CONCLUSION
En guise de conclusion de notre étude sur
« les mécanismes de lutte contre la crise alimentaire et
conséquences sur la forêt et le climat », il sied de
retenir ce qui suit :
Nous sommes partis des observations sur les deux crises que
traverse l'humanité, le réchauffement climatique et la crise
alimentaire dont les solutions que proposent les experts sur l'une d'elles
tendent à se répercuter sur l'autre, et vice versa.
Etant donné que la RDC détient une portion
importante de forêt sur laquelle se fonde l'espoir de l'humanité
pour le maintien de l'équilibre climatique, et quand on considère
l'acharnement des acteurs tant publics que privés en RDC ces trois
dernières années pour faire face à la crise alimentaire,
on doit certes se poser les questions dont quelques unes ont fondé la
problématique de cette étude, à savoir :
- quels sont les mécanismes adaptés pour lutter
contre la crise alimentaire en RDC ?
- quels impacts auront-ils sur la forêt et le
climat ?
- existe-t-il un cadre juridique adapté dans lequel
cette lutte peut-être engagée ?
Pour répondre à ces questions, nous avons
émis comme hypothèses, la promotion de l'agriculture et le
développement rural seraient des mécanismes pour lutter contre la
crise alimentaire en RDC. Etant donné qu'il n'existe pas un cadre
juridique et une politique agricole adaptée, ils auront des
conséquences néfastes sur la forêt et le climat.
Pour vérifier nos hypothèses, nous nous sommes
servis de la méthode juridique et de l'analyse fonctionnelle, qui seront
donc complétées par la technique documentaire et de l'interview.
A la fin de notre étude, nous avons abouti aux
résultats ci-après : le secteur agricole en Province
Orientale est encadré par une structure étatique qui est le
Ministère Provincial de l'Agriculture et du Développement Rural
appuyé par l'Inspection Provinciale qui encadre en son sein une panoplie
de services nationaux. Cependant, ces services sont animés par un
personnel vieilli t sous qualifié. Outre ces organismes publics, notons
aussi la présence d'une cinquantaine des ONGD qui oeuvrent dans ce
secteur.
Faute de moyens financiers, ces organismes tant publics que
privés ne sont presque pas opérationnels. Les financements qui
devraient provenir en grande partie du pouvoir public ne sont pas
accordés. Le budget provincial ne réserve au secteur agricole
qu'un crédit de moins de 1%, destiné juste au fonctionnement du
ministère.
Malgré la présence de ces organismes, les
cultivateurs se trouvent toujours abandonnés et affrontent seuls les
difficultés inhérentes à leur activité. Sur les 120
personnes enquêtées, 14 seulement ont reçu une aide en
semence du riz, soit 11% des paysans.
Quant à la recherche et la formation des acteurs
agricoles, la Province Orientale a l'avantage d'abriter le siège de
l'INERA Yangambi, qui cependant ne jouit pas de ce privilège suite
à l'abandon de ce grand centre de recherche par différents
gouvernements qui se sont succédés depuis l'indépendance.
La ruine de l'INERA a aussi affecté l'IFA Yangambi qui était
obligé de quitter ses locaux et son cadre de travail, avec comme
conséquence, la formation des ingénieurs agronomes
théoriciens.
A cela s'ajoute le nombre réduit des écoles
techniques agricoles. Quand on considère, par exemple, la province
éducationnelle orientale I (qui couvre le district de la Tshopo et la
ville de Kisangani), on compte seulement 34 instituts techniques agricoles sur
les 604 écoles secondaires que compte cette province
éducationnelle, soit 5% seulement d'écoles agricoles avec une
population scolaire très réduite par rapport à d'autres
sections.
L'insuffisance de la recherche, l'absence de la vulgarisation
des techniques agricoles et la carence des acteurs agricoles formés
laissent les paysans pratiquer leurs techniques traditionnelles, entre autres,
la culture itinérante sur brûlis avec comme conséquences,
des vastes étendues cultivées pour un maigre rendement (pour le
riz par exemple, une moyenne de 650 à 700 kg par ha alors que la
production moyenne en Afrique tropicale est estimée à 2000 kg par
ha).
Profitant de la faiblesse de la loi foncière qui ne
limite pas clairement le droit de jouissance des communautés
coutumières sur le sol, et du retard de processus de zonage prévu
par le code forestier d'une part et d'autre part, motivé par
l'augmentation des prix de produits agricoles provoqués par la
rareté, les paysans continueront à défricher des vastes
étendues des forêts.
