UNIVERSITE PARIS III SORBONNE NOUVELLE
COLLEGE COOPERATIF DE PARIS
Diplôme des Hautes Etudes des Pratiques
Sociales
D.H.E.P.S
Master1: formation de formateur d'adultes par la
recherche action
La maltraitance dans le signalement et le
placement
Le juge, l'éducateur et l'enfant en situation de
placement
Présenté par:
Sous la direction de:
Philippe MARTAGUET
Mehdi FARZAD &
Jean-Christophe LEFORESTIER
2009
Remerciements
Je comparerai ces trois années d'études au sein
du Collège Coopératif de Paris à un pèlerinage.
J'étais en quête d'apprentissage, d'apport théorique,
d'ouverture vis-à-vis du domaine professionnel dans lequel
j'évolue. Bon praticien, avec des oeillères fabriquées par
l'expérience du terrain, mon arrivée au collège fut un
plongeon dans l'inconnu.
Envahi d'une soif d'apprendre, je partis dans tous les "sens".
Lorsque j'en pris conscience, ce fut l'abattement. De ces premières
sensations à celles que je ressens aujourd'hui, la satisfaction d'un
travail accompli, pour lequel très certainement moult choses devraient
être reprises. Conscient, que malgré ce travail, il me reste
beaucoup de chemin à parcourir....
Ces années, ces sentiments, si j'ai pu les vivre, les
ressentir, je le dois et je les en remercie:
A Didier Martin qui lors d'une formation au sein de la
structure pour laquelle je travaille, m'a invité et soutenu à
m'engager en D.H.E.P.S.
Au Collège Coopératif de Paris, je dis au
Collège car j'entends l'ensemble du personnel qui a su me recevoir, me
mettre à l'aise, me permettre d'avoir confiance en moi, aux travers des
ateliers coopératifs. Le collège m'a permis de rencontrer des
gens formidables, et la pertinence de leurs réflexions sur mon travail
me fut profitable.
Je remercie plus particulièrement Mehdi Farzad et
Jean-Christophe Leforestier, qui par leur professionnalisme, leur empathie
m'ont permis de gravir chaque étape, de ne pas baisser les bras, de
continuer à avancer malgré mes doutes et égarements.
Je ne remercierai jamais assez Jean-Christophe Leforestier
pour sa patience et sa disponibilité. Accepter d'être mon
directeur de recherche devait être un «challenge» pour Mehdi
Farzad. Devant autant de dévouement, je me devais d'aller au bout de ce
«voyage»...
Aller au bout de ce «voyage», pour vous, mes filles,
qui aux travers de vos regards pleins de fierté m'ont donné la
force de poursuivre et de ne pas baisser les bras.
Je voudrais remercier les personnes, juge du tribunal de
Pontoise, la directrice du foyer éducatif de Goussainville, l'assistante
sociale du service A.S.E., pour leur franchise, honnêteté et
patiente dont elles ont fait preuve durant les entretiens.
Juste un mot...MERCI à vous tous.
Sommaire
Remerciements p. 2
Sommaire p. 3
Sigles et abréviations p. 4
Introduction p. 5
Première partie - Education et
maltraitance p. 12
Chapitre 1 - Apprendre à s'écouter
pour entendre les autres. Eléments d'autobiographie raisonnée
p. 13
Chapitre 2 - D'un projet institutionnel aux
pratiques institutionnelles p. 24
Chapitre 3 - Définition de la
maltraitance p.31
Chapitre 4 - Signalement et maltraitance
p.48
Chapitre 5 - Le placement et le signalement
comme maltraitance p.60
Deuxième partie - Quand la maltraitance
s'invite dans nos institutions p.78
Chapitre 6 - Méthodologie d'enquête
- entretiens et observations p.79
Chapitre 7 - Recueil et organisation des
données p.88
Chapitre 8 - Analyse et interprétations
p.98
Chapitre 9 - De la recherche à l'action
p.106
Conclusion p.110
Bibliographie p.113
Table des matières p.115
Annexes (volume séparé)
Sigles et abréviations
A.S.E. Aide Sociale à l'Enfance
A.E.M.O. Assistance Educative en Milieu Ouvert
P.J.J. Protection Judiciaire de la Jeunesse
J.C.L.T. Jeunesses Culture Loisirs et Techniques
M.E.C.S. Maison d'Education à Caractère
Social
D.D.A.S.S. Direction Départementale des Affaires
Sanitaires et Sociales
O.D.A.S. Observatoire Décentralisée de
l'Action Sociale
S.E.M.O. Service d'Education en Milieu Ouvert
S.A.P.M.N. Service d'Adaptation Progressive en Milieu Ouvert
P.M.I. Protection Maternelle Infantile
A.S. Assistante Sociale
S.A.U. Service d'Accueil d'Urgences
C.A.F. Caisse d'Allocation Familiale
A.D.A.E.A. Association Départementale pour l'Aide
à L'Enfance et aux Adultes
Introduction
A l'aube de mes trente-cinq ans, je donnai une nouvelle
orientation à ma carrière professionnelle, en intégrant le
foyer Arobase de l'association Jeunesse Culture Loisirs Technique (J.C.L.T.) de
Goussainville, en qualité de surveillant de nuit. Mon implication
auprès des mineurs m'amena rapidement à intégrer
l'équipe éducative. Mon nouveau rôle consiste à
prendre en charge le groupe de jeunes la journée. Il consiste
également à la prise en charge individuelle de certains jeunes,
en qualité d'éducateur référent.
Les éducateurs interviennent auprès de
populations diverses : les mineurs, les sans domicile fixe, les
toxicomanes... Toutes personnes en situation de précarité et /ou
en rupture sociale. La conjoncture actuelle met en exergue le manque de
professionnels dans ces domaines.
Cette structure prend en charge des jeunes mineurs
confiés par la Direction Départementale des Affaires Sociales et
Sanitaires (D.D.A.S.S.) dans le cadre de l'article 3751(*) ou par la Protection Judiciaire
de la Jeunesse (P.J.J.) dans le cadre de l'ordonnance 45 du Code
pénal2(*).
La Direction Départementale des Affaires Sociales et
Sanitaires agit au travers de son service A.S.E. Celui-ci intervient et met en
place des actions auprès des familles sur demande du juge des
enfants.
Les juges des enfants sont informés des situations
à risque qui peuvent naître dans les familles, aux travers de
signalements émis par un tiers. Ce dernier peut être un membre de
la famille, un représentant des services sociaux, un adulte qui
évolue dans le cercle social de l'enfant (instituteur ou médecin,
par exemple) ou encore par l'enfant lui-même.
Le signalement s'entend de toute déposition
écrite ou orale faite auprès des services de police, de justice
et/ou services sociaux:
«Les signalements dans le cadre de l'article 375 sont
du domaine civil. Toute personne physique est en droit et a pour devoir de
signaler auprès des services sociaux toutes maltraitances, subi par un
enfant, dont il est ou pourrait être témoin, et ou avoir
connaissance.»3(*)
Dans le cadre d'un signalement relevant de l'article 375 du
Code civil, les juges des enfants délèguent aux services de
l'Aide Sociale à l'Enfance (A.S.E.) le rôle d'intervenant,
auprès des familles et des jeunes.
Les services A.S.E. sont ainsi diligentés par le juge
pour enquêter sur la pertinence du signalement et apporter la
réponse à mettre en place pour que cessent toutes maltraitances.
Pour ce faire, ces services mènent une enquête auprès des
personnes incriminées. Ils rencontrent l'enfant, sa famille, le
voisinage et plus si besoin est... Sur la base de cette enquête est
établi un rapport qui est transmis au juge des enfants.
Fort de ce rapport, qui constitue le support de sa
décision, le juge dispose de trois réponses possibles : il
peut ne pas donner suite au signalement si les faits signalés ne sont
pas avérés, il peut aussi engager un suivi au sein de la famille
par un éducateur (Action Educative en Milieu Ouvert, A.E.M.O.) ou bien,
s'il estime cela nécessaire pour faire cesser les maltraitances envers
l'enfant, il peut décider, pour protection de l'enfant, d'un placement
en famille d'accueil ou en Maison d'Enfants à Caractère Social
(M.EC.S.).
Les juges des enfants, ainsi que l'ensemble des services
agissant dans le cadre d'un signalement, d'un placement, d'un suivi A.E.M.O.,
sont de plus en plus sollicités.
Le rapport annuel établi par le Ministère de la
Justice, communiqué aux tribunaux, et diverses études faites par
des organismes, tels que l'Observatoire Décentralisé de l'Action
Sociale (O.D.A.S.), montrent que le nombre de signalements d'enfants en danger
est en perpétuelle augmentation. Ainsi, par exemple, pour le
département du Val d'Oise (département dans lequel je travaille),
le nombre de signalements représente aujourd'hui 1594 dossiers4(*). Ces derniers ont
augmenté de 11% en 20065(*).
Un autre rapport de l'ODAS6(*), présente le tableau suivant :
1994 1995
1996 1997 1998 1999
Total des enfants en danger 58 000 65 000
74 000 82 000 83 000 83 500
|
Total des transmissions 31 000 36 000
42 000 49 500 49 000 47 500
judiciaires
|
Le rapport de l'O.D.A.S.7(*) fait une distinction entre les enfants en danger et
les situations à risque (situations qui pourraient mettre l'enfant en
danger). Seules les situations à risques semblent en augmentation. Les
situations de danger avéré sont stables.
Sans doute emploie-t-on ici le terme de situation de
manière pudique, pour évoquer le risque de mise en danger de
l'enfant au sein de sa famille. L'expression «mise en danger» n'est
d'ailleurs pas présente dans l'article 375 du Code civil qui parle de
maltraitance.
Lorsque le juge des enfants décide d'un placement en
foyer pour le mineur, les services A.S.E. s'adressent au M.E.C.S. C'est
à ce moment que commence mon intervention auprès des jeunes.
Mon cadre professionnel m'a permis de m'interroger sur mes
pratiques, sur le fonctionnement, voir les dysfonctionnements de
l'institution.
Avant toute recherche dans le cadre du D.H.E.P.S., la
première démarche est l'autobiographie raisonnée. Mon
parcours autobiographique portera réflexion sur les motivations
conscientes et inconscientes qui m'ont amené à m'engager
professionnellement dans le domaine social, et plus particulièrement ce
besoin d'aider et de comprendre ces jeunes en grande difficulté. Mon
parcours de vie ne pouvait que me destiner, à un moment ou un autre,
d'une manière ou d'une autre, à réfléchir et
apporter mon soutien aux plus démunis, matériellement,
psychologiquement et familialement.
Mon parcours de vie m'a amené à vivre dans la
double posture: Professionnel face à un juge des enfants - Père
de famille, face à un juge, pour répondre de l'éducation
dispensée à mon enfant. Cette double posture m'a permis de saisir
pleinement le ressenti de tout un chacun lors d'un signalement, de m'interroger
sur les notions de maltraitance au sein d'une famille qui subit un
signalement.
Le travail monographique a notamment fait ressortir que les
règles de vie étaient synonymes de cadre pour les jeunes. Ce
cadre posé les sécurisait. A l'inverse, il ressort que l'absence
de cadre est porteuse d'insécurité. Elle génère un
sentiment de danger chez les jeunes accueillis.
Ma recherche a montré que les notions de
sécurité et insécurité n'étaient pas
liées à la seule application des règles en institution.
L'implication, l'appropriation, des professionnels au moment de la conception
et de la mise en place sont des éléments déterminants. Ces
éléments permettent la transmission, la mise en place de ces
dernières de manière pertinente auprès des jeunes. S'il
n'y a pas appropriation dans la co-élaboration des règles de par
des éducateurs, alors celles-ci ne font pas sens pour les jeunes.
«Les règles de vie avaient été
établies par la directrice de la structure. Pour ce faire elle avait
plagié les règles de vie d'une autre institution. La grande
différence qui n'avait pas été prise en compte par la
directrice est: le projet de base avait été rédigé
en direction de jeunes de 12 à 16 ans. Hors nous recevions des jeunes de
12 à 18 ans. Ce décalage induit que certains éducateurs
n'arrivaient pas à concevoir le fait d'envoyer au lit à 21 heures
des jeunes de 17 et 18 ans. D'autres a contrario, appliquaient le
règlement, sans y porter réflexion. Il en résulta que le
coucher devint un moment de tension entre les jeunes et les
éducateurs...» (Journal de bord, 2000)
Lors de cette enquête exploratoire, aux travers
d'interviews auprès de jeunes, il apparaît que ces derniers
perçoivent en ces règles une échelle de valeur de
l'égalité de tous au sein de la structure. Que si cette
échelle de valeur n'est pas respectée, alors à nouveau les
sentiments et situations d'insécurité et d'injustice peuvent
surgir.
Une situation d'insécurité peut naître de
la réaction d'un professionnel qui n'adapte pas son comportement
à la règle connue de tous. Le non respect d'une règle
établie « même... avec les bonnes raisons qu'il peut
y avoir d'agir ainsi8(*) », peut entraîner une
incompréhension de la part des jeunes. Ainsi, un jeune ne comprenant pas
une décision prise par un adulte, de surcroît dans un tel
contexte, subira son placement.
Ce ne sont pas les seuls moments où un jeune peut subir
son placement, ne pas en saisir le sens. Quand les motivations du juge des
enfants sont d'ordre financier et non éducatif, comme ce fut le cas de
cette fratrie qui a subi la séparation des parents. Le père
quitte le domicile conjugal. La mère ne travaille pas.
«Leur situation financière s`avère
vite délicate. La mère ne peut plus payer le loyer, et c'est
l'expulsion de la famille. La mère se tourne vers les services sociaux.
Ces derniers font un signalement. Le juge n'a pour seule réponse que le
placement des enfants en institution. Comme, il s'avère impossible de le
maintenir sur un même lieu, la fratrie est dispersée. A aucun
moment, les compétences éducatives de la mère ne furent
misent en doute. Les enfants ont subi le départ de leur père et
en réponse la justice les sépare, éclate la
fratrie.»9(*)
De cette réflexion est née l'interrogation qui a
initié ma recherche pour ce mémoire. La loi met en exergue, au
travers de l'article 375 du Code civil, la notion de maltraitance.
Cette loi a pour but de veiller sur les enfants en danger et
de leur apporter, au travers des institutions, la réponse la plus
appropriée, afin que cette maltraitance disparaisse. Ces réponses
ne sont-elles pas parfois, mal traitantes, dans leur forme, dans la
façon dont elles sont prises et mises en place?
Ma recherche portera sur le rapport entre les institutions qui
interviennent lors d'un signalement et les familles, sur l'approche des
professionnels et le ressenti des familles dans un tel contexte. Cette
recherche-action porte encore sur les possibilités d'action de la part
de chaque intervenant et l'adéquation des réponses mises en
place, ainsi que la posture qu'elle éveille chez chacun.
J'analyserai les différentes définitions faites
de la maltraitance. Sur la base de cette analyse, je proposerai une
définition opératoire.
Prenant pour référence cette définition
de la maltraitance (synonyme d'insécurité), je vais alors
étudier au travers d'observations, d'entretiens libres
réalisés avec les partenaires sociaux et intervenants
professionnels, les comportements et manières de faire, de dire, des
personnes agissant dans le cadre de l'article 375 du Code civil.
Je vais essayer, tant que faire se peut, lors des entretiens,
d'adopter une posture empathique et de congruence, démarche de
non-directivité ainsi que l'a défini Carl Rogers10(*).
Les observations et entretiens seront analysés au
travers du concept de la maltraitance et des indicateurs qui en
découlent. Cette analyse fera appel à deux notions principales,
la négligence passive et la négligence active.
Cette analyse doit me permettre de savoir si la maltraitance
est présente dans nos institutions, et plus précisément
dans le cadre de l'article 375 du Code civil. De quelle manière, elle
apparaît. A quel moment intervient-elle dans la prise en charge?
Dans un second temps, je présenterai des
éléments de contextualisation, les cadres sociaux et juridiques
dans lesquels j'évolue professionnellement. Je dresserai le contexte de
mon lieu de travail, le profil des intervenants professionnels, notre
rôle théorique et comment ce dernier s'applique dans la
pratique.
Le chapitre suivant sera consacré à la
définition, ethnologique, lexicale, ainsi que les définitions
faites de la maltraitance par certains professionnels évoluant dans le
monde de l'enfance. A partir de l'ensemble de ces dernières, je poserai
mon interprétation, comme ma propre définition.
Dans un troisième temps, j'aborderai les notions
centrales de cette recherche. Je porterai ma réflexion sur mon
cheminement aux travers d'observations au sein de mon domaine professionnel,
d'enquêtes auprès de professionnels, directrice de structure, juge
des enfants, éducateurs, mais aussi auprès de jeunes, de
familles. J'y exposerai également ma propre expérience
personnelle, j'analyserai la pertinence de ma question principale, ainsi que
les réponses qui peuvent être apportés à cette
dernière. Des pistes d'actions devraient émerger de cette analyse
qui seront présentées dans un dernier chapitre.
PREMIERE PARTIE
EDUCATION ET MALTRAITANCE
Chapitre 1
Apprendre à s'écouter pour entendre les
autres
«...Si quelqu'un avait eu l'idée de me
demander pourquoi je travaille avec des adolescents, j'aurais pu
répondre:«c'est parce que je les aime». Il n'était pas
question d'avouer aux autres ou à moi-même une
vérité que j'ai mis des années à oser regarder en
face: je travaille avec les adolescents parce qu'on m'a volé mon
adolescence...»
Stanislas TOMKIEWICH, L'adolescence
volée
Porter sa réflexion sur la maltraitance, sur les
maltraitances institutionnelles, dans le cadre de ma fonction
d'éducateur n'est pas totalement neutre, pas
anodin. Néanmoins, c'est tenter de porter un regard objectif sur
mes pratiques professionnelles. Chercher à apporter au travers de cette
recherche une réponse à un questionnement. Si toutes les raisons
professionnelles existent pour justifier de cette recherche, la première
des motivations est celle de mon propre rapport à la maltraitance dans
mon parcours de vie. Pour en trouver le fil, il me faut retracer mon histoire.
J'introduirai mon autobiographie avec ces quelques mots: Chaque douleur est
une déchirure. Comprendre sa douleur c'est un peu la
guérir.
1.Apprendre à s'écouter...
Comment écrire et décrire les
événements de ma vie qui m'ont amené à exercer ce
métier d'éducateur ? La vraie question porte, sans doute
davantage que sur les événements eux-mêmes, sur les
sentiments qui ont pu ainsi être éveillés en moi. Comment
déterminer quels sont ces événements qui font sens au
regard de mon thème de recherche sans avoir réfléchi sur
le sentiment qu'ils ont éveillés? Et comment, au regard d'un
thème qui engage de la souffrance, écrire mon autobiographie sans
s'y complaire, sans «tomber» dans la psychanalyse?
Ces questions m'ont d'abord empêché d'avancer
dans mes écrits jusqu'au moment où, durant les ateliers
coopératifs, le groupe avec lequel j'étais en formation m'a
amené à comprendre mes motivations premières dans mon
choix professionnel; motivations qui étaient demeurées plus ou
moins inconscientes ou inavouées jusqu'à ce jour.
Inavouées quand je me refusais à les admettre car cela renvoyait
à des douleurs passées, avec l'obligation de les accepter.
Sans tomber dans la psychanalyse, ni les larmes, mon groupe a
réussi au travers de discussions et débats à m'amener
à décrypter dans mon parcours de vie la motivation
première de mon implication professionnelle et du questionnement de ma
monographie.
Ce sentiment tant caché que je me refusais de voir
n'était autre que le sentiment d'injustice; injustice ressentie dans mon
enfance.
L'injustice est présente quand une décision ne
répond pas à la justice. Souvent elle appelle à la
révolte. Le dictionnaire fait aussi référence au sentiment
d'injustice. La définition oubliée par le dictionnaire est
l'injustice de la vie. Une injustice hors cadres, hors normes, des
règles de la société.
2.L'enfance et le sentiment d'injustice né de
l'incompréhension
Enfant d'une fratrie de deux frères et deux soeurs,
j'étais le cadet. Né de père français, parisien
depuis plusieurs générations, et de mère espagnole dont
les parents avaient fuit le régime franquiste. Je n'ai aucun souvenir de
ma petite enfance. Je sais que les cinq premières années de vie,
ma famille habitait Paris.
Brutalement, sans prévenir, avec violence, comme le
fait un accident, la vie me prit m'a mère. Avec la maladie, la vie vous
laisse le temps d'accepter la situation, de l'anticiper, mais avec l'accident,
pas d'acceptation, ni d'anticipation. Seule reste la violence d'un moment, d'un
fait. Violence d'un moment couvert par le bruit des sirènes, violence
qui laisse la place à l'incompréhension, puis au sentiment
d'injustice.
Ai-je réalisé ou non à ce moment ce qui
s'est déroulé sous mes yeux? Je ne peux le dire?
Je n'ai aucun souvenir de ce jour, ni même des
années précédentes. Etais-je trop jeune ou bien est-ce une
qualité de mon cerveau que de jeter le voile sur l'impensable. Quoi
qu'il en soit, même sans souvenir le sentiment d'injustice était
là, ainsi que les douleurs affectives liées à l'absence de
ma mère.
Après ce drame, ma famille quitta Paris pour aller
s'installer en région parisienne. Quand le malheur vous frappe de la
sorte, seul deux chemins s'offrent à vous: le chemin qui vous aide
à alléger votre peine en vous rapprochant des êtres encore
présents ou celui qui fait de votre tristesse, le leitmotiv quotidien de
votre peine que vous arrosez d'alcool ou autre dans l'espoir qu'elle s'estompe
un jour. Mon père choisit le second chemin bien que je pense que son
premier réflexe fut de vouloir prendre l'autre, celui qui te dit
rapproche-toi des gens que tu aimes, des gens présents. Rapproche-toi de
tes enfants, ils ont besoin de toi.
La seconde partie de mon enfance fut douloureuse, pas
douloureuse physiquement mais moralement. Sans la tendresse de cette
mère qui m'avait quitté involontairement et sans la
présence et l'écoute d'un père. Il était
présent physiquement mais ses préoccupations étaient loin
des nôtres. Mon père était plus soucieux d'oublier sa peine
dans l'alcool.
3.L'adolescence: la réalité de la
maltraitance
L'adolescence c'est la période définie comme
délicate pour beaucoup d'enfants, celle où l'on quitte le monde
de l'enfance pour accéder au monde des adultes, celle encore de la
révolte et de l'intolérance, en tout cas, en ce qui me concerne.
Révolte face à cette double injustice: la disparition de ma
mère, sujet tabou, mots jamais exprimés au sein de ma famille;
douleurs quotidiennes d'autant plus grandes que le silence les enveloppait.
Le comportement de mon père au travers de mes yeux
d'adolescent, était celui d'un être faible, une personne qui
n'avait pas eu le courage de se battre pour ce que ma mère lui avait
laissé de plus beau. Ses enfants. Il s'était
réfugié dans l'alcool, afin d'oublier, mais nous faisait subir
régulièrement sa détresse, sa douleur
décuplée par l'abus de boissons. Adolescent, comment communiquer
sur cette violence quotidienne émanant du seul parent qui me restait?
Avec l'âge et le fait que nous étions
désormais plus grands et plus forts, mon frère aîné
et moi-même subissions de moins en moins cette violence; je pense que mon
père savait que physiquement nous étions en mesure de lui
répondre, même si cela ne nous était pas venu à
l'esprit. Jusqu'à quel point? En toute honnêteté,
l'idée a bien dû nous traverser l'esprit quelquefois.
Une telle détresse et incompréhension face
à ces injustices qui jalonnaient mon enfance pouvaient très
sincèrement m'emmener vers la violence. Je choisis l'intolérance
face à mon père. L'intolérance comme exutoire à ma
peine, sans doute due alors à mon manque de recul et de
maturité.
Je passais mes journées à «traquer»
l'injustice, je la cherchais partout, au collège, chez moi, dans la vie
de chacun. Je cherchais partout cette injustice sachant qu'elle était
encrée au sein du foyer familial. Je percevais comme injuste, la
violence de notre père; une violence qui n'était que la
résultante de sa douleur face à la vie, douleur qui se
transformait le soir dans le pavillon familial en maltraitances.
Bien sur, il y avait la maltraitance physique, celle qui se
voit. Comme ce jour ou nous étions à table, pour une raison
futile, une excuse injustifiée, par besoin de laisser sortir son mal
être, il jeta une cuillère au visage de ma soeur. Assis au
coté de cette dernière, je pris «le projectile» en
pleine tête. Je me levais d'un bond en lui disant qu'il n'avait pas
à faire cela. Il me répondit, en s'excusant: «ce n'est pas
toi que je visais!» J'explosais. Etait-ce une excuse? Comment se permettre
de jeter des couverts ou autres au visage des personnes? Et qui plus est sur
ses propres enfants? Nous étions des enfants et non des souffre-douleurs
ou, comme je le dis, l'exutoire de la peine et de mon père
alcoolique.
