partie au procès.
Il s'agit tout d'abord de la plainte du 25 janvier 2000
présentée par sept tchadiens et l'Association des Victimes de
Crimes et de Répression Politiques au Tchad (ci-après :
« AVCRP »), une organisation pluriethnique,
créée après le renversement de Hissène HABRE. Dans
cette plainte, déposée devant le Tribunal régional
hors-classe de Dakar, les demandeurs, dont plusieurs s'étaient rendus au
Sénégal pour l'occasion, ont officiellement accusé
Hissène HABRE de torture et de crimes contre l'humanité. Le chef
d'accusation de torture était fondé sur la législation
sénégalaise contre la torture ainsi que sur la Convention des
Nations Unies contre la Torture. La plainte citait également les
obligations du Sénégal en droit international coutumier de
poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité309(*). Les preuves et documents
soumis au juge d'instruction, M. Demba KANDJI, contenaient des informations
détaillées, provenant des archives de l'AVCRP, sur 97 assassinats
politiques, 142 cas de torture, 100 « disparitions » et 736
arrestations arbitraires imputés à Hissène HABRE. La
plupart de ces crimes avaient été perpétrés par la
redoutable DDS, l'organe répressif du régime. Un rapport sur la
pratique de la torture sous le régime de Hissène HABRE,
écrit en 1992 par une équipe médicale française, et
celui de la Commission d'Enquête du Ministère tchadien de la
Justice ont également été versés au dossier.
Il s'agit ensuite de la plainte déposée le mardi
16 septembre 2008, devant M. Mandiogou NDIAYE, Procureur près la Cour
d'appel de Dakar, par quatorze plaignants (deux sénégalais et
douze tchadiens, soutenus par une coalition d'organisations africaines et
internationales de défense des droits de l'Homme310(*)) contre Hissène HABRE
pour crimes contre l'humanité et crimes de torture.
Document de 142 pages et de 183 annexes, cette plainte,
illustrée de témoignages et d'autres éléments de
preuve, ne vise que les exactions commises dans les prisons tchadiennes par la
DDS311(*). Me Jacqueline
MOUDEÏNA, présidente de l'Association Tchadienne pour la Promotion
et la Défense des Droits de L'homme (ATPDH), et avocate des victimes
tchadiennes, déclara, le jour du dépôt de cette plainte,
que celle-ci donnait de l'espoir aux victimes qui à un moment
donné étaient complètement aux abois, parce que la lenteur
qu'accusait le Sénégal ne pouvait pas faire penser à
l'aboutissement de cette procédure judiciaire ; avant d'ajouter que
les victimes étaient dès lors rassurées que le
Sénégal prendrait en compte cet acte pour pouvoir assurer ses
obligations internationales312(*).
Human Rights Watch précise que les accusations
portent sur la création et le contrôle exercé par
Hissène HABRE sur une police politique de répression, la DDS, qui
a systématiquement torturé les opposants politiques et les
membres de groupes ethniques perçus comme hostiles à son
régime313(*). La
plainte démontre que Hissène HABRE utilisait la torture comme
méthode de répression et qu'il était constamment
informé des actes de torture commis par la DDS. Parfois, il ordonnait
lui-même la torture sur un prisonnier. De plus, de certains
interrogatoires il ressort qu'il était physiquement présent
pendant les séances de torture ou il suivait leur déroulement par
talkie-walkie. La plainte établit le caractère
systématique et généralisé du recours à la
torture.
Parmi la panoplie de preuves qui sous-tendent cette nouvelle
plainte, l'on peut citer les archives découvertes par Human Rights
Watch au siège de la DDS en 2001. Parmi les dizaines de milliers de
documents retrouvés, se trouvent des listes précises et
datées sur les prisonniers et les décès en
détention, des rapports d'interrogatoires, des rapports de surveillance
et des certificats de décès. Les fiches détaillent les
rouages de la DDS et révèlent que cette police était sous
l'autorité directe de Hissène HABRE qui contrôlait
étroitement les opérations. Une première analyse des
données par le Data Analysis Group du Benetech Initiative a
répertorié les noms de 1.208 personnes mortes en
détention314(*).
Par ailleurs, les noms de plus de 12.321 victimes d'abus de toutes sortes y
sont mentionnés. Il ressort également de ces archives que
Hissène HABRE a reçu quelques communications directes de la DDS
concernant le statut de 896 détenus. D'anciens agents de la DDS ont
témoigné auprès de Human Rights Watch et de la
FIDH de ce que Hissène HABRE était régulièrement
informé de toutes les activités de la DDS. De plus, les
témoignages de centaines de victimes relatent les exactions qu'elles ont
subies315(*).
Hissène HABRE, en tant que supérieur
hiérarchique316(*), encourt une responsabilité pour cause
d'omission ou d'infractions commises par des personnes placées sous son
contrôle317(*).
Il s'avère donc nécessaire et impérieux
pour les autorités judiciaires sénégalaises d'examiner au
préalable ces deux plaintes, et notamment les preuves qu'elles
contiennent pour décider de l'opportunité de présenter un
réquisitoire introductif d'instance contre Hissène HABRE devant
le juge qui sera choisi, à l'occasion, pour instruire cette
affaire318(*). Les
autorités judiciaires sénégalaises devront en outre
s'assurer tant de l'accessibilité que de la protection des
témoins avant et pendant les procédures relatives à
l'affaire HABRE.
B. L'accessibilité et la protection des
témoins
S'assurer que le peuple tchadien, qui est le plus
touché par cette affaire, puisse accéder au mieux à la
procédure judiciaire constitue le défi majeur pour maximiser
l'impact du jugement de Hissène HABRE, précisait Human Rights
Watch en 2007319(*). Même dans le cadre d'un procès
national, la question de l'accessibilité est fondamentale. Sachant que
le procès de Hissène HABRE se déroulera à des
milliers de kilomètres des victimes et des lieux de commission des
crimes présumés, garantir l'accessibilité à ce
procès relèvera de la gageure. Le coagent du
Sénégal a d'ailleurs relevé, lors du premier tour
d'observations orales sur la demande en indication des mesures conservatoires,
que la tenue du procès Habré « en terre
africaine » aura l'avantage de permettre à toutes les victimes
et à tous les témoins d'y accéder sans
difficulté320(*).
En effet, il est impérieux d'éviter d'organiser
un procès sans témoins. Il faudra donc prévoir des moyens
pour le transport et l'hébergement de ces témoins. C'est fort
à propos que Human Rights Watch relève qu'il sera
difficile, voire impossible, pour nombre de tchadiens d'assister au
procès321(*).
L'ONG préconise alors la prise des dispositions pour filmer ou
enregistrer le procès, ou du moins pour le résumer afin de le
diffuser dans des émissions audiovisuelles au Tchad. Selon elle, des
journalistes et des représentants de la société civile
tchadienne, et plus spécialement des organisations de défense des
droits de l'Homme devraient être présents à Dakar pour
pouvoir suivre le procès.
S'agissant de la protection des témoins, il est
indéniable que l'ampleur d'un tel procès la rend prioritaire et
indispensable. Le Sénégal, dans l'optique de remplir ses
obligations, tant celles découlant de la Convention contre la torture
que celles issues des décisions de l'UA, devra donc prendre au
préalable des mesures en vue de la protection des témoins. En
effet, dans une affaire aussi chargée politiquement322(*), où les
témoignages à charge ou à décharge peuvent mettre
en danger la vie des témoins et de leurs familles, la protection des
témoins apparaît comme une priorité fondamentale323(*). Hissène HABRE a des
ennemis et des supporters tant au Tchad qu'au Sénégal.
D'après Human Rights Watch, il a usé de l'argent qu'il
aurait volé au Trésor tchadien pour construire un réseau
de soutien auprès d'acteurs influents dans la société
sénégalaise324(*). Ceci a créé une atmosphère
d'intimidation lors des procédures précédentes, ajoute
l'Organisation325(*). A
titre d'exemple, celle-ci note qu'en janvier 2000, Daniel BEKOUTOU, un
journaliste tchadien travaillant à Dakar et couvrant les poursuites
contre Hissène HABRE, avait reçu de manière
répétée des menaces de mort, avait été
physiquement agressé et dû finalement fuir son pays. Lors des
audiences en 2005, les supporters de Hissène HABRE ont brutalisé
les victimes venues du Tchad pour assister au procès. Les avocats de
l'ancien président tchadien sont même allés jusqu'à
traiter un membre de l'équipe de Human Rights Watch travaillant
avec les victimes, de « juif haineux » et « anti Islam
»326(*).
Au Tchad également, les victimes et leurs supporters
ont subi des intimidations et même des attaques de la part des supporters
de Hissène HABRE, dont beaucoup occupaient jusqu'en 2007 des
postes-clés dans l'appareil sécuritaire du pays. Me Jacqueline
MOUDEÏNA a ainsi été sévèrement blessée
par des éclats d'une grenade lancée par les forces de
sécurité commandées par un des acolytes de Hissène
HABRE, également accusé. D'autres victimes ont été
menacées ou ont perdu leur emploi327(*).
Les exemples ci-dessus montrent à suffisance le
caractère crucial de la protection des témoins lorsqu'est
envisagé leur accès aux procédures à entreprendre
au Sénégal. C'est lorsque les autorités
sénégalaises auront satisfait à ces exigences que pourra
être sérieusement envisagée l'instruction de l'affaire.
§ 2- L'instruction de l'affaire
Habré
Il importe de s'attarder d'abord sur la
nécessité l'exploitation du travail d'instruction fait en
Belgique (A) avant d'examiner la question de l'instruction
prétorienne du juge sénégalais (B).
A. La nécessité de l'exploitation du
travail d'instruction fait en Belgique
L'actuel président du Tchad, S.E. Idriss DEBY ITNO,
avait invité en 2002 le juge d'instruction belge Daniel FRANSEN, qui
à l'époque était chargé de l'affaire
Habré328(*) en Belgique. Ce juge avait alors pu
interroger au Tchad des victimes, des témoins, mais aussi des anciens
membres de la DDS. L'exploitation des acquis en matière d'instruction
sur le cas relève tant d'un certain réalisme que d'une
nécessité juridico-financière. En effet, comme le
précise Françoise BOUCHET-SAULNIER, la
« coopération [des États] dans le domaine de l'action
pénale générale n'est pas une obligation. Elle s'organise
de façon bilatérale sur le mode
conventionnel »329(*).
Le fait pour le juge sénégalais d'exploiter le
travail effectué par le juge belge, serait tout à fait normal,
dans la mesure où leurs pays sont parties à la Convention contre
la torture. En effet, ce serait tout simplement conforme au système de
coopération ou d'entraide judiciaire prévu par l'article 9,
§ 1 de cette Convention aux termes duquel :
« Les États parties s'accordent
l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure
pénale relative aux infractions visées à l'article 4, y
compris en ce qui concerne la communication de tous les éléments
de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la
procédure »330(*).
Plusieurs autres dispositions conventionnelles
prévoient la coopération ou d'entraide judiciaire en
matière pénale331(*). Cette question a d'ailleurs été
posée dans certaines affaires devant la Cour. Il s'agit notamment de
l'affaire relative à Certaines questions concernant l'entraide
judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France)332(*) qui a connu son
dénouement le 4 juin 2008333(*), et de l'affaire relative à Certaines
procédures pénales engagées en France (République
du Congo c. France)334(*) qui a été rayée du rôle
de la Cour le 16 novembre 2010 à la demande du Congo335(*).
Les autorités belges ont proposé à leurs
homologues sénégalais de leur communiquer le dossier336(*). Human Rights Watch
suggère en effet l'incorporation de l'intégralité du
travail d'instruction déjà diligenté par les
autorités belges dans le dossier HABRE, dans la nouvelle instruction qui
sera ouverte au Sénégal337(*). Ce travail comprend des procès verbaux des
témoins et des victimes, entendus tant au Tchad qu'en Belgique, des
photos, des films, des copies de documents de la police politique de
Hissène HABRE (la DDS), des notes, des synthèses, des analyses,
des commentaires faits par les autorités belges, etc.
L'incorporation du travail du juge belge permettra au juge
sénégalais de ne pas faire le même travail une
deuxième fois et de se consacrer à d'autres aspects de
l'instruction. Ce dernier ne possède pas d'expérience en
matière de crimes internationaux et de crimes massifs commis à
l'étranger338(*).
C'est dire si vouloir faire fi de ces investigations laborieuses du juge belge
signifierait tout simplement de la mauvaise foi du juge
sénégalais. Car ce serait perdre un temps précieux alors
même que les victimes s'impatientent.
Parmi les avantages de l'incorporation du travail
d'instruction du juge belge, l'on peut citer le gain de temps, la
réduction des frais, le bénéfice d'une instruction
menée par de nombreux professionnels hautement qualifiés, la
possibilité de joindre au dossier les déclarations de certains
témoins capitaux décédés depuis leur audition par
les autorités judiciaires belges. En outre, certains documents et lieux
peuvent avoir disparus depuis le travail effectué par le juge belge et
leur trace officielle ne se retrouve que dans le dossier belge. Enfin,
l'incorporation du travail de quatre années du juge d'instruction belge
éviterait d'ajouter aux souffrances déjà subies par les
victimes, celle de l'attente d'un procès. Cependant, pour donner plus de
crédibilité au procès, le juge sénégalais
devrait mener sa propre instruction.
B. La nécessité d'une instruction
prétorienne du juge sénégalais
Le juge d'instruction sénégalais ne devrait pas
se contenter des preuves présentées par les victimes en soutien
à leurs plaintes et du travail d'instruction de son homologue belge,
à moins que le budget disponible ne l'y oblige.
Les autorités judiciaires du Sénégal
devront mener leurs propres investigations sur l'affaire. Il s'agira toutefois
d'une instruction préparatoire ou information judiciaire dont l'objectif
est de déterminer, d'une part, l'existence ou l'inexistence des crimes
allégués contre Hissène HABRE et, d'autre part, si les
charges qui pèsent sur ce dernier nécessitent son jugement par la
juridiction compétente339(*). L'article 70 du Code de procédure
pénale sénégalais dispose d'ailleurs
que « l'instruction préparatoire est obligatoire en
matière de crime ; sauf dispositions spéciales ». Selon
la formule consacrée, il s'agira ici de la « mise en
état de l'affaire »340(*). Cette phase peut en effet s'avérer capitale
dans la mesure où « l'opportunité » des
poursuites dépendra de ce travail d'instruction. Le travail du magistrat
instructeur comportera des aspects comme les transports sur les lieux, les
perquisitions, les auditions des témoins, les interrogatoires et
même des expertises si besoin est.
S'agissant des transports sur les lieux, à savoir en
l'espèce le territoire tchadien, ils ont pour but de procéder aux
constatations utiles et aux perquisitions comme le prévoit l'article 83
du Code de procédure pénale sénégalais (Loi de base
n° 65-61 du 21 juillet 1965). On ne pourrait en fait envisager une
instruction sérieuse qu'avec le déplacement du juge d'instruction
au Tchad ; ce qu'il n'a pas pu faire en 2000 lors de la première
tentative de jugement de Hissène HABRE341(*). Toutefois, une instruction crédible pourrait
se faire sans que ce transport sur les lieux au Tchad soit nécessaire si
et seulement si une bonne coopération judiciaire s'établissait
entre le Sénégal et le Tchad, et au cas où le premier
voulait bien « s'ouvrir à l'expérience et à la
contribution des juridictions et juges du continent » comme l'y
invitait l'UA342(*) en
janvier 2007. A l'occasion de ce procès, la juridiction
sénégalaise qui en aura l'office pourrait se rendre hybride et se
rapprocher du système du tribunal spécial de Sierra Leone et de
celui du Cambodge. Ainsi, comme déjà en 2000, le juge
sénégalais pourrait par exemple envoyer simplement une commission
rogatoire à son homologue tchadien afin que celui-ci procède
à certaines activités d'instruction.
