GRAND SEMINAIRE
INTERDIOCESAIN
NOTRE DAME DE L'ESPERANCE
B.P. 40 BERTOUA
Cycle de théologie
Par RAINCHOU Thomas
Mémoire de fin de cycle de
théologie
Modérateur :
Abbé Jean Patrick MABIALA
Bertoua, Juin 2006
DEDICACE
A mes parents : Donat Joseph Landjo et
Marguerite Kilah (d'heureuse mémoire) qui m'ont
transmis la vie par amour et ont bien voulu faire de moi un sauvé.
A Karl Rahner pour la pierre qu'il a
portée à l'édifice théologique.
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail est pour nous une occasion
de témoigner de notre gratitude à tous ceux qui, de près
ou de loin, se sont dévoué pour faire de nous un homme et ont
ainsi rendu fluide notre cheminement. A Dieu tout honneur et toute gloire pour
sa grâce qui, sans cesse nous accompagne, nous séduit chaque
jour et nous aide à nous donner davantage.
Notre profonde gratitude va à l'endroit de nos
parents pour leur soutien permanent à tous les niveaux de notre vie
et de notre formation et à l'endroit de nos frères et soeurs.
Notre gratitude également à notre Évêque son
Excellence Mgr Joseph Djida, qui par souci de la prédication
missionnaire et par l'action de l'Esprit Saint, relève le faible de la
cendre et lui dit : « Toi aussi viens à ma vigne ».
Nos remerciements vont ensuite à tous les Pères
formateurs permanents qui veillent à la réussite de notre
formation, le corps professoral qui déploie laborieusement
d'énormes efforts pour notre édification, et
particulièrement à l'Abbé Jean-Patrick Mabiala qui a
accepté de diriger avec dévouement, rigueur et compétence
ce travail. Notre grande déférence va enfin à l'endroit de
nos promotionnaires, nos codiocesains et tous les séminaristes.
Notre reconnaissance aux Abbés Karlo Prpic, Jean-Marc
Ali, Venant Doptah, Joseph Makaïni, Michel Ngouane, Augustin Foka et aux
Soeurs Jean Simon, Lucienne, Lise, July, Angeline (d'heureuse mémoire),
Francine et Mr Kouandou Michel qui sont restés bienveillants à
notre égard dès le début de notre formation et dont le
soutien paternel et maternel nous est d'un grand apport.
Nous ne saurons oublier tous nos bienfaiteurs et bienfaitrices
qui nous ont toujours soutenu dans notre formation. Nous pensons ici à
la Fondation Baillairgé, la Paroisse de Kingston (Canada), et à
tous nos parents et amis.
SIGLES ET ABREVIATIONS
I- Ouvrages de Karl RAHNER
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CM
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:
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Le chrétien et la mort, Coll. « Foi
vivante » n° 21, Paris, Desclée de Brouwer, 1966.
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DNT
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:
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Dieu dans le Nouveau Testament, Coll. « Foi
vivante » n° 81, Paris, Desclée de Brouwer, 1968.
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EPAC
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:
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Est-il possible aujourd'hui de croire? Dialogue avec les
hommes de notre temps, Traduit de l'Allemand par K. MULLER, Paris, Mame,
1966.
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ETI
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:
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Ecrits Théologiques, Tome I, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1957.
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ETIII
|
:
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Ecrits Théologique, Tome III, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1963.
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ETV
|
:
|
Ecrits Théologiques, Tome V, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1966.
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MEAP
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:
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Mystère de l'Eglise et action pastorale, Paris,
Desclée, 1969.
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MGI
|
:
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Mission et grâce, Tome I, XXème
Siècle, Siècle de grâce?, Fondement d'une
théologie pastorale pour notre temps, Traduit de l'Allemand par K.
MULLER, Coll. « Siècle et catholicisme », Paris,
Mame, 1962.
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PDTC
|
:
|
Petit dictionnaire de théologie catholique, Col.