Malgré tout ce que nous avions pu subir, à aucun
moment, je n'ai eu la force de dénoncer. Car n'étions nous pas
quand même une famille? Une famille marquée par le malheur certes,
mais une famille quand même. Et dans une famille, ne devons nous pas
être tous solidaires ?
Bien sûr la violence physique était
présente dans notre quotidien, mais ce n'était pas la seule. Il y
avait aussi ces maltraitances morales, qui induisent des plaies à
l'âme, bien plus profondes que ces maltraitances physiques. Ainsi en
est-il de ce jour où revenant de maison de repos, après y avoir
passé un mois suite à une opération chirurgicale que les
médecins avaient définie comme «lourde», et venant de
passer huit heures dans le train en compagnie d'une assistante sociale, je
découvris que mon père qui devait m'attendre à la descente
du train, n'était pas là. J'étais inquiet. J'avais alors
peur qu'il lui soit arrivé quelque chose, quand bien même durant
un mois je n'avais pratiquement eu aucune nouvelles de ma famille, et que je ne
m'en étais pas pour autant inquiété. Le temps passait,
nous étions toujours sur ce quai de gare à attendre. Vingt deux
heures arrivèrent, cela faisait deux heures que nous attendions.
L'assistante sociale me dit qu'elle ne pouvait attendre plus longtemps, qu'elle
allait contacter la personne de permanence de son service, afin que je sois
pris en charge pour la nuit par une structure, et que mes parents passeraient
m'y prendre dès le lendemain matin. Je sentis l'angoisse monter en moi.
Cette angoisse me faisait me poser la question«Pourquoi cela m'arrive
à moi?» Cette angoisse qui avait disparu, un mois durant, me
revenait frontalement. L'assistante sociale venait juste de raccrocher, quand
mon père se présenta sur le quai. Sa démarche était
loin d'être sereine et quand il commença à bredouiller des
excuses en direction de mon accompagnatrice, j'ai pensé:
«Bienvenue dans la réalité de ton
quotidien!...» J'en voulais à mon père. Comment
après un mois d'absence, pouvait-il arriver avec deux heures de retard
et en état d'ébriété manifeste...
Je m'en voulais aussi. Comment avais-je pu
m'inquiéter? Comment avais-je pu oublier ce quotidien?
Sans doute parce que la violence, l'alcoolisme de mon
père, comme le décès de ma mère entraient dans le
domaine du tabou.
4.Le silence et le tabou - le non dit
Le soir, seul dans mon lit, face à moi-même,
c'est une peine inexprimable qui m'envahissait. Comment parler de tels actes
posés par son père? Ma soeur, ne supportant certainement plus ces
maltraitances, s'adressa aux services sociaux. Le jour même, elle fut
placée en famille d'accueil. Je comprenais son geste. Mais quand les
services sociaux furent diligentés pour une enquête au sein de la
cellule familiale, j'ai refusé de parler. J'ai refusé de dire...
parce que l'on ne dénonce pas son père, même si ce dernier
a tort. Il n'était pas en droit de nous violenter...
Le départ de ma soeur ne fut jamais
évoqué. Une fois de plus, c'est le silence qui prenait place au
sein de la famille. Peut-être n'étais-je plus en mesure de
supporter cette situation. Peut-être me sentais-je assez grand pour oser
demander à mon père des explications sur tous ses
«tabous».
Ainsi, un soir, j'étais rentré dans le
désir d'avoir des réponses. J'étais face à mon
père. Je ne lui laissais pas le temps de prendre la parole: «je
veux savoir comment est morte ma mère? Que c'est il
passé? J'ai le droit de savoir!». Pour seule réponse
mon père me mit à la porte de chez lui. Le fait de dire les
choses avait provoqué une rupture.
5.Un nouveau foyer pour une nouvelle vie
Je fus hébergé par la mère d'un copain.
Cette femme vivait seule avec ses trois enfants. Très vite, je trouvais
ma place au milieu de cette nouvelle famille. Je me sentais envahi d'un
sentiment de bien être et de calme. Un matin, je fus
réveillé par les gendarmes. Mon père avait signalé
que je ne vivais plus chez lui. Interrogé sur ma situation dans leurs
locaux, je ne pus m'exprimer. Le gendarme me signifia, qu'au vu de mon statut
de mineur, je ne pouvais rester chez cette personne. Je fus conduit devant un
juge des enfants. Le juge me signifia mon placement en foyer. Je lui exprimais
mon refus en spécifiant que j'avais trouvé une famille où
je me sentais bien et qui m'acceptait. Mon argumentation fut vaine au regard de
la loi.
Je ne suis jamais arrivé au foyer. J'ai passé
plusieurs jours à errer dans la rue, dormir dans une voiture. Quand la
mère de mon copain l'apprit, elle vint me chercher et me dit de rentrer.
«Tu ne peux vivre ainsi, et même si je dois être hors la
loi tu rentres à la maison!» Je suis rentré
à la maison avec l'angoisse de mettre la seule famille qui me
convenait en danger, mais un sentiment de bien être...
Les jours s'écoulaient au sein de cette famille je ne
sais pas comment, ni pourquoi, ni quelle fut ma motivation, quel fut
l'élément déclencheur? Je pris mon stylo et me mis
à écrire.
6.L'écriture pour soi...
Certains vont appeler ces lignes poèmes, textes ou
autres... Pour moi ce fut d'abord une délivrance. Enfin j'exprimais mon
mal être, enfin des mots étaient posés sur la douleur.
MERE
Toi que je ne connais pas
Toi qui es partie
Moi qui ai grandi
Toi qui aurais pu guider mes pas
Toi à qui j'aurais aimé me confier
Toi qui je sais m'aurais écouté
Tu m'as appris à marcher
Puis on t'a enterrée
J'ai eu d'autres mères
Mais je ne m'en souciais guère
Car tout le temps, je n'ai pensé qu'à toi
Maman
MERE DE SONGE
Cela fait treize ans maintenant
Et tu occupes la même place dans mon coeur
Cette place qui est et restera «la» tienne
Visions de beauté basée sur une photo
Je te défends sans l'ombre d'une hésitation
Le soir, dans ces moments de désespoir
Je t'imagine me prenant dans tes bras
Me réconfortant en séchant mes larmes
Si je ne t avais pas«mère de songe»
Je serais......
A quoi bon y penser ! Puisque tu es-la.
Mon stylo était ma nouvelle arme. Mon stylo me permit
d'apaiser ma souffrance et de me mettre à l'écoute de celle des
autres.
Ainsi jaillirent des textes pour les enfants:
CES MOMES
Quand je regarde ces mômes abandonnés !
LE BONHEUR
Laissons parler l'enfant
Le fruit de notre sang
Laissons parler son coeur
Le cri de son bonheur
Laissons voler l'oiseau
Pour qu'il chante de haut
Laissons battre ses ailes
Vers la route du soleil
Laissons éclore la fleur
Image du bonheur
Laissons la même faner
Il n'y a rien à regretter
L'enfant n'a pas parlé
Son coeur était serré
L'oiseau n'a pas volé
La cage l'en a empêché
La fleur n'a pas fleuri
Elle a été cueillie
Le bonheur est passé
Personne ne l'a remarqué
Le bonheur est au passé
Il n'y a plus qu'à regretter
Je me dis qu'il vaudrait mieux les aider
Que les enterrer
Vous les voyez traîner
Vous les voyez se bagarrer
Ce sont eux les voyous
Ce sont eux les vauriens
Mais pensez qu'eux aussi ils ont besoin d'être
aimé
Un jour ils en auront «raz le bol»
De se sentir traqués
Ils feront une O.D.
Ou prendront des cachets
Ce jour là, alors on dira:
Ce pauvre petit était abandonné
Dommage il aurait pu y arriver
Mais le pauvre ne sait pas accrocher
Je tiens à vous dire
Un sourire aurait pu le sauver
Ce garçon que l'on enterre aujourd'hui
C'est vous qui l'avez tué
Désormais mon stylo m'amène sur les chemins de
la douceur et des sentiments amoureux. Je rentrai dans le monde des adultes
à cette période.
7.Le tournant professionnel et existentiel
De nombreux amis qui évoluaient dans le monde de
l'animation me conseillèrent de travailler avec les enfants. Pour eux,
l'écoute et les rires que je partageais avec ces derniers ne pouvaient
que me prédestiner à travailler auprès des jeunes. A 20
ans ma réponse était, que ma révolte était
encore trop présente, que j'avais dompté ma douleur,
apaisé la souffrance de ces années passées, mais que je
savais qu'une partie seulement du chemin était accomplie. Le sentiment
de révolte était toujours présent en moi, prêt
à se réveiller quand mes yeux se posaient sur un visage triste ou
que j'entendais la douleur d'un jeune aux travers de ses paroles. Il me
manquait encore une étape à franchir. Il me manquait la patience
qui pouvait m'aider à les comprendre, les écouter. Cette patience
qui pouvait m'aider à les accompagner afin qu'ils apprennent à
dompter leur douleur.
Dans le même temps, j'étais en quête de
reconnaissance. J'avais besoin de montrer aux gens, et surtout à mon
père, que cet enfant révolté que j'étais, qu'ils
dépeignaient sans avenir, était capable de réussir.
L'image que je garde de mon entrée dans le monde du
travail pourrait être celle d'un demi de mêlée qui court
vers les poteaux adverses. Une quinzaine d'années plus tard, j'offrais
la représentation classique de tout un chacun de l'homme qui a
réussit: j'étais installé dans le sud de la France, vivais
avec une jolie femme qui m'avait donné un bel enfant et étais
directeur d'hypermarché. Mon objectif était atteint. Le jeune
révolté n'était plus, disparu, oublié, maintenant
j'offrais l'image d'un jeune cadre dynamique, l'image de quelqu'un qui a
réussi. J'aurais pu vivre longtemps ainsi. Sans passion. Mais ce manque
me rongeait jour après jour.
Ces années m'avaient apaisé et apporté de
la maturité. Elles m'avaient appris la patience. Je prenais le temps de
réfléchir avant d'agir. Je posais les éléments
avant de juger. Je cherchais à prendre du recul face aux situations. Le
temps m'avait appris à être patient. Patient face à mon
enfant. Patient face à mes désirs. Patient face à la
vie.
Que manquait-il maintenant au jeune homme de vingt ans pour se
tourner vers les autres, vers ceux qui souffrent, vers ceux qui se moquaient de
ma reconnaissance, vers ceux qui comme moi à leur âge, sont
tellement envahis par la peine, qu'ils ne peuvent réagir.
Le manque était découvert, ma vie ne pouvait
être ce «cliché». J'étais assez mûr pour
savoir que je n'étais pas une représentation du regard d'autrui
mais que je voulais être là pour les autres; être leur
stylo.
Le jour où j'en pris conscience ma vie bascula. Elle
bascula d'autant plus que mon père venait de décéder. Une
boucle s'achevait.
8.Le retour aux sources, la formation et la
reconnaissance
Je revins m'installer en région parisienne, à
Goussainville où j'avais passé la plus grande partie de ma
jeunesse. Après des années d'errances affectives, des
années à porter ma souffrance et ma douleur, un stylo m'avait
donné la force de dompter ces dernières. L'écriture
m'avait donné la joie de vivre et le réconfort. Comment avais-je
pu oublier cela? Le bonheur que cela procure de dompter, apprivoiser sa peine
et sa tristesse. Comment avais-je pu oublier la joie que l'on ressent quand on
tend la main aux autres ? La joie que l'on ressent quand on devient leur
«stylo»?
J'avais maintenant, grâce aux années
passées, acquis ce qu'il me manquait au sortir de l'adolescence pour me
tourner vers les autres. J'avais connu le foyer de Goussainville dans ma
jeunesse, au travers du parcours de vie de copains qui y avaient
été placés suite à une décision du juge des
enfants. J'entrepris donc de postuler dans cet établissement en
qualité de surveillant de nuit, seul poste disponible à
l'époque. Ainsi commença ma nouvelle vie professionnelle,
auprès et pour les autres, au foyer de Goussainville.
Désireux d'être reconnu par mes pairs,
après cinq années de pratique, j'entrepris une validation des
acquis afin d'obtenir le diplôme d'éducateur
spécialisé. Dans le même temps, j'intégrais ma
formation au Collège Coopératif de Paris. Cette formation m'amena
à m'interroger sur mes pratiques et celles de mes collègues, et
intervenants dans le cadre d'un signalement.
9. Epilogue
Quand j'entrepris cette recherche, j'étais loin de me
douter que mon statut de père de famille allait m'amener à vivre
le ressenti des parents confronter à cette situation.
Ma fille aînée vit avec sa mère à
Toulouse depuis notre séparation. Je sais leurs relations
conflictuelles. Lors de ses venues à mon domicile ou par
téléphone, ma fille me fait part de ses difficultés. En
septembre 2008, je reçus une convocation du juge des enfants de Toulouse
concernant ma fille. J'appelai de suite la mère de ma fille. Elle
m'informa que notre enfant avait discuté avec l'infirmière de son
collège. Cette dernière inquiète des propos de notre fille
avait fait un signalement. De par mes fonctions dans ma vie professionnelle, je
rencontrais régulièrement les juges des enfants en qualité
d'éducateur. Cette fois je me présentais face à ce dernier
avec mon statut de père.
Mon parcours de vie m'avait amené à travailler
dans le social. Par soucis d'apporter une réflexion des plus
pertinentes, j'engageais une formation. Cette formation m'amena à
m'interroger sur les maltraitances liées à la prise en charge des
jeunes dans le cadre de l'article 375.
D'une posture de chercheur ma vie m'amenait à
être en posture d'enquêté potentiel.
Chapitre 2
Le travail social et l'enfance en danger
« La recherche--action a l'ambition de ne plus
séparer les faits et les valeurs, mais de redonner valeurs aux faits
pour retrouver une responsabilité de l'homme agissant »
René Barbier, La recherche-action
Avoir de nobles projets, pour de nobles causes ne suffit pas!
La construction et la mise en place d'un projet ignorent bien souvent les
carcans de la réalité; réalité budgétaire,
réalité lié aux textes, et aléas. Mais ces
réalités ne doivent pas nous aveugler, nous faire perdre notre
déontologie et notre professionnalisme. Car en plus de nous perdre, nous
mettons les enfants en danger. Voilà mon état d'esprit et mon
garde-fou au moment d'entrer en recherche.
Il convient de préciser d'abord le contexte dans lequel
s'inscrit cette recherche-action. Ainsi, dans ce chapitre, je vais aborder
l'origine du travail social dans le cadre de l'article 375 du code civil,
à savoir la prise en charge des enfants en danger. Je poserai
l'historique des maisons de placement et leurs évolutions au travers de
l'évolution des textes et de la société.
1.L'origine du travail social
C'est au lendemain de la seconde guerre mondiale que l'action
sociale a vraiment pris de l'ampleur en France.
Les premières associations qui virent alors le jour
ont, pour beaucoup, résisté à l'usure du temps, sachant
évoluer et s'adapter aux mutations des pratiques et des populations.
Une des premières associations pour l'aide à
l'enfance et aux personnes en difficultés (ADAEA) fut fondée en
1956. Celle-ci était installée dans les bureaux de la CAF
représentée par une assistante sociale. Ce ne fut que plusieurs
mois après qu'elle obtint des bureaux au sein des Palais de Justice.
ADAEA assure aujourd'hui les mesures ordonnées par le
parquet (aide éducative en milieu ouvert, enquêtes sociales,
investigation d'orientation éducative, tutelles aux prestations sociales
enfants) ainsi que les mesures ordonnées par les juges des tutelles et
les juges aux affaires familiales.
2. Le cadre juridique du placement
Dès le Moyen Age jusqu'au XVlème siècle
prévaut la charité. L'église joue un rôle essentiel
dans la protection des enfants. Son rôle est de protéger les
enfants contre la mort et la misère.
A la révolution intervient le concept de
laïcité. C'est la Nation qui se charge de l'éducation
physique et morale des enfants. Ces derniers abandonnés sont
appelés orphelins.
Au XIX siècle, l'état prend conscience que, pour
limiter les abandons, la Nation devait aider les familles qui pourraient ainsi
garder leurs enfants. Le siècle suivant, la FRANCE développe le
principe de la protection sociale et judiciaire de l'enfant au travers de
textes et loi.
27 Juin 1904: Une loi est née, elle organise l'aide
sociale à l'enfance. Cette dernière est à l' origine de la
création des catégories d'enfants pris en charge (enfants
secourus, en dépôt, en garde, les pupilles). Cette loi oblige
chaque département à créer un lieu d'accueil et d'un
bureau d'abandon. C'est cette loi qui influence encore aujourd'hui notre
système actuel. Huit ans plus tard, soit en 1912, l'état
français crée des tribunaux spécifiques pour les enfants.
Dans chaque tribunal, le 24 février 1956, un code de la famille est mis
en place. Ce dernier consiste à définir le profil des familles
susceptibles d'avoir besoin d'une aide. L'aide sociale voit le jour, elle aide
les intervenants à apporter une réponse à ces familles.
Décembre 1958, une loi concernant «l'état de danger de
l'enfant» (déficience ou carences familiales, comportement du
mineur lui-même) est mise en place en France. Loi réformée
dès 1959. Cette réforme élargit les possibilités
d'interventions administratives et/ou judiciaires des professionnels de la
protection de l'enfance. Les notions de santé, sécurité,
moralité sont mises en avant et doivent être les axes de
réflexions et d'interventions. Durant dix années, les textes ne
vont plus être modifiés, ce jusqu'en 1970, la nation estime que la
famille naturelle doit reprendre ses droits et sa place dans la prise en charge
des enfants. Une idée nouvelle née : privilégier le
maintien de l'enfant dans sa famille. Pour ce faire une loi sur
l'autorité parentale est votée. Cette loi met fin à
l'autorité paternelle. Au cours de la même année, (le 04
juin) le texte de l'assistance éducative, à savoir l'article 375
(texte complet en annexe) est introduit dans le code civil. Durant les
années 1980, l'article 375 est modifié, au travers de
l'évolution de la société et de ses mentalités.
Le 22 juillet 1983, le Conseil Général devient
compétent en matière d'aide sociale à l'enfance. C'est
à lui que revient d'organiser ce service et assurer le financement des
prises en charge. Le 06 janvier 1986, une loi particulière
définit de façon plus précise les missions du
département en matière d'aide sociale à l'enfance. Le 10
juillet 1989, c'est la loi relative à la prévention des mauvais
traitements à l'égard des mineurs et à la protection de
l'enfance (Article 375) qui est redéfinie et modifiée aux travers
de nouveaux termes, telle que la notion de «mauvais traitements».
06 Septembre 1990: création de la convention des droits
de l'enfant.
L'application de la loi est confiée aux juges pour
enfants.
Les actions dont dispose le juge pour répondre aux
faits de maltraitances avérées sont de deux types:
Le juge constate au travers du rapport qu'il a en sa
possession que la situation exige un suivi par un éducateur au sein de
la famille, suivi appelé suivi en milieu ouvert. Dans ce cadre, il
demande aux services de l'A.S.E. d'assurer ce service. Le suivi est mis en
place en règle générale pour une durée de un an. Et
renouvelable ou pas selon les constats posés aux travers du rapport
établi par l'éducateur.
La réponse peut être le placement en foyer
éducatif si le juge estime que l'enfant est en danger. Dans ce cadre ci,
les services A.S.E. s'adressent aux associations pour la prise en charge du
jeune et assurent le suivi, ainsi que le lien avec le juge durant le placement.
Comme dans le cas précédent, le placement est notifié en
général pour une année. Le renouvellement s'effectuera sur
les rapports transmis par le foyer aux services A.S.E., lors d'une
réunion de synthèse.
Beaucoup de professionnels souhaitent que des mesures
intermédiaires soient mises en place. Certains sont mêmes des
précurseurs dans le domaine. Avec l'aide de juges et du Conseil
Général (financeur), deux associations, le S.E.M.O. et S.A.P.N.M.
ont mis en place des mesures alternatives.
Le S.E.M.O. (Service en milieu
ouvert):
Le S.E.M.O. est né dans les années mille neuf
cent soixante dix. Parti d'un constat: les jeunes filles après des
années en foyer devaient réintégrer le domicile familial.
Cela par moment se passait très bien mais à d'autres moments,
c'était retour en foyer. Ce constat était vécu comme un
échec, par les professionnels et les jeunes filles.
De ces expériences sont nés «les
appartements en semi-autonomie», destinés aux jeunes filles qui
pouvaient ainsi réintégrer le domicile familial progressivement.
Au sein des ces appartements, des professionnels étaient à
l'écoute des jeunes filles afin qu'elles puissent échanger sur
leurs difficultés.
Le S.A.P.M.N. (Service d'adaptation
progressive en milieu naturel):
Le S.A.P.M.N. est né dans les années mile neuf
cent quatre vingt. Parti du même constat que le S.E.M.O. mais à
destination des jeunes mineurs.
La démarche mise en place fut faite de manière
différente avec une plus grande implication du juge pour enfants et un
travail de concert avec les parents. Le juge des enfants validait un retour en
famille. Les éducateurs restaient en lien avec la famille. Si des
problèmes venaient à apparaître, les parents comme leur
enfant pouvaient demander une prise en charge temporaire au sein du foyer.
Ainsi la reconstruction des liens se faisait de manière progressive.
Suite à une enquête sociale, le juge est souvent
amené à prendre une décision de placement.
Cette décision devrait être motivée par le
contenu de l'article 375, qui mentionne la mise en danger de ce dernier, et ou
la maltraitance. Bien souvent, la maltraitance, et la mise en danger
se traduisent par la situation sociale de la famille. Perte d'emploi, de
logement, etc. qui emmène la famille dans la misère sociale.
Cette misère mise en avant est-elle signe de
maltraitance ou de mise en danger? Cette mise en avant sous-entendrait que les
gens «pauvres» ne peuvent engendrer que maltraitance, et/ou mise en
danger de leurs enfants. Pour répondre à cette détresse
humaine, les juges des enfants n'ont pour leur part que le cadre de l'article
375 pour apporter des solutions.
La prise en charge de ces jeunes induit un nombre important de
personnel professionnel compétent pour assumer cette dernière.
Hors, il s'avère, dans un rapport établi par le ministère
social, en juin 2007, qu'il manque dix mille éducateurs en région
parisienne, pour répondre aux demandes des juges.
Pour palier ce manque de professionnels, les services de la
D.A.S.S. demandent aux M.E.C.S., qu'au minimum 25% du personnel
éducatif?(*) soit
diplômé, afin d'assurer un suivi cohérent des
situations.
Nous pouvons lire cette exigence d'une autre
manière:
75 % des personnes intervenant dans le cadre de la prise en
charge de jeunes mineurs en M.E.C.S. peuvent ne pas être
diplômées.
La prise en charge d'un jeune par une association dans le
cadre de l'article 375, faite à la demande de la D.D.A.S.S., lui est
rémunérée par cette dernière à la
nuitée.?(*)
Le prix de ces nuitées est le fruit de
négociation entre le Conseil Général et les directeurs
d'établissement. Il est renégocié tous les ans lors de la
présentation du bilan annuel des associations au Conseil
Général.
Le prix n'est pas fixe et peut varier d'une structure à
l'autre, et d'un département à l'autre. Pour exemple: Une
structure de Paris prenant en charge 24 jeunes dans le cadre de l'article 375,
au prix de: 80 euros la nuitée par jeune. Un autre foyer en
région parisienne, prenant en charge 20 jeunes dans le cadre de
l'article 375, a un prix de nuitée de 177 euros par jeune?(*)
La protection des mineurs dans le cadre de l'article 375
induit une protection contre toutes maltraitances dont pourrait être
victime l'enfant dans le cadre de la structure familiale.
Les outils prévus par le législateur pour faire
face à ces maltraitances sont de deux types?(*) :
Le suivi A.E.M.O.:
- dans ce cadre-ci, le jeune reste chez lui. Ce sont les
services sociaux qui se déplacent à son domicile. Ils
rencontrent les parents, la fratrie, et le jeune à intervalles
réguliers tout au long de la prise en charge. Dans ce cadre ci, le jeune
continue à évoluer dans son environnement.
Le placement en M.E.C.S.:
- le jeune est pris en charge par l'institution tout au long
de la semaine avec dans certains cas des possibilités de retour en
famille le week-end. A contrario de la prise en charge mentionnée ci
dessus, le jeune est écarté de son milieu, de son cadre de
vie.
3. Le placement
L'origine des foyers éducatifs
Au XVIIe siècle, la prise en charge des enfants, qui
pour la plupart étaient abandonnés, était la même
que l'assistance aux adultes. L'abandon des enfants dans la capitale
représentait 30% des naissances.
Les enfants étaient pris en charge par les
hôpitaux et les hospices avec les vieillards, les indigents, les
vagabonds et les infirmes, et ce depuis le Moyen Age.
A la Révolution qu'une loi voit le jour,«La
Nation se charge désormais de l'éducation physique et morale des
enfants connus sous le nom d'enfants abandonnés et ils seront
désormais indistinctement appelés orphelins.»
Un arrêté en date du 20 mars 1797 décide
de confier ces enfants à des nourrices ou à des particuliers,
afin qu'ils soient élevés et instruits, ce jusqu'à leurs
douze ans.
