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La maltraitance dans le signalement et le placement le juge, l'éducateur et l'enfant en situation de placement

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par Philippe Martaguet
Université de la Sorbonne nouvelle - D.H.E.P.S. Master 1 2009
  

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UNIVERSITE PARIS III SORBONNE NOUVELLE

COLLEGE COOPERATIF DE PARIS

Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques Sociales

D.H.E.P.S

Master1: formation de formateur d'adultes par la recherche action

La maltraitance dans le signalement et le placement

Le juge, l'éducateur et l'enfant en situation de placement

Présenté par: Sous la direction de:

Philippe MARTAGUET Mehdi FARZAD &

Jean-Christophe LEFORESTIER

2009

Remerciements

Je comparerai ces trois années d'études au sein du Collège Coopératif de Paris à un pèlerinage. J'étais en quête d'apprentissage, d'apport théorique, d'ouverture vis-à-vis du domaine professionnel dans lequel j'évolue. Bon praticien, avec des oeillères fabriquées par l'expérience du terrain, mon arrivée au collège fut un plongeon dans l'inconnu.

Envahi d'une soif d'apprendre, je partis dans tous les "sens". Lorsque j'en pris conscience, ce fut l'abattement. De ces premières sensations à celles que je ressens aujourd'hui, la satisfaction d'un travail accompli, pour lequel très certainement moult choses devraient être reprises. Conscient, que malgré ce travail, il me reste beaucoup de chemin à parcourir....

Ces années, ces sentiments, si j'ai pu les vivre, les ressentir, je le dois et je les en remercie:

A Didier Martin qui lors d'une formation au sein de la structure pour laquelle je travaille, m'a invité et soutenu à m'engager en D.H.E.P.S.

Au Collège Coopératif de Paris, je dis au Collège car j'entends l'ensemble du personnel qui a su me recevoir, me mettre à l'aise, me permettre d'avoir confiance en moi, aux travers des ateliers coopératifs. Le collège m'a permis de rencontrer des gens formidables, et la pertinence de leurs réflexions sur mon travail me fut profitable.

Je remercie plus particulièrement Mehdi Farzad et Jean-Christophe Leforestier, qui par leur professionnalisme, leur empathie m'ont permis de gravir chaque étape, de ne pas baisser les bras, de continuer à avancer malgré mes doutes et égarements.

Je ne remercierai jamais assez Jean-Christophe Leforestier pour sa patience et sa disponibilité. Accepter d'être mon directeur de recherche devait être un «challenge» pour Mehdi Farzad. Devant autant de dévouement, je me devais d'aller au bout de ce «voyage»...

Aller au bout de ce «voyage», pour vous, mes filles, qui aux travers de vos regards pleins de fierté m'ont donné la force de poursuivre et de ne pas baisser les bras.

Je voudrais remercier les personnes, juge du tribunal de Pontoise, la directrice du foyer éducatif de Goussainville, l'assistante sociale du service A.S.E., pour leur franchise, honnêteté et patiente dont elles ont fait preuve durant les entretiens.

Juste un mot...MERCI à vous tous.

Sommaire

Remerciements p. 2

Sommaire p. 3

Sigles et abréviations p. 4

Introduction p. 5

Première partie - Education et maltraitance p. 12

Chapitre 1 - Apprendre à s'écouter pour entendre les autres. Eléments d'autobiographie raisonnée p. 13

Chapitre 2 - D'un projet institutionnel aux pratiques institutionnelles p. 24

Chapitre 3 - Définition de la maltraitance p.31

Chapitre 4 - Signalement et maltraitance p.48

Chapitre 5 - Le placement et le signalement comme maltraitance p.60

Deuxième partie - Quand la maltraitance s'invite dans nos institutions p.78

Chapitre 6 - Méthodologie d'enquête - entretiens et observations p.79

Chapitre 7 - Recueil et organisation des données p.88

Chapitre 8 - Analyse et interprétations p.98

Chapitre 9 - De la recherche à l'action p.106

Conclusion p.110

Bibliographie p.113

Table des matières p.115

Annexes (volume séparé)

Sigles et abréviations

A.S.E. Aide Sociale à l'Enfance

A.E.M.O. Assistance Educative en Milieu Ouvert

P.J.J. Protection Judiciaire de la Jeunesse

J.C.L.T. Jeunesses Culture Loisirs et Techniques

M.E.C.S. Maison d'Education à Caractère Social

D.D.A.S.S. Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales

O.D.A.S. Observatoire Décentralisée de l'Action Sociale

S.E.M.O. Service d'Education en Milieu Ouvert

S.A.P.M.N. Service d'Adaptation Progressive en Milieu Ouvert

P.M.I. Protection Maternelle Infantile

A.S. Assistante Sociale

S.A.U. Service d'Accueil d'Urgences

C.A.F. Caisse d'Allocation Familiale

A.D.A.E.A. Association Départementale pour l'Aide à L'Enfance et aux Adultes

Introduction

A l'aube de mes trente-cinq ans, je donnai une nouvelle orientation à ma carrière professionnelle, en intégrant le foyer Arobase de l'association Jeunesse Culture Loisirs Technique (J.C.L.T.) de Goussainville, en qualité de surveillant de nuit. Mon implication auprès des mineurs m'amena rapidement à intégrer l'équipe éducative. Mon nouveau rôle consiste à prendre en charge le groupe de jeunes la journée. Il consiste également à la prise en charge individuelle de certains jeunes, en qualité d'éducateur référent.

Les éducateurs interviennent auprès de populations diverses : les mineurs, les sans domicile fixe, les toxicomanes... Toutes personnes en situation de précarité et /ou en rupture sociale. La conjoncture actuelle met en exergue le manque de professionnels dans ces domaines.

Cette structure prend en charge des jeunes mineurs confiés par la Direction Départementale des Affaires Sociales et Sanitaires (D.D.A.S.S.) dans le cadre de l'article 3751(*) ou par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (P.J.J.) dans le cadre de l'ordonnance 45 du Code pénal2(*).

La Direction Départementale des Affaires Sociales et Sanitaires agit au travers de son service A.S.E. Celui-ci intervient et met en place des actions auprès des familles sur demande du juge des enfants.

Les juges des enfants sont informés des situations à risque qui peuvent naître dans les familles, aux travers de signalements émis par un tiers. Ce dernier peut être un membre de la famille, un représentant des services sociaux, un adulte qui évolue dans le cercle social de l'enfant (instituteur ou médecin, par exemple) ou encore par l'enfant lui-même.

Le signalement s'entend de toute déposition écrite ou orale faite auprès des services de police, de justice et/ou services sociaux:

«Les signalements dans le cadre de l'article 375 sont du domaine civil. Toute personne physique est en droit et a pour devoir de signaler auprès des services sociaux toutes maltraitances, subi par un enfant, dont il est ou pourrait être témoin, et ou avoir connaissance.»3(*)

Dans le cadre d'un signalement relevant de l'article 375 du Code civil, les juges des enfants délèguent aux services de l'Aide Sociale à l'Enfance (A.S.E.) le rôle d'intervenant, auprès des familles et des jeunes.

Les services A.S.E. sont ainsi diligentés par le juge pour enquêter sur la pertinence du signalement et apporter la réponse à mettre en place pour que cessent toutes maltraitances. Pour ce faire, ces services mènent une enquête auprès des personnes incriminées. Ils rencontrent l'enfant, sa famille, le voisinage et plus si besoin est... Sur la base de cette enquête est établi un rapport qui est transmis au juge des enfants.

Fort de ce rapport, qui constitue le support de sa décision, le juge dispose de trois réponses possibles : il peut ne pas donner suite au signalement si les faits signalés ne sont pas avérés, il peut aussi engager un suivi au sein de la famille par un éducateur (Action Educative en Milieu Ouvert, A.E.M.O.) ou bien, s'il estime cela nécessaire pour faire cesser les maltraitances envers l'enfant, il peut décider, pour protection de l'enfant, d'un placement en famille d'accueil ou en Maison d'Enfants à Caractère Social (M.EC.S.).

Les juges des enfants, ainsi que l'ensemble des services agissant dans le cadre d'un signalement, d'un placement, d'un suivi A.E.M.O., sont de plus en plus sollicités.

Le rapport annuel établi par le Ministère de la Justice, communiqué aux tribunaux, et diverses études faites par des organismes, tels que l'Observatoire Décentralisé de l'Action Sociale (O.D.A.S.), montrent que le nombre de signalements d'enfants en danger est en perpétuelle augmentation. Ainsi, par exemple, pour le département du Val d'Oise (département dans lequel je travaille), le nombre de signalements représente aujourd'hui 1594 dossiers4(*). Ces derniers ont augmenté de 11% en 20065(*).

Un autre rapport de l'ODAS6(*), présente le tableau suivant :

1994 1995 1996 1997 1998 1999

Total des enfants en danger 58 000 65 000 74 000 82 000 83 000 83 500

Total des transmissions 31 000 36 000 42 000 49 500 49 000 47 500

judiciaires

Le rapport de l'O.D.A.S.7(*) fait une distinction entre les enfants en danger et les situations à risque (situations qui pourraient mettre l'enfant en danger). Seules les situations à risques semblent en augmentation. Les situations de danger avéré sont stables.

Sans doute emploie-t-on ici le terme de situation de manière pudique, pour évoquer le risque de mise en danger de l'enfant au sein de sa famille. L'expression «mise en danger» n'est d'ailleurs pas présente dans l'article 375 du Code civil qui parle de maltraitance.

Lorsque le juge des enfants décide d'un placement en foyer pour le mineur, les services A.S.E. s'adressent au M.E.C.S. C'est à ce moment que commence mon intervention auprès des jeunes.

Mon cadre professionnel m'a permis de m'interroger sur mes pratiques, sur le fonctionnement, voir les dysfonctionnements de l'institution.

Avant toute recherche dans le cadre du D.H.E.P.S., la première démarche est l'autobiographie raisonnée. Mon parcours autobiographique portera réflexion sur les motivations conscientes et inconscientes qui m'ont amené à m'engager professionnellement dans le domaine social, et plus particulièrement ce besoin d'aider et de comprendre ces jeunes en grande difficulté. Mon parcours de vie ne pouvait que me destiner, à un moment ou un autre, d'une manière ou d'une autre, à réfléchir et apporter mon soutien aux plus démunis, matériellement, psychologiquement et familialement.

Mon parcours de vie m'a amené à vivre dans la double posture: Professionnel face à un juge des enfants - Père de famille, face à un juge, pour répondre de l'éducation dispensée à mon enfant. Cette double posture m'a permis de saisir pleinement le ressenti de tout un chacun lors d'un signalement, de m'interroger sur les notions de maltraitance au sein d'une famille qui subit un signalement.

Le travail monographique a notamment fait ressortir que les règles de vie étaient synonymes de cadre pour les jeunes. Ce cadre posé les sécurisait. A l'inverse, il ressort que l'absence de cadre est porteuse d'insécurité. Elle génère un sentiment de danger chez les jeunes accueillis.

Ma recherche a montré que les notions de sécurité et insécurité n'étaient pas liées à la seule application des règles en institution. L'implication, l'appropriation, des professionnels au moment de la conception et de la mise en place sont des éléments déterminants. Ces éléments permettent la transmission, la mise en place de ces dernières de manière pertinente auprès des jeunes. S'il n'y a pas appropriation dans la co-élaboration des règles de par des éducateurs, alors celles-ci ne font pas sens pour les jeunes.

«Les règles de vie avaient été établies par la directrice de la structure. Pour ce faire elle avait plagié les règles de vie d'une autre institution. La grande différence qui n'avait pas été prise en compte par la directrice est: le projet de base avait été rédigé en direction de jeunes de 12 à 16 ans. Hors nous recevions des jeunes de 12 à 18 ans. Ce décalage induit que certains éducateurs n'arrivaient pas à concevoir le fait d'envoyer au lit à 21 heures des jeunes de 17 et 18 ans. D'autres a contrario, appliquaient le règlement, sans y porter réflexion. Il en résulta que le coucher devint un moment de tension entre les jeunes et les éducateurs...» (Journal de bord, 2000)

Lors de cette enquête exploratoire, aux travers d'interviews auprès de jeunes, il apparaît que ces derniers perçoivent en ces règles une échelle de valeur de l'égalité de tous au sein de la structure. Que si cette échelle de valeur n'est pas respectée, alors à nouveau les sentiments et situations d'insécurité et d'injustice peuvent surgir.

Une situation d'insécurité peut naître de la réaction d'un professionnel qui n'adapte pas son comportement à la règle connue de tous. Le non respect d'une règle établie « même... avec les bonnes raisons qu'il peut y avoir d'agir ainsi8(*) », peut entraîner une incompréhension de la part des jeunes. Ainsi, un jeune ne comprenant pas une décision prise par un adulte, de surcroît dans un tel contexte, subira son placement.

Ce ne sont pas les seuls moments où un jeune peut subir son placement, ne pas en saisir le sens. Quand les motivations du juge des enfants sont d'ordre financier et non éducatif, comme ce fut le cas de cette fratrie qui a subi la séparation des parents. Le père quitte le domicile conjugal. La mère ne travaille pas.

«Leur situation financière s`avère vite délicate. La mère ne peut plus payer le loyer, et c'est l'expulsion de la famille. La mère se tourne vers les services sociaux. Ces derniers font un signalement. Le juge n'a pour seule réponse que le placement des enfants en institution. Comme, il s'avère impossible de le maintenir sur un même lieu, la fratrie est dispersée. A aucun moment, les compétences éducatives de la mère ne furent misent en doute. Les enfants ont subi le départ de leur père et en réponse la justice les sépare, éclate la fratrie.»9(*)

De cette réflexion est née l'interrogation qui a initié ma recherche pour ce mémoire. La loi met en exergue, au travers de l'article 375 du Code civil, la notion de maltraitance.

Cette loi a pour but de veiller sur les enfants en danger et de leur apporter, au travers des institutions, la réponse la plus appropriée, afin que cette maltraitance disparaisse. Ces réponses ne sont-elles pas parfois, mal traitantes, dans leur forme, dans la façon dont elles sont prises et mises en place?

Ma recherche portera sur le rapport entre les institutions qui interviennent lors d'un signalement et les familles, sur l'approche des professionnels et le ressenti des familles dans un tel contexte. Cette recherche-action porte encore sur les possibilités d'action de la part de chaque intervenant et l'adéquation des réponses mises en place, ainsi que la posture qu'elle éveille chez chacun.

J'analyserai les différentes définitions faites de la maltraitance. Sur la base de cette analyse, je proposerai une définition opératoire.

Prenant pour référence cette définition de la maltraitance (synonyme d'insécurité), je vais alors étudier au travers d'observations, d'entretiens libres réalisés avec les partenaires sociaux et intervenants professionnels, les comportements et manières de faire, de dire, des personnes agissant dans le cadre de l'article 375 du Code civil.

Je vais essayer, tant que faire se peut, lors des entretiens, d'adopter une posture empathique et de congruence, démarche de non-directivité ainsi que l'a défini Carl Rogers10(*).

Les observations et entretiens seront analysés au travers du concept de la maltraitance et des indicateurs qui en découlent. Cette analyse fera appel à deux notions principales, la négligence passive et la négligence active.

Cette analyse doit me permettre de savoir si la maltraitance est présente dans nos institutions, et plus précisément dans le cadre de l'article 375 du Code civil. De quelle manière, elle apparaît. A quel moment intervient-elle dans la prise en charge?

Dans un second temps, je présenterai des éléments de contextualisation, les cadres sociaux et juridiques dans lesquels j'évolue professionnellement. Je dresserai le contexte de mon lieu de travail, le profil des intervenants professionnels, notre rôle théorique et comment ce dernier s'applique dans la pratique.

Le chapitre suivant sera consacré à la définition, ethnologique, lexicale, ainsi que les définitions faites de la maltraitance par certains professionnels évoluant dans le monde de l'enfance. A partir de l'ensemble de ces dernières, je poserai mon interprétation, comme ma propre définition.

Dans un troisième temps, j'aborderai les notions centrales de cette recherche. Je porterai ma réflexion sur mon cheminement aux travers d'observations au sein de mon domaine professionnel, d'enquêtes auprès de professionnels, directrice de structure, juge des enfants, éducateurs, mais aussi auprès de jeunes, de familles. J'y exposerai également ma propre expérience personnelle, j'analyserai la pertinence de ma question principale, ainsi que les réponses qui peuvent être apportés à cette dernière. Des pistes d'actions devraient émerger de cette analyse qui seront présentées dans un dernier chapitre.

PREMIERE PARTIE

EDUCATION ET MALTRAITANCE

Chapitre 1

Apprendre à s'écouter pour entendre les autres

«...Si quelqu'un avait eu l'idée de me demander pourquoi je travaille avec des adolescents, j'aurais pu répondre:«c'est parce que je les aime». Il n'était pas question d'avouer aux autres ou à moi-même une vérité que j'ai mis des années à oser regarder en face: je travaille avec les adolescents parce qu'on m'a volé mon adolescence...»

Stanislas TOMKIEWICH, L'adolescence volée

Porter sa réflexion sur la maltraitance, sur les maltraitances institutionnelles, dans le cadre de ma fonction d'éducateur n'est pas totalement neutre, pas anodin. Néanmoins, c'est tenter de porter un regard objectif sur mes pratiques professionnelles. Chercher à apporter au travers de cette recherche une réponse à un questionnement. Si toutes les raisons professionnelles existent pour justifier de cette recherche, la première des motivations est celle de mon propre rapport à la maltraitance dans mon parcours de vie. Pour en trouver le fil, il me faut retracer mon histoire. J'introduirai mon autobiographie avec ces quelques mots: Chaque douleur est une déchirure. Comprendre sa douleur c'est un peu la guérir.

1.Apprendre à s'écouter...

Comment écrire et décrire les événements de ma vie qui m'ont amené à exercer ce métier d'éducateur ? La vraie question porte, sans doute davantage que sur les événements eux-mêmes, sur les sentiments qui ont pu ainsi être éveillés en moi. Comment déterminer quels sont ces événements qui font sens au regard de mon thème de recherche sans avoir réfléchi sur le sentiment qu'ils ont éveillés? Et comment, au regard d'un thème qui engage de la souffrance, écrire mon autobiographie sans s'y complaire, sans «tomber» dans la psychanalyse?

Ces questions m'ont d'abord empêché d'avancer dans mes écrits jusqu'au moment où, durant les ateliers coopératifs, le groupe avec lequel j'étais en formation m'a amené à comprendre mes motivations premières dans mon choix professionnel; motivations qui étaient demeurées plus ou moins inconscientes ou inavouées jusqu'à ce jour. Inavouées quand je me refusais à les admettre car cela renvoyait à des douleurs passées, avec l'obligation de les accepter.

Sans tomber dans la psychanalyse, ni les larmes, mon groupe a réussi au travers de discussions et débats à m'amener à décrypter dans mon parcours de vie la motivation première de mon implication professionnelle et du questionnement de ma monographie.

Ce sentiment tant caché que je me refusais de voir n'était autre que le sentiment d'injustice; injustice ressentie dans mon enfance.

L'injustice est présente quand une décision ne répond pas à la justice. Souvent elle appelle à la révolte. Le dictionnaire fait aussi référence au sentiment d'injustice. La définition oubliée par le dictionnaire est l'injustice de la vie. Une injustice hors cadres, hors normes, des règles de la société.

2.L'enfance et le sentiment d'injustice né de l'incompréhension

Enfant d'une fratrie de deux frères et deux soeurs, j'étais le cadet. Né de père français, parisien depuis plusieurs générations, et de mère espagnole dont les parents avaient fuit le régime franquiste. Je n'ai aucun souvenir de ma petite enfance. Je sais que les cinq premières années de vie, ma famille habitait Paris.

Brutalement, sans prévenir, avec violence, comme le fait un accident, la vie me prit m'a mère. Avec la maladie, la vie vous laisse le temps d'accepter la situation, de l'anticiper, mais avec l'accident, pas d'acceptation, ni d'anticipation. Seule reste la violence d'un moment, d'un fait. Violence d'un moment couvert par le bruit des sirènes, violence qui laisse la place à l'incompréhension, puis au sentiment d'injustice.

Ai-je réalisé ou non à ce moment ce qui s'est déroulé sous mes yeux? Je ne peux le dire?

Je n'ai aucun souvenir de ce jour, ni même des années précédentes. Etais-je trop jeune ou bien est-ce une qualité de mon cerveau que de jeter le voile sur l'impensable. Quoi qu'il en soit, même sans souvenir le sentiment d'injustice était là, ainsi que les douleurs affectives liées à l'absence de ma mère.

Après ce drame, ma famille quitta Paris pour aller s'installer en région parisienne. Quand le malheur vous frappe de la sorte, seul deux chemins s'offrent à vous: le chemin qui vous aide à alléger votre peine en vous rapprochant des êtres encore présents ou celui qui fait de votre tristesse, le leitmotiv quotidien de votre peine que vous arrosez d'alcool ou autre dans l'espoir qu'elle s'estompe un jour. Mon père choisit le second chemin bien que je pense que son premier réflexe fut de vouloir prendre l'autre, celui qui te dit rapproche-toi des gens que tu aimes, des gens présents. Rapproche-toi de tes enfants, ils ont besoin de toi.

La seconde partie de mon enfance fut douloureuse, pas douloureuse physiquement mais moralement. Sans la tendresse de cette mère qui m'avait quitté involontairement et sans la présence et l'écoute d'un père. Il était présent physiquement mais ses préoccupations étaient loin des nôtres. Mon père était plus soucieux d'oublier sa peine dans l'alcool.

3.L'adolescence: la réalité de la maltraitance

L'adolescence c'est la période définie comme délicate pour beaucoup d'enfants, celle où l'on quitte le monde de l'enfance pour accéder au monde des adultes, celle encore de la révolte et de l'intolérance, en tout cas, en ce qui me concerne. Révolte face à cette double injustice: la disparition de ma mère, sujet tabou, mots jamais exprimés au sein de ma famille; douleurs quotidiennes d'autant plus grandes que le silence les enveloppait.

Le comportement de mon père au travers de mes yeux d'adolescent, était celui d'un être faible, une personne qui n'avait pas eu le courage de se battre pour ce que ma mère lui avait laissé de plus beau. Ses enfants. Il s'était réfugié dans l'alcool, afin d'oublier, mais nous faisait subir régulièrement sa détresse, sa douleur décuplée par l'abus de boissons. Adolescent, comment communiquer sur cette violence quotidienne émanant du seul parent qui me restait?

Avec l'âge et le fait que nous étions désormais plus grands et plus forts, mon frère aîné et moi-même subissions de moins en moins cette violence; je pense que mon père savait que physiquement nous étions en mesure de lui répondre, même si cela ne nous était pas venu à l'esprit. Jusqu'à quel point? En toute honnêteté, l'idée a bien dû nous traverser l'esprit quelquefois.

Une telle détresse et incompréhension face à ces injustices qui jalonnaient mon enfance pouvaient très sincèrement m'emmener vers la violence. Je choisis l'intolérance face à mon père. L'intolérance comme exutoire à ma peine, sans doute due alors à mon manque de recul et de maturité.

Je passais mes journées à «traquer» l'injustice, je la cherchais partout, au collège, chez moi, dans la vie de chacun. Je cherchais partout cette injustice sachant qu'elle était encrée au sein du foyer familial. Je percevais comme injuste, la violence de notre père; une violence qui n'était que la résultante de sa douleur face à la vie, douleur qui se transformait le soir dans le pavillon familial en maltraitances.

Bien sur, il y avait la maltraitance physique, celle qui se voit. Comme ce jour ou nous étions à table, pour une raison futile, une excuse injustifiée, par besoin de laisser sortir son mal être, il jeta une cuillère au visage de ma soeur. Assis au coté de cette dernière, je pris «le projectile» en pleine tête. Je me levais d'un bond en lui disant qu'il n'avait pas à faire cela. Il me répondit, en s'excusant: «ce n'est pas toi que je visais!» J'explosais. Etait-ce une excuse? Comment se permettre de jeter des couverts ou autres au visage des personnes? Et qui plus est sur ses propres enfants? Nous étions des enfants et non des souffre-douleurs ou, comme je le dis, l'exutoire de la peine et de mon père alcoolique.

Malgré tout ce que nous avions pu subir, à aucun moment, je n'ai eu la force de dénoncer. Car n'étions nous pas quand même une famille? Une famille marquée par le malheur certes, mais une famille quand même. Et dans une famille, ne devons nous pas être tous solidaires ?

