Determinants de l'efficience des systemes de santé: une analyse sur un panel de 183 pays.( Télécharger le fichier original )par Jean Florentin DJIENGOUE CERDI - Master 2 économie du developpement 2009 |
IV-5 RésultatsCette partie consacrée aux résultats des estimations s'articule en deux sous parties : une première régression est faite pour identifier les déterminants du niveau de santé et une seconde pour identifier les déterminants du niveau d'efficience des systèmes de santé. IV-5.1 les déterminants du niveau de santé. Le chapitre II de ce travail a été consacré à la présentation des déterminants théoriques du niveau de santé. Dans le cadre de cette partie, nous avons estimé une fonction de production de « la santé ». Le modèle de base est celui d'Evans et al. (2000), Hollingsworth et Wildman (2002) et Greene (2004 b) auquel nous ajoutons le nombre de médecins pour 1000 habitants tel que utilisé par plusieurs auteurs identifiés dans la littérature40(*). Un autre élément important que nous avons pris en compte c'est le taux de prévalence du VIH/SIDA et de la malnutrition utilisés ici comme variables de contrôle. En effet, selon le rapport de l'ONUSIDA 2005, l'espérance de vie à la naissance a chuté au-dessous de 40 ans dans neuf pays africains - Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, République centrafricaine, Rwanda, Swaziland, Zambie et Zimbabwe. Tous sont fortement touchés par le SIDA. Au Zimbabwe par exemple, l'espérance de vie à la naissance était de 34 ans en 2003, par rapport à 52 ans en 1990. Ceci traduit donc l'intérêt de la prise en compte de l'impact que peut avoir le VIH/SIDA sur l'espérance de vie. Les résultats des estimations sont disponibles dans le tableau ci-dessous pour les deux indicateurs de l'état de santé41(*) (espérance de vie et mortalité des moins de 5 ans). Nous avons procédé à plusieurs types de spécification, dans les colonnes 1 à 4 nous avons le modèle de base de Greene (2004) et Evans et al. (2000). Pour les deux indicateurs, nous avons le modèle à effet fixe et le modèle à effet aléatoire. Le test d'Hausman à la dernière ligne du tableau nous indique que pour l'espérance d'EVCI, le modèle à effet fixe est plus pertinent et pour la mortalité des moins de 5 ans, le modèle à effet aléatoire convient le mieux. Les résultats de ce premier modèle naïf sont à la fois intuitifs et contre intuitifs. En effet, concernant l'EVCI, on peut se rendre compte que les dépenses totales de santé ont pour effet d'accroitre le niveau de santé, il en est de même pour le second indicateur dans la mesure où ces dépenses réduisent le taux de mortalité infantile. Le taux d'alphabétisation des adultes et le nombre de médecins pour 1000 habitant sont significatifs mais n'ont pas partout le signe attendu. Pour le taux d'alphabétisation, alors qu'il augmente l'espérance de vie, ce dernier augmente aussi le taux de mortalité infantile. Ce dernier résultat contre intuitif peut être justifié par le fait qu'il n'est pas facile de capter le niveau d'instruction d'une population et que le taux d'alphabétisation ne permet pas de capter très exactement le comportement des parents dans la prise en compte de leur état de santé et de celle de leurs enfants. Le nombre de médecins pour 1000 habitants présente également le signe non attendu pour l'espérance de vie. Les colonnes 5 à 8 présentent les mêmes styles de régression mais en contrôlant pour certaines formes d'hétérogénéité comme le niveau de revenu, le niveau de corruption, la prévalence du VIH/SIDA42(*) et de la malnutrition chez les enfants. On constate dans la colonne 5 que les effets des déterminants précédents ont été amplifiés et de plus les dépenses de santé deviennent significatives dans la régression. On constate le phénomène contraire pour ce qui est de la mortalité des moins de 5 ans, l'effet des dépenses et du niveau d'instruction disparait et l'impact du nombre de médecins est relativement moindre. Ces résultats peuvent souffrir d'une endogénéité car comme variable de contrôle nous avons pris le niveau de revenu, or une vision micro suggère une relation circulaire entre le revenu et l'état de santé d'un individu : la morbidité des individus dans une famille affecte leur habileté à travailler mais plusieurs circonstances de pauvreté (manque d'eau potable, accès aux services de santé, éducation) conduisent à un mauvais état de santé. Pour ce faire il nous faut un