Le travail des enfants au Cameroun: le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005)( Télécharger le fichier original )par Allamine Mariam Université de Yaoundé I - Cameroun - Master 2010 |
A- LA THESE ABOLITIONNISTECette thèse adopte une définition stricte et formelle du travail des enfants qui est la base même de tous ses arguments. 1- Définition conceptuelle du travail des enfants A priori, il faut noter ici que les abolitionnistes ne dressent pas une typologie et une différenciation des formes de travail des enfants. Est considéré comme travail des enfants `'Toute activité qui compromet le développement moral, physique, psychique et éducatif de l'enfant âgé de moins de 18 ans''255(*). Dans cette optique, il est démontré que l'application des lois n'est jamais suffisante. De ce fait, les acteurs du travail s'accordent sur le fait que les transformations et les mutations socio-économiques affectent durablement le travail des enfants au premier rang desquelles la lutte contre la pauvreté256(*). De manière explicite, la lutte contre la pauvreté est responsable de la mise au travail précoce des enfants. Si la convention n°182 a clairement défini les `'pires formes de travail des enfants'', le débat reste d'actualité et concerne les formes tolérables ou acceptables du travail des enfants. Le fossé qui se creuse entre forme acceptable et forme dangereuse de travail des enfants est profond dans les textes mais absent dans les faits. 2- Contenu de la thèse abolitionniste Les partisans de l'élimination totale du travail des enfants affirment que presque toutes les formes de travail comprennent des risques pour la santé et le développement de l'enfant car c'est un être en croissance. Compte tenu de cette difficulté de distinction entre les différentes formes de travail des enfants, les abolitionnistes à l'instar de la CISL257(*) ou de l'IPEC prônent : `'Une interdiction complète du travail des enfants, ceux-ci devant être scolarisés''258(*). La CISL a en effet lancé une campagne avec pour slogan `' Stop Child Labour''. Elle a aussi rédigé une pétition mondiale visant l'interdiction pure et simple du travail des enfants. Compte tenu de cette position, les abolitionnistes imposent une restriction radicale quant à l'abolition du travail des enfants. Ce principe passe par un durcissement des lois au niveau national, la répression sévère des employeurs, et un développement accru des politiques d'éducation. Comme nous renseigne notre informatrice en ces termes : `'Les enfants doivent être éduqués (bien éduqués) pour faire les travailleurs de demain''259(*). Ces arguments rejoignent ceux des abolitionnistes
européens de la fin du De même, TCHEGHO Jean Marie est d'accord sur le fait qu'en l'absence d'une réglementation contraignante et stricte, la moindre occasion est vite exploitée pour violer les droits de l'enfant en le privant de certains avantages liés à son éducation et à son développement harmonieux. Il affirme à ce sujet : `'L'enfant est utilisé abusivement ou mieux exploité dans la production des richesses matérielles ou monétaires''261(*). Ce propos indique qu'un moindre glissement peut être bénéfique aux employeurs et aux intermédiaires cupides mettant en péril la croissance de l'enfant. Des considérations physiques et anatomiques viennent à l'appui de cette argumentation. La colonne vertébrale des enfants est beaucoup plus fragile et déformable que celle des adultes. Une activité longue est donc plus dangereuse pour les enfants que pour les adultes. De plus, les enfants ont un niveau de métabolisme plus élevé et une dépense en énergie plus importante. Une activité longue peut donc nuire à leur croissance. Par ailleurs, les enfants ont un besoin en oxygène plus important. Un travail en contact avec des produits chimiques est donc plus dangereux pour les enfants. Enfin, les outils de travail ne sont pas adaptés au gabarit des enfants et ces derniers sont plus sujets aux accidents et aux blessures. A ces risques physiques, s'ajoutent aussi des risques psychologiques. Les enfants, étant plus facilement influençables et manipulables que les adultes, sont fréquemment les sujets d'humiliations, d'intimidations, de violences physiques ou sexuelles. De plus, leur travail leur donne souvent un sentiment de honte, surtout lorsqu'ils effectuent une activité peu reconnue socialement ou lorsqu'ils travaillent aux yeux du public. La dangerosité psychologique du travail dépend donc