Pour ce qui est des perquisitions, l'article 85 du CPP
sénégalais (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965)
prévoit qu'elles « sont effectuées dans tous les lieux
où peuvent se trouver des objets dont la découverte serait utile
à la manifestation de la vérité ». De nouvelles
perquisitions peuvent tout de même s'avérer inutiles,
coûteuses et surtout constituer une perte de temps. En effet, le juge
belge et Human Rights Watch ont déjà effectué des
investigations importantes sur place au Tchad, notamment dans les locaux de la
DDS. Aussi, certaines preuves peuvent avoir disparu ; d'où la
nécessité d'exploiter le travail d'instruction effectué
par le juge belge. Il importe de relever que les preuves obtenues par Human
Rights Watch ont été versées dans les plaintes
déposées par les victimes le 25 janvier 2000 et le 16 septembre
2008. Il n'est pas superflu de rappeler que cette organisation a apporté
à chaque fois son soutien grandiose aux victimes depuis que celles-ci
ont commencé leur quête de justice en 1992.
Les auditions de témoins et les interrogatoires
pourraient par contre constituer un aspect important du travail d'instruction
préparatoire envisagé. Pour ce qui est des auditions de
témoins, comme le rappelle Corinne RENAULT-BRAHINSKY, le principe est
que le juge d'instruction instruit « à charge et à
décharge »343(*). Cela veut tout simplement dire que le juge
reçoit les témoignages tant contre le suspect qu'en sa faveur. Ce
qui peut être considéré comme un aspect du procès
équitable344(*).
Comme on l'a déjà signalé, l'un des grands défis de
l'organisation du procès Habré, sera de permettre l'accès
du plus grand nombre possible de témoins aux différentes
étapes procédurales. Mais le juge d'instruction
sénégalais devrait prendre au sérieux l'article 99 du CPP
sénégalais (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965) aux
termes duquel « si le témoin est dans l'impossibilité
de comparaître, le juge d'instruction se transporte pour l'entendre ou
délivre à cette fin une commission rogatoire ». L'on
peut bien déduire, dans le cas d'espèce, soit le transport des
témoins vers le Sénégal qui s'avèrerait très
coûteux, soit l'aide judiciaire du Tchad, souhaitable parce que limitant
les frais.
A la suite de ces auditions de témoins, le juge
d'instruction devra alors interroger respectivement de l'inculpé
à savoir Hissène HABRE et la partie civile. Puisqu'il s'agit de
crimes, Hissène HABRE devra impérativement être
assisté d'un défenseur comme le prévoit l'alinéa 4
de l'article 101 du CPP sénégalais (Loi n° 99-06 du 29
janvier 1999). Selon l'alinéa 6 de cet article, « la partie
civile régulièrement constituée a le droit de se faire
assister d'un conseil dès sa première audition ». Les
interrogatoires de l'inculpé et les auditions de la partie civile se
font dans les mêmes conditions. Mais d'après l'article 105,
alinéa 1 du CPP (Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965),
« l'inculpé et la partie civile ne peuvent être entendus
ou confrontés, à moins qu'ils n'y renoncent expressément
(...) ». C'est après ces auditions que le juge d'instruction
décidera s'il y a lieu d'inculper Hissène HABRE. Dans
l'hypothèse d'une réponse affirmative, il demandera l'ouverture
d'un procès aux trois juges de la Chambre d'Accusation. Dans ce cas, et
si la Chambre d'Accusation confirme les charges retenues contre Hissène
HABRE, ce dernier passera en jugement devant la Cour d'Assises345(*).
CONCLUSION DU CHAPITRE II
La poursuite et le jugement de Hissène HABRE comportent
un grand enjeu dans la mesure où ce cas constituerait un symbole, un
exemple. La justice africaine a en effet l'occasion de prouver aux yeux de la
société internationale qu'elle est à la hauteur d'un
procès de cette envergure. Il s'agit là aussi d'une
opportunité de mettre en garde les personnes qui, couvertes par
l'immunité de juridiction pénale du fait de leurs hautes
fonctions, s'obstinent à bafouer les droits fondamentaux de l'homme, que
les infractions graves ne peuvent rester indéfiniment impunies.
L'organisation de ce procès soulève de grands
défis. En effet, les procès de ce type nécessitent des
moyens colossaux du fait notamment de la logistique et de la nature
internationale des crimes en cause. L'UA ayant fait de ce procès son
affaire, du moins à travers ses décisions346(*), sa contribution est donc
prépondérante. Mais toute la communauté internationale y a
intérêt dans la mesure où les crimes imputés
à Hissène HABRE heurtent la sensibilité de
l'humanité dans son ensemble.
Les principes d'un procès équitable commandent
ici le respect des étapes du processus répressif. Avant le
jugement de Hissène HABRE, des actions procédurales
préalables doivent être accomplies. Les autorités
judiciaires du Sénégal devraient en effet examiner les
différentes plaintes des victimes et surtout s'assurer de
l'accessibilité et de la protection des témoins. En outre, elles
doivent procéder à l'instruction de l'affaire, la
coopération judiciaire internationale étant fortement
recommandée à ce niveau. De fait, l'exploitation du travail
d'instruction accompli par la justice belge serait économiquement
bénéfique dans cette affaire.
Mais au cas où le Sénégal ne trouverait
pas les moyens nécessaires pour l'organisation de ce procès, il
devra extrader Hissène HABRE vers un État désireux et
financièrement capable de le juger. La priorité serait
logiquement donnée à la Belgique. En effet, cet Etat est non
seulement le seul à s'être particulièrement
intéressé à l'« affaire
Habré », mais surtout sa capacité
financière et la compétence de ses juridictions ne font aucun
doute. Le principe aut dedere aut judicare doit être
compris comme une règle établissant la
complémentarité entre les juges nationaux. Selon cette logique,
si un État, sur le territoire duquel se trouve un auteur de crimes
internationaux, n'a pas la volonté ou la capacité de le juger,
doit l'extrader vers un autre État qui le sollicite et dont les
tribunaux sont compétents. Cette hypothèse ne doit pas cependant
devenir un moyen pour certains juges nationaux, notamment occidentaux,
d'imposer leur idéologie répressive aux autres. Car
« s'il existe des crimes tellement odieux qu'ils doivent être
réprimés par l'humanité toute entière, celle-ci ne
saurait être réduite à quelques juges
occidentaux... »347(*).
CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE
Il a été démontré la
nécessité de l'examen de certaines questions que la Cour n'a pas
tranchées soit volontairement, soit à cause de la nature
provisoire de sa décision.
Le silence de la Cour quant au changement de contenu de la
demande belge est critiquable. Ce changement a eu une portée importante
dans la procédure. En effet, il a permis d'établir une
différence entre la demande en indication de mesures conservatoires et
la requête principale de la Belgique ; différence sans
laquelle ladite demande aurait tout simplement été rejetée
par la Cour. Les conditions procédurales posées par la Convention
contre la torture, invoquée par la Belgique pour fonder la
compétence de la Cour, sont bel et bien réunies dans la
présente affaire. La Cour n'aurait donc pas du mal à juger la
requête belge recevable ; quoique la célérité
dont peut faire montre la République du Sénégal dans le
cadre des poursuites contre l'ancien président tchadien, pourrait
arrêter l'affaire qui l'oppose à la Belgique.
En effet, les enjeux du procès Habré commandent
son organisation le plutôt possible par le Sénégal. Mais
cette procédure judiciaire devra respecter un certain nombre de
modalités afin que ces enjeux soient préservés. Comme
l'ont relevé Alioune TINE et Reed BRODY, « personne ne peut
nier que l'Afrique est le continent où se focalisent le plus les
investigations de la justice [pénale]
internationale »348(*). Or, si ce procès est mené en terre
africaine par des juges africains, cela permettrait, un tant soit peu, de ne
plus subir la politique du « deux poids deux mesures » qui
caractérise la justice pénale internationale.
CONCLUSION GENERALE
L'Ordonnance du 28 mai 2009 a la particularité d'avoir
presque systématisé l'ensemble des problèmes que
soulève l'indication des mesures conservatoires par la CIJ. Selon le
juge ad hoc Serge SUR, ces mesures « correspondent
fréquemment à une stratégie judiciaire qui permet à
une partie, dans l'hypothèse où elles sont accordées, de
prendre un avantage, au moins psychologique, pour la suite de
l'instance »349(*). Elles connaissent une certaine vigueur depuis
1990350(*), du fait de
leur importance pour la suite de la procédure dans le cadre des affaires
dont la Cour est saisie.
Il se dégage de l'attention particulière
accordée par la Cour aux conditions requises pour l'indication des
mesures conservatoires, une prudence qui, même si on peut la
considérer excessive, est plutôt justifiée quand on sait
que le caractère obligatoire de ces mesures est acquis depuis
l'arrêt LaGrand351(*). Vingt-deux paragraphes de l'Ordonnance du 28 mai
2009 sont en effet consacrés à l'examen des conditions requises
pour l'indication des mesures conservatoires et douze paragraphes à la
mise en oeuvre du pouvoir d'indiquer de telles mesures par la Cour.
Nonobstant le fait que son Règlement ne lui impose pas
la motivation de ses Ordonnances en ce domaine352(*), la Cour a
déployé un raisonnement très étoffé et
cohérent. En l'espèce, les questions du juge GREENWOOD et les
réponses fournies par les parties ont permis à la Cour d'aboutir
à une décision "facile". Cette médiation a fait accepter
facilement sa décision. Ceci va dans le sens de la pensée de Paul
MARTENS lorsqu'il affirmait que « n'ayant plus le secours d'une
révélation sûre, d'une législation claire et d'un
prestige incontesté, c'est par la validité de ses méthodes
que [le juge] rendra ses décisions
légitimes »353(*).
Cette affaire montre que le chemin est encore long en
matière d'exercice de la juridiction pénale en matière de
crimes internationaux, même au cas où un État est
disposé à l'exercer354(*). Cette étape des mesures conservatoires a
permis d'apporter d'ores et déjà des précisions quant aux
obligations des Etats dans le cadre de l'« affaire
Habré » en particulier et de la lutte contre
l'impunité en général. On espère que la Cour
tiendra compte des enjeux de l'affaire relative à des Questions
concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, en apportant des
éclaircissements au sujet de cette obligation. Le principe aut
dedere aut judicare ou compétence universelle conditionnée
est aujourd'hui le système le plus efficace de répression des
crimes internationaux. Car il permet « d'éradiquer tout
conflit négatif de compétence et d'obvier tout déni de
justice »355(*). Toutefois, « l'hymne » à
la compétence universelle ne doit pas conduire aux abus. En effet, comme
le fait remarquer Joe VERHOEVEN, « il n'est pas acceptable que le
procès pénal devienne un nouvel instrument, après bien
d'autres, de domination des forts sur les faibles, des grands sur les
petits... »356(*). Il convient de relever que la compétence
universelle est « une idée autant acclamée que
décriée »357(*).
L'UA devrait assurer la poursuite et le jugement de
Hissène HABRE afin de montrer au monde entier que les États
africains sont capables de réprimer leurs propres dirigeants
accusés de crimes internationaux. Ce procès a valeur de symbole
parce qu'il pourrait mettre un terme à la politique à
géométrie variable de la justice internationale pénale. La
décision des États membres de l'UA de ne pas coopérer
conformément aux dispositions de l'article 98 du Statut de Rome
relatives aux immunités dans l'arrestation et le transfert du
Président Omar El BASHIR du Soudan à la Cour Pénale
Internationale358(*),
est révélatrice d'un ras-le-bol de ceux-ci. De fait, la
percée des droits de l'homme dans le droit international ne saurait
remettre en question le principe de souveraineté359(*). La seule façon, pour
les États du Tiers-monde, de se défaire de la justice à
géométrie variable est de se donner les moyens d'une
répression efficace et d'affirmer avec force leur volonté de
réprimer eux-mêmes leurs propres criminels.
Pour ce qui est de l'Afrique, on pourrait doter la Cour
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CrADHP) de la compétence
pour le jugement des crimes internationaux les plus graves. Ceci constitue en
fait un projet en étude au sein de l'UA360(*) depuis la quinzième
session ordinaire de sa Conférence tenue à Kampala (Ouganda) du
25 au 27 juillet 2010.
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l'expérience belge : le mouvement du balancier », in
: SOS Attentats / DOUCET Ghislaine (Dir.), Terrorisme, victimes
et responsabilité pénale internationale,
Calmann-Lévy, Paris, 2003, pp. 463-474.
VERHOEVEN (Joe), « Vers un ordre
répressif universel ? Quelques observations »,
AFDI, 1999, pp. 55-71.
ZAKR (Nasser), « La
responsabilité du supérieur hiérarchique devant les
tribunaux pénaux internationaux », RIDP, vol. 73,
2002, pp. 59-80.
Rapports et autres publications
Ø Amnesty
International, La Compétence universelle : 14
principes pour l'exercice effectif de la compétence universelle,
Document public, Editions Francophones d'Amnesty International (EFAI),
Londres, juin 1999, 16 p.
Ø Amnesty international,
Sénégal, terre d'impunité, Amnesty International
publications 2010, Londres, septembre 2010, 42 p.,
http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR49/001/2010/fr/ef4b2e2b-9651-4db2-a76c-46d314900baf/afr490012010fr.pdf
(consulté le 17 septembre 2010).
Ø Groupe d'action judiciaire de la FIDH
(GAJ), Pour le procès d'un dictateur, Retour sur l'affaire
Hissène Habré, n° 511f, novembre 2008, 52 p.,
http://www.fidh.org/IMG/pdf/Hissenhabr511fr2008.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights Watch,
Tchad : les victimes de Hissène Habré toujours en
attente de justice, juillet 2005, Vol. 17, n° 10 (A), 70 p.,
http://www.hrw.org/legacy/french/reports/2005/chad0705/chad0705fr.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights Watch, La
Compétence universelle en Europe, état des lieux, vol.18, n°
5 (D), juin 2006, 7 p.
Ø Human Rights
Watch, Le jugement de Hissène Habré, le
temps presse pour les victimes, n° 2, Janvier 2007, 23 p.,
http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre0107/habre0107frweb.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights
Watch, Hissène Habré et les juridictions
sénégalaises, Note à l'attention des donateurs
internationaux, n° 1, Décembre 2007, 15 p.,
http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre1207/habre1207frweb.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights Watch,
Affaire Habré : Questions et réponses,
Communiqué de presse, Septembre 2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19815.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights Watch,
Sénégal : les victimes accusent Hissène Habré
de crimes contre l'humanité, Communiqué de presse, 16 septembre
2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19817.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Human Rights Watch,
Le président Wade sème le doute sur la tenue du
procès de Hissène HABRE, Communiqué de presse, 21
octobre 2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/10/21/senega20021.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
Ø Politique-Revue de
débats, n° 23, La Belgique, justicier du
monde ? La "compétence universelle" sur la sellette, Bruxelles,
2002, 39 p.,
http://www.ulb.ac.be/droit/cdi/Site/CE802A27-998F-496E-AA9F-70C3F29DFFDE_files/politique.pdf
(consultée le 13 mars 2009).
Ø S.F.D.I., Colloque de Lyon
(1986), La juridiction internationale permanente, Paris, Pedone, 1987,
439 p. (Actes du XXe Colloque de la SFDI tenu au Centre de
Documentation et de Recherche Européennes de l'Université Jean
MOULIN Lyon III les 29, 30 et 31 mai 1986).