instrument qui soit fortement corrélé avec le revenu et non corrélé avec le terme d'erreur (ou l'indicateur de santé). Suivant Farasat et al. (2007) nous prendrons le ratio consommation sur investissement. On constate qu'après instrumentation, tous les effets disparaissent. EVCI Mortalité des moins de 5 EVCI Mortalité des moins de 5 EVCI Mortalité des moins de 5 (1) Modèle à effet fixe (2) Modèle à effet aléatoire (3) Modèle à effet fixe (4) Modèle à effet aléatoire (5) Modèle à effet fixe avec contrôle (6) Modèle à effet aléatoire avec contrôle (7) Modèle à effet fixe avec contrôle (8) Modèle à effet aléatoire avec contrôle (9) Modèle à effet fixe avec contrôle et instrumentation (10) Modèle à effet fixe avec contrôle et instrumentation Hexp 0,014 0,035*** -0,175*** -0,186*** 0,076*** 0,039*** -0,129 -0,115 -0,406 0,524 (0,010) (0,008) (0,012) (0,012) (0,020) (0,013) (0,096) (0,073) (2,048) (0,473) litytot 0,010** 0,004 0,018*** 0,022*** 0,013** 0,006* -0,002 0,006 -0,016 0,038 (0,005) (0,003) (0,006) (0,006) (0,007) (0,003) (0,018) (0,012) (0,102) (0,029) litytot2 -0,000 -0,000 -0,000*** -0,000*** -0,000 -0,000 -0,000 -0,000 0,000 -0,000 (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) lnphys1000 -0,047*** 0,047*** -0,114*** -0,154*** -0,072*** 0,036*** -0,114* -0,086** -0,111 0,007 (0,013) (0,008) (0,016) (0,015) (0,021) (0,008) (0,069) (0,036) (0,152) (0,102) popden -0,000 0,000 -0,000 -0,000*** -0,000 0,000 (0,000) (0,000) (0,001) (0,000) (0,000) (0,000) lnREVENU -0,105*** 0,041** -0,162 -0,317*** 1,013 -1,482* (0,033) (0,018) (0,138) (0,096) (4,786) (0,887) CPI -0,015** -0,010* -0,019 -0,051** -0,042 -0,064* (0,007) (0,005) (0,034) (0,024) (0,114) (0,037) prevhiv -0,003 -0,014*** 0,023** 0,030*** -0,010 0,040*** (0,002) (0,001) (0,010) (0,006) (0,029) (0,013) malnh 0,001 0,002 -0,001 (0,002) (0,002) (0,004) constante 3,090*** 3,469*** 4,882*** 4,829*** 3,415*** 3,162*** 6,507*** 7,487*** -1,268 12,470*** (0,170) (0,125) (0,211) (0,211) (0,283) (0,144) (0,870) (0,628) (20,837) (4,133) R2 Total 0,115 0,652 0,747 0,750 0,000 0,852 0,801 0,854 0.2241 0,763 R2 Within 0,087 0,022 0,381 0,379 0,135 0,028 0,545 0,522 . 0,277 R2 Between 0,118 0,694 0,746 0,748 0,000 0,900 0,809 0,864 0.2566 0,776 Hausman chi2(4)=112.99 chi2(4) =5.95 chi2(8)=108.22 chi2(9)=11.88 Prob>chi2 0.0000 0.2033 0.0000 0.2202 L'intérêt premier de cette étude n'est pas d'identifier les déterminants du niveau de santé mais de retrouver les déterminants de l'efficience des systèmes de santé. Pour ce faire la section suivante utilise plusieurs approches pour identifier ces facteurs. Dans un premier temps nous ferons l'hypothèse que les déterminants de l'inefficience influencent la moyenne de cette dernière (Battese et Coelli 1995). A cela, vu qu'il n'existe pas de théorie sur les vrais déterminants de l'inefficience (Greene 2005), nous utiliserons plusieurs scénarii : le premier dans lequel les facteurs d'hétérogénéité se trouvent plutôt dans la fonction de production et le second dans lequel ils se trouvent dans la moyenne de l'inefficience (Greene 2004b). Cependant deux variables seront prises par définition comme affectant l'inefficience : il s'agit du revenu et de l'indice de gini (Greene 2004b)43(*). Enfin pour prendre en compte d'éventuelle hétéroscédasticité dans l'inefficience, nous avons estimé le modèle présenté par Wang et Schmidt (2002) et Wang(2003) dans lequel la variance (ou l'écart type) de l'inefficience est fonction des déterminants44(*). IV-5.2 les déterminants de la différence dans l'efficience des systèmes de santé. Le premier modèle « naïf » est présenté dans le tableau ci-dessous. Nous avons pris en compte les déterminants de l'état de santé pertinents de l'étape précédente45(*). Nous avons également contrôlé pour l'hétérogénéité régionale (Greene 2004b) en introduisant les dummies régionales. Pour prendre en compte l'éventuel progrès technique dans le temps, nous avons introduit une variable trend (qui prend des valeurs de 1 à 12). Il faut aussi noter que suivant Battese et Coelli (1995) la distribution de l'inefficience est sensée suivre une normale tronquée, hypothèse qui est plausible avec nos données car nous avons en majorité dans notre échantillon les pays en développement qui ont été classés inefficients par Evans et al. (2000). Les résultats de ce premier modèle ont été ceux anticipés. En effet on peut constater que le niveau de revenu