« Livre de vie » n° 99, Paris, Seuil, 1970. (Ecrit en
collaboration avec Herbert VORGRIMLER).
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TFF
|
:
|
Traité fondamental de la foi, Introduction au
concept du christianisme, Traduit de l'Allemand par G. JARCZYK, Paris, le
Centurion, 1983.
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UFAM
|
:
|
Une foi qui aime le monde, Méditation
chrétienne de la vie quotidienne, Traduit de l'Allemand par
R.VIRRION, Casterman/Paris/Tournai, Salvator/Mulhouse, 1968.
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II- Les textes du Concile de Vatican II
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LG
|
:
|
Constitution dogmatique «de Ecclesia» («Lumen
Gentium»).
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DV
|
:
|
Constitution dogmatique «de Divina Revelatione» (``Dei
Verbum'').
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GS
|
:
|
Constitution pastorale «de Ecclesia in mundo huius
temporis» (``Gaudium et Spes'').
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AG
|
:
|
Décret «de Activitate missionali Ecclesiae»
(``Ad Gentes'').
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NA
|
:
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Déclaration «de Ecclesiae habitudine ad religions
non-christianas'' (``Nostra Aetate'').
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|
III- Les textes pontificaux
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RM
|
:
|
Lettre Encyclique Redemptoris missio du Saint
Père Jean Paul II, sur la valeur permanente du précepte
missionnaire, Kinshasa, Saint Paul Afrique, 1991.
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DCE
|
:
|
Lettre Encyclique Deus caritas est du Souverain Pontife
Benoît XVI, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 2005.
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TMA
|
:
|
Lettre Apostolique Tertio Millennio Adveniente du
Souverain Pontife Jean-Paul II sur la préparation du jubilée de
l'an 2000, Paris, l'Emmanuel, 1996.
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EA
|
:
|
Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in
Africa du Saint Père Jean Paul II, sur l'Eglise en Afrique et sa
mission évangélisatrice vers l'an 2000, Cité du Vatican,
Libreria Editrice Vaticana, 1995.
|
|
IV- Autres documents de l'Eglise
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CEC
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:
|
Catéchisme de l'Eglise Catholique, Paris,
Mame/Plon, 1992.
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V- Autres ouvrages
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CCA
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|
Chemins de la Christologie Africaine, sous la
responsabilité de François KABASSELE, Joseph DORE et René
LUNEAU, Coll. « Jésus et Jésus-Christ »,
n°25, Paris, Desclée, 1986.
|
|
|
PAA
|
|
Pâques Africaine d'aujourd'hui, sous la
responsabilité de François KABASSELE, Joseph DORE et René
LUNEAU, Coll. « Jésus et Jésus- Christ »,
n° 37, 1989.
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VTB
|
:
|
Vocabulaire de Théologie Biblique, sous la
direction de X. LEON-DUFOUR, Paris, Cerf, 1962.
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THEO
|
:
|
A.A., Théo, Encyclopédie catholique pour
tous, Paris, Droguet & Ardent/ Fayard, 2000.
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BTX2
|
:
|
Bilan de la Théologie du XXe
Siècle, sous la direction de Robert VANDER GUCHT et Herbert
VORGRIMLER, Tome II , Tournais-Paris, Casterman, 1970.
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VI- Autres abréviations
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Art.
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:
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Article.
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Art. cit.
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:
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Article cité.
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Col.
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:
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Colonne.
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Coll.
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:
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Collection.
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Ibidem
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:
|
Même auteur et même ouvrage.
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IDEM
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:
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Même auteur.
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n°
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:
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Numéro.
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nn°
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:
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Les numéros.
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Op. cit.
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:
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Opus citatus (ouvrage cité).
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p.
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:
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Page.
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pp.
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:
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Pages.
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NB : Les livres bibliques sont abrégés selon
l'usage de la Bible de Jérusalem.