Textes et documents de base
§ L'Ordonnance de la CIJ du 28 mai 2009, en l'affaire
relative à des Questions concernant l'obligation de poursuivre ou
d'extrader (Belgique c. Sénégal),
http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15148.pdf
(consultée le 28 mai 2009) ;
§ La Convention des Nations Unies contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10
décembre 1984 ;
§ La Convention des Nations Unies sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité du 26 novembre 1968 ;
§ Le Statut de la Cour internationale de justice
annexé à la Charte des Nations Unies du 26 juin 1945 ;
§ Le Règlement de la Cour internationale de
justice du 14 avril 1978 ;
§ Loi de base n° 65-61 du 21 juillet 1965 portant
Code de procédure pénale sénégalais, avec ses
modifications successives,
http://www.droit-afrique.com/images/textes/Senegal/Senegal%20-%20Code%20penal.pdf
(consultée le 13 mars 2009).
Principales décisions jurisprudentielles
citées
v C.P.J.I., Concessions Mavrommatis en Palestine
(République Hellénique c. Grande Bretagne), arrêt du
30 août 1924 (exception d'incompétence), Série A, n°
2, pp. 7-37 ;
v C.P.J.I., Certains intérêts allemands en
Haute-Silésie polonaise (Allemagne c. Pologne), arrêt du 25
mai 1926, Série A, n° 7, pp. 5-83 ;
v C.P.J.I., Droits des minorités en
Haute-Silésie (Allemagne c. Pologne), arrêt du 26 avril 1928,
Série A, n° 15, arrêt n° 12, pp. 5-47 ;
v C.P.J.I., Usine de Chorzów (Allemagne c.
Pologne), arrêt sur le fond du 13 septembre 1928, Série A,
n° 17, arrêt n° 13, pp. 5-65 ;
v C.I.J., Détroit de Corfou (Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie), arrêt du
25 mars 1948, Rec. 1947-1948, pp. 15-48 ;
v C.I.J., Anglo-Iranian Oil Company (Royaume-Uni c.
Iran), exceptions préliminaires, arrêt du 22 juillet 1952,
Rec. 1952, pp. 93-115 ;
v C.I.J., Or monétaire pris à Rome
en 1943 (Italie c. France, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
et Etats-Unis d'Amérique), arrêt du 15 juin 1954, Rec. 1954,
pp. 19-36 ;
v C.I.J., Sud-ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ;
Libéria c. Afrique du Sud), exceptions
préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Rec.1962,
pp. 319-348 ;
v C.I.J., Barcelona Traction, Light and Power
Company, Limited (Belgique c. Espagne), arrêt du 5 févr.
1970, Rec.1970, pp. 3-53 ;
v C.I.J., Essais nucléaires (Australie c.
France), mesures conservatoires, Ordonnance du 22 juin 1973, Rec. 1973,
pp. 99-110 ;
v C.I.J., Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), mesures conservatoires, Ordonnance du
22 juin 1973, Rec. 1973, pp. 135-147 ;
v C.I.J., Essais nucléaires (Australie c.
France), arrêt du 20 décembre 1974, Rec. 1974, pp.
253-274 ;
v C.I.J., Essais nucléaires
(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt du 20 décembre
1974, Rec. 1974, pp. 457-478 ;
v C.I.J., Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c.
Iran), mesures conservatoires, Ordonnance du 15 décembre 1979, Rec.
1979, pp. 7-21 ;
v C.I.J., Plateau continental (Tunisie c. Jamahiriya arabe
libyenne), arrêt du 24 février 1982, Rec. 1982, pp. 18-94
;
v C.I.J., Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),
mesures conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, Rec. 1984, pp. 169-188 ;
v C.I.J., Actions armées frontalières et
transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et
recevabilité, arrêt du 20 décembre 1988, Rec. 1988, pp.
69-108 ;
v C.I.J., Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et
Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 8 avril
1993, Rec. 1993, pp. 3-25 ;
v C.I.J., Timor oriental (Portugal c. Australie),
arrêt du 30 juin 1995, Rec. 1995, pp. 90-106 ;
v C.I.J., Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures
conservatoires, Ordonnance du 15 mars 1996, Rec. 1996, pp. 13-25 ;
v C.I.J., Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro),
arrêt du 11 juillet 1996, Rec. 1996, pp. 595-624 ;
v C.I.J., Questions d'interprétation et
d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de
l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis
d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27
février 1998, Rec. 1998, pp. 115-137 ;
v C.I.J., Convention de Vienne sur les relations
consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998, Rec. 1998, pp. 248-258 ;
v C.I.J., LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis
d'Amérique), mesures conservatoires, Ordonnance du 3 mars 1999,
Rec. 1999, pp. 9-17 ;
v C.I.J., Licéité de l'emploi de la force
(Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, Ordonnance du 2 juin
1999, Rec. 1999, pp. 124-141 ;
v C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 décembre 2000, Rec. 2000, pp.
182-203 ;
v C.I.J., LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis
d'Amérique), arrêt du 27 juin 2001, Rec. 2001, pp.
466-517 ;
v C.I.J., Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt
du 14 février 2002, Rec. 2002, pp. 3-34 ;
v C.I.J., Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires,
Ordonnance du 5 février 2003, Rec. 2003, pp. 77-99 ;
v C.I.J., Certaines procédures pénales
engagées en France (République du Congo c. France), mesure
conservatoire, Ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, pp. 102-112 ;
v C.I.J., Usines de pâte à papier sur le
fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, Ordonnance
du 13 juillet 2006, Rec. 2006, pp. 113-135 ;
v Voir C.I.J., Certaines questions concernant l'entraide
judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France),
arrêt du 4 juin 2008, Rec. 2008, pp. 177-247 ;
v C.I.J., Application de la convention internationale sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008, pp. 353-399.
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International
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LISTES DES ANNEXES
Annexe 1 : Ordonnance
de la Cour internationale de Justice du 28 mai 2009 sur la demande en
indication de mesures conservatoires.
Annexe 2 :
Décision Assembly/AU/Dec.103 (VI) de l'UA du 24
janvier 2006 portant sur le procès d'Hissène HABRE et l'Union
africaine.
Annexe 3 : Décision
Assembly/AU/Dec.127 (VII) de l'UA du 2 juillet 2006 portant sur le
procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine.
Annexe 4 : Décision
Assembly/AU/Dec.157 (VIII) de l'UA du 30 janvier 2007 portant sur
le procès de Monsieur Hissène HABRE et l'Union
africaine.
Annexe 5 : Décision
Assembly/AU/Dec.240(XII) de l'UA du 3 février 2009 portant sur
l'affaire Hissène HABRE.
Annexe 6 : Décision
Assembly/AU/Dec.246(XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant
sur le cas Hissène HABRE.
Annexe 7 : Décision
Assembly/AU/Dec.213 (XII) de l'UA du 3 février 2009 portant sur
la mise en oeuvre de la décision relative à l'utilisation
abusive du principe de compétence universelle.
Annexe 8 : Décision
Assembly/AU/Dec.243(XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur
l'utilisation abusive du principe de compétence universelle.
Annexe 9 : Décision
Assembly/AU/Dec.245 (XIII) de l'UA du 3 juillet 2009 portant sur
le rapport de la réunion des Etats africains parties au Statut de
Rome de la Cour pénale internationale.
Annexe 10 : Décision n°
Assembly/AU/Dec.292(XV) de l'UA du 27 juillet 2010 portant sur
l'utilisation abusive du principe de compétence universelle.
* 1 _ Ce concept, encore
appelé « obligation de juger ou d'extrader » et
exprimé souvent par la maxime « aut dedere aut judicare »
(ou extrader ou juger), « constitue une forme de juridiction
inhabituelle pour les États et illustre la volonté de soumettre
certains criminels à une juridiction internationale puisque la nature de
leurs actes est telle qu'elle suscite la réprobation de la
Communauté internationale tout entière ». Voir
Marie-Pierre OLIVIER, « L'obligation de juger ou d'extrader dans la
pratique contemporaine du Canada », RQDI, n° 10, 1997,
pp. 137-170 (spéc., p. 140),
http://www.sqdi.org/volumes/pdf/10_-_olivier.pdf
(consultée le 07 mai 2009). En l'espèce, cette règle
devrait plutôt se traduire par l'expression judicare vel dedere
(juger à défaut d'extrader) car la Convention des Nations Unies
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants (du 10 décembre 1984) met d'abord l'accent sur
l'obligation de poursuite, ensuite, sur l'obligation d'extradition si
l'État du lieu où se trouve le suspect ne le poursuit pas.
* 2 _ Ce terme se
réfère à l'absence de punition effective pour sanctionner
un manquement ou la violation d'une règle ou norme établie. Voir
Françoise BOUCHET-SAULNIER, Dictionnaire pratique du droit
humanitaire, 3ème éd., La Découverte,
Paris, 2006, p. 308. Cet auteur ajoute que « l'impunité peut
découler d'un dysfonctionnement ou d'une disparition de l'appareil
judiciaire » (ibid.). Bacre WALY NDIAYE, Rapporteur
spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires, affirmait en 1994 que « L'impunité est la
négation de la justice, qui est le socle de toute société
démocratique. L'impunité est la ruine de l'état de droit.
Elle est la porte ouverte aux explosions de violence. Elle empêche la
vérité de triompher, les passions d'être apaisées,
le mal d'être éradiqué », in :
Commission des droits de l'homme, Question de la violation des droits de
l'homme et des libertés fondamentales, où qu'elle se produise
dans le monde, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et
dépendants, Exécutions extrajudiciaires, sommaires ou
arbitraires, Rapport présenté le 14 décembre 1994, Doc.
ONU E/CN.4/1995/61, p. 142 (cf. Amnesty international,
Sénégal, terre d'impunité, Amnesty International
publications 2010, Londres, septembre 2010, 42 p. (spéc. p. 5),
http://www.amnesty.org/fr/library/asset/AFR49/001/2010/fr/ef4b2e2b-9651-4db2-a76c-46d314900baf/afr490012010fr.pdf
(consulté le 17 septembre 2010).
* 3 _ La lutte contre
l'impunité occupe une place centrale tant dans des discours politiques
que dans des écrits doctrinaux en matière de protection des
droits de l'Homme ou de respect du droit international humanitaire. Par
ailleurs, la protection internationale des droits de l'Homme est effectivement
appréciée comme un élément essentiel du droit
international contemporain. Voir Alain PELLET, « "
Droits-de-l'hommisme " et droit international », Droits
fondamentaux, n° 1, juillet - décembre 2001, pp. 167-179
(spéc. p. 169),
http://www.droits-fondamentaux.org/article.php3?id_article=27
(consultée le 24 août 2007).
* 4 _ C.I.J., Questions
concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal), mesures conservatoires, Ordonnance du 28 mai 2009,
version miméographiée,
http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15148.pdf
(consultée le 28 mai 2009). Le choix d'étudier cette
décision est surtout justifié par l'objet même de l'affaire
à savoir l'obligation de poursuivre ou d'extrader.
* 5 _ La Section D du Titre
III du Règlement de la Cour prévoit 6 procédures
incidentes à savoir les mesures conservatoires, les exceptions
préliminaires, les demandes reconventionnelles, l'intervention, le
renvoi spécial devant la Cour et le désistement.
* 6 _ Cf. Jules BASDEVANT
(Dir.), Dictionnaire de la terminologie du droit international, Sirey,
Paris, 1960, p. 390.
* 7 _ Voir Reed BRODY,
« Les poursuites contre Hissène Habré : un «
Pinochet africain », in : SOS Attentats / Ghislaine
DOUCET (Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale
internationale, Calmann-Lévy, Paris, 2003, pp.
307-326 ; Voir aussi Abdoullah CISSE, « La
Responsabilité pénale des chefs d'État africains en
exercice pour crimes internationaux graves », in
: SOS Attentats / Ghislaine DOUCET (Dir.), ibid.,
pp. 247-254 (spéc., p. 247). Sur l'Affaire
Pinochet, voir notamment Anne MUXART, « Immunité de
l'ex-chef d'État et compétence universelle : quelques
réflexions à propos de l'affaire Pinochet »,
Actualité et Droit International, 1998,
http://www.ridi.org/adi/199812a4.html
(consultée le 10 novembre 2008).
* 8 _ Voir Groupe d'action
judiciaire (GAJ) de la FIDH, Pour le procès d'un dictateur, Retour sur
l'affaire Hissène Habré, n° 511f, novembre 2008,
http://www.fidh.org/IMG/pdf/Hissenhabr511fr2008.pdf
(consultée le 17 juillet 2009). Il ressort de cette étude que,
dans l'exercice de ses fonctions présidentielles, Hissène HABRE
aurait commis 40 000 assassinats politiques et torturé 200 000
personnes.
* 9 _ Voir Abdoullah
CISSE, op. cit. (supra, note n° 7).
* 10 _ Date à
laquelle la Cour de cassation de la République du Sénégal
rendit sa décision. Le juge suprême a décidé que les
juridictions sénégalaises n'étaient pas compétentes
pour poursuivre les infractions de torture reprochées à M. HABRE,
celles-ci ayant été commises hors du territoire national. Cet
arrêt est disponible sur www.icrc.org/fhl-nat.nsf/
39a82e2ca42b52974125673e00508144/90e26efa1bb31189c1256b21005549
b0!OpenDocument (consultée le 7 avril 2009).
* 11 _ Il s'agit entre
autres de : Reed BRODY (op. cit. (supra, note n° 7) ;
Dustin N. SHARP, "Prosecutions, Development, and Justice : The Trial of Hissein
Habré", Harvard Human Rights Journal, vol. 16, 2003, pp.
147-177,
http://www.law.harvard.edu/students/orgs/hrj/iss16/sharp.pdf
(consultée le 24 mai 2010) ; Julien SEROUSSI,
« L'internationalisation de la justice transitionnelle :
l'affaire Habré », Critique internationale, n°
30, janvier-mars 2006, pp. 83-102,
http://www.ceri-sciencespo.com/publica/critique/article/ci30p83_101.pdf
(consultée le 24 mai 2010).
* 12 _ La définition
de la compétence universelle est assez aisée dans la mesure
où on la retrouve dans moult écrits doctrinaux et d'organisations
internationales. Voir Françoise BOUCHET-SAULNIER, op. cit.
(supra, note n° 2), pp. 101-102 ; Pour cet auteur,
« la compétence universelle permet de poursuivre un individu
présumé coupable d'une violation grave du droit humanitaire
devant n'importe quel tribunal de n'importe quel
pays ». Reprenant la définition fournie par Anne-Marie LA
ROSA dans son Dictionnaire de droit international pénal (PUF,
Paris, 1998), Lison NEEL définit la compétence universelle comme
« un système donnant vocation aux tribunaux de tout
État sur le territoire duquel se trouve l'auteur de l'infraction pour
connaître de cette dernière et ce, quels que soit le lieu de la
perpétration de l'infraction et la nationalité de l'auteur ou de
la victime » , in : « La judiciarisation
internationale des criminels de guerre : la solution aux violations graves
du droit international humanitaire ? », Revue
Criminologie, vol. 33, n° 2, 2000, pp. 151-181 (spéc., p.
160). Voir également Ian BROWNLIE, Principles of Public
International Law, 7th ed., Oxford (University Press), London,
2008, p. 305 ; Xavier PHILIPPE, «The Principles of universal
jurisdiction and complementarity: how do the to principles
intermesh?», Revue Internationale de la Croix-Rouge (RICR),
vol. 88, n° 862, juin 2006, p. 377. ; CICR, Services consultatifs en droit
international humanitaire, « Répression nationale des
violations du droit international humanitaire », Dossier
d'information, Genève, janvier 2004, p. 6 ; etc. Il
convient de préciser que l'obligation de poursuivre ou d'extrader est
intimement liée au principe de compétence universelle. En effet,
le principe aut dedere aut judicare est un système de
compétence universelle subsidiaire plus souple qui impose aux
États d'extrader l'auteur de l'infraction s'ils ne le punissent pas.
