CONCLUSION .................................... 74
INTRODUCTION
La stabilité des prix reste l'un des paradigmes
dominants de la pensée économique contemporaine. Dans la
pratique, l'une des définitions les plus souvent citées pour en
rendre compte est celle d'Alan Greenspan (1989) : il y a stabilité des
prix lorsque « les variations attendues du niveau moyen des prix sont
suffisamment faibles et graduelles pour ne pas influer sensiblement sur les
décisions financières des entreprises et des ménages
». Depuis les réformes qualitatives de 1989 ayant permis à
la BCEAO de rénover les fondements théoriques et pratiques de la
politique monétaire, assis exclusivement sur les mécanismes
indirects de marché, la stabilité des prix est reconnue comme
l'objectif principal de la régulation monétaire dans l'espace
UMOA.
L'objectif de stabilité des prix s'accompagne de la
définition explicite ou implicite, par l'autorité
monétaire, d'une cible d'inflation compatible avec les fondamentaux de
l'économie, le volume de la production notamment. Ainsi définie,
la stabilité des prix s'interprète de deux façons :
littéralement, elle peut se comprendre comme la stabilité du
niveau des prix, c'est-à-dire, un niveau des prix stationnaire avec une
faible variance ; en pratique, elle se caractérise par une faible et
stable inflation. La première acception fait référence
à une politique de ciblage du niveau des prix, la seconde à une
politique de ciblage de l'inflation. Les études
développées montrent que le choix de la définition de la
stabilité des prix n'est pas sans conséquence sur
l'évolution de l''economie notamment sur la détermination de la
production et de l'inflation d'équilibre (Aubert & Adjemian,
2003).
A l'origine, la politique de ciblage de l'inflation
(inflation targeting) s'inscrit dans le cadre des règles
monétaires essentiellement centrées sur le taux
d'intérêt comme l'instrument opérationnel. Les recherches
économiques sur le thème des règles de politique
monétaire se sont développées depuis les travaux de Taylor
(1993). Depuis, la problématique de l'arbitrage inflation-production se
pose avec des approches nouvelles : le lissage optimal du taux
d'intérêt, la nature du ciblage, la dimension temporelle de la
règle... Sur la question de la nature du ciblage, Svensson (1999)
propose le ciblage du niveau des prix (price level targeting) parce
que présentant un avantage certain (free lunch) dans la
variabilité de l'inflation. Le ciblage du niveau des prix s'entend d'une
politique qui réagit systématiquement aux écarts du niveau
des prix par rapport au sentier visé, afin d'éviter une
dérive à long terme du niveau des prix. De même, le ciblage
de l'inflation s'entend d'une
politique qui réagit systématiquement aux
écarts du taux d'inflation par rapport au taux cible, ce qui implique
une possibilité de dérive à long terme du niveau des prix.
Y a-t-il une différence significative de politique monétaire
selon que l'objectif de stabilité des prix s'exprime sous la forme d'une
trajectoire cible pour l'évolution du niveau des prix ou du taux
d'inflation ?
A partir de la dérivation des équilibres
optimaux sous les deux types de règles de ciblage, Svensson (1999)
montre que la cible de niveau de prix est préférable à la
cible d'inflation si la production est suffisamment persistante. L'écart
de production à l'équilibre est indépendant du choix de la
cible alors que le comportement de l'inflation diffère selon que l'on
cible l'inflation ou le niveau de prix. Dans cette étude, le propos est
d'évaluer ce point de vue dans un cadre théorique de type
standard où la Banque Centrale minimise une fonction de perte
quadratique, étant donné une courbe de Phillips
log-linéaire représentative de la fonction d'offre de production.
La politique de ciblage vaut-elle dans l'espace étant donné la
récurrence des chocs d'offre essentiellement exogènes, lesquels
font de l'inflation importée et de l'inflation par les coûts, les
principales composantes des variations des prix ? Par ailleurs, au plan des
fondamentaux de la politique de ciblage comptent, l'indépendance, la
réputation et la crédibilité de la Banque Centrale ; le
statut de la BCEAO du point de vue de ces trois qualifications permet-il
d'opérationnaliser avec succès la politique de ciblage dans
l'union ? En distinguant dans le cadre de l'UMOA, les deux régimes de
ciblage, cette étude cherche à vérifier le principal
résultat de Svensson de « l'avantage gratuit » lié
à la cible de niveau de prix afin d'identifier leur efficacité
relative.
C'est pour tenir compte de cet objectif que la présente
étude a pour thème, « Ciblage d'inflation
versus ciblage du niveau des prix : avantages comparés dans l'UMOA
». La première partie organisée en trois
sections aborde les aspects théoriques du thème et l'approche
méthodologique, inspirée de Svensson (1999). La deuxième
partie organisée aussi en trois sections rend compte des
résultats et analyses empiriques découlant du modèle
économétrique estimé. Enfin, la troisième partie de
l'étude traite des implications et recommandations de politique
monétaire, en rapport avec les résultats obtenus. D'un point de
vue pratique, dans le prolongement des résultats obtenus par Nubukpo
(2002) et Ténou (2002) principalement, l'étude offre un cadre
analytique,
stratégique et opérationnel de mise en oeuvre de la
politique monétaire : un choix optimal de l'objectif cible pour
réaliser la stabilité des prix.
« ... la politique que mènent les pouvoirs
publics est de l'ordre du processus et non de l'événement »
Neil Wallace1, 1979
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