Un décret du 19 janvier 1811 décide que,
passé leur douzième année, les enfants seront
placés en apprentissage. Les premiers orphelinats apparaissent en 1888.
Orphelinats appelés: «maison de correction ou de
préservation». Dès la création des internats, une
connotation répressive est donnée à ses derniers.
La loi du 28 juin 1904 «relative à
l'éducation des pupilles de l'assistance publique difficiles ou
vicieux» précise que le public concerné est celui des
mineurs ne pouvant être confiés à des familles en raison de
«leur indiscipline ou de leurs défauts de
caractère».
On cite fréquemment les Jésuites comme fondateur
des foyers éducatifs. La pédagogie qu'ils mirent en place fut
inspirée par les règles de vie monastique: obéissance,
soumission à l'autorité, vie rude, austère,
ritualisée et disciplinée. Ils sont aussi à l'origine des
éducateurs référents appelés à
l'époque «directeurs de conscience.»
D'autres expériences ont vu le jour, on peut citer:
Pestalozzi dans un domaine de Birr, en Suisse. Le mode
relationnel éducateur/enfant se fonde sur l'adhésion et la
liberté. Il créera en 1806 un institut pour former les
éducatrices de la petite enfance.
En 1885, Le George Junior Républic, qui accueille sur
150 hectares les enfants pauvres de New York.
Il y a aussi l'orphelinat de département en France qui
base sa pédagogie sur les libertés individuelles et la confiance
dans les potentialités de l'enfant. « La pire des familles vaut
mieux que le meilleur des internats...» posait en postulat Bruno
Bettelheim.11(*)
La capacité d'attachement et d'étayage des
parents vis-à-vis des enfants est-elle suffisante? Suffisante pour
apporter aux enfants le sentiment de sécurité et d'estime de
soi dont ils ont besoin pour s'épanouir.
Ces qualités ne sont pas présentes
d'emblée chez les parents. Leurs absences peuvent provoquer source
d'angoisse et désorganisation pathologique chez l'enfant.
Comme l'écrit Michel CHAPPONNAIS12(*):
«Il est des circonstances où les accidents de
la vie obligent les institutions à se substituer aux parents pour le
bien de l'enfant...»
Le placement en internat éducatif doit être
utilisé après une évaluation au plus proche de la
situation de l'enfant et de sa famille. Non devenir un argument politique,
comme le fit Mme Royale, en 2001, alors ministre de la Famille, en demandant
une réduction de 50% des placements en institution.
Les structures de placement
En 2006, La France comptait 199 foyers départementaux
dont 188 en gestion publique accueillant 9879 mineurs, 1126 maisons d'enfants
à caractère social dont 61 en gestion publique et 17 villages
d'enfants accueillant 900 mineurs.
Chapitre 3
Les pratiques d'éducations en
M.E.C.S.
Avant d'aborder les pratiques d'éducations, je vais
exposer le profil des enfants accueillis dans les M.E.C.S.
Pour la majorité des jeunes en structures, ils nous
sont confiés dans le cadre de l'article 375 du code civil, pour les
autres ils nous sont confiés dans le cadre de l'ordonnance de
4513(*).
Ce qui amène à des situations paradoxales,
lorsqu'une structure a la double habilitation, comme c'est le cas au foyer de
Goussainville.
«...Paradoxale,
recevoir un jeune dans le cadre de l'article 375 car, il a subi des
attouchements sexuels, et dans le même temps recevoir, un jeune dans le
cadre de l'ordonnance 45 pour viol...
Paradoxale, mettre un jeune de 13 ans dans la même
chambre, qu'un jeune de 17 ans, sous prétexte qu'il n'y a pas d'autre
place, alors que l'on sait au travers de leur dossier que le premier est
présent suite à des violences familiales et que le second est
admis dans le cadre de l'ordonnance 45 pour violence
volontaire...»
Journal de bord 2003
Nous ne parlerons que du profil des enfants pris en charge
dans le cadre de l'article 375 dans l'immédiat mais le facteur
mentionné ci dessus doit être pris en compte au travers de la
réflexion que nous allons mener.
Les jeunes placés dans le cadre de l'article 375 sont
pour la plupart en structure contre leur souhait. Ils ont été
retirés à leur famille pour des raisons qu'ils ne peuvent
concevoir surtout si ces dernières s'avèrent être d'ordre
financier comme cela arrive.
D'autres jeunes sont placés pour des violences
familiales, violences physiques.
Souvent ces jeunes sont issus de famille déjà
connues des services sociaux.
Cela parait concevable si l'on se fit aux écrits
d'ADLER Albert14(*)
«...Les parents ne sont pas des experts en
pédagogie et n'ont souvent que la tradition pour les guider.» Mais
cela interroge sur l'apport d'un jeune en structure pour son futur, si dans
bien des cas son approche pédagogique vis à vis de ses enfants
est à l'identique de celle qu'il a reçu de ses parents.
1. M.E.C.S. de Goussainville
J'exerce la profession d'éducateur, dans la structure
J.C.L.T. Arobase de Goussainville. Cette structure est de type associatif,
régie par la loi de 1901. Le foyer J.C.L.T. Arobase est situé
dans le val d'Oise, sur la commune de Goussainville (ville de 27.000
habitants). Le foyer était situé à l'entrée de la
ville, dans une zone pavillonnaire, à 2 minutes du RER, et du centre
ville, ce jusqu'en septembre 2006.
L'association était installée depuis 1976, dans
une ancienne abbaye, construite par les moines Cisterciens au XIIème
siècle.
Au début du vingtième siècle, l'abbaye
est devenue domaine des petites soeurs de l'ouvrier, dévouées aux
pauvres et malades de la commune. Aujourd'hui le bâtiment appartient
à l'évêché de PONTOISE, qui, loue le rez-de-
chaussée et le second étage du bâtiment à
l'association.
2. Présentation de la structure à
l'origine
L'association a implanté ses bureaux administratifs au
second étage. Le rez-de-chaussée composant le lieu de vie
comprend:
6 chambres (chambres qui étaient, à
l'époque des cisterciens, des cellules), qui ne sont pas individuelles,
une grande salle à manger, une cuisine, une lingerie, une salle
d'activité, où les jeunes peuvent regarder la
télévision, jouer aux jeux de société, faire toutes
activités de détente, des sanitaires et un bureau faisant office
de chambre de veille pour le surveillant de nuit.
Le foyer J.C.L.T. Arobase dépend de l'association
J.C.L.T. qui s'occupe de plusieurs foyers à Paris, dans l'Oise et dans
le Val d'Oise.
L'équipe du foyer était constituée d'un
chef de service, une psychologue, une secrétaire, une lingère, un
agent de service, un surveillant de nuit, cinq éducateurs.
Il est prévu pour accueillir 12 jeunes de 12 à
18 ans. Pour être admis au foyer, le jeune doit: soit être
scolarisé, soit être en formation professionnelle du type C.F.A.
(centre de formation en apprentissage).
Depuis le mois de septembre 2006, le foyer J.C.L.T. Arobase a
déménagé. Il est désormais installé dans
deux pavillons, toujours sur la commune de Goussainville. Chaque structure est
prévue pour recevoir un groupe de dix jeunes.
Les deux structures sont distantes de cinquante mètres
l'une de l'autre. La répartition des groupes de jeunes est faite en
fonction des âges de chacun. Le premier pavillon accueille les jeunes de
douze à quatorze ans. Le second les jeunes de quinze à dix huit
ans. Cette répartition est le fruit d'une réflexion
d'équipe. Le postulat est qu'il ne peut être appliqué les
mêmes règles à des préadolescents et à des
adolescents.
Les moyens d'accueil
Afin d'accueillir et d'accompagner les jeunes au plus
près, le choix en matière d'hébergement se porte sur trois
petites structures:
Le pavillon «des petits»
L'accès au pavillon se fait par le sous-sol. On entre
directement dans la salle de repos, qui est aussi la salle de
télévision. Au même niveau se trouvent le réfectoire
et la cuisine. Dans le prolongement de la salle de télévision, se
trouvent la buanderie et deux toilettes.
Au premier étage, se trouvent le bureau des
éducateurs et le bureau pour le chef de service. Trois chambres de deux,
ainsi que des sanitaires avec deux toilettes et deux douches,
réservés aux jeunes de l'étage.
Au second étage, le local de la maîtresse de
maison. Deux chambres de deux, ainsi que deux douches individuelles, et un
toilette.
Pavillon «des grands»
Il accueille
dix jeunes de 15 à 18 ans. Il offre six chambres dont une adaptée
à l'accueil de personne à mobilité réduite. Au
rez-de-chaussée, se trouve: la cuisine, la buanderie, la chaufferie, la
salle à manger ainsi que la chambre et la salle de bain adaptée
à la personne handicapée. Au premier étage, nous disposons
du bureau des éducateurs/ chambre de veille, de deux grandes chambres
doubles et de sanitaires. Au deuxième niveau, une chambre simple et deux
chambres doubles ainsi que des sanitaires. Un local au fond du jardin compose
le bureau de la direction et celui de la psychologue.
Les appartements.
Il s'agit de trois appartements pouvant recevoir chacun trois
jeunes de 16 à 21 ans. Dans chacun d'eux, les jeunes disposent d'une
chambre individuelle et partagent les espaces communs qui sont la cuisine, la
salle de bain et le séjour.
L'un des appartements dispose d'une pièce
supplémentaire qui sert de bureau pour les éducateurs.
3. Projet de l'association
Le projet est pensé pour l'accueil de jeunes de 12
à 21 ans en continu, c`est à dire un accueil 24 heures sur 24
tout au long de l'année. Il permet la pratique d'entrées et de
sorties permanentes en fonction des places disponibles. Autour d'objectifs
généraux s'organisent l'hébergement, la prise en charge du
collectif, l'évolution individuelle du jeune. Cela nécessite une
organisation d'équipe et un travail en partenariat avec tous les acteurs
intervenant dans la vie du jeune.
Les objectifs généraux: (tels qu'ils sont
présentés dans le livret d'accueil)
La protection de l'enfance en danger et le traitement de la
problématique afférente : carence de soins, carence
éducative, maltraitance physique et morale, abus sexuels et comportement
déviants et incestueux, échec scolaire, trouble relationnel
familial et social.
L'insertion scolaire, sociale, familiale, avec la mise en
place d'un soutien scolaire, la relation avec les services de milieu ouvert et
l'intégration du tissu social.
Promotion du jeune par la restauration de sa place de sujet au
sein de la communauté mais aussi au sein de la famille et par le
nécessaire accompagnement vers une suffisante autonomie qui permet de
trouver sa place d'adulte et de citoyen.
3.1.Du projet à la
réalité
Comme dans tout projet avec objectifs, on se rend compte que
ces derniers sont nobles et empreints de grands principes
généraux. Objectifs qui sont perdus de vue par moments lors de la
prise en charge des jeunes.
L'association n'a pas reçu de courrier de la part des
services A.S.E. un suivi de prise en charge ou autre document
définissant la continuité de la prise en charge d'un jeune. Le
jour de c'est dix huit ans, la direction sous couvert de loi, nous a
demandé tout bonnement de lui faire quitter le foyer. La
réalité s'est traduite ainsi:
«... C'était le matin de ces dix huit ans,
nous étions un samedi. L'éducateur en poste ce jour là
avait reçu la consigne de demander au jeune dès son réveil
de quitter l'établissement. Nous savions qu'il n'avait nulle part
où aller.
Toute l'équipe éducative se retrouva sur la
structure à 9 heures du matin, afin d'étudier les
possibilités qu'ils étaient en mesure de mettre en place pour
aider ce jeune tout en respectant la demande de la direction.
Chacun avait conscience que la situation était due
au fait que nous n'avions pas fait notre travail. En effet, l'éducateur
référent de la structure qui s'occupait du jeune était en
longue maladie. Il avait dit avoir fait le nécessaire, à savoir
une demande de continuité de prise en charge, appelé prise en
charge jeune majeur. Nous, nous sommes contentés de ses dires et n'en
avons pas vérifié la véracité. Il s'est
avéré que le travail n'était pas fait.
Après réflexion, nous nous sommes
cotisés et avons payé l'hôtel au jeune pour la semaine
suivante. Cette initiative permis au référent A.S.E. de faire une
demande de contrat jeune majeur en urgence.
Quand la direction prit connaissance de notre initiative,
elle nous fit part de son mécontentement mais ne put se permettre de
sanctionner l'ensemble de l'équipe...»
Journal de
bord 2006
Un exemple comme celui ci n'est pas un cas isolé, mais
ce n'est pas dans le même temps le fonctionnement habituel de la
structure. Les suivis des jeunes sont assurés et assumés pour
beaucoup d'entre eux.
Les objectifs spécifiques(tels qui sont
présentés dans le livret d'accueil). Je ne modifierai en rien le
texte et sa présentation, afin de mettre en avant l'écriture
administrative et impersonnelle de ce dernier.
- Accueillir, protéger, éduquer les
jeunes confiés et ainsi favoriser leur
épanouissement.
Maintenir ou rétablir les liens familiaux en liaison
avec les services sociaux et favoriser le retour en famille chaque fois que
cela est possible.
Définir un projet individualisé pour chaque
jeune accueilli en lien avec les travailleurs sociaux, les magistrats et la
famille. Soutenir la scolarité et favoriser la construction d'un projet
professionnel. Apporter le soutien éducatif et pédagogique
permettant la re-mobilisation scolaire et la réintégration la
plus rapide possible dans le système éducatif traditionnel pour
les jeunes qui en seraient sortis. Offrir un soutien éducatif et
psychologique nécessaire au bon développement du jeune. Favoriser
l'intégration des jeunes dé-scolarisés dans les
dispositifs d'insertion de droit commun. Organiser une orientation si
nécessaire. Développer l'éveil et la participation aux
activités culturelles et sportives permettant de structurer la
personnalité et favoriser la socialisation. Privilégier
l'inscription du jeune dans les activités proposées à
l'extérieur du foyer, par les organisations locales qu'elles soient
municipales ou associatives. Favoriser la participation des jeunes et des
familles dans la mise en place et le fonctionnement d'un conseil
d'établissement adapté.
Le conseil d'établissement est une obligation de la loi
de janvier 2002. Cette obligation bien que présente dans les objectifs
spécifiques n`a jamais été mis en place.
Certains professionnels impliqués dans la prise en
charge individuelle d'un jeune mettent leur professionnalisme à
l'application des objectifs. Comme cet éducateur, qui durant ces heures
de temps libre a cherché un établissement professionnel pour le
jeune dont il était référent. En plus de son temps, il a
mis toute sa motivation à convaincre le directeur d'établissement
afin que le jeune soit admis en formation. Son discours auprès des
intervenants a permis à ce jeune d'intégrer un lycée
professionnel, dans la filière de son choix.
Tous les professionnels n'ont pas la même implication,
le même dynamisme. Cette différence a souvent été
évoquée avec la direction en réunion. Une des
réponses préconisées fut de mandater un éducateur
au service scolaire. Cette solution ne fut jamais mise en place.
Les liens familiaux sont souvent mis en avant par les
éducateurs comme moyen de sanction (si tu..... tu n'iras pas en
week-end!). Cette posture ne peut être en adéquation avec les
objectifs spécifiques et encore moins avec la demande du juge, et les
textes en vigueur dans notre pays.
Ces objectifs (généraux et spécifiques)
ne sont jamais communiqués aux éducateurs lors de leur
recrutement et il en est de même pour les fiches de postes de ces
derniers. Par ailleurs, ces documents sont très rarement demandés
par les professionnels qui postulent pour un poste, qu'ils soient
expérimentés ou pas!
Est ce cela qui amène à des situations où
le jeune se sent frustré?
Comme ce jeune qui est arrivé au sein du foyer
après un an d'errance. Une année passée hors de tout
système social et de toutes règles. Comme il était en
obligation scolaire, l'éducateur responsable du jeune l'inscrit au
collège, sans concertation avec ce dernier et sans réflexion sur
l'aménagement d'un rythme de réinsertion scolaire.
«Du jour au lendemain, le jeune dut se lever tous les
matins, respecter toutes les règles de l'institution. Une pression
constante, mot souvent utilisé par les professionnels face aux jeunes
quand ils sont pris en charge par l'institution, fut mise sur le jeune. Un
matin, le jeune se leva mais n'arriva jamais au collège. Ce fut le
début d'une longue série de fugues. Il advint ce qui devait
arriver; la direction du foyer demanda une main levée pour la prise en
charge de ce jeune en justifiant qu'il était impossible de
travailler avec ce dernier de part son comportement. Ses
affaires furent ramenées à l'A.S.E....»
Journal de bord 2006
Aujourd'hui, on parle pour les sans domicile fixe de
réinsertion palliative, car on a pris conscience que la
réintégration sociale ne pouvait s'effectuer du jour au
lendemain. Même si le profil n'est pas le même, ne doit-on pas
laisser aussi aux enfants le temps de l'intégration sociale?
3.2. Cadre juridique
Placements dans le cadre de l'article 375.
Suite à un signalement émis par un tiers, qui
peut être un membre de la famille, un voisin, l'école, voire
le jeune lui-même, qui estime que:
La santé, la sécurité, la moralité
sont en danger. Voir que les conditions éducatives d'un mineur sont
compromises. Après enquête de la part des services A.S.E., un juge
est saisi. C'est ce dernier qui décide quel type de mesure mettre en
place pour la protection du mineur. Quelle que soit sa décision, ce
dernier la transmet à l'A.S.E. Quand une demande de placement est
formulée, l'A.S.E. se met en quête d'une place en foyer
éducatif. C'est dans ce cadre ci que nous sommes contactés.
L'A.S.E. nous adresse la synthèse présentée au juge, ainsi
que l'ordonnance de placement. Il est à noter: Que la demande ne sera
prise en compte que si un projet scolaire ou professionnel est présent
dans la synthèse.
La principale problématique rencontrée face
à ces jeunes qui nous sont confiés, est "la non-acceptation" de
la décision du juge. Non-acceptation présente même quand
c'est lui qui dénonce ces parents.
«...D'origine malienne, le jeune A. vivait avec ses
parents, ses frères et soeurs. Le père travaillait toute la
journée. La mère s'occupait de l'éducation des enfants. Un
jour en rentrant de l'école, le jeune A. informa sa mère qu'elle
était convoquée au collège suite à des
problèmes liés à son comportement. La mère
traduisant le comportement de son fils comme un manque de respect face à
l'effort d'intégration de ses parents, le frappa avec le manche à
balai.
Le lendemain au collège, le professeur interrogea
le jeune A. pour connaître la réaction de ses parents suite
à la convocation. Ce dernier expliqua sa soirée. Sur ce, le
professeur fit un signalement auprès de l'assistante sociale de
l'école. Le signalement suivit son cours, pour arriver sur le bureau
d'un juge qui convoqua le jeune et les parents.
La mère explique qu'elle ne pouvait accepter que
son fils se comporte ainsi, et que la punition corporelle n'était en
rien répréhensible dans son pays. Qu'elle-même avait
été élevée ainsi !
Le positionnement du juge fut tout autre. Il expliqua que
les punitions corporelles n'étaient pas admises en France et que de part
ce fait c'est son comportement (à la mère) qui faisait percevoir
une non intégration de la famille aux lois de la France. De par ces
faits, il décida de placer le jeune A. en foyer
d'accueil..»
Journal de bord
2005
Outre "la non-acceptation" de la part de l'enfant, il y a
aussi la non-acceptation de la part des parents qui traduisent cette
décision comme un jugement négatif vis à vis de
l'éducation, et l'amour qu'ils portent à leur enfant. (Ex:
«nous ne sommes pas de mauvais parents!» «On les
aime...»)
Placements «directs».
Le placement«direct» est fait sur l'initiative de la
famille, en accord avec les services A.S.E.. Il intervient bien souvent
après que les parents ont sollicité les services sociaux suite
à un conflit familial, un problème financier, et ou un
problème scolaire. Le placement est le fruit d'échanges entrent
les services sociaux et la famille.
Il est en règle générale proposé
par l'A.S.E. Ce mode de placement ne sollicite pas l'intervention d'un juge des
enfants.
La problématique principale, face au placement direct
est : les parents s'attribuent comme un échec parental leur
décision. De ce fait, involontairement, dans leur comportement aux
travers de critiques portées contre l'institution, ils essaient de faire
échouer ce dernier.
«...Le mari de Madame X. était
hospitalisé. Madame n'arrivait plus à gérer le
comportement de son fils. Depuis l'hospitalisation de son père, le jeune
refusait toutes formes d'autorité, à la maison, mais aussi
à l'école. Madame X. débordée pris contact avec les
services A.S.E. Durant plusieurs semaines, et malgré l'intervention d'un
éducateur le fils de Madame X ne changea pas de comportement. Quand les
services sociaux proposèrent à cette dernière un placement
en structure, madame X y adhéra. C'est ainsi que le jeune K. arriva chez
nous.
Les premiers temps, nos relations avec Madame
étaient constructives. Madame relayait les paroles portées par
l'institution. Le temps passait et le jeune ne changeait en rien de
comportement. Il continuait à sécher les cours, fuguait du foyer.
Ses retours en week-end se passaient très mal.
Lors du placement, Madame X. s'était remise en
cause, et avait exprimé le fait de ne pas réussir à
élever son enfant. Lors des entretiens, elle remit en cause ses
qualités éducatives de mère. Plus la prise en charge
avançait, plus son discours négatif vis à vis d'elle se
déplaçait sur l'équipe éducative parce que le
comportement de son fils n'évoluait pas.
A la fin de l'année scolaire, Madame X. retira son
enfant de la structure pour le confier à ses oncles «qui seraient
plus aptes que nous.....» (propos de la mère)
Journal de bord 2006
4.De la visée théorique aux
pratiques
Historique du métier d'éducateur
Les écrits professionnels des travailleurs sociaux
reflètent des pratiques fortement marquées par leur
époque, les représentations, et les conceptions. On peut voir aux
travers des exemples cités ci après que la vision des
professionnels a toujours été marquée par les normes
dominantes de leurs époques. Exemples d'écrits aux travers des
temps. Exemples extraits du lien social de janvier 1995.
Ainsi en 1961 n'hésite t-on pas à
présenter les familles comme fragiles, révélant à
la fois leurs insuffisances éducatives (l'autorité paternelle
étant devenue inopérante vis-à-vis de l'enfant) et leur
mode de vie défectueux.
En 1965, on parle de «déviations morales» des
parents, de leur«incompétence» à concevoir une
organisation familiale d'où découle
l'insécurité.
Le désoeuvrement des enfants, on évoque
l'ignorance qui rappelait l'époque moyenâgeuse, les taches des
éducatrices et éducateurs étant présentées
comme insurmontables. Et de disserter sur la paresse qui serait l'aboutissement
des chutes successives de la morale, de l'autorité des rites
familiaux:«Beaucoup d'enfants issus des familles suivies ont un genre de
vie ralenti, restreint, pauvre. Ils méconnaissent les principes
élémentaires qui aident à découvrir les bienfaits
de l'éducation, des relations avec les autres. Du reste leur
pauvreté verbale les empêche à des échanges
valables, de communiquer avec un autre monde que le leur.
En 1975, on soutient la dimension de la reproduction
intergénérationnelle de ces modes de vie: les
récidives des déviances familiales se constatent
héréditairement. Nous constatons le même
phénomène qui se reproduit avec les enfants devenus parents,
c'est-à-dire la rusticité qui empêche
l'évolution,«Tel père est présenté en 1967
comme réputé courageux et alcoolique, comme ses parents
d'ailleurs. Les pères en général sont abordés
à partir de leur fonction instrumentale: pourvoyeur de revenus, leur
rapport au travail est essentiel» les ressources sont suffisantes bien que
le père ne travaille pas. Comme il y a un enfant chaque année et
parfois deux dans les bonnes années le montant des allocations
familiales s'élève tous les ans «(1964) ou encore «
Monsieur est paresseux parasite de la société» (1964) sans
oublier les jugements particulièrement stigmatisants» monsieur
semble avoir abandonné son penchant pour la bouteille» (1965) ou
encore «Monsieur est un homme dépravé par l'alcool,
père considéré comme une ruine, un déchet,
irrécupérable, complètement abruti» (1968).
Quant à la mère elle est assignée au
foyer, à l'accomplissement des taches ménagères et
d'éducation» La mère est très fatiguée,
mauvaise maîtresse de maison, elle ne fait aucun effort pour tenir son
foyer» (1962)» Nous estimons que le métier de veilleuse de
nuit à l'Hôpital n'est guère conciliable avec le rôle
d'une mère de deux très jeunes enfants et bientôt un
troisième et nous souhaiterions que madame quitte cet emploi pour se
consacrer à ses enfants. Madame est à surveiller et à
contrôler»(1978)«la jeune mère peut se préparer
à son destin d'épouse, de mère et de
ménagère.» (1975)«La mère de moeurs
légères. Le logement est très isolé, ce qui est un
inconvénient car madame peut recevoir ces amants en l'absence de son
mari»
Si l'on se réfère aux textes de loi
précités ci dessus (chapitre origine de la loi), on se rend
compte du décalage entre le contenu du texte dans sa demande et son
approche, et le contenu des écrits des professionnels dans les
mêmes périodes. Au travers de ce comparatif et le constat de ce
décalage. La parution d'une loi n'est appliquée qu'avec du temps,
de la réflexion et de l'évolution des mentalités des
professionnels.