aussi de la valeur sociale, qui lui est attribuée et de la représentation que se font les enfants de leur propre travail. En somme, au rang des multiples arguments avancés par les abolitionnistes, on peut lire : Ø Le travail des enfants prive les enfants de leur enfance ; Ø Les enfants travailleurs sont exposés à l'exploitation économique car ils perçoivent les salaires les plus bas, voire aucun salaire ; Ø Les enfants travaillent pour la plupart des cas dans de piètres conditions qui entraînent des déformations physiques et des problèmes médicaux à long terme ; Ø Certaines activités confiées aux enfants peuvent perpétuer la pauvreté car les enfants astreints à des travaux compromettant leur éducation et leur développement physique ont toutes les chances de devenir les adultes percevant les plus faibles revenus ; Ø Les enfants remplacent souvent les travailleurs adultes, les employeurs estiment que les enfants constituent une main d'oeuvre docile et peu coûteuse; ce fait entraîne la hausse du chômage ; Ø Le recours à la main-d'oeuvre enfantine peut entraîner une baisse de salaire pour l'ensemble des travailleurs ; Dans ce contexte et compte tenu de ces arguments très convaincants, le BIT pour sa part prône l'éradication complète du travail des enfants quel que soit le secteur d'activités. Cette prise de position ne laisse de ce fait aucune place à la divagation ni à la suspicion. Dans ce sens, le slogan reste `' Carton rouge au travail des enfants''. Photo n°14 : M. Roger Milla (à gauche) du Cameroun, légende de la Coupe du monde de football de 1990 et M. Juan Somavia, Directeur général du BIT (à droite) brandissant le "Carton rouge" de la Campagne de l'OIT pour l'élimination du travail des enfants, lors de la Journée mondiale contre le travail des enfants. Genève, 12 juin 2006. Source : ILO PHOTO. B- LES NON ABOLITIONNISTES POUR UNE REGLEMENTATION ET UNE REORIENTATION DU TRAVAIL DES ENFANTS Les non abolitionnistes suggèrent non pas un laissez-passer dans le travail des enfants, mais plutôt une réglementation et un contrôle stricts de l'emploi de la main-d'oeuvre infantile. 1- Contenu de la thèse non abolitionniste Pour les partisans de l'élimination des seules formes de travail dangereuses et de l'exploitation, le travail des enfants ne doit être considéré ni comme quelque chose de bon, ni comme quelque chose de mauvais en soi, tout dépend des circonstances. Dans un article paru dans le journal du développement international (Journal of International Development), sous le titre `'Globalization and the Child labour Problem'' [la mondialisation et le problème du travail des enfants], Ben White (1996) recommande de différencier les différents types de travaux effectués par les enfants et de ne pas mettre sur le même plan tous les types des travaux effectués par l'enfant ; les travaux intolérables, les travaux dangereux, les travaux non dangereux mais non bénéfiques pour l'enfant et les travaux ayant un effet positif sur le développement de l'enfant262(*). Voici un graphique qui représente ce qui reste à faire et qui est fait : Graphique n°7 : Zone colorée : travail des enfants 18 ans 15 ans 12 ans
Source : OIT/BIT, Le travail des enfants : un manuel à l'usage des étudiants, Turin, Centre de Turin, 2004, p.17. Cette thèse est défendue par l'UNICEF, les centres d'accueil, des ONG de terrain locales qui estiment que l'abolition totale relève d'un idéal, et demeure de plus en plus une utopie. De ce fait, les non abolitionnistes proposent d'encadrer ce travail pour supprimer l'exploitation car : `'L'exploitation du travail des enfants, où qu'elle se pratique, est un outrage et un affront à la dignité humaine''263(*). Cette prise de position des ministres du travail du mouvement des pays non alignés à New Delhi en 1996, traduit suffisamment le caractère inhumain et indigne de l'exploitation du travail des enfants que décrient les non abolitionnistes. Cet argument défendu par les non abolitionnistes confirme donc l'abolition du seul travail relevant exclusivement de l'exploitation. Il faut, dans la réponse au problème du travail des enfants, mener une politique différenciée et adaptée à chaque situation : les enfants engagés dans des activités mettant en danger leur vie, leur santé, leur développement, doivent être considérés comme la priorité première. Ils doivent être libérés de leur travail et dirigés vers des activités plus propices à leur développement. Pour les enfants effectuant