Bien sûr la violence physique était présente dans notre quotidien, mais ce n'était pas la seule. Il y avait aussi ces maltraitances morales, qui induisent des plaies à l'âme, bien plus profondes que ces maltraitances physiques. Ainsi en est-il de ce jour où revenant de maison de repos, après y avoir passé un mois suite à une opération chirurgicale que les médecins avaient définie comme «lourde», et venant de passer huit heures dans le train en compagnie d'une assistante sociale, je découvris que mon père qui devait m'attendre à la descente du train, n'était pas là. J'étais inquiet. J'avais alors peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, quand bien même durant un mois je n'avais pratiquement eu aucune nouvelles de ma famille, et que je ne m'en étais pas pour autant inquiété. Le temps passait, nous étions toujours sur ce quai de gare à attendre. Vingt deux heures arrivèrent, cela faisait deux heures que nous attendions. L'assistante sociale me dit qu'elle ne pouvait attendre plus longtemps, qu'elle allait contacter la personne de permanence de son service, afin que je sois pris en charge pour la nuit par une structure, et que mes parents passeraient m'y prendre dès le lendemain matin. Je sentis l'angoisse monter en moi. Cette angoisse me faisait me poser la question«Pourquoi cela m'arrive à moi?» Cette angoisse qui avait disparu, un mois durant, me revenait frontalement. L'assistante sociale venait juste de raccrocher, quand mon père se présenta sur le quai. Sa démarche était loin d'être sereine et quand il commença à bredouiller des excuses en direction de mon accompagnatrice, j'ai pensé: «Bienvenue dans la réalité de ton quotidien!...» J'en voulais à mon père. Comment après un mois d'absence, pouvait-il arriver avec deux heures de retard et en état d'ébriété manifeste...

Je m'en voulais aussi. Comment avais-je pu m'inquiéter? Comment avais-je pu oublier ce quotidien?

Sans doute parce que la violence, l'alcoolisme de mon père, comme le décès de ma mère entraient dans le domaine du tabou.

4.Le silence et le tabou - le non dit

Le soir, seul dans mon lit, face à moi-même, c'est une peine inexprimable qui m'envahissait. Comment parler de tels actes posés par son père? Ma soeur, ne supportant certainement plus ces maltraitances, s'adressa aux services sociaux. Le jour même, elle fut placée en famille d'accueil. Je comprenais son geste. Mais quand les services sociaux furent diligentés pour une enquête au sein de la cellule familiale, j'ai refusé de parler. J'ai refusé de dire... parce que l'on ne dénonce pas son père, même si ce dernier a tort. Il n'était pas en droit de nous violenter...

Le départ de ma soeur ne fut jamais évoqué. Une fois de plus, c'est le silence qui prenait place au sein de la famille. Peut-être n'étais-je plus en mesure de supporter cette situation. Peut-être me sentais-je assez grand pour oser demander à mon père des explications sur tous ses «tabous».

Ainsi, un soir, j'étais rentré dans le désir d'avoir des réponses. J'étais face à mon père. Je ne lui laissais pas le temps de prendre la parole: «je veux savoir comment est morte ma mère? Que c'est il passé? J'ai le droit de savoir!». Pour seule réponse mon père me mit à la porte de chez lui. Le fait de dire les choses avait provoqué une rupture.

5.Un nouveau foyer pour une nouvelle vie

Je fus hébergé par la mère d'un copain. Cette femme vivait seule avec ses trois enfants. Très vite, je trouvais ma place au milieu de cette nouvelle famille. Je me sentais envahi d'un sentiment de bien être et de calme. Un matin, je fus réveillé par les gendarmes. Mon père avait signalé que je ne vivais plus chez lui. Interrogé sur ma situation dans leurs locaux, je ne pus m'exprimer. Le gendarme me signifia, qu'au vu de mon statut de mineur, je ne pouvais rester chez cette personne. Je fus conduit devant un juge des enfants. Le juge me signifia mon placement en foyer. Je lui exprimais mon refus en spécifiant que j'avais trouvé une famille où je me sentais bien et qui m'acceptait. Mon argumentation fut vaine au regard de la loi.

Je ne suis jamais arrivé au foyer. J'ai passé plusieurs jours à errer dans la rue, dormir dans une voiture. Quand la mère de mon copain l'apprit, elle vint me chercher et me dit de rentrer. «Tu ne peux vivre ainsi, et même si je dois être hors la loi tu rentres à la maison!» Je suis rentré à la maison avec l'angoisse de mettre la seule famille qui me convenait en danger, mais un sentiment de bien être...

Les jours s'écoulaient au sein de cette famille je ne sais pas comment, ni pourquoi, ni quelle fut ma motivation, quel fut l'élément déclencheur? Je pris mon stylo et me mis à écrire.

6.L'écriture pour soi...

Certains vont appeler ces lignes poèmes, textes ou autres... Pour moi ce fut d'abord une délivrance. Enfin j'exprimais mon mal être, enfin des mots étaient posés sur la douleur.

MERE

Toi que je ne connais pas

Toi qui es partie

Moi qui ai grandi

Toi qui aurais pu guider mes pas

Toi à qui j'aurais aimé me confier

Toi qui je sais m'aurais écouté

Tu m'as appris à marcher

Puis on t'a enterrée

J'ai eu d'autres mères

Mais je ne m'en souciais guère

Car tout le temps, je n'ai pensé qu'à toi

Maman

MERE DE SONGE

Cela fait treize ans maintenant

Et tu occupes la même place dans mon coeur

Cette place qui est et restera «la» tienne

Visions de beauté basée sur une photo

Je te défends sans l'ombre d'une hésitation

Le soir, dans ces moments de désespoir

Je t'imagine me prenant dans tes bras

Me réconfortant en séchant mes larmes

Si je ne t avais pas«mère de songe»

Je serais......

A quoi bon y penser ! Puisque tu es-la.

Mon stylo était ma nouvelle arme. Mon stylo me permit d'apaiser ma souffrance et de me mettre à l'écoute de celle des autres.

Ainsi jaillirent des textes pour les enfants:

CES MOMES

Quand je regarde ces mômes abandonnés !

LE BONHEUR

Laissons parler l'enfant

Le fruit de notre sang

Laissons parler son coeur

Le cri de son bonheur

Laissons voler l'oiseau

Pour qu'il chante de haut

Laissons battre ses ailes

Vers la route du soleil

Laissons éclore la fleur

Image du bonheur

Laissons la même faner

Il n'y a rien à regretter

L'enfant n'a pas parlé

Son coeur était serré

L'oiseau n'a pas volé

La cage l'en a empêché

La fleur n'a pas fleuri

Elle a été cueillie

Le bonheur est passé

Personne ne l'a remarqué

Le bonheur est au passé

Il n'y a plus qu'à regretter

Je me dis qu'il vaudrait mieux les aider

Que les enterrer

Vous les voyez traîner

Vous les voyez se bagarrer

Ce sont eux les voyous

Ce sont eux les vauriens

Mais pensez qu'eux aussi ils ont besoin d'être aimé

Un jour ils en auront «raz le bol»

De se sentir traqués

Ils feront une O.D.

Ou prendront des cachets

Ce jour là, alors on dira:

Ce pauvre petit était abandonné

Dommage il aurait pu y arriver

Mais le pauvre ne sait pas accrocher

Je tiens à vous dire

Un sourire aurait pu le sauver

Ce garçon que l'on enterre aujourd'hui

C'est vous qui l'avez tué

Désormais mon stylo m'amène sur les chemins de la douceur et des sentiments amoureux. Je rentrai dans le monde des adultes à cette période.

7.Le tournant professionnel et existentiel

De nombreux amis qui évoluaient dans le monde de l'animation me conseillèrent de travailler avec les enfants. Pour eux, l'écoute et les rires que je partageais avec ces derniers ne pouvaient que me prédestiner à travailler auprès des jeunes. A 20 ans ma réponse était, que ma révolte était encore trop présente, que j'avais dompté ma douleur, apaisé la souffrance de ces années passées, mais que je savais qu'une partie seulement du chemin était accomplie. Le sentiment de révolte était toujours présent en moi, prêt à se réveiller quand mes yeux se posaient sur un visage triste ou que j'entendais la douleur d'un jeune aux travers de ses paroles. Il me manquait encore une étape à franchir. Il me manquait la patience qui pouvait m'aider à les comprendre, les écouter. Cette patience qui pouvait m'aider à les accompagner afin qu'ils apprennent à dompter leur douleur.

Dans le même temps, j'étais en quête de reconnaissance. J'avais besoin de montrer aux gens, et surtout à mon père, que cet enfant révolté que j'étais, qu'ils dépeignaient sans avenir, était capable de réussir.

L'image que je garde de mon entrée dans le monde du travail pourrait être celle d'un demi de mêlée qui court vers les poteaux adverses. Une quinzaine d'années plus tard, j'offrais la représentation classique de tout un chacun de l'homme qui a réussit: j'étais installé dans le sud de la France, vivais avec une jolie femme qui m'avait donné un bel enfant et étais directeur d'hypermarché. Mon objectif était atteint. Le jeune révolté n'était plus, disparu, oublié, maintenant j'offrais l'image d'un jeune cadre dynamique, l'image de quelqu'un qui a réussi. J'aurais pu vivre longtemps ainsi. Sans passion. Mais ce manque me rongeait jour après jour.

Ces années m'avaient apaisé et apporté de la maturité. Elles m'avaient appris la patience. Je prenais le temps de réfléchir avant d'agir. Je posais les éléments avant de juger. Je cherchais à prendre du recul face aux situations. Le temps m'avait appris à être patient. Patient face à mon enfant. Patient face à mes désirs. Patient face à la vie.

Que manquait-il maintenant au jeune homme de vingt ans pour se tourner vers les autres, vers ceux qui souffrent, vers ceux qui se moquaient de ma reconnaissance, vers ceux qui comme moi à leur âge, sont tellement envahis par la peine, qu'ils ne peuvent réagir.

Le manque était découvert, ma vie ne pouvait être ce «cliché». J'étais assez mûr pour savoir que je n'étais pas une représentation du regard d'autrui mais que je voulais être là pour les autres; être leur stylo.

Le jour où j'en pris conscience ma vie bascula. Elle bascula d'autant plus que mon père venait de décéder. Une boucle s'achevait.

8.Le retour aux sources, la formation et la reconnaissance

Je revins m'installer en région parisienne, à Goussainville où j'avais passé la plus grande partie de ma jeunesse. Après des années d'errances affectives, des années à porter ma souffrance et ma douleur, un stylo m'avait donné la force de dompter ces dernières. L'écriture m'avait donné la joie de vivre et le réconfort. Comment avais-je pu oublier cela? Le bonheur que cela procure de dompter, apprivoiser sa peine et sa tristesse. Comment avais-je pu oublier la joie que l'on ressent quand on tend la main aux autres ? La joie que l'on ressent quand on devient leur «stylo»?

J'avais maintenant, grâce aux années passées, acquis ce qu'il me manquait au sortir de l'adolescence pour me tourner vers les autres. J'avais connu le foyer de Goussainville dans ma jeunesse, au travers du parcours de vie de copains qui y avaient été placés suite à une décision du juge des enfants. J'entrepris donc de postuler dans cet établissement en qualité de surveillant de nuit, seul poste disponible à l'époque. Ainsi commença ma nouvelle vie professionnelle, auprès et pour les autres, au foyer de Goussainville.

Désireux d'être reconnu par mes pairs, après cinq années de pratique, j'entrepris une validation des acquis afin d'obtenir le diplôme d'éducateur spécialisé. Dans le même temps, j'intégrais ma formation au Collège Coopératif de Paris. Cette formation m'amena à m'interroger sur mes pratiques et celles de mes collègues, et intervenants dans le cadre d'un signalement.

9. Epilogue

Quand j'entrepris cette recherche, j'étais loin de me douter que mon statut de père de famille allait m'amener à vivre le ressenti des parents confronter à cette situation.

Ma fille aînée vit avec sa mère à Toulouse depuis notre séparation. Je sais leurs relations conflictuelles. Lors de ses venues à mon domicile ou par téléphone, ma fille me fait part de ses difficultés. En septembre 2008, je reçus une convocation du juge des enfants de Toulouse concernant ma fille. J'appelai de suite la mère de ma fille. Elle m'informa que notre enfant avait discuté avec l'infirmière de son collège. Cette dernière inquiète des propos de notre fille avait fait un signalement. De par mes fonctions dans ma vie professionnelle, je rencontrais régulièrement les juges des enfants en qualité d'éducateur. Cette fois je me présentais face à ce dernier avec mon statut de père.

Mon parcours de vie m'avait amené à travailler dans le social. Par soucis d'apporter une réflexion des plus pertinentes, j'engageais une formation. Cette formation m'amena à m'interroger sur les maltraitances liées à la prise en charge des jeunes dans le cadre de l'article 375.

D'une posture de chercheur ma vie m'amenait à être en posture d'enquêté potentiel.

Chapitre 2

Le travail social et l'enfance en danger

« La recherche--action a l'ambition de ne plus séparer les faits et les valeurs, mais de redonner valeurs aux faits pour retrouver une responsabilité de l'homme agissant »

René Barbier, La recherche-action

Avoir de nobles projets, pour de nobles causes ne suffit pas! La construction et la mise en place d'un projet ignorent bien souvent les carcans de la réalité; réalité budgétaire, réalité lié aux textes, et aléas. Mais ces réalités ne doivent pas nous aveugler, nous faire perdre notre déontologie et notre professionnalisme. Car en plus de nous perdre, nous mettons les enfants en danger. Voilà mon état d'esprit et mon garde-fou au moment d'entrer en recherche.

Il convient de préciser d'abord le contexte dans lequel s'inscrit cette recherche-action. Ainsi, dans ce chapitre, je vais aborder l'origine du travail social dans le cadre de l'article 375 du code civil, à savoir la prise en charge des enfants en danger. Je poserai l'historique des maisons de placement et leurs évolutions au travers de l'évolution des textes et de la société.

1.L'origine du travail social

C'est au lendemain de la seconde guerre mondiale que l'action sociale a vraiment pris de l'ampleur en France.

Les premières associations qui virent alors le jour ont, pour beaucoup, résisté à l'usure du temps, sachant évoluer et s'adapter aux mutations des pratiques et des populations.

Une des premières associations pour l'aide à l'enfance et aux personnes en difficultés (ADAEA) fut fondée en 1956. Celle-ci était installée dans les bureaux de la CAF représentée par une assistante sociale. Ce ne fut que plusieurs mois après qu'elle obtint des bureaux au sein des Palais de Justice.

ADAEA assure aujourd'hui les mesures ordonnées par le parquet (aide éducative en milieu ouvert, enquêtes sociales, investigation d'orientation éducative, tutelles aux prestations sociales enfants) ainsi que les mesures ordonnées par les juges des tutelles et les juges aux affaires familiales.

2. Le cadre juridique du placement

Dès le Moyen Age jusqu'au XVlème siècle prévaut la charité. L'église joue un rôle essentiel dans la protection des enfants. Son rôle est de protéger les enfants contre la mort et la misère.

A la révolution intervient le concept de laïcité. C'est la Nation qui se charge de l'éducation physique et morale des enfants. Ces derniers abandonnés sont appelés orphelins.

Au XIX siècle, l'état prend conscience que, pour limiter les abandons, la Nation devait aider les familles qui pourraient ainsi garder leurs enfants. Le siècle suivant, la FRANCE développe le principe de la protection sociale et judiciaire de l'enfant au travers de textes et loi.

27 Juin 1904: Une loi est née, elle organise l'aide sociale à l'enfance. Cette dernière est à l' origine de la création des catégories d'enfants pris en charge (enfants secourus, en dépôt, en garde, les pupilles). Cette loi oblige chaque département à créer un lieu d'accueil et d'un bureau d'abandon. C'est cette loi qui influence encore aujourd'hui notre système actuel. Huit ans plus tard, soit en 1912, l'état français crée des tribunaux spécifiques pour les enfants. Dans chaque tribunal, le 24 février 1956, un code de la famille est mis en place. Ce dernier consiste à définir le profil des familles susceptibles d'avoir besoin d'une aide. L'aide sociale voit le jour, elle aide les intervenants à apporter une réponse à ces familles. Décembre 1958, une loi concernant «l'état de danger de l'enfant» (déficience ou carences familiales, comportement du mineur lui-même) est mise en place en France. Loi réformée dès 1959. Cette réforme élargit les possibilités d'interventions administratives et/ou judiciaires des professionnels de la protection de l'enfance. Les notions de santé, sécurité, moralité sont mises en avant et doivent être les axes de réflexions et d'interventions. Durant dix années, les textes ne vont plus être modifiés, ce jusqu'en 1970, la nation estime que la famille naturelle doit reprendre ses droits et sa place dans la prise en charge des enfants. Une idée nouvelle née : privilégier le maintien de l'enfant dans sa famille. Pour ce faire une loi sur l'autorité parentale est votée. Cette loi met fin à l'autorité paternelle. Au cours de la même année, (le 04 juin) le texte de l'assistance éducative, à savoir l'article 375 (texte complet en annexe) est introduit dans le code civil. Durant les années 1980, l'article 375 est modifié, au travers de l'évolution de la société et de ses mentalités.

Le 22 juillet 1983, le Conseil Général devient compétent en matière d'aide sociale à l'enfance. C'est à lui que revient d'organiser ce service et assurer le financement des prises en charge. Le 06 janvier 1986, une loi particulière définit de façon plus précise les missions du département en matière d'aide sociale à l'enfance. Le 10 juillet 1989, c'est la loi relative à la prévention des mauvais traitements à l'égard des mineurs et à la protection de l'enfance (Article 375) qui est redéfinie et modifiée aux travers de nouveaux termes, telle que la notion de «mauvais traitements».

06 Septembre 1990: création de la convention des droits de l'enfant.

L'application de la loi est confiée aux juges pour enfants.

Les actions dont dispose le juge pour répondre aux faits de maltraitances avérées sont de deux types:

Le juge constate au travers du rapport qu'il a en sa possession que la situation exige un suivi par un éducateur au sein de la famille, suivi appelé suivi en milieu ouvert. Dans ce cadre, il demande aux services de l'A.S.E. d'assurer ce service. Le suivi est mis en place en règle générale pour une durée de un an. Et renouvelable ou pas selon les constats posés aux travers du rapport établi par l'éducateur.

La réponse peut être le placement en foyer éducatif si le juge estime que l'enfant est en danger. Dans ce cadre ci, les services A.S.E. s'adressent aux associations pour la prise en charge du jeune et assurent le suivi, ainsi que le lien avec le juge durant le placement. Comme dans le cas précédent, le placement est notifié en général pour une année. Le renouvellement s'effectuera sur les rapports transmis par le foyer aux services A.S.E., lors d'une réunion de synthèse.

Beaucoup de professionnels souhaitent que des mesures intermédiaires soient mises en place. Certains sont mêmes des précurseurs dans le domaine. Avec l'aide de juges et du Conseil Général (financeur), deux associations, le S.E.M.O. et S.A.P.N.M. ont mis en place des mesures alternatives.

Le S.E.M.O. (Service en milieu ouvert):

Le S.E.M.O. est né dans les années mille neuf cent soixante dix. Parti d'un constat: les jeunes filles après des années en foyer devaient réintégrer le domicile familial. Cela par moment se passait très bien mais à d'autres moments, c'était retour en foyer. Ce constat était vécu comme un échec, par les professionnels et les jeunes filles.

De ces expériences sont nés «les appartements en semi-autonomie», destinés aux jeunes filles qui pouvaient ainsi réintégrer le domicile familial progressivement. Au sein des ces appartements, des professionnels étaient à l'écoute des jeunes filles afin qu'elles puissent échanger sur leurs difficultés.

Le S.A.P.M.N. (Service d'adaptation progressive en milieu naturel):

Le S.A.P.M.N. est né dans les années mile neuf cent quatre vingt. Parti du même constat que le S.E.M.O. mais à destination des jeunes mineurs.

La démarche mise en place fut faite de manière différente avec une plus grande implication du juge pour enfants et un travail de concert avec les parents. Le juge des enfants validait un retour en famille. Les éducateurs restaient en lien avec la famille. Si des problèmes venaient à apparaître, les parents comme leur enfant pouvaient demander une prise en charge temporaire au sein du foyer. Ainsi la reconstruction des liens se faisait de manière progressive.

Suite à une enquête sociale, le juge est souvent amené à prendre une décision de placement.

Cette décision devrait être motivée par le contenu de l'article 375, qui mentionne la mise en danger de ce dernier, et ou la maltraitance. Bien souvent, la maltraitance, et la mise en danger se traduisent par la situation sociale de la famille. Perte d'emploi, de logement, etc. qui emmène la famille dans la misère sociale.

Cette misère mise en avant est-elle signe de maltraitance ou de mise en danger? Cette mise en avant sous-entendrait que les gens «pauvres» ne peuvent engendrer que maltraitance, et/ou mise en danger de leurs enfants. Pour répondre à cette détresse humaine, les juges des enfants n'ont pour leur part que le cadre de l'article 375 pour apporter des solutions.

La prise en charge de ces jeunes induit un nombre important de personnel professionnel compétent pour assumer cette dernière. Hors, il s'avère, dans un rapport établi par le ministère social, en juin 2007, qu'il manque dix mille éducateurs en région parisienne, pour répondre aux demandes des juges.

Pour palier ce manque de professionnels, les services de la D.A.S.S. demandent aux M.E.C.S., qu'au minimum 25% du personnel éducatif?(*) soit diplômé, afin d'assurer un suivi cohérent des situations.

Nous pouvons lire cette exigence d'une autre manière:

75 % des personnes intervenant dans le cadre de la prise en charge de jeunes mineurs en M.E.C.S. peuvent ne pas être diplômées.

La prise en charge d'un jeune par une association dans le cadre de l'article 375, faite à la demande de la D.D.A.S.S., lui est rémunérée par cette dernière à la nuitée.?(*)

Le prix de ces nuitées est le fruit de négociation entre le Conseil Général et les directeurs d'établissement. Il est renégocié tous les ans lors de la présentation du bilan annuel des associations au Conseil Général.

Le prix n'est pas fixe et peut varier d'une structure à l'autre, et d'un département à l'autre. Pour exemple: Une structure de Paris prenant en charge 24 jeunes dans le cadre de l'article 375, au prix de: 80 euros la nuitée par jeune. Un autre foyer en région parisienne, prenant en charge 20 jeunes dans le cadre de l'article 375, a un prix de nuitée de 177 euros par jeune?(*)

La protection des mineurs dans le cadre de l'article 375 induit une protection contre toutes maltraitances dont pourrait être victime l'enfant dans le cadre de la structure familiale.

Les outils prévus par le législateur pour faire face à ces maltraitances sont de deux types?(*) :

Le suivi A.E.M.O.:

- dans ce cadre-ci, le jeune reste chez lui. Ce sont les services sociaux qui se déplacent à son domicile. Ils rencontrent les parents, la fratrie, et le jeune à intervalles réguliers tout au long de la prise en charge. Dans ce cadre ci, le jeune continue à évoluer dans son environnement.

Le placement en M.E.C.S.:

- le jeune est pris en charge par l'institution tout au long de la semaine avec dans certains cas des possibilités de retour en famille le week-end. A contrario de la prise en charge mentionnée ci dessus, le jeune est écarté de son milieu, de son cadre de vie.

3. Le placement

L'origine des foyers éducatifs

Au XVIIe siècle, la prise en charge des enfants, qui pour la plupart étaient abandonnés, était la même que l'assistance aux adultes. L'abandon des enfants dans la capitale représentait 30% des naissances.

Les enfants étaient pris en charge par les hôpitaux et les hospices avec les vieillards, les indigents, les vagabonds et les infirmes, et ce depuis le Moyen Age.

A la Révolution qu'une loi voit le jour,«La Nation se charge désormais de l'éducation physique et morale des enfants connus sous le nom d'enfants abandonnés et ils seront désormais indistinctement appelés orphelins.»

Un arrêté en date du 20 mars 1797 décide de confier ces enfants à des nourrices ou à des particuliers, afin qu'ils soient élevés et instruits, ce jusqu'à leurs douze ans.

Un décret du 19 janvier 1811 décide que, passé leur douzième année, les enfants seront placés en apprentissage. Les premiers orphelinats apparaissent en 1888. Orphelinats appelés: «maison de correction ou de préservation». Dès la création des internats, une connotation répressive est donnée à ses derniers.

La loi du 28 juin 1904 «relative à l'éducation des pupilles de l'assistance publique difficiles ou vicieux» précise que le public concerné est celui des mineurs ne pouvant être confiés à des familles en raison de «leur indiscipline ou de leurs défauts de caractère».

On cite fréquemment les Jésuites comme fondateur des foyers éducatifs. La pédagogie qu'ils mirent en place fut inspirée par les règles de vie monastique: obéissance, soumission à l'autorité, vie rude, austère, ritualisée et disciplinée. Ils sont aussi à l'origine des éducateurs référents appelés à l'époque «directeurs de conscience.»