Educateur depuis plusieurs années mon rôle
consiste à la prise en charge des jeunes mineurs qui nous sont
confiés par la DASS, dans le cadre de l'article 375.
Prendre en charge signifie accompagner dans le quotidien les
jeunes. Leur apporter un cadre sécurisant, être à leur
écoute, les accompagner dans leur scolarité, être le relais
avec leur famille afin que ces derniers puissent à plus ou moins long
terme réintégrer cette dernière quand cela s'avère
possible.
Le rôle de l'éducateur est de veiller sur les
personnes qui lui sont confiées avec une obligation de par la loi et les
contraintes professionnelles sont plus importantes que vis-à-vis de sa
famille.
4.1Le recrutement de l'équipe
éducative
A la rentrée de septembre, neuf postes
d'éducateurs sur dix étaient pourvus. L'équipe
éducative ne comptait aucun personnel diplômé, travaillant
auprès des enfants. Sont ce les limites budgétaires qui ont
induit ce recrutement? Je n'ai pas de réponse, mais l'équipe
éducative des deux structures se présente ainsi aujourd'hui:
Un éducateur, non diplômé avec sept ans
d'ancienneté, aucune expérience précédente. Deux
éducateurs, non diplômés avec moins de deux
d'ancienneté, aucune expérience précédente. Une
éducatrice, non diplômée avec un an environ
d'ancienneté, et dix ans d'expérience. Deux éducateurs,
non diplômés avec six mois d'ancienneté et deux ans environ
d'expériences en C.E.R. (centre éducatif renforcé). Un
éducateur, non diplômé avec six mois d'ancienneté,
aucune expérience précédente. Un éducateur, non
diplômé avec quatre mois d'ancienneté, aucune
expérience précédente. Un éducateur qui vient
d'arriver, aucune expérience précédente. Seule la
directrice est diplômée.
Fort de ce constat, j'ai demandé à la directrice
que des formations soit données aux éducateurs. Dans
l'immédiat rien n'a été mis en place.
Pour ma part, je suis le plus ancien au sein de
l'équipe. A mon arrivée, l'équipe éducative
était composée de quatre éducateurs. Deux
éducateurs spécialisés avec une ancienneté de plus
de dix ans pour l'un, et plus de vingt cinq ans pour l'autre. Un moniteur
éducateur avec une ancienneté de sept ans environ. Un dernier
dont je n'ai plus souvenir des diplômes ni de son ancienneté.
Quand, vous intégrez une équipe ainsi
construite, les compétences de chacun vous aident, apportent toutes les
bases de votre travail.
4.2 Présentation du rôle de
l'éducateur
L'éducateur, en internat au sein du foyer J.C.L.T. de
Goussainville, a pour rôle :
La gestion du groupe de jeunes au quotidien, sur et hors de la
structure durant ses heures de présences.
La prise en charge individuelle d'un ou deux jeunes, prise en
charge appelée référence.
L'éducateur est le moteur de la mise en place des
règles de vie de l'institution. Il est le garant de la
sécurité, du respect de la dignité de chaque jeune. Il se
doit d'établir et ou de veiller au lien des jeunes avec leur famille en
conformité avec les demandes du juge. Il est, dans le cadre d'une
référence d'un jeune, le lien entre ce dernier et l'ensemble des
partenaires extérieurs agissant dans l'intérêt de
l'enfant.
L'éducateur se doit de transmettre
régulièrement à l'A.S.E., au juge des rapports et
synthèses relatant le comportement du jeune au sein de la structure.
Rôle théorique
Réveiller les jeunes le matin, afin qu'ils se rendent
au collège. Avant leur départ, nous nous assurons qu'ils ont bien
pris leur douche, déjeuné et fait leur lit.
Pour ceux qui ne sont pas scolarisés, soit: ils sont
malades, nous les laissons dormir. Ils sont renvoyés de l'école,
et dans ce cas, en sanction: nous les réveillons plus tôt que tout
le monde, afin qu'ils préparent le déjeuner de leurs camarades,
et après leur départ pour l'école, ils aident la femme de
ménage et la lingère à l'entretien des locaux (aujourd'hui
la maîtresse de maison). L'après midi, ils sont consignés
dans leur chambre pour faire des devoirs
.Pour les autres, qui ne sont ni malades, ni renvoyés,
nous les réveillons au plus tard à 9 heures. La journée,
si nous n'avons aucun jeune sur la structure, nous en profitons pour
rédiger nos rapports, et/ou nous mettre en contact avec les services
extérieurs, types A.S.E. (aide sociale à l'enfance) ou P.J.J.
(protection judiciaire de la jeunesse), cela dépend dans quel cadre
l'enfant nous est confié.
Nous assurons une permanence dans le cas où un
collège aurait besoin de nous joindre, ainsi nous pouvons intervenir
tout de suite.
Au retour des jeunes, en général vers 17 heures,
nous leur servons un goûter. Contrôlons leur carnet de liaison,
afin de s'assurer que leur journée au collège c'est bien
passée et les aidons à faire leurs devoirs.
Vers 18 heures, nous préparons le repas avec quelques
jeunes pendant que les autres sont en salle d'activité, où ils
finissent leurs devoirs.
A 19 heures, nous dînons tous ensembles, c'est un moment
agréable, de partage dans la discussion. Les sujets de discussions sont
bien souvent apportés par l'éducateur. Ils sont induits par le
comportement du groupe durant les jours, et ou la journée
précédente. Comportement qui peut être positif ou
négatif.
Les soirées sont partagées entre: douches, jeux
ou discussions dans les chambres.
Les journées présentent toutes le même
rituel, rituel qui s'avère être cadrant pour les jeunes. Seul le
week-end se présente différemment.
Généralement, le groupe est plus restreint: cela
nous permet d'apporter plus d'attention aux jeunes présents. Ces
derniers n'ont pas l'autorisation de rentrer chez eux. Il faut savoir que c'est
le juge qui décide de la pertinence du retour en famille lors de la
demande de placement, et que nous sommes dans l'obligation de nous conformer
à cette mesure. Pour ces derniers, nous organisons des sorties,
cinéma, base de loisirs, soirées télévision, et
autres.
Ce cadre sécurisant permet de créer des liens
avec les jeunes. Lien de groupe, et ou lien individuel.
La préparation du repas est l'un de ces moments. Autour
des fourneaux, les jeunes se mobilisent plus pour partager avec
l'éducateur, une discussion qu'ils auront amenée, soit autour
d'un thème défini par l'adulte. Régulièrement c'est
le moment que je choisis échanger avec les jeunes sur les règles
de vie.
J'explique pourquoi nous ne devons pas en déroger. Le
principe du cadre sécurisant pour les jeunes.
Le lien individuel se fait bien souvent à la demande du
jeune, demande énoncée, souvent le soir au moment du coucher.
Notre rôle est de décoder sa demande.
Pour simplement gagner du temps avant d'aller au lit, et celui
qui éprouve vraiment le besoin de parler.
L'autre partie de notre travail est la référence
d'un jeune. Travail, qui se décline comme suit en théorie:
La référence signifie devenir l'interlocuteur
privilégié du jeune et de tous les intervenants
extérieurs, qui ont un lien avec ce dernier; comme la famille, le
référent A.S.E., le collège, autres...
Nous l'accompagnons à tous ses rendez-vous, chez le
médecin, acheter des vêtements. Autant de moments où nous
sommes seuls avec lui, moments privilégiés pour le jeune, mais
aussi pour l'adulte. Ces moments duels nous permettent de travailler sur son
avenir, ces souhaits vis-à-vis de sa famille, de son avenir proche ou
plus lointain. Ce qui me surprend le plus, lors de ces échanges, est que
les jeunes énoncent facilement les points qui leur semblent positifs
dans leur prise en charge, analysent avec justesse les raisons de ce dernier.
Réfléchisse avec sincérité sur leur avenir. Il juge
avec pertinence le retour au sein de leur famille. C'est de ces échanges
que nait la rédaction des écrits de type: synthèse que
l'éducateur présentera au juge lors de l'audition de la
reconduite de la demande de placement.
Le plus délicat, dans ce type de relation pour
l'éducateur est de savoir garder assez de distance, et de
neutralité. Ne pas perdre de vue:
Nous ne sommes pas les parents, nous sommes des
éducateurs. Nous ne sommes pas les parents, mais sommes la
référence adulte de leur quotidien.
Etre référence adulte du quotidien, c'est
permettre aux jeunes de se projeter dans l'avenir aux travers de nos
accompagnements. C'est leur permettre de prendre confiance en notre
société et aux adultes qui la composent. De par notre rôle,
nos interventions, nous influençons de manières positive ou
négative le comportement des jeunes.
Théoriser, le rôle de l'éducateur, c'est
théoriser les relations humaines, entre l'adulte et l'enfant. Mais la
pratique montre que la théorie ne suffit pas nécessairement quand
l'un et ou l'autre des acteurs n'est pas assez armé face à
certaines situations.
Comment réagir, quand un jeune se met à insulter
l'éducateur, insulter sa mère par exemple et que cela renvoie ce
dernier à son histoire de vie. Dans ces moments, le jeune peut devenir
maltraitant pour l'adulte. Et ce dernier apporter une réponse du
même acabit au jeune.
Mais certaines maltraitances de la part d'adultes,
professionnels de l'éducatif au sein de structure peuvent être
violentes pour les jeunes. Violence verbale, comme cet éducateur, qui
appelait un jeune «gros lard» parce que ce dernier avait une
surcharge pondérale. Violences physiques, comme lorsqu'un
éducateur «plante» une fourchette dans le bras d'un jeune ou
lorsqu'un éducateur fait une balayette à un jeune. Violences
psychologiques, pour les jeunes qui sont témoins de ces scènes.
Psychologique et physique quand lors d'un transfert, un jeune tombe en moto, se
brûle avec le pot d'échappement de cette dernière. Pour
seul réponse, on ne le soigne pas.
Chapitre 4
Définition de la maltraitance
...Maltraitance et bientraitance semblent donc s'opposer
parce qu'elles font référence au mal et au bien traiter, mais
plus précisément parce qu'elles font référence
à la pulsion de mort et à la pulsion de vie. La maltraitance,
c'est ce qui rétrécit ou détruit la vie physique et
psychique.
La bientraitance, c'est ce qui encourage leur
continuité, qui favorise la pensée, même dans les
situations les plus souffrantes, la plus grande des maltraitances étant
probablement d'empêcher la liberté de
pensée...15(*)
1. Etymologie
Avant d'aller plus loin dans ma recherche, il me parait
important et judicieux de définir le mot «maltraitance».
Définir ce dernier devrait me permettre de mettre en exergue les
différentes formes, définition et interprétation faites
à ce mot. Au travers de ces définitions naîtra mon
appropriation, et ma propre interprétation qui mènera ma
recherche.
Avant de porter ma réflexion sur l'approche
contemporaine de la définition, je porterai mon regard sur la
définition étymologique du mot. La définition
étymologique est un paradoxe de par son double sens contradictoire dont
l'usage actuel ne retient que le versant négatif.
En effet, «traiter» est issu du latin
«tractare» qui signifie à la fois «s'occuper
de» ou «caresser» et «traîner violemment» puis
«manipuler» où «conduire». Au seizième
siècle «traiter quelqu'un signifiait « le recevoir à sa
table», «l'accueillir chez soi» de la naîtra le mot
«traiteur». C'est au dix-septième siècle que maltraiter
à prit la signification de «traiter durement. Ma définition
sera issue des définitions actuelles, même s'il me paraissait
important de rappeler la contradiction étymologique.
Je commencerai par définir la maltraitance en reprenant
les références de Félix GAFFIOT16(*). Cette définition
commence par un sens poétique; traîner avec violence, notamment
par les cheveux; d'où l'idée de maltraiter en tiraillant. Plus
couramment, ce même verbe signifie toucher souvent, manier, prendre
soins (exemple des deniers publics, d'une opération de guerre) Je
retiendrai la troisième acception de cette définition (se
comporter, se conduire en vers quelqu'un de telle ou telle manière) qui
rejoint nos préoccupations de bien ou mal traiter.
En 1968, Albert DAUZAT17(*), au travers de sa définition dans le Larousse
étymologique et historique ne donne pas de définition
directe du mot maltraiter mais définit traiter. Il rapporte ce
mot au latin tractare, fréquentatif de trahere dont
sont dérivés traire, trayon, sans oublier l'arme de jet qu'est le
trait. Le verbe traiter ajoute une connotation de traîner, puis celle de
manier, pratiquer, agir à l'encontre de quelqu'un. Au début du
XVIème siècle apparaît maltraiter.
Le grand Robert dit du mot traiter provenant de tractare,
On peut traiter quelqu'un aimablement ou, au contraire durement; dans ce
cas c'est le traiter mal, le malmener, où le maltraiter. On
découvrira aux travers des définitions, les définitions
synonymiques de maltraiter.
Vient ensuite un modèle un peu plus complexe, bien
qu'apparaissant aujourd'hui comme très réducteur, à savoir
le modèle de la dégénérescence, qui s'est
principalement développé, on le sait, au cours du XIXème
siècle.
Dans ce cadre la maltraitance apparaît comme une sorte
de voie finale obligée venant concerner des enfants inscrits au bout
d'une filiation progressivement endommagée, de génération
en génération, par les ravages de l'alcoolisme et de maux divers.
La maltraitance ne représente au fond ici que la catastrophe ultime et
attendue d'une dégradation psychologique acquise, mais
définitivement inscrite et transmissible. Comme pour cette famille, dont
le fils était scolarisé sur mon lieu de travail à
l'hôpital.
Lorsque je fais le signalement pour maltraitance l'assistante
sociale me répondit:" On connaît la famille, la mère, les
oncles et tantes ont des dossiers chez nous...!»
2.La bien traitance
On ne peut traiter le sujet de la maltraitance sans faire
référence à la bien traitance. Concept apparu dans notre
vocabulaire (GABELL et coll. 2000)18(*) peut être pour faire contre pouvoir au concept
de maltraitance qui mobilise tellement nos émotions. Il nous renvoie
à ces deux idéaux de notre culture: La famille et l'enfance.
La bien traitance serait donc non seulement la réponse
la plus adaptée possible au besoin de la personne (au sens de WINNICOT
qui définit la mère suffisamment bonne)19(*), mais aussi le droit pour
chaque enfant maltraité de rencontrer un environnement
«suffisamment bon», susceptible de re-mobiliser ses forces vitales,
de renforcer ces assises narcissiques, une relation sécure
à l'environnement amenant l'enfant à saisir implicitement que la
vie est bonne à vivre et suscite le désir de continuer
l'existence. La bien traitance c'est peut être d'abord tout simplement
l'espoir de rompre avec le malheur dont se sont habillées certaines
familles depuis des générations, comme une seconde peau. La bien
traitance c'est encore aider l'enfant à renouer les liens d'une histoire
de vie chaotique ou les traumatismes, les blessures et carences
narcissiques20(*) ont
laissé les traces d'un mal de vivre. Penser les maux d'une enfance trop
vite écoulée, laisser à ces enfants précocement
mûris, le droit de régresser.
Alphonse d'HOUTAUD, et Michel MANCIAUX21(*) au travers du livre,
«bien traitances, mieux traiter familles et professionnels»
font un aparté, non étymologique mais de sens des mots
sévices et sévérité, en s'interrogeant sur
l'exagération sévérité, en latin severus,
au sens de grave, sérieux, austère, puis de dur, rigoureux. Le
mot sévérité qualifie les personnes promptes à
punir ou à blâmer avec justice rigoureuse, dite
sévère. Sévir, qui vient du latin saevir (être
furieux, user de violence) avait au XVIème siècle le sens
d'être en colère. D'où celui d'exercer une
répression avec rigueur.
Derrière les termes de violences et de violent, il y a
le latin vis, qui signifie la force, la vigueur; par exemple la force
d'un courant d'eau. L'emploi de la force est susceptible d'entraîner
l'animosité, parfois la violence; dans ces cas les plus extrêmes,
des violences. En français est dit violent quelqu'un qui agit sans
retenue, qui est brusque, impétueux, irascible, coléreux. On
parle de sentiments violents; une passion, un amour, un chagrin, une fureur,
une peur. La même variété de sens se retrouve dans le
substantif «violence».
La bien traitance est devenue en quelques années un
terme conceptuel dans le domaine social. Dans une interview du 06
février 200922(*),
Isabelle DONNIO, psychologue enseignante à l'école des hautes
études de la santé publique de RENNES, membre de Psychologie et
vieillissement (association engagée sur la réflexion de la
maltraitance vis à vis des personnes âgées) pose cette
réflexion: «... Alors que la notion de maltraitance apparaissait
comme une préoccupation de plus en plus partagée par les
professionnels du secteur soucieux de faire évoluer leurs pratiques,
nous avons assisté au cours des ans à un glissement
sémantique substituant progressivement le mot «bien traitance»
à celui de «maltraitance»
3. Connaissances en matière de
maltraitance
Très schématiquement, on peut repérer
plusieurs modèles étiologiques successifs dans le champ de la
maltraitance. La maltraitance a d'abord, me semble t-il, été
conçue comme une conséquence directe de la pauvreté et de
son cortège de conséquences néfastes (promiscuité,
alcoolisme des parents, dénuement matériel).... C'est en quelque
sorte le stéréotype de «la Cosette» des
misérables qui sert d'emblème à cette conception du
déterminisme de la maltraitance. Les choses sont en
réalité plus complexes.
Les mécanismes des liens de pauvreté et
sévices ont en effet été étudiés de
manière de plus en plus détaillée, permettant de
distinguer l'impact des conséquences indirectes de la pauvreté
(troubles nutritionnels, prématurité, accidents et handicaps
divers, «pseudo débilité sociogenèse» et
«maladie de l'échec scolaire» selon les termes de Stanislas
TOMKIEWICZ altération de la qualité des liens parents/enfant...)
de celui de ces conséquences directes (précarité des
conditions de vie due au chômage, à l'isolement social et à
la dégradation des relations intra-familiale, exploitation commerciale
ou sexuelle des enfants).... Mais les liens entre la pauvreté et les
sévices physiques, les négligences graves et les abus sexuels au
sein de la famille sont des études plus délicates.
En tout état de cause, l'hypothèse selon
laquelle la maltraitance touche tous les milieux sociaux et qu'elle n'est pas
l'apanage des familles les plus défavorisées... Hypothèse
au demeurant fort plausible. Le poids indéniable de la pauvreté
dans le déterminisme d'un certain nombre de maltraitances est important.
Ces deux premiers exemples mettent en exergue la misère sociale: les
enfants maltraités sont alors perçus comme des doublements
défavorisés, individuellement et sociologiquement.
C'est seulement dans le troisième modèle qu'une
place peut être réservée à la maltraitance des beaux
quartiers. Il s'agit en effet du modèle psychodynamique:
La maltraitance est désormais comprise comme
fondamentalement surdéterminée (référence faite
à une dimension poly factorielle), mais centrée sur l'ambivalence
des parents à l'égard de leur enfant et par le conflit intra
psychique primaire entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. Le,
on bat un enfant de Sigmund FREUD23(*) ne reconnaît dès lors
théoriquement plus de frontière sociale; Il est par essence
ubiquitaire et la compulsion de répétition vient rendre compte
des reprises trans-générationnelles de maltraitance, qui font
parfois figure de destinée infernale. La psychanalyse n'allant cependant
pas susciter nombre de résistances, là encore un voile sera
progressivement jeté sur le sadisme des familles favorisées et
même ce modèle se verra en fait beaucoup souvent
évoqué, alors que rien ne l'y prédestinait pourtant, dans
le cas des familles en difficulté, qu'on le veuille ou non, FREUD n'en
fini pas de faire scandale et tout est toujours bon à prendre pour
contester l'universalité de ces découvertes.
Plus récemment enfin la théorie de John
BOWLBY24(*)(1907- 1990 un
psychiatre et psychanalyste, célèbre pour ces travaux sur le lien
mère/enfant) Théorie sur un nouveau modèle d'attachement,
l'attachement: «sécure» où
«insécure».
Des parents qui se font, à tort ou à raison,
une représentation insécure de leurs premiers liens
d'attachement dans leur prime enfance courent un grand risque de mettre en
place avec leur enfant des interactions qui vont amener celui-ci à se
forger également des modèles d'attachements
insécures.
Le poids de ces «modèles internes
opérants» parait ainsi énorme et le degré de
liberté et la marge de manoeuvre seraient alors infimes. Ce dernier
modèle a le mérite de prendre en compte les risques de
répétition et cela dans n'importe quel milieu social. Ce à
quoi il faut ajouter que la conjoncture économique
générale, difficile depuis un certain nombre d'années, a
fait paradoxalement surgir au sein même des familles classiquement
favorisées un risque de chômage et de désorganisation
familiale qui ramène à ciel ouvert le spectre de la maltraitance
et des passages à l'acte dans des milieux où la censure sociale
conduisait à ne pas vouloir les apercevoir.
Cette théorie montre ô combien la notion de
maltraitance est fruit et réflexion de subjectivité dans sa
définition et perception. Je me dois d'intégrer cette approche
car ma propre définition risque d'être induite par ma propre
subjectivité.
4. Perception et appropriation de la définition
de la maltraitance
On se rend compte au travers des écrits, des textes de
lois, des colloques organisés par les chercheurs, que la
réflexion apportée aux situations de violences des enfants aux
seins de notre société a toujours existé.
Alors qu'en 1975 la notion de mise en danger apparaissait dans
la loi au travers de l'article 375 du code civil. En 1979, Pierre
STRAUSS25(*) était
un des premiers invités des «mardis scientifiques» du centre
Alfred BINET. La salle était pleine; toutes les équipes
étaient présentes, ces activités ayant un grand
succès. Pierre STRAUSS arrive avec les diapositives faites à
l'hôpital des enfants malades et commente des situations cliniques
montrant des photos insoutenables d'ecchymoses, brûlures, fractures,
hématomes...Doucement, modestement, il racontait ces histoires de
famille, la souffrance des enfants et la salle se vidait progressivement.
Le mot «maltraitance» est «tabou»
social jusque dans les années 1975. Le terme de maltraitance est apparu
dans les textes de la loi du 9 juillet 1989. Loi relative à la
prévention ou mauvais traitement sur mineur.
A 18 heures, à la fin de son exposé, il ne
restait que trois personnes. Certains étaient partis
discrètement, gênés, d'autres partaient en protestant, et
seul l'affection qui liait certains à Pierre STRAUSS a empêche
qu'il ne soit interrompu. Ce pauvre Pierre STRAUSS, quelle exhibition!
Où va-t-il chercher tout cela? A-t-on entendu au travers de la salle.
A l'évidence, en 1979 l'évidence clinique
était violemment niée. Cet exemple nous permet de constater, le
décalage entre les textes et l'opinion public. L'acceptation des
violences par la population n'est pas acquise par la promulgation d'une loi. Il
faut voir au travers de cet exemple que même les professionnels ont
besoin d'un temps d'appropriation face aux situations et à
l'évolution sociétale dans la prise en compte des faits de
violences et de maltraitance.
Les mauvais traitements faits aux enfants ont en effet
été l'objet d'une longue prise de conscience. Cette connaissance
n'est pas totale, elle avance par à coups, recule, ne se
révèle au fil du temps que par réflexions successives,
comme si la réalité ne pouvait s'intégrer
qu'individuellement et lentement.
Le temps nécessaire qui permet à l'homme de
s'adapter aux modifications de son milieu n'est sans doute pas seul en
question.
D'autres mécanismes sont en jeu lorsque cette
réalité insupportable apparaît à l'individu, qu'il
soit professionnel du monde médical, social, éducatif, judiciaire
ou simple citoyen. Si on l'admet, avec les théories psychodynamiques,
que la résistance est bien une force que l'on met en oeuvre.
«Déni de la réalité, doute,
banalisation, dénégation». Ces postures de
résistances, de dénégations ont été
longuement repérées, définit, et décrit par
HADJIISKI26(*). Cette
résistance, HADJIISKI la nomme temps d'appropriation, dit qu'il doit
être pris en compte lors de la mise en place d'une loi ou dans la
réflexion théorique que l'on porte lors d'études.
La maltraitance est apparue dans nos textes de lois en 1975,
lors du dépôt de l'article 375 de la protection de mineurs. La
référence à cette maltraitance était les violences
physiques, et ou abus du même ordre. La violence psychologique est un
domaine nouveau, que chercheur, professionnel, homme de lois commencent
à prendre en compte. Ce qui induit que nous ne sommes qu'au début
de la prise de conscience, du temps de l'appropriation par chacun de ce
concept.
Toutes les définitions sur la maltraitance qu'elle soit
d'un point de vue psychanalytique, psychologique, social, et du dictionnaire,
toutes la catégorisent afin d'affiner au mieux cette dernière.