a un effet favorable sur le niveau d'efficience d'un système de santé (plus le niveau de revenu est élevé, plus la moyenne de l'inefficience est basse pour l'espérance de vie et élevée pour la mortalité des moins de 5 ans46(*)). L'indice gini donne également les résultats attendus car plus il est élevé, plus le système de santé est moins efficient pour les deux indicateurs de l'état de santé. Le paramètre ilgtgamma mesure la contribution relative de sigma_u et sigma_v à l'erreur composite47(*), il est non significatif pour les deux indicateurs suggérant l'absence de l'inefficience dans les données. On pourrait penser que c'est contre intuitif vu que l'échantillon est constitué en majorité des pays en développement. Il n'en est pas le cas, en effet même en absence de système de santé (niveau d'input égal à zéro), le niveau de santé n'est pas nul (l'outcome n'est pas égale à zéro). Ceci justifie donc l'illusion d'absence de l'inefficience dans les données. Tableau 4 : Modèle de frontière sans déterminants dans la fonction de production et prise en compte des variables de contrôle48(*)
Si maintenant nous décidons d'inclure les déterminants dans la fonction de production, on obtient les résultants du tableau suivant: ces résultats ne sont pas très différents de ceux obtenus précédemment. On note tout simplement une atténuation de l'effet du revenu et de l'indice de gini sur l'inefficience. Tableau 5 : Modèle de frontière avec déterminants dans la fonction de production et prise en compte des variables de contrôle
La troisième spécification la plus intéressante pour nous est celle dans laquelle les déterminants se trouvent dans la moyenne de l'inefficience. On peut constater que l'effet du revenu et de l'indice de gini sont toujours présents pour les deux indicateurs. Un indicateur intéressant pour nous est le ratio de dépenses publiques sur les dépenses privés, si nous prenons comme indicateur la mortalité des moins de 5 ans, plus ce ratio est grand plus le système est inefficient. Nous pouvons justifier ce dernier résultat par le fait que plus l'Etat prendra en charge le système de santé plus il y'aura du gaspillage des ressources. En effet une forte implication de l'Etat dans le financement de la santé se traduit par hétérogénéité dans la gestion de la santé marquée par une incorporation des fonctionnaires de nature diverse. Nous sommes tentés de dire que le bien fait égalitaire dans le financement de la santé se traduit par un gaspillage des ressources. Concernant les indicateurs de gouvernance, nous pouvons constater que la qualité de la réglementation est un déterminant du niveau d'inefficience d'un système de santé. En effet, plus cet indicateur est élevé plus le système est inefficient. Ce déterminant nous permet de voir qu'un des freins à l'expansion des systèmes de santé est le manque d'habileté de la part du gouvernement dans la formulation et la mise en oeuvre de bonnes politiques nécessaire à la promotion du secteur privé dans le domaine de la santé. Dans le même ordre d'idée, l'indicateur du respect de droit de propriété est aussi un bon déterminant du niveau d'efficience d'un système. Il démontre ainsi que si les droits de propriété sont mal respectés, il n'aura pas d'incitation par exemple à poursuivre la recherche dans les domaines spécifiques ou entreprendre une quelconque activité nécessaire à la promotion de l'état de santé. La dummy pour les pays exportateurs de pétrole a des effets opposés selon qu'on se trouve dans un indicateur ou dans l'autre. Si l'indicateur de l'efficience du système est l'espérance de vie, alors le fait d'être exportateur de pétrole est une source d'efficience. Si par contre l'indicateur est la mortalité des moins de 5 ans, être exportateur de pétrole est une source d'inefficience. Ce résultat est intuitif et corrobore l'idée selon laquelle la malédiction des ressources naturelles est présente dans la plupart des pays en développements riches en ressources naturelles. En effet, les pays développés sont plus concernés par l'amélioration de l'espérance de vie que par la mortalité des moins de 5 ans. On est donc tenté de croire que (mais il faut une étude approfondie pour le confirmer) pour les pays développés riches en ressources naturelles, le fait d'être exportateur de pétrole améliore l'efficience du système alors que pour les pays en développement riches en ressources naturelles, le fait d'être