D'autres expériences ont vu le jour, on peut citer:

Pestalozzi dans un domaine de Birr, en Suisse. Le mode relationnel éducateur/enfant se fonde sur l'adhésion et la liberté. Il créera en 1806 un institut pour former les éducatrices de la petite enfance.

En 1885, Le George Junior Républic, qui accueille sur 150 hectares les enfants pauvres de New York.

Il y a aussi l'orphelinat de département en France qui base sa pédagogie sur les libertés individuelles et la confiance dans les potentialités de l'enfant. « La pire des familles vaut mieux que le meilleur des internats...» posait en postulat Bruno Bettelheim.11(*)

La capacité d'attachement et d'étayage des parents vis-à-vis des enfants est-elle suffisante? Suffisante pour apporter aux enfants le sentiment de sécurité et d'estime de soi dont ils ont besoin pour s'épanouir.

Ces qualités ne sont pas présentes d'emblée chez les parents. Leurs absences peuvent provoquer source d'angoisse et désorganisation pathologique chez l'enfant.

Comme l'écrit Michel CHAPPONNAIS12(*):

«Il est des circonstances où les accidents de la vie obligent les institutions à se substituer aux parents pour le bien de l'enfant...»

Le placement en internat éducatif doit être utilisé après une évaluation au plus proche de la situation de l'enfant et de sa famille. Non devenir un argument politique, comme le fit Mme Royale, en 2001, alors ministre de la Famille, en demandant une réduction de 50% des placements en institution.

Les structures de placement

En 2006, La France comptait 199 foyers départementaux dont 188 en gestion publique accueillant 9879 mineurs, 1126 maisons d'enfants à caractère social dont 61 en gestion publique et 17 villages d'enfants accueillant 900 mineurs.

Chapitre 3

Les pratiques d'éducations en M.E.C.S.

Avant d'aborder les pratiques d'éducations, je vais exposer le profil des enfants accueillis dans les M.E.C.S.

Pour la majorité des jeunes en structures, ils nous sont confiés dans le cadre de l'article 375 du code civil, pour les autres ils nous sont confiés dans le cadre de l'ordonnance de 4513(*).

Ce qui amène à des situations paradoxales, lorsqu'une structure a la double habilitation, comme c'est le cas au foyer de Goussainville.

«...Paradoxale, recevoir un jeune dans le cadre de l'article 375 car, il a subi des attouchements sexuels, et dans le même temps recevoir, un jeune dans le cadre de l'ordonnance 45 pour viol...

Paradoxale, mettre un jeune de 13 ans dans la même chambre, qu'un jeune de 17 ans, sous prétexte qu'il n'y a pas d'autre place, alors que l'on sait au travers de leur dossier que le premier est présent suite à des violences familiales et que le second est admis dans le cadre de l'ordonnance 45 pour violence volontaire...»

Journal de bord 2003

Nous ne parlerons que du profil des enfants pris en charge dans le cadre de l'article 375 dans l'immédiat mais le facteur mentionné ci dessus doit être pris en compte au travers de la réflexion que nous allons mener.

Les jeunes placés dans le cadre de l'article 375 sont pour la plupart en structure contre leur souhait. Ils ont été retirés à leur famille pour des raisons qu'ils ne peuvent concevoir surtout si ces dernières s'avèrent être d'ordre financier comme cela arrive.

D'autres jeunes sont placés pour des violences familiales, violences physiques.

Souvent ces jeunes sont issus de famille déjà connues des services sociaux.

Cela parait concevable si l'on se fit aux écrits d'ADLER Albert14(*)

«...Les parents ne sont pas des experts en pédagogie et n'ont souvent que la tradition pour les guider.» Mais cela interroge sur l'apport d'un jeune en structure pour son futur, si dans bien des cas son approche pédagogique vis à vis de ses enfants est à l'identique de celle qu'il a reçu de ses parents.

1. M.E.C.S. de Goussainville

J'exerce la profession d'éducateur, dans la structure J.C.L.T. Arobase de Goussainville. Cette structure est de type associatif, régie par la loi de 1901. Le foyer J.C.L.T. Arobase est situé dans le val d'Oise, sur la commune de Goussainville (ville de 27.000 habitants). Le foyer était situé à l'entrée de la ville, dans une zone pavillonnaire, à 2 minutes du RER, et du centre ville, ce jusqu'en septembre 2006.

L'association était installée depuis 1976, dans une ancienne abbaye, construite par les moines Cisterciens au XIIème siècle.

Au début du vingtième siècle, l'abbaye est devenue domaine des petites soeurs de l'ouvrier, dévouées aux pauvres et malades de la commune. Aujourd'hui le bâtiment appartient à l'évêché de PONTOISE, qui, loue le rez-de- chaussée et le second étage du bâtiment à l'association.

2. Présentation de la structure à l'origine

L'association a implanté ses bureaux administratifs au second étage. Le rez-de-chaussée composant le lieu de vie comprend:

6 chambres (chambres qui étaient, à l'époque des cisterciens, des cellules), qui ne sont pas individuelles, une grande salle à manger, une cuisine, une lingerie, une salle d'activité, où les jeunes peuvent regarder la télévision, jouer aux jeux de société, faire toutes activités de détente, des sanitaires et un bureau faisant office de chambre de veille pour le surveillant de nuit.

Le foyer J.C.L.T. Arobase dépend de l'association J.C.L.T. qui s'occupe de plusieurs foyers à Paris, dans l'Oise et dans le Val d'Oise.

L'équipe du foyer était constituée d'un chef de service, une psychologue, une secrétaire, une lingère, un agent de service, un surveillant de nuit, cinq éducateurs.

Il est prévu pour accueillir 12 jeunes de 12 à 18 ans. Pour être admis au foyer, le jeune doit: soit être scolarisé, soit être en formation professionnelle du type C.F.A. (centre de formation en apprentissage).

Depuis le mois de septembre 2006, le foyer J.C.L.T. Arobase a déménagé. Il est désormais installé dans deux pavillons, toujours sur la commune de Goussainville. Chaque structure est prévue pour recevoir un groupe de dix jeunes.

Les deux structures sont distantes de cinquante mètres l'une de l'autre. La répartition des groupes de jeunes est faite en fonction des âges de chacun. Le premier pavillon accueille les jeunes de douze à quatorze ans. Le second les jeunes de quinze à dix huit ans. Cette répartition est le fruit d'une réflexion d'équipe. Le postulat est qu'il ne peut être appliqué les mêmes règles à des préadolescents et à des adolescents.

Les moyens d'accueil

Afin d'accueillir et d'accompagner les jeunes au plus près, le choix en matière d'hébergement se porte sur trois petites structures:

Le pavillon «des petits»

L'accès au pavillon se fait par le sous-sol. On entre directement dans la salle de repos, qui est aussi la salle de télévision. Au même niveau se trouvent le réfectoire et la cuisine. Dans le prolongement de la salle de télévision, se trouvent la buanderie et deux toilettes.

Au premier étage, se trouvent le bureau des éducateurs et le bureau pour le chef de service. Trois chambres de deux, ainsi que des sanitaires avec deux toilettes et deux douches, réservés aux jeunes de l'étage.

Au second étage, le local de la maîtresse de maison. Deux chambres de deux, ainsi que deux douches individuelles, et un toilette.

Pavillon «des grands»
Il accueille dix jeunes de 15 à 18 ans. Il offre six chambres dont une adaptée à l'accueil de personne à mobilité réduite. Au rez-de-chaussée, se trouve: la cuisine, la buanderie, la chaufferie, la salle à manger ainsi que la chambre et la salle de bain adaptée à la personne handicapée. Au premier étage, nous disposons du bureau des éducateurs/ chambre de veille, de deux grandes chambres doubles et de sanitaires. Au deuxième niveau, une chambre simple et deux chambres doubles ainsi que des sanitaires. Un local au fond du jardin compose le bureau de la direction et celui de la psychologue.

Les appartements.

Il s'agit de trois appartements pouvant recevoir chacun trois jeunes de 16 à 21 ans. Dans chacun d'eux, les jeunes disposent d'une chambre individuelle et partagent les espaces communs qui sont la cuisine, la salle de bain et le séjour.

L'un des appartements dispose d'une pièce supplémentaire qui sert de bureau pour les éducateurs.

3. Projet de l'association

Le projet est pensé pour l'accueil de jeunes de 12 à 21 ans en continu, c`est à dire un accueil 24 heures sur 24 tout au long de l'année. Il permet la pratique d'entrées et de sorties permanentes en fonction des places disponibles. Autour d'objectifs généraux s'organisent l'hébergement, la prise en charge du collectif, l'évolution individuelle du jeune. Cela nécessite une organisation d'équipe et un travail en partenariat avec tous les acteurs intervenant dans la vie du jeune.

Les objectifs généraux: (tels qu'ils sont présentés dans le livret d'accueil)

La protection de l'enfance en danger et le traitement de la problématique afférente : carence de soins, carence éducative, maltraitance physique et morale, abus sexuels et comportement déviants et incestueux, échec scolaire, trouble relationnel familial et social.

L'insertion scolaire, sociale, familiale, avec la mise en place d'un soutien scolaire, la relation avec les services de milieu ouvert et l'intégration du tissu social.

Promotion du jeune par la restauration de sa place de sujet au sein de la communauté mais aussi au sein de la famille et par le nécessaire accompagnement vers une suffisante autonomie qui permet de trouver sa place d'adulte et de citoyen.

3.1.Du projet à la réalité

Comme dans tout projet avec objectifs, on se rend compte que ces derniers sont nobles et empreints de grands principes généraux. Objectifs qui sont perdus de vue par moments lors de la prise en charge des jeunes.

L'association n'a pas reçu de courrier de la part des services A.S.E. un suivi de prise en charge ou autre document définissant la continuité de la prise en charge d'un jeune. Le jour de c'est dix huit ans, la direction sous couvert de loi, nous a demandé tout bonnement de lui faire quitter le foyer. La réalité s'est traduite ainsi:

«... C'était le matin de ces dix huit ans, nous étions un samedi. L'éducateur en poste ce jour là avait reçu la consigne de demander au jeune dès son réveil de quitter l'établissement. Nous savions qu'il n'avait nulle part où aller.

Toute l'équipe éducative se retrouva sur la structure à 9 heures du matin, afin d'étudier les possibilités qu'ils étaient en mesure de mettre en place pour aider ce jeune tout en respectant la demande de la direction.

Chacun avait conscience que la situation était due au fait que nous n'avions pas fait notre travail. En effet, l'éducateur référent de la structure qui s'occupait du jeune était en longue maladie. Il avait dit avoir fait le nécessaire, à savoir une demande de continuité de prise en charge, appelé prise en charge jeune majeur. Nous, nous sommes contentés de ses dires et n'en avons pas vérifié la véracité. Il s'est avéré que le travail n'était pas fait.

Après réflexion, nous nous sommes cotisés et avons payé l'hôtel au jeune pour la semaine suivante. Cette initiative permis au référent A.S.E. de faire une demande de contrat jeune majeur en urgence.

Quand la direction prit connaissance de notre initiative, elle nous fit part de son mécontentement mais ne put se permettre de sanctionner l'ensemble de l'équipe...»

Journal de bord 2006

Un exemple comme celui ci n'est pas un cas isolé, mais ce n'est pas dans le même temps le fonctionnement habituel de la structure. Les suivis des jeunes sont assurés et assumés pour beaucoup d'entre eux.

Les objectifs spécifiques(tels qui sont présentés dans le livret d'accueil). Je ne modifierai en rien le texte et sa présentation, afin de mettre en avant l'écriture administrative et impersonnelle de ce dernier.

- Accueillir, protéger, éduquer les jeunes confiés et ainsi favoriser leur épanouissement.

Maintenir ou rétablir les liens familiaux en liaison avec les services sociaux et favoriser le retour en famille chaque fois que cela est possible.

Définir un projet individualisé pour chaque jeune accueilli en lien avec les travailleurs sociaux, les magistrats et la famille. Soutenir la scolarité et favoriser la construction d'un projet professionnel. Apporter le soutien éducatif et pédagogique permettant la re-mobilisation scolaire et la réintégration la plus rapide possible dans le système éducatif traditionnel pour les jeunes qui en seraient sortis. Offrir un soutien éducatif et psychologique nécessaire au bon développement du jeune. Favoriser l'intégration des jeunes dé-scolarisés dans les dispositifs d'insertion de droit commun. Organiser une orientation si nécessaire. Développer l'éveil et la participation aux activités culturelles et sportives permettant de structurer la personnalité et favoriser la socialisation. Privilégier l'inscription du jeune dans les activités proposées à l'extérieur du foyer, par les organisations locales qu'elles soient municipales ou associatives. Favoriser la participation des jeunes et des familles dans la mise en place et le fonctionnement d'un conseil d'établissement adapté.

Le conseil d'établissement est une obligation de la loi de janvier 2002. Cette obligation bien que présente dans les objectifs spécifiques n`a jamais été mis en place.

Certains professionnels impliqués dans la prise en charge individuelle d'un jeune mettent leur professionnalisme à l'application des objectifs. Comme cet éducateur, qui durant ces heures de temps libre a cherché un établissement professionnel pour le jeune dont il était référent. En plus de son temps, il a mis toute sa motivation à convaincre le directeur d'établissement afin que le jeune soit admis en formation. Son discours auprès des intervenants a permis à ce jeune d'intégrer un lycée professionnel, dans la filière de son choix.

Tous les professionnels n'ont pas la même implication, le même dynamisme. Cette différence a souvent été évoquée avec la direction en réunion. Une des réponses préconisées fut de mandater un éducateur au service scolaire. Cette solution ne fut jamais mise en place.

Les liens familiaux sont souvent mis en avant par les éducateurs comme moyen de sanction (si tu..... tu n'iras pas en week-end!). Cette posture ne peut être en adéquation avec les objectifs spécifiques et encore moins avec la demande du juge, et les textes en vigueur dans notre pays.

Ces objectifs (généraux et spécifiques) ne sont jamais communiqués aux éducateurs lors de leur recrutement et il en est de même pour les fiches de postes de ces derniers. Par ailleurs, ces documents sont très rarement demandés par les professionnels qui postulent pour un poste, qu'ils soient expérimentés ou pas!

Est ce cela qui amène à des situations où le jeune se sent frustré?

Comme ce jeune qui est arrivé au sein du foyer après un an d'errance. Une année passée hors de tout système social et de toutes règles. Comme il était en obligation scolaire, l'éducateur responsable du jeune l'inscrit au collège, sans concertation avec ce dernier et sans réflexion sur l'aménagement d'un rythme de réinsertion scolaire.

«Du jour au lendemain, le jeune dut se lever tous les matins, respecter toutes les règles de l'institution. Une pression constante, mot souvent utilisé par les professionnels face aux jeunes quand ils sont pris en charge par l'institution, fut mise sur le jeune. Un matin, le jeune se leva mais n'arriva jamais au collège. Ce fut le début d'une longue série de fugues. Il advint ce qui devait arriver; la direction du foyer demanda une main levée pour la prise en charge de ce jeune en justifiant qu'il était impossible de travailler avec ce dernier de part son comportement. Ses affaires furent ramenées à l'A.S.E....»

Journal de bord 2006

Aujourd'hui, on parle pour les sans domicile fixe de réinsertion palliative, car on a pris conscience que la réintégration sociale ne pouvait s'effectuer du jour au lendemain. Même si le profil n'est pas le même, ne doit-on pas laisser aussi aux enfants le temps de l'intégration sociale?

3.2. Cadre juridique

Placements dans le cadre de l'article 375.

Suite à un signalement émis par un tiers, qui peut être un membre de la famille, un voisin, l'école, voire le jeune lui-même, qui estime que:

La santé, la sécurité, la moralité sont en danger. Voir que les conditions éducatives d'un mineur sont compromises. Après enquête de la part des services A.S.E., un juge est saisi. C'est ce dernier qui décide quel type de mesure mettre en place pour la protection du mineur. Quelle que soit sa décision, ce dernier la transmet à l'A.S.E. Quand une demande de placement est formulée, l'A.S.E. se met en quête d'une place en foyer éducatif. C'est dans ce cadre ci que nous sommes contactés. L'A.S.E. nous adresse la synthèse présentée au juge, ainsi que l'ordonnance de placement. Il est à noter: Que la demande ne sera prise en compte que si un projet scolaire ou professionnel est présent dans la synthèse.

La principale problématique rencontrée face à ces jeunes qui nous sont confiés, est "la non-acceptation" de la décision du juge. Non-acceptation présente même quand c'est lui qui dénonce ces parents.

«...D'origine malienne, le jeune A. vivait avec ses parents, ses frères et soeurs. Le père travaillait toute la journée. La mère s'occupait de l'éducation des enfants. Un jour en rentrant de l'école, le jeune A. informa sa mère qu'elle était convoquée au collège suite à des problèmes liés à son comportement. La mère traduisant le comportement de son fils comme un manque de respect face à l'effort d'intégration de ses parents, le frappa avec le manche à balai.

Le lendemain au collège, le professeur interrogea le jeune A. pour connaître la réaction de ses parents suite à la convocation. Ce dernier expliqua sa soirée. Sur ce, le professeur fit un signalement auprès de l'assistante sociale de l'école. Le signalement suivit son cours, pour arriver sur le bureau d'un juge qui convoqua le jeune et les parents.

La mère explique qu'elle ne pouvait accepter que son fils se comporte ainsi, et que la punition corporelle n'était en rien répréhensible dans son pays. Qu'elle-même avait été élevée ainsi !

Le positionnement du juge fut tout autre. Il expliqua que les punitions corporelles n'étaient pas admises en France et que de part ce fait c'est son comportement (à la mère) qui faisait percevoir une non intégration de la famille aux lois de la France. De par ces faits, il décida de placer le jeune A. en foyer d'accueil..»

Journal de bord 2005

Outre "la non-acceptation" de la part de l'enfant, il y a aussi la non-acceptation de la part des parents qui traduisent cette décision comme un jugement négatif vis à vis de l'éducation, et l'amour qu'ils portent à leur enfant. (Ex: «nous ne sommes pas de mauvais parents!» «On les aime...»)

Placements «directs».

Le placement«direct» est fait sur l'initiative de la famille, en accord avec les services A.S.E.. Il intervient bien souvent après que les parents ont sollicité les services sociaux suite à un conflit familial, un problème financier, et ou un problème scolaire. Le placement est le fruit d'échanges entrent les services sociaux et la famille.

Il est en règle générale proposé par l'A.S.E. Ce mode de placement ne sollicite pas l'intervention d'un juge des enfants.

La problématique principale, face au placement direct est : les parents s'attribuent comme un échec parental leur décision. De ce fait, involontairement, dans leur comportement aux travers de critiques portées contre l'institution, ils essaient de faire échouer ce dernier.

«...Le mari de Madame X. était hospitalisé. Madame n'arrivait plus à gérer le comportement de son fils. Depuis l'hospitalisation de son père, le jeune refusait toutes formes d'autorité, à la maison, mais aussi à l'école. Madame X. débordée pris contact avec les services A.S.E. Durant plusieurs semaines, et malgré l'intervention d'un éducateur le fils de Madame X ne changea pas de comportement. Quand les services sociaux proposèrent à cette dernière un placement en structure, madame X y adhéra. C'est ainsi que le jeune K. arriva chez nous.

Les premiers temps, nos relations avec Madame étaient constructives. Madame relayait les paroles portées par l'institution. Le temps passait et le jeune ne changeait en rien de comportement. Il continuait à sécher les cours, fuguait du foyer. Ses retours en week-end se passaient très mal.

Lors du placement, Madame X. s'était remise en cause, et avait exprimé le fait de ne pas réussir à élever son enfant. Lors des entretiens, elle remit en cause ses qualités éducatives de mère. Plus la prise en charge avançait, plus son discours négatif vis à vis d'elle se déplaçait sur l'équipe éducative parce que le comportement de son fils n'évoluait pas.

A la fin de l'année scolaire, Madame X. retira son enfant de la structure pour le confier à ses oncles «qui seraient plus aptes que nous.....» (propos de la mère)

Journal de bord 2006

4.De la visée théorique aux pratiques

Historique du métier d'éducateur

Les écrits professionnels des travailleurs sociaux reflètent des pratiques fortement marquées par leur époque, les représentations, et les conceptions. On peut voir aux travers des exemples cités ci après que la vision des professionnels a toujours été marquée par les normes dominantes de leurs époques. Exemples d'écrits aux travers des temps. Exemples extraits du lien social de janvier 1995.

Ainsi en 1961 n'hésite t-on pas à présenter les familles comme fragiles, révélant à la fois leurs insuffisances éducatives (l'autorité paternelle étant devenue inopérante vis-à-vis de l'enfant) et leur mode de vie défectueux.

En 1965, on parle de «déviations morales» des parents, de leur«incompétence» à concevoir une organisation familiale d'où découle l'insécurité.

Le désoeuvrement des enfants, on évoque l'ignorance qui rappelait l'époque moyenâgeuse, les taches des éducatrices et éducateurs étant présentées comme insurmontables. Et de disserter sur la paresse qui serait l'aboutissement des chutes successives de la morale, de l'autorité des rites familiaux:«Beaucoup d'enfants issus des familles suivies ont un genre de vie ralenti, restreint, pauvre. Ils méconnaissent les principes élémentaires qui aident à découvrir les bienfaits de l'éducation, des relations avec les autres. Du reste leur pauvreté verbale les empêche à des échanges valables, de communiquer avec un autre monde que le leur.

En 1975, on soutient la dimension de la reproduction intergénérationnelle de ces modes de vie: les récidives des déviances familiales se constatent héréditairement. Nous constatons le même phénomène qui se reproduit avec les enfants devenus parents, c'est-à-dire la rusticité qui empêche l'évolution,«Tel père est présenté en 1967 comme réputé courageux et alcoolique, comme ses parents d'ailleurs. Les pères en général sont abordés à partir de leur fonction instrumentale: pourvoyeur de revenus, leur rapport au travail est essentiel» les ressources sont suffisantes bien que le père ne travaille pas. Comme il y a un enfant chaque année et parfois deux dans les bonnes années le montant des allocations familiales s'élève tous les ans «(1964) ou encore « Monsieur est paresseux parasite de la société» (1964) sans oublier les jugements particulièrement stigmatisants» monsieur semble avoir abandonné son penchant pour la bouteille» (1965) ou encore «Monsieur est un homme dépravé par l'alcool, père considéré comme une ruine, un déchet, irrécupérable, complètement abruti» (1968).

Quant à la mère elle est assignée au foyer, à l'accomplissement des taches ménagères et d'éducation» La mère est très fatiguée, mauvaise maîtresse de maison, elle ne fait aucun effort pour tenir son foyer» (1962)» Nous estimons que le métier de veilleuse de nuit à l'Hôpital n'est guère conciliable avec le rôle d'une mère de deux très jeunes enfants et bientôt un troisième et nous souhaiterions que madame quitte cet emploi pour se consacrer à ses enfants. Madame est à surveiller et à contrôler»(1978)«la jeune mère peut se préparer à son destin d'épouse, de mère et de ménagère.» (1975)«La mère de moeurs légères. Le logement est très isolé, ce qui est un inconvénient car madame peut recevoir ces amants en l'absence de son mari»

Si l'on se réfère aux textes de loi précités ci dessus (chapitre origine de la loi), on se rend compte du décalage entre le contenu du texte dans sa demande et son approche, et le contenu des écrits des professionnels dans les mêmes périodes. Au travers de ce comparatif et le constat de ce décalage. La parution d'une loi n'est appliquée qu'avec du temps, de la réflexion et de l'évolution des mentalités des professionnels.

Educateur depuis plusieurs années mon rôle consiste à la prise en charge des jeunes mineurs qui nous sont confiés par la DASS, dans le cadre de l'article 375.

Prendre en charge signifie accompagner dans le quotidien les jeunes. Leur apporter un cadre sécurisant, être à leur écoute, les accompagner dans leur scolarité, être le relais avec leur famille afin que ces derniers puissent à plus ou moins long terme réintégrer cette dernière quand cela s'avère possible.

Le rôle de l'éducateur est de veiller sur les personnes qui lui sont confiées avec une obligation de par la loi et les contraintes professionnelles sont plus importantes que vis-à-vis de sa famille.

4.1Le recrutement de l'équipe éducative

A la rentrée de septembre, neuf postes d'éducateurs sur dix étaient pourvus. L'équipe éducative ne comptait aucun personnel diplômé, travaillant auprès des enfants. Sont ce les limites budgétaires qui ont induit ce recrutement? Je n'ai pas de réponse, mais l'équipe éducative des deux structures se présente ainsi aujourd'hui:

Un éducateur, non diplômé avec sept ans d'ancienneté, aucune expérience précédente. Deux éducateurs, non diplômés avec moins de deux d'ancienneté, aucune expérience précédente. Une éducatrice, non diplômée avec un an environ d'ancienneté, et dix ans d'expérience. Deux éducateurs, non diplômés avec six mois d'ancienneté et deux ans environ d'expériences en C.E.R. (centre éducatif renforcé). Un éducateur, non diplômé avec six mois d'ancienneté, aucune expérience précédente. Un éducateur, non diplômé avec quatre mois d'ancienneté, aucune expérience précédente. Un éducateur qui vient d'arriver, aucune expérience précédente. Seule la directrice est diplômée.