un travail non dangereux en lui-même, il n'est pas dans l'intérêt des enfants de leur interdire de travailler. Mais il faut mobiliser les communautés et les familles, afin de veiller à ce que ce travail ne se transforme pas en exploitation. Enfin, les enfants, effectuant des travaux sans risque, voire bénéfiques à leur développement, doivent pouvoir poursuivre leur activité. Extraire un enfant du travail qui lui permet de survivre et de participer à la survie de sa famille sans lui trouver une compensation ou une prise en charge totale est `'contre-productif''264(*). L'éradication totale du travail des enfants est perçue comme une doctrine importée n'ayant rien à voir avec la culture et la réalité camerounaise. En effet, l'idée selon laquelle le travail n'est pas bon pour les enfants est une représentation européenne. D'autres pays ont une autre manière de concevoir l'éducation des enfants. Dans certaines cultures, le travail des enfants, au sein du milieu familial fait partie de la socialisation des enfants. C'est pourquoi, selon J. Boyden, B. Ling et W. Myers, vouloir supprimer toutes les formes de travail serait un ethnocentrisme. Le deuxième point mis en avant est un argument économique : il n y a pas à l'heure actuelle assez de places dans les écoles pour répondre aux besoins en scolarisation de l'ensemble des enfants travailleurs. Un de nos informateurs est d'accord sur ce fait et avance l'argument selon lequel le gouvernement camerounais n'a pas une capacité suffisante de scolarisation de tous ses enfants. Il est donc pour l'instant impossible de libérer tous les enfants de leur travail. Le troisième argument avancé est d'ordre pédagogique : le travail dans des conditions saines peut renforcer l'estime et la confiance en soi des enfants ainsi que leur identité sociale et culturelle. De plus, il est propice pour l'enfant d'être impliqué dans de multiples milieux d'apprentissage tels que la famille, l'école, le travail. Enfin, il est important de donner la parole aux enfants travailleurs et de connaître leur point de vue dans ce débat. Quand les enfants travailleurs sont interrogés sur ce thème, il apparaît souvent que les enfants veulent quitter l'entreprise dans laquelle ils sont pour obtenir de meilleures conditions de travail, mais continuer à travailler. C'est aussi ce qui ressort de l'article 10 de la déclaration de Kundapour du 8 décembre 1996, rédigée par des enfants, lors d'une rencontre internationale d'enfants travailleurs, organisée par les organisations d'enfants travailleurs : `'Nous sommes contre l'exploitation de notre travail mais nous sommes pour le travail digne avec des horaires adaptés pour notre éducation et nos loisirs265(*). 2- Lecture synthétique du débat sur l'abolition du travail Faut-il interdire le travail des enfants ? Deux tendances se sont affirmées ; la première prône l'abolition complète du travail des enfants car : `'Toute forme de travail des enfants constitue une inacceptable violation des droits fondamentaux de l'Homme.'' La deuxième tendance vise l'amélioration des conditions de travail et de vie des enfants travailleurs. Les tenants de cette position mettent en garde contre l'interdiction radicale du travail des enfants qui pourrait constituer : Une tragédie pour les familles défavorisées qui voient leur misère s'accroître et leurs ressources diminuer. Pour eux, il faut garantir la sécurité et le développement des enfants qui travaillent266(*). La différence de position entre les partisans d'une élimination totale du travail des enfants et les partisans de l'élimination des seules formes de travail dangereuses, reflète les différences de conception d'un travail dangereux et de ce qui convient ou non à un enfant. Il est constaté que les arguments avancés de part et d'autre comportent tous des risques car les idées ne résistent guère à l'analyse. Comme l'affirme Manier : `'En visant à réguler et non à proscrire, cette approche pragmatique comporte toutefois le risque de conforter le phénomène''267(*). Pour une meilleure visibilité, il convient de faire un background sur la situation en Occident. En Europe et aux Etats-Unis, le travail des enfants est règlementé avant d'être aboli. En Angleterre, le Factory Act de 1833 interdit dans l'industrie textile le travail des enfants de moins de 9 ans et limite le temps de travail journalier en fonction de l'âge. Tableau n°27: Nombre d'heures de travail par catégorie d'âge en Angleterre.
