La critique existentialiste du rationalisme chez Sàśren Kierkegaard( Télécharger le fichier original )par Eric MBOCK ABOUBAKAR Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua - Mémoire fin de cycle de philosophie 2008 |
I.1.2.b. La période moderneI.1.2.b.a René DESCARTESDans la période moderne, le rationalisme est apparu avec René DESCARTES où il a revêtu un aspect plus ou moins pur, car il fera de l'ego cogito le sujet d'une raison pure. DESCARTES fait du sujet pensant, le sujet d'une raison neuve. Dans son élan rationnel, le père du rationalisme admet deux limites à la raison : d'une part la raison est limitée par le Dieu infini qu'elle ne peut comprendre et dont elle est résignée à affirmer l'existence justement parce qu'elle dépasse son entendement ; et d'autre part, par le mélange de l'âme et du corps que le penseur considère comme étant deux substances distinctes, unies réellement et substantiellement. Mais le problème qui se pose est celui de la distinction et de l'union ; et cette antinomie ne peut être levée. Suite à ces considérations, DESCARTES dira dans une de ses correspondances avec la princesse ELISABETH : « il ne semble pas que l'esprit humain soit capable de concevoir bien distinctement et en même temps la distinction d'entre l'âme et le corps et leur union, à cause qu'il faut pour cela les concevoir comme une seule chose et ensemble les concevoir comme deux, ce qui se contrarie »10(*). D'où l'unité de l'homme qui est un fait irrationnel, un mystère. Entre ces deux limites, se déploie la juridiction du cogito qui met en doute et qui élimine d'abord les choses sensibles puis les idées conçues à la manière de Platon. L'auteur du doute méthodique le pratique avec pour objectif de mettre en exergue les vérités indubitables à partir desquelles on pourra fonder un système de pensée solide et cohérent. Pour cela, DESCARTES se donne pour principe de douter : « Non que j'imitasse pour cela les sceptiques qui doutent pour douter, et affecte d'être toujours irrésolus... »11(*) ; mais un doute en vu d'aboutir à cette vérité indubitable. C'est en ce moment que se déploie en nous le doute que nous prenons conscience de notre existence, pense DESCARTES. D'où sa célèbre formule « Je pense donc je suis »12(*). De cette formule, il dira « Je suis précisément parlant une chose qui pense c'est-à-dire un esprit, un entendement, ou une raison ». L'homme se distingue de tous les autres êtres par la raison. Si tel est le cas, quelle est la place du corps? Se plaçant dans la perspective du doute méthodique, DESCARTES fait de la pensée une substance différente, mais séparable du corps. Des considérations qui précèdent, il aboutit à un type de pensée qui l'isole de son corps, d'autrui et même du monde. Cela résume bien une vision rationaliste de l'être humain et, jusqu'à un certain point de la vie même de DESCARTES. Sa morale est subdivisée en deux secteurs : provisoire et définitive. La morale provisoire a pour but de vivre le mieux possible pendant que l'entendement sera livré au doute. C'est pourquoi dans la quatrième maxime de sa morale provisoire, il dira « Employer toute ma vie à cultiver ma raison, et avancer autant que je pourrai en la connaissance de la vérité, suivant la méthode que je m'étais prescrite »13(*). Dans la première maxime, la morale définitive voudrait que « l'homme tâche toujours se servir le mieux possible de sa raison pour connaître la bonté de Dieu, l'immortalité de l'âme... »14(*). Il poursuivra dans la seconde maxime en demandant que l'homme « ait une constante résolution d'exécuter tout ce que sa raison lui conseillera, sans que ses passions ou ses appétits l'en détournent »15(*). Avec René DESCARTES, le rationalisme connaît une expansion fulgurante. Il sera repris par bon nombre d'autres grands philosophes qui essayeront de dépasser sa conception de la raison à plusieurs niveaux. I.1.2.b.b. Baruch SPINOZAPhilosophe d'origine juive, SPINOZA a une doctrine rationaliste à la fois simple et plus subtile. Son cadre conceptuel et sa technique logique, il les puise dans le système cartésien. Chez SPINOZA le but de la vie, est le bonheur, et la condition pour l'atteindre est la réforme de l'entendement, c'est-à-dire la découverte d'une méthode capable de nous faire connaître la vérité sur toutes choses. SPINOZA commence d'abord par classer les divers types de connaissance : · Au plus bas degré est la connaissance par témoignage, par « ouï-dire » ou par signe. C'est ainsi que nous connaissons la date de notre naissance. Au dessus se situe l'expérience de la perception vague, c'est-à-dire la perception sensible d'un objet singulier. Elle est caractérisée par le fait qu'elle présente des faits bruts, dispersés, sans lien intelligible et tirant des conséquences sans prémices. Elle ne peut donc s'élever plus loin que dans l'ordre des opinions. Ces deux types sont réunis sous le nom de connaissance du premier genre. · La connaissance du deuxième genre est de l'ordre de la démonstration ou de la déduction, conçue sur le modèle des mathématiques. Elle saisit l'essence des choses et l'explique par des principes prochains. C'est pourquoi, SPINOZA dit que les démonstrations « sont les yeux de l'âme par lesquels elle voit et observe les choses »16(*). · L'intuition constitue la connaissance du troisième genre. De là SPINOZA déduit tout de Dieu. Il exprime parfaitement sa position quand il dit : « Les scolastiques partent des choses, Descartes part de la raison, moi je pars de Dieu »17(*). C'est de cette affirmation que découlera son panthéisme, car si Dieu crée le monde librement, on peut, par analyse du monde, remonter à Dieu comme à sa cause ou raison d'être, mais la démarche inverse sera impossible. Chez SPINOZA la vérité est une propriété de l'idée et non du jugement. L'idée est en acte et la connaissance sensible est passive. La clarté de l'idée est la vérité même. La vérité consiste en une démonstration intrinsèque, c'est-à-dire le rapport de l'idée à l'entendement. Pour lui, vérité signifie intelligibilité. Dans sa psychologie, SPINOZA fait une déduction de la nature humaine ou d'une métaphysique de l'homme. Sa psychologie repose sur deux propositions évidentes, à savoir « L'homme pense ». Il ne dit pas que « Je pense » car ce serait un simple fait, une vérité contingente. Mais lorsqu'il dit « l'homme pense », c'est là une vérité nécessaire et qui peut être érigée en axiome. Par son corps, l'homme est un mode de l'étendue divine, et par son âme, un mode de la pensée divine. Pour SPINOZA, entre le corps et l'âme il n'y a aucune interaction ; il n'y a pas union mais identité. L'âme et l'idée du corps existent en acte. * 10 _ R. DESCARTES, cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie moderne, Paris, Beauchesne, 1963, p. 31. * 11 _ R. DESCARTES, cité par Jacqueline RUSS, Les chemins de la pensée. Philosophie, Paris, Armand Colin, 1988, p. 139. * 12 _ R. DESCARTES, cité par Jacqueline RUSS, Les chemins de la pensée. Philosophie, op. cit., p.146. * 13 _ R. DESCARTES, cité par R. VERNEAUX , Histoire de la philosophie moderne, op. cit., p. 32. * 14 _ Ibidem, p. 33. * 15 _ Idem. * 16 _B. SPINOZA, cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie moderne, op. cit., p. 54. * 17 _ Ibidem, p. 55. |
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