* 13 _ Voir notamment
RFI (20/02/2009), Affaire Habré: la Belgique saisit la Cour
internationale de Justice,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/110/article_78560.asp
(consultée le 30 avril 2009) ; Jeune Afrique (06/04/2009),
Hissène Habré extradé en Belgique ou jugé au
Sénégal ?,
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20090406121220/Hissene-Habre-extrade-en-Belgique-ou-juge-au-Senegal?.html
(consultée le 30 avril 2009) ; Le Monde (24/02/2009), La
Belgique porte plainte contre le Sénégal, réticent
à juger Hissène Habré,
http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/02/24/la-belgique-porte-plainte-contre-le-senegal-reticent-a-juger-hissene-habre_1159641_3212.html
(consultée le 30 avril 2009) ; Courrier international
(03/03/2009), Hissène Habré devant les juges ?,
http://www.courrierinternational.com/article/2009/03/03/hissene-habre-devant-les-juges
(consultée le 30 avril 2009) ; etc.
* 14 _ Voir Courrier
international du 3 mars 2009 ; "Cette démarche belge est une
très bonne chose", selon Reed BRODY, porte-parole européen de
Human Rights Watch (HRW) et conseiller juridique des victimes
tchadiennes de l'ancien président tchadien.
* 15 _ Voir Marie-Pierre
OLIVIER, op. cit. (supra, note n° 1), p. 139.
* 16 _ Voir C.I.J.,
Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République
démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires,
Ordonnance du 8 décembre 2000, Rec. 2000, p. 182, § 11.
* 17 _ L'on se souviendra
que, lors de l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique), la Cour
décidé que « l'émission, à l'encontre
de M. Abdulaye Yerodia Ndombasi, du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, et
sa diffusion sur le plan international ont constitué des violations
d'une obligation juridique du Royaume de Belgique à l'égard de la
République démocratique du Congo, en ce qu'elles ont
méconnu l'immunité de juridiction pénale et
l'inviolabilité dont le ministre des affaires étrangères
en exercice de la République démocratique du Congo jouissait en
vertu du droit international » (§ 78). La Cour a ainsi
renoncé à trancher la question de la compétence
universelle en se limitant à la problématique de
l'immunité. Voir en ce sens Marc HENZELIN, « La
compétence pénale universelle. Une question non résolue
par l'arrêt Yerodia », R.G.D.I.P., vol. 4, 2002, pp.
819-854. On peut espérer que la requête introductive d'instance,
déposée au Greffe de la Cour le 9 décembre 2002 par la
République du Congo (Brazzaville) contre la République
française dans l'affaire relative à Certaines
procédures pénales engagées en France, permettra
à la Cour de se prononcer cette fois sur la conformité de la
compétence universelle au droit international.
* 18 _ Au sujet du
développement du droit pénal international, voir Serge SUR,
« Le droit international pénal entre l'État et la
société internationale », Actualité et Droit
International, octobre 2001, 10 p.,
http://www.ridi.org/adi/200110sur.pdf
(consultée le 21 novembre 2008). Pour l'auteur, l'internationalisation
du droit pénal comporte trois dimensions correspondant à trois
étapes successives à savoir :
· Premièrement, l'établissement
conventionnel d'une coopération policière et judiciaire entre
États, degré minimal de l'internationalisation ;
· Deuxièmement, une définition des
incriminations pénales par des règles internationales ou au
minimum une prévision de leur incrimination (généralement
par des Conventions multilatérales) ;
· Troisièmement, la constitution de juridictions
internationales pénales.
Les deux premières étapes relèvent du
registre de l'interétatisme classique et donc correspondent au droit
pénal international alors que la dernière
« représente un degré d'internationalisation
incontestablement supérieur, une internationalisation institutionnelle,
conduisant à l'apparition d'un droit international
pénal » (p. 2). Cherif BASSIOUNI précise seulement
qu'il existe dans la conception française une distinction entre le
« droit pénal international » et le
« droit international pénal ». Pour cet auteur,
cette distinction est « fondée notamment sur les deux sources
de droit applicables (sources prenant naissance dans le système
juridique international, et sources prenant naissance dans les systèmes
de droit interne », Introduction au droit pénal
international, 1ère éd., Bruylant, 2002, p. 1,
note n° 1.
* 19 _ Voir la Loi belge du
16 juin 1993 relative à la répression des
infractions graves aux conventions internationales de Genève du 12
août 1949 et aux Protocoles I et II du 8 juin 1977 qui a
été modifiée par la Loi du 10 février 1999 relative
à la répression des violations graves de droit international
humanitaire, puis par celle du 23 avril 2003 avant d'être abrogée
par la Loi du 5 août 2003 (notamment par son article 27 qui, abrogeant la
loi de 1993/1999/2003, redistribuait son contenu dans le Code pénal
ordinaire et dans le Code d'instruction criminel). Voir Éric DAVID,
« Que reste-t-il de la compétence universelle dans la loi du 5
août 2003 ? », Jura Falconis, jg.40, 2003-2004,
n° 155, pp. 55-72 (spéc. p. 4, § 8),
http://www.law.kuleuven.ac.be/jura/art/40n1/david.html
(consultée le 30 novembre 2008).
* 20 _ Voir Philippe WECKEL,
« Ingérence, intervention et justice
internationale », Questions internationales, n° 4,
novembre-décembre 2003, pp. 63-69 (spéc. p. 67).
* 21 _ Voir Damien
VANDERMEERSCH, « Le principe de compétence universelle
à la lumière de l'expérience belge : le mouvement du
balancier », in SOS Attentats / DOUCET (Ghislaine)
(Dir.), Terrorisme, victimes et responsabilité pénale
internationale, op. cit. (supra, note n° 7), pp. 463-474
(spéc. p. 473). Sur ces déconvenues, voir
également Éric DAVID, op. cit. (supra, n°
19) ; l'auteur relève que, pour concilier les
impératifs du droit international avec les contraintes de la politique
internationale, la Belgique a opéré un virage, non à
180°, mais à 90°, en prescrivant des critères de
rattachement avec la Belgique (à défaut de tout autre lien,
présence de l'auteur présumé en Belgique), et en confiant
au parquet le soin de filtrer les plaintes qui pourraient sembler abusives tout
en respectant les obligations du droit international (p. 13, § 40). Voir
aussi Antoine BAILLEUX, « L'histoire de la loi belge de
compétence universelle. Une valse à trois temps : ouverture,
étroitesse, modestie », Droit et
société, 2005, n° 59, Bruxelles, pp. 107-134, http:
//www.cairn.info/article.php ?ID REVUE=DRS&ID NUMPUBLIE=DRS 059&ID
ARTICLE=DRS 059 0107 (consultée le 20 février 2009).
* 22 _ Cf. C.I.J., affaire
relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République
Démocratique du Congo c. Belgique), arrêt du 14
février 2002, Rec. 2002, p. 3. Dans cette affaire, la R.D.C.
contestait la licéité du mandat d'arrêt international
lancé le 11 avril 2000 par le juge, de nationalité belge, Damien
VANDERMEERSCH contre M. YERODIA Abdoulaye NDOMBASI, alors ministre des Affaires
étrangères du Congo (RDC). La CIJ a donné raison à
la R.D.C., en statuant que le ministre des Affaires étrangères
bénéficie d'immunités. Cette décision remet ainsi
en cause l'exercice par les juridictions belges - et plus largement de
n'importe quelle juridiction nationale- de la compétence universelle
vis-à-vis d'un certain nombre de personnalités
bénéficiant des immunités.
* 23 _ L'on songe ici
à l'Affaire SHARON, en Belgique. Une plainte avait
été déposée en 2001 devant un juge d'instruction
belge par certaines victimes des massacres de Sabra et Chatila, à
l'encontre notamment de MM. Ariel SHARON et Amos YARON, respectivement ancien
ministre de la Défense et ancien commandant lors de l'invasion de
Beyrouth-Ouest, en 1982. Alors que la plainte était finalement
déclarée irrecevable à l'égard de M. Ariel SHARON,
en raison de son immunité, les poursuites étaient
autorisées à l'encontre de M. Amos YARON. A la suite d'un
refroidissement diplomatique entre la Belgique et Israël, dû
à cette affaire, et au dépôt d'une plainte contre le
Président George BUSH, la loi belge de compétence universelle a
été modifiée de manière à empêcher la
continuation de l'instruction. De fait, la Cour de cassation n'a pu que
prononcer, en septembre 2003, la fin de l'action menée à
l'encontre de M. Amos YARON. Voir François DUBUISSON, « La
Répression des crimes de guerre commis par les responsables politiques
et militaires israéliens », Supplément pour la
Palestine, n° 55, 2007,
http://www.france-palestine.org/article7072.html
(consultée le 16 septembre 2008).
* 24 _ Pour les
modifications de la législation belge, voir Éric DAVID, op.
cit. (supra, note n° 19). Cet auteur précise que
« la compétence universelle [des juridictions belges] ne
disparaît pas pour autant », mais il relève qu'elle
« se réduit désormais à ce que prévoit le
DIH », à savoir une compétence universelle
conditionnée.
* 25 _ Il convient de
préciser que toutes les Ordonnances de la CIJ n'ont pas la même
valeur. En effet, il est évident qu'une ordonnance en indication de
mesures conservatoires a par exemple plus de valeur qu'une ordonnance fixant
les délais de procédure.
* 26 _ V. article 92 de la
Charte des Nations Unies (adoptée le 26 juin 1945 et entrée
en vigueur le 24 octobre 1945) et article 1 du Statut de la Cour. L'article 7,
§ 1 de la Charte mentionne déjà la CIJ parmi les organes
principaux des Nations Unies. Ces dispositions font formellement de la CIJ un
organe principal des Nations Unies ; ce qui n'était pas le cas pour
sa devancière, la CPJI. La CIJ est composée de 15 juges
élus pour neuf ans par le Conseil de sécurité et
l'Assemblée générale de l'ONU. Elle est renouvelée
par tiers tous les trois ans.
* 27 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit.
(supra, note n° 4), pp. 2-3, §§ 3-7.
* 28 _ Arrêt n°
135, Ministère public et François DIOUF c. Hissène
Habré,
http://www.hrw.org/legacy/french/themes/habre-decision.html
(consultée le 17 juillet 2009). Suite à cette décision, le
Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme des Nations
Unies sur la torture, Sir Nigel RODLEY, et le Rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur l'indépendance
des juges et des avocats, M. Dato Param CUMARASWAMY, ont exprimé leur
préoccupation à travers un communiqué de presse du 2
août 2000. A cette occasion, ces Rapporteurs spéciaux ont
rappelé au Gouvernement du Sénégal ses obligations en tant
qu'État partie à la Convention contre la torture. Ils ont
également attiré son attention sur la résolution
adoptée cette année-là par la Commission des droits de
l'homme sur la question de la torture (résolution 2000/43), dans
laquelle elle insiste sur l'obligation générale des États
d'enquêter sur les allégations de torture et d'assurer que ceux
qui encouragent, ordonnent, tolèrent ou se rendent coupables de tels
actes soient poursuivis et sévèrement sanctionnés. Voir la
décision du Comité contre la torture : Communication
n° 181/2001, Suleymane Guengueng et autres c. Sénégal, doc.
CAT/C/36/D/182/2001, pp. 3-4,
http://www.hrw.org/pub/2006/french/cat051806.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
* 29 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 2, § 5.
* 30 _ La FIDH est
basée à Paris.
* 31 _ Ce sont la Rencontre
Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (ci-après :
« RADDHO »), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme
(ci-après : « ONDH ») du
Sénégal ; la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme
(ci-après : « LTDH »), l'Association Tchadienne
pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme
(ci-après : « ATPDH » ; la Ligue belge des
droits de l'Homme et la Liga voor Menschenrechten (Belgique).
* 32 _ La FIDH publie
à cette occasion un Communiqué révélateur,
intitulé « "Ni juger, ni extrader" : consécration par
le Sénégal de l'impunité » (25 novembre
2005).
* 33 _ Voir Décision
n° 13 Assembly/AU/Dec. 103 (VI) du 24 janvier 2006 relative au
Procès d'Hissène HABRE et l'Union africaine (Doc.
EX.CL/Assembly/AU/8 (VI)),
http://www.africa-union.org/Official_documents/Assemblee%20fr/ASS06a.pdf
(consultée le 23 juillet 2009).
* 34 _ Voir Décision
n° 17 Assembly/AU/Dec. 127 (VII), par. 5. ii, du 2
juillet 2006, relative au Procès d'Hissène HABRE et l'Union
africaine,
http://www.africa-union.org/Official_documents/Assemblee%20fr/ASS06b.pdf
(consultée le 23 juillet 2009).
* 35 _ Voir Décision
n° 33 Assembly/AU/Dec. 240 (XII) du 3 février 2009
relative à l'affaire Hissène HABRE,
http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2009/Jan/Summit_Jan_2009/doc/CONFERENCE/Assembly%20AU%20DEC%20%20208-240%20(XII)%20Fr.pdf
(consultée le 23 juillet 2009).
* 36 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., pp. 1-2, § 1.
* 37 _ Ibid., p. 3,
par. 10 ; voir aussi C.I.J., Questions concernant l'obligation de
poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal),
acte introductif d'instance du 19 février 2009, p. 9, § 16,
http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15053.pdf
(consultée le 3 avril 2009).
* 38 _ Ibid., p. 4,
§ 15.
* 39 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 4, § 13.
* 40 _ Cf. Infra,
Partie 2, chapitre 2.
* 41 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit.
(supra, note n° 4), p. 18, § 76.
* 42 _ Voir Jean-Philippe
BUFFERNE, « La fonction de la Cour internationale de justice dans
l'ordre juridique international : quelques réflexions »,
RQDI, vol. 15, n° 1, 2002, pp. 141-178 (spéc. p. 142).
L'auteur relève que « la souveraineté étatique
est un principe qui innerve l'ordre juridique international et dont la Cour ne
peut se départir lorsqu'elle est amenée à se prononcer en
droit ».
* 43 _ C'est le cas de
l'article 30, § 1 de la Convention contre la torture.
* 44 _ Op. ind.
Juge SUR, pp. 3-4, § 9.
* 45 _ Voir Laurence BOISSON
DE CHAZOURNES, « La Cour internationale de Justice aux prises avec la
crise du Kosovo : à propos de la demande en mesures conservatoires
de la République Fédérale de Yougoslavie »,
AFDI, 1999, pp. 452-471 (spéc. p. 465).
* 46 _ Ibid., p.
470.
* 47 _ Ibid., p.
455.
* 48 _ Voir C.I.J.,
Licéité de l'emploi de la force (Yougoslavie c.
Belgique), mesures conservatoires, Ordonnances du 2 juin 1999, Rec. 1999
[10 Ordonnances au total car la Yougoslavie portait plainte contre dix pays
membres de l'OTAN : Allemagne, Belgique, Canada, Espagne,
États-Unis, France, Italie, Pays-Bas, Portugal et Royaume-Uni]. Dans ces
décisions, la Cour n'a pas indiqué de mesures conservatoires. De
fait, ayant apprécié la portée du principe du consentement
des Etats à sa juridiction, elle a décidé qu'elle n'avait
compétence prima facie dans aucune des dix instances.
* 49 _ Voir C.I.J.,
Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ;
Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt du 21 décembre 1962, Rec. 1962, p. 344 ; C.I.J., Actions
armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c.
Honduras), compétence et recevabilité, arrêt du 20
décembre 1988, Rec. 1988, p. 95, § 66 ; C.I.J., Questions
d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de
1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya
arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), exceptions
préliminaires, arrêt du 27 février 1998, Rec. 1998, p. 130,
§ 43.
* 50 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 2, § 2.
