PROBLEMATIQUE DU COUT DE TRAITEMENT DES DECHETS EN
MILIEU URBAIN. REGARD SUR LA VILLE DE LUBUMBASHI
Par - ILUNGA LUMBALA Ghislain Assistant à
l'Institut Supérieur des Techniques Médicales de
Lubumbashi
- N'KULU KYUNGU Maurice Assistant à
l'Institut Supérieur des Techniques Médicales de
Lubumbashi
Introduction
La problématique de traitement des déchets en
milieu urbain est une préoccupation majeure de nos jours au vu de la
croissance démographique et des maladies liées à
l'environnement.
A Lubumbashi la campagne de salubrité a
été lancée par le Gouverneur de la province du Katanga,
Moïse Katumbi, lors de l'épidémie de choléra qui
sévit dans la province durant la période de septembre 2007
à mars 2008. Depuis peu, nous avons constaté que
l'insalubrité est récurrente dans la ville de Lubumbashi en
dépit des efforts fournis pour améliorer ce secteur. Ce constat,
nous amène à nous interroger sur le pourquoi de cette
persistance. Tout compte fait, notre environnement se dégrade du jour
au jour et s'ensuit le record des pathologies telles que le paludisme, la
fièvre thyroïde. Dans un passé proche, des maladies
naturellement qualifiées de mains salles, le choléra notamment,
ont défrai la chronique sur toute l'étendue de la province. Cela
a poussé notre curiosité et avons voulu en connaître les
motifs. De façon anticipative, nous dirons que les maladies dites de
mains salles sont récurrentes au Katanga en général et
à Lubumbashi en particulier à cause du manque d'information, de
sensibilisation conséquente de la population. En effet, la population
n'est pas bien informée pour diverses raisons notamment
l'inadéquation entre les messages et les canaux choisis pour
véhiculer ceux-ci, la non connaissance de la cible et le manque
d'objectifs précis. Bref, le manque des stratégies de
communication adéquates. En effet, pour être efficace, une bonne
campagne de sensibilisation doit se fixer des objectifs, disposer des moyens,
mieux connaître sa cible et disposer des moyens de communication
appropriés pour les atteindre. En cette matière, la
responsabilité et l'implication des autorités dirigeantes sont
recommandables. Informer ne suffit pas. Encore faut-il communiquer avec la
population, la former, notamment sur la façon d'entretenir
l'environnement, l'encadrer et la suivre.
A ce propos, la pensée du Professeur Marc
Gentilini1(*) nous vient
à l'esprit : « le paludisme continue à être un
grand problème de santé publique ; il continue à tuer
et a encore un bel avenir devant lui surtout dans les pays en voie
développement ». Cette façon de voir les choses est
soutenable. En effet, tant que l'environnement lushois demeurera insalubre, les
maladies de mains salles vivront longtemps dans ses murs, et surtout que la
population se montre passive à l'endroit de ces épidémies
et cela à cause de son ignorance en matière d'assainissement du
milieu dans lequel elle vit.
A Lubumbashi, depuis l'installation du Gouvernement
provincial, issu des élections de 2006, la journée de samedi a
été déclarée «journée de
salubrité publique » ; c'est l'opération
« USAFI », dans la langue swahilie. Cependant, cette
démarche a montré ses limites, ses insuffisances et a failli
à ses objectifs. A toute fin utile, l'opération
« USAFI »s'est montrée fort peu rentable, sans
engouement et cela à notamment de la connotation que ses initiateurs ont
voulue lui accordé : une « affaire des agents du
gouvernement provincial », une structure a même
été créée, c'est la Coordination provinciale
« USAFI » ; sans y associer la population de
manière efficace. C'est pourquoi, on se pas sentir l'impact de
l'opération « USAFI » sur le terrain : les
artères de la ville sont bien bondées des immondices, les
caniveaux bouchés. Cela fait dire certains observateurs qu'en saison de
pluie, la ville de Lubumbashi n'est pas loin d'un lac. En effet la
population se sent isolée de l'affaire. Selon notre point de vue, le
gouvernement provincial a commencé par la fin. En réalité,
la sensibilisation et l'adhésion du public, devraient
précéder la mise sur pied de l'opération
précitée.
Au demeurant, entretenir l'environnement devient une
nécessité pour les habitants de la ville de Lubumbashi. Mais
à quel prix ? Ici les coûts d'élimination des
déchets et les moyens y afférents se posent. Dans cet article, un
regard particulier sera braqué sur cette dernière alternative.
Cet article se veut être une contribution à la manière dont
les autorités provinciales allaient gérer le problème de
la gestion et d'élimination des déchets à Lubumbashi.