Cette déforestation pouvait être
évitée ou atténuée par la formation des acteurs
agricoles et la vulgarisation des techniques culturales écologiques
telles que l'agroforesterie et la technique de labour. Mais le taux
élevé d'analphabètes dû au manque d'infrastructures
scolaires ne peut pas favoriser cette atténuation.
La réhabilitation des routes incitera les paysans
à produire plus pour répondre au besoin toujours croissant des
centres urbains, et facilitera l'exode urbain qui emmènera à la
campagne les désoeuvrés qui inondent des centres urbains. Cet
exode urbain doit être accompagné d'une politique d'encadrement
à l'instar du paysannat organisé à l'époque
coloniale, l'aménagement et la construction des infrastructures
socio-économiques de base telles que des centrales
hydroélectriques, évitera aux paysans de dépendre
totalement de la forêt en leur offrant des possibilités d'utiliser
des réchauds pour la cuisson des aliments et des congélateurs
pour la conservation de leurs provisions atténuant ainsi le recours aux
bois de chauffe.
La situation actuelle du milieu rural en Province Orientale
est donc loin de répondre à ces aspirations environnementales.
Les problèmes de l'environnement ne peuvent donc pas se résoudre
indépendamment des enjeux du développement. Sans un
développement harmonieux du milieu rural, les quelques mesures qui
seraient prises d'une manière isolée risqueraient d'aggraver la
situation environnementale. Tel est le cas de la réhabilitation des
routes pour résoudre les problèmes économiques sans un
encadrement conséquent des paysans, aggraveraient les problèmes
environnementaux.
Après analyse de ces deux mécanismes de lutte
contre l a crise alimentaire que nous avons épinglé dans cette
étude, nous disons donc que nos hypothèses de départ ont
été confirmées. La promotion de l'agriculture et le
développement rural dans le contexte actuel de la Province Orientale,
provoqueront donc la déforestation et aggraveront le
réchauffement climatique. Si avec des techniques traditionnelles la
capacité de déforestation par paysan s'élève
à 1,15ha par an dans les localités environnantes de la ville de
Kisangani, l'intensification des activités agricoles dans toute la
province pourrait nous donner une moyenne de 9.206.327ha de forêts
déboisées chaque année ; alors la mécanisation
agricole risquerait d'empirer la situation si l'on n'adoptait pas une bonne
politique agricole : l'absence d'engrais pour fertiliser le sol
occasionnerait une « culture itinérante
mécanisée ».
Eu égard à ce qui précède, nous
suggérons ce qui suit :
2. A l'Etat Congolais
- L'adoption d'une bonne politique agricole qui prend en
compte les questions environnementales ;
- L'augmentation de financement publique dans le secteur
agricole (10% de budget national tel que exigé par le NEPAD) ;
- Le recrutement d'un personnel qualifié pour animer le
secteur agricole ;
- La révision de la loi foncière en vue de
l'adapter aux conditions socio-économiques et environnementales
actuelles ;
- La révision du Code Forestier
(précisément ses articles 53 et 54) et son application
stricte;
- Elaboration d'un code agricole et rural ;
- La création des écoles techniques agricoles
et l'élaboration des programmes d'agriculture
écologique ;
- L'organisation des campagnes de vulgarisation agricole et
transfert des technologies en vue d'éradiquer les pratiques culturales
traditionnelles ;
- L'encadrement des paysans à l'instar du paysannat de
l'époque coloniale ;
- Accorder des crédits aux paysans ;
- Equiper les paysans en matériels aratoires et les
approvisionner en intrants agricoles et phytosanitaires ;
- La création des marchés locaux ;
- La construction et la réhabilitation des
infrastructures socio-économiques de base ;
3. Aux ONGD du secteur agricole
- d'aider le gouvernement par les campagnes de vulgarisation
agricole, de transfert des technologies et d'encadrement des paysans ;
- d'élargir leurs activités dans les
campagnes ;
- d'orienter les financements qu'elles obtiennent de leurs
partenaires en faveur de vrais bénéficiaires qui sont les
paysans.
Nous n'avons pas la prétention d'épuiser toute
la matière relative à ce sujet. Certaines questions sont
restées pendantes, entre autres, la mécanisation agricole et
l'élevage qui peuvent faire l'objet d'autres études pour
compléter la notre que nous estimons imparfaite.
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