* 51 _ Voir C.I.J.,
Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Serbie-et-Monténégro), arrêt du 11 juillet 1996, Rec.
1996 ; C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de
la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Etats-Unis
d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27
février 1998, Rec. 1998 ; C.I.J., Application de la
convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de
Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008
etc.
* 52 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 12, §§ 53-54.
* 53 _ Il s'agissait de M.
Demba KANDJI, aujourd'hui coagent du Sénégal dans l'affaire
relative à des Questions concernant des obligations de poursuivre ou
d'extrader.
* 54 _ Depuis le 21
août 1986 pour ce qui est du Sénégal et le 25 juin 1999
pour la Belgique. La Convention est en vigueur depuis le 26 juin 1987.
* 55 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 11, § 50. Sur l'exposé des négociations
engagées par la Belgique, v. notamment CR 2009/8, pp. 25-27 (DAVID).
* 56 _ C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 11, § 50.
* 57 _ Ibid., p.
12, § 52.
* 58 _ Op. ind. SUR, p. 4,
§ 9.
* 59 _ Ibid.,
§ 10.
* 60 _ Ibid.,
12.
* 61 _ Georges ABI-SAAB,
« De l'évolution de la Cour internationale. Réflexions
sur quelques tendances récentes », RGDIP, 1992, vol.
2, Paris, pp. 273-298 (spéc. p. 274).
* 62 _ Ibid., p.
275.
* 63 _ Voir Nguyen QUOC DINH
et Alii, Droit international public, 7ème
éd., L.G.D.J, Paris, 2002, pp. 895-897.
* 64 _ Voir à ce
propos Georges ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61),
p. 275.
* 65 _ Ibid.
* 66 _ Voir Jean-Philippe
BUFFERNE, op. cit. (supra, note n° 42), p. 146. Selon
cet auteur, « le fait que les Etats conçoivent le recours au
juge comme un acte inamical est révélateur de la
prédominance accordée au règlement politique des
différends internationaux ».
* 67 _ Principe
réaffirmé dans le cadre de l'affaire du Timor Oriental
(Portugal c. Australie), arrêt du 30 juin 1995, Rec. 1995. La
Cour a rappelé dans cet arrêt «que l'un des principes
fondamentaux de son Statut est qu'elle ne peut trancher un différend
entre des États sans que ceux-ci aient consenti à sa juridiction
(...) » (§ 26).
* 68 _ Voir Jean-Pierre
QUENEUDEC, « L'affaire de la Sentence arbitrale du 31 juillet
1989 devant la C.I.J. (Guinée-Bissau c.
Sénégal) », AFDI, 1991, pp. 419-443
(spéc. p. 419).
* 69 _ Citée par Paul
ORIANNE, « Nature et rôle de la jurisprudence dans le
système juridique », in : R.R.J., Droit prospectif,
Cahiers de méthodologie juridique, n° 8, 1993-4, pp. 1295-1311
(spéc. p. 1295).
* 70 _ Voir C.I.J.,
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, Rec. 1984, p. 169.
* 71 _ Voir C.P.J.I.,
Droits des minorités en Haute-Silésie (Allemagne c.
Pologne), arrêt du 26 avril 1928, Série A, n° 15, p.
22 ; C.P.J.I., Usine de Chorzów (Allemagne c. Pologne),
arrêt sur le fond du 13 septembre 1928, Série A, n° 17, pp.
37-38.
* 72 _ Voir C.I.J., Or
monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France,
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et États-Unis
d'Amérique), arrêt du 15 juin 1954, Rec. 1954, p. 32.
* 73 _ Op. cit.,
(supra, note n° 48).
* 74 _ Voir Rapport de la
CIJ (Période du 1er août 2007 au 31 juillet 2008),
http://www.icj-cij.org/court/fr/reports/report_2005-2006.pdf
(consultée le 13 août 2009). On y relèvera qu'à la
date du 31 juillet 2008, 192 États étaient parties au Statut de
la Cour et que 66 d'entre eux avaient déposé auprès du
Secrétaire général une déclaration d'acceptation de
la juridiction obligatoire de la Cour.
* 75 _ Luigi CONDORELLI,
« La Cour internationale de justice: 50 ans et (pour l'heure) pas une
ride », EJIL, Vol. 6, N° 1, 1995, pp. 388-400
(spéc. p. 393).
* 76 _ Voir à ce
propos Vincent POULIOT, « Le forum prorogatum devant la Cour
internationale de Justice : l'affaire Djibouti c.
France », JJH, vol. 3, n° 3, 2008, pp. 30-41
(spéc. p. 34),
http://www.haguejusticeportal.net/Docs/HJJ-JJH/Vol_3(3)/Journal%20-%20Pouliot%20-%203.3%20-%20FR.pdf
(consultée le 18 septembre 2009).
* 77 _ C.I.J.,
Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Serbie-et-Monténégro), Ordonnance du 13 septembre 1993
(Nouvelles demandes en indication de mesures conservatoires), Op. ind.
LAUTERPACHT, juge ad hoc, p. 416, para. 24. Cf. Vincent POULIOT,
ibid., p. 35.
* 78 _ Voir Georges
ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 282. Ce fut notamment
le cas dans l'affaire du Détroit de Corfou (Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie), arrêt du
25 mars 1948, Rec. 1947-1948, p. 27.
* 79 _ C.P.J.I.,
Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 30 août
1924 sur les exceptions préliminaires, C.P.J.I. série A, n°
2, p. 11 ; cf. Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit international
public, Montchrestien, Paris, 7e éd., 2006, p. 554.
* 80 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 10, § 46.
* 81 _ Voir C.I.J.,
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires,
Ordonnance du 15 mars 1996, Rec. 1996. Dans cette Ordonnance, la Cour n'a fait
qu'exposer les circonstances de l'affaire qui montraient clairement qu'un
différend opposait les parties : « [...] des
événements survenus le 3 février 1996 dans la
presqu'île de Bakassi, ainsi que de ceux qui s'y sont à nouveau
produits les 16 et 17 février 1996 [...] qu'il ressort à
suffisance des déclarations faites par les deux parties devant la Cour
qu'il y a eu des incidents militaires et que ceux-ci ont causé des
souffrances, des pertes en vies humaines - tant militaires que civiles -, des
blessés et des disparus, ainsi que des dommages matériels
importants » (§ 38). Voir C.I.J., Mandat d'arrêt du 11
avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique),
mesures conservatoires, Ordonnance du 8 décembre 2000, Rec.
2000. Ici, l'existence d'un différend entre les parties ne faisait pas
de doute et n'était pas contestée par le défendeur. Voir
également C.I.J., Certaines procédures pénales
engagées en France (République du Congo c. France), mesure
conservatoire, Ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003.
* 82 _ Voir C.I.J.,
Anglo-Iranian Oil Company (Royaume-Uni c. Iran), exceptions
préliminaires, arrêt du 22 juillet 1952, Rec. 1952, p. 93.
* 83 _ Voir C.I.J.,
LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, Ordonnance du 3 mars 1999, Rec. 1999, p. 9, § 17.
Yousri Ben HAMMADI déclare à ce propos que :
« face aux prétentions de l'Allemagne relativement à
l'existence d'un différend concernant les articles 5 et 36 de la
Convention de Vienne [sur les relations consulaires du 24 avril 1963], la Cour
s'est contentée d'endosser les allégations du demandeur et de
noter qu'à la vue des demandes formulées par l'Allemagne dans sa
requête, il existait prima facie un différend
[...] », in : « La question du
caractère obligatoire des mesures conservatoires devant la Cour
internationale de Justice, l'arrêt LaGrand (Allemagne c.
États-Unis d'Amérique) du 27 juin 2001 », RQDI,
vol. 14, n° 2, 2001, pp. 53-81 (spéc. p. 59).
* 84 _ Pierre PESCATORE,
« Les mesures conservatoires et les
référés », S.F.D.I., Colloque de Lyon
(1986), La juridiction internationale permanente, Paris, Pedone, 1987,
pp. 315-362 (spéc. p. 337).
* 85 _ Op. ind. com.
AL-KHASAWNEH et SKOTNIKOV, p. 3, § 15.
* 86 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 10, § 46. La Cour a adopté la même position dans les
décisions suivantes : C.I.J., Sud-ouest africain
(Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud),
exceptions préliminaires, arrêt du 21 décembre 1962, Rec.
1962, p. 344 ; C.I.J., Actions armées frontalières
et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et
recevabilité, arrêt du 20 décembre 1988, Rec. 1988, p. 95,
par. 66 ; C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de la
convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. États-Unis
d'Amérique), exceptions préliminaires, arrêt du 27
février 1998, Rec. 1998, p. 130, par. 43.
* 87 _ Ibid.,
§ 47.
* 88 _ Ibid., p.
11, § 48.
* 89 _ Op. ind. com.
AL-KHASAWNEH et SKOTNIKOV, p. 1, § 7.
* 90 _ Op. ind. SUR, p. 5,
§ 14 ; cf. également Jean COMBACAU et Serge SUR, Droit
international public, Montchrestien, Paris, 7e éd.,
2006, p. 554. N.B : Les deux auteurs ont rédigé
chacun des parties respectives de cet ouvrage séparément.
* 91 _ Cf. C.I.J.,
Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c.
Afrique du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, Rec. 1962,
p. 328.
* 92 _ Voir C.I.J.,
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires,
Ordonnance du 15 mars 1996, Rec. 1996, p. 22, § 35. La Cour déclare
dans cette Ordonnance que « de telles mesures ne sont
justifiées que s'il y a urgence ».
* 93 _ Cf. C.I.J.,
Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires,
ordonnance du 8 avril 1993, Rec. 1993, p. 19 ; C.I.J., Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis d'Amérique),
mesures conservatoires, ordonnance du 5 février 2003, Rec. 2003, p.
89, § 48 ; C.I.J., Certaines procédures pénales
engagées en France (République du Congo c. France), mesures
conservatoires, ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, p. 107, § 22 ;
C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), ordonnance du 13 juillet 2006, Rec. 2006, p. 129,
§ 61, etc.
* 94 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 13, § 56 ; C.I.J., Application de la convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008, § 118).
* 95 _ Le respect de ces
droits aboutit au respect et à la protection des droits de l'homme. Et
c'est le lieu de préciser que « l'obligation de respecter les
droits de l'homme [est] une obligation erga omnes » ;
cf. Gérard COHEN-JONATHAN, « Responsabilité pour
atteinte aux droits de l'homme », S.F.D.I., Colloque du Mans
(1990), La responsabilité dans le système international,
Paris, Pedone, 1991, pp. 101-135 (spéc. pp. 123-124). Alain PELLET va
un peu plus loin en affirmant que « les normes protectrices des
droits de l'homme sont, sans aucun doute, le domaine privilégié
du jus cogens », in « "
Droits-de-l'hommisme " et droit international », op. cit.
(supra, note n° 3), p. 173.
* 96 _ Article 49 de la
Convention
de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des
malades dans les forces armées en campagne (CG I) ; article
50 de la
Convention
de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des
malades et des naufragés des forces armées sur mer (CG
II) ; article 129 de la
Convention de
Genève relative au traitement des prisonniers de guerre (CG
III) ; article 146 de la Convention de Genève relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre (CG IV).
* 97 _ Cf. CR 2009/8, p. 28
(DAVID).
* 98 _ Op. cit.
(supra, note n° 28), § 9.9.
* 99 _ Ibid.,
§ 9.7.
* 100 _ CR 2009/8, p. 29
(DAVID).
* 101 _ Op.
cit.(supra, note n° 28), § 9.11.
* 102 _ L'article 13 de la
Charte des Nations Unies donne mandat à l'AGNU de
« provoque[r] des études et [de faire] des recommandations en
vue de : [...] encourager le développement progressif du droit
international et sa codification [...] ».
* 103 _ Cf. statut de la
CDI, articles 1, 18 et suiv., A/Rés. 174 (II) du 21 novembre 1947,
modifié en 1950, 1955, 1956, 1961 et 1981.
* 104 _ § 1,
A/Rés. 3074 (XXVIII) relative aux Principes de la coopération
internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation,
l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre
et de crimes contre l'humanité, adoptée à
l'unanimité le 3 décembre 1973.
* 105 _ Voir Eric DAVID,
op. cit. (supra, note n° 19), p. 5.
* 106 _ CR 2009/8, p. 30
(DAVID).
* 107 _ C.I.J.,
Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires, avis consultatif, Rec. 1996 (I), p. 257,
§ 79.
* 108 _ C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 13, § 60.
* 109 _ C.I.J.,
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c.
Espagne), arrêt du 5 févr. 1970, Rec.1970, pp. 3-53
(spéc. P. 32, § 33).
* 110 _ Ibid.
* 111 _ Voir à ce
sujet Cherif BASSIOUNI, op. cit. (supra, note n° 18). Cet auteur
pense que « les obligations des Etats requièrent leur
exécution en conformité à un axiome « aut
dedere aut judicare » » (p. 13). Cette notion provient
d'une formulation plus longue mise au point par Hugo GROTIUS en 1624 et
abrégée dans la formule « aut dedere aut
punire » (Hugo GROTIUS, De jure belli ac pacis, livre
II, chapitre XXI, sections III et IV).
* 112 _ Serge SUR,
« Justice, justices », Questions internationales,
n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 4-5 (spéc. p. 4).
* 113 _ Serge SUR, op.
cit. (supra, note n° 18), p. 10.
* 114 _ Gérard
COHEN-JONATHAN, « Les droits de l'homme, une valeur
internationalisée », Droits fondamentaux, n° 1,
2001, pp. 157-164 (spéc. pp. 157-158),
http://www.droits-fondamentaux.org/IMG/pdf/df1cjdhvi.pdf
(consultée le 18 septembre 2009).
* 115 _ Cherif BASSIOUNI,
op. cit. (supra, note n° 18), p. 5.
* 116 _ Xavier PHILIPPE,
op. cit. (supra, note n° 12), p. 378.
* 117 _ Alain PELLET,
« " Droits-de-l'hommisme " et droit international »,
op. cit. (supra, note n° 3), p. 174.
* 118 _ Cf. supra,
note n° 96.
* 119 _ Ces
considérants se lisent comme suit :
« Affirmant que les crimes les plus graves qui
touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester
impunis et que leur répression doit être effectivement
assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le
renforcement de la coopération internationale,
Déterminés à mettre un terme à
l'impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi
à la prévention de nouveaux crimes,
Rappelant qu'il est du devoir de chaque Etat de soumettre
à sa juridiction criminelle les responsables de crimes
internationaux, »
* 120 _ S/Rés. 1464
(Côte d'Ivoire), adoptée le 4 févr. 2003, § 7 :
« Condamne les graves violations des droits de l'homme et du droit
international humanitaire intervenues en Côte d'Ivoire depuis le 19
septembre 2002, souligne la nécessité de traduire en justice les
responsables et demande à toutes les parties, notamment le Gouvernement,
de rendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher de
nouvelles violations des droits de l'homme et du droit international
humanitaire, en particulier à l'encontre des populations civiles quelles
que soient leurs origines ».
* 121 _ S/Rés. 1468
(RDC), adoptée par le Conseil de sécurité à sa
4723ème séance du 20 mars 2003, §§ 6-7. Dans
cette résolution, le Conseil de sécurité soulignait
notamment que « le gouvernement de transition de la République
démocratique du Congo dev[ait] rétablir l'ordre public et le
respect des droits de l'homme et mettre fin à l'impunité sur
toute l'étendue du territoire » (§ 6).
* 122 _ S/Rés. 1470
(Sierra Leone), adoptée par le Conseil de sécurité
à sa 4729ème séance le 28 mars 2003,
préambule, 7e considérant :
« Soulignant qu'il importe que le Tribunal
spécial pour la Sierra Leone et la Commission de la vérité
et de la réconciliation prennent des mesures efficaces en ce qui
concerne les questions d'impunité et de responsabilité et la
promotion de la réconciliation ».