1. Technique de récolte des données
Pour réaliser ce travail, nous avons trouvé
rentable de faire appel à la technique d'enquête. En effet, nous
avons pris un échantillon de 300 foyers choisis au hasard dans la
commune Kenya, quartier Luvua. La population féminine de cet
échantillon est estimée à plus ou moins 3000 sujets. Pour
constituer notre échantillon, nous avons choisi une femme selon la
méthode aléatoire. L'outil de récolte des données
était constitué par un questionnaire comportant les
éléments suivants :
· l'identité des enquêtés et la
taille du foyer,
· le renseignement se rapportant aux déchets
produits par le foyer (la population, les ménages),
· le mode de collecte, de transport et
d'élimination des déchets ;
· les conséquences liées à
l'entreposage des déchets.
2. RESULTATS
2.1Caractéristiques des enquêtés
- l'âge : des mères variait entre 18 et 60
ans, l'âge médiane étant de 36 ans ;
- le niveau d'instruction : 103, soit 31% des femmes sont
analphabètes, 137 soit 46% sont de niveau primaire, 38 femmes soit 13%
ont terminé l'école secondaire, 22 soit 7% ont fait des
études supérieures ;
- profession : 227 femmes exercent une profession
libérale ou indépendante soit 75,6% (vendeuses,
couturières, maraîchères), 47 femmes soit 15,6% sont
ménagères et 26 autres soit 8,6% sont salariées ;
- la taille du foyer :
Nombre de femmes
|
Nombre de familles
|
10 (3,33)
|
6 (60)
|
14 (4,66)
|
8 (112)
|
10 (3,33)
|
11 (110)
|
36 (12)
|
7 (288)
|
60(20)
|
10(600)
|
300
|
|
3. Mode de gestion des déchets
La gestion des déchets concerne la collecte, le
conditionnement sur le lieu, le transport ainsi que l'élimination.
1. La collecte des déchets
La collecte des déchets exige une protection
particulière : des gants, des bottes, des masques voire des
bonnets. Aucune des femmes enquêtées n'utilise l'un ou l'autre de
ces moyens dans la collecte et la gestion des déchets. Ces derniers
peuvent être de plusieurs ordres. On distingue naturellement les
déchets liquides, les déchets mous et ceux solides. Les premiers
et les deuxièmes sont usités par 30 sujets du total
enquêté soit 10% et utilisent les poubelles plastiques
pour leur conservation; 9 personnes, soit 3% de l'échantillon, utilisent
les poubelles métalliques pour stocker les déchets solides; 132
enquêtés, soit 47%, utilisent les sacs raphia pour stocker les
déchets du type solide, et le reste, soit 43% les jettent à
même le sol et en plein air.
2. Le transport des déchets
Pour le transport, les personnes affirment disposer de
plusieurs moyens : des chariots, des camions bennes voire des
vélos. Pour les chariots 171 et vélos sujets soit 57%, pour
camions bennes 129 soit 43%.
3. L'élimination ou le traitement final
Le traitement final consiste pour les déchets liquides
est soit de canaliser directement ces déchets vers les fosses septiques
soit désinfecter d'abord puis canaliser vers les W.C., la douche. La
canalisation directe est représentée de 261 personnes soit 87%,
celle avec désinfection 39 soit 13%. Les déchets solides sont de
deux types :
- les déchets combustibles (le papier, plastique,
etc.) ils doivent être enfouis ou incinérés,
- les déchets non combustibles (tels que les
déchets putrescibles dont l'élimination consiste à les
enfouir puis les recycler en engrais et les déchets non putrescibles
qu'on enfouit soit directement recyclés, c'est le cas notamment de la
plus part des déchets solides.
Les conséquences liées à l'entreposage
des déchets sont essentiellement l'odeur nauséabonde et les
maladies dites des mains salles (diarrhée, fièvre typhoïde,
paludisme, choléra, etc.)
Dans le tableau suivant, voici les maladies
liées à l'entreposage :
Type des déchets
|
Maladies probables
|
Pollutions probables
|
Diarrhée
|
F.Typhoïde
|
Paludisme
|
Choléra
|
Odeur nauséabonde
|
Traumatisme
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Solides
|
|
|
X
|
|
|
X
|
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Mous
|
|
|
|
X
|
X
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|
|
Liquides
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
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Total
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|
Commentaire des résultats :
Les relevés des coûts d'élimination des
déchets pour assainir le milieu par foyer s'élève en
moyenne à 12000FC le mois.
Pour les déchets liquides 2000 FC le mois, pour les
déchets mous 8000 FC le mois et pour les déchets solides le mois.