INTRODUCTION GENERALE
La question du salut est une question fondamentale pour toutes
les religions du monde, mais plus particulièrement pour le christianisme
qui s'autodéfinit et se conçoit comme le salut non seulement pour
ses membres, aussi bien du passé que de l'avenir, mais aussi pour tous
les hommes et jusqu'à la consommation de l'histoire. Claude
Geffré pense à ce sujet que la prétention du christianisme
à l'universel, qui se réfère entièrement à
la médiation historique et absolue de Jésus-Christ, lui qui est
l'irruption même de Dieu dans le monde, le place dans une position tout
à fait spéciale et exceptionnelle par rapport aux autres
religions1(*). Cette
prétention du christianisme s'appuie avec force sur l'enseignement
même du Christ qui affirme être « le Chemin, la
Vérité et la Vie » (Jn 14, 6), envoyé par son
Père pour annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume auquel tous sont
appelés ; et qui demande aux Apôtres de faire de toutes les
nations ses disciples (cf. Mt 28, 19). L'Eglise a aussi exprimé cet
enseignement de manière officielle en affirmant au deuxième
Concile de Vatican que « Le verbe de Dieu, par qui tout a
été fait, s'est lui même fait chair, afin que, homme
parfait, il sauve les hommes et récapitule toutes choses en
lui »2(*).
C'est qu'en effet, le Christ étant à la fois du
monde de l'homme et du monde de Dieu, ayant assumé l'humanité de
l'homme, est l'unique source par laquelle tout homme pourrait revêtir la
divinité et être sauvé. Ce message du christianisme qui a
fait l'objet de réflexion de plusieurs croyants dans l'Eglise ressort
aujourd'hui de manière particulière dans les réflexions du
Théologien Allemand Karl Rahner3(*) qui pense qu' « en Jésus Christ et en
l'Eglise, qui est le nouveau peuple de Dieu, milieu de la grâce et de la
miséricorde de Dieu, culminant en Jésus-Christ, le chemin du
salut est ouvert à l'humanité et à l'individu, l'histoire
est manifestée comme histoire du salut. »4(*)
Il s'agit donc, dans le message chrétien, de
l'affirmation de la médiation absolue de Jésus-Christ dans
l'oeuvre du salut. Une affirmation qui sans doute pose problème à
ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne et pourtant sont fortement
interpellés ; une affirmation qui pose aussi problème aux
hommes de notre temps dont la conscience de la relativité historique du
christianisme et des richesses des autres traditions religieuses se fait
de plus en plus grandissante et vive ; une affirmation qui pose
problème à la mission de l'Eglise en face du nombre exorbitant de
ceux qui en ignorent consciemment ou inconsciemment la teneur . Jean Paul II
l'exprimait déjà dans sa Lettre Encyclique Redemptoris
missio en faisant remarquer qu' « au terme du
deuxième millénaire, un regard d'ensemble sur l'humanité
montre que la mission de l'Eglise en est encore à ses
débuts. »5(*)
Si donc, conformément au message chrétien,
l'affirmation du Christ comme unique voie du salut pour tout homme et pour
chaque homme n'a pas empêché l'Eglise de porter un jugement
positif sur les autres traditions religieuses au point de discerner en elles
des semences de bonté, de vérité et même de
sainteté6(*),
quelques questions deviennent impératives : Comment concilier
l'universalité et l'exclusivité du salut en Christ avec la prise
de conscience actuelle de la relativité du christianisme ? Quelle
peuvent être les implications de ce message sur l'existence
chrétienne et sur la mission de l'Eglise ? Comment peut-il
être reçue et appropriée dans un contexte socio-culturel
autre que celui des contemporains du Christ ?