* 123 _ Voir Paola GAETA,
« Les règles internationales sur les critères de
compétence des juges nationaux », in : Antonio
CASSESE et Mireille DELMAS-MARTY (dir.), Crimes internationaux et
juridictions internationales, Paris, PUF, 2002, p. 191-213 (spéc.
p. 203).
* 124 _ Op. diss.
CANÇADO TRINDADE, p. 23, § 95.
* 125 _ Voir Paola GAETA,
op. cit. (supra, note n° 123), p. 203.
* 126 _ Eric DAVID
relève la « transformation de la Belgique en paradis
pénal », in « Une règle à
valeur de symbole », in : Politique-Revue de
débats, Bruxelles, 2002, n° 23, p. 14.
* 127 _ Voir Antonio
CASSESE, « Conclusions générales »,
in : Antonio CASSESE / Mireille DELMAS-MARTY (dir.),
Crimes internationaux et juridictions internationales, op. cit. (supra,
note n° 123), pp. 255-261 (spéc. p. 256).
* 128 _ Ibid.
* 129 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 14, § 62. La Cour a adopté la même position
dans les cas ci-après : C.I.J., Passage par le Grand-Belt
(Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet
1991, Rec. 1991, p. 17, § 23 ; C.I.J., Certaines procédures
pénales engagées en France (République du Congo c.
France), mesure conservatoire, ordonnance du 17 juin 2003, Rec. 2003, p.
107, § 22 ; C.I.J., Usines de pâte à papier sur le fleuve
Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 23
janvier 2007, Rec. 2007, p. 11, § 32 ; C.I.J., Application de la
convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de
Russie), mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, Rec. 2008,
§ 129.
* 130 _ Infra,
Deuxième partie, chap. 1, Section 1, § 1, A.
* 131 _ Voir C.I.J.,
Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran, mesures conservatoires, ordonnance du 15
décembre 1979, Rec. 1979, p. 19, § 36 ; C.I.J., Convention de
Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. États-Unis
d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998, p.
10, § 36 ; C.I.J., LaGrand (Allemagne c. États-Unis
d'Amérique), op. cit., p. 23 ; C.I.J., Certaines
procédures pénales engagées en France (République
du Congo c. France), op. cit., § 30 ; etc.
* 132 _
Dénonciation du traité sino-belge, CPJI, Série A,
n° 8, p. 7.
* 133 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 15, § 64.
* 134 _ Ibid.,
§ 66.
* 135 _ Ibid.,
§ 72.
* 136 _ Op. diss.
CANÇADO TRINDADE, pp. 21 ss.
* 137 _ Ibid., p.
21, § 79. La Cour tient ce pouvoir, dont fait allusion le juge, de
l'article 75, § 2 de son Règlement aux termes duquel :
« Lorsqu'une demande en indication de mesures conservatoires lui est
présentée, la Cour peut indiquer des mesures totalement ou
partiellement différentes de celles qui sont sollicitées, ou des
mesures à prendre ou à exécuter par la partie même
dont émane la demande ».
* 138 _ Voir Claude RUCZ,
« L'indication de mesures conservatoires par la Cour internationale
de Justice dans l'affaire des Activités militaires et paramilitaires
au Nicaragua et contre celui-ci », RGDIP, vol. 1,
Paris, 1985, pp. 83-111 (spéc. p. 103).
* 139 _ Voir C.I.J.,
Personnel diplomatique et consulaire des États-Unis à
Téhéran (États-Unis d'Amérique c. Iran),
mesures conservatoires, Ordonnance du 15 décembre 1979, Rec. 1979, p.
20, § 42.
* 140 _ Voir C.I.J.,
Essais nucléaires (Australie c. France, Nouvelle-Zélande c.
France), mesures conservatoires, Ordonnances du 22 juin 1973, Rec. 1973,
p. 105, § 29.
* 141 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit., p. 16, § 70.
* 142 _ Ibid.,
§§ 71-72.
* 143 _ Ibid.,
§ 73.
* 144 _ Voir Claude RUCZ,
op. cit. (supra, note n° 138), p. 103.
* 145 _ Voir C.I.J.,
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, Rec. 1984, p. 169, § 41.
* 146 _ Yannick JULIA
remarque que « jusqu'à la décision rendue par la
Cour en 2001 [arrêt du 27 juin dans l'affaire LaGrand], le droit
international était muet sur la portée effective des mesures
conservatoires » (italiques ajoutés), in :
« La CIJ et la peine de mort : le respect des mesures
conservatoires », ECPM, 2è Congrès mondial
contre la peine de mort (Montréal, 6-9 octobre 2004), pp. 1-10
(spéc. p. 4),
http://www.abolition.fr/Upload/documents//yannickjulia.pdf
(consultée le 17 juillet 2009). Selon l'auteur, c'est ce mutisme du
droit international qui a permis aux États-Unis de déclarer ces
mesures sans effet sur le système judiciaire américain et
d'exécuter le ressortissant du Paraguay en 1998 [cf. affaire
Breard] et les frères LaGrand en 1999 sans pour autant violer
techniquement le droit international, bien qu'agissant ouvertement en total
irrespect des décisions de la Cour (ibid.). La Cour a
déclaré dans son arrêt du 27 juin 2001 que les
États-Unis, ainsi que tous les États parties à son Statut
avaient l'obligation d'appliquer les mesures conservatoires (cf. §§
102-109). Dans son arrêt du 19 décembre 2005 en l'affaire des
Activités armées sur le territoire du Congo
(République démocratique du Congo c. Rwanda), la Cour
à réitéré le caractère obligatoire de ces
mesures pour les parties (§ 263). Pour une étude spécifique
de l'arrêt LaGrand, voir notamment Yousri BEN HAMMADI, op.
cit. (supra, note n° 83). S'agissant des mesures conservatoires, dans
le cadre de cette affaire, voir notamment Michael K. ADDO, «Interim
measures of protection for rights under the Vienna Convention on consular
relations», EJIL, vol. 10, n° 4, 1999, pp. 713-732,
http://www.ejil.org/pdfs/10/4/607.pdf
(consultée le 18 septembre 2009).
* 147 _ Voir C.I.J.,
LaGrand (Allemagne c. États-Unis d'Amérique), mesures
conservatoires, Ordonnance du 3 mars 1999, Rec. 1999, p. 9, § 21.
* 148 _ Op. ind. SUR, p. 3,
§ 6.
* 149 _ Ibid.
* 150 _ Cf.
supra, note n° 13.
* 151 _ Reed BRODY, op.
cit., (supra note n° 7), p. 311. L'auteur rappelle que le
Sénégal a été le premier pays au monde à
ratifier le traité du 17 juillet 1998 portant création de la Cour
pénale internationale.
* 152 _ Voir CR 2009/9, pp.
44-45 (DIANKO).
* 153 _ Voir CR 2009/9, p.
21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR
2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17
(SALL).
* 154 _ Cf. infra,
note n° 198.
* 155 _ Voir CR 2009/9, p.
46 (SALL).
* 156 _ Voir Demande en
indication de mesures conservatoires du 19 février 2009, p. 1.
* 157 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant des obligations de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 14, § 63.
* 158 _ HRW est
basée à New York.
* 159 _ Cf. Human
Rights Watch, Le président Wade sème le doute sur la tenue
du procès de Hissène HABRE, Communiqué de presse, 21
octobre 2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/10/21/senega20021.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
* 160 _ Cf. CR 2009/8, p.
33 (DAVID).
* 161 _ Ibid. Les
italiques ajoutés.
* 162 _ Ibid., p.
34.
* 163 _ CR 2009/9, p. 47,
§ 7 (SALL).
* 164 _ Idem,
§ 8 et 9.
* 165 _ Idem,
§ 10.
* 166 _ CR 2009/10, p. 15,
§ 15 (DAVID).
* 167 _ CR 2009/9, p. 42,
§ 10 (DIANKO)
* 168 _ Il s'agit d'un
permis donné par une autorité d'aller quelque part, d'y
séjourner un certain temps et de s'en retourner librement, sans crainte
d'être arrêté. CR 2009/9, p. 48, § 14 (SALL) ; CR
2009/11, p. 20, § 17 (SALL).
* 169 _ Voir Gérard
CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT,
8ème éd., PUF, Paris, 2000, p. 286.
* 170 _ Pour une
connaissance approfondie de ces deux lois, voir spécialement
Raphaël TIWANG WATIO, « Réflexions sur les lois du 12
février 2007 portant modification du Code pénal
sénégalais et mise en oeuvre du Statut de la cour pénale
internationale », African Yearbook of International Law,
vol. 15, 2008, pp. 285-302.
* 171 _ Cf. CR 2009/8, p.
20 (DAVID).
* 172 _ Adoptée et
ouverte à la signature, à la ratification et à
l'adhésion par l'Assemblée générale dans sa
résolution 2391 (XXIII) du 26 novembre 1968, et entrée en vigueur
le 11 novembre 1970.
* 173 _ Voir Raphaël
TIWANG WATIO, op. cit. (supra, note n° 170), p. 285.
* 174 _ Cf. CR 2009/9, p.
28, § 39 (KANDJI), Italiques ajoutés.
* 175 _ Journal
officiel de la République du Sénégal, 8 août
2008, p. 754,
http://www.gouv.sn/spip.php?article711
(consulté le 17 septembre 2010). Cf. également CR 2009/8, p. 20
(DAVID).
* 176 _ Les dispositions
antérieures de l'article 9 se lisent comme suit : « Toute
atteinte aux libertés et toute entrave volontaire à l'exercice
d'une liberté sont punies par la loi.
Nul ne peut être condamné si ce n'est en vertu
d'une loi entrée en vigueur avant l'acte commis. La défense est
un droit absolu dans tous les états et à tous les degrés
de la procédure ».
* 177 _ Cf. Groupe d'action
judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p.
42.
* 178 _ Raphaël TIWANG
WATIO, op. cit. (supra, note n° 170), p. 287.
* 179 _ Ibid.
* 180 _ Ratification faite
par la loi sénégalaise n° 86-26 du 16 juin 1986
publiée au Journal officiel de la République du
Sénégal du 8 août 1986.
* 181 _ Damien
VANDERMEERSCH, op. cit. (supra, note n° 21), p. 467. L'auteur
note que pour assurer la transposition en droit interne des obligations
contractées sur le plan international, le législateur national a
une double possibilité : soit il élabore, à la suite
de chaque ratification d'une Convention créant un ou plusieurs nouveaux
chefs de compétence, une législation spécifique de mise en
oeuvre (adaptation par incorporation) ; soit il se dote d'une norme
générale relative à la mise en oeuvre de telles
obligations (adaptation par renvoi). La Belgique d'abord et le
Sénégal par la suite semblent avoir opté pour la seconde
possibilité. Ainsi, par la Loi du 18 juillet 2001 portant modification
de l'article 12 bis de la Loi du 17 avril 1878 contenant le Titre
préliminaire du Code de procédure pénale (CPP), la
Belgique s'est dotée d'une disposition générale :
« Les juridictions belges sont compétentes pour
connaître des infractions commises hors du territoire du Royaume et
visées par une Convention internationale liant la Belgique, lorsque
cette Convention lui impose, de quelque manière que ce soit, de
soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour
l'exercice des poursuites » (Idem).
Le Sénégal a fait pareil à travers
l'article 669 nouveau de son CPP précité.
* 182 _ Michel VIRALLY,
« Sur un pont aux ânes : les rapports entre droit
international et droits internes », in : Mélanges offerts
à Henri ROLIN, Pedone, Paris, 1964, p. 498 [Cité par Alain
PELLET, op. cit., (supra, note n° 3), p. 176].
* 183 _ John DUGARD,
«The role of human rights treaty - Standards in domestic law : the
southern African experience», in : Philip ALSton and J.
CRAWFORD eds., The future of human rights treaty monitoring,
2000, p. 286 [Cité par Alain PELLET, op. cit., (supra,
note n° 3), pp. 176-177].
* 184 _ Voir Nguyen QUOC
DINH et Alii, op. cit., (supra, note n° 63), p. 84.
* 185 _ L'article 97
prévoit que : « Si le Conseil constitutionnel a
déclaré qu'un engagement international comporte une clause
contraire à la Constitution, l'autorisation de le ratifier ou de
l'approuver ne peut intervenir qu'après la révision de la
Constitution ».
L'article 98 se lit comme suit : « Les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou
approuvés ont, dès leur publication, une autorité
supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque
accord ou traité, de son application par l'autre partie ».
* 186 _ Cf. infra,
Troisième partie, chapitre 2, Section, para. 1, A.
* 187 _ Amnesty
international, Sénégal, terre d'impunité, op.
cit., (supra, note n° 2), p. 25. Il ressort de ce rapport
que le 14 mai 2010 la Cour de justice de la CEDEAO a déclaré
recevable la plainte de Hissène HABRE contre l'État du
Sénégal et doit maintenant prononcer un jugement sur le fond.
* 188 _ CR 2009/9, pp.
28-29, § 43 (KANDJI).
* 189 _ Cf.
http://hrw.org/french/docs/2006/03/16/chad13077.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
* 190 _ Cf. Groupe d'action
judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p. 38.
Les italiques ajoutés.
* 191 _ Cf. CR 2009/9, p.
48 (SALL).
* 192 _ Décision
n° 4 Assembly/AU/Dec.246(XIII), du 3 juillet 2009,
portant sur le cas Hissène HABRE, § 3,
http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf
(consultée le 23 juillet 2009). Cette décision a
été prise lors de la treizième session ordinaire de la
Conférence des chefs d'Etat et de Gouvernement de l'UA, tenue du
1er au 3 juillet 2009 à Syrte (Grande Jamahiriya arabe
libyenne populaire et socialiste).
* 193 _ Voir notamment
Décision n° 24 Assembly/AU/Dec.157 (VIII), du 30 janvier
2007, portant sur le procès de Monsieur Hissène HABRE et
l'Union africaine,
http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2007/janvier/SUMMIT/Doc/Decisions/D%C3%A9cisions%20-%208%C3%A8me%20session%20ordinaire%20de%20la%20Conf%C3%A9rence.doc
(consultée le 23 juillet 2009).
* 194 _ Ibid.
* 195 _ C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 16, § 72.
* 196 _ Voir CR 2009/9, pp.
8-9 (THIAM).
* 197 _ Voir CR 2009/9, p.
21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR
2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17
(SALL).
* 198 _ A propos des
interférences politiques exercées dans la première
tentative de jugement de Hissène HABRE au Sénégal, voir
Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), pp. 315-317. Cet auteur
note par exemple que, « bien que l'élection de Wade
marquât le renouveau de la démocratie sénégalaise,
elle eut immédiatement des effets négatifs sur l'affaire
Habré, notamment parce que l'avocat de Habré, Madické
Niang, était l'un des proches conseillers de Wade. Une fois au pouvoir,
Wade nomma Niang au poste de conseiller spécial aux affaires
légales, tout en le laissant continuer d'exercer son métier
d'avocat et d'assurer la défense de [Hissène HABRE] »,
p. 315 (les italiques ajoutés). Le 25 mai, ajoute Reed BRODY, le Conseil
de l'ordre des avocats du Sénégal décida que tant qu'il
demeurait au service de Wade, Niang ne pouvait pas exercer devant une cour de
justice. Le président Wade réassigna rapidement Niang à un
poste rémunéré de consultant juridique, manoeuvre tactique
visant à permettre à Niang de travailler pour le gouvernement,
tout en continuant de représenter Hissène HABRE et d'autres
clients privés. Le 30 juin 2000, relève encore cet auteur, le
Conseil supérieur de la Magistrature, présidé par le chef
d'État sénégalais et son Ministre de la Justice,
décida de muter le juge d'instruction Demba Kandji de son poste de juge
d'instruction en chef du Tribunal régional de Dakar à un poste
d'assistant du procureur à la Cour d'appel de Dakar. En
conséquence, le juge Kandji dut abandonner l'instruction de l'affaire
Habré. Ce transfert constitue sans aucun doute une sanction à
l'encontre du Juge Kandji pour la hardiesse avec laquelle il traitait
l'affaire. Voir également Abdoullah CISSE, op. cit. (supra,
note n° 7), pp. 251-252. Cet auteur relève la promotion du
président de la chambre d'accusation Cheikh Tidiane DIAKHATE au Conseil
d'État (pendant que l'affaire était en cours de
délibéré) comme étant l'un des aspects de ce qu'il
a qualifié comme étant « le poids du
politique ». Voir aussi le Groupe d'action judiciaire de la FIDH
(GAJ), op. cit. (supra, note n° 8), pp. 15-43.
