Conclure
Au terme de notre relecture de Sagesse 6,1 -7, 21, relecture
qui a fait ressortir les fondamentaux possibles du pouvoir et montré que
seule la recherche de la Sagesse assure la vraie royauté, et
ainsi « redoré » le sens du pouvoir (Sg 6, 1-11)
terni par une politique dévitalisante, nous voulons rappeler
ceci : Tout pouvoir vient du Très Haut (6, 3). Les rois doivent
à toujours avoir le regard tourné vers le Seigneur. Se laissant
instruire par Dieu, ils peuvent à leur tour guider les peuples. Le
jugement divin s'exercera avec rigueur à l'égard des grands
(6,5). « Le souverain de tous ne reculera devant personne (...), sa
providence est la même pour tous » (6, 7).
Conscient de l'importance de ces vues, qui doivent s'imposer
aux gouvernants, l'auteur offre ses services, non seulement à ceux qui
ont de lourdes responsabilités, mais aussi à chacun de nous: par
ses paroles, l'auteur veut nous apporter son aide pour que nous apprenions la
Sagesse, la « mère », la génitrice de toute
vertu et que nous ne trébuchions pas (6, 9). La tâche du roi lui
impose une grande responsabilité devant le Seigneur. C'est une fonction
que l'homme honnête n'accepterait du Créateur qu'avec crainte et
tremblement. Pour quiconque recherche la Sagesse, la puissance et la grandeur,
loin d'être des instruments de domination et d'oppression, devraient
permettre d'établir l'ordre tel que voulu par le Seigneur depuis les
origines. Le seul appui de l'homme et le fondement de toute bonne gouvernance
se trouvent dans l'observance de la volonté du Seigneur.
Voir en Dieu l'origine du pouvoir amène à une
profonde prise de conscience, que nous qualifions « de conscience
anthropologique ». Par l'écoute continuelle de la Sagesse
créatrice se forge en l'humain cette conscience de
« Homo imago-Dei », qui lui dit à tout
moment : « tu es mon fils, aujourd'hui, je t'ai
engendré ». Dès lors que l'humain se reçoit
comme créature, il ravive en lui non seulement la conscience que son
être au monde est un don, mais aussi la disposition à rendre
grâce, par une ovation individuelle et communautaire, à
l'éternel donateur, le Dieu de gloire.
La conscience anthropologique qui caractérise les
convictions politiques du roi Salomon fait de l'humain un éternel
adorateur Père et lui donne le courage de se tourner contre tout attrait
d'idolâtrie. L'absolutisation du pouvoir est une tentation qui, de
manière continue, frappe à la porte de la conscience humaine. La
conscience anthropologique par contre, qui est en nous comme une disposition
originaire et divine, se renouvelle sans cesse, dans chaque cadre social. Don
venant d'en haut, la conscience anthropologique est la chose la mieux
partagée parmi les humains et elle leur permet de réaliser une
harmonie horizontale dans leur vivre ensemble. Au fond, le Livre de la
Sagesse circonscrit l'exercice du pouvoir dans le cadre de cette
conscience anthropologique qui en appelle à la reconnaissance de l'autre
comme soi-même, image d'un Autre suprême qui est Dieu.
C'est dans ce sens que le chapitre suivant veut
réaliser « l'enveloppement » de cette prise de
conscience pour un développement qui met en lumière la grandeur
anthropologique. Une telle prise de conscience de la condition humaine à
la dignité de l'Homme, nous l'élaborons dans le cadre culturel
africain. Une conviction la sous-tend, à savoir que l'exercice du
pouvoir qui se veut au service de l'humain, doit, pour son bon fonctionnement,
revisiter la grandeur de l'homme en tant qu'il est par essence image de Dieu et
par conséquent un être social.
|