Ces définitions affinées deviennent exhaustives,
incomplètes. Comme le dit Claude HALMOS (psychanalyste), dans une
interview sur France 5: toute définition est réductrice.
Stanislas TOMCKIEWICZ (pédopsychiatre) définit
la maltraitance comme suit:
«J'appelle maltraitance, violence institutionnelle
toute action commise dans ou par une institution, où toute absence
d'action, qui cause à l'enfant une souffrance physique ou psychologique
inutile et/ou entrave son évolution ultérieure.»
La psychothérapeute Eliane CORBET complète cette
définition de la manière suivante:
«Entre dans le champ de la violence institutionnelle
tout ce qui contredit ou contrevient aux lois du développement, tout ce
qui donne prééminence aux intérêts de l'institution
sur les intérêts de l'enfant.»
Les maltraitances sexuelles font de l'enfant un objet de
plaisir par l'adulte. Les maltraitances psychologiques relèvent de la
cruauté mentale, de la violence émotionnelle. Les maltraitances
physiques sont une atteinte à la personne physiquement. La maltraitance
médicale se définit comme un manque ou un défaut de soins.
Une non prise en compte de la douleur.
Négligence actives: se définit par l'abandon.
Négligence passive: elle relève bien souvent de l'ignorance.
Privation: se définit par la limitation des libertés.
La maltraitance se définit aussi souvent par des mots
synonymiques. Le premier d'entre eux est: La violence, violences conjugales,
violences filiales, violences psychologique, violences physiques, violences
gratuites, violences institutionnelles. D'autres synonymes existent: Mauvais
traitement- Négligences graves- Abus de pourvoir- Carences.
Pour ma part, la maltraitance est un concept, comme le
définit le dictionnaire de la sociologie. Concept dont les actes
posés par un tiers vis à vis d'autrui amènent à une
situation de violence pour la personne qui subie.
Violence psychologique, physique, autre. Un acte de
maltraitance peut créer plusieurs violences sur la personne.
Le fait de lancer une fourchette, en réponse à
un comportement crée une violence physique visible mais dans le
même temps induit une violence psychologique pour celui qui la
reçoit. Cette violence psychologique ne sera pas du même acabit
selon la personne qui a lancé la fourchette. S'il s'avère que cet
acte est posé dans un cadre professionnel, la réponse de
l'institution pourra créer une nouvelle violence psychologique pour la
victime. Si l'acte est commis devant des tiers cela crée une nouvelle
violence, etc.
«Dans un exemple postérieur, je fais
référence à un jeune d'origine étrangère qui
après avoir informé son instituteur des coups qu'il avait
reçu par sa mère en réponse a son comportement scolaire.
Je mentionnais que le juge avait stipulé et motivé le placement
de cet enfant auprès de la mère:«En France, la violence
physique n'est pas acceptée et acceptable!»Cela devant le jeune. Ce
jeune fut placé dans notre institution. Un soir lors du repas. Afin de
ne pas travestir les écrits de mon collègue je vais retranscrire
le mot du cahier de liaison.. PS: petit incident lors du déjeuner (pour
info cela se passait le soir!) Explications, nous étions entrain de
manger et pour rire N. se libère à table ( il pète quoi!).
Et comme cela faisait..., il s'en donnait à coeur joie J'ai dit
à N. de se lever de table et je lui ai lancé la fourchette tout
doucement et elle est restée plantée. Dans son avant bras.
Beaucoup plus de peur que de mal, il pissait un tout petit peu le sang, je l'ai
désinfecté et mis un pansement. Tout va bien.»
Journal de bord
2004
La première violence dans ce contexte est physique pour
le jeune. Une violence psychologique est présente pour l'ensemble des
jeunes autour de la table avec en questionnement: «comment dans un lieu
où nous sommes sensés être en sécurité une
telle violence est créée par un professionnel !» Pour le
jeune, victime principale, quel écho donner aux paroles du juge lors de
son placement?
Au travers de cet exemple, c'est toute la construction
psychologique dans le cadre de leur placement qui est remis en cause. Remise en
cause des institutions et de leur confiance en l'adulte.
D'un acte de maltraitance posé. Il faudra
étudier le contexte afin d'en définir les violences
posées. Maltraitances qui peuvent être ressenties d'autant plus
violemment dans ce cadre ci quand on sait qu'il est remis à chaque jeune
qui arrive sur la structure le document qui suit, comme l'oblige la loi de
janvier 2002.
Suit au préambule, les engagements de
l'établissement auprès de toute personne accueillie. L'article
premier de cette charte dit: Principe de non-discrimination
Dans le respect des conditions particulières de prise
en charge et d'accompagnement, prévues par la loi, nul ne peut faire
l'objet d'une discrimination à raison de son origine, notamment ethnique
où sociale, de son apparence physique, de ses
caractéristiques génétiques, de son orientation sexuelle,
de son handicap, de son âge, des ses opinions et convictions, notamment
politiques ou religieuses, lors d'une prise en charge ou d'un accompagnement,
social ou médico-social.
L'article sept dit: Droit à la protection
Il est garanti à la personne comme à ses
représentants légaux et à sa famille, par l'ensemble des
personnels ou personnes réalisant une prise en charge ou un
accompagnement, le respect de la confidentialité des informations la
concernant dans le cadre des lois existantes. Il lui est également
garanti le droit à la protection, le droit à la
sécurité, y compris sanitaire et alimentaire, le droit à
la santé et aux soins, le droit à un suivi médical
adapté.
Cet exemple revêt l'ensemble des approches qui existent
vis à vis de la maltraitance. La violence physique de laquelle
découle la violence psychologique. Une violence psychologique de part
son geste; effectué par un adulte et dans un cadre défini et
reconnu protecteur pour les enfants. Sur un jeune qui est placé
pour des maltraitances physiques de la part de sa famille. Violence physique
qui se traduit de quelle manière, quand elle entre en écho avec
les paroles du juge?
Situation de violence aussi pour l'ensemble du groupe de
jeunes qui se trouvait autour de la table au moment du repas. Cet exemple, nous
montre combien nos institutions peuvent être mal traitantes de par les
actes et paroles posées. Les paroles du juge des enfants posées
à la famille pour justifier le placement deviennent une
négligence passive dans ce cadre ci.
De ces constats, nous pouvons établir le lien avec
l'approche d'Eliane CORBET et Stanislas TOMCKIEWICZ dans leur définition
de la maltraitance.
Chapitre 5
Le placement et le signalement comme maltraitance
«Former des concepts, c'est une manière de
vivre et non de tuer la vie, c'est une façon de vivre dans une
relative mobilité et non pas une tentative pour immobiliser la vie,
c'est manifester, parmi ces milliards de vivants qui informent leur milieu et
s'informent à partir de lui, une innovation qu'on jugera comme on
voudra, infime ou considérable...»27(*)
Diverses raisons peuvent induire la maltraitance
familiale. Ces raisons seront observées, étudiées,
notifiés par des professionnels. Ces mêmes professionnels qui
disent:
«...Nos institutions reproduisent les violences
familiales! ...»
Observer, étudier, notifier nos institutions, c'est
accepter de se remettre en cause. Prendre le risque de dénoncer la
maltraitance pour rendre nos institutions bien traitantes.
Nos institutions peuvent-elles être mal
traitantes pour un mineur dans le cadre de l'article 375?
1. Les institutions
Au travers d'une enquête, définie comme
microsociologique?(*), par
Isaac Joseph dans son livre «Erving GOFFMAN et la microsociologie, au sein
de mon institution. Ma recherche est enrichie d'observations, de constats
d'écrits, conflits institutionnels, d'entretien libre, avec la
directrice de l'institution.
Ma recherche est réalisée sous forme de stage
auprès d'un juge pour enfant du tribunal de Pontoise. Ce stage m'a
permis d'assister en qualité d'observateur à des entretiens pour
les renouvellements de prises en charge de jeunes dans le cadre de l'article
375.
Une enquête sous forme d'entretien libre, auprès
d'une assistante sociale, travaillant au sein de la cellule de signalement du
val d'Oise, complète ma recherche.
Ces enquêtes vont me permettre de suivre le
positionnement de chacun dans la lecture de l'article 375. Comment, chacun
traduit la maltraitance?
Les travailleurs sociaux mettent souvent en avant lors de
placement la situation financière, les problèmes sociaux, etc.
des familles pour justifier le placement.
Sont-ce des situations ou des éléments de
maltraitance pour les enfants?
Mon lieu de travail, La M.E.C.S de Goussainville est mon
terrain de recherche. Au sein de cette structure, j'ai «ciblé»
les jeunes pris en charge dans le cadre de l'article 375 du code civil. Au
travers de divers exemples mentionnés dans les chapitres
précédents, je mets en exergue certaines maltraitances qui
peuvent émerger dans la prise en charge. Toute prise en charge n'est pas
mal traitante et se présente bienveillante pour certains jeunes. Comme
pour le jeune:
«Le jeune B. est dans sa dix septième
années. Il est scolarisé en terminale S. Abandonné par ses
parents, alors qu'il était très jeune, B n'a connu que les foyers
d'hébergement. Il eut son baccalauréat avec mention. Les
résultats en mains, il dit: c'est grâce à vous!
(Sous-entendu les intervenants de sa prise en charge)»
Livre de bord 2001
D'autres exemples peuvent être mis en avant:
«Comme celui de ce jeune, issu d'une fratrie de cinq
enfants. Ils étaient tous placés en institution. Les parents ne
souhaitaient en rien leur retour au domicile familial. L'institution se doit et
se devait maintenir le lien entre le jeune et les parents. Le juge avait
imposé des retours en famille le week-end. Nous avions appris
que les enfants étaient dans l'obligation de rentrer avec de la
nourriture sous menace de passer le week-end hors du domicile. Nous en avons
informé le juge. Dans l'attente d'une réponse de ce dernier, pour
ne pas priver le jeune de ses week-end, nous mettions à sa disposition
de manière indirecte des boites et ou des pâtes pour que le jeune
puisse rentrer chez lui»
Livre de bord 2001
Cet exemple nous montre, que l'institution a su se mettre dans
une posture empathique face à ce jeune. Elle a su se donner le temps de
réflexion, communiquer avec l'ensemble des intervenants pour poser une
solution.
Ces exemples ne peuvent et ne doivent pas à contrario
mettre un voile sur d'autres situations qui se sont avérées mal
traitantes dans la prise en charge. Mal traitantes les paroles de certains
professionnels au travers des mots posés.
Un éducateur qui surnomme un jeune avec un
sur-poids:«...gros lard!...» Et cela devant l'ensemble des
jeunes. Une maîtresse de maison, qui dit au groupe de jeunes:
«...Mon fils est bien! Il travaille bien à l'école! Il
écoute sa mère! Il n'est pas comme vous! ....
Cette violence verbale n'est pas réservée
aux professionnels. Il est coutumier que ces derniers se fassent insulter,
voire même frapper par les jeunes.
« Etant domicilié sur la même
commune que le foyer, j'étais régulièrement appelé
lors de situation de conflits. Un soir c'est une éducatrice qui
m'appelle et me demande de venir en urgence. A mon arrivée, elle
m'explique que tel jeune lui a mis une claque au moment de se mettre au lit
...»
Livre de bord 2002
La violence physique existe aussi de la part des
professionnels. Les exemples précédents le montrent. Cette
violence peut être avalisée, volontairement ou involontairement
par l'institution de par son positionnement devant de tels faits.
Comme;
«...Un jeune avait subi et reçu des coups de la
part d'un éducateur (celui ci avait écrit dans le cahier de
liaison de l'institution... Les coups ont fusés... finalement ça
l'a calmé!...) Dans le même temps un autre éducateur
faisait une balayette ( Il le mettait au sol en lui faisant un croc en jambe)
un jeune. Le jeune dût se rendre à l'hôpital. Il fut
demandé à la direction de se positionner face à ces
violences. La direction les expliqua avec ses mots: ...Problème
abordé avec les éducateurs concernés...Il s'agit d'un
moment ou l'éducateur était à sa 15 ou 16ème heures
de travail dans la journée pour remplacer un collègue ou une
absence...»
Journal de bord 2006
Voir émerger ces maltraitances au sein d'une structure
qui agit dans le cadre de l'article 375, la prise en charge des enfants en
danger, m'a amené à m'interroger sur les conditions de prises en
charge en amont du placement. C'est ainsi que j'ai effectué une petite
semaine d'enquête au sein du tribunal de Pontoise auprès d'un juge
des enfants.
Cette expérience m'a permis de me rendre compte de la
difficulté pour un juge des enfants de statuer sur la décision
à prendre, comme l'a dit le juge au cours d'un entretien«...
Quelques fois, on est obligé d'aller au placement faute d'autres
moyens ! ...»
La violence physique est présente dans le cabinet du
juge des enfants mais en priorité de la part des familles
«...Un juge pour enfant d'un tribunal de l'Est de la
France poignardé par une mère qui refusait sa
décision...» ce texte était apparu sur les
écrans d'ordinateur lors de mon stage.
A contrario, la convocation des familles dans le bureau d'un
juge peut être ...déclencheur d'une reprise en main
de la part des parents de l'éducation de leurs enfants... (parole
du juge des enfants)
Dans le bureau d'un juge, chacun prend la parole. Ce qui
induit, le juge, les parents et les éducateurs et intervenant social
présent.
Ces derniers peuvent poser des mots violents pour les parents
comme ces éducatrices accompagnant une petite fille de deux ans.
«...Ne t'inquiète pas tu repartiras avec
nous... ta maman ne te ramènera pas! ...»
Les parents peuvent aussi avoir des mots violents vis à
vis de leurs enfants. Comme cet oncle et cette tante parlant de leur neveu en
ces termes «...Il est débile!» Ou encore cette
mère qui dit à son fils aîné«...tu dois
être sacrifié...». Sous-entendu placé pour
éviter que ton frère le soit aussi.
Cette semaine au sein du tribunal m'a montré que les
juges des enfants se sentent souvent désarmés face à
certaines situations. Ils estiment que les textes en vigueur n'aident pas
à répondre aux situations rencontrées. Ils sont conscients
des difficultés rencontrées par les travailleurs sociaux. Ces
derniers attendent beaucoup de la loi de mars 2007 donnant la
possibilité aux conseils généraux de financer tous modes
de prises en charge.
Cette loi devrait permettre aux intervenants sociaux de
proposer des solutions alternatives aux placements et/ou mesures de suivis
éducatifs aux juges des enfants.
Les juges sont conscients que la mise en place de cette loi
comme beaucoup de lois prendra du temps. Ils mettent en avant le fait
qu'aujourd'hui elle existe et constitue un grand pas dans la prise en charge de
mineurs dans le cadre de l'article 375.
Après ce stage au sein du tribunal j'ai
rencontré une assistante sociale qui intervient auprès des
familles lors de signalement. Cet échange mit en exergue, non pas un
comportement violent de la part de l'assistante sociale mais un positionnement
que je définirai: violence passive. Violence passive dans sa
manière d'aborder son travail
«...Je ne suis pas là pour faire plaisirs aux
parents....», «...on l'interroge...» faisant
référence au parent...
Sans préjuger de la responsabilité de chacun
où d'indexer tel ou tel professionnel. Je prenais conscience ;
Alors que nous étions dans le cadre (Art 375 du code civil) de la loi
les garants contre la maltraitance familiale, et où la mise en danger de
l'enfant comme le défini la loi. Nous étions nous même
maltraitant vis-à-vis de ces enfants.
Fort de ce constat, j'entrepris ma recherche pour le
mémoire avec pour thème:
«Placements et situations de maltraitances en Maison
éducative à caractère social au sein du foyer
éducatif de Goussainville.»
Constat était fait lors de la monographie, que notre
institution pouvait être mal traitante pour les jeunes que nous
recevions. Ma question principale de recherche devait m'amener à
définir à partir de quel moment les institutions (services
A.S.E., juge pour enfants) qui agissent auprès des familles pouvait
être mal traitantes dans leurs interventions.
Sans remettre en cause leurs compétences et leur
professionnalisme, ces assistantes sociales ont un comportement inquisiteur
pour ces familles. Que ces enquêtes sociales ne sont souvent
déclenchées que sur un fait ou un moment précis d'une vie.
Cette famille se retrouve désemparée face à cet enfant.
Cette famille se retrouve fragilisée par ces événements.
L'intervention de l'assistante sociale est à certains moments la
première fois que cette famille se retrouve face à la loi. Ce
face à face est dirigé par les services sociaux qui de par leur
comportement, leurs questions peuvent remettre en cause les compétences,
et aptitudes des parents dans leur rôle. Je pense que là est la
première violence des institutions face aux familles.
Dans le même temps, leurs interventions peuvent mettre
le jeune en porte à faux vis-à-vis de sa famille car il est le
«déclencheur» de la situation, face à ses parents et
aux institutions. Il faut savoir, que lors d'une enquête sociale, des
questions sont posées par l'intervenant social. Ce dernier
établit un lien avec la famille dans l'échange au travers de
la discussion. Echange qui a pour but inavoué: chaque
enquêté se confient à lui. De ces confidences, certaines
réponses aux questions posées, des observations qui auront
été faites lors de la visite au sein du domicile familial sera
établi un rapport qui sera transmis au juge. Une fois ce rapport sur le
bureau du juge, tous les acteurs (parents, enfant, services sociaux) se
retrouveront dans le bureau du juge. C'est à ce moment là, que
les intervenants sociaux aux travers de leur rapport et de leurs dires poseront
leur «jugement». Les parents, l'enfant auront la parole. Ils
pourront se défendre, car oui, il s'agit bien de
défendre leur positionnement face à ce juge. Mais sont-ils
«armés» pour faire face à cette situation?
Le but de mon enquête dans le cadre de mon
mémoire n'est pas les violences vis-à-vis des familles quoi que
cela s'avère un sujet des plus intéressant. Mais les
premières violences qui peuvent naître chez un enfant aux travers
d'une telle situation, d'autant plus quand il est le déclencheur de
cette dernière.
Comment peut-il vivre ce premier rapport avec la loi, dans sa
vie d'enfant. Quand la résultante de ces propos peut amener à une
séparation, et ou une destruction de la cellule familiale. Confier
à son instituteur, «...maman m'a tapé avec un
manche à balai...» n'induit pas forcément pour un enfant se
rendre à l'hôpital pour que soit établi un certificat
médical. Se rendre devant un juge. Se retrouver face à ses
parents auxquels on reproche les actes posés. Et encore moins je pense
se retrouver «écarté» de la famille au travers
d'un placement.
Que peut ressentir un enfant dans ces moments là?
Comment dans de telles situations l'enfant ne peut pas se sentir trahi? Comment
ne pas remettre en doute toute la confiance que l'on peut avoir dans les
adultes et les institutions? Dans de tels cas, ne sommes nous pas violents,
violents dans le sens maltraitant vis-à-vis de cet enfant?
Nos institutions peuvent-elles être mal
traitantes pour un mineur dans le cadre de l'article 375?
2. Constats monographiques
La monographie est le cheminement de l'apport théorique
d'une année d'étude et d'une réflexion sur ces pratiques.
Une année durant laquelle la formation nous offre l'opportunité
de «sortir la tête du guidon»
régulièrement. Prendre le recul nécessaire pour analyser
nos pratiques. La rédaction de la monographie m'a permis de me mettre
dans une posture objective où seuls devaient apparaître des
constats et non des ressentis.
Le sujet monographique fut: le principe de la mise en place
des règles de vie en institution. L'étude de leur mise en place,
appropriation de la part des professionnels ainsi que leur transmission vers
les jeunes accueillis, dans un premier temps. Un second temps était
comment chaque jeune percevait et acceptait ses règles de vie.
Cette enquête monographique a montré que pour que
chaque professionnel s'approprie les outils, surtout les règles, dont il
a besoin pour accompagner les jeunes dans leur quotidien, il doit et veut
être impliqué dans leur création.
Chaque règle est porteuse de sécurité
pour les jeunes si elle est mise en application de manière identique par
tous les intervenants, mais qu'à contrario le non respect de ses
règles par les professionnels eut provoqué un sentiment
d'insécurité pour les jeunes.
L'étude de leur mise en place aux travers
d'observation, d'enquêtes (Enquêtes réalisées
auprès d'éducateurs et de jeunes pris en charge au sein de
l'institution) ont démontré:
La mise en place de règles de vie en institution par
l'ensemble de l'équipe procure un cadre rassurant dans lequel les jeunes
peuvent évoluer en toute confiance et sérénité.
Lorsque ces règles ne sont pas présentes, les jeunes
évoluent dans un cadre confusionnel qui les met en
insécurité. Cette insécurité peut amener à
des comportements déviants aussi bien de la part des jeunes, que des
adultes qui sont présents pour les encadrer. Des comportements
déviants, qui posés par les adultes, peuvent s'avérer mal
traitants pour les jeunes pris en charge.
Plusieurs exemples nés d'observations au sein de
l'institution dans laquelle j'évolue (exemples décrits par la
suite) m'ont permis de mettre en adéquation, le manque de formation, le
manque de cadre, l'insécurité que cela apporte au sein d'une
M.E.C.S..
L'insécurité est synonyme de danger28(*). Cette
insécurité s'est mise en corrélation avec mes souvenirs.
Souvenirs d'un père qui avant son retour ivre à la maison avait
créé un climat d'angoisse et de danger car nous ne savions pas
comment aller se dérouler la soirée.
Ce même sentiment m'envahit quand je pense à ces
jeunes pris en charge par notre institution. La journée, ils
étaient en quête de savoir qui devait faire la soirée. De
par la réponse apportée, je sentais ce ressentiment que j'avais
dans l'attente du retour de mon père. D'une mise en
insécurité, nous arrivions à une mise en danger, ne serait
ce que psychologique. Et quand cette mise en danger psychologique, venait par
se traduire par une mise en danger physique comme ils l'ont vécu par
moments (moments décrits par la suite) ne pouvait-on pas parler de
maltraitance...Cette maltraitance ne trouvait-elle pas sa source en amont
à savoir... dans le cabinet du juge pour enfants. Etre
«arraché» à sa famille, à son père,
à sa mère. Epreuve que j'ai vécue, alors que je n'avais
que cinq ans. Il est vrai que les circonstances n'étaient pas les
mêmes, d'autant qu'il fallait que je fasse le deuil d'un espoir...
revivre avec ma mère. Face à mon père,
malgré tous mes ressentis, toutes mes angoisses, je me suis toujours
refusé à vivre ailleurs. C'était chez moi, ma famille, et
quoi que j'en écrive et en dise mon père.
Ces sentiments que j'ai éprouvés durant mon
enfance, ne me sont pas propres. Je pense que chacun de nous où dans la
plupart des cas les enfants éprouvent les mêmes.
Le placement en structure afin de garantir une hygiène
de vie correcte à un enfant ne peut-il pas être plus traumatisant
ou plus destructeur pour l'enfant et sa famille?
Le manque de réponses à ces situations n'est-il
pas plus maltraitant pour l'enfant. Et ne rejette t-il pas à la famille
une image mal traitante? Quel regard ou réflexion porter sur cet
éloignement familial? Quel peut être le ressenti du jeune dans ce
contexte? Sera-t-il en mesure d'investir de manière positive son nouveau
lieu de vie ou mettra t-il tout en échecs? D'une décision de
placement émerge un nombre considérable de questions.
Un questionnement du positionnement du jeune face à sa
famille. Questionnement d'autant plus pertinent quand c'est le jeune
lui-même qui a créé cette situation. Dénoncer une
situation induit vouloir faire que cela change mais cela n'induit pas
automatiquement que l'on change les acteurs chargés de la prise en
charge. Un enfant extrait de son milieu familial est- il en mesure de trouver
sa place ailleurs? C'est aussi une des questions que nous sommes en droit de
nous poser.
Quel ressenti pour la famille, lors de signalement ou en
présence d'un juge. Bien souvent, les familles ne sont pas
informées des raisons pour lesquelles elles sont convoquées. Et
de telles situations rajoutent au stress et à l'angoisse de chacun.
Quand on doit prendre une décision pour l'orientation
d'un enfant en difficulté dans son milieu, il n'existe pas d'alternative
entre l'aide en milieu ouvert, le placement en foyer et ou le placement en
famille d'accueil. Certaines situations de violences avérées
impliquent le placement des enfants, mais d'autres situations qui ne sont en
rien des violences, où l'éducatif est présent,
mériteraient d'autres solutions. Pour ces familles violentes, le
placement les amènent-elles à se questionner sur leur
positionnement éducatif?
3. Problème de recherche
Le cadre de la loi au travers de l'article 375 du code civil
vise à protéger les mineurs en situation de danger et ou de
maltraitance au sein de leur famille.
Les décisions de placements s'avèrent être
mal traitantes aussi dans certains cas: Maltraitances physiques au sein des
M.E.C.S. La maltraitance physique existe depuis toujours au sein des
structures d'hébergement pour mineurs, ainsi que la négation de
sa personne. Toutes les structures ne sont pas mal traitantes. Comme toutes les
situations ne sont pas mal traitantes ! Il va de soi, que tant que perdurera,
ce type de situation (la maltraitance) il nous faudra les dénoncer. Il
est vrai que ces situations ont évolué favorablement au cours des
années. Que l'ensemble de la société au travers de ces
lois pour la protection des mineurs mène à diminuer ces
maltraitances.