exportateur de pétrole détériore plutôt l'efficience du système de santé. L'indicateur ethno linguistique d'Alesina et al.49(*) présente également les résultats attendus pour l'espérance de vie. Cet indicateur démontre l'effet du capital social (réseau social) sur l'efficience des systèmes en ce sens que plus la population est homogène (c'est-à-dire plus l'indicateur est grand) plus l'inefficience est faible50(*). En effet, nous avons démontré au chapitre deux l'importance des réseaux sociaux au sein d'une collectivité, d'une région, d'une province ou d'un pays. Ces réseaux se manifestent dans les institutions, les organisations et, de façon informelle, dans les pratiques que les gens adoptent pour partager les ressources et instaurer des liens avec les autres. Concernant l'efficience des systèmes de santé à travers le benchmarking, les deux indicateurs choisis (distance et proximité linguistique aux pays de l'OCDE) fournissent plus ou moins les résultats attendus. En effet en considérant la mortalité des moins de 5 ans comme indicateur de l'état de santé, on constate qu'un pays qui a pour langue officielle celle d'un pays de l'OCDE, voit son système de santé devenir plus efficient. Ceci peut s'entendre comme un processus de benchmarking, de transfert de technologie et de savoir faire, car il est tout à fait plausible de penser que les relations de coopération sont plus fortes entre pays utilisant la même langue. L'indicateur de proximité géographique traduit les effets de diffusion et de convergence dans les systèmes de santé (Mechanic et Rochefort, 1996). En effet on constate que plus la distance à un pays de l'OCDE est faible plus le système de santé est efficient. La justification ici est que plus les individus sont homogènes d'un pays à un autre plus les exigences en terme de soin de santé sont aussi homogène (phénomène de convergence). Les effets de diffusion se rapprochent un peu des effets de proximité linguistique, mais le lien ici c'est plutôt la proximité géographique. En effet il est plus facile de faire bénéficier à un pays voisin une nouvelle technologie que de le faire pour un pays trop éloigné. Ceci peu bien évidemment être motivé par les besoins stratégiques (qu'ils soient politiques ou économiques). Un dernier élément assez important pour les pays en développement est la fuite des cerveaux dans le domaine médical. Comme indicateur nous avons pris le nombre de médecins à l'étranger sur le nombre total de médecins formés dans le pays (Docquier, 2008). Un résultat anticipé est que plus il ya des fuites de cerveaux plus le système de santé est fragile donc moins performant. On observe plutôt l'effet contraire pour ce dernier déterminant. Tableau 6 : Modèle de frontière avec déterminants dans l'inefficience et prise en compte des variables de contrôle
note: *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1 * 40 _ Voir Hollingsworth (2002) pour plus de détails sur ces études. * 41 _ Les résultats des tests sur les résidus sont satisfaisants mais n'ont pas été présenté dans ce document pour un souci de synthèse. * 42 _ Nous avons montré plus haut l'intérêt de cette variable. * 43 _ Il constate qu'en prenant ces deux variables le classement des pays suivant le score d'inefficience ne diffère pas de celui d'Evans et al. 2000. * 44 _ Les fichiers de ce module (fichier .ado) sont disponibles sur la page web de Wang (http://homepage.ntu.edu.tw/~wangh/) nous l'avons téléchargé vu que Stata11 n'incorpore pas encore ce module et est limité à la version Battese et Coelli de 1995. * 45 _ Il s'agit des dépenses de santé, du niveau d'alphabétisation, du nombre de médecin pour 1000 habitants, et de la prévalence du VIH/SIDA. * 46 _ Il est important de souligner la subtilité qui existe à ce niveau pour l'interprétation de l'effet, car un meilleur système de santé est celui dans lequel l'espérance de vie est haut et la mortalité des moins de 5 ans bas. * 47 _ Formellement on a ilgtgamma= sigma_u/ sigma_v et lnsigma2= sigma_u2+ sigma_v2 * 48 _ La principale variable de contrôle ici est prevHIV * 49 _ Cet indicateur mesure la probabilité que deux individus, tirés aléatoirement dans un pays, appartiennent au même groupe ethnique. Plus il est élevé plus la population est homogène. * 50 _ Il est assez plausible de penser que dans une société homogène, le réseau social est assez large |
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