* 199 _ Déc. com.
KOROMA et YUSUF, p. 3, § 10.
* 200 _ Ibid.
* 201 _ Op. diss.
CANÇADO TRINDADE, p. 20, § 78.
* 202 _ Op. ind. SUR, p. 6,
§ 15.
* 203 _ Ibid., pp.
5-6, §§ 13-15.
* 204 _ Voir Jean COMBACAU
et Serge SUR, op. cit. (supra, note n° 79), 559.
* 205 _ Voir CR 2009/9, p.
59 (GREENWOOD).
* 206 _
Frédérique COULEE, « La « justice
universelle » : une demande inépuisable, des
réponses partielles », Questions internationales,
n° 4, novembre-décembre 2003, pp. 6-16 (spéc. p. 13).
* 207 _ Voir Georges
ABI-SAAB, op. cit. (supra, note n° 61), p. 293.
* 208 _ Cité par
Christian PHILIP (en collaboration avec Jean-Yves DE CARA), « Nature
et évolution de la juridiction internationale »,
S.F.D.I., Colloque de Lyon (1986), La juridiction internationale
permanente, Paris, Pedone, 1987, pp. 3-43 (spéc. p. 6).
* 209 _ Demande
enregistrée au Greffe de la Cour le 14 mai 1973 ; cf. C.I.J.,
Essais nucléaires (Australie c. France), mesures
conservatoires, Ordonnance du 22 juin 1973, Rec. 1973, pp. 135-147
(spéc. p. 135, § 1).
* 210 _ Voir Correspondance
de l'agent de l'Australie du 31 mai 1973 au Greffier, in :
Correspondence, Nuclear tests (Australia v. France ; New Zealand v.
France), pp. 337-443 (spéc. pp. 372 et 373),
http://www.icj-cij.org/docket/files/59/9456.pdf
(consulté le 13 octobre 2010).
* 211 _ Ibid.
* 212 _ Voir CR 2009/11, p.
23, § 6 (KANDJI). Voir également C.I.J., Questions concernant
l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 68.
* 213 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit.,
p. 16, § 71.
* 214 _ Cf. CR 2009/9, p.
42, § 10 (DIANKO).
* 215 _ V. CR 2009/10, p.
26, § 6 (DIVE).
* 216 _ V. CR 2009/9, p.
45, § 27 (DIANKO).
* 217 _ Voir Jules
BASDEVANT, op. cit. (supra, note n° 6), p. 12.
* 218 _ Voir C.I.J.,
Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France),
arrêt du 20 décembre 1974, Rec. 1974, pp. 457-478 (spéc. p.
473, § 50). Dans la déclaration publique
néo-zélandaise du 1er novembre 1974, il était
dit : « Tant que nous n'avons pas l'assurance que les essais
nucléaires de cette nature ont définitivement pris fin, le
différend entre la Nouvelle-Zélande et la France
subsiste » (ibid).
* 219 _ Ibid., p.
471, § 40. La déclaration du président de la
République française a été faite le 25 juillet 1974
lors d'une réunion de presse en ces termes :
« II avait été indiqué que les
expériences nucléaires françaises seraient poursuivies.
J'avais moi-même précisé que cette campagne
d'expériences atmosphériques serait la
dernière... »
* 220 _ Ibid., p.
474, § 53.
* 221 _ Ibid., p.
478, § 65.
* 222 _ Ibid., p.
472, § 46.
* 223 _ Jean SALMON,
« Les accords non formalisés ou « solo
consensu » », AFDI, 1999, pp. 1-28
(spéc. p. 17).
* 224 _ C.P.J.I.,
Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise
(Allemagne c. Pologne), arrêt du 25 mai 1926, série A,
n° 7, p. 13. Les italiques ajoutés.
* 225 _ Jean SALMON,
op. cit. (supra, note n° 223), p. 17 ; cf.
C.P.J.I., Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt du 26 mars
1925, série A, n° 5, p. 28.
* 226 _ C.I.J., Plateau
continental (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt du 24
février 1982, Rec. 1982, p. 70. Dans cette espèce, la
Cour a fait état de ce que : « [...] Pendant la
procédure orale, les deux Parties ont reconnu qu'un compromis de
facto ou une solution transitoire avait résulté de
l'instauration de cette zone tampon et était restée longtemps en
vigueur, sans incident ni protestation de part et d'autres (...) »
(§ 94).
* 227 _ Voir Raymond
GUILLIEN / Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques,
13ème éd., Dalloz, Paris, 2001, p. 459. Ces auteurs
définissent la ratio decidendi comme « expression
désignant les motifs décisifs qui ont déterminé la
décision du juge » (les italiques ajoutés).
* 228 _ Georges ABI-SAAB,
op. cit. (supra, note n° 58), p. 292.
* 229 _ Voir Raymond
GUILLIEN / Jean VINCENT, op. cit. (supra, note n° 227),
P. 240.
* 230 _ Ibid.
* 231 _ Georges ABI-SAAB,
op. cit. (supra, note n° 61), p. 292. L'auteur pense que
l'arrêt au fond dans l'affaire relative aux Activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui, a
constitué un tournant ou un revirement par rapport à la pente
glissante de la justice transactionnelle (ibid.). L'on se souviendra
que dans cette affaire, la Cour a rendu un arrêt défavorable pour
une grande puissance, en l'occurrence les États-Unis d'Amérique
face à un petit pays en développement. Ce qui provoqua, selon
Georges ABI-SAAB, la « désaffection occidentale »
pour la Cour.
* 232 _ Année de la
décision au fond dans l'affaire du Nicaragua.
* 233 _ L'on se souviendra
que la Cour a usé de ce pouvoir dans l'affaire du Nicaragua
(voir mesures conservatoires, Ordonnance du 10 mai 1984, §
41) et dans l'affaire LaGrand (cf. mesures conservatoires, Ordonnance
du 03 mars 1999, § 29, deuxième mesure).
* 234 _ Déc. com.
KOROMA et YUSUF, p. 3, § 10.
* 235 _ Source :
http://www.lalibre.be/actu/international/article/505867/la-belgique-satisfaite-de-la-position-de-la-cij-dans-l-affaire-habre.html
(consultée le 29 mai 2009).
* 236 _ Voir Comité
international pour le jugement équitable de Hissène Habré,
La
CIJ prend acte de l'engagement du Sénégal de maintenir
Hissène Habré sur son sol (28 mai 2009),
http://www.hrw.org/fr/news/2009/05/28/la-cij-prend-acte-de-lengagement-du-s-n-gal-de-maintenir-hiss-ne-habr-sur-son-sol
(consultée le 29 mai 2009). Ce Comité est composé des
représentants des organisations suivantes : l'Association des
Victimes de Crimes et Répressions Politiques au Tchad, l'Association
Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme
(ATPDH), la Ligue Tchadienne des Droits de l'Homme (LTDH), Human Rights
Watch, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de
l'Homme (FIDH), la Rencontre Africaine de Défense des Droits de l'Homme
(RADDHO), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme
(Sénégal), Interights, AVRE (France), et Agir Ensemble
pour les Droits de l'Homme.
* 237 _ Ibid.
* 238 _ Ibid.
* 239 _ Voir Demande belge
en indication de mesures conservatoires du 19 février 2009, p. 2,
http://www.icj-cij.org/docket/files/144/15055.pdf
(consultée le 20 avril 2009). Italiques ajoutés.
* 240 _ Voir CR 2009/10, p.
27, § 10 (DIVE). Italiques ajoutés.
* 241 _ Voir CR 2009/9, pp.
43-44 (DIANKO).
* 242 _ Voir Op. ind.
SUR, p. 2, §. 3. Cf. art. 6, par. 1 de la Convention contre la
torture qui prévoit que :
« S'il estime que les circonstances le
justifient, après avoir examiné les renseignements dont il
dispose, tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne
soupçonnée d'avoir commis une infraction visée à
l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres
mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence. Cette
détention et ces mesures doivent être conformes à la
législation dudit Etat ; elles ne peuvent être maintenues que
pendant le délai nécessaire à l'engagement et poursuites
pénales ou d'une procédure d'extradition »
(italiques ajoutés).
* 243 _ Instructions de
procédure de la CIJ telles qu'amendées le 20 janvier 2009. La
Cour a adopté en octobre 2001 ses premières instructions de
procédure à l'usage des États comparaissant devant
elle. Les instructions de procédure n'entraînent aucune
modification du Règlement de la Cour, mais viennent s'ajouter à
celui-ci. Elles sont le fruit du réexamen constant, par la Cour,
de ses méthodes de travail.
* 244 _ Voir Op. ind.
SUR, p. 2, § 3.
* 245 _ Ibid.,
§ 4.
* 246 _ Cf. notamment
§ 15 et 34 de l'Ordonnance.
* 247 _ Cf. § 56
à 73 de l'ordonnance.
* 248 _ Voir Op. ind.
SUR, p. 2, § 4.
* 249 _ Ibid.
* 250 _ Cf. l'article 95,
§ 1 du Règlement de la Cour : « L'arrêt, dont
le texte indique s'il est rendu par la Cour ou par une chambre,
comprend :
· l'indication de la date à laquelle il en est
donné lecture ;
· les noms des juges qui y ont pris part ;
· l'indication des parties ;
· les noms des agents, conseils et avocats des
parties ;
· l'exposé sommaire de la
procédure ;
· les conclusions des parties ;
· les circonstances de fait ;
· les motifs de droit ;
· le dispositif ;
· la décision relative aux frais, s'il y a lieu
;
· l'indication du nombre et des noms des juges ayant
constitué la majorité ;
· l'indication du texte faisant foi ».
* 251 _ Cf. article 75 du
Règlement de la Cour :
« 1. La Cour peut à tout moment
décider d'examiner d'office si les circonstances de l'affaire exigent
l'indication de mesures conservatoires que les parties ou l'une d'elles
devraient prendre ou exécuter.
2.
Lorsqu'une demande en indication de mesures conservatoires lui est
présentée, la Cour peut indiquer des mesures totalement ou
partiellement différentes de celles qui sont sollicitées, ou des
mesures à prendre ou à exécuter par la partie même
dont émane la demande.
3. Le
rejet d'une demande en indication de mesures conservatoires n'empêche pas
la partie qui l'avait introduite de présenter en la même affaire
une nouvelle demande fondée sur des faits nouveaux ».
* 252 _ Voir Op. ind.
SUR, p. 2, § 4.
* 253 _ Ibid.
* 254 _ Voir CR 2009/9, p.
21, § 57 (THIAM) ; CR 2009/9, p. 42, § 10 (DIANKO) ; CR
2009/9, p. 54, § 11-12 (GAYE) ; CR 2009/11, pp. 19-20, § 17
(SALL).
* 255 _ Voir CR 2009/11, p.
23, § 6 (KANDJI). V. également C.I.J., Questions concernant
l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op. cit., p. 16, § 68.
* 256 _ CR 2009/9, p. 8,
§ 3 (THIAM).
* 257 _ Ibid., p.
44, § 21 et s.
* 258 _ C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit. (supra, note n° 4), p. 13, § 59.
* 259 _ CR 2009/11, p. 21,
§ 27 (SALL).
* 260 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal), Fixation des délais, Ordonnance du 09
juillet 2009.
* 261 _ L'article 79 (1) du
Règlement de procédure de la CIJ prévoit en effet que
« Toute exception à la compétence de la Cour ou
à la recevabilité de la requête ou toute autre exception
sur laquelle le défendeur demande une décision avant que la
procédure sur le fond se poursuive doit être
présentée par écrit dès que possible, et au plus
tard trois mois après le dépôt du
mémoire ».
* 262 _ Op. ind. SUR, p. 5,
§ 14.
* 263 _ Ibid.
* 264 _ Ibid., p.
6, § 15.
* 265 _ Voir C.I.J.,
affaires du Sud-ouest africain (Éthiopie c. Afrique du Sud ;
Libéria c. Afrique du Sud), exceptions préliminaires,
arrêt du 21 décembre 1962, Rec. 1962, p. 328 ; C.I.J.,
Obligation d'arbitrage selon l'Accord de 1947 relatif au siège de
l'ONU, avis consultatif du 26 avril 1988, Rec. 1988, pp. 27-28 ; C.I.J.,
Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt du 30 juin 1995,
Rec. 1995, p. 100 ; C.I.J., Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro),
arrêt du 11 juillet 1996, Rec. 1996, p.614.
* 266 _ Cf. supra,
A.
* 267 _ C.I.J.,
Interprétation des traités de paix, avis consultatif, 30
mars 1950, C.I.J. Recueil 1950, § 65, p. 74 ; cf. Jean COMBACAU et
Serge SUR, op. cit. (supra, note n° 79), p. 559.
* 268 _ Ibid.
* 269 _ Ibid., p.
558.
* 270 _ Ibid.
* 271 _ CR 2009/8, p. 48,
§ 46 (WOOD).
* 272 _ Ibid., pp.
25-26 ; v. aussi CR 2009/9, pp. 35-36.
* 273 _ Cf. supra,
§ 1, B.
* 274 _ Jeune Afrique
du 27 juillet 2008, Non à l'impunité!,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/25/senega19884.htm
(consultée le 17 juillet 2009). Italiques ajoutés.
* 275 _ Il s'agit de la Loi
n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénal et de
la Loi n° 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le Code de
procédure pénale.
* 276 _ Voir CR 2009/9, p.
28, § 39 (KANDJI).
* 277 _ Cf. supra,
Deuxième Partie, Chapitre I, Section I, § 2, A.
* 278 _ Adopté et
ouvert à la signature, à la ratification et à
l'adhésion par l'Assemblée générale des
Nations Unies dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre
1966. Cet instrument est entré en vigueur le 23 mars 1976.
* 279 _ Amnesty
international, Sénégal, terre d'impunité, op.
cit. (supra, note n° 2), p. 25.
* 280 _ Françoise
BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), p. 308.
* 281 _ Cesare
BECCARIA, Des délits et des peines, traduit de l'italien par
Collin de PLANCY, Éditions du Boucher, 2002, p. 44,
http://www.leboucher.com/pdf/beccaria/beccaria.pdf
(consultée le 17 septembre 2009). Cet illustre pénaliste
s'exprimait en ces termes : « Lorsqu'il s'agit de ces crimes
atroces dont la mémoire subsiste longtemps parmi les hommes, s'ils sont
une fois prouvés, il ne doit y avoir aucune prescription en faveur du
criminel qui s'est soustrait au châtiment par la fuite ».
* 282 _ Voir C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, op.
cit. (supra, note n° 4), p. 2, par. 5.
* 283 _ Human Rights
Watch, Le jugement de Hissène Habré, le temps presse pour
les victimes, n° 2, Janvier 2007, p. 13,
http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre0107/habre0107frweb.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
* 284 _ Ibid.