Ce travail qui s'intitule Le Christ comme
médiateur du salut, essai d'herméneutique africaine du message
chrétien à la lumière de la christologie de Karl
Rahner voudrait apporter quelques éléments de réponse
à ces différentes questions. Précisément, à
la suite de Karl Rahner, il s'agira d'abord de prendre au sérieux
l'universalité et l'exclusivité du salut en Jésus-Christ,
don de Dieu et Sauveur de l'humanité ; ensuite d'en dégager
les implications existentielles et missiologiques pour mieux appréhender
la particularité historique du christianisme sans renoncer à sa
vocation universelle. Enfin, tenant compte du contexte de l'Afrique, la
réflexion s'orientera vers un essai d'herméneutique
africaine7(*) du message
chrétien de la médiation universelle du Christ; où il
s'agira non seulement d'interpréter en chrétien les
réalités vitales du monde africain, mais aussi
d'interpréter le message chrétien à la lumière des
réalités africaines actuelles, en vue d'une bonne saisie du sens
authentique du message chrétien et de la possibilité pour un
africain « conscient de son identité, de ses
continuités et de ses solidarités »8(*) d'être chrétien.
La méthode sera à la fois analytique et
herméneutique et s'appuiera sur une relecture de la christologie de Karl
Rahner.
Chapitre premier :
UNIVERSALITE ET EXCLUSIVITE DU SALUT EN CHRIST SELON KARL RAHNER
1.0. INTRODUCTION
La question du salut se pose chez Karl Rahner en terme de
conciliation entre la relativité historique du christianisme et sa
prétention à l'universel. Cette conciliation présuppose
trois questions : D'abord la question de la nécessité du
salut pour les hommes et pour l'humanité prise globalement ;
ensuite celle de la possibilité d'unité et de
« commerce » entre l'homme qui appartient à l'ordre
de la création et l'Auteur de son salut, son Créateur qui lui,
appartient à l'ordre de la Rédemption ; et enfin celle de
l'insertion de Dieu dans le conditionnement spatio-temporel de
l'expérience humaine. Intitulé Universalité et
exclusivité du salut en Jésus-Christ, ce premier chapitre
voudrait apporter des éléments de réponse à ces
diverses questions dans une fidélité à la pensée
théologique de Karl Rahner. Ainsi donc, un premier mouvement du chapitre
conduira à saisir la situation existentielle de l'homme comme une
question de salut, ensuite l'on montrera que la réponse à cette
question existentielle de l'homme se trouve inscrite dans le dessein même
de son Créateur. Enfin, un troisième et dernier mouvement voudra
montrer que cette réponse se réalise de façons
éminente en la personne de Jésus-Christ, lieu de communion entre
l'histoire et la transcendance.
1.1. SITUATION EXISTENTIELLE
DE L'HOMME ET BESOIN DU SALUT
Il s'agit ici de voir l'homme d'abord, dans une approche
biblique, comme une image de Dieu défigurée, puis ensuite comme
un nécessiteux du salut dans ses déterminations essentielles et
enfin de montrer en quoi l'homme d'aujourd'hui doit être sauvé.
1.1.1. L'homme, une image de
Dieu défigurée
Dans son analyse de la situation existentielle de l'homme, une
analyse fondamentalement systématique, Karl Rahner fait une
référence à l'anthropologie biblique où l'homme est
compris comme nécessiteux du salut à travers trois
caractéristiques: Créé à l'image de Dieu, une image
défigurée et un besoin radical du salut.
a) L'homme, un être créé à
l'image de Dieu
La caractéristique de l'homme comme image de Dieu dans
les Saintes Ecritures est largement décrite dans le livre de la
Genèse (cf. Gn 1, 1-2, 25). Dans ce récit que les
exégètes prennent volontiers pour guide biblique sur les
questions fondamentales au sujet de Dieu, de l'homme et du monde9(*), il est question de la
création de l'univers par Dieu ; création dans laquelle
l'homme, à travers la « personnalité
corporative »10(*) d'Adam, occupe une place de choix. Il y est
présenté non seulement comme une créature (cf. Gn 1,
27a ; 2, 2-4) au même titre que les autres créatures, mais
aussi comme l'image de son Créateur (cf. Gn 1, 27b), et investi, en
vertu de sa participation à la vie divine (cf. Gn 2, 7), du pouvoir de
contrôler les autres créatures (cf. Gn 1, 29-31) et d'imiter
l'action créatrice de Dieu en procréant des êtres vivants
à l'image de Dieu (cf. Gn 1, 26ss ; 5, 1 ; Lc 3, 23-38).