Fort de ce constat, j'ai demandé à la directrice que des formations soit données aux éducateurs. Dans l'immédiat rien n'a été mis en place.

Pour ma part, je suis le plus ancien au sein de l'équipe. A mon arrivée, l'équipe éducative était composée de quatre éducateurs. Deux éducateurs spécialisés avec une ancienneté de plus de dix ans pour l'un, et plus de vingt cinq ans pour l'autre. Un moniteur éducateur avec une ancienneté de sept ans environ. Un dernier dont je n'ai plus souvenir des diplômes ni de son ancienneté.

Quand, vous intégrez une équipe ainsi construite, les compétences de chacun vous aident, apportent toutes les bases de votre travail.

4.2 Présentation du rôle de l'éducateur

L'éducateur, en internat au sein du foyer J.C.L.T. de Goussainville, a pour rôle :

La gestion du groupe de jeunes au quotidien, sur et hors de la structure durant ses heures de présences.

La prise en charge individuelle d'un ou deux jeunes, prise en charge appelée référence.

L'éducateur est le moteur de la mise en place des règles de vie de l'institution. Il est le garant de la sécurité, du respect de la dignité de chaque jeune. Il se doit d'établir et ou de veiller au lien des jeunes avec leur famille en conformité avec les demandes du juge. Il est, dans le cadre d'une référence d'un jeune, le lien entre ce dernier et l'ensemble des partenaires extérieurs agissant dans l'intérêt de l'enfant.

L'éducateur se doit de transmettre régulièrement à l'A.S.E., au juge des rapports et synthèses relatant le comportement du jeune au sein de la structure.

Rôle théorique

Réveiller les jeunes le matin, afin qu'ils se rendent au collège. Avant leur départ, nous nous assurons qu'ils ont bien pris leur douche, déjeuné et fait leur lit.

Pour ceux qui ne sont pas scolarisés, soit: ils sont malades, nous les laissons dormir. Ils sont renvoyés de l'école, et dans ce cas, en sanction: nous les réveillons plus tôt que tout le monde, afin qu'ils préparent le déjeuner de leurs camarades, et après leur départ pour l'école, ils aident la femme de ménage et la lingère à l'entretien des locaux (aujourd'hui la maîtresse de maison). L'après midi, ils sont consignés dans leur chambre pour faire des devoirs

.Pour les autres, qui ne sont ni malades, ni renvoyés, nous les réveillons au plus tard à 9 heures. La journée, si nous n'avons aucun jeune sur la structure, nous en profitons pour rédiger nos rapports, et/ou nous mettre en contact avec les services extérieurs, types A.S.E. (aide sociale à l'enfance) ou P.J.J. (protection judiciaire de la jeunesse), cela dépend dans quel cadre l'enfant nous est confié.

Nous assurons une permanence dans le cas où un collège aurait besoin de nous joindre, ainsi nous pouvons intervenir tout de suite.

Au retour des jeunes, en général vers 17 heures, nous leur servons un goûter. Contrôlons leur carnet de liaison, afin de s'assurer que leur journée au collège c'est bien passée et les aidons à faire leurs devoirs.

Vers 18 heures, nous préparons le repas avec quelques jeunes pendant que les autres sont en salle d'activité, où ils finissent leurs devoirs.

A 19 heures, nous dînons tous ensembles, c'est un moment agréable, de partage dans la discussion. Les sujets de discussions sont bien souvent apportés par l'éducateur. Ils sont induits par le comportement du groupe durant les jours, et ou la journée précédente. Comportement qui peut être positif ou négatif.

Les soirées sont partagées entre: douches, jeux ou discussions dans les chambres.

Les journées présentent toutes le même rituel, rituel qui s'avère être cadrant pour les jeunes. Seul le week-end se présente différemment.

Généralement, le groupe est plus restreint: cela nous permet d'apporter plus d'attention aux jeunes présents. Ces derniers n'ont pas l'autorisation de rentrer chez eux. Il faut savoir que c'est le juge qui décide de la pertinence du retour en famille lors de la demande de placement, et que nous sommes dans l'obligation de nous conformer à cette mesure. Pour ces derniers, nous organisons des sorties, cinéma, base de loisirs, soirées télévision, et autres.

Ce cadre sécurisant permet de créer des liens avec les jeunes. Lien de groupe, et ou lien individuel.

La préparation du repas est l'un de ces moments. Autour des fourneaux, les jeunes se mobilisent plus pour partager avec l'éducateur, une discussion qu'ils auront amenée, soit autour d'un thème défini par l'adulte. Régulièrement c'est le moment que je choisis échanger avec les jeunes sur les règles de vie.

J'explique pourquoi nous ne devons pas en déroger. Le principe du cadre sécurisant pour les jeunes.

Le lien individuel se fait bien souvent à la demande du jeune, demande énoncée, souvent le soir au moment du coucher. Notre rôle est de décoder sa demande.

Pour simplement gagner du temps avant d'aller au lit, et celui qui éprouve vraiment le besoin de parler.

L'autre partie de notre travail est la référence d'un jeune. Travail, qui se décline comme suit en théorie:

La référence signifie devenir l'interlocuteur privilégié du jeune et de tous les intervenants extérieurs, qui ont un lien avec ce dernier; comme la famille, le référent A.S.E., le collège, autres...

Nous l'accompagnons à tous ses rendez-vous, chez le médecin, acheter des vêtements. Autant de moments où nous sommes seuls avec lui, moments privilégiés pour le jeune, mais aussi pour l'adulte. Ces moments duels nous permettent de travailler sur son avenir, ces souhaits vis-à-vis de sa famille, de son avenir proche ou plus lointain. Ce qui me surprend le plus, lors de ces échanges, est que les jeunes énoncent facilement les points qui leur semblent positifs dans leur prise en charge, analysent avec justesse les raisons de ce dernier. Réfléchisse avec sincérité sur leur avenir. Il juge avec pertinence le retour au sein de leur famille. C'est de ces échanges que nait la rédaction des écrits de type: synthèse que l'éducateur présentera au juge lors de l'audition de la reconduite de la demande de placement.

Le plus délicat, dans ce type de relation pour l'éducateur est de savoir garder assez de distance, et de neutralité. Ne pas perdre de vue:

Nous ne sommes pas les parents, nous sommes des éducateurs. Nous ne sommes pas les parents, mais sommes la référence adulte de leur quotidien.

Etre référence adulte du quotidien, c'est permettre aux jeunes de se projeter dans l'avenir aux travers de nos accompagnements. C'est leur permettre de prendre confiance en notre société et aux adultes qui la composent. De par notre rôle, nos interventions, nous influençons de manières positive ou négative le comportement des jeunes.

Théoriser, le rôle de l'éducateur, c'est théoriser les relations humaines, entre l'adulte et l'enfant. Mais la pratique montre que la théorie ne suffit pas nécessairement quand l'un et ou l'autre des acteurs n'est pas assez armé face à certaines situations.

Comment réagir, quand un jeune se met à insulter l'éducateur, insulter sa mère par exemple et que cela renvoie ce dernier à son histoire de vie. Dans ces moments, le jeune peut devenir maltraitant pour l'adulte. Et ce dernier apporter une réponse du même acabit au jeune.

Mais certaines maltraitances de la part d'adultes, professionnels de l'éducatif au sein de structure peuvent être violentes pour les jeunes. Violence verbale, comme cet éducateur, qui appelait un jeune «gros lard» parce que ce dernier avait une surcharge pondérale. Violences physiques, comme lorsqu'un éducateur «plante» une fourchette dans le bras d'un jeune ou lorsqu'un éducateur fait une balayette à un jeune. Violences psychologiques, pour les jeunes qui sont témoins de ces scènes. Psychologique et physique quand lors d'un transfert, un jeune tombe en moto, se brûle avec le pot d'échappement de cette dernière. Pour seul réponse, on ne le soigne pas.

Chapitre 4

Définition de la maltraitance

...Maltraitance et bientraitance semblent donc s'opposer parce qu'elles font référence au mal et au bien traiter, mais plus précisément parce qu'elles font référence à la pulsion de mort et à la pulsion de vie. La maltraitance, c'est ce qui rétrécit ou détruit la vie physique et psychique.

La bientraitance, c'est ce qui encourage leur continuité, qui favorise la pensée, même dans les situations les plus souffrantes, la plus grande des maltraitances étant probablement d'empêcher la liberté de pensée...15(*)

1. Etymologie

Avant d'aller plus loin dans ma recherche, il me parait important et judicieux de définir le mot «maltraitance». Définir ce dernier devrait me permettre de mettre en exergue les différentes formes, définition et interprétation faites à ce mot. Au travers de ces définitions naîtra mon appropriation, et ma propre interprétation qui mènera ma recherche.

Avant de porter ma réflexion sur l'approche contemporaine de la définition, je porterai mon regard sur la définition étymologique du mot. La définition étymologique est un paradoxe de par son double sens contradictoire dont l'usage actuel ne retient que le versant négatif.

En effet, «traiter» est issu du latin «tractare» qui signifie à la fois «s'occuper de» ou «caresser» et «traîner violemment» puis «manipuler» où «conduire». Au seizième siècle «traiter quelqu'un signifiait « le recevoir à sa table», «l'accueillir chez soi» de la naîtra le mot «traiteur». C'est au dix-septième siècle que maltraiter à prit la signification de «traiter durement. Ma définition sera issue des définitions actuelles, même s'il me paraissait important de rappeler la contradiction étymologique.

Je commencerai par définir la maltraitance en reprenant les références de Félix GAFFIOT16(*). Cette définition commence par un sens poétique; traîner avec violence, notamment par les cheveux; d'où l'idée de maltraiter en tiraillant. Plus couramment, ce même verbe signifie toucher souvent, manier, prendre soins (exemple des deniers publics, d'une opération de guerre) Je retiendrai la troisième acception de cette définition (se comporter, se conduire en vers quelqu'un de telle ou telle manière) qui rejoint nos préoccupations de bien ou mal traiter.

En 1968, Albert DAUZAT17(*), au travers de sa définition dans le Larousse étymologique et historique ne donne pas de définition directe du mot maltraiter mais définit traiter. Il rapporte ce mot au latin tractare, fréquentatif de trahere dont sont dérivés traire, trayon, sans oublier l'arme de jet qu'est le trait. Le verbe traiter ajoute une connotation de traîner, puis celle de manier, pratiquer, agir à l'encontre de quelqu'un. Au début du XVIème siècle apparaît maltraiter.

Le grand Robert dit du mot traiter provenant de tractare, On peut traiter quelqu'un aimablement ou, au contraire durement; dans ce cas c'est le traiter mal, le malmener, où le maltraiter. On découvrira aux travers des définitions, les définitions synonymiques de maltraiter.

Vient ensuite un modèle un peu plus complexe, bien qu'apparaissant aujourd'hui comme très réducteur, à savoir le modèle de la dégénérescence, qui s'est principalement développé, on le sait, au cours du XIXème siècle.

Dans ce cadre la maltraitance apparaît comme une sorte de voie finale obligée venant concerner des enfants inscrits au bout d'une filiation progressivement endommagée, de génération en génération, par les ravages de l'alcoolisme et de maux divers. La maltraitance ne représente au fond ici que la catastrophe ultime et attendue d'une dégradation psychologique acquise, mais définitivement inscrite et transmissible. Comme pour cette famille, dont le fils était scolarisé sur mon lieu de travail à l'hôpital.

Lorsque je fais le signalement pour maltraitance l'assistante sociale me répondit:" On connaît la famille, la mère, les oncles et tantes ont des dossiers chez nous...!»

2.La bien traitance

On ne peut traiter le sujet de la maltraitance sans faire référence à la bien traitance. Concept apparu dans notre vocabulaire (GABELL et coll. 2000)18(*) peut être pour faire contre pouvoir au concept de maltraitance qui mobilise tellement nos émotions. Il nous renvoie à ces deux idéaux de notre culture: La famille et l'enfance.

La bien traitance serait donc non seulement la réponse la plus adaptée possible au besoin de la personne (au sens de WINNICOT qui définit la mère suffisamment bonne)19(*), mais aussi le droit pour chaque enfant maltraité de rencontrer un environnement «suffisamment bon», susceptible de re-mobiliser ses forces vitales, de renforcer ces assises narcissiques, une relation sécure à l'environnement amenant l'enfant à saisir implicitement que la vie est bonne à vivre et suscite le désir de continuer l'existence. La bien traitance c'est peut être d'abord tout simplement l'espoir de rompre avec le malheur dont se sont habillées certaines familles depuis des générations, comme une seconde peau. La bien traitance c'est encore aider l'enfant à renouer les liens d'une histoire de vie chaotique ou les traumatismes, les blessures et carences narcissiques20(*) ont laissé les traces d'un mal de vivre. Penser les maux d'une enfance trop vite écoulée, laisser à ces enfants précocement mûris, le droit de régresser.

Alphonse d'HOUTAUD, et Michel MANCIAUX21(*) au travers du livre, «bien traitances, mieux traiter familles et professionnels» font un aparté, non étymologique mais de sens des mots sévices et sévérité, en s'interrogeant sur l'exagération sévérité, en latin severus, au sens de grave, sérieux, austère, puis de dur, rigoureux. Le mot sévérité qualifie les personnes promptes à punir ou à blâmer avec justice rigoureuse, dite sévère. Sévir, qui vient du latin saevir (être furieux, user de violence) avait au XVIème siècle le sens d'être en colère. D'où celui d'exercer une répression avec rigueur.

Derrière les termes de violences et de violent, il y a le latin vis, qui signifie la force, la vigueur; par exemple la force d'un courant d'eau. L'emploi de la force est susceptible d'entraîner l'animosité, parfois la violence; dans ces cas les plus extrêmes, des violences. En français est dit violent quelqu'un qui agit sans retenue, qui est brusque, impétueux, irascible, coléreux. On parle de sentiments violents; une passion, un amour, un chagrin, une fureur, une peur. La même variété de sens se retrouve dans le substantif «violence».

La bien traitance est devenue en quelques années un terme conceptuel dans le domaine social. Dans une interview du 06 février 200922(*), Isabelle DONNIO, psychologue enseignante à l'école des hautes études de la santé publique de RENNES, membre de Psychologie et vieillissement (association engagée sur la réflexion de la maltraitance vis à vis des personnes âgées) pose cette réflexion: «... Alors que la notion de maltraitance apparaissait comme une préoccupation de plus en plus partagée par les professionnels du secteur soucieux de faire évoluer leurs pratiques, nous avons assisté au cours des ans à un glissement sémantique substituant progressivement le mot «bien traitance» à celui de «maltraitance»

3. Connaissances en matière de maltraitance

Très schématiquement, on peut repérer plusieurs modèles étiologiques successifs dans le champ de la maltraitance. La maltraitance a d'abord, me semble t-il, été conçue comme une conséquence directe de la pauvreté et de son cortège de conséquences néfastes (promiscuité, alcoolisme des parents, dénuement matériel).... C'est en quelque sorte le stéréotype de «la Cosette» des misérables qui sert d'emblème à cette conception du déterminisme de la maltraitance. Les choses sont en réalité plus complexes.

Les mécanismes des liens de pauvreté et sévices ont en effet été étudiés de manière de plus en plus détaillée, permettant de distinguer l'impact des conséquences indirectes de la pauvreté (troubles nutritionnels, prématurité, accidents et handicaps divers, «pseudo débilité sociogenèse» et «maladie de l'échec scolaire» selon les termes de Stanislas TOMKIEWICZ altération de la qualité des liens parents/enfant...) de celui de ces conséquences directes (précarité des conditions de vie due au chômage, à l'isolement social et à la dégradation des relations intra-familiale, exploitation commerciale ou sexuelle des enfants).... Mais les liens entre la pauvreté et les sévices physiques, les négligences graves et les abus sexuels au sein de la famille sont des études plus délicates.

En tout état de cause, l'hypothèse selon laquelle la maltraitance touche tous les milieux sociaux et qu'elle n'est pas l'apanage des familles les plus défavorisées... Hypothèse au demeurant fort plausible. Le poids indéniable de la pauvreté dans le déterminisme d'un certain nombre de maltraitances est important. Ces deux premiers exemples mettent en exergue la misère sociale: les enfants maltraités sont alors perçus comme des doublements défavorisés, individuellement et sociologiquement.

C'est seulement dans le troisième modèle qu'une place peut être réservée à la maltraitance des beaux quartiers. Il s'agit en effet du modèle psychodynamique:

La maltraitance est désormais comprise comme fondamentalement surdéterminée (référence faite à une dimension poly factorielle), mais centrée sur l'ambivalence des parents à l'égard de leur enfant et par le conflit intra psychique primaire entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. Le, on bat un enfant de Sigmund FREUD23(*) ne reconnaît dès lors théoriquement plus de frontière sociale; Il est par essence ubiquitaire et la compulsion de répétition vient rendre compte des reprises trans-générationnelles de maltraitance, qui font parfois figure de destinée infernale. La psychanalyse n'allant cependant pas susciter nombre de résistances, là encore un voile sera progressivement jeté sur le sadisme des familles favorisées et même ce modèle se verra en fait beaucoup souvent évoqué, alors que rien ne l'y prédestinait pourtant, dans le cas des familles en difficulté, qu'on le veuille ou non, FREUD n'en fini pas de faire scandale et tout est toujours bon à prendre pour contester l'universalité de ces découvertes.

Plus récemment enfin la théorie de John BOWLBY24(*)(1907- 1990 un psychiatre et psychanalyste, célèbre pour ces travaux sur le lien mère/enfant) Théorie sur un nouveau modèle d'attachement, l'attachement: «sécure» où «insécure».

Des parents qui se font, à tort ou à raison, une représentation insécure de leurs premiers liens d'attachement dans leur prime enfance courent un grand risque de mettre en place avec leur enfant des interactions qui vont amener celui-ci à se forger également des modèles d'attachements insécures.

Le poids de ces «modèles internes opérants» parait ainsi énorme et le degré de liberté et la marge de manoeuvre seraient alors infimes. Ce dernier modèle a le mérite de prendre en compte les risques de répétition et cela dans n'importe quel milieu social. Ce à quoi il faut ajouter que la conjoncture économique générale, difficile depuis un certain nombre d'années, a fait paradoxalement surgir au sein même des familles classiquement favorisées un risque de chômage et de désorganisation familiale qui ramène à ciel ouvert le spectre de la maltraitance et des passages à l'acte dans des milieux où la censure sociale conduisait à ne pas vouloir les apercevoir.

Cette théorie montre ô combien la notion de maltraitance est fruit et réflexion de subjectivité dans sa définition et perception. Je me dois d'intégrer cette approche car ma propre définition risque d'être induite par ma propre subjectivité.

4. Perception et appropriation de la définition de la maltraitance

On se rend compte au travers des écrits, des textes de lois, des colloques organisés par les chercheurs, que la réflexion apportée aux situations de violences des enfants aux seins de notre société a toujours existé.

Alors qu'en 1975 la notion de mise en danger apparaissait dans la loi au travers de l'article 375 du code civil. En 1979, Pierre STRAUSS25(*) était un des premiers invités des «mardis scientifiques» du centre Alfred BINET. La salle était pleine; toutes les équipes étaient présentes, ces activités ayant un grand succès. Pierre STRAUSS arrive avec les diapositives faites à l'hôpital des enfants malades et commente des situations cliniques montrant des photos insoutenables d'ecchymoses, brûlures, fractures, hématomes...Doucement, modestement, il racontait ces histoires de famille, la souffrance des enfants et la salle se vidait progressivement.

Le mot «maltraitance» est «tabou» social jusque dans les années 1975. Le terme de maltraitance est apparu dans les textes de la loi du 9 juillet 1989. Loi relative à la prévention ou mauvais traitement sur mineur.

A 18 heures, à la fin de son exposé, il ne restait que trois personnes. Certains étaient partis discrètement, gênés, d'autres partaient en protestant, et seul l'affection qui liait certains à Pierre STRAUSS a empêche qu'il ne soit interrompu. Ce pauvre Pierre STRAUSS, quelle exhibition! Où va-t-il chercher tout cela? A-t-on entendu au travers de la salle.

A l'évidence, en 1979 l'évidence clinique était violemment niée. Cet exemple nous permet de constater, le décalage entre les textes et l'opinion public. L'acceptation des violences par la population n'est pas acquise par la promulgation d'une loi. Il faut voir au travers de cet exemple que même les professionnels ont besoin d'un temps d'appropriation face aux situations et à l'évolution sociétale dans la prise en compte des faits de violences et de maltraitance.

Les mauvais traitements faits aux enfants ont en effet été l'objet d'une longue prise de conscience. Cette connaissance n'est pas totale, elle avance par à coups, recule, ne se révèle au fil du temps que par réflexions successives, comme si la réalité ne pouvait s'intégrer qu'individuellement et lentement.

Le temps nécessaire qui permet à l'homme de s'adapter aux modifications de son milieu n'est sans doute pas seul en question.

D'autres mécanismes sont en jeu lorsque cette réalité insupportable apparaît à l'individu, qu'il soit professionnel du monde médical, social, éducatif, judiciaire ou simple citoyen. Si on l'admet, avec les théories psychodynamiques, que la résistance est bien une force que l'on met en oeuvre.

«Déni de la réalité, doute, banalisation, dénégation». Ces postures de résistances, de dénégations ont été longuement repérées, définit, et décrit par HADJIISKI26(*). Cette résistance, HADJIISKI la nomme temps d'appropriation, dit qu'il doit être pris en compte lors de la mise en place d'une loi ou dans la réflexion théorique que l'on porte lors d'études.

La maltraitance est apparue dans nos textes de lois en 1975, lors du dépôt de l'article 375 de la protection de mineurs. La référence à cette maltraitance était les violences physiques, et ou abus du même ordre. La violence psychologique est un domaine nouveau, que chercheur, professionnel, homme de lois commencent à prendre en compte. Ce qui induit que nous ne sommes qu'au début de la prise de conscience, du temps de l'appropriation par chacun de ce concept.

Toutes les définitions sur la maltraitance qu'elle soit d'un point de vue psychanalytique, psychologique, social, et du dictionnaire, toutes la catégorisent afin d'affiner au mieux cette dernière. Ces définitions affinées deviennent exhaustives, incomplètes. Comme le dit Claude HALMOS (psychanalyste), dans une interview sur France 5: toute définition est réductrice.

Stanislas TOMCKIEWICZ (pédopsychiatre) définit la maltraitance comme suit:

«J'appelle maltraitance, violence institutionnelle toute action commise dans ou par une institution, où toute absence d'action, qui cause à l'enfant une souffrance physique ou psychologique inutile et/ou entrave son évolution ultérieure.»

La psychothérapeute Eliane CORBET complète cette définition de la manière suivante:

«Entre dans le champ de la violence institutionnelle tout ce qui contredit ou contrevient aux lois du développement, tout ce qui donne prééminence aux intérêts de l'institution sur les intérêts de l'enfant.»

Les maltraitances sexuelles font de l'enfant un objet de plaisir par l'adulte. Les maltraitances psychologiques relèvent de la cruauté mentale, de la violence émotionnelle. Les maltraitances physiques sont une atteinte à la personne physiquement. La maltraitance médicale se définit comme un manque ou un défaut de soins. Une non prise en compte de la douleur.

Négligence actives: se définit par l'abandon. Négligence passive: elle relève bien souvent de l'ignorance. Privation: se définit par la limitation des libertés.

La maltraitance se définit aussi souvent par des mots synonymiques. Le premier d'entre eux est: La violence, violences conjugales, violences filiales, violences psychologique, violences physiques, violences gratuites, violences institutionnelles. D'autres synonymes existent: Mauvais traitement- Négligences graves- Abus de pourvoir- Carences.

Pour ma part, la maltraitance est un concept, comme le définit le dictionnaire de la sociologie. Concept dont les actes posés par un tiers vis à vis d'autrui amènent à une situation de violence pour la personne qui subie.

Violence psychologique, physique, autre. Un acte de maltraitance peut créer plusieurs violences sur la personne.

Le fait de lancer une fourchette, en réponse à un comportement crée une violence physique visible mais dans le même temps induit une violence psychologique pour celui qui la reçoit. Cette violence psychologique ne sera pas du même acabit selon la personne qui a lancé la fourchette. S'il s'avère que cet acte est posé dans un cadre professionnel, la réponse de l'institution pourra créer une nouvelle violence psychologique pour la victime. Si l'acte est commis devant des tiers cela crée une nouvelle violence, etc.