Source : Olszak, N., Histoire du droit du travail, Paris, PUF, 1999. p.49. Cette loi n'est élargie à l'ensemble des activités qu'en 1853. En France, Villermé publie son Tableau sur l'état physique et moral des ouvriers, tableau horrifiant des conditions de travail des enfants et qui amène les pouvoirs publics à entreprendre des mesures drastiques, et à imposer une interdiction pure et simple de l'emploi de la main d'oeuvre infantile. A l'issue de cette décision, des propositions ont été faites et l'institution de la scolarisation obligatoire a été le facteur le plus décisif de la baisse du travail des enfants. En France, il a été imposé l'école primaire obligatoire aux enfants âgés de 6 à 13 ans ; mesure que l'on doit à Jules Ferry. Sa gratuité a permis de changer les mentalités en faisant de l'école la norme ; de même que les allocations familiales octroyées en fonction de l'assiduité scolaire contribuent fortement à la généralisation des mesures adoptées, étant donné qu'elles compensent la perte de salaire associée à la rupture du travail. Parallèlement et sur le plateau international, le Comité des droits de l'enfant, dont le rôle est de surveiller l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant, invite souvent des enfants à participer à ses réunions à Genève et a eu ainsi l'occasion de réfléchir à cette revendication des enfants d'un droit au travail. Sa position dans ce débat semble intéressante. Monsieur Krappmann, expert international au Comité des droits de l'enfant, a formulé comme suit l'avis du Comité sur cette question. S'il n'est pas possible d'éliminer dans l'immédiat toutes les formes de travail des enfants et s'il est nécessaire pour le moment de mener une politique flexible, en acceptant au besoin des initiatives de combinaison d'une scolarité et d'un travail, il reste cependant préférable, dans une perspective de long terme, que l'enfant se consacre principalement à la préparation de son avenir par l'école et protège sa santé. En conclusion, si les controverses sont grandes sur la politique à mener en matière de travail des enfants et sur la meilleure manière de répondre à l'intérêt de l'enfant, il est un point sur lequel toutes les parties s'accordent : il s'agit de la nécessité de supprimer l'exploitation du travail des enfants et les pires formes de travail des enfants. Suite à cet argumentaire, qu'en est-il de la situation au Cameroun ? L'élimination radicale du travail des enfants n'est pas à la portée de nombreux pays parmi lesquels le Cameroun. Il faut avouer que ce n'est qu'au troisième millénaire que la gratuité de l'école primaire a été appliquée. De même, les infrastructures scolaires sont quasiment insuffisantes. L'éducation scolaire, ici, cesse d'être le but poursuivi, pour devenir un moyen au profit de l'éradication du travail des enfants, et l'école devient l'instrument de cette politique, occultant par là même son impuissance à former, instruire et socialiser l'ensemble des enfants. Au cours de nos entretiens avec les enfants travailleurs, il apparaît que le travail est une activité très importante pour leur survie. La plupart d'entre eux ont suggéré ces idées concernant leur travail : Ø Il assure revenu permettant de vivre sans mendier, voler, se prostituer ou vendre de la drogue ; Ø Il restructure l'enfant de l'intérieur en lui rendant sa dignité ; Ø Il valorise l'enfant qui peut, par ses gains, venir en aide à sa famille et du même coup, bien souvent la réintégrer ; Ø Il favorise sa réinsertion dans la société dont il devient membre actif au lieu de vivre en parasite. C'est dans cette suite d'idées que le travail des enfants est considéré comme un facteur de `'paix sociale'' évitant aux pauvres de finir dans la rue ou dans la délinquance. Le travail des enfants est tout simplement vu comme un moindre mal. Compte tenu de ce propos, la protection des enfants travailleurs demeure une urgence ; il faut pour cela entreprendre dans un premier temps