L'homme est donc ainsi doué d'une dignité éminente qui,
pour Karl Rahner consiste en ce que « l'homme se connaissant
spirituellement et s'engendrant lui-même librement à la
communauté personnelle et immédiate avec Dieu Infini, peut et
doit s'ouvrir à l'Amour qui communique ce Dieu
Lui-même. »11(*)
b) L'homme, image défigurée de
Dieu
La défiguration de l'image de Dieu en l'homme, dans
l'esprit biblique, tient pour la grande part de la désobéissance
de l'homme à l'égard de son Créateur. Cette
désobéissance est aussi bien exprimée dans l'Ancien
Testament (cf. Gn 2, 15-25 ; cf. Gn 3, 1-14 ; Gn 4 ; Gn 11,
1-9) que dans le Nouveau, avec ses implications sur le plan du rapport de
l'homme à son Créateur, de la famille humaine en
général, du rapport de l'homme avec l'univers, et de la condition
existentielle même de l'homme. Il en résulte la rupture ou la
dénaturation du rapport de l'homme avec Dieu son Créateur et
c'est désormais tout l'ordre de la création qui est
bouleversé (cf. Gn 3, 14-19). Saint Paul revient dessus dans une
perspective plus éclairée par le mystère du Christ en
montrant que par un seul homme, le péché est entré
dans le monde et par le péché, la mort, et qu'ainsi, la mort a
passé en tous les hommes, situation dans laquelle tous ont
péché (cf. Rm 5, 12). C'est dans ce sens que Karl Rahner fait le
constat qu' « au témoignage de l'Ecriture, l'homme
originel avait été doté à la création du
pouvoir d'échapper à la mort. L'homme de l'ordre concret meurt
parce qu'il a perdu, en son chef et ancêtre, en ce premier homme qui
s'est librement éloigné de Dieu, la justice originelle,
c'est-à-dire cette alliance intime avec Dieu »12(*).
c) L'homme, un besoin radical du
salut
Le besoin radical de salut pour l'homme naît de la
conscience qu'il prend de son incapacité à se tirer du
péril dans lequel il s'est plongé depuis la
désobéissance. Lorsque par exemple, Israël se retrouve en
situation critique et ne peut s'en délivrer par ses propres forces, il
fait l'expérience de son besoin de salut et l'exprime par ses
prières. La plupart des Psaumes en offrent des exemples clairs (cf. Ps
3, 2 ; Ps 6, 2-8 ; Ps 25 ; Ps 31, 5-10 ; Ps 70 ; Ps
71 ; Ps 88 ; Ps 102). Cette conscience du besoin de salut chez
Israël ne se limite pas seulement aux diverses situations critiques dont
il fait régulièrement l'expérience mais touche la
condition existentielle même de l'homme et partant, la
nécessité d'un salut définitif dans une perspective
eschatologique. C'est ainsi que Dieu est désigné dans
l'eschatologie prophétique par le titre de Sauveur (cf. So 3, 17 ;
Is 33, 32 ; 43, 3 ; 45, 15. 21 ; 60, 16 ; Ba 4, 22) et tout
le message de la consolation prophétique (cf. Is 35, 4 ; 45, 22)
porte sur le salut définitif que Dieu accordera non seulement à
Israël, mais à l'humanité toute entière par
l'intervention de son Messie. Le message néotestamentaire fait aussi
état de ce besoin radical de salut chez l'homme livré au
péché et incapable par lui-même de s'en défaire (cf.
Rm 7, 14-25 ; Eph 2, 1-3), si bien que du point de vue chrétien,
« la question du Christ et avec elle la question de Dieu se trouve
ainsi (...) dans l'horizon de la question du salut »13(*).