«Dans un exemple postérieur, je fais référence à un jeune d'origine étrangère qui après avoir informé son instituteur des coups qu'il avait reçu par sa mère en réponse a son comportement scolaire. Je mentionnais que le juge avait stipulé et motivé le placement de cet enfant auprès de la mère:«En France, la violence physique n'est pas acceptée et acceptable!»Cela devant le jeune. Ce jeune fut placé dans notre institution. Un soir lors du repas. Afin de ne pas travestir les écrits de mon collègue je vais retranscrire le mot du cahier de liaison.. PS: petit incident lors du déjeuner (pour info cela se passait le soir!) Explications, nous étions entrain de manger et pour rire N. se libère à table ( il pète quoi!). Et comme cela faisait..., il s'en donnait à coeur joie J'ai dit à N. de se lever de table et je lui ai lancé la fourchette tout doucement et elle est restée plantée. Dans son avant bras. Beaucoup plus de peur que de mal, il pissait un tout petit peu le sang, je l'ai désinfecté et mis un pansement. Tout va bien.»

Journal de bord 2004

La première violence dans ce contexte est physique pour le jeune. Une violence psychologique est présente pour l'ensemble des jeunes autour de la table avec en questionnement: «comment dans un lieu où nous sommes sensés être en sécurité une telle violence est créée par un professionnel !» Pour le jeune, victime principale, quel écho donner aux paroles du juge lors de son placement?

Au travers de cet exemple, c'est toute la construction psychologique dans le cadre de leur placement qui est remis en cause. Remise en cause des institutions et de leur confiance en l'adulte.

D'un acte de maltraitance posé. Il faudra étudier le contexte afin d'en définir les violences posées. Maltraitances qui peuvent être ressenties d'autant plus violemment dans ce cadre ci quand on sait qu'il est remis à chaque jeune qui arrive sur la structure le document qui suit, comme l'oblige la loi de janvier 2002.

Suit au préambule, les engagements de l'établissement auprès de toute personne accueillie. L'article premier de cette charte dit: Principe de non-discrimination

Dans le respect des conditions particulières de prise en charge et d'accompagnement, prévues par la loi, nul ne peut faire l'objet d'une discrimination à raison de son origine, notamment ethnique où sociale, de son apparence physique, de ses caractéristiques génétiques, de son orientation sexuelle, de son handicap, de son âge, des ses opinions et convictions, notamment politiques ou religieuses, lors d'une prise en charge ou d'un accompagnement, social ou médico-social.

L'article sept dit: Droit à la protection

Il est garanti à la personne comme à ses représentants légaux et à sa famille, par l'ensemble des personnels ou personnes réalisant une prise en charge ou un accompagnement, le respect de la confidentialité des informations la concernant dans le cadre des lois existantes. Il lui est également garanti le droit à la protection, le droit à la sécurité, y compris sanitaire et alimentaire, le droit à la santé et aux soins, le droit à un suivi médical adapté.

Cet exemple revêt l'ensemble des approches qui existent vis à vis de la maltraitance. La violence physique de laquelle découle la violence psychologique. Une violence psychologique de part son geste; effectué par un adulte et dans un cadre défini et reconnu protecteur pour les enfants. Sur un jeune qui est placé pour des maltraitances physiques de la part de sa famille. Violence physique qui se traduit de quelle manière, quand elle entre en écho avec les paroles du juge?

Situation de violence aussi pour l'ensemble du groupe de jeunes qui se trouvait autour de la table au moment du repas. Cet exemple, nous montre combien nos institutions peuvent être mal traitantes de par les actes et paroles posées. Les paroles du juge des enfants posées à la famille pour justifier le placement deviennent une négligence passive dans ce cadre ci.

De ces constats, nous pouvons établir le lien avec l'approche d'Eliane CORBET et Stanislas TOMCKIEWICZ dans leur définition de la maltraitance.

Chapitre 5

Le placement et le signalement comme maltraitance

«Former des concepts, c'est une manière de vivre et non de tuer la vie, c'est une façon de vivre dans une relative mobilité et non pas une tentative pour immobiliser la vie, c'est manifester, parmi ces milliards de vivants qui informent leur milieu et s'informent à partir de lui, une innovation qu'on jugera comme on voudra, infime ou considérable...»27(*)

Diverses raisons peuvent induire la maltraitance familiale. Ces raisons seront observées, étudiées, notifiés par des professionnels. Ces mêmes professionnels qui disent:

«...Nos institutions reproduisent les violences familiales! ...»

Observer, étudier, notifier nos institutions, c'est accepter de se remettre en cause. Prendre le risque de dénoncer la maltraitance pour rendre nos institutions bien traitantes.

Nos institutions peuvent-elles être mal traitantes pour un mineur dans le cadre de l'article 375?

1. Les institutions

Au travers d'une enquête, définie comme microsociologique?(*), par Isaac Joseph dans son livre «Erving GOFFMAN et la microsociologie, au sein de mon institution. Ma recherche est enrichie d'observations, de constats d'écrits, conflits institutionnels, d'entretien libre, avec la directrice de l'institution.

Ma recherche est réalisée sous forme de stage auprès d'un juge pour enfant du tribunal de Pontoise. Ce stage m'a permis d'assister en qualité d'observateur à des entretiens pour les renouvellements de prises en charge de jeunes dans le cadre de l'article 375.

Une enquête sous forme d'entretien libre, auprès d'une assistante sociale, travaillant au sein de la cellule de signalement du val d'Oise, complète ma recherche.

Ces enquêtes vont me permettre de suivre le positionnement de chacun dans la lecture de l'article 375. Comment, chacun traduit la maltraitance?

Les travailleurs sociaux mettent souvent en avant lors de placement la situation financière, les problèmes sociaux, etc. des familles pour justifier le placement.

Sont-ce des situations ou des éléments de maltraitance pour les enfants?

Mon lieu de travail, La M.E.C.S de Goussainville est mon terrain de recherche. Au sein de cette structure, j'ai «ciblé» les jeunes pris en charge dans le cadre de l'article 375 du code civil. Au travers de divers exemples mentionnés dans les chapitres précédents, je mets en exergue certaines maltraitances qui peuvent émerger dans la prise en charge. Toute prise en charge n'est pas mal traitante et se présente bienveillante pour certains jeunes. Comme pour le jeune:

«Le jeune B. est dans sa dix septième années. Il est scolarisé en terminale S. Abandonné par ses parents, alors qu'il était très jeune, B n'a connu que les foyers d'hébergement. Il eut son baccalauréat avec mention. Les résultats en mains, il dit: c'est grâce à vous! (Sous-entendu les intervenants de sa prise en charge)»

Livre de bord 2001

D'autres exemples peuvent être mis en avant:

«Comme celui de ce jeune, issu d'une fratrie de cinq enfants. Ils étaient tous placés en institution. Les parents ne souhaitaient en rien leur retour au domicile familial. L'institution se doit et se devait maintenir le lien entre le jeune et les parents. Le juge avait imposé des retours en famille le week-end. Nous avions appris que les enfants étaient dans l'obligation de rentrer avec de la nourriture sous menace de passer le week-end hors du domicile. Nous en avons informé le juge. Dans l'attente d'une réponse de ce dernier, pour ne pas priver le jeune de ses week-end, nous mettions à sa disposition de manière indirecte des boites et ou des pâtes pour que le jeune puisse rentrer chez lui»

Livre de bord 2001

Cet exemple nous montre, que l'institution a su se mettre dans une posture empathique face à ce jeune. Elle a su se donner le temps de réflexion, communiquer avec l'ensemble des intervenants pour poser une solution.

Ces exemples ne peuvent et ne doivent pas à contrario mettre un voile sur d'autres situations qui se sont avérées mal traitantes dans la prise en charge. Mal traitantes les paroles de certains professionnels au travers des mots posés.

Un éducateur qui surnomme un jeune avec un sur-poids:«...gros lard!...» Et cela devant l'ensemble des jeunes. Une maîtresse de maison, qui dit au groupe de jeunes: «...Mon fils est bien! Il travaille bien à l'école! Il écoute sa mère! Il n'est pas comme vous! ....

Cette violence verbale n'est pas réservée aux professionnels. Il est coutumier que ces derniers se fassent insulter, voire même frapper par les jeunes.

« Etant domicilié sur la même commune que le foyer, j'étais régulièrement appelé lors de situation de conflits. Un soir c'est une éducatrice qui m'appelle et me demande de venir en urgence. A mon arrivée, elle m'explique que tel jeune lui a mis une claque au moment de se mettre au lit ...»

Livre de bord 2002

La violence physique existe aussi de la part des professionnels. Les exemples précédents le montrent. Cette violence peut être avalisée, volontairement ou involontairement par l'institution de par son positionnement devant de tels faits.

Comme;

«...Un jeune avait subi et reçu des coups de la part d'un éducateur (celui ci avait écrit dans le cahier de liaison de l'institution... Les coups ont fusés... finalement ça l'a calmé!...) Dans le même temps un autre éducateur faisait une balayette ( Il le mettait au sol en lui faisant un croc en jambe) un jeune. Le jeune dût se rendre à l'hôpital. Il fut demandé à la direction de se positionner face à ces violences. La direction les expliqua avec ses mots: ...Problème abordé avec les éducateurs concernés...Il s'agit d'un moment ou l'éducateur était à sa 15 ou 16ème heures de travail dans la journée pour remplacer un collègue ou une absence...»

Journal de bord 2006

Voir émerger ces maltraitances au sein d'une structure qui agit dans le cadre de l'article 375, la prise en charge des enfants en danger, m'a amené à m'interroger sur les conditions de prises en charge en amont du placement. C'est ainsi que j'ai effectué une petite semaine d'enquête au sein du tribunal de Pontoise auprès d'un juge des enfants.

Cette expérience m'a permis de me rendre compte de la difficulté pour un juge des enfants de statuer sur la décision à prendre, comme l'a dit le juge au cours d'un entretien«... Quelques fois, on est obligé d'aller au placement faute d'autres moyens ! ...»

La violence physique est présente dans le cabinet du juge des enfants mais en priorité de la part des familles

«...Un juge pour enfant d'un tribunal de l'Est de la France poignardé par une mère qui refusait sa décision...» ce texte était apparu sur les écrans d'ordinateur lors de mon stage.

A contrario, la convocation des familles dans le bureau d'un juge peut être ...déclencheur d'une reprise en main de la part des parents de l'éducation de leurs enfants... (parole du juge des enfants)

Dans le bureau d'un juge, chacun prend la parole. Ce qui induit, le juge, les parents et les éducateurs et intervenant social présent.

Ces derniers peuvent poser des mots violents pour les parents comme ces éducatrices accompagnant une petite fille de deux ans.

«...Ne t'inquiète pas tu repartiras avec nous... ta maman ne te ramènera pas! ...»

Les parents peuvent aussi avoir des mots violents vis à vis de leurs enfants. Comme cet oncle et cette tante parlant de leur neveu en ces termes «...Il est débile!» Ou encore cette mère qui dit à son fils aîné«...tu dois être sacrifié...». Sous-entendu placé pour éviter que ton frère le soit aussi.

Cette semaine au sein du tribunal m'a montré que les juges des enfants se sentent souvent désarmés face à certaines situations. Ils estiment que les textes en vigueur n'aident pas à répondre aux situations rencontrées. Ils sont conscients des difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux. Ces derniers attendent beaucoup de la loi de mars 2007 donnant la possibilité aux conseils généraux de financer tous modes de prises en charge.

Cette loi devrait permettre aux intervenants sociaux de proposer des solutions alternatives aux placements et/ou mesures de suivis éducatifs aux juges des enfants.

Les juges sont conscients que la mise en place de cette loi comme beaucoup de lois prendra du temps. Ils mettent en avant le fait qu'aujourd'hui elle existe et constitue un grand pas dans la prise en charge de mineurs dans le cadre de l'article 375.

Après ce stage au sein du tribunal j'ai rencontré une assistante sociale qui intervient auprès des familles lors de signalement. Cet échange mit en exergue, non pas un comportement violent de la part de l'assistante sociale mais un positionnement que je définirai: violence passive. Violence passive dans sa manière d'aborder son travail

«...Je ne suis pas là pour faire plaisirs aux parents....», «...on l'interroge...» faisant référence au parent...

Sans préjuger de la responsabilité de chacun où d'indexer tel ou tel professionnel. Je prenais conscience ; Alors que nous étions dans le cadre (Art 375 du code civil) de la loi les garants contre la maltraitance familiale, et où la mise en danger de l'enfant comme le défini la loi. Nous étions nous même maltraitant vis-à-vis de ces enfants.

Fort de ce constat, j'entrepris ma recherche pour le mémoire avec pour thème:

«Placements et situations de maltraitances en Maison éducative à caractère social au sein du foyer éducatif de Goussainville.»

Constat était fait lors de la monographie, que notre institution pouvait être mal traitante pour les jeunes que nous recevions. Ma question principale de recherche devait m'amener à définir à partir de quel moment les institutions (services A.S.E., juge pour enfants) qui agissent auprès des familles pouvait être mal traitantes dans leurs interventions.

Sans remettre en cause leurs compétences et leur professionnalisme, ces assistantes sociales ont un comportement inquisiteur pour ces familles. Que ces enquêtes sociales ne sont souvent déclenchées que sur un fait ou un moment précis d'une vie. Cette famille se retrouve désemparée face à cet enfant. Cette famille se retrouve fragilisée par ces événements. L'intervention de l'assistante sociale est à certains moments la première fois que cette famille se retrouve face à la loi. Ce face à face est dirigé par les services sociaux qui de par leur comportement, leurs questions peuvent remettre en cause les compétences, et aptitudes des parents dans leur rôle. Je pense que là est la première violence des institutions face aux familles.

Dans le même temps, leurs interventions peuvent mettre le jeune en porte à faux vis-à-vis de sa famille car il est le «déclencheur» de la situation, face à ses parents et aux institutions. Il faut savoir, que lors d'une enquête sociale, des questions sont posées par l'intervenant social. Ce dernier établit un lien avec la famille dans l'échange au travers de la discussion. Echange qui a pour but inavoué: chaque enquêté se confient à lui. De ces confidences, certaines réponses aux questions posées, des observations qui auront été faites lors de la visite au sein du domicile familial sera établi un rapport qui sera transmis au juge. Une fois ce rapport sur le bureau du juge, tous les acteurs (parents, enfant, services sociaux) se retrouveront dans le bureau du juge. C'est à ce moment là, que les intervenants sociaux aux travers de leur rapport et de leurs dires poseront leur «jugement». Les parents, l'enfant auront la parole. Ils pourront se défendre, car oui, il s'agit bien de défendre leur positionnement face à ce juge. Mais sont-ils «armés» pour faire face à cette situation?

Le but de mon enquête dans le cadre de mon mémoire n'est pas les violences vis-à-vis des familles quoi que cela s'avère un sujet des plus intéressant. Mais les premières violences qui peuvent naître chez un enfant aux travers d'une telle situation, d'autant plus quand il est le déclencheur de cette dernière.

Comment peut-il vivre ce premier rapport avec la loi, dans sa vie d'enfant. Quand la résultante de ces propos peut amener à une séparation, et ou une destruction de la cellule familiale. Confier à son instituteur, «...maman m'a tapé avec un manche à balai...» n'induit pas forcément pour un enfant se rendre à l'hôpital pour que soit établi un certificat médical. Se rendre devant un juge. Se retrouver face à ses parents auxquels on reproche les actes posés. Et encore moins je pense se retrouver «écarté» de la famille au travers d'un placement.

Que peut ressentir un enfant dans ces moments là? Comment dans de telles situations l'enfant ne peut pas se sentir trahi? Comment ne pas remettre en doute toute la confiance que l'on peut avoir dans les adultes et les institutions? Dans de tels cas, ne sommes nous pas violents, violents dans le sens maltraitant vis-à-vis de cet enfant?

Nos institutions peuvent-elles être mal traitantes pour un mineur dans le cadre de l'article 375?

2. Constats monographiques

La monographie est le cheminement de l'apport théorique d'une année d'étude et d'une réflexion sur ces pratiques. Une année durant laquelle la formation nous offre l'opportunité de «sortir la tête du guidon» régulièrement. Prendre le recul nécessaire pour analyser nos pratiques. La rédaction de la monographie m'a permis de me mettre dans une posture objective où seuls devaient apparaître des constats et non des ressentis.

Le sujet monographique fut: le principe de la mise en place des règles de vie en institution. L'étude de leur mise en place, appropriation de la part des professionnels ainsi que leur transmission vers les jeunes accueillis, dans un premier temps. Un second temps était comment chaque jeune percevait et acceptait ses règles de vie.

Cette enquête monographique a montré que pour que chaque professionnel s'approprie les outils, surtout les règles, dont il a besoin pour accompagner les jeunes dans leur quotidien, il doit et veut être impliqué dans leur création.

Chaque règle est porteuse de sécurité pour les jeunes si elle est mise en application de manière identique par tous les intervenants, mais qu'à contrario le non respect de ses règles par les professionnels eut provoqué un sentiment d'insécurité pour les jeunes.

L'étude de leur mise en place aux travers d'observation, d'enquêtes (Enquêtes réalisées auprès d'éducateurs et de jeunes pris en charge au sein de l'institution) ont démontré:

La mise en place de règles de vie en institution par l'ensemble de l'équipe procure un cadre rassurant dans lequel les jeunes peuvent évoluer en toute confiance et sérénité. Lorsque ces règles ne sont pas présentes, les jeunes évoluent dans un cadre confusionnel qui les met en insécurité. Cette insécurité peut amener à des comportements déviants aussi bien de la part des jeunes, que des adultes qui sont présents pour les encadrer. Des comportements déviants, qui posés par les adultes, peuvent s'avérer mal traitants pour les jeunes pris en charge.

Plusieurs exemples nés d'observations au sein de l'institution dans laquelle j'évolue (exemples décrits par la suite) m'ont permis de mettre en adéquation, le manque de formation, le manque de cadre, l'insécurité que cela apporte au sein d'une M.E.C.S..

L'insécurité est synonyme de danger28(*). Cette insécurité s'est mise en corrélation avec mes souvenirs. Souvenirs d'un père qui avant son retour ivre à la maison avait créé un climat d'angoisse et de danger car nous ne savions pas comment aller se dérouler la soirée.

Ce même sentiment m'envahit quand je pense à ces jeunes pris en charge par notre institution. La journée, ils étaient en quête de savoir qui devait faire la soirée. De par la réponse apportée, je sentais ce ressentiment que j'avais dans l'attente du retour de mon père. D'une mise en insécurité, nous arrivions à une mise en danger, ne serait ce que psychologique. Et quand cette mise en danger psychologique, venait par se traduire par une mise en danger physique comme ils l'ont vécu par moments (moments décrits par la suite) ne pouvait-on pas parler de maltraitance...Cette maltraitance ne trouvait-elle pas sa source en amont à savoir... dans le cabinet du juge pour enfants. Etre «arraché» à sa famille, à son père, à sa mère. Epreuve que j'ai vécue, alors que je n'avais que cinq ans. Il est vrai que les circonstances n'étaient pas les mêmes, d'autant qu'il fallait que je fasse le deuil d'un espoir... revivre avec ma mère. Face à mon père, malgré tous mes ressentis, toutes mes angoisses, je me suis toujours refusé à vivre ailleurs. C'était chez moi, ma famille, et quoi que j'en écrive et en dise mon père.

Ces sentiments que j'ai éprouvés durant mon enfance, ne me sont pas propres. Je pense que chacun de nous où dans la plupart des cas les enfants éprouvent les mêmes.

Le placement en structure afin de garantir une hygiène de vie correcte à un enfant ne peut-il pas être plus traumatisant ou plus destructeur pour l'enfant et sa famille?

Le manque de réponses à ces situations n'est-il pas plus maltraitant pour l'enfant. Et ne rejette t-il pas à la famille une image mal traitante? Quel regard ou réflexion porter sur cet éloignement familial? Quel peut être le ressenti du jeune dans ce contexte? Sera-t-il en mesure d'investir de manière positive son nouveau lieu de vie ou mettra t-il tout en échecs? D'une décision de placement émerge un nombre considérable de questions.

Un questionnement du positionnement du jeune face à sa famille. Questionnement d'autant plus pertinent quand c'est le jeune lui-même qui a créé cette situation. Dénoncer une situation induit vouloir faire que cela change mais cela n'induit pas automatiquement que l'on change les acteurs chargés de la prise en charge. Un enfant extrait de son milieu familial est- il en mesure de trouver sa place ailleurs? C'est aussi une des questions que nous sommes en droit de nous poser.

Quel ressenti pour la famille, lors de signalement ou en présence d'un juge. Bien souvent, les familles ne sont pas informées des raisons pour lesquelles elles sont convoquées. Et de telles situations rajoutent au stress et à l'angoisse de chacun.

Quand on doit prendre une décision pour l'orientation d'un enfant en difficulté dans son milieu, il n'existe pas d'alternative entre l'aide en milieu ouvert, le placement en foyer et ou le placement en famille d'accueil. Certaines situations de violences avérées impliquent le placement des enfants, mais d'autres situations qui ne sont en rien des violences, où l'éducatif est présent, mériteraient d'autres solutions. Pour ces familles violentes, le placement les amènent-elles à se questionner sur leur positionnement éducatif?

3. Problème de recherche

Le cadre de la loi au travers de l'article 375 du code civil vise à protéger les mineurs en situation de danger et ou de maltraitance au sein de leur famille.

Les décisions de placements s'avèrent être mal traitantes aussi dans certains cas: Maltraitances physiques au sein des M.E.C.S. La maltraitance physique existe depuis toujours au sein des structures d'hébergement pour mineurs, ainsi que la négation de sa personne. Toutes les structures ne sont pas mal traitantes. Comme toutes les situations ne sont pas mal traitantes ! Il va de soi, que tant que perdurera, ce type de situation (la maltraitance) il nous faudra les dénoncer. Il est vrai que ces situations ont évolué favorablement au cours des années. Que l'ensemble de la société au travers de ces lois pour la protection des mineurs mène à diminuer ces maltraitances.

Et heureusement, aujourd'hui en France, des gens travaillent à faire disparaître ces faits, comme, l'association LE FIL D'ARIANE29(*), qui veille aux droits des familles, et des enfants placés. Association souvent décriée par les professionnels de la protection de l'enfance. Mais association qui a le mérite d'exister. Cette association dénonce le manque de solutions alternatives face au placement, en récusant purement et simplement le placement.

Il s'avère que le placement à mon avis n'est en rien la mesure idéale dans la plupart des cas. Que la décision de placement est à mon avis la première maltraitance pour les mineurs ! Certes pas une maltraitance physique, mais psychologique.

Sans rejeter le principe de placement qui pour moi est une solution dans certain cas. Je pense que le placement a été et sera positif pour l'avenir de certains mineurs et certaines familles. Les maltraitances en structures peuvent être abolies par des lois, par la formation du personnel, par la reconnaissance du mineur en tant qu'être à part entière, et en lui accordant le respect auquel il a droit. Grâce à l'évolution des mentalités au sein de notre société, les mentalités et les lois évoluent dans ce sens aujourd'hui dans notre pays.

A contrario, peu d'études existent (je n'en ai trouvé aucune, malgré mes recherches) sur l'impact du passage dans le bureau d'un juge. Impact pour la famille, pour le mineur. Sur le manque de choix de solutions pour le juge face aux situations à juger. Impact psychologique pour un mineur envers qui est demandé le placement.

«...Comme pour ce jeune (N. précité plus haut), issu d'une famille du centre de l'Afrique . Il commet une bêtise et se bat à l'école. Sa mère ne travaille pas et a pour rôle l'éducation de ses enfants. Cette femme, depuis son arrivée en France, ne sort pas hormis pour faire les courses. Elle cherche une intégration des plus discrètes pour sa famille. Son modèle éducatif tient de ces traditions, de ce qui lui a été inculqué dans son pays. Pays dans lequel la punition corporelle appartient à l'éducation. Cette mère frappe son enfant avec un manche un balai et ce dernier se casse sur le dos de son fils.

Le lendemain, à l'école, l'instituteur découvre les marques. L'enfant est conduit à l'infirmerie. Il explique les faits. L'enfant est conduit à l'hôpital. Dans les jours qui suivirent, les services sociaux furent saisis de l'affaire.

Quelques jours plus tard toute la famille se retrouve face au juge des enfants.

Première intervention des services sociaux, dans la vie de cette famille. Première convocation dans le bureau d'un juge. Des parents parlant très peu le français. Ils découvrent le système de protection des mineurs dans ce cadre. Un rapport accompagné d'un certificat médical fait état de violence sur enfant. Une mère se référant à son histoire explique que son enfant a eu la sanction méritée....Une décision qui tombe. Placement de l'enfant dans le cadre de l'article 375.»

