· Conclusion
Dans ce chapitre, on a constaté qu'il est possible
d'observer à partir de longues séries d'images satellitaires
(SPOT-VEGETATION et MODIS, 1998 à 2006) la dynamique de l'enneigement
dans le Haut Atlas et en particulier sur les cinq bassins versants les plus
actifs hydrologiquement dans la région de Marrakech (Nfis, Rheraya,
Ourika, Zat et R'Dat). Outre l'identification de saisons sèches et
humides, l'intérêt de la télédétection est
d'autant plus grand que la variabilité spatiale et temporelle du
manteau neigeux est particulièrement importante. La production de cartes
d'enneigement a permis ici de quantifier les variations temporelles du taux
d'enneigement d'un bassin versant à un autre, selon l'exposition et par
tranche d'altitude. Les taux de variations de l'enneigement sont
cohérents avec les données hydro-climatiques disponibles sur la
région. Ces informations peuvent renforcer de manière
significative les réseaux d'observation hydro-climatiques et peuvent
aider à la spatialisation de la pluie en hautes montagnes semi-arides.
Il apparaît ainsi que les données acquises par
les capteurs optiques à large champ (SPOT-VEGETATION et MODIS dans cette
étude) fournissent un indicateur de qualité pour le suivi de la
ressource neigeuse. On a également montré que les chroniques
d'enneigement dérivées des données VEGETATION et MODIS
sont un bon indicateur de la variabilité interannuelle de l'enneigement
qui doivent permettre, dans le cadre d'observation à long terme, de
sélectionner certaines années typiquement sèches ou
typiquement humides pour des études de processus plus
détaillées. Le suivi à long terme des surfaces
enneigées prend également toute son importance pour
évaluer l'impact des changements climatiques sur la ressource en eau
(évolution et variations de la distribution des précipitations
sous forme liquide et solide).
Dans le cadre de cette étude, les surfaces neigeuses
obtenues seront utilisées comme donnée d'entrée dans les
prochains chapitres. On va notamment étudier l'intérêt de
l'assimilation de ces surfaces enneigées dans un modèle
hydrologique de fonte (SRM) afin d'affiner notre compréhension du cycle
hydrologique de ces régions, et d'estimer l'apport nival dans les
débits de bassins versants du Haut Atlas.
Chapitre IV : Spatialisation de la température de
l'air dans les montagnes atlasique à l'aide des données de
l'infrarouge thermique
· Introduction
Les extensions neigeuses cartographiées à l'aide
des données satellites (chapitre III) constituent une information
importante pour caler les modèles de fonte (degré jour) à
l'échelle du bassin versant. Ces modèles n'utilisent à
l'entrée que deux paramètres météorologique:
la température de l'air et les précipitations. Afin de bien
simuler la distribution de la fonte des neiges et la répartition
pluie/neige dans les hautes altitudes, il est important de spatialiser la
température de l'air d'une manière efficace. C'est dans cet
objectif qu'on va utiliser les données infrarouges thermiques de
capteurs Lansat ETM+ pour spatialiser la température de l'air.
La température de l'air, contrôlée par le
bilan d'énergie de surface, l'état de l'atmosphère et les
propriétés thermiques de la surface, est un paramètre
météorologique important dans plusieurs domaines environnementaux
tel que la climatologie où elle est utilisée dans des
modèles de prévisions météorologiques et elle sert
aussi à l'étude des changements climatiques à
différentes échelles spatiales. En hydrologie nivale, la
température de l'air est le principal facteur de partition des
précipitations liquides et solides. Ainsi, la température de
l'air constitue le facteur majeur qui contrôle les échanges
énergétiques à la surface et dans le manteau neigeux. Elle
est donc une variable importante de l'estimation de la fonte des neiges
(Martinec, 1975; Bloschl, 1991; Brubaker et al., 1996, Richard and Gratton,
2001). A cet effet, une connaissance optimale de sa distribution
spatio-temporelle est primordiale dans la modélisation hydrologique.
Plusieurs techniques de spatialisation des données
climatiques ont été développées dans
différentes zones du monde (section IV-2). Ces méthodes
deviennent plus complexes pour les zones montagneuses où le climat est
lié à différents facteurs (altitude, pente et exposition).
Ainsi, l'application de ces méthodes nécessite un réseau
de stations météorologiques dense et bien représentatif
à l'échelle spatiale. Cela n'est pas le cas pour le Haut Atlas
où le nombre de stations météorologiques est très
faible. C'est dans ce contexte que nous avons étudié la
possibilité de spatialiser la température de l'air à
partir des données satellite de l'infrarouge thermique et un
modèle numérique de terrain pour prendre en considération
les différents facteurs topographiques.