* 285 _ Cf. Décision
n° 24 Assembly/AU/Dec.157 (VIII) de l'UA du 30 janvier 2007
portant sur le procès de Monsieur Hissène HABRE et l'Union
africaine, § 4,
http://www.africa-union.org/root/ua/Conferences/2007/janvier/SUMMIT/Doc/Decisions/D%C3%A9cisions%20-%208%C3%A8me%20session%20ordinaire%20de%20la%20Conf%C3%A9rence.doc
(consultée le 23 juillet 2009).
* 286 _ Il s'agit de la
Direction de la Documentation et de la Sécurité
créée le 6 janvier 1983 par décret présidentiel
N°005/PR que Reed BRODY qualifiait de « police
secrète » avant de préciser que cet appareil
« s'est érigé en une machine de répression d'une
cruauté rarement atteinte dans l'histoire des services de terreur des
dictatures récentes ». Voir Reed BRODY, op. cit.
(supra, note n° 7), p. 309. Le GAJ, pour sa part, décrit la
DDS comme étant le « symbole d'un régime marqué
par la violence envers le peuple tchadien », in Pour le
procès d'un dictateur, Retour sur l'affaire Hissène
Habré, op. cit. (supra, note n° 8), p. 6.
* 287 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 13.
* 288 _ Reed BRODY, op.
cit. (supra, note n° 7), p. 314.
* 289 _ L'on se souviendra
par exemple qu'en 2001, lors d'une marche en faveur des victimes de M. HABRE,
Mme Jacqueline MOUDEÏNA, présidente de l'Association Tchadienne
pour la Promotion et la Défense des Droits de L'homme (ATPDH), s'est vue
tirer dessus par un policier, « ancien bourreau » contre
qui l'ATPDH avait lancé une poursuite judiciaire au Tchad ; cf.
Libération du 6 juillet 2007, Le Sénégal bloque
le procès de Hissène Habré,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/05/09/senega18788.htm
(consultée le 17 juillet 2009). Voir également Dustin N. SHARP,
op. cit. (supra, note n° 11), p. 170.
* 290 _ En 2005, Human
Rights Watch a publié dans un rapport une liste de 41 anciens
responsables et agents de la DDS occupant, en février 2005, des postes
de responsabilité au Tchad ; cf. Human Rights Watch,
Tchad : les victimes de Hissène Habré toujours en
attente de justice, juillet 2005, Vol. 17, n° 10(A), pp. 39-45,
http://www.hrw.org/legacy/french/reports/2005/chad0705/chad0705fr.pdf
(consultée le 17 juillet 2009).
* 291 _ Cf. supra,
p. 98.
* 292 _ BBC News
Online, 18 juillet 2005, Huge Challenge of Afghan Torture Case,
http://news.bbc.co.uk/1/hi/uk/4693787.stm,
(consultée le 17 juillet 2009).
* 293 _ V. CR 2009/9, p.
29, § 48 (KANDJI).
* 294 _ Cf. C.I.J.,
Questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader
(Belgique c. Sénégal), acte introductif d'instance du 19
février 2009, op. cit. (supra, note n° 37),
pp. 4-5.
* 295 _ Décision
n° 33 Assembly/AU/Dec.240(XII), portant sur l'affaire
Hissène HABRE, § 3.
* 296 _ Ibid.,
§ 4.
* 297 _ Cf. annexes 2
à 6.
* 298 _ L'UA a
adopté, jusqu'en juillet 2010, 5 décisions au total sur l'affaire
Habré ; Cf. Annexes 2 à 6.
* 299 _ Joe VERHOEVEN,
« Prétentieuse et bricolée [compétence
universelle] », in : Politique-Revue de débats,
n° 23, Bruxelles, 2002, pp. 18-21 (spéc. p. 21). Italiques
ajoutés.
* 300 _ Voir notamment
Solange NGONO, « La Participation du Cameroun à la
répression internationale du génocide rwandais :
réflexions à propos des décisions de la Cour d'appel de
Yaoundé », AFRILEX, n° 4, 2004, pp. 373-396.
* 301 _ Voir
Décision n° 4 Assembly/AU/Dec. 246 (XIII) du 3
juillet 2009 portant sur le cas Hissène HABRE.
* 302 _ Infra, annexes 2
à 6.
* 303 _ Léopold
DONFACK SOKENG, « Mondialisation et droits de l'homme en
Afrique », RCEI, vol. 01, n° 01, 1er
semestre 2007, pp. 103-132 (spéc. p. 103). Italiques ajoutés.
* 304 _ Joe VERHOEVEN,
« Vers un ordre répressif universel ? Quelques
observations », AFDI, 1999, pp. 55-71, (spéc. pp. 59-60).
Italiques ajoutés.
* 305 _ Cf. CR 2009/9, p.
30, § 53 (KANDJI).
* 306 _ Amnesty
International, La Compétence universelle : 14 principes pour
l'exercice effectif de la compétence universelle, Document public,
Éditions Francophones d'Amnesty International (EFAI), Londres,
juin 1999, p. 12, principe 9.
* 307 _ Jelena PEJIC,
"Accountability for international crimes : from conjecture to reality
», International Review of Red Cross, vol. 84, n° 845, March
2002, pp. 13-33 (spec. p. 32).
* 308 _ Groupe d'action
judiciaire (GAJ) de la FIDH, op. cit. (supra, note n° 8), p.
45.
* 309 _ Cf. Plainte avec
constitution de partie civile (25 janvier 2000),
http://www.hrw.org/legacy/french/themes/habre-plainte.html
(consultée le 17 juillet 2009).
* 310 _ Il s'agit de
l'AVCRP, de Human Rights Watch (HRW), de la Ligue Tchadienne des
Droits de l'Homme (LTDH), de la Rencontre africaine pour la Défense des
Droits de l'Homme (RADDHO), de l'ONG française Agir Ensemble pour les
Droits de l'Homme (AEDH), l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme
(Sénégal), de la Fédération Internationale des
ligues des Droits de l'Homme (FIDH) et de l'Association Tchadienne pour la
Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH).
* 311 _ Jeune
Afrique, Nouvelle plainte contre Habré, 21 septembre 2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/25/senega19885.htm
(consultée le 17 juillet 2009) ; voir également
RFI, Les victimes d'Hissène Habré portent plainte, 17
septembre 2008,
http://www.rfi.fr/actufr/articles/105/article_72445.asp
(consultée le 17 juillet 2009).
* 312 _ Ibid.
* 313 _ Voir Human
Rights Watch, Affaire Habré : Questions et
réponses, Communiqué de presse, Septembre 2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19815.htm
(consultée le 17 juillet 2009) ; voir aussi Human Rights Watch,
Sénégal : les victimes accusent Hissène Habré
de crimes contre l'humanité, Communiqué de presse, 16 septembre
2008,
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2008/09/15/senega19817.htm
(consultée le 17 juillet 2009).
* 314 _ Ibid.
* 315 _ Ibid.
* 316 _ Voir Nasser ZAKR,
« La responsabilité du supérieur hiérarchique
devant les tribunaux pénaux internationaux », RIDP,
vol. 73, 2002, pp. 59-80.
* 317 _ Ibid., p.
61.
* 318 _ Il importe de noter
en effet que d'après l'article Article 42 de la Loi de base n°
65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale
sénégalais, avec ses modifications successives, « le
juge d'instruction ne peut informer qu'après avoir été
saisi par un réquisitoire du Procureur de la République ou par
une plainte avec constitution de partie civile... ».
* 319 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.
* 320 _ Cf. CR 2009/9, p.
30, § 52 (KANDJI).
* 321 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.
* 322 _ Cf. supra,
note n° 198.
* 323 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 17.
* 324 _ Ibid.
* 325 _ Ibid.
* 326 _ Ibid.
* 327 _ Ibid.
* 328 _
Libération du 6 juillet 2007, op. cit. (supra, note
n° 289).
* 329 _ Françoise
BOUCHET-SAULNIER, op. cit. (supra, note n° 2), p.237.
* 330 _ Italiques
ajoutés.
* 331 _ Cf. notamment
article 146 de la Convention de Genève relative à la protection
des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949
(ci-après : « Convention IV » ou G IV) ;
article 88 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève de 1949
relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (Protocole I) ; article 29 du Statut du Tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie (Résolution 827 du
Conseil de sécurité des NU du 25 mai 1993) ; article 28 du
Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (Résolution
955 du Conseil de sécurité des NU du 8 novembre 1994) ;
articles 72, 86 et suivants du Statut de la CPI (ci-après :
« Statut de Rome » adoptée le 17 juillet 1998 et
entrée en vigueur le 1er juillet 2002) ; article 3 du
Statut de l'Organisation internationale de police criminelle
(ci-après : « Interpol ») etc.
* 332 _ Cette affaire a
été soumise à la Cour le 9 janvier 2006 avec le
dépôt au Greffe de la requête introductive d'instance du
Djibouti datée du 4 janvier 2006. L'objet du différend devant la
Cour portait sur « le refus des autorités gouvernementales et
judiciaires françaises d'exécuter une commission rogatoire
internationale concernant la transmission aux autorités judiciaires
djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d'information
relative à l'affaire contre X du chef d'assassinat sur la personne de
Bernard Borrel » (Voir C.I.J., Certaines questions concernant
l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France,
Requête introductive d'instance, p. 4, § 2).
* 333 _ Voir C.I.J.,
Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France), arrêt du 4 juin 2008, Rec. 2008,
pp. 177-247. Dans cette décision, la Cour (à l'unanimité)
a dit que, « la République française, en ne motivant
pas le refus qu'elle a adressé à la République de Djibouti
d'exécuter la commission rogatoire présentée par celle-ci
le 3 novembre 2004, a manqué à son obligation internationale au
titre de l'article 17 de la convention d'entraide judiciaire en matière
pénale entre les deux Parties, signée à Djibouti le 27
septembre 1986... » [pp. 246-247, § 205, 2) a)].
* 334 _ Cette instance a
été introduite par la requête de la République du
Congo enregistrée au Greffe de la Cour le 9 décembre 2002.
* 335 _ Cf. C.I.J.,
Certaines procédures pénales engagées en France
(République du Congo c. France), radiation du rôle,
Ordonnance du 16 novembre 2010, Rôle général n°
129.
* 336 _ Human Rights
Watch, Hissène Habré et les juridictions
sénégalaises, Note à l'attention des donateurs
internationaux, n° 1, Décembre 2007, p. 2,
http://www.hrw.org/legacy/french/backgrounder/2007/habre1207/habre1207frweb.pdf
(consultée le 17 juillet 2009.
* 337 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 16.
* 338 _ Human Rights
Watch, op. cit. (supra, note n° 283), p. 13.
* 339 _ Voir Corinne
RENAULT-BRAHINSKY, L'essentiel de la procédure pénale,
5e éd., Gualino éditeur, EJA, coll. « Les
carrés », Paris, 2004, p. 61.
* 340 _ Voir Jean PRADEL,
Procédure pénale, 12e éd., Cujas, Paris, 2004, p.
574.
* 341 _ Voir à ce
propos Reed BRODY, op. cit. (supra, note n° 7), p. 314.
* 342 _ Cf. supra,
note n° 285.
* 343 _ Corinne
RENAULT-BRAHINSKY, op. cit. (supra, note n° 339), p. 61.
* 344 _ Ibid.
* 345 _ Voir Human
Rights Watch, op. cit. (supra, note n° 314).
* 346 _ Infra,
annexes 2 à 6.
* 347 _ Olivier CORTEN,
« Une compétence universelle sans communauté
internationale ? », in : Politique-Revue de
débats, n° 23, Bruxelles, 2002, pp. 24-27 (spéc. p.
26).
* 348 _ Jeune Afrique
du 27 juillet 2008, Non à l'impunité!, op. cit.
(supra, note n° 274).
* 349 _ Op. ind. SUR, p. 2,
§ 5.
* 350 _ Voir à ce
sujet Michael K. ADDO, op. cit. (supra, note n° 146), p. 713.
* 351 _ Op. cit.
(supra, note n° 146). La Cour ne s'est pas pour autant
prononcée sur l'applicabilité de l'article 94 de la Charte des
Nations Unies [exécution forcée] à ses Ordonnances en
indication de mesures conservatoires (cf. § 108, arrêt
LaGrand). Mais « pour aboutir à cette conclusion, la
Cour accorde un grand poids à l'objet et au but du Statut et fait valoir
que le caractère obligatoire des mesures conservatoires est seul de
nature à lui permettre "de s'acquitter de sa mission fondamentale, qui
est le règlement judiciaire des différends internationaux au
moyen de décisions obligatoires conformément à l'article
59 du Statut" (§ 102, arrêt LaGrand) »,
relèvent Nguyen QUOC DINH et Alii, op. cit. (supra, note
n° 63), p. 904.
* 352 _ Cf. supra,
note n° 250.
* 353 _ Cité par
Paul ORIANNE, op. cit. (supra, note n° 69), p. 1295.
* 354 _ Voir à ce
propos Micaela FRULLI, « Le droit international et les obstacles à
la mise en oeuvre de la responsabilité pénale pour crimes
internationaux », in : Crimes internationaux et
juridictions internationales, op. cit. (supra, note n° 123),
pp. 215-253 (spéc. p. 216).
* 355 _ Voir Damien
VANDERMEERSCH, op. cit. (supra, note n° 21), p. 472.
* 356 _ Joe VERHOEVEN,
op. cit. (supra, note n° 299), p. 21.
* 357 _ Human Rights
Watch, La Compétence universelle en Europe, état des lieux,
vol. 18, n° 5 (D), juin 2006, p. 1. L'illustration de l'absence
d'unanimité sur la question a été servie par l'arrestation
le 9 novembre 2008 à Frankfort (en Allemagne) de Rose KABOYE, Chef de
Protocole du Président de la République du Rwanda,
« créant une situation de tension entre l'UA et
l'UE » (cf. Décision Assembly/AU/Dec. 213 (XII) de
l'UA du 3 février 2009 portant sur la mise en oeuvre de la
décision relative à l'utilisation abusive du principe de
compétence universelle, § 4,
http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf
(consultée le 23 juillet 2009).
* 358 _ Voir
Décision Assembly/AU/Dec. 245 (XIII) de l'UA du 3 juillet 2009
portant sur le rapport de la réunion des États africains
parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, §
10,
http://www.africa-union.org/root/AU/Conferences/2009/july/summit/docs/DECISIONS/ASSEMBLY%20AU%20DEC%20243%20-%20267%20(XIII)%20_F.pdf
(consultée le 23 juillet 2009). La réserve émise par le
Tchad à cette décision est surtout due aux relations tumultueuses
qu'il entretient depuis quelques années avec le Soudan.
* 359 _ V. Alain Pellet,
op. cit.(supra, note n°3), p. 178. Cet auteur
relève que le principe de souveraineté semble (si on le
définit correctement) un puissant facteur organisateur de la
société internationale et une explication, toujours
éclairante, des phénomènes juridiques internationaux.
* 360 _ Décision
Assembly/AU/Dec.292(XV) de l'UA du 27 juillet 2010 portant sur
l'utilisation abusive du principe de compétence universelle,
§ 5,
http://www.africa-union.org/root/AR/index/Assembly%20AU%20Dec%20289-330%20%28XV%29%20_F.pdf
(consultée le 30 juillet 2010). A travers cette décision, la
Conférence : « DEMANDE à la Commission de
finaliser l'étude sur les implications de doter la Cour africaine des
droits de l'homme et des peuples de la compétence lui permettant de
juger les crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre
l'humanité et les crimes de guerre et d'en faire rapport à la
prochaine session ordinaire de la Conférence, prévue en janvier
2011, par l'intermédiaire du Conseil exécutif ...»
(italiques ajoutés).
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