Ce relevé de prix a été obtenu auprès des 300
foyers de la commune Kenya d'origines divers, plus de 66% ont un niveau
d'instruction moyen et exercent une profession indépendante. Leur
niveau d'instruction serait la raison principale de cette attitude. Les
déchets mous sont les plus rencontrés de tous les déchets
180 enquêtés soit 60%, 90 sujets soit 30% pour les
déchets liquides et 30 soit 10% des déchets solides. Tous ces
déchets sont d'origine domestique. Le mode de collection le plus
utilisé est le sac en raphia. 132 personnes enquêtées soit
44% utilisent ce type d'emballage pour stockage de déchets. Le mode de
transport le plus utilisé est les chariots 171 soit 57%.
L'élimination se fait plus par fausse à ordure puis
incinération ; 129 soit 49%. L'élimination de ces
déchets coûte en moyens matériels, financiers, humains. Le
moyen matériel le plus utilisé est le sac. La moyenne du
coût financier est 1500FC tous les quatre jours par foyer. La
durée ou le cycle moyen d'élimination est d'une fois tous les
quatre jours hebdomadairement soit sept fois par mois pour les déchets
mous. Tandis que les déchets liquides c'est chaque jour, lorsqu'on
analyse le coût financier par rapport au revenu des ménages
étudiés, il ya de quoi dire c'est une charge financière
pour ces enquêtés. Le pouvoir a un rôle déterminant
à jouer dans ce secteur notamment en encourageant l'encadrement de la
population par des formations, sensibilisations parfois même par des
sanctions correctives à l'endroit des récalcitrants.
A ce sujet, Kasokota2(*) fait observer dans ses recherches que la plupart
des déchets éliminés par les foyers sont de natures
liquides et mous. D'autres études ont montré que ces foyers sont
butés au manque d'espace, d'argent. La production des déchets
liquides, solides et mous et leur prolifération sont à la base de
l'insalubrité dans la ville de Lubumbashi.
L'élimination est une pratique avantageuse
pour les foyers et le pouvoir, il est important qu'un environnement sain soit
créé pour en assurer la réussite, un corps sain dans un
environnement sain, dit-on. La période de pluie est une
opportunité pour assainir l'environnement et à renforcer la
sensibilisation des foyers car l'ignorance, le manque des moyens peuvent les
amener à recourir à certaines pratiques qui soient perçues
comme moins coûteuses mais nuisibles pour la santé. En plus,
l'élimination des déchets en milieu urbain impliquent certaines
pratiques liées au mode de vie et d'utilisation des récipients
(sacs, sachets) par la population et qui peuvent interférer
négativement avec l'environnement. Les effets indésirables
imputables à l'élimination des déchets sont
attribués à des paramètres relevés ci haut. Ces
effets sont néfastes et peuvent êtres évités par
l'implication de tous les partenaires dans l'élimination des
déchets (population, pouvoirs, ONG). Pour éviter les maladies
liées à l'environnement et permettre à l'homme de vivre
dans un environnement sain.
CONCLUSION
Pour atteindre les objectifs de réduction de
l'insalubrité, une bonne éducation, un bon encadrement de la
population s'impose. La population va de plus en plus croissante. Pour
résoudre ce problème, on peut penser ici à l'augmentation
du revenu du citoyen pouvant lui permettre à prendre en charge ce
paramètre et surtout la prise en charge de cet assainissement par
l'Etat. Certaines pratiques doivent être évitées et/ou
découragées notamment la collecte des déchets non
protégés, l'entreposage des déchets non couverts à
durée indéterminée. La plupart de ces pratiques sont
perçues comme vecteurs de l'insalubrité, des maladies et de
pollutions. Un apport supplémentaire en matériels, espace
nécessaire pour contenir les déchets et faciliter leur
élimination se montre salutaire. Il est également rentable de
renforcer la sensibilisation et l'éducation de la population. Ne dit-on
pas que mieux vaut prévenir que guérir ?
Bibliographie
1. Marc Gentilini, Médecine tropicale,
Flammarion, Paris, 1985
2. Kasokota Richard, problèmatique de la gestion des
déchets domestiques dans la ville de lubumbashi, TFC, G3 Santé
publique, UNILU, 2006.
3. JEAN LEDERER « Encyclopédie moderne de
l'hygiène alimentaire », Edition nouvel Bert, 1971
3. Rosemary Mc Mahon et coll, si vous êtes
chargé de..., Genève, 1981
4. ROTSART DE HERTAING et COURTE JOIE. J, animation de nos
activités, Kangu Mayumbe, Kinshasa, 1991
5. Kakoma Sakatolo, santé publique, L1GIS, ISTM/UNILU,
2000-2001
6. Kabyla Ilunga, économie de la santé, L1 GIS,
ISTM/UNILU, 2000-2001
7. Gallay A et Al Epidémiologie des diarrhées
virales en CYCL Méd. Chir. Gastro-entérologie 9.001.13.
60.2009
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