Journal de bord 2OO5

Comment l'enfant vit-il un tel évènement?

Le rapport dit: L'enfant explique que c'est sa mère qui lui a cassé un manche a balai sur le dos.

Des parents qui arguent leurs comportements en mettant en avant le comportement de leur fils. Des parents qui vantent leurs efforts d'intégration. Parents qui justifient la violence aux travers de leurs us et coutumes de leur pays d'origine. Un juge d'éducation française, évoluant dans le cadre de la loi. Avec très certainement une intime conviction: celle de protéger les enfants.

Quelle place va être faite à cet enfant auprès de sa famille après une telle expérience?

4. La pertinence du problème de recherche

La première étape de cette formation fut l'écriture de la monographie.

La monographie me permit de m'interroger sur mes pratiques et de les confronter à l'apport théorique. Cela au travers d'une enquête faite au sein de l'institution dans laquelle j'évoluais. Cette enquête eut pour terme la mise en place des règles de fonctionnement au sein de l'institution. Mon travail m'amena à constater que si ces règles n'étaient pas ou peu présentes. Plusieurs facteurs pouvaient en être la cause, le manque de concertation entre le «rédacteur» de ces dernières et les personnes qui doivent les mettre en place. Le manque d'expérience des intervenants auprès des jeunes, à savoir les éducateurs. Leur manque de formation.

Il s'avère que la présence d'un nombre important de personnes sans qualification et expérience au sein de la M.E.C.S. dans laquelle j'évolue est liée à deux facteurs principaux. Les personnes diplômées postulent plus généralement dans les services A.S.E. Le coup financier pour l'association n'est pas le même que l'on soit diplômé ou non.

Mon enquête était axée sur les résultantes de la non mise en place des règles de vie en institution sur les mineurs. Mes conclusions furent : cette non mise en place créait un climat d'insécurité pour les jeunes. Mettre une personne en insécurité dans le cadre de nos obligations professionnelles s'avère au travers de la définition, reprise dans mon travail de recherche: mettre en danger la personne. De ce fait, nous devenions mal traitants. Durant de mon enquête, d'autres formes de maltraitances sont apparues: maltraitances physique, psychologiques, etc.

5.Quelle réponse apporter ?
Dans toutes situations de maltraitances, les services sociaux par l'intermédiaire des juges pour enfants actent leurs décisions vis-à-vis de l'enfant. Jamais les parents mal traitants hormis dans les cas d'inceste ne sont poursuivis et/ou condamnés. C'est l'enfant maltraité qui sera placé ou à plus juste titre écarté de la famille, de son contexte familial, scolaire et autre. Dans une telle situation, la loi ne devient-elle pas elle aussi mal traitante?

Nombreuses sont les personnes qui ont travaillé, écrit, réfléchi sur une réforme de la loi. Comme Maurice BERGER30(*) dans le cadre de ces écrits. Philippe NOGRIX31(*), sénateur d'Ille et Vilaine. D'autres ont travaillé sur des solutions alternatives au suivi en milieu ouvert et aux placements. Les difficultés qu'ont rencontrées ces derniers pour la mise en place de ces expériences furent des difficultés d'ordre financier. En effet, la loi prévoit le financement des solutions proposées par les textes, mais ne peut budgéter toutes autres propositions!

Des parents mal traitants n'en reste pas moins des parents avant toute chose, et un lien filial et familial existe avec l'enfant. Stanislas TOMKIEWICZ explique dans, lien social n°290 de janvier 1995, le lien qui unit les parents maltraitants et les enfants maltraités en ces termes:

«Les parents mal traitants«fabriquent» souvent des enfants sadomasochistes. L'attachement que les enfants gardent envers leurs parents mal traitants fait partie de la pathologie provoquée par ces derniers et explique en partie la transmission intergénérationnelles des maltraitances. ..... Il leur faudra plusieurs années avant de guérir.»

La corrélation entre les paroles posées par Stanislas TOMKIEWICZ et le placement vont-ils de pair quand on sait que rarement un travail est fait auprès des familles durant le placement de l'enfant.

La maltraitance existe sous plusieurs formes. Il existe la maltraitance physique, qui se voit, qui est définie par le cadre de la loi. Sur laquelle on peut interagir au travers de rapports médicaux, de constat rédigé par des professionnels.

Les notions de violences et de maltraitances ne sont pas perçues de la même manière par tous. Ce qui peut paraître une violence inadmissible, reste pour d'autres un traitement ou une pédagogie sévère mais parfaitement licite et normale. Ainsi par exemple, les punitions physiques considérées en France comme une violence depuis une cinquantaine d'années au moins ont été interdites en Angleterre il y a une dizaine d'années. Reste le concept culturel: dans certains pays, le châtiment corporel existe. Fait par des parents qui croient aimer, je dirais même qui aiment leurs enfants et ne s'imaginent pas maltraitants. Bien souvent dans ces familles, ce qui pour nous se traduit par de la maltraitance, cela s'avère être signe d'attachement et de bonne pédagogie. Quand j'ai abordé ce type de situation avec le juge pour enfants, cette dernière m'a fait part de son positionnement lié exclusivement en référence à la loi. Ne doit-on pas envisager une référence éducative pour ces parents, qui bien souvent traduisent le mot «intégration» par respect des lois et travail. Il faut entendre par respect des lois, la loi pénale et non les lois liées aux droits des enfants.

La maltraitance est définie aux travers des rapports et enquêtes des intervenants sociaux en d'autres termes comme violences physiques, carences éducatives, et de manière beaucoup plus floue avec des expressions du type: maltraitance mais sans jamais la définir exactement. L'ensemble des professionnels met en avant les violences physiques, décrivent des situations de manque de repères éducatifs, des difficultés financières, matérielles mais jamais n'est abordée la maltraitance psychologique. Il faut dire que cette dernière est difficilement visible, et identifiable. Quels moyens ont les acteurs des services sociaux pour mettre en avant cette dernière et agir face à de telles situations?

Dans un tel contexte. Il s'avère difficile pour un juge de prendre une décision ou plutôt la décision qui serait le plus en adéquation avec l'intérêt de l'enfant, tant son choix de réponse est limité. Ce champ réduit de réponses à apporter aux enfants, définis en danger, n'amène t-il pas à placer l'enfant dans une nouvelle situation de maltraitance ou au minimum de souffrance?

Jusqu'en 1936, dans les institutions, on considère que les jeunes pensionnaires sont génétiquement tarés ou bien marqués d'une manière indélébile par leur passé familial et par leur absence d'intégration des lois du pays. Grâce au mouvement du Front populaire et 0 l'intervention d'une partie de l'opinion publique, animée par une journaliste humaniste, Alexis DANAN, commence un début d'humanisation des institutions pour jeunes. Ces améliorations ont continué, surtout après 1945 et après 1958 avec le Général De Gaulle. Le grand mouvement populaire de 1968 permit aux maisons à caractère social de s'humaniser encore. Durant toutes ces années, le concept de maltraitance ne fut jamais abordé. On parlait de violence.

La violence est une référence aux sévices physiques subis par des enfants.

Même si cette notion évolue aujourd'hui, rare sont les intervenants qui considèrent les enfants comme des êtres humains, comme des personnes à part entière douées de réflexion et de ressenti. L'enfant au sein de nos institutions est un sujet.

Ainsi les maltraitances que j'ai rencontrées au sein de l'institution dans laquelle j'exerce m'ont paru extrêmement violentes, alors qu'elles semblaient presque tout à fait normales pour le reste de l'équipe.

Les violences institutionnelles ne sont pas l'exception de la structure dans laquelle j'évolue depuis plusieurs années. Stanislas TOMKIEWICZ fait part dans son livre«Aimer mal, châtier bien»32(*)de témoignages de personnes travaillant au sein d'institution, de réflexions, et d'enquêtes. Ces témoignages permettent de dégager une notion, très variable, de la violence, notion variable dans le temps et dans l'espace. Et de révéler des constantes de fonctionnement de ces lieux.

Dans ce livre, on peut voir naître un questionnement doublement tabou:

La violence en institution, lieu non neutre pour ces enfants placés dans le cadre de l'article 375 de l'enfance en danger. Evoquer la violence dans un lieu où le «bien être» de l'enfant est le leitmotiv de l'institution... Stanislas TOMKIEWICZ propose des moyens d'actions pour que la maltraitance disparaisse dans nos institutions.

Mettre une personne dans une situation de danger n'est-il pas maltraitant dans le cadre d'une prise en charge d'un jeune mineur?

D'autres interrogations ont émergé de la monographie. Encadrer, faire prendre en charge des jeunes par des personnes sans diplôme, sans expérience: n'est ce pas prendre le risque de les mettre en danger?

L'article 375 met en avant les risques de maltraitances au sein de la cellule familiale.

Extraire un enfant de cette dernière, ne peut-il pas être un acte maltraitant?

Quand la maltraitance s'invite dans nos institutions !

La monographie a montré combien le comportement des professionnels pouvait mettre les jeunes accueillis en insécurité, combien une négligence pouvait être mal traitante.

La seconde enquête tentera de dire si d'autres négligences existent au sein de l'institution qui prend en charge les jeunes dans le cadre de l'article 375.

«J'ai la conviction, comme tout chercheur, que la sociologie peut contribuer à une action politique réellement démocratique, à un gouvernement de tous les citoyens propre à assurer le bonheur de tous les citoyens. Cette conviction, je voudrais essayer de la faire partager, - même si c'est un peu présumer de mes forces et surtout sous-estimer les obstacles et les résistances, inévitables, que la sociologie connaît bien, à la réception de la sociologie»33(*)

C'est avec ces mots de Pierre BOURDIEU, et cette même conviction que j'aborderai le chapitre lié à ma recherche.

Cette même conviction qui me permet d'oser poser un regard critique avec neutralité, même si cette dernière peut être contestable, et/ou contestée.

Pour cette recherche, je ferais référence à la sociologie Wébérienne34(*), en donnant une place importante à l'individu, en cherchant à comprendre ce que chaque individu donne à son action, compte tenu des contraintes de la situation.

6.Hypothèse

La recherche théorique en lien avec le sujet de recherche est tout aussi importante que la posture de chercheur.

Au travers de mes recherches théoriques sur la maltraitance institutionnelle, je me suis vite rendu compte que peu d'écrit parlaient de cette forme de maltraitance au sein de l'article 375.

Seuls des positionnements de professionnels auprès d'enfants s'exprimaient, comme Caroline MIGNOT.

Comme l'association ARIANE, qui se positionnait contre le placement en vertu que ce dernier était plus maltraitant que le vécu de l'enfant.

A ma connaissance, les seules enquêtes menées avec comme concept la «maltraitance institutionnelle» sont destinées aux personnes âgées.

Les entretiens auprès des professionnels ont eu lieu soit à leur domicile, soit sur le lieu de travail. Ils se sont déroulés dans les conditions de temps prévu. J'ai exposé le cadre dans lequel je les ai rencontrés afin d'atténuer la relation professionnelle.

Les questions construites de manière directive n'ont pas laissé de place à l'expression libre de l'enquêté.

Les deux jeunes enquêtés étaient des jeunes pris en charge au sein de l'institution.

Je ne pus les interroger qu'au sein de cette dernière.

Je les avais sélectionnés pour leur pertinence de réflexion et leur aisance dans l'expression orale.

Le premier quart d'heure de l'entretien fut consacré à re situer le cadre de ce dernier. J'ai insisté sur ma posture de chercheur et non de professionnels.

Le questionnaire rédigé était plus ouvert que pour les professionnels. Les premières questions étaient destinées à amener le jeune à oublier le professionnel que je représentais pour eux.

Les professionnels ont mis en place les règles de vie par obligation suite à la mise en place de la loi de janvier 2002.

Ces règles n'ont pas été pensées mais copiées sur les livrets d`accueil existants dans d'autres structures.

Il n'y a jamais eu appropriation de la part des professionnels mais application.

Les jeunes connaissaient mieux les règles de vie que les professionnels, et attachaient une grande importance aux conséquences de leur non-respect.

Leur réflexion m'a montré qu'ils étaient inquiets de la non-exigence du respect de ces dernières de la part des professionnels.

Le cheminement de ma réflexion me conduisit vers le terme : Négligence.

Dans l'absolu, voir dans le quotidien une négligence n'est rien de plus que, comme la définition du dictionnaire35(*), faute légère, étourderie.

Mais si l'on se réfère à la définition de la maltraitance, on se rend compte que selon les situations, dont celle de la prise en charge de personnes, qui d'autant plus, bien souvent définies comme vulnérables, nous ne sommes plus dans l'étourderie..

Négligence, synonyme de maltraitance.

Maltraitance, mot mis en avant par la l'article 375 du code civil pour justifier du placement des jeunes en institution.

Le contexte professionnel dans lequel j'évoluais aida à nourrir ma réflexion.

En effet, des faits de violences physiques sur des jeunes commis par des éducateurs de la structure, ainsi que la passivité de la direction m'amenèrent à m'interroger sur la notion de maltraitance.

A quel moment, pour des enfants placés en structure dans le cadre de l'article 375, la maltraitance émerge dans leur parcours?

Ma question principale«A quel moment, pour un enfant placé en structure dans le cadre de l'article 375 la maltraitance émerge dans leur parcours?» laisse suggérer que les institutions qui prennent en charge un jeune dans le cadre de l'article 375 peuvent être mal traitantes.

Cette question est la résultante de ma recherche monographique, qui m'a montré et permis de démontrer que certaines structures, de type M.E.C.S. peuvent, de par leur fonctionnement, mettre en insécurité les jeunes qui lui sont confiés. Ce sont des négligences passives. Cette enquête m'amène à m'interroger si d'autres formes de maltraitances peuvent être présentes dans les M.E.C.S.. Si des maltraitances existent à d'autre moment de la prise en charge d'un jeune dans le cadre de l'article 375.

Si mon hypothèse devait se confirmer, entendre que des maltraitances sont présentes lors de l'intervention des services A.S.E. au moment du signalement, dans le bureau du juge, et dans les M.E.C.S., je pense que les solutions à préconiser devront être différentes selon les intervenants précités.

DEUXIEME PARTIE

L'INSTITUTION MALTRAITANTE

Chapitre 6

Méthodologie d'enquête

L'enquête liée à ma question principale se nourrit d'observations. Observations réalisées au sein de mon lieu de travail, au sein du tribunal. Observations du comportement de chacun. Observations de divers écrits (compte rendu de réunions- cahier de situations journalières- dossiers au sein du tribunal-etc.)

Après l'observation, ma recherche se construit à partir d'entretiens auprès de divers professionnelles agissant à un moment précis de la prise en charge des jeunes dans le cadre de l'article 375.

Je choisis d'enquêter auprès de trois professionnelles:

- la directrice de ma structure, qui est fille de directeur de structure et a grandi dans l'enceinte d'un foyer. A contrario de la monographie je choisis l'entretien libre. J'optai pour la relance sur les mots qui me paraissaient pertinents pour mon thème de réflexion. L'entretien n'était pas limité dans le temps. Il se déroula sur une matinée.

- j'ai eu, par la suite l'opportunité d'effectuer un stage au sein du tribunal de Pontoise, auprès d'un juge pour enfants. Ce stage me permit d'observer des situations de signalement au sein du bureau d'un juge pour enfants. Des entretiens libres eurent lieu avec le juge durant les trois jours.

- la troisième enquêtée est une assistante sociale qui travaille au sein d'un service A.S.E. Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur une situation. L'entretien a eu lieu dans un café sur Paris. Ce dernier fut construit dans le même cadre que les deux précédents à savoir l'entretien libre.

1. L'observation

Deux analyses distinctes vont être posées dans le cadre de l'observation.

Mes années au sein de la M.E.C.S. me permettent de me positionner en «acteur de la situation». Je me suis donc mis en posture «d'observation participante complète», l'observateur s'immerge personnellement dans le quotidien, la vie et le travail des observés, et partage leurs activités.

Dans le cadre de l'observation au sein du tribunal ma posture sera de l'ordre de l'observation participante: le chercheur considère qu'un certain degré d'implication est nécessaire pour obtenir la confiance des individus et comprendre ce qu'ils jouent, mais qu'il ne doit pas assumer de rôle trop important au risque de nuire à l'analyse.

1.1Observation sur mon lieu de travail

Prendre la posture d'observateur chercheur au sein de la structure dans laquelle j'évoluais depuis plusieurs années fut très difficile, pour ne pas dire impossible.

Le contexte institutionnel, déménagement sur le pavillon des petits avec une équipe sans expérience et qualification. Une direction absente des lieux a, je pense, aidé à laisser s'installer la violence au sein du pavillon.

Mon rôle de délégué, ma non-acceptation de cette violence, et ma personnalité ont fait que j'ai dénoncé, que je me suis opposé à l'inertie de la direction. J'ai été écarté du foyer durant quatre mois. On m'a menacé de me licencié, on a cherché la faute...on ne l'a pas trouvée!

L'ensemble des salariés (nous étions vingt personnes) a refusé de dénoncer, de se joindre à moi. Au contraire beaucoup me conseillait de me taire, ou posaient des phrases comme: «c'est toi qui va avoir tort! ....Il va te renvoyer! ... On ne peut rien y faire! ...Et s'ils nous renvoient! ...»

Hormis deux collègues, auxquels j'ai demandé de ne pas intervenir mais de continuer à observer à ma place.

C'est ainsi que m'est parvenue la photo (jointe en annexe) de la jambe du jeune brûlé au deuxième degré. Ainsi que j'ai été informé du déroulement des évènements.

Je n'ai donc pu tenir cette posture d'observation participante entière tout au long du recueil des données.

Ces données vont être classées entre trois catégories différentes, aux travers de trois tableaux:

1. Recueil des données écrites.

Ce tableau reprendra tous les écrits concernant et/ou jugés mal traitants.

Ces documents sont joints en annexe.

1. Recueil de données orales.

Ce tableau reprendra toutes les informations orales jugées mal traitantes et retranscrites. Dans un premier temps au sein d'un recueil de données, et intitulé en annexe:«Situations de maltraitances»

2. Recueil de données visuelles.

Ce tableau reprendra les situations que j'ai pu observer durant ma posture de chercheur sur mon lieu de travail et auprès des partenaires. La retranscription complète de ces observations est écrite en annexe toujours dans«situations de maltraitance»

1.2 Observations au sein du tribunal

Les observations au sein du tribunal ont été faites de diverses manières.

La première matinée fut consacrée à l'étude des dossiers des familles que nous allions rencontrer avec Madame le juge durant les trois jours où je devais être présent à ces cotés.

Aux travers de la lecture de ces derniers, je me suis rendu compte que beaucoup de dossiers faisaient référence à la misère sociale des familles, et aucun à des violences.

L'observation comprendra les moments durant lesquels j'attendais le juge avant les auditions et les moments ou nous étions seuls dans son bureau.

Je tiens à remercier Madame le juge pour son accueil. Pour la grande liberté d'observation qu'elle m'a permis d'avoir au sein de son cabinet.

Son accueil et son ouverture face à ma recherche m'ont permis d'adopter une posture de chercheur en observation participante.

Je la remercie encore pour sa manière de me présenter aux familles et professionnels qui se présentaient et étaient convoqués dans son bureau.

«Monsieur,est stagiaire dans mon cabinet. Cela ne vous gêne pas qu'il soit présent durant notre entretien?»

Aucun participant n'a opposé un refus à ma présence.

2 Les entretiens

Trois entretiens ont été effectués pour cette recherche. Ces trois entretiens n'ont pas été limités dans le temps et réalisés sous la forme d'entretiens libres ou plutôt définis entretiens d'explicitation comme les nomment VERMERSCH.

Les entretiens d'explicitation visent l'accès à ce que VERMERSCH36(*) désigne sous le terme de vécu de l'action du sujet, c'est à dire le vécu expérientiel de la dimension procédurale de l'action, en grande partie pré réfléchi, que le sujet n'a pas conscientisé et qu'il ne peut donc pas évoquer sans un guidage lui permettant de l'expliciter. Il s'agit donc de guider l'interviewé pour le placer dans une position de parole incarnée (c'est-à-dire qu'il "revive" la réalisation d'une tâche réelle et spécifiée) en se focalisant sur l'action.

Les questions doivent être principalement descriptives et ne jamais porter sur le conceptuel qui est, lui, déjà conscientisé (la question "Pourquoi ?" est à éviter, sauf cas particulier). Elles doivent aider l'interviewé à accéder à sa mémoire concrète sans être directives pour autant.

2.1Premier entretien

Cet entretien a été réalisé auprès de la directrice de ma structure.

Cela fait cinq années que nous travaillons ensemble. Nous nous sommes retrouvés régulièrement en conflit de part mes fonctions de délégué du personnel et nos divergences d'approche vis à vis de certaines situations.

Sur bien des sujets, nous nous sommes retrouvés, comme la prise en charge des enfants au sein du foyer, l'importance du cadre, etc.

Un grand respect a toujours été présent entre nous et son ouverture d'esprit face aux critiques me parut un critère primordial dans la sélection de cette personne.

Je voudrais profiter de ce moment pour la remercier d'avoir pris le temps nécessaire à cet entretien comme lors de l'entretien précédent durant la recherche monographique.

L'entretien a duré de neuf heures du matin jusqu'au début de l'après midi.

Il a débuté dans le bureau de la directrice. Bureau qui était aussi occupé par la secrétaire de l'association et le futur directeur.

Isabelle ( je me permets de la prénommer avec son autorisation) avait démissionné et était sur le départ. Son remplaçant était en place depuis environ un mois. Elle s'était dégagée de toutes ces obligations professionnelles. Ce qui lui permit d'investir l'entretien.

L'entretien s'est tenu dans le bureau, des va et vient constants dans ce dernier n'ont gêné en rien son déroulement. Par moment, il s'est poursuivi devant le bâtiment, du à la loi sur le tabac. Il s'est terminé au restaurant devant une pizza.

2.2 Second entretien

L'entretien auprès du juge des enfants a été construit sur trois jours.

Un premier entretien introductif lors de mon arrivée, et des entretiens ponctuels lorsque nous nous retrouvions dans une relation duelle, dans son bureau.

Echange sur les évènements, comme suite au message apparu sur les écrans des ordinateurs du tribunal. Echange après chaque entretien avec les familles.

Il s'avère que Madame le juge est très peu dérangée entre chaque rendez-vous. Etait ce du à ma présence?

Mais cela me permit de poser calmement mes questions, sans précipitation, et il en fut de même pour les réponses de Madame le juge

Madame le juge a répondu à l'ensemble de mes interrogations sans jamais chercher à esquiver ou valoriser son rôle et celui des professionnels.

Les entretiens se sont fait avec un dictaphone.

2.3 Troisième entretien

Ce dernier entretien eut lieu dans un café un après midi. Ce rendez-vous ne fut pas pris dans le cadre de mon enquête mais était à l'origine un rendez-vous pour faire plus ample connaissance.

C'est une personne qui évoluait dans mon milieu professionnel. Elle est assistante sociale dans un service A.S.E.

Notre première rencontre s'est produite alors que j'étais référent d'un jeune au sein de la structure. Elle était son référent extérieur.

C'est l'opportunité qui en a fait un entretien d'enquête.

Comme l'entretien n'était pas prévu, je n'avais pas de dictaphone. J'ai enregistré l'ensemble de la discussion sur mon portable, avec son accord.

3. Concept et indicateurs

La maltraitance est le concept qui abrège et ou englobe toutes formes de violences et termes synonymiques.

Je me propose dans le tableau qui suit de définir les indicateurs de la maltraitance. Tout au moins celles qui s'avèrent pertinentes dans le cadre de ma recherche. Indicateurs qui seront de par leur pertinence, le leitmotiv de mes relances durant les entretiens et référence d'analyse pour les observations. Je m'intéresserai plus particulièrement aux maltraitances institutionnelles judiciaires liées à l'article 375.

Les termes synonymiques définis pour la maltraitance apparaissent dans la définition proposée en chapitre trois. Ces termes peuvent être classés en «deux catégories»: Les négligences actives, et les négligences passives.

Les négligences actives représentent toutes les formes de maltraitances faites sciemment de la part d'un tiers sur une autre personne. Quand un éducateur interpelle un jeune en l'appelant «gros lard», nous sommes dans une forme de négligence active.

Quand une directrice de collège émet un signalement concernant des jeunes placés en institution. Que les services A.S.E. ne donnent aucune suite, pour quelque raison que ce soit. Nous sommes dans une des formes de la négligence passive vis à vis des jeunes qui ont dénoncé une situation.