Et heureusement, aujourd'hui en France, des gens travaillent
à faire disparaître ces faits, comme, l'association LE FIL
D'ARIANE29(*), qui veille
aux droits des familles, et des enfants placés. Association souvent
décriée par les professionnels de la protection de l'enfance.
Mais association qui a le mérite d'exister. Cette association
dénonce le manque de solutions alternatives face au placement, en
récusant purement et simplement le placement.
Il s'avère que le placement à mon avis n'est en
rien la mesure idéale dans la plupart des cas. Que la décision de
placement est à mon avis la première maltraitance pour les
mineurs ! Certes pas une maltraitance physique, mais psychologique.
Sans rejeter le principe de placement qui pour moi est une
solution dans certain cas. Je pense que le placement a été et
sera positif pour l'avenir de certains mineurs et certaines familles. Les
maltraitances en structures peuvent être abolies par des lois, par la
formation du personnel, par la reconnaissance du mineur en tant qu'être
à part entière, et en lui accordant le respect auquel il a droit.
Grâce à l'évolution des mentalités au sein de notre
société, les mentalités et les lois évoluent dans
ce sens aujourd'hui dans notre pays.
A contrario, peu d'études existent (je n'en ai
trouvé aucune, malgré mes recherches) sur l'impact du passage
dans le bureau d'un juge. Impact pour la famille, pour le mineur. Sur le manque
de choix de solutions pour le juge face aux situations à juger. Impact
psychologique pour un mineur envers qui est demandé le placement.
«...Comme pour ce jeune (N. précité
plus haut), issu d'une famille du centre de l'Afrique . Il commet une
bêtise et se bat à l'école. Sa mère ne travaille pas
et a pour rôle l'éducation de ses enfants. Cette femme, depuis son
arrivée en France, ne sort pas hormis pour faire les courses. Elle
cherche une intégration des plus discrètes pour sa famille. Son
modèle éducatif tient de ces traditions, de ce qui lui a
été inculqué dans son pays. Pays dans lequel la punition
corporelle appartient à l'éducation. Cette mère frappe son
enfant avec un manche un balai et ce dernier se casse sur le dos de son
fils.
Le lendemain, à l'école, l'instituteur
découvre les marques. L'enfant est conduit à l'infirmerie. Il
explique les faits. L'enfant est conduit à l'hôpital. Dans les
jours qui suivirent, les services sociaux furent saisis de l'affaire.
Quelques jours plus tard toute la famille se retrouve face
au juge des enfants.
Première intervention des services sociaux, dans la
vie de cette famille. Première convocation dans le bureau d'un juge. Des
parents parlant très peu le français. Ils découvrent le
système de protection des mineurs dans ce cadre. Un rapport
accompagné d'un certificat médical fait état de violence
sur enfant. Une mère se référant à son histoire
explique que son enfant a eu la sanction méritée....Une
décision qui tombe. Placement de l'enfant dans le cadre de l'article
375.»
Journal de bord 2OO5
Comment l'enfant vit-il un tel évènement?
Le rapport dit: L'enfant explique que c'est sa mère
qui lui a cassé un manche a balai sur le dos.
Des parents qui arguent leurs comportements en mettant en
avant le comportement de leur fils. Des parents qui vantent leurs efforts
d'intégration. Parents qui justifient la violence aux travers de leurs
us et coutumes de leur pays d'origine. Un juge d'éducation
française, évoluant dans le cadre de la loi. Avec très
certainement une intime conviction: celle de protéger les enfants.
Quelle place va être faite à cet enfant
auprès de sa famille après une telle expérience?
4. La pertinence du problème de
recherche
La première étape de cette formation fut
l'écriture de la monographie.
La monographie me permit de m'interroger sur mes pratiques et
de les confronter à l'apport théorique. Cela au travers d'une
enquête faite au sein de l'institution dans laquelle j'évoluais.
Cette enquête eut pour terme la mise en place des règles de
fonctionnement au sein de l'institution. Mon travail m'amena à constater
que si ces règles n'étaient pas ou peu présentes.
Plusieurs facteurs pouvaient en être la cause, le manque de concertation
entre le «rédacteur» de ces dernières et les personnes
qui doivent les mettre en place. Le manque d'expérience des intervenants
auprès des jeunes, à savoir les éducateurs. Leur manque de
formation.
Il s'avère que la présence d'un nombre important
de personnes sans qualification et expérience au sein de la M.E.C.S.
dans laquelle j'évolue est liée à deux facteurs
principaux. Les personnes diplômées postulent plus
généralement dans les services A.S.E. Le coup financier pour
l'association n'est pas le même que l'on soit diplômé ou
non.
Mon enquête était axée sur les
résultantes de la non mise en place des règles de vie en
institution sur les mineurs. Mes conclusions furent : cette non mise en place
créait un climat d'insécurité pour les jeunes. Mettre une
personne en insécurité dans le cadre de nos obligations
professionnelles s'avère au travers de la définition, reprise
dans mon travail de recherche: mettre en danger la personne. De ce fait, nous
devenions mal traitants. Durant de mon enquête, d'autres formes de
maltraitances sont apparues: maltraitances physique, psychologiques, etc.
5.Quelle réponse apporter
?
Dans toutes
situations de maltraitances, les services sociaux par l'intermédiaire
des juges pour enfants actent leurs décisions vis-à-vis de
l'enfant. Jamais les parents mal traitants hormis dans les cas d'inceste ne
sont poursuivis et/ou condamnés. C'est l'enfant maltraité qui
sera placé ou à plus juste titre écarté de la
famille, de son contexte familial, scolaire et autre. Dans une telle situation,
la loi ne devient-elle pas elle aussi mal traitante?
Nombreuses sont les personnes qui ont travaillé,
écrit, réfléchi sur une réforme de la loi. Comme
Maurice BERGER30(*) dans
le cadre de ces écrits. Philippe NOGRIX31(*), sénateur d'Ille et Vilaine. D'autres ont
travaillé sur des solutions alternatives au suivi en milieu ouvert et
aux placements. Les difficultés qu'ont rencontrées ces derniers
pour la mise en place de ces expériences furent des difficultés
d'ordre financier. En effet, la loi prévoit le financement des solutions
proposées par les textes, mais ne peut budgéter toutes autres
propositions!
Des parents mal traitants n'en reste pas moins des parents
avant toute chose, et un lien filial et familial existe avec l'enfant.
Stanislas TOMKIEWICZ explique dans, lien social n°290 de janvier 1995,
le lien qui unit les parents maltraitants et les enfants maltraités
en ces termes:
«Les parents mal traitants«fabriquent» souvent
des enfants sadomasochistes. L'attachement que les enfants gardent envers leurs
parents mal traitants fait partie de la pathologie provoquée par ces
derniers et explique en partie la transmission
intergénérationnelles des maltraitances. ..... Il leur faudra
plusieurs années avant de guérir.»
La corrélation entre les paroles posées par
Stanislas TOMKIEWICZ et le placement vont-ils de pair quand on sait que
rarement un travail est fait auprès des familles durant le placement de
l'enfant.
La maltraitance existe sous plusieurs formes. Il existe la
maltraitance physique, qui se voit, qui est définie par le cadre de la
loi. Sur laquelle on peut interagir au travers de rapports médicaux, de
constat rédigé par des professionnels.
Les notions de violences et de maltraitances ne sont pas
perçues de la même manière par tous. Ce qui peut
paraître une violence inadmissible, reste pour d'autres un traitement ou
une pédagogie sévère mais parfaitement licite et normale.
Ainsi par exemple, les punitions physiques considérées en France
comme une violence depuis une cinquantaine d'années au moins ont
été interdites en Angleterre il y a une dizaine d'années.
Reste le concept culturel: dans certains pays, le châtiment corporel
existe. Fait par des parents qui croient aimer, je dirais même qui aiment
leurs enfants et ne s'imaginent pas maltraitants. Bien souvent dans ces
familles, ce qui pour nous se traduit par de la maltraitance, cela
s'avère être signe d'attachement et de bonne pédagogie.
Quand j'ai abordé ce type de situation avec le juge pour enfants, cette
dernière m'a fait part de son positionnement lié exclusivement en
référence à la loi. Ne doit-on pas envisager une
référence éducative pour ces parents, qui bien souvent
traduisent le mot «intégration» par respect des lois et
travail. Il faut entendre par respect des lois, la loi pénale et non les
lois liées aux droits des enfants.
La maltraitance est définie aux travers des rapports et
enquêtes des intervenants sociaux en d'autres termes comme violences
physiques, carences éducatives, et de manière beaucoup plus floue
avec des expressions du type: maltraitance mais sans jamais la définir
exactement. L'ensemble des professionnels met en avant les violences physiques,
décrivent des situations de manque de repères éducatifs,
des difficultés financières, matérielles mais jamais n'est
abordée la maltraitance psychologique. Il faut dire que cette
dernière est difficilement visible, et identifiable. Quels moyens ont
les acteurs des services sociaux pour mettre en avant cette dernière et
agir face à de telles situations?
Dans un tel contexte. Il s'avère difficile pour un juge
de prendre une décision ou plutôt la décision qui serait le
plus en adéquation avec l'intérêt de l'enfant, tant son
choix de réponse est limité. Ce champ réduit de
réponses à apporter aux enfants, définis en danger,
n'amène t-il pas à placer l'enfant dans une nouvelle situation de
maltraitance ou au minimum de souffrance?
Jusqu'en 1936, dans les institutions, on considère que
les jeunes pensionnaires sont génétiquement tarés ou bien
marqués d'une manière indélébile par leur
passé familial et par leur absence d'intégration des lois du
pays. Grâce au mouvement du Front populaire et 0 l'intervention d'une
partie de l'opinion publique, animée par une journaliste humaniste,
Alexis DANAN, commence un début d'humanisation des institutions pour
jeunes. Ces améliorations ont continué, surtout après 1945
et après 1958 avec le Général De Gaulle. Le grand
mouvement populaire de 1968 permit aux maisons à caractère social
de s'humaniser encore. Durant toutes ces années, le concept de
maltraitance ne fut jamais abordé. On parlait de violence.
La violence est une référence aux sévices
physiques subis par des enfants.
Même si cette notion évolue aujourd'hui, rare
sont les intervenants qui considèrent les enfants comme des êtres
humains, comme des personnes à part entière douées de
réflexion et de ressenti. L'enfant au sein de nos institutions est
un sujet.
Ainsi les maltraitances que j'ai rencontrées au sein de
l'institution dans laquelle j'exerce m'ont paru extrêmement violentes,
alors qu'elles semblaient presque tout à fait normales pour le reste de
l'équipe.
Les violences institutionnelles ne sont pas l'exception de la
structure dans laquelle j'évolue depuis plusieurs années.
Stanislas TOMKIEWICZ fait part dans son livre«Aimer mal, châtier
bien»32(*)de
témoignages de personnes travaillant au sein d'institution, de
réflexions, et d'enquêtes. Ces témoignages permettent de
dégager une notion, très variable, de la violence, notion
variable dans le temps et dans l'espace. Et de révéler des
constantes de fonctionnement de ces lieux.
Dans ce livre, on peut voir naître un questionnement
doublement tabou:
La violence en institution, lieu non neutre pour ces enfants
placés dans le cadre de l'article 375 de l'enfance en danger. Evoquer la
violence dans un lieu où le «bien être» de l'enfant est
le leitmotiv de l'institution... Stanislas TOMKIEWICZ propose des moyens
d'actions pour que la maltraitance disparaisse dans nos institutions.
Mettre une personne dans une situation de danger n'est-il pas
maltraitant dans le cadre d'une prise en charge d'un jeune mineur?
D'autres interrogations ont émergé de la
monographie. Encadrer, faire prendre en charge des jeunes par des personnes
sans diplôme, sans expérience: n'est ce pas prendre le risque de
les mettre en danger?
L'article 375 met en avant les risques de maltraitances au
sein de la cellule familiale.
Extraire un enfant de cette dernière, ne peut-il pas
être un acte maltraitant?
Quand la maltraitance s'invite dans nos
institutions !
La monographie a montré combien le comportement des
professionnels pouvait mettre les jeunes accueillis en
insécurité, combien une négligence pouvait être mal
traitante.
La seconde enquête tentera de dire si d'autres
négligences existent au sein de l'institution qui prend en charge les
jeunes dans le cadre de l'article 375.
«J'ai la conviction, comme tout chercheur, que la
sociologie peut contribuer à une action politique réellement
démocratique, à un gouvernement de tous les citoyens propre
à assurer le bonheur de tous les citoyens. Cette conviction, je voudrais
essayer de la faire partager, - même si c'est un peu présumer de
mes forces et surtout sous-estimer les obstacles et les résistances,
inévitables, que la sociologie connaît bien, à la
réception de la sociologie»33(*)
C'est avec ces mots de Pierre BOURDIEU, et cette même
conviction que j'aborderai le chapitre lié à ma recherche.
Cette même conviction qui me permet d'oser poser un
regard critique avec neutralité, même si cette dernière
peut être contestable, et/ou contestée.
Pour cette recherche, je ferais référence
à la sociologie Wébérienne34(*), en donnant une place importante à l'individu,
en cherchant à comprendre ce que chaque individu donne à son
action, compte tenu des contraintes de la situation.
6.Hypothèse
La recherche théorique en lien avec le sujet de
recherche est tout aussi importante que la posture de chercheur.
Au travers de mes recherches théoriques sur la
maltraitance institutionnelle, je me suis vite rendu compte que peu
d'écrit parlaient de cette forme de maltraitance au sein de l'article
375.
Seuls des positionnements de professionnels auprès
d'enfants s'exprimaient, comme Caroline MIGNOT.
Comme l'association ARIANE, qui se positionnait contre le
placement en vertu que ce dernier était plus maltraitant que le
vécu de l'enfant.
A ma connaissance, les seules enquêtes menées
avec comme concept la «maltraitance institutionnelle» sont
destinées aux personnes âgées.
Les entretiens auprès des professionnels ont eu lieu
soit à leur domicile, soit sur le lieu de travail. Ils se sont
déroulés dans les conditions de temps prévu. J'ai
exposé le cadre dans lequel je les ai rencontrés afin
d'atténuer la relation professionnelle.
Les questions construites de manière directive n'ont
pas laissé de place à l'expression libre de
l'enquêté.
Les deux jeunes enquêtés étaient des
jeunes pris en charge au sein de l'institution.
Je ne pus les interroger qu'au sein de cette
dernière.
Je les avais sélectionnés pour leur pertinence
de réflexion et leur aisance dans l'expression orale.
Le premier quart d'heure de l'entretien fut consacré
à re situer le cadre de ce dernier. J'ai insisté sur ma posture
de chercheur et non de professionnels.
Le questionnaire rédigé était plus ouvert
que pour les professionnels. Les premières questions étaient
destinées à amener le jeune à oublier le
professionnel que je représentais pour eux.
Les professionnels ont mis en place les règles de vie
par obligation suite à la mise en place de la loi de janvier
2002.
Ces règles n'ont pas été pensées
mais copiées sur les livrets d`accueil existants dans d'autres
structures.
Il n'y a jamais eu appropriation de la part des professionnels
mais application.
Les jeunes connaissaient mieux les règles de vie que
les professionnels, et attachaient une grande importance aux
conséquences de leur non-respect.
Leur réflexion m'a montré qu'ils étaient
inquiets de la non-exigence du respect de ces dernières de la part des
professionnels.
Le cheminement de ma réflexion me conduisit vers le
terme : Négligence.
Dans l'absolu, voir dans le quotidien une négligence
n'est rien de plus que, comme la définition du dictionnaire35(*), faute légère,
étourderie.
Mais si l'on se réfère à la
définition de la maltraitance, on se rend compte que selon les
situations, dont celle de la prise en charge de personnes, qui d'autant plus,
bien souvent définies comme vulnérables, nous ne sommes plus dans
l'étourderie..
Négligence, synonyme de
maltraitance.
Maltraitance, mot mis en avant par la l'article 375 du code
civil pour justifier du placement des jeunes en institution.
Le contexte professionnel dans lequel j'évoluais aida
à nourrir ma réflexion.
En effet, des faits de violences physiques sur des jeunes
commis par des éducateurs de la structure, ainsi que la passivité
de la direction m'amenèrent à m'interroger sur la notion de
maltraitance.
A quel moment, pour des enfants placés en structure
dans le cadre de l'article 375, la maltraitance émerge dans leur
parcours?
Ma question principale«A quel moment, pour un enfant
placé en structure dans le cadre de l'article 375 la maltraitance
émerge dans leur parcours?» laisse suggérer que les
institutions qui prennent en charge un jeune dans le cadre de l'article 375
peuvent être mal traitantes.
Cette question est la résultante de ma recherche
monographique, qui m'a montré et permis de démontrer que
certaines structures, de type M.E.C.S. peuvent, de par leur fonctionnement,
mettre en insécurité les jeunes qui lui sont confiés. Ce
sont des négligences passives. Cette enquête m'amène
à m'interroger si d'autres formes de maltraitances peuvent être
présentes dans les M.E.C.S.. Si des maltraitances existent à
d'autre moment de la prise en charge d'un jeune dans le cadre de l'article
375.
Si mon hypothèse devait se confirmer, entendre que des
maltraitances sont présentes lors de l'intervention des services A.S.E.
au moment du signalement, dans le bureau du juge, et dans les M.E.C.S., je
pense que les solutions à préconiser devront être
différentes selon les intervenants précités.
DEUXIEME PARTIE
L'INSTITUTION MALTRAITANTE
Chapitre 6
Méthodologie d'enquête
L'enquête liée à ma question principale se
nourrit d'observations. Observations réalisées au sein de mon
lieu de travail, au sein du tribunal. Observations du comportement de chacun.
Observations de divers écrits (compte rendu de réunions- cahier
de situations journalières- dossiers au sein du tribunal-etc.)
Après l'observation, ma recherche se construit à
partir d'entretiens auprès de divers professionnelles agissant à
un moment précis de la prise en charge des jeunes dans le cadre de
l'article 375.
Je choisis d'enquêter auprès de trois
professionnelles:
- la directrice de ma structure, qui est fille de directeur de
structure et a grandi dans l'enceinte d'un foyer. A contrario de la monographie
je choisis l'entretien libre. J'optai pour la relance sur les mots qui me
paraissaient pertinents pour mon thème de réflexion. L'entretien
n'était pas limité dans le temps. Il se déroula sur une
matinée.
- j'ai eu, par la suite l'opportunité d'effectuer un
stage au sein du tribunal de Pontoise, auprès d'un juge pour enfants. Ce
stage me permit d'observer des situations de signalement au sein du bureau d'un
juge pour enfants. Des entretiens libres eurent lieu avec le juge durant les
trois jours.
- la troisième enquêtée est une assistante
sociale qui travaille au sein d'un service A.S.E. Nous avons eu l'occasion de
travailler ensemble sur une situation. L'entretien a eu lieu dans un
café sur Paris. Ce dernier fut construit dans le même cadre que
les deux précédents à savoir l'entretien libre.
1. L'observation
Deux analyses distinctes vont être posées dans le
cadre de l'observation.
Mes années au sein de la M.E.C.S. me permettent de me
positionner en «acteur de la situation». Je me suis donc mis en
posture «d'observation participante complète», l'observateur
s'immerge personnellement dans le quotidien, la vie et le travail des
observés, et partage leurs activités.
Dans le cadre de l'observation au sein du tribunal ma posture
sera de l'ordre de l'observation participante: le chercheur considère
qu'un certain degré d'implication est nécessaire pour obtenir la
confiance des individus et comprendre ce qu'ils jouent, mais qu'il ne doit pas
assumer de rôle trop important au risque de nuire à l'analyse.
1.1Observation sur mon lieu de travail
Prendre la posture d'observateur chercheur au sein de
la structure dans laquelle j'évoluais depuis plusieurs années fut
très difficile, pour ne pas dire impossible.
Le contexte institutionnel, déménagement sur le
pavillon des petits avec une équipe sans expérience et
qualification. Une direction absente des lieux a, je pense, aidé
à laisser s'installer la violence au sein du pavillon.
Mon rôle de délégué, ma
non-acceptation de cette violence, et ma personnalité ont fait que j'ai
dénoncé, que je me suis opposé à l'inertie de la
direction. J'ai été écarté du foyer durant quatre
mois. On m'a menacé de me licencié, on a cherché la
faute...on ne l'a pas trouvée!
L'ensemble des salariés (nous étions vingt
personnes) a refusé de dénoncer, de se joindre à moi. Au
contraire beaucoup me conseillait de me taire, ou posaient des phrases comme:
«c'est toi qui va avoir tort! ....Il va te renvoyer! ... On ne peut
rien y faire! ...Et s'ils nous renvoient! ...»
Hormis deux collègues, auxquels j'ai demandé de
ne pas intervenir mais de continuer à observer à ma place.
C'est ainsi que m'est parvenue la photo (jointe en annexe) de
la jambe du jeune brûlé au deuxième degré. Ainsi que
j'ai été informé du déroulement des
évènements.
Je n'ai donc pu tenir cette posture d'observation
participante entière tout au long du recueil des données.
Ces données vont être classées entre trois
catégories différentes, aux travers de trois tableaux:
1. Recueil des données écrites.
Ce tableau reprendra tous les écrits concernant et/ou
jugés mal traitants.
Ces documents sont joints en annexe.
1. Recueil de données orales.
Ce tableau reprendra toutes les informations orales
jugées mal traitantes et retranscrites. Dans un premier temps au sein
d'un recueil de données, et intitulé en
annexe:«Situations de maltraitances»
2. Recueil de données visuelles.
Ce tableau reprendra les situations que j'ai pu observer
durant ma posture de chercheur sur mon lieu de travail et auprès des
partenaires. La retranscription complète de ces observations est
écrite en annexe toujours dans«situations de
maltraitance»
1.2 Observations au sein du tribunal
Les observations au sein du tribunal ont été
faites de diverses manières.
La première matinée fut consacrée
à l'étude des dossiers des familles que nous allions rencontrer
avec Madame le juge durant les trois jours où je devais être
présent à ces cotés.
Aux travers de la lecture de ces derniers, je me suis rendu
compte que beaucoup de dossiers faisaient référence à la
misère sociale des familles, et aucun à des violences.
L'observation comprendra les moments durant lesquels
j'attendais le juge avant les auditions et les moments ou nous étions
seuls dans son bureau.
Je tiens à remercier Madame le juge pour son accueil.
Pour la grande liberté d'observation qu'elle m'a permis d'avoir au sein
de son cabinet.
Son accueil et son ouverture face à ma recherche m'ont
permis d'adopter une posture de chercheur en observation participante.
Je la remercie encore pour sa manière de me
présenter aux familles et professionnels qui se présentaient et
étaient convoqués dans son bureau.
«Monsieur,est stagiaire dans mon cabinet. Cela ne vous
gêne pas qu'il soit présent durant notre entretien?»
Aucun participant n'a opposé un refus à ma
présence.
2 Les entretiens
Trois entretiens ont été effectués pour
cette recherche. Ces trois entretiens n'ont pas été
limités dans le temps et réalisés sous la forme
d'entretiens libres ou plutôt définis entretiens
d'explicitation comme les nomment VERMERSCH.
Les entretiens d'explicitation visent l'accès à
ce que VERMERSCH36(*)
désigne sous le terme de vécu de l'action du sujet,
c'est à dire le vécu expérientiel de la dimension
procédurale de l'action, en grande partie pré
réfléchi, que le sujet n'a pas conscientisé et qu'il ne
peut donc pas évoquer sans un guidage lui permettant de l'expliciter. Il
s'agit donc de guider l'interviewé pour le placer dans une position
de parole incarnée (c'est-à-dire qu'il "revive" la
réalisation d'une tâche réelle et spécifiée)
en se focalisant sur l'action.
Les questions doivent être principalement descriptives
et ne jamais porter sur le conceptuel qui est, lui, déjà
conscientisé (la question "Pourquoi ?" est à éviter, sauf
cas particulier). Elles doivent aider l'interviewé à
accéder à sa mémoire concrète sans
être directives pour autant.
2.1Premier entretien
Cet entretien a été réalisé
auprès de la directrice de ma structure.
Cela fait cinq années que nous travaillons ensemble.
Nous nous sommes retrouvés régulièrement en conflit de
part mes fonctions de délégué du personnel et nos
divergences d'approche vis à vis de certaines situations.
Sur bien des sujets, nous nous sommes
retrouvés, comme la prise en charge des enfants au sein du
foyer, l'importance du cadre, etc.
Un grand respect a toujours été présent
entre nous et son ouverture d'esprit face aux critiques me parut un
critère primordial dans la sélection de cette personne.
Je voudrais profiter de ce moment pour la remercier d'avoir
pris le temps nécessaire à cet entretien comme lors de
l'entretien précédent durant la recherche monographique.
L'entretien a duré de neuf heures du matin jusqu'au
début de l'après midi.
Il a débuté dans le bureau de la directrice.
Bureau qui était aussi occupé par la secrétaire de
l'association et le futur directeur.