1.1.2. Le besoin du salut dans
les déterminations essentielles de l'homme
Selon Karl Rahner, les déterminations
essentielles de l'hommes, c'est-à-dire les éléments qui
constituent l'être même de l'homme, sont non seulement un
présupposé pour la réceptivité du message
chrétien, mais aussi le lieu même de l'expérience du besoin
de salut14(*) . C'est
à l'intérieur même de l'expérience humaine que se
révèle la nécessité du salut, de la
Rédemption. Toutes ces déterminations de l'homme peuvent
être regroupées en trois à savoir : l'homme comme
personne et sujet, l'homme comme créature et l'homme comme un être
radicalement menacé par la faute.
a) L'homme comme personne et sujet
Etre personne pour Karl Rahner, c'est « se
posséder soi même dans une relation consciente et libre avec le
réel en tant que totalité et avec le principe infini de ce
réel, Dieu »15(*). Cette détermination ne s'affirme que si l'on
a « traité de la transcendance de l'homme, de sa
responsabilité et de sa liberté, de sa référence
à l'incompréhensible mystère, de son historicité et
de sa mondanité, enfin de sa sociabilité »16(*). L'homme est ainsi
découvert comme confronté à lui-même en tant
que sa propre possession dont il devra rendre compte et distinct non seulement
du réel extérieur à lui, mais aussi de l'Etre.
Sa « transcendantalité », qui se
découvre dans sa structure de connaissance et dans son jugement
d'existence échappe toujours à son pouvoir et ne se pose pas de
façon souveraine. Elle « est d'une certaine façon
toujours en deçà de l'homme, dans l'origine, dont il ne saurait
disposer, de sa vie et de son connaître »17(*). En outre, « l'homme
a toujours connaissance de sa finitude historique, de sa provenance historique,
de la contingence de sa situation de départ »18(*). Et donc, bien qu'étant
par sa transcendance au delà de cette finitude, il ne peut totalement
s'en défaire, et demeure celui qui pâtit. L'expérience que
l'homme a de lui-même n'offre finalement qu'une synthèse de
finitude et d'infinité et finalement, l'homme est personne à
caractère subjectif dans la mesure où « il se pose
comme le produit de ce qui est radicalement étranger»19(*) Dans ce sens, « la
question personnelle de l'existence à proprement parler est en
vérité une question de salut »20(*). On voit là comment, en
tant que personne, l'homme a radicalement besoin d'un salut qui n'est en
réalité que sa véritable
« auto-compréhension » et sa véritable
« auto-accomplissement » en liberté devant Dieu, le
fondement de son être.
b) L'homme comme créature
C'est à l'intérieur de cette même
expérience que la condition de créature de l'homme se donne
à comprendre. En effet, selon Karl Rahner, « est
créature tout ce qui a un sens plus haut que lui-même, qui est
fini, ouvert à Dieu et à ses dispositions »21(*). Or dans l'expérience
de la transcendance, l'homme est radicalement emporté par le
mystère absolu comme par son fondement. Il fait en même temps
l'expérience de sa finitude et de son ouverture à l'infini comme
à sa source.
Au delà de cette dépendance radicale de l'homme
comme créature à l'égard de Dieu, Rahner fait
découvrir l'autonomie substantielle de l'homme comme sa vocation
permanente à l'éternité. Si donc en tant que
créature, l'homme est fini, il a donc besoin, pour atteindre sa fin
propre qui est Dieu, d'une certaine épuration qui, selon Rahner,
consiste en une réalisation toute entière, « d'une
manière purement intérieure, manifeste et
active »22(*).