Dans ce chapitre, on va
présenter la méthodologie développée pour
spatialiser la température de l'air dans les montagnes du haut Atlas.
Les données infrarouges thermiques issues des images Landsat ETM+ et un
MNT on été combinées pour proposer un modèle de
spatialisation de température de l'air, nommé MSPAT. L'apport du
modèle MSPAT par rapport au modèle de gradient d'altitude (GRAD)
sera ensuite analysé en comparant la qualité de la
prévision de la température par les deux méthodes pour des
stations de mesure de température de l'air installées
récemment et la qualité de la restitution des surfaces de neige
(SCA) à l'échelle du sous bassin versant de Rheraya.
IV.1 Techniques de
spatialisation de la température
Les techniques d'interpolation spatiale représentent
actuellement les méthodes les plus utilisées pour obtenir les
estimations des températures de l'air en tout point d'une zone
d'intérêt. Ces méthodes diffèrent par leurs
hypothèses, échelle d'application et leur nature
déterministe ou stochastique. Les techniques les plus utilisées
pour interpoler les données climatiques sont les suivantes: techniques
de Krigeage (Matheron, 1963), IDW (Inverse Distance Weighting) (légats
et Willmont, 1990), Splining (Eckstein, 1989; Gessler et Hutchinson, 1994), et
la méthode de régression polynomiale (Myers, 1990). Plusieurs
investigations ont été effectuées pour estimer la
distribution de la température de l'air en utilisant ces méthodes
d'interpolation. Dans une échelle régionale d'une zone
d'étude au Japon, Ishida et Kawashima (1993) ont trouvé des
erreurs comprises entre 1 et 3 °K par l'interpolation des données
horaire des températures avec l'altitude par la méthode de
co-krigeage. Hudson et Wackernagel (1994) également utilisé le
co-krigeage avec l'altitude pour la prévision des températures de
l'air en Ecosse, ils ont montré que cette technique est plus
performante qu'un simple algorithme d'interpolation. A l'échelle locale,
Soederstroem et Magnusson (1995) ont trouvés des erreurs entre 0,4
°K et 1,6 °K, en utilisant une approche d'interpolation par la
technique de krigeage sur une zone d'étude en Suède de 8
km2. Toutes ces études et bien d'autres, ont fait remarquer
que les résultats de krigeage sont fortement dépendants de la
distribution spatiale des stations météorologiques.
Dans les zones montagneuses, la température de l'air
est contrôlée par différents facteurs liés à
l'emplacement et la topographie (Hudson et Wackernagel, 1994). Par
conséquent, l'utilisation des méthodes d'interpolation
précitées peut générer des erreurs et des biais
élevés (Willmott et al., 1991; Robeson et Willmott, 1993).
Généralement, dans ces zones de reliefs, la méthode de
gradient d'altitude est la plus utilisée pour estimer les
températures à différentes altitudes (Colohan & Dunn,
1999, Singh & Singh, 2001). D'autres méthodes ont été
développées telles que la méthode géostatistique
AURELHY (Bénichou et al., 1987) qui prend en considération les
effets d'autres facteurs topographiques (pente, exposition des versants...).
Cependant, pour étalonner ces méthodes, il est nécessaire
d'avoir un réseau dense de stations météorologiques. Dans
la majorité des zones montagneuses du monde et en particulier dans les
pays en développement, on ne peut pas retrouver cette condition. Les
prévisions météorologiques peuvent offrir une alternative,
mais la grille des modèles météorologiques est trop
grossière (de 1 à 10 km) pour pouvoir correctement
désagréger la température de l'air à une
résolution plus fine des zones à relief complexe.
Les données satellite de l'Infrarouge thermique
permettent d'obtenir les températures de surface avec une
résolution spatiale plus élevée et sur des régions
plus étendues. Plusieurs études visant à utiliser cette
information pour cartographier la température de l'air à
l'échelle régionale reposent sur des données à une
résolution grossière. Par exemple, la température maximum
de l'air peut être inversée avec une précision d'environ
2,0 à 2,5 °K, en utilisant les températures de surface de la
terre provenant de NOAA-AVHRR (Vogt et al. 1996, 1997). En raison de la faible
résolution spatiale de ces données (1km), ces méthodes
semblent difficiles à mettre en oeuvre dans les régions
montagneuses.
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