Isabelle ( je me permets de la prénommer avec son
autorisation) avait démissionné et était sur le
départ. Son remplaçant était en place depuis environ un
mois. Elle s'était dégagée de toutes ces
obligations professionnelles. Ce qui lui permit d'investir l'entretien.
L'entretien s'est tenu dans le bureau, des va et vient
constants dans ce dernier n'ont gêné en rien son
déroulement. Par moment, il s'est poursuivi devant le bâtiment,
du à la loi sur le tabac. Il s'est terminé au restaurant devant
une pizza.
2.2 Second entretien
L'entretien auprès du juge des enfants a
été construit sur trois jours.
Un premier entretien introductif lors de mon arrivée,
et des entretiens ponctuels lorsque nous nous retrouvions dans une relation
duelle, dans son bureau.
Echange sur les évènements, comme suite au
message apparu sur les écrans des ordinateurs du tribunal. Echange
après chaque entretien avec les familles.
Il s'avère que Madame le juge est très peu
dérangée entre chaque rendez-vous. Etait ce du à ma
présence?
Mais cela me permit de poser calmement mes questions, sans
précipitation, et il en fut de même pour les réponses de
Madame le juge
Madame le juge a répondu à l'ensemble de mes
interrogations sans jamais chercher à esquiver ou valoriser son
rôle et celui des professionnels.
Les entretiens se sont fait avec un dictaphone.
2.3 Troisième entretien
Ce dernier entretien eut lieu dans un café un
après midi. Ce rendez-vous ne fut pas pris dans le cadre de mon
enquête mais était à l'origine un rendez-vous pour faire
plus ample connaissance.
C'est une personne qui évoluait dans mon milieu
professionnel. Elle est assistante sociale dans un service A.S.E.
Notre première rencontre s'est produite alors que
j'étais référent d'un jeune au sein de la structure. Elle
était son référent extérieur.
C'est l'opportunité qui en a fait un entretien
d'enquête.
Comme l'entretien n'était pas prévu, je n'avais
pas de dictaphone. J'ai enregistré l'ensemble de la discussion sur mon
portable, avec son accord.
3. Concept et indicateurs
La maltraitance est le concept qui abrège et ou englobe
toutes formes de violences et termes synonymiques.
Je me propose dans le tableau qui suit de définir les
indicateurs de la maltraitance. Tout au moins celles qui s'avèrent
pertinentes dans le cadre de ma recherche. Indicateurs qui seront de par leur
pertinence, le leitmotiv de mes relances durant les entretiens et
référence d'analyse pour les observations. Je
m'intéresserai plus particulièrement aux maltraitances
institutionnelles judiciaires liées à l'article 375.
Les termes synonymiques définis pour la maltraitance
apparaissent dans la définition proposée en chapitre trois. Ces
termes peuvent être classés en «deux
catégories»: Les négligences actives, et les
négligences passives.
Les négligences actives représentent toutes les
formes de maltraitances faites sciemment de la part d'un tiers sur une autre
personne. Quand un éducateur interpelle un jeune en l'appelant
«gros lard», nous sommes dans une forme de négligence
active.
Quand une directrice de collège émet un
signalement concernant des jeunes placés en institution. Que les
services A.S.E. ne donnent aucune suite, pour quelque raison que ce soit. Nous
sommes dans une des formes de la négligence passive vis à vis des
jeunes qui ont dénoncé une situation.
Tableau des indicateurs de maltraitances institutionnelles
|
Les indicateurs peuvent être classés en deux
catégories:
Négligences actives
Négligences
passives
Violences verbales
|
Verbales
|
Violences physiques
|
Mise en insécurité
|
Violences médicales
|
Inadéquation de réponse
|
Autres
|
Médicales
|
Tableau de classification des représentants de
l'institution intervenants dans le cadre de l'article 375
|
Signalement
|
A.S.E.
|
Décision
|
Juge
|
Placement
|
M.E.C.S.
|
Suivi en milieu ouvert
|
A.S.E.
|
Une famille peut se retrouver face aux institutions
judiciaires (dans le cadre de l'article 375), quand elle rencontre des
difficultés particulières; situation précaire, violence
familiale, difficultés particulières avec un ou des enfants, etc.
Soit elle se tourne d'elle-même vers les institutions. Soit un tiers qui
peut représenter une institution en lien avec la famille exemple:
école, service de police. Ou qui souhaite agir à titre personnel
jugeant une situation inquiétante et ou mal traitante.
Caroline MIGNOT, pédiatre à l'hôpital
Necker dit dans, le moment du signalement, le temps de la
réflexion:«... Pour les parents, on le sait, la
révélation est toujours une période de crise, avec la mise
en avant sur la place publique de faits ou d'évènements
traumatisants. Le signalement est souvent vécu comme une
disqualification. Ils sont seuls face à leur détresse...»
CHAPITRE 8
Recueil et organisation des données
Recueil de données théoriques
|
Définissant l'institution mal traitante
|
auteur
|
données
|
Type de maltraitance
|
Caroline MIGNOT
Pédopsychiatre
|
« ... Pour les parents, on le sait, la
révélation est toujours une période de crise, avec la mise
en avant sur la place publique de faits ou d'évènements
traumatisants. Le signalement est souvent vécu comme une
disqualification. Ils sont seul face à leur
détresse... »
|
Verbale passive
|
Fil d'Ariane
|
Son rôle : Recueille les plaintes des familles en
conflits avec l'institution
|
Verbale active
|
Fil d'Ariane
|
Se positionne contre le placement en M.E.C.S.
|
Verbale active
|
André JONIS
Lien social du 17 octobre 2002
|
« Mettre l'usager au « centre du
dispositif » nécessite qu'on lui propose une place
correspondant le plus précisément possible à son cas. En
effet, quelle appréciation serait portée sur un médecin
qui prescrirait, pour soigner une grippe des médicaments contre le mal
de dos... »
|
Verbale passive.
|
Maurice BERGER37(*)
|
« L'ECHEC DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE »
(titre de son livre)
|
Verbale active
|
Louis DE BROISSIA
« Rapport sur l'amélioration de la prise en
charge des mineurs protégés »38(*)
|
Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des
mineurs protégés
|
Verbale passive
|
Philippe STRIDE
Directeur de M.E.C.S.
|
« Nous devons repenser tout le système de
protection de l'enfance en danger... »
|
Verbale passive
|
Léo GRENEL
Journaliste au lien social
|
« Eviter d'opposer à la violence familiale la
violence de la réponse sociale... »
|
Verbale passive
|
*Je nommerai toute notification écrite comme violence
verbale.
Si elle est écrite dans un document grand public, ce
sera une négligence active.
Si elle est écrite dans une revue destinée aux
professionnels ce sera une négligence passive.
Ce tableau nous montre combien l'institution est remise en
cause dans son fonctionnement, et dans les réponses qui paraissent en
inadéquation avec l'attente de l'usager.
Les professionnels et auteurs des textes se montrent
très critiques face à l'institution. Surtout aux travers
d'ouvrages adressés à leurs pairs ou professionnels de
l'institution.
Recueil de données écrites
|
Auteurs
|
données
|
Type de maltraitances
|
Un éducateur
|
1
...Je lui ai fait une balayette, il est tombé sur le
coude... Les pompiers sont venus le chercher
|
Violence physique
|
Un éducateur
|
1
...Il a pété à table...Je lui ai jeté
ma fourchette, elle est restée plantée.
|
Violence physique
|
Un éducateur
|
1
...Les coups ont fusé...Finalement ça l'a
calmé...
|
Violence physique
|
Directrice
|
2
...Problème abordé avec les éducateurs
concernés...Il s'agit de moment où l'éducateur
était à sa 15 ou 16 heures de travail dans la journée pour
remplacer un collègue ou pour palier une absence.
|
Négligence passive
|
directrice
|
3
... De plus il n'y a pas eu dysfonctionnement.
|
Négligence passive
|
4
Signalement fait par la directrice du collège
|
Jamais de suite de la part des services A.S.E.
|
Négligence passive
|
1. Textes recueillis dans le cahier de liaison de
l'institution
1. Textes recueillis dans le cahier du
délégué du personnel. Réponse apportée
à la question suivante : «...J'attire votre attention sur
les faits de violences envers les jeunes que nous
accueillons... »
2. Réponse apportée suite au décès
d'un jeune qui était présent depuis une semaine et était
resté durant plusieurs jours sans soins malgré le fait qu'il se
plaignait d'être malade.
3. Lettre jointe en annexe.
Auteurs
|
Données
|
Type de maltraitances
|
Une des maîtresses de maison de la structure
|
« Mon fils est bien ! Il travaille bien à
l'école ! Il écoute sa mère ! Il n'est pas comme
vous ! »
|
Maltraitance verbale
|
Un éducateur s'adressant à un jeune
|
« ...Gros lard ! »
|
Maltraitance verbale
|
Un éducateur théorisant sur l'état
physique d'un jeune rentrant le soir
|
1
« ..Il était gonflé de partout. Je
pensais qu'il avait fumé ou qu'il s'était
battu ! »
|
Négligence médicale
|
Des éducateurs face à un jeune qui se plaint de
douleurs au ventre durant 3 jours
|
2
Ils lui donnent du doliprane, sans jamais le conduire chez le
médecin.
|
Négligence médicale
|
Noté dans le livret d'accueil remis aux jeunes lors de
leur admission
|
Visite médicale dans la semaine d'intégration
|
Négligence active
|
Un jeune se blesse le jeudi soir. Il n'est conduit que le lundi
suivant à l'hôpital
|
Diagnostique : pouce foulé
|
Négligence médicale
|
Réponse d'un éducateur pour justifier le cas
précédent
|
Je l'ai conduit à l'hôpital (sous-entendu le soir
même)...Il y avait trop de monde on est reparti
|
Violence psychologique
|
Un jeune se rend au commissariat pour dénoncer des
violences qu'il subit de part d'un éducateur
|
Le commissariat contacte le foyer sans prendre en compte la
parole de l'enfant. C'est l'éducateur incriminé qui vient
chercher le jeune
|
Négligences actives*
|
1. 1. Le jeune avait été conduit à
l'hôpital le lendemain et dû être hospitalisé.
2. Trois jours plus tard les pompiers emmènent le jeune
dans le coma à l'hôpital. Il y décédera du
paludisme.
*Je mets négligences actives, car au moins deux
négligences apparaissent : 1. Le représentant de la loi ne
note pas les doléances de l'enfant. 2. Il contacte le foyer, plus
particulièrement l'éducateur incriminé pour qu'il vienne
chercher l'enfant.
Recueil de données visuelles
|
Auteurs
|
Données
|
Type de maltraitances
|
Lu dans un rapport de l'A.S.E.
|
Lepère dit de son fils (devant celui ci) « ..Mon
fils est possédé... »
|
Maltraitance verbale
|
Lu dans même rapport A.S.E.
|
L'oncle et la tante parlant du même
enfant : « ...Il est débile !
... »
|
Maltraitance verbale
|
Une mère en parlant de son fils aîné dans le
cabinet du juge
|
« ... L'aîné doit être
sacrifié ! »
|
Maltraitance verbale
|
Des éducateurs lors d'un transfert
|
1
Un jeune tombe et se blesse. Ils ne le soignent pas et ne le
conduisent pas chez le médecin
|
Négligence active
|
1. Le jeune se brûle avec le pot d'échappement d'une
moto en tombant. Brûlure au deuxième degré.
Constatée trois jours plus tard par l'infirmière du
collège.
Le tableau qui suit reprend toutes les maltraitances
constatées durant le temps d'observation.
Recueil de données d'observations
|
Auteurs
|
Données
|
Type de maltraitances
|
Sur les écrans des ordinateurs du tribunal apparaît
ce message
|
« ...Un juge pour enfant d'un tribunal de l'Est de la
France poignardé par une mère qui refusait sa
décision.. »
|
Violence physique
|
1
Des éducatrices à un enfant
|
« ...Ne t'inquiète pas ! Tu repartiras avec
nous...Ta maman ne te ramènera pas ! ... »
|
Violence verbale
|
1. Ces dernières attendaient d'être reçues
par le juge pour enfants. La petite était placée dans le foyer
où elles exerçaient depuis trois semaines.
Recueil de données d'entretien 1
|
Auteur
Directrice de la structure
|
Données
|
Type de maltraitances
|
Référence au placement
|
« ...Le placement est la pathologie de la
misère, de la mono-parentalité et la carence
éducative... »
|
Négligence passive
|
Référence aux situations familiales
|
« ... Bien souvent ce sont les parents qui sont
défaillants, et ce sont les enfants qui sont punis... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ...Un placement qui est très protecteur mais
qui ne tient pas compte du positionnement des parents... »
|
Négligence passive
|
Référence aux professionnels
|
« ...Un professionnel qui va être dans la toute
puissance...être celui qui a le savoir du comment il faut faire et qui a
raison... »
|
Négligence passive
|
Référence aux juges face à une situation
|
1
« ...Le choix du placement avait été fait
car il n'existait pas de ligne budgétaire... »
|
Négligence active
|
Référence à son père directeur de
structure
|
« ...Il disait qu'il était content quand il
avait 25% des enfants qui s`en sortaient ! ... »
|
Négligence passive
|
Référence aux enfants placés
|
« ...Si tu veux, il y a 3% d'enfants qui sont pris en
charge par A.S.E. En prison c'est 30%... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ...Il a ces habitudes, ces potes, ces repères
etc....La mesure d'éloignement c'est lui qui en est
victime... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ... La loi met en opposition carences
éducatives et placement... »
|
Négligence passive
|
Référence aux parents
|
« ... Le problème est que tout n'a pas
été mis en oeuvre bien souvent pour aider les parents car la loi
ne le permet pas... »
|
Négligence passive
|
1. Isabelle faisait référence à une famille
qui se retrouvait sans logement.
Recueil de données d'entretien 2
|
Auteur juge pour enfants
|
Données
|
Type de maltraitances
|
Référence face aux familles
|
« ... Ce qui est fréquent c'est que l'on prenne
des décisions en l'absence totale d'adhésion de la
famille... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ...La question du placement...avec souvent un
placement très protecteur dans le quotidien mais qui ne tient
manifestement pas compte du positionnement des parents... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ...Il y a des situations ou on ne peut pas faire
autrement que de placer très vite et de manière
brutale... »
|
Négligence passive
|
Référence au vécu
|
« ...C'était pas un dossier de mon cabinet quand
j'ai annoncé le placement pour trois jours plus tard... La mère
est partie en vrille... »
|
Négligence active
|
Référence : suite de l'évènement
mentionné ci dessus
|
« ...J'ai fait intervenir les forces de l'ordre...Elle
s'est blottie dans un coin pour que l'on ne vienne pas lui
prendre... »
|
Négligence active
|
Référence au suivi A.E.M.O.
|
« ...Sauf situation de crise, les services A.E.M.O.
voient les familles une ou deux fois par mois...En plus ils n'ont pas le
temps... »
|
Négligence passive
|
Référence au placement
|
« ... Quelquefois, on est obligé d'aller au
placement faute d'autres moyens... »
|
Négligence passive
|
auteur assistante sociale
|
données
|
Types de maltraitances
|
Référence : Prise en charge d'un enfant suite
à un signalement
|
« ... C'est accompagné de la police que l'on
va chercher l'enfant... »
|
Violence active
|
Référence : entretien avec la famille
|
« ... On l'interroge... » (faisant
référence aux familles)
|
Violence passive
|
Référence : loi de mars 2007
|
« ...Dans le principe, on peut mettre d'autres
solutions en place... »
|
violence passive
|
Référence : Prise de décision
|
« ..je ne suis pas là pour faire plaisir aux
parents si je peux dire, même si cela doit leur faire mal ou s'ils ne
l'acceptent pas... »
|
Violence passive
|
Référence : parents face aux A.S.
|
« ...Il y a des parents des fois qui nous insultent...
Il y en a même un, un jour qui voulait taper ma
collègue... »
|
Violence active
|
1. Retranscription graphique
Je vais poursuivre cette analyse aux travers de graphiques.
Graphiques qui reprendront les deux principaux indicateurs;
Les négligences passives et les négligences
actives.
Chaque graphique comportera une courbe qui sera graduée
de 0 à 3.
Il faut noter que le degré zéro induira que la
négligence est inexistante.
Le degré trois est la plus présente.
Chaque graphique reprendra les étapes d'intervention de
l'institution dans le cadre de l'article 375: - Etape 1: Le signalement/ Etape
2: entretien juge, et décision/ Etape 3: Le placement.
Chaque graphique définira envers qui sont
destinées les négligences.
Graphique des négligences
|
Envers les jeunes
|
3.
A
2.
P
1. P A A
P
Négligences
passives
0._________________________
Négligences
actives signalement Bureau du juge
placement
Ce premier graphique nous montre que la négligence
active est de plus en plus présente au long de la prise en charge des
jeunes. De plus en plus présente car, comme je le signale au cours de la
présentation de la structure, le manque de formation et
d'expérience de la part des professionnels est, je pense, le facteur
majeur de cette situation.
Les violences passives sont plus présentes dans le
bureau du juge.
Même s'ils ont conscience que cela s'avère une
des réponses que va poser le juge, l'annonce du placement pour bien des
jeunes devient maltraitant.
Graphique des négligences
|
Envers les familles
|
3.
2. AP
1. PA
AP
Négligences
passives
0._________________________
Négligences
actives signalement Bureau du juge
placement
On constate que les familles subissent peu de
négligences actives de la part des professionnels. Hormis quand ils sont
face aux juges. L'annonce de la décision fait souvent violence pour
eux.
Le positionnement des juges vis à vis des familles, et
à leur décharge le manque de réponse à leur
disposition fait qu'ils deviennent porteurs de négligences passives vis
à vis des parents.
Graphique des négligences
|
Envers les professionnels
|
3.
2.
A
1. A
A
Négligences
passives
0.__P________P__________P_____
Négligences
actives signalement Bureau du juge
placement
On se rend compte que la négligence passive n'est pas
présente dans la relation famille en direction des professionnels. Cela
peut être induit par le fait que provoque bien souvent dans les familles
l'abattement d'un signalement et le peu d'information sur les méandres
judiciaires liés à leur situation.
A contrario, la négligence active est très
présente dans le bureau des juges. Elle est souvent liée à
la réaction suite à l'annonce de la décision.
Chapitre 8
Analyses et interprétations
1. Analyse de la négligence active
La recherche nous montre que la négligence active est
présente à tous moments dès l'intervention des services
sociaux aux sein d'une famille.
Cette dernière se manifeste de différentes
manières, et avec divers degrés (référence aux
graphiques ci dessus).
La négligence active exprimée au travers de la
violence verbale est présente dans les M.E.C.S., dans les paroles des
éducateurs. Je pense que cette violence n'est pas le seul fruit d'un
manque de formation, comme signalé dans mon mémoire lors de la
présentation de ma structure. Sans pour autant remettre en cause leur
investissement et implication dans leur travail. On se rend compte que tout
l'aspect théorique, comme le décrivent CAPUL et LEMAY39(*), dans leur ouvrage
« De l'éducateur
spécialisé », en faisant
référence : aux postures empathique, à
l'écoute, à la distanciation ne sont pas acquises. La
négligence active est l'addition de recrutements que l'on peut nommer
«hasardeux», et du manque de professionnalisme, manque de
recul sur les situations. Le recrutement devrait être inspiré,
hormis le principe du diplôme, du principe de l'autobiographie. Ainsi,
les responsables de structures pourraient relever les motivations et les
possibilités de postures empathiques de la part des postulants.
L'impression la plus présente est que l'on construit le
relationnel avec ces jeunes sur le mode du rapport de force. J'ai eu le
sentiment bien souvent face à ces situations de me
«retrouver» dans les constructions de liens mis en place
dans les quartiers, à l'image «des grands
frères». La négligence active ne devrait pas être
présente dans les institutions et si les directions jouaient leur
rôle, je pense que beaucoup de professionnels ne pourraient plus
exercer. On se rend compte que ces derniers ne maîtrisent pas les mots,
termes et phrases qui posent soit face aux enfants, soit face aux familles.
La loi de mars 200740(*), dans l'article 28, titre VI «reconnaissances
des qualifications professionnelles» apporte une réponse à
la non-qualification des personnes exerçant dans le domaine
associatif.
Le fonctionnement même des institutions amène les
négligences actives. Son fonctionnement au travers de l'obligation pour
le jeune d'avoir et ou d'être dans un engagement professionnel ou
scolaire à son arrivée. Non muni de ce sésame, le
jeune ne pourra intégrer la structure. Avec un tel postulat de
départ, les sources de conflits entre les éducateurs et les
jeunes sont fréquents.
Faire d'une obligation le principe de se lever le matin de
bonne heure sans prendre en compte la situation du jeune est une violence.
C'est ne pas prendre en compte son parcours, son histoire...
Les difficultés de communications liées à
l'impératif budgétaire pour les directions et la prise en charge
quotidienne pour les jeunes peuvent induire la naissance d'actes et de postures
violentes de la part des éducateurs.
La négligence active observée au travers des
violences médicales résulte du même constat que la violence
verbale, à savoir: un manque de compétence de la part des
professionnels qui encadrent les jeunes.
Comme pour les violences verbales le texte de loi de mars 2007
apporte une réponse face à cette violence.
La négligence active relevée et ou
révélée au travers de la violence physique se pose sur le
même type de constat que les autres formes de violences active
précitées. La réponse est aussi dans les textes de lois,
en partie. Je pense qu'aucun professionnel ne devrait s'autoriser des actes de
violence physique sur les enfants. Aucun responsable, et/ou intervenants
sociaux ne devraient être en droit de taire ces actes. Chacun devrait
avoir conscience que les textes de lois condamnent ces faits.
On se rend compte que les violences actives exercées
par les professionnels en direction des enfants et des familles de par la
nouvelle loi devrait disparaître dans le meilleur des cas et ou
s'atténuer.
Seul un recul sur cette loi après application devrait
nous dire si cette dernière suffit ou doit être
modifiée.
La violence active de la part des familles envers les
professionnels existe aussi. Même si cette dernière est moins
présente. Elle se révèle bien souvent plus violente.
La violence est de l'ordre de la violence physique, comme cet
exemple lors de mon stage au sein du tribunal de Pontoise (...une
femme poignarde un juge pour enfants).
La réponse des institutions est déjà mise
en place au travers des textes de loi du code pénal.
Exemple: l'agresseur du juge fut incarcérée.
La violence active s'exprime aussi dans le comportement des
jeunes qui sont en institution. Elle s'exprime aux travers de la violence
physique, et ou verbale.
La formation des éducateurs apporte une solution ou un
regard qui permet de relativiser cette violence en expliquant; «... cette
dernière n'est bien souvent pas retournée contre la personne mais
ce qu'elle représente aux yeux de l'enfant...»
On se rend compte que le législateur a mis en place les
outils à la disposition des professionnels afin que la violence active
disparaisse des institutions dans le cadre de l'article 375.
2. Analyse de la négligence passive
Le premier constat d'analyse que je peux poser est que la
négligence passive n'existe pas des familles envers les
professionnels.
A contrario, elle se révèle présente,
dans un flux inverse à savoir des professionnels vers les familles et ou
les jeunes.
La négligence passive peut prendre plusieurs formes
selon les lieux institutionnels ou elle se révèle.
En institution, on se rend compte qu'elle peut être
d'ordre médical. En n'offrant pas les soins auxquels chaque jeune a le
droit, la M.E.C.S. devient mal traitante, avec pour conséquence grave
dans le cas mentionné lors de l'enquête (la mort d'un jeune).
Si les éducateurs avaient appliqué les
engagements définis dans le livret d'accueil lors de l'arrivé du
jeune à savoir:
Visite médicale lors de la première semaine de
prise en charge, ce jeune ne serait peut être pas
décédé.
Au lieu de lui donner du «doliprane», on aurait
comme il se doit conduit ce même jeune chez le médecin. Peut
être ce dernier aurait décelé sa maladie.
La négligence passive sous la forme verbale est
très présente aussi dans les institutions, comme on peut le
constater aux travers des données observées lors de ma
recherche.
Ces négligences passives d'ordre verbales et ou
médicales induisent la mise en place d'insécurité en
institution.
Ces négligences passives au sein des institutions sont
commises par les professionnels encadrant les jeunes. Comme pour la
négligence active, on se rend compte que le manque de formation et
d'expérience est responsable de ces situations.
Comme pour les négligences actives, ces
négligences passives trouvent leurs réponses dans la nouvelle
loi de mars 2007.
Je fais référence à la loi de mars 2007,
comme étant porteuse des réponses à ces
négligences. Je ne veux en rien sous-entendre que cette loi est la
réponse mais le manque de recul face à son application ne
permet à ce jour de pouvoir y porter critique.
Comme cette loi est née de constats et à
été créée pour répondre à une
certaine attente. Je ne me permettrais pas de remettre en doute son bien
fondé et les résultantes attendues.
Les négligences passives relevant de l'ordre de
l'inadéquation de réponses à apporter à une
situation appartiennent aux juges des enfants.