l'abolition rapide des formes les plus intolérables. De ce fait, une seule et unique priorité à la fois, s'attaquer urgemment à l'exploitation du travail des enfants et les pires formes du travail des enfants. L'objectif poursuivi par cette étude de l'histoire économique et sociale sur `'Le travail des enfants au Cameroun : le cas de la ville de Yaoundé (1952-2005). Approche historique'' était de mettre en exergue les différentes étapes qu'a emprunté le travail des enfants afin d'en évaluer l'ampleur des dégâts ainsi que l'impact positif en termes réels sur le développement économique et social du Cameroun. Pour en arriver là, la méthodologie historique, par ses nombreuses stratégies de découvertes des faits passés a été minutieusement employée. Divers outils et techniques de collecte des informations ont été à la base de la confection de ce travail. Il s'agit de l'enquête, de l'entretien, de la statistique en plus des nombreux supports documentaires. C'est ainsi qu'au terme cette analyse poussée du phénomène du travail des enfants de 1952 à 2005, il ressort que les activités économiques des enfants évoluent progressivement avec le temps. En effet, la conception de ces activités varie en fonction des circonstances socio-économiques de l'heure. Ainsi, plusieurs facteurs ont contribué à stimuler l'offre et la demande des enfants sur le marché du travail. Des mobiles historiques aux mutations socio-économiques et structurelles, le travail des enfants s'est progressivement inséré dans les moeurs. Le plan FIDES, ayant absorbé une grande partie de la main-d'oeuvre constituée d'adultes destinée aux activités économiques, a entraîné l'injection d'une forte masse ouvrière d'enfants qui remplacent les ouvriers adultes. En outre, le poids excessif des impôts a amené les enfants, soit à accompagner leurs parents dans le versement de leurs taxes par le travail, soit en ce qui concerne l'enfance adolescente, de fournir d'énormes efforts afin de pouvoir verser leurs impôts. Egalement, il a été démontré que les traditions de confiage et de mise en apprentissage n'avaient pas un objectif pessimiste. Mais progressivement, ces traditions ont été abusivement exploitées par des personnes malveillantes pour faire de l'enfant confié une véritable machine de production de biens économiques. De ce fait, compte tenu du changement des mentalités et de la disparition progressive des valeurs culturelles solidaires d'antan, les familles camerounaises en général et surtout celles résidant en agglomération urbaine à l'instar de Yaoundé, se sont rétrécies en des noyaux nucléaires composés uniquement du père, de la mère et des enfants. C'est ainsi que les enfants du groupe devenus les enfants des `'autres'', issus d'une classe sociale caractérisée par un niveau de vie inférieur à un dollar par jour, sont mis au service des nantis qui les exploitent à leur bon gré. La crise économique observée dans les années 80 au Cameroun a abouti à un changement de comportement dans les ménages urbains de Yaoundé. En effet, toute personne intégrant le ménage doit contribuer à produire ce qu'il coûte dans les charges de consommation familiale. De même, il a été confirmé à l'issue de notre analyse que la mondialisation par ses effets négatifs a entraîné une forte infiltration des enfants dans le travail. Ils sont devenus de véritables industries qui font fructifier les capitaux. Le changement des statuts féminins, rendu possible par l'accès de la femme à l'emploi salarié, a également contribué à mettre les enfants au travail. Comme nous l'avons souligné, les enfants ont pratiquement remplacé les femmes dans toutes leurs responsabilités ménagères. Enfin, l'élargissement de l'accès au travail salarié a entraîné une grande informalité de l'économie. Le secteur informel, caractérisé par une insécurité ambiante de l'ouvrier et une manipulation de la part des employeurs, absorbe et sollicite énormément la main-d'oeuvre infantile. En effet, les enfants