Tableau des indicateurs de maltraitances institutionnelles

Les indicateurs peuvent être classés en deux catégories:

Négligences actives Négligences passives

Violences verbales

Verbales

Violences physiques

Mise en insécurité

Violences médicales

Inadéquation de réponse

Autres

Médicales

Tableau de classification des représentants de l'institution intervenants dans le cadre de l'article 375

Signalement

A.S.E.

Décision

Juge

Placement

M.E.C.S.

Suivi en milieu ouvert

A.S.E.

Une famille peut se retrouver face aux institutions judiciaires (dans le cadre de l'article 375), quand elle rencontre des difficultés particulières; situation précaire, violence familiale, difficultés particulières avec un ou des enfants, etc. Soit elle se tourne d'elle-même vers les institutions. Soit un tiers qui peut représenter une institution en lien avec la famille exemple: école, service de police. Ou qui souhaite agir à titre personnel jugeant une situation inquiétante et ou mal traitante.

Caroline MIGNOT, pédiatre à l'hôpital Necker dit dans, le moment du signalement, le temps de la réflexion:«... Pour les parents, on le sait, la révélation est toujours une période de crise, avec la mise en avant sur la place publique de faits ou d'évènements traumatisants. Le signalement est souvent vécu comme une disqualification. Ils sont seuls face à leur détresse...»

CHAPITRE 8

Recueil et organisation des données

Recueil de données théoriques

Définissant l'institution mal traitante

auteur

données

Type de maltraitance

Caroline MIGNOT

Pédopsychiatre

« ... Pour les parents, on le sait, la révélation est toujours une période de crise, avec la mise en avant sur la place publique de faits ou d'évènements traumatisants. Le signalement est souvent vécu comme une disqualification. Ils sont seul face à leur détresse... »

Verbale passive

Fil d'Ariane

Son rôle : Recueille les plaintes des familles en conflits avec l'institution

Verbale active

Fil d'Ariane

Se positionne contre le placement en M.E.C.S.

Verbale active

André JONIS

Lien social du 17 octobre 2002

« Mettre l'usager au « centre du dispositif » nécessite qu'on lui propose une place correspondant le plus précisément possible à son cas. En effet, quelle appréciation serait portée sur un médecin qui prescrirait, pour soigner une grippe des médicaments contre le mal de dos... »

Verbale passive.

Maurice BERGER37(*)

« L'ECHEC DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE » (titre de son livre)

Verbale active

Louis DE BROISSIA

« Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés »38(*)

Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés 

Verbale passive

Philippe STRIDE

Directeur de M.E.C.S.

« Nous devons repenser tout le système de protection de l'enfance en danger... »

Verbale passive

Léo GRENEL

Journaliste au lien social

«  Eviter d'opposer à la violence familiale la violence de la réponse sociale... »

Verbale passive

*Je nommerai toute notification écrite comme violence verbale.

Si elle est écrite dans un document grand public, ce sera une négligence active.

Si elle est écrite dans une revue destinée aux professionnels ce sera une négligence passive.

Ce tableau nous montre combien l'institution est remise en cause dans son fonctionnement, et dans les réponses qui paraissent en inadéquation avec l'attente de l'usager.

Les professionnels et auteurs des textes se montrent très critiques face à l'institution. Surtout aux travers d'ouvrages adressés à leurs pairs ou professionnels de l'institution.

Recueil de données écrites

Auteurs

données

Type de maltraitances

Un éducateur

1

...Je lui ai fait une balayette, il est tombé sur le coude... Les pompiers sont venus le chercher

Violence physique

Un éducateur

1

...Il a pété à table...Je lui ai jeté ma fourchette, elle est restée plantée.

Violence physique

Un éducateur

1

...Les coups ont fusé...Finalement ça l'a calmé...

Violence physique

Directrice

2

...Problème abordé avec les éducateurs concernés...Il s'agit de moment où l'éducateur était à sa 15 ou 16 heures de travail dans la journée pour remplacer un collègue ou pour palier une absence.

Négligence passive

directrice

3

... De plus il n'y a pas eu dysfonctionnement.

Négligence passive

4

Signalement fait par la directrice du collège

Jamais de suite de la part des services A.S.E.

Négligence passive

1. Textes recueillis dans le cahier de liaison de l'institution

1. Textes recueillis dans le cahier du délégué du personnel. Réponse apportée à la question suivante : «...J'attire votre attention sur les faits de violences envers les jeunes que nous accueillons... » 

2. Réponse apportée suite au décès d'un jeune qui était présent depuis une semaine et était resté durant plusieurs jours sans soins malgré le fait qu'il se plaignait d'être malade.

3. Lettre jointe en annexe.

Auteurs

Données

Type de maltraitances

Une des maîtresses de maison de la structure

« Mon fils est bien ! Il travaille bien à l'école ! Il écoute sa mère ! Il n'est pas comme vous ! »

Maltraitance verbale

Un éducateur s'adressant à un jeune

« ...Gros lard ! »

Maltraitance verbale

Un éducateur théorisant sur l'état physique d'un jeune rentrant le soir

1

« ..Il était gonflé de partout. Je pensais qu'il avait fumé ou qu'il s'était battu ! »

Négligence médicale

Des éducateurs face à un jeune qui se plaint de douleurs au ventre durant 3 jours

2

Ils lui donnent du doliprane, sans jamais le conduire chez le médecin.

Négligence médicale

Noté dans le livret d'accueil remis aux jeunes lors de leur admission

Visite médicale dans la semaine d'intégration

Négligence active

Un jeune se blesse le jeudi soir. Il n'est conduit que le lundi suivant à l'hôpital

Diagnostique : pouce foulé

Négligence médicale

Réponse d'un éducateur pour justifier le cas précédent

Je l'ai conduit à l'hôpital (sous-entendu le soir même)...Il y avait trop de monde on est reparti

Violence psychologique

Un jeune se rend au commissariat pour dénoncer des violences qu'il subit de part d'un éducateur

Le commissariat contacte le foyer sans prendre en compte la parole de l'enfant. C'est l'éducateur incriminé qui vient chercher le jeune

Négligences actives*

1. 1. Le jeune avait été conduit à l'hôpital le lendemain et dû être hospitalisé.

2. Trois jours plus tard les pompiers emmènent le jeune dans le coma à l'hôpital. Il y décédera du paludisme.

*Je mets négligences actives, car au moins deux négligences apparaissent : 1. Le représentant de la loi ne note pas les doléances de l'enfant. 2. Il contacte le foyer, plus particulièrement l'éducateur incriminé pour qu'il vienne chercher l'enfant.

Recueil de données visuelles

Auteurs

Données

Type de maltraitances

Lu dans un rapport de l'A.S.E.

Lepère dit de son fils (devant celui ci) « ..Mon fils est possédé... »

Maltraitance verbale

Lu dans même rapport A.S.E.

L'oncle et la tante parlant du même enfant : « ...Il est débile ! ... »

Maltraitance verbale

Une mère en parlant de son fils aîné dans le cabinet du juge

« ... L'aîné doit être sacrifié ! »

Maltraitance verbale

Des éducateurs lors d'un transfert

1

Un jeune tombe et se blesse. Ils ne le soignent pas et ne le conduisent pas chez le médecin

Négligence active

1. Le jeune se brûle avec le pot d'échappement d'une moto en tombant. Brûlure au deuxième degré. Constatée trois jours plus tard par l'infirmière du collège.

Le tableau qui suit reprend toutes les maltraitances constatées durant le temps d'observation.

Recueil de données d'observations

Auteurs

Données

Type de maltraitances

Sur les écrans des ordinateurs du tribunal apparaît ce message

« ...Un juge pour enfant d'un tribunal de l'Est de la France poignardé par une mère qui refusait sa décision.. »

Violence physique

1

Des éducatrices à un enfant

« ...Ne t'inquiète pas ! Tu repartiras avec nous...Ta maman ne te ramènera pas ! ... »

Violence verbale

1. Ces dernières attendaient d'être reçues par le juge pour enfants. La petite était placée dans le foyer où elles exerçaient depuis trois semaines.

Recueil de données d'entretien 1

Auteur

Directrice de la structure

Données

Type de maltraitances

Référence au placement

« ...Le placement est la pathologie de la misère, de la mono-parentalité et la carence éducative... »

Négligence passive

Référence aux situations familiales

« ... Bien souvent ce sont les parents qui sont défaillants, et ce sont les enfants qui sont punis... »

Négligence passive

Référence au placement

« ...Un placement qui est très protecteur mais qui ne tient pas compte du positionnement des parents... »

Négligence passive

Référence aux professionnels

« ...Un professionnel qui va être dans la toute puissance...être celui qui a le savoir du comment il faut faire et qui a raison... »

Négligence passive

Référence aux juges face à une situation

1

« ...Le choix du placement avait été fait car il n'existait pas de ligne budgétaire... »

Négligence active

Référence à son père directeur de structure

« ...Il disait qu'il était content quand il avait 25% des enfants qui s`en sortaient ! ... »

Négligence passive

Référence aux enfants placés

« ...Si tu veux, il y a 3% d'enfants qui sont pris en charge par A.S.E. En prison c'est 30%... »

Négligence passive

Référence au placement

« ...Il a ces habitudes, ces potes, ces repères etc....La mesure d'éloignement c'est lui qui en est victime... »

Négligence passive

Référence au placement

« ... La loi met en opposition carences éducatives et placement... »

Négligence passive

Référence aux parents

« ... Le problème est que tout n'a pas été mis en oeuvre bien souvent pour aider les parents car la loi ne le permet pas... »

Négligence passive

1. Isabelle faisait référence à une famille qui se retrouvait sans logement.

Recueil de données d'entretien 2

Auteur juge pour enfants

Données

Type de maltraitances

Référence face aux familles

« ... Ce qui est fréquent c'est que l'on prenne des décisions en l'absence totale d'adhésion de la famille... »

Négligence passive

Référence au placement

« ...La question du placement...avec souvent un placement très protecteur dans le quotidien mais qui ne tient manifestement pas compte du positionnement des parents... »

Négligence passive

Référence au placement

« ...Il y a des situations ou on ne peut pas faire autrement que de placer très vite et de manière brutale... »

Négligence passive

Référence au vécu

« ...C'était pas un dossier de mon cabinet quand j'ai annoncé le placement pour trois jours plus tard... La mère est partie en vrille... »

Négligence active

Référence : suite de l'évènement mentionné ci dessus

« ...J'ai fait intervenir les forces de l'ordre...Elle s'est blottie dans un coin pour que l'on ne vienne pas lui prendre... »

Négligence active

Référence au suivi A.E.M.O.

« ...Sauf situation de crise, les services A.E.M.O. voient les familles une ou deux fois par mois...En plus ils n'ont pas le temps... »

Négligence passive

Référence au placement

« ... Quelquefois, on est obligé d'aller au placement faute d'autres moyens... »

Négligence passive

auteur assistante sociale

données

Types de maltraitances

Référence : Prise en charge d'un enfant suite à un signalement

« ... C'est accompagné de la police que l'on va chercher l'enfant... »

Violence active

Référence : entretien avec la famille

« ... On l'interroge... » (faisant référence aux familles)

Violence passive

Référence : loi de mars 2007

« ...Dans le principe, on peut mettre d'autres solutions en place... »

violence passive

Référence : Prise de décision

« ..je ne suis pas là pour faire plaisir aux parents si je peux dire, même si cela doit leur faire mal ou s'ils ne l'acceptent pas... »

Violence passive

Référence : parents face aux A.S.

« ...Il y a des parents des fois qui nous insultent... Il y en a même un, un jour qui voulait taper ma collègue... »

Violence active

1. Retranscription graphique

Je vais poursuivre cette analyse aux travers de graphiques.

Graphiques qui reprendront les deux principaux indicateurs;

Les négligences passives et les négligences actives.

Chaque graphique comportera une courbe qui sera graduée de 0 à 3.

Il faut noter que le degré zéro induira que la négligence est inexistante.

Le degré trois est la plus présente.

Chaque graphique reprendra les étapes d'intervention de l'institution dans le cadre de l'article 375: - Etape 1: Le signalement/ Etape 2: entretien juge, et décision/ Etape 3: Le placement.

Chaque graphique définira envers qui sont destinées les négligences.

Graphique des négligences

Envers les jeunes

3. A

2. P

1. P A A P

Négligences

passives

0._________________________

Négligences

actives signalement Bureau du juge placement

Ce premier graphique nous montre que la négligence active est de plus en plus présente au long de la prise en charge des jeunes. De plus en plus présente car, comme je le signale au cours de la présentation de la structure, le manque de formation et d'expérience de la part des professionnels est, je pense, le facteur majeur de cette situation.

Les violences passives sont plus présentes dans le bureau du juge.

Même s'ils ont conscience que cela s'avère une des réponses que va poser le juge, l'annonce du placement pour bien des jeunes devient maltraitant.

Graphique des négligences

Envers les familles

3.

2. AP

1. PA AP

Négligences

passives

0._________________________

Négligences

actives signalement Bureau du juge placement

On constate que les familles subissent peu de négligences actives de la part des professionnels. Hormis quand ils sont face aux juges. L'annonce de la décision fait souvent violence pour eux.

Le positionnement des juges vis à vis des familles, et à leur décharge le manque de réponse à leur disposition fait qu'ils deviennent porteurs de négligences passives vis à vis des parents.

Graphique des négligences

Envers les professionnels

3.

2. A

1. A A

Négligences

passives

0.__P________P__________P_____

Négligences

actives signalement Bureau du juge placement

On se rend compte que la négligence passive n'est pas présente dans la relation famille en direction des professionnels. Cela peut être induit par le fait que provoque bien souvent dans les familles l'abattement d'un signalement et le peu d'information sur les méandres judiciaires liés à leur situation.

A contrario, la négligence active est très présente dans le bureau des juges. Elle est souvent liée à la réaction suite à l'annonce de la décision.

Chapitre 8

Analyses et interprétations

1. Analyse de la négligence active

La recherche nous montre que la négligence active est présente à tous moments dès l'intervention des services sociaux aux sein d'une famille.

Cette dernière se manifeste de différentes manières, et avec divers degrés (référence aux graphiques ci dessus).

La négligence active exprimée au travers de la violence verbale est présente dans les M.E.C.S., dans les paroles des éducateurs. Je pense que cette violence n'est pas le seul fruit d'un manque de formation, comme signalé dans mon mémoire lors de la présentation de ma structure. Sans pour autant remettre en cause leur investissement et implication dans leur travail. On se rend compte que tout l'aspect théorique, comme le décrivent CAPUL et LEMAY39(*), dans leur ouvrage « De l'éducateur spécialisé », en faisant référence : aux postures empathique, à l'écoute, à la distanciation ne sont pas acquises. La négligence active est l'addition de recrutements que l'on peut nommer «hasardeux», et du manque de professionnalisme, manque de recul sur les situations. Le recrutement devrait être inspiré, hormis le principe du diplôme, du principe de l'autobiographie. Ainsi, les responsables de structures pourraient relever les motivations et les possibilités de postures empathiques de la part des postulants.

L'impression la plus présente est que l'on construit le relationnel avec ces jeunes sur le mode du rapport de force. J'ai eu le sentiment bien souvent face à ces situations de me «retrouver» dans les constructions de liens mis en place dans les quartiers, à l'image «des grands frères». La négligence active ne devrait pas être présente dans les institutions et si les directions jouaient leur rôle, je pense que beaucoup de professionnels ne pourraient plus exercer. On se rend compte que ces derniers ne maîtrisent pas les mots, termes et phrases qui posent soit face aux enfants, soit face aux familles.

La loi de mars 200740(*), dans l'article 28, titre VI «reconnaissances des qualifications professionnelles» apporte une réponse à la non-qualification des personnes exerçant dans le domaine associatif.

Le fonctionnement même des institutions amène les négligences actives. Son fonctionnement au travers de l'obligation pour le jeune d'avoir et ou d'être dans un engagement professionnel ou scolaire à son arrivée. Non muni de ce sésame, le jeune ne pourra intégrer la structure. Avec un tel postulat de départ, les sources de conflits entre les éducateurs et les jeunes sont fréquents.

Faire d'une obligation le principe de se lever le matin de bonne heure sans prendre en compte la situation du jeune est une violence. C'est ne pas prendre en compte son parcours, son histoire...

Les difficultés de communications liées à l'impératif budgétaire pour les directions et la prise en charge quotidienne pour les jeunes peuvent induire la naissance d'actes et de postures violentes de la part des éducateurs.

La négligence active observée au travers des violences médicales résulte du même constat que la violence verbale, à savoir: un manque de compétence de la part des professionnels qui encadrent les jeunes.

Comme pour les violences verbales le texte de loi de mars 2007 apporte une réponse face à cette violence.

La négligence active relevée et ou révélée au travers de la violence physique se pose sur le même type de constat que les autres formes de violences active précitées. La réponse est aussi dans les textes de lois, en partie. Je pense qu'aucun professionnel ne devrait s'autoriser des actes de violence physique sur les enfants. Aucun responsable, et/ou intervenants sociaux ne devraient être en droit de taire ces actes. Chacun devrait avoir conscience que les textes de lois condamnent ces faits.

On se rend compte que les violences actives exercées par les professionnels en direction des enfants et des familles de par la nouvelle loi devrait disparaître dans le meilleur des cas et ou s'atténuer.

Seul un recul sur cette loi après application devrait nous dire si cette dernière suffit ou doit être modifiée.

La violence active de la part des familles envers les professionnels existe aussi. Même si cette dernière est moins présente. Elle se révèle bien souvent plus violente.

La violence est de l'ordre de la violence physique, comme cet exemple lors de mon stage au sein du tribunal de Pontoise (...une femme poignarde un juge pour enfants).

La réponse des institutions est déjà mise en place au travers des textes de loi du code pénal.

Exemple: l'agresseur du juge fut incarcérée.

La violence active s'exprime aussi dans le comportement des jeunes qui sont en institution. Elle s'exprime aux travers de la violence physique, et ou verbale.

La formation des éducateurs apporte une solution ou un regard qui permet de relativiser cette violence en expliquant; «... cette dernière n'est bien souvent pas retournée contre la personne mais ce qu'elle représente aux yeux de l'enfant...»

On se rend compte que le législateur a mis en place les outils à la disposition des professionnels afin que la violence active disparaisse des institutions dans le cadre de l'article 375.

2. Analyse de la négligence passive

Le premier constat d'analyse que je peux poser est que la négligence passive n'existe pas des familles envers les professionnels.

A contrario, elle se révèle présente, dans un flux inverse à savoir des professionnels vers les familles et ou les jeunes.

La négligence passive peut prendre plusieurs formes selon les lieux institutionnels ou elle se révèle.

En institution, on se rend compte qu'elle peut être d'ordre médical. En n'offrant pas les soins auxquels chaque jeune a le droit, la M.E.C.S. devient mal traitante, avec pour conséquence grave dans le cas mentionné lors de l'enquête (la mort d'un jeune).

Si les éducateurs avaient appliqué les engagements définis dans le livret d'accueil lors de l'arrivé du jeune à savoir:

Visite médicale lors de la première semaine de prise en charge, ce jeune ne serait peut être pas décédé.

Au lieu de lui donner du «doliprane», on aurait comme il se doit conduit ce même jeune chez le médecin. Peut être ce dernier aurait décelé sa maladie.

La négligence passive sous la forme verbale est très présente aussi dans les institutions, comme on peut le constater aux travers des données observées lors de ma recherche.

Ces négligences passives d'ordre verbales et ou médicales induisent la mise en place d'insécurité en institution.

Ces négligences passives au sein des institutions sont commises par les professionnels encadrant les jeunes. Comme pour la négligence active, on se rend compte que le manque de formation et d'expérience est responsable de ces situations.

Comme pour les négligences actives, ces négligences passives trouvent leurs réponses dans la nouvelle loi de mars 2007.

Je fais référence à la loi de mars 2007, comme étant porteuse des réponses à ces négligences. Je ne veux en rien sous-entendre que cette loi est la réponse mais le manque de recul face à son application ne permet à ce jour de pouvoir y porter critique.

Comme cette loi est née de constats et à été créée pour répondre à une certaine attente. Je ne me permettrais pas de remettre en doute son bien fondé et les résultantes attendues.

Les négligences passives relevant de l'ordre de l'inadéquation de réponses à apporter à une situation appartiennent aux juges des enfants.

Ce dernier en est conscient comme le montre l'entretien réalisé avec le juge pour enfants du tribunal de Pontoise. Les professionnels qualifiés, comme la directrice de la M.E.C.S., (entretien 1) sont conscients de cette négligence induite par ce constat.

Les professionnels en ont conscience, mais ils vont même plus loin en détectant les causes qui induisent ces situations. Exemple, quand la directrice fait référence aux lignes budgétaires inexistantes. Quand le juge pose le même constat. Quand la juge fait référence à la loi en disant:«...je n'ai que deux solutions! (faisant référence soit au placement en institution, soit dans la prise en charge d'un suivi en milieu ouvert)...»

La loi de mars 2007 aux travers de ces articles 19/ L.221-1 /27 apporte des solutions.

La loi ne donne plus les directives en stipulant les solutions mais parle de «projet pour l'enfant...» à construire pour donner une réponse.

La ligne budgétaire aujourd'hui ne rentre plus dans les carcans des réponses mais se réfère au projet.

Les mesures mise en place peuvent être destinées aux jeunes eux-mêmes mais aussi à leurs familles (article 19) et cela en restant dans le cadre de l'article 375.

Comme on peut le constater, le législateur, au travers de cette loi, a eu le souci de mettre en place des réponses aux négligences passive présentes dans le cadre de la prise en charge des familles.

En reprenant le postulat posé par MIGNOT Caroline, à savoir:«... Pour les parents, on le sait, la révélation est toujours une période de crise, avec la mise sur la place publique de faits ou d'évènements traumatisants. Le signalement est souvent vécu comme une disqualification. Ils sont seuls face à leur détresse...» On se rend compte que l'acte de signalement est ou peut être violent pour une famille. Nous sommes là dans la négligence passive.

Cette forme de négligence n'est pas prise en compte dans les textes de lois, ni même dans celui de mars 2007.

La loi doit-elle ou peut-elle répondre à toutes les maltraitances qui peuvent être induites par l'article 375?

Je ne crois pas mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de réponse. La réponse réside peut être dans un autre domaine.

L'intervention des services sociaux au sein des familles se fait suite à un signalement. Cette intervention est empreinte de la part de l'assistante sociale de la recherche du dysfonctionnement qui a amené le signalement.

Cette recherche se traduit pour les parents comme une disqualification de leurs compétences.

La rencontre entre les professionnels de l'action sociale, et la famille se fait lors d'une situation de détresse de cette dernière. Affaiblie, souvent dépassée par les évènements, elle ne semble pas en mesure de voir le rôle des services sociaux comme une main tendue mais plutôt comme un inquisiteur mettant en exergue la problématique familiale.

La représentation que l'on peut avoir des services sociaux correspond à un service d'aide qui est présent aux travers des diverses structures présentes au sein des villes comme le bureau de l'assistante sociale au sein de la mairie, comme le service de P.M.I. (protection maternelle infantile). On y intègre même les services des maisons de quartier qui dans la définition de leur rôle à ce jour apportent animation et occupationnel pour les enfants.

Lorsqu'il est fait référence aux services de la D.D.A.S.S., la représentation est tout autre. On y associe: juge, structure d'accueil recevant des jeunes délinquants, mauvais parents.

J'ai en mémoire notre arrivée dans les nouveaux locaux.

La vétusté des locaux dans lesquels nous recevions les jeunes depuis trente ans a amené nos partenaires sociaux à exiger notre départ des lieux.

Nous sommes restés sur la même commune, mais avons intégré le centre ville ( une zone pavillonnaire). Notre arrivée fut précédée de pétitions, de rencontres avec le maire de la commune faisant référence; perte de tranquillité, présence de jeunes voyous des cités, etc.

Si une telle représentation existe, elle est peut être due au manque d'information en direction de l'ensemble des personnes et des familles, due à un manque de présence et ou d'identification auprès des familles hors période de crises, due à une méconnaissance du rôle de la D.D.A.S.S. auprès des familles.

La définition du rôle de chaque professionnel au travers de son rôle crée un cloisonnement dans la communication du rôle d'autrui. Ainsi, une assistante sociale agissant dans le cadre de son mandat, en mairie par exemple, ne communiquera pas sur le rôle de sa collègue agissant dans le cadre de l'A.S.E.

Cela se démontre facilement. Une assistante sociale scolaire faisant un signalement ne sera pas en mesure de communiquer sur le suivi de ce dernier. Elle estime bien souvent que son rôle s'arrête là. Et dans le même temps l'assistante sociale qui traite le signalement ne juge pas utile de tenir sa collègue au courant des avancées du signalement.

Hors, je pense qu'une concertation entre professionnels pourrait être profitable pour la réflexion à porter sur la situation qui est présentée.