Ce dernier en est conscient comme le montre l'entretien
réalisé avec le juge pour enfants du tribunal de Pontoise. Les
professionnels qualifiés, comme la directrice de la M.E.C.S., (entretien
1) sont conscients de cette négligence induite par ce constat.
Les professionnels en ont conscience, mais ils vont même
plus loin en détectant les causes qui induisent ces situations. Exemple,
quand la directrice fait référence aux lignes budgétaires
inexistantes. Quand le juge pose le même constat. Quand la juge fait
référence à la loi en disant:«...je n'ai que deux
solutions! (faisant référence soit au placement en institution,
soit dans la prise en charge d'un suivi en milieu ouvert)...»
La loi de mars 2007 aux travers de ces articles 19/ L.221-1
/27 apporte des solutions.
La loi ne donne plus les directives en stipulant les solutions
mais parle de «projet pour l'enfant...» à construire pour
donner une réponse.
La ligne budgétaire aujourd'hui ne rentre plus dans les
carcans des réponses mais se réfère au projet.
Les mesures mise en place peuvent être destinées
aux jeunes eux-mêmes mais aussi à leurs familles (article 19) et
cela en restant dans le cadre de l'article 375.
Comme on peut le constater, le législateur, au travers
de cette loi, a eu le souci de mettre en place des réponses aux
négligences passive présentes dans le cadre de la prise en charge
des familles.
En reprenant le postulat posé par MIGNOT Caroline,
à savoir:«... Pour les parents, on le sait, la
révélation est toujours une période de crise, avec la mise
sur la place publique de faits ou d'évènements traumatisants. Le
signalement est souvent vécu comme une disqualification. Ils sont seuls
face à leur détresse...» On se rend compte que l'acte
de signalement est ou peut être violent pour une famille. Nous sommes
là dans la négligence passive.
Cette forme de négligence n'est pas prise en compte
dans les textes de lois, ni même dans celui de mars 2007.
La loi doit-elle ou peut-elle répondre à toutes
les maltraitances qui peuvent être induites par l'article 375?
Je ne crois pas mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de
réponse. La réponse réside peut être dans un autre
domaine.
L'intervention des services sociaux au sein des familles se
fait suite à un signalement. Cette intervention est empreinte de la part
de l'assistante sociale de la recherche du dysfonctionnement qui a amené
le signalement.
Cette recherche se traduit pour les parents comme une
disqualification de leurs compétences.
La rencontre entre les professionnels de l'action sociale, et
la famille se fait lors d'une situation de détresse de cette
dernière. Affaiblie, souvent dépassée par les
évènements, elle ne semble pas en mesure de voir le rôle
des services sociaux comme une main tendue mais plutôt comme
un inquisiteur mettant en exergue la problématique
familiale.
La représentation que l'on peut avoir des services
sociaux correspond à un service d'aide qui est présent aux
travers des diverses structures présentes au sein des villes comme le
bureau de l'assistante sociale au sein de la mairie, comme le service de P.M.I.
(protection maternelle infantile). On y intègre même les services
des maisons de quartier qui dans la définition de leur rôle
à ce jour apportent animation et occupationnel pour les enfants.
Lorsqu'il est fait référence aux services de la
D.D.A.S.S., la représentation est tout autre. On y associe: juge,
structure d'accueil recevant des jeunes délinquants, mauvais parents.
J'ai en mémoire notre arrivée dans les nouveaux
locaux.
La vétusté des locaux dans lesquels nous
recevions les jeunes depuis trente ans a amené nos partenaires sociaux
à exiger notre départ des lieux.
Nous sommes restés sur la même commune, mais
avons intégré le centre ville ( une zone pavillonnaire). Notre
arrivée fut précédée de pétitions, de
rencontres avec le maire de la commune faisant référence;
perte de tranquillité, présence de jeunes voyous des
cités, etc.
Si une telle représentation existe, elle est peut
être due au manque d'information en direction de l'ensemble des personnes
et des familles, due à un manque de présence et ou
d'identification auprès des familles hors période de crises, due
à une méconnaissance du rôle de la D.D.A.S.S.
auprès des familles.
La définition du rôle de chaque professionnel au
travers de son rôle crée un cloisonnement dans la communication du
rôle d'autrui. Ainsi, une assistante sociale agissant dans le cadre de
son mandat, en mairie par exemple, ne communiquera pas sur le rôle de sa
collègue agissant dans le cadre de l'A.S.E.
Cela se démontre facilement. Une assistante sociale
scolaire faisant un signalement ne sera pas en mesure de communiquer sur le
suivi de ce dernier. Elle estime bien souvent que son rôle s'arrête
là. Et dans le même temps l'assistante sociale qui traite le
signalement ne juge pas utile de tenir sa collègue au courant des
avancées du signalement.
Hors, je pense qu'une concertation entre professionnels
pourrait être profitable pour la réflexion à porter sur la
situation qui est présentée.
Il apparaît à la lecture de cette analyse,
que le manque de communication et d'informations auprès des familles est
à l'origine des représentations présentes.
Avec pour rôle, un but noble, «la protection des
mineurs en danger» comment peut-on arriver à une telle
représentation?
Le législateur ne peut par un texte de loi faire
changer, voir évoluer l'image des services sociaux.
La réponse à apporter doit venir des services,
dans leur communication.
Je pense qu'il serait pertinent que ces derniers investissent
les lieux de vie (commune, quartier, etc.) des familles. Les services sociaux
doivent être plus présents dans le quotidien des familles.
Cette posture leur permettrait de créer du lien en
amont de tous signalements : offrir une autre image.
Les services de la D.D.A.S.S. doivent offrir
l'opportunité aux familles de les positionner en interlocuteurs
privilégiés lors de situations de crises et ou dysfonctionnements
dans la cellule familiale.
Les services A.S.E. doivent être présents dans le
quotidien des gens afin d'être connu et reconnu par ces derniers. Cela
implique qu'ils doivent élargir leurs champs d'action. Ne pas
paraître présents qu'en période de crise.
Chapitre 9
De la recherche a l'action
Notre enquête nous montre que la maltraitance est
présente au sein de nos institutions, mais de manière
différente, si l'on est dans le cadre du signalement ou bien dans le
cadre du placement.
Dans le cadre du signalement, on se rend compte que la
maltraitance est de l'ordre passif, alors que dans le cadre du placement la
maltraitance est passive et parfois active.
Cela ne remet en rien en cause le principe du signalement,
comme le principe du placement. Mais, nous nous devons au travers des
résultats de cette recherche étudier les possibilités de
rendre ces institutions moins mal traitantes pour l'ensemble des acteurs.
Une réponse doit être définie pour
endiguer les maltraitances créées par le signalement, et une
seconde devra être apportée pour le placement.
1.Une présence en amont, pour créer du
lien41(*)
La compétence et la formation des intervenants sociaux
font que ces derniers sont aptes au travers de l'observation, de l'empathie, et
de l'écoute à déceler une situation de crise
sous-jacente.
Etre présent en amont, c'est mettre ces qualités
aux services des familles, offrir l'opportunité d'être reconnu
comme un partenaire, et ou un interlocuteur privilégié et
compétent.
Obtenir le positionnement mentionné ci dessus c'est
pour le travailleur social devenir le medulla42(*) de la communication,
du lieu de vie des familles.
Pour ce faire, le travailleur social doit être
présent aux côtés des intervenants sociaux et ou
éducatifs qui évoluent dans la vie des enfants ; à
l'école, auprès des associations sportives du quartier,
auprès des structures prenant en charge les enfants en dehors des heures
scolaires comme les maisons de quartier.
Etre présent auprès des professionnels qui
travaillent avec les enfants c'est:
Pouvoir observer ces derniers dans leurs différents
cadres de vie.
Echanger avec les professionnels afin de mettre du lien entre
ces derniers.
Fort de toutes ces informations, il peut devenir le
médiateur avec les familles pour tous les intervenants, le
médiateur entre chaque intervenant.
Avec pour rôle, un but noble, «la protection des
mineurs en danger» comment peut-on arriver à une telle
représentation?
Le législateur ne peut par un texte de loi faire
changer, voir faire évoluer l'image des services sociaux.
La réponse à apporter doit venir des services,
dans leur communication.
Je pense qu'il serait pertinent que ces derniers investissent
les lieux de vie (commune, quartier, etc.) des familles. Les services sociaux
doivent être plus présents dans le quotidien des familles.
Cette posture leur permettrait de créer du lien en
amont de tous signalements : offrir une autre image.
Les services de la D.D.A.S.S. doivent offrir
l'opportunité aux familles de les positionner en interlocuteurs
privilégiés lors de situations de crises et ou dysfonctionnements
dans la cellule familiale.
Les services A.S.E. doivent être présents dans le
quotidien des gens afin d'être connus et reconnus par ces derniers.
Cela implique qu'ils doivent élargir leurs champs
d'action. Ne pas paraître présent qu'en période de
crise.
1.1Implantation des lieux
Créer un nouveau d'accueil à consonance sociale
au sein des quartiers ne me paraît pas des plus judicieux. Pour le coup
financier que cela pourrait induire, mais aussi et surtout, cela ne
correspondrait pas à l'image d'intégration que veut
véhiculer ce projet.
Investir l'existant paraît plus approprié.
Les maisons de quartier semblent le lieu le plus en
adéquation avec ce projet.
Ce sont des lieux qui ont une image éducative, sociale,
et d'animation au travers des diverses activités qu`elles proposent aux
familles.
La multitude d'actions de ces dernières, actions en
direction des enfants, des adultes, des familles font que chacun est
susceptible d'investir ce lieu.
2.Donner du temps pour reprendre confiance
La recherche nous montre que la maltraitance est
présente au sein des structures de placement. La maltraitance est
présente sous la forme de négligence active et ou passive.
Aujourd'hui les structures d'accueil ne doivent plus avoir la
double habilitation D.A.S.S. (article 375) et P.J.J. (ordonnance 45). Afin
d'éviter les faces à faces agresseurs et victimes de mêmes
pathologies.
Il s'agit d'avoir des éducateurs formés et je
pense il serait judicieux que soit intégrés des modules dans la
formation : parcours de vie- psychologie de l'enfant.
Aujourd'hui il existe deux formes de structures les S.A.U. et
les M.E.C.S.
Les S.A.U. ont pour rôle l'accueil d'urgence avec une
durée limitée de quinze jours. Avec un avantage certain pour les
jeunes qui est la non sélection sur «dossier».
Les M.E.C.S. qui ont pour credo l'intégration des
jeunes dans les divers cursus mis à leur disposition.
Aucune structure ne met en avant le jeune et ses
difficultés.
2.1 Nouveau mode de prise en charge
La prise en charge dans l'urgence et sans
sélection doit être le premier des crédos.
Le second le non-renvoi des jeunes, en prenant
référence sur la structure Le Tamaris en Belgique.
La notion de temps et intégration doivent être
exclus de la prise en charge.
La démarche de l'équipe éducative doit
être en premier lieu de travailler avec le jeune sur son parcours et son
histoire.
Réfléchir avec lui sur les difficultés
rencontrées, l'accompagner psychologiquement dans sa réflexion
pour l'aider à se construire, se reconstruire.
Cette construction ne peut et ne doit être liée
à aucun critère temps.
Cette reconstruction faite, ce sera le point de départ
pour une intégration sociale avec l'accompagnement de l'équipe
éducative.
Une fois ces bases acquises solidement par le jeune, une
orientation vers une autre structure sera travaillée mais avec la
possibilité pour le jeune de réintégrer la structure si ce
dernier ou l'équipe qui l'encadre se rend compte d'une certaine
fragilité face à l'intégration dans toutes
activités sociales et ou familiales.
2.2 Le lieu d'hébergement
Ce type de lieu d'hébergement ne doit pas
excéder 10 places. La possibilité pour les jeunes d'un accueil en
chambre individuelle et ou à deux.
L'équipe éducative doit être
présente quotidiennement avec une moyenne d'un éducateur pour
deux jeunes.
Ce mode de prise en charge induit que les jeunes durant leur
séjour ne sont inscrits dans aucun cursus scolaire ou autre. Les
éducateurs doivent se servir de ce temps pour proposer des
activités d'ordre sportives, culturelles, scolaires ou autres afin que
l'on cerne dans quel domaine le jeune peut être valorisé au
travers de ses qualités.
Cette démarche permettra au jeune de prendre ou
reprendre confiance en lui. Elle permettra aux éducateurs de mettre en
avant ses compétences dans les domaines où il aura su montrer
certaines qualités.
Une équipe de trois psychologues doit être
présente sur la structure.
Les psychologues auront pour rôle l'accompagnement
individuel, mais dans le même temps, ils devront avoir les
capacités à accompagner ces jeunes au travers de leurs
activités et leur quotidien.
Ce mode de prise en charge peut présenter un
inconvénient pour les institutions en place, son coût. Mais il
doit être pris en compte que ce mode de prise en charge permettrait un
retour en famille plus rapide avec une intégration sociale et ou
scolaire. Le risque d'échec sera minime car le lieu permettra au jeune
une reconstruction pédagogique et psychologique de sa personne. Il
acquerra une plus grande confiance en lui. Il sera en mesure d'investir des
domaines professionnels où ses compétences auront
été mises en avant.
Aujourd'hui combien de jeunes ayant étant pris en
charge dans le cadre de l'article 375 ont eu malgré leur passage au sein
de M.E.C.S. affaire à la justice et de par ce fait ont été
pris en charge dans le cadre de l'ordonnance 45.
Aujourd'hui, on crée des centres éducatifs
renforcés, des centres éducatifs fermés, même des
prisons pour mineurs.
Mais ne serait-il pas, un fois de plus, plus judicieux d'agir
en amont. Agir lorsque le premier placement est notifié par le juge des
enfants.
Conclusion
J'ai introduit ce travail avec le désir de porter une
réflexion des plus pertinentes sur mes pratiques professionnelles. Riche
de compétences pratiques, j'ai investi la théorie afin de porter
une analyse des plus juste et objective.
Le choix du sujet monographique, perception,
appropriation, mise en place des outils éducatifs au foyer J.C.L.T. de
Goussainville m'a montré combien nos actions auprès des
jeunes que nous prenions en charge, de par notre positionnement, notre
professionnalisme pouvait agir a contrario du souhait escompté.
L'enquête monographique a mis en exergue le sentiment
d'insécurité qui pouvait habiter les jeunes face à notre
mode de fonctionnement.
Dans le même temps, des violences physiques sur des
enfants sur mon lieu de travail m'ont amené à m'interroger sur la
notion de maltraitance.
Notion présente dans l'article 375, cadre justifiant
notre intervention auprès des familles.
La recherche dans le cadre de mon mémoire devenait
évidente.
L'entretien auprès des professionnels a mis en exergue
la négligence passive.
L'observation, la négligence active.
Les lectures m'ont permis de me rendre compte que la plupart,
les maltraitances institutionnelles étaient identifiées.
L'enquête et l'entretien avec le juge pour enfants me
montra que le législateur au travers de la loi de mars 2007 avait
apporté énormément de réponses aux diverses formes
de maltraitance que j'avais pu identifier durant ma recherche.
C'est avec soulagement que j'ai posé ce constat.
La seule forme de maltraitance qui semble aujourd'hui encore
apparaître après cette étude est la négligence
passive liée à l'acte de signalement.
Cette négligence est liée aux
représentations par les familles de l'institution, à la
méconnaissance du rôle des services sociaux dans le cadre d'un
signalement, au manque de communication entre les services.
La pertinence de la réponse que je propose est de
créer du lien en amont de toutes situations. De faire émerger,
par une présence quotidienne auprès des familles et des
intervenants sociaux éducatifs avec un rôle de médiateur,
une nouvelle image des services sociaux.
Je pense que seul ce nouveau positionnement des services
A.S.E. et le temps permettront aux familles en difficultés
d'appréhender de manière plus sereine le signalement.
Note de fin
Dans mes remerciements, en début de mémoire
j'emploie le terme de pèlerinage pour définir ces
années d'études et de recherche.
L'achèvement de ce travail me laisse un goût
amer, avec nombre de questions.
Question sur le contenu de ce dernier, sa pertinence, etc.
Est-ce la fin d'un travail ou le début... Une
réflexion qui apporte le changement!
Changement dont je serai l'instigateur et le maître
d'oeuvre?
A la rédaction de ces dernières lignes, un
sentiment d'angoisse m'envahit à l'idée d'être face au
jury, mais aussi le sentiment de nostalgie, et de mélancolie.
L'impression d'une fin d'histoire...
L'impression d'une fin d'aventure, que je n'ai pas
envie de voir s'arrêter.
Je finirai ce mémoire, sur cet extrait de la convention
internationale des droits de l'enfant, qui devrait et ou doit être le
postulat de tous professionnels de l'enfance.
«Les états parties prennent toutes les mesures
législatives, administratives, sociales et éducatives
appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de
violences, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon
ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation, y compris la
violence sexuelle, pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou l'un
d'eux, de ses représentants légaux ou de toute autre personne
à qui il est confié»43(*)
Bibliographie
Ouvrages thématique
ADLER Alfred, l'éducation des enfants, Paris,
Payot 1977.
BARBIER René, La recherche-action existentielle,
Paris, Anthropos 1997.
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BERGER Maurice, l'échec de la protection de l'enfance,
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JOSEPH Isaac, Erving GOFFMAN et la
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Paris, Le seuil1991.
TOMKIEWICZ Stanislas, L'adolescence volée, Paris,
Hachette littératures 2002.
WINICOTT D.W., de la pédiatrie à la
psychologie, Paris, Payot 1969.
Articles et revues
Article 375 du code civil en annexe. Article pour la protection
des mineurs maltraités.
Chiffre officiel du conseil général du val d'Oise,
rapport annuel 2006.
Extrait de la convention internationale des droits de l'enfant,
article 19 alinéas 1
Texte de loi consulté sur le site
www.légifrance.fr, le 10 octobre 2007
Chiffre lien social n°807, du 7 septembre 2006
Marie CANALI, Anne Marie FAVARD, entretien dans EN DIRECT, page
162
Association LE FIL D'ARIANE,
lefildariane93@univfcomte.fr
Rapport sur l'amélioration de la prise en charge des
mineurs protégés établit en avril 2005, par Louis DE
BROISSIA.
Loi de mars 2007, texte consulté sur
www.legifrance.gouv.fr
Dictionnaires et encyclopédies
Définition du site
www.internaute.com du 14
août 2007.
Félix GAFFIOT, Le dictionnaire illustré
latin-francais, Edition Hachette, paru en 1934.
Micro ROBERT édition 1998.
Petit Larousse, édition 1996.
L'internaute,
http://www.linternaute.com/fr
consulté le 05 mai 2008.
Table des matières
Remerciements p.2
Sommaire p.3
Sigles p.4
Introduction p.5
Première partie- Éducation et
maltraitance p.12
Chapitre 1.Apprendre à s'écouter
pour entendre les autres. P.13
1.Apprendre à s'écouter
p.13
2.L'enfance et le sentiment d'injustice
né de l incompréhension p.14
3.L'adolescence: la réalité de la
maltraitance p.15
4.Le silence et le tabou- le non dit
p.18
5.Un nouveau foyer pour une nouvelle vie
p.18
6.L'écriture pour soi...
p.19
7.Le tournant professionnel et existentiel
p.21
8.Le retour aux sources, la formation et la
reconnaissance p.22
9.Épilogue p.23
Chapitre 2.Le travail social et l'enfance en
danger p.24
1.L'origine du travail social
p.24
2.Le cadre juridique p.25
3.Le placement p.29
Chapitre 3.Les pratiques d'éducations en
M.EC.S. P.31
1.M.E.C.S. De Goussainville p.33
2.Présentation de la structure
p.33
3.Projet de l'association p.35
3.1.Du projet à la réalité
p.36
3.2.Cadre juridique p.39
4.De la visée théorique aux
pratiques p.41
4.1.Le recrutement de l'équipe
p.43
4.2.Présentation du rôle de
l'éducateur p.44
Chapitre 4.Définition de la maltraitance
p.48
1.Ethymologie p.48
2.La bien traitance p.50
3.Connaissance en matière de maltraitance
p.51
4.Perception et appropriation de la
définition de la maltraitance p.53
Chapitre 5.Le placement et le signalement comme
maltraitance p.60
1.Les institutions
p.60 2.Constats monographiques
p.66 3.Problème de recherche
p.69 4.Pertinence du problème de recherche
p.71
5.Quelle réponse apporter
p.72
6.Hypothèse p.76
Deuxième partie-L'institution
maltraitante p.78
Chapitre 6.Méthodologie
d'enquête-Entretiens et observations p.79
1.L'observation p.80
1.1.L'observation sur mon lieu de travail
p.80
1.2.L'observation au sein du tribunal
p.82 2.Les entretiens p.83
2.1.Premier entretien p.83
2.2.Second entretien p.84
2.3.Troisième entretien
p.85
3.Concepts et indicateurs p.85
Chapitre 7.Recueil et organisation des
données p.88
1.Retranscription graphique p.95
Chapitre 8.Analyse et interprétations
p.98
1.Analyse de la négligence active
p.98
2.Analyse de la négligence passive
p.101
Chapitre 9.De la recherche à l'action
p.106
1.Une présence en amont pour créer
du lien p.106
1.1.Implantation des locaux
p.107
2.Donner du temps pour reprendre confiance
p.108
2.1.Nouveau mode de prise en charge
p.108
2.2.Le lieu d'hébergement
p.109
Conclusion p.110
Bibliographie p.113
Table des matières p.115
La maltraitance dans le signalement et le
placement.
Le juge, l'éducateur et
l'enfant
Philippe MARTAGUET
«...Si quelqu'un avait eu l'idée de me demander
pourquoi je travaille avec des adolescents, j'aurais pu
répondre:«c'est parce que je les aime»Il n'était pas
question d'avouer aux autres ou à moi-même une
vérité que j'ai mis des années à oser regarder en
face: je travaille avec les adolescents parce qu'on m'a volé mon
adolescence...»44(*) Citation de TOMKIEWICZ Stanislas.
Cette citation pourrait être l'expression de mon
parcours autobiographique.
L'article 375 du code civil met en avant la mise en danger, et
les maltraitances envers les enfants mineurs. Les professionnels intervenants
dans le cadre du signalement, du placement ont pour objectif de protéger
ces enfants. D'une posture bienveillante, n'arrivons nous pas à une
situation mal traitante?
Une recherche action effectuée sur mon lieu de travail,
a montré que le fonctionnement des M.E.C.S pouvait créer un
climat d'insécurité.
Ce mémoire interroge le fonctionnement des institutions
pour définir si d'autres maltraitances peuvent être
présentes dans la prise en charge.
Les investigations faites au travers d'observations et
d'entretiens, auprès de différents professionnels (directrice de
M.E.C.S., juge), ont montré l'existence de négligences actives et
passives, lors de l'intervention auprès des familles, et la prise en
charge des mineurs.
Négligences actives et passives, définies par
TOMKIEWICZ Stanislas comme des maltraitances.
La mise en place de textes de loi, comme la loi de mars 2007 a
permis d'apporter des réponses à certaines formes de ces
maltraitances.
L`analyse de cette recherche met en exergue les
différentes maltraitances qui apparaissent dans le parcours d'un jeune
lors de sa prise en charge dans le cadre de l'article 375.
Différentes réponses sont apportées face
à ces maltraitances.
L'intervention des services A.S.E. au travers d'un service
préventif, une présence en amont dans la vie des familles au
travers de médiateur de quartier est l'une des réponses.
Le principe de prise en charge des M.E.C.S. est à
réétudier, ainsi que la formation des éducateurs. De
nouvelles structures agissant, en structure relais entre les S.A.U. et M.E.C.S
doivent être créées. La notion de temps et celle
d'obligation d'intégration ne doivent pas être les seules
dimensions de la prise en charge, afin que le jeune prenne où reprenne
confiance en lui.
* 1 _ cf. annexe n°
1
* 2 _ cf. annexe
n° 2
* 3 _ Extrait de l'article
375
* 4 _ Chiffre officiel du
Tribunal de Pontoise pour l'année 2006
* 5 _ Chiffre officiel
fournis par le Conseil Général
* 6 _ La lettre,
numéro spécial, novembre 2000, p2
* 7 _
* 8 _ Cf. Raymond Boudon, Nos
bonnes raisons de croire, paris, Presses Universitaires de France, 2002
* 9 _ Extrait d'entretien
avec la directrice de la structure J.C.L.T. Goussainville
* 10 _ Pascal COURTY,
«Carl Rogers, l'inventeur de la non-directivité», in
sciences humaines, n°101, Janvier 2000
* ? ? Obligation pour
l'ouverture de toute structure faites dans le dépôt de dossier
d'habilitation.
* ? ? Nombre de nuits
passées sur place dans l'établissement
* ? ?
Référence pour l'année 2007
* ? ? Article 375
alinéas
* 11 _ Bruno Bettelheim,
La forteresse vide, édition Gallimard, paru le
* 12 _ Michel CHAPPONNAIS,
Placer l'enfant en institution, édition Dunod, paru en 2005
* 13 _ Ordonnance 45, prise
en charge des mineurs délinquants.
* 14 _ ADLER Alfred,
l'éducation des enfants, petite bibliothèque, paris,
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