sont impliqués dans tous les secteurs de l'activité économique et vont même jusqu'à relayer à la fois les parents devenus économiquement et productivement inaptes, et les femmes ayant embrassé le travail salarié. L'ensemble de ces facteurs a favorisé l'insertion de l'enfant dans l'accomplissement des activités économiques en plus des tâches traditionnelles qu'ils effectuaient au sein de sa famille. Au départ, les enfants travaillent pour s'imprégner de la vie. Ce travail est éducateur et socialisant. Ensuite, les enfants travaillent pour contribuer au revenu du ménage. Mais plus tard, certains enfants travaillent pour leurs maîtres, ils sont traités comme des objets et exploités abusivement. C'est là que le bât blesse. De là, ont émergé les pires formes de travail des enfants. Celui qui utilise sa force de travail et ses revenus est une personne douteuse. Dans la plupart des cas, ces enfants travaillent pour un intermédiaire qui a bénéficié de la complicité des parents ou des tuteurs dans l'acquisition de la main-d'oeuvre. Toujours est-il que les conditions de travail et de vie de ces enfants travailleurs, comme nous l'avons démontré, sont très déplorables. Une transition très visible est notée ; on quitte ainsi d'une surexploitation des enfants à une déshumanisation des enfants par le travail sous sa forme la plus humiliante. Les séquelles, comme nous l'avons démontré, sont très coûteuses ; un constat a été fait, les bénéfices que l'on tire de la mise précoce des enfants au travail sont exclusivement issus du travail socialisant et non des autres formes d'activités à seule finalité économique. C'est ainsi que des voix se sont radicalisées pour militer contre le travail des enfants et instaurer une abolition complète et totale de ce travail. Au bout de notre raisonnement, il apparaît qu'au Cameroun, notamment à Yaoundé, il est très difficile de priver les enfants de ce qui leur permet de survivre, eux et leur famille, tout en omettant aussi de leur offrir une compensation. De plus, le système éducatif camerounais est quasi inaccessible pour tous. C'est ainsi que le débat ayant opposé les abolitionnistes aux non abolitionnistes a abouti à la conclusion selon laquelle, le travail des enfants doit être réglementé, positivement en tenant compte de la protection des enfants et de leurs droits, et que seules les pires formes doivent être totalement abolies. Au total, l'évolution du travail des enfants au Cameroun en général et à Yaoundé en particulier de 1952 à 2005 nous indique que l'on quitte de l'amont pour aller à l'aval. Pratiquement, le travail socialisant et éducateur de l'enfant, incontournable pour la réussite de son émergence dans la société, s'est indubitablement transformé en un travail dangereux voire déshumanisant et humiliant qu'on doit nécessairement abolir. Ce défi interpelle une attention exclusive et particulière de tous les acteurs sociaux et économiques du pays. · Annexe 1 : Questionnaire................................................................152 · Annexe 2 : Arrêté n°17 du 27 mai 1969 relatif au travail des enfants....................................................................................................155 · Annexe 3 : Lettre de l'inspecteur départemental du travail du Centre à Monsieur le ministre délégué à la présidence chargé de l'administration territoriale et de la fonction publique...................................................................................................160 · Annexe 4 : Convention n°138 sur l'âge minimum d'admission à l'emploi...................................................................................................162 · Annexe 5 : Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants....................................................................................................173 * 255 * 256 * 257 * 258 * 259 * 260 * 261 * 262 * 263 * 264 * 265 * 266 * 267 |
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