Il apparaît à la lecture de cette analyse, que le manque de communication et d'informations auprès des familles est à l'origine des représentations présentes.

Avec pour rôle, un but noble, «la protection des mineurs en danger» comment peut-on arriver à une telle représentation?

Le législateur ne peut par un texte de loi faire changer, voir évoluer l'image des services sociaux.

La réponse à apporter doit venir des services, dans leur communication.

Je pense qu'il serait pertinent que ces derniers investissent les lieux de vie (commune, quartier, etc.) des familles. Les services sociaux doivent être plus présents dans le quotidien des familles.

Cette posture leur permettrait de créer du lien en amont de tous signalements : offrir une autre image.

Les services de la D.D.A.S.S. doivent offrir l'opportunité aux familles de les positionner en interlocuteurs privilégiés lors de situations de crises et ou dysfonctionnements dans la cellule familiale.

Les services A.S.E. doivent être présents dans le quotidien des gens afin d'être connu et reconnu par ces derniers. Cela implique qu'ils doivent élargir leurs champs d'action. Ne pas paraître présents qu'en période de crise.

Chapitre 9

De la recherche a l'action

Notre enquête nous montre que la maltraitance est présente au sein de nos institutions, mais de manière différente, si l'on est dans le cadre du signalement ou bien dans le cadre du placement.

Dans le cadre du signalement, on se rend compte que la maltraitance est de l'ordre passif, alors que dans le cadre du placement la maltraitance est passive et parfois active.

Cela ne remet en rien en cause le principe du signalement, comme le principe du placement. Mais, nous nous devons au travers des résultats de cette recherche étudier les possibilités de rendre ces institutions moins mal traitantes pour l'ensemble des acteurs.

Une réponse doit être définie pour endiguer les maltraitances créées par le signalement, et une seconde devra être apportée pour le placement.

1.Une présence en amont, pour créer du lien41(*

La compétence et la formation des intervenants sociaux font que ces derniers sont aptes au travers de l'observation, de l'empathie, et de l'écoute à déceler une situation de crise sous-jacente.

Etre présent en amont, c'est mettre ces qualités aux services des familles, offrir l'opportunité d'être reconnu comme un partenaire, et ou un interlocuteur privilégié et compétent.

Obtenir le positionnement mentionné ci dessus c'est pour le travailleur social devenir le medulla42(*) de la communication, du lieu de vie des familles.

Pour ce faire, le travailleur social doit être présent aux côtés des intervenants sociaux et ou éducatifs qui évoluent dans la vie des enfants ; à l'école, auprès des associations sportives du quartier, auprès des structures prenant en charge les enfants en dehors des heures scolaires comme les maisons de quartier.

Etre présent auprès des professionnels qui travaillent avec les enfants c'est:

Pouvoir observer ces derniers dans leurs différents cadres de vie.

Echanger avec les professionnels afin de mettre du lien entre ces derniers.

Fort de toutes ces informations, il peut devenir le médiateur avec les familles pour tous les intervenants, le médiateur entre chaque intervenant.

Avec pour rôle, un but noble, «la protection des mineurs en danger» comment peut-on arriver à une telle représentation?

Le législateur ne peut par un texte de loi faire changer, voir faire évoluer l'image des services sociaux.

La réponse à apporter doit venir des services, dans leur communication.

Je pense qu'il serait pertinent que ces derniers investissent les lieux de vie (commune, quartier, etc.) des familles. Les services sociaux doivent être plus présents dans le quotidien des familles.

Cette posture leur permettrait de créer du lien en amont de tous signalements : offrir une autre image.

Les services de la D.D.A.S.S. doivent offrir l'opportunité aux familles de les positionner en interlocuteurs privilégiés lors de situations de crises et ou dysfonctionnements dans la cellule familiale.

Les services A.S.E. doivent être présents dans le quotidien des gens afin d'être connus et reconnus par ces derniers.

Cela implique qu'ils doivent élargir leurs champs d'action. Ne pas paraître présent qu'en période de crise.

1.1Implantation des lieux

Créer un nouveau d'accueil à consonance sociale au sein des quartiers ne me paraît pas des plus judicieux. Pour le coup financier que cela pourrait induire, mais aussi et surtout, cela ne correspondrait pas à l'image d'intégration que veut véhiculer ce projet.

Investir l'existant paraît plus approprié.

Les maisons de quartier semblent le lieu le plus en adéquation avec ce projet.

Ce sont des lieux qui ont une image éducative, sociale, et d'animation au travers des diverses activités qu`elles proposent aux familles.

La multitude d'actions de ces dernières, actions en direction des enfants, des adultes, des familles font que chacun est susceptible d'investir ce lieu.

2.Donner du temps pour reprendre confiance

La recherche nous montre que la maltraitance est présente au sein des structures de placement. La maltraitance est présente sous la forme de négligence active et ou passive.

Aujourd'hui les structures d'accueil ne doivent plus avoir la double habilitation D.A.S.S. (article 375) et P.J.J. (ordonnance 45). Afin d'éviter les faces à faces agresseurs et victimes de mêmes pathologies.

Il s'agit d'avoir des éducateurs formés et je pense il serait judicieux que soit intégrés des modules dans la formation : parcours de vie- psychologie de l'enfant.

Aujourd'hui il existe deux formes de structures les S.A.U. et les M.E.C.S.

Les S.A.U. ont pour rôle l'accueil d'urgence avec une durée limitée de quinze jours. Avec un avantage certain pour les jeunes qui est la non sélection sur «dossier».

Les M.E.C.S. qui ont pour credo l'intégration des jeunes dans les divers cursus mis à leur disposition.

Aucune structure ne met en avant le jeune et ses difficultés.

2.1 Nouveau mode de prise en charge

La prise en charge dans l'urgence et sans sélection doit être le premier des crédos.

Le second le non-renvoi des jeunes, en prenant référence sur la structure Le Tamaris en Belgique.

La notion de temps et intégration doivent être exclus de la prise en charge.

La démarche de l'équipe éducative doit être en premier lieu de travailler avec le jeune sur son parcours et son histoire.

Réfléchir avec lui sur les difficultés rencontrées, l'accompagner psychologiquement dans sa réflexion pour l'aider à se construire, se reconstruire.

Cette construction ne peut et ne doit être liée à aucun critère temps.

Cette reconstruction faite, ce sera le point de départ pour une intégration sociale avec l'accompagnement de l'équipe éducative.

Une fois ces bases acquises solidement par le jeune, une orientation vers une autre structure sera travaillée mais avec la possibilité pour le jeune de réintégrer la structure si ce dernier ou l'équipe qui l'encadre se rend compte d'une certaine fragilité face à l'intégration dans toutes activités sociales et ou familiales.

2.2 Le lieu d'hébergement

Ce type de lieu d'hébergement ne doit pas excéder 10 places. La possibilité pour les jeunes d'un accueil en chambre individuelle et ou à deux.

L'équipe éducative doit être présente quotidiennement avec une moyenne d'un éducateur pour deux jeunes.

Ce mode de prise en charge induit que les jeunes durant leur séjour ne sont inscrits dans aucun cursus scolaire ou autre. Les éducateurs doivent se servir de ce temps pour proposer des activités d'ordre sportives, culturelles, scolaires ou autres afin que l'on cerne dans quel domaine le jeune peut être valorisé au travers de ses qualités.

Cette démarche permettra au jeune de prendre ou reprendre confiance en lui. Elle permettra aux éducateurs de mettre en avant ses compétences dans les domaines où il aura su montrer certaines qualités.

Une équipe de trois psychologues doit être présente sur la structure.

Les psychologues auront pour rôle l'accompagnement individuel, mais dans le même temps, ils devront avoir les capacités à accompagner ces jeunes au travers de leurs activités et leur quotidien.

Ce mode de prise en charge peut présenter un inconvénient pour les institutions en place, son coût. Mais il doit être pris en compte que ce mode de prise en charge permettrait un retour en famille plus rapide avec une intégration sociale et ou scolaire. Le risque d'échec sera minime car le lieu permettra au jeune une reconstruction pédagogique et psychologique de sa personne. Il acquerra une plus grande confiance en lui. Il sera en mesure d'investir des domaines professionnels où ses compétences auront été mises en avant.

Aujourd'hui combien de jeunes ayant étant pris en charge dans le cadre de l'article 375 ont eu malgré leur passage au sein de M.E.C.S. affaire à la justice et de par ce fait ont été pris en charge dans le cadre de l'ordonnance 45.

Aujourd'hui, on crée des centres éducatifs renforcés, des centres éducatifs fermés, même des prisons pour mineurs.

Mais ne serait-il pas, un fois de plus, plus judicieux d'agir en amont. Agir lorsque le premier placement est notifié par le juge des enfants.

Conclusion

J'ai introduit ce travail avec le désir de porter une réflexion des plus pertinentes sur mes pratiques professionnelles. Riche de compétences pratiques, j'ai investi la théorie afin de porter une analyse des plus juste et objective.

Le choix du sujet monographique, perception, appropriation, mise en place des outils éducatifs au foyer J.C.L.T. de Goussainville m'a montré combien nos actions auprès des jeunes que nous prenions en charge, de par notre positionnement, notre professionnalisme pouvait agir a contrario du souhait escompté.

L'enquête monographique a mis en exergue le sentiment d'insécurité qui pouvait habiter les jeunes face à notre mode de fonctionnement.

Dans le même temps, des violences physiques sur des enfants sur mon lieu de travail m'ont amené à m'interroger sur la notion de maltraitance.

Notion présente dans l'article 375, cadre justifiant notre intervention auprès des familles.

La recherche dans le cadre de mon mémoire devenait évidente.

L'entretien auprès des professionnels a mis en exergue la négligence passive.

L'observation, la négligence active.

Les lectures m'ont permis de me rendre compte que la plupart, les maltraitances institutionnelles étaient identifiées.

L'enquête et l'entretien avec le juge pour enfants me montra que le législateur au travers de la loi de mars 2007 avait apporté énormément de réponses aux diverses formes de maltraitance que j'avais pu identifier durant ma recherche.

C'est avec soulagement que j'ai posé ce constat.

La seule forme de maltraitance qui semble aujourd'hui encore apparaître après cette étude est la négligence passive liée à l'acte de signalement.

Cette négligence est liée aux représentations par les familles de l'institution, à la méconnaissance du rôle des services sociaux dans le cadre d'un signalement, au manque de communication entre les services.

La pertinence de la réponse que je propose est de créer du lien en amont de toutes situations. De faire émerger, par une présence quotidienne auprès des familles et des intervenants sociaux éducatifs avec un rôle de médiateur, une nouvelle image des services sociaux.

Je pense que seul ce nouveau positionnement des services A.S.E. et le temps permettront aux familles en difficultés d'appréhender de manière plus sereine le signalement.

Note de fin

Dans mes remerciements, en début de mémoire j'emploie le terme de pèlerinage pour définir ces années d'études et de recherche.

L'achèvement de ce travail me laisse un goût amer, avec nombre de questions.

Question sur le contenu de ce dernier, sa pertinence, etc.

Est-ce la fin d'un travail ou le début... Une réflexion qui apporte le changement!

Changement dont je serai l'instigateur et le maître d'oeuvre?

A la rédaction de ces dernières lignes, un sentiment d'angoisse m'envahit à l'idée d'être face au jury, mais aussi le sentiment de nostalgie, et de mélancolie.

L'impression d'une fin d'histoire...

L'impression d'une fin d'aventure, que je n'ai pas envie de voir s'arrêter.

Je finirai ce mémoire, sur cet extrait de la convention internationale des droits de l'enfant, qui devrait et ou doit être le postulat de tous professionnels de l'enfance.

«Les états parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violences, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou l'un d'eux, de ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié»43(*)

Bibliographie

Ouvrages thématique

ADLER Alfred, l'éducation des enfants, Paris, Payot 1977.

BARBIER René, La recherche-action existentielle, Paris, Anthropos 1997.

BERGER Maurice, L'échec de la protection sociale, Paris, Dunod 2003.

BERGER Maurice, l'échec de la protection de l'enfance, Paris, Dunod, 2003.

BETTELHEIM Bruno, La forteresse vide, Paris, Gallimard 1998.

BOURDIEU Pierre, Tribune libre, Sociologie et démocratie, octobre 1996.

BOWLBY John, Attachement et perte, le fil rouge, Paris, Presse universitaire de France 1978.

CAPUL Maurice et LEMAY Michel, De l'éducation spécialisée, Ramonville saint Agne, Eres 1996.

CHAPPONNAIS Michel, Placer l'enfant en institution, Paris, Dunod, 2005.

COURTY Pascal, «ROGERS Karl l'inventeur de la non-directivité», sciences humaines n°101, Janvier 2000.

CYRULNIK. Boris., Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob 1999.

DAUZAT Albert et collaborateurs, Larousse étymologique et historique, 1968.

FOUCAULT Michel,«La vie: l'expérience et la science», Paris, Gallimard, 1994.

FREUD Sigmund, Un enfant est battu. Contribution à la connaissance des genèses des perversions sexuelles, Paris, Presse universitaire de France 1973.

GABELL M., JESU F., MANCIAUX M., Bien traitances, Paris, Fleurus, 2000.

GRAS Alain, Sociologie- ethnologie, auteurs et textes fondateurs, Paris, publication de la Sorbonne 2003.

HADJIISKI E., Du cri au silence, Paris, Pocket, 1986.

HOUTAUD Alphonse, MANCIAUX Michel, Bien traitances Mieux traiter familles et professionnels, Fleurus 2001.

JOSEPH Isaac, Erving GOFFMAN et la microsociologie, Paris, Presse universitaire 1998.

NOGRIX Philippe, L'amélioration de la procédure de signalement de l'enfant en danger, rapport d'avril 2005.

STRAUSS Pierre, MACIAUX M., DESCHAMPS G., les enfants victimes de mauvais traitements, CTNERHI Paris, 1978.

TOMKIEWICZ Stanislas, Aimer mal Châtier bien, Paris, Le seuil1991.

TOMKIEWICZ Stanislas, L'adolescence volée, Paris, Hachette littératures 2002.

WINICOTT D.W., de la pédiatrie à la psychologie, Paris, Payot 1969.

Articles et revues

Article 375 du code civil en annexe. Article pour la protection des mineurs maltraités.

Chiffre officiel du conseil général du val d'Oise, rapport annuel 2006.

Extrait de la convention internationale des droits de l'enfant, article 19 alinéas 1

Texte de loi consulté sur le site www.légifrance.fr, le 10 octobre 2007

Chiffre lien social n°807, du 7 septembre 2006

Marie CANALI, Anne Marie FAVARD, entretien dans EN DIRECT, page 162

Association LE FIL D'ARIANE, lefildariane93@univfcomte.fr

Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés établit en avril 2005, par Louis DE BROISSIA.

Loi de mars 2007, texte consulté sur www.legifrance.gouv.fr

Dictionnaires et encyclopédies

Définition du site www.internaute.com du 14 août 2007.

Félix GAFFIOT, Le dictionnaire illustré latin-francais, Edition Hachette, paru en 1934.

Micro ROBERT édition 1998.

Petit Larousse, édition 1996.

L'internaute, http://www.linternaute.com/fr consulté le 05 mai 2008.

Table des matières

Remerciements p.2

Sommaire p.3

Sigles p.4

Introduction p.5

Première partie- Éducation et maltraitance p.12

Chapitre 1.Apprendre à s'écouter pour entendre les autres. P.13

1.Apprendre à s'écouter p.13

2.L'enfance et le sentiment d'injustice né de l incompréhension p.14

3.L'adolescence: la réalité de la maltraitance p.15

4.Le silence et le tabou- le non dit p.18

5.Un nouveau foyer pour une nouvelle vie p.18

6.L'écriture pour soi... p.19

7.Le tournant professionnel et existentiel p.21

8.Le retour aux sources, la formation et la reconnaissance p.22

9.Épilogue p.23

Chapitre 2.Le travail social et l'enfance en danger p.24

1.L'origine du travail social p.24

2.Le cadre juridique p.25

3.Le placement p.29

Chapitre 3.Les pratiques d'éducations en M.EC.S. P.31

1.M.E.C.S. De Goussainville p.33

2.Présentation de la structure p.33

3.Projet de l'association p.35

3.1.Du projet à la réalité p.36

3.2.Cadre juridique p.39

4.De la visée théorique aux pratiques p.41

4.1.Le recrutement de l'équipe p.43

4.2.Présentation du rôle de l'éducateur p.44

Chapitre 4.Définition de la maltraitance p.48


1.
Ethymologie p.48

2.La bien traitance p.50

3.Connaissance en matière de maltraitance p.51

4.Perception et appropriation de la définition de la maltraitance p.53

Chapitre 5.Le placement et le signalement comme maltraitance p.60

1.Les institutions p.60
2.
Constats monographiques p.66
3.
Problème de recherche p.69
4.
Pertinence du problème de recherche p.71

5.Quelle réponse apporter p.72

6.Hypothèse p.76

Deuxième partie-L'institution maltraitante p.78

Chapitre 6.Méthodologie d'enquête-Entretiens et observations p.79


1.
L'observation p.80

1.1.L'observation sur mon lieu de travail p.80

1.2.L'observation au sein du tribunal p.82
2.
Les entretiens p.83

2.1.Premier entretien p.83

2.2.Second entretien p.84

2.3.Troisième entretien p.85

3.Concepts et indicateurs p.85

Chapitre 7.Recueil et organisation des données p.88

1.Retranscription graphique p.95

Chapitre 8.Analyse et interprétations p.98

1.Analyse de la négligence active p.98

2.Analyse de la négligence passive p.101

Chapitre 9.De la recherche à l'action p.106

1.Une présence en amont pour créer du lien p.106

1.1.Implantation des locaux p.107

2.Donner du temps pour reprendre confiance p.108

2.1.Nouveau mode de prise en charge p.108

2.2.Le lieu d'hébergement p.109

Conclusion p.110

Bibliographie p.113

Table des matières p.115

La maltraitance dans le signalement et le placement.
Le juge, l'éducateur et l'enfant
Philippe MARTAGUET

«...Si quelqu'un avait eu l'idée de me demander pourquoi je travaille avec des adolescents, j'aurais pu répondre:«c'est parce que je les aime»Il n'était pas question d'avouer aux autres ou à moi-même une vérité que j'ai mis des années à oser regarder en face: je travaille avec les adolescents parce qu'on m'a volé mon adolescence...»44(*) Citation de TOMKIEWICZ Stanislas.

Cette citation pourrait être l'expression de mon parcours autobiographique.

L'article 375 du code civil met en avant la mise en danger, et les maltraitances envers les enfants mineurs. Les professionnels intervenants dans le cadre du signalement, du placement ont pour objectif de protéger ces enfants. D'une posture bienveillante, n'arrivons nous pas à une situation mal traitante?

Une recherche action effectuée sur mon lieu de travail, a montré que le fonctionnement des M.E.C.S pouvait créer un climat d'insécurité.

Ce mémoire interroge le fonctionnement des institutions pour définir si d'autres maltraitances peuvent être présentes dans la prise en charge.

Les investigations faites au travers d'observations et d'entretiens, auprès de différents professionnels (directrice de M.E.C.S., juge), ont montré l'existence de négligences actives et passives, lors de l'intervention auprès des familles, et la prise en charge des mineurs.

Négligences actives et passives, définies par TOMKIEWICZ Stanislas comme des maltraitances.

La mise en place de textes de loi, comme la loi de mars 2007 a permis d'apporter des réponses à certaines formes de ces maltraitances.

L`analyse de cette recherche met en exergue les différentes maltraitances qui apparaissent dans le parcours d'un jeune lors de sa prise en charge dans le cadre de l'article 375.

Différentes réponses sont apportées face à ces maltraitances.

L'intervention des services A.S.E. au travers d'un service préventif, une présence en amont dans la vie des familles au travers de médiateur de quartier est l'une des réponses.

Le principe de prise en charge des M.E.C.S. est à réétudier, ainsi que la formation des éducateurs. De nouvelles structures agissant, en structure relais entre les S.A.U. et M.E.C.S doivent être créées. La notion de temps et celle d'obligation d'intégration ne doivent pas être les seules dimensions de la prise en charge, afin que le jeune prenne où reprenne confiance en lui.

* 1 _ cf. annexe n° 1

* 2 _ cf. annexe n° 2

* 3 _ Extrait de l'article 375

* 4 _ Chiffre officiel du Tribunal de Pontoise pour l'année 2006

* 5 _ Chiffre officiel fournis par le Conseil Général

* 6 _ La lettre, numéro spécial, novembre 2000, p2

* 7 _

* 8 _ Cf. Raymond Boudon, Nos bonnes raisons de croire, paris, Presses Universitaires de France, 2002

* 9 _ Extrait d'entretien avec la directrice de la structure J.C.L.T. Goussainville

* 10 _ Pascal COURTY, «Carl Rogers, l'inventeur de la non-directivité», in sciences humaines, n°101, Janvier 2000

* ? ? Obligation pour l'ouverture de toute structure faites dans le dépôt de dossier d'habilitation.

* ? ? Nombre de nuits passées sur place dans l'établissement

* ? ? Référence pour l'année 2007

* ? ? Article 375 alinéas

* 11 _ Bruno Bettelheim, La forteresse vide, édition Gallimard, paru le

* 12 _ Michel CHAPPONNAIS, Placer l'enfant en institution, édition Dunod, paru en 2005

* 13 _ Ordonnance 45, prise en charge des mineurs délinquants.

* 14 _ ADLER Alfred, l'éducation des enfants, petite bibliothèque, paris, paru en 1977

* 15 _ CANALI Marie, FAVARD Anne Marie, entretien dans En direct, page 162

* 16 _Félix GAFFIOT, Le dictionnaire illustré latin-francais, Edition Hachette, paru en 1934

* 17 _ Albert DAUZAT et collaborateurs, Larousse étymologique et historique, Parution 1968

* 18 _ GABELL M., JESU F., MANCIAUX M., Bientraitances, édition Fleurus, parution 2000, paris

* 19 _ WINICOTT D.W., de la pédiatrie à la psychologie, Paris, Payot 1969.

* 20 _ CYRULNIK. B., Un merveilleux malheur édition Odile Jacob, parution 1999,paris..

* 21 _ Alphonse d'HOUTAUD, Michel MANCIAUX, bientraitances mieux traiter familles et professionnels, paru aux éditions Fleurus, édité en juillet 2001

* 22 _ Actualité sociale hebdomadaires- 06 février 2009- n° 2595 p. 34

* 23 _ FREUD Sigmund, un enfant est battu. Contribution à la connaissance des genèses des perversions sexuelles, édition puf, Paris, 1973

* 24 _ BOWLBY John, attachement et perte, édition le fil rouge, puf, paris 1978

* 25 _ Pierre STRAUSS, M.MACIAUX, G.DESCHAMPS, les enfants victimes de mauvais traitements CTNERHI Paris, 1978

* 26 _ HADJIISKI E., du cri au silence, édition Pocket, paris 1986

* 27 _ FOUCAULT Michel, la vie : l'expérience et la science, édition Gallimard, Paris, 1994.

* ? ? JOSEPH Isaac: Erving GOFFMAN et la microsociologie, édition Puf, Paris,1998.

* 28 _ Petit Larousse, édition 1996

* 29 _ Association LE FIL D'ARIANE, lefildariane93@univfcomte.fr

* 30 _BERGER Maurice, l'échec de la protection sociale, édition Dunod, paru en 2003

* 31 _NOGRIX Philippe, Président du groupe de travail, L'amélioration de la procédure de signalement de l'enfant en danger, rapport d'avril 2005

* 32 _TOMKIEWICZ Stanislas, Aimer mal Châtier bien, édition le seuil, parution septembre 1991

* 33 _ BOURDIEU Pierre, Tribune libre, Sociologie et démocratie, octobre 1996

* 34 _ WEBER Max (1864-1920)

* 35 _ L'internaute, http://www.linternaute.com/fr consulté le 05 mai 2008

* 36 _ Pierre VERMESCH (chargé de recherche au CNRS, psychologue et psychothérapeute de formation)

* 37 _ BERGER Maurice, l'échec de la protection de l'enfance, édition Dunod, parut en 2003

* 38 _ « Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des mineurs protégés » établit en avril 2005, par DE BROISSIA Louis.

* 39 _ CAPUL Maurice et LEMAY Michel, De l'éducation spécialisée, édition Eres, date de parution 1996

* 40 _ Loi de mars 2007, texte consulté sur www.legifrance.gouv.fr

* 41 _ Projet, module 404, joint en annexe.

* 42 _ medulla : désigne le centre en latin (définition www.wikipedia.org.fr)

* 43 _ Extrait de la convention internationale des droits de l'enfant, article 19 alinéas 1

* 44 _TOMKIEWICZ Stanislas, L'adolescence volée, édition Hachette littératures, parution 22 juillet 2002






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