Il s'agit là d'une oeuvre que l'homme ne peut accomplir par sa propre
initiative, il ne peut l'attendre que de son créateur. Son besoin
radical de salut devient manifeste et évident à ce
niveau.
c) L'homme, un être radicalement menacé
par la faute
Selon la doctrine chrétienne, la
référence au péché originel permet de comprendre
l'homme comme un être dont la culpabilité, qu'il tient de sa
propre liberté, est une menace permanente dont il ne peut se
défaire par ses propres forces si Dieu n'intervient pour l'en
délivrer23(*). Karl
Rahner pense que la dimension éthique de l'homme dans laquelle on
découvre sa liberté et sa responsabilité permet de
comprendre cette doctrine24(*). Cette dimension exprime la dignité même
de l'homme et par son rapport au tout de l'existence humaine, elle est
dotée non seulement d'une nécessité interne en tant que
« pouvoir unique du définitif, le pouvoir du sujet qui (...)
doit être amené à son état définitif et
irrévocable »25(*) mais aussi des "objectivations catégoriales"
dont dépend son exercice concret.
Il y a donc dans la liberté de l'homme une
possibilité permanente de contradiction absolue qui s'exprime
objectivement et concrètement par la possibilité de
péché. Cette possibilité, selon Rahner, est un existential
permanent insurmontable pour l'homme au cours de la vie terrestre, et elle
représente une menace pour son être en un double titre: du dedans,
parce que l'homme en manquant Dieu « peut se manquer lui-même
et sa dignité par une faute libre contre lui-même dans l'une
quelconque des dimensions existentiales »26(*); et de l'extérieure
parce que l'homme, « comme être corporel est,
antérieurement à sa décision personnelle, accessible
à l'action d'une cause d'ordre créé, indépendamment
de sa décision »27(*). Cette menace pose ainsi le besoin radical du salut
en l'homme, un salut qui est à la fois rédemption en ce sens
qu'il surmonte définitivement l'état dans lequel l'homme se
trouve inéluctablement et qu'il ressent comme une menace insurmontable;
et un bonheur en ce sens qu'il le finalise et l'établit dans
l'unité de grâce et de gloire en Dieu.
1.1.3. Le besoin du salut chez
l'homme d'aujourd'hui
Les déterminations essentielles de l'homme
possèdent toutes des objectivations catégoriales qui
présupposent et impliquent son insertion dans l'historicité qu'il
influence et dont il subit les influences. Le monde contemporain dans ses
caractéristiques offre, pour l'homme, un lieu clair pour
l'expérience de son besoin de salut, ce salut qui révèle
à l'homme la présence de Dieu au coeur de ses efforts pour
comprendre les énigmes du monde. Quelques caractéristiques du
monde contemporain et de l'homme de ce monde permettent d'en percevoir la
portée.
Karl Rahner qualifie l'époque qui était la
sienne de période de "transition" d'une ère à l'autre.
Pour lui en effet, les caractéristiques de l'époque
(Industrialisation et Dénaturalisation) fournissaient indubitablement la
preuve du « sentiment que l'on a d'être sur la crête
d'une vague qui apporte une ère nouvelle de
l'histoire »28(*). Il faut noter que la situation s'est davantage
confirmée aujourd'hui et s'est d'ailleurs accentuée en l'espace
de moins d'un siècle. Le passage de l'industrialisation à
l'informatisation a réduit le monde en un village planétaire
rendant manifeste le caractère uni du genre humain. Cette situation qui
révèle le pouvoir créateur de l'homme, le place au centre
de tout, non seulement comme celui par qui tout a un sens, mais aussi comme
celui qui doit donner un sens à tout, entraînant ainsi un recul
quasi définitif du mystère29(*). L'homme qui jadis était protégé
par la nature, « le milieu qui enveloppe son existence et qui en est
le support expérimental »30(*), doit lui-même, aujourd'hui et plus encore dans
l'avenir, protéger son essence et sa vocation éternelle31(*). Par sa rationalité, il
a acquis une maîtrise de lui-même et du monde qui l'entoure.
« L'homme d'aujourd'hui, dit Rahner, est un homme qui est devenu un
sujet, un sujet doté d'une responsabilité réelle (et non
plus simplement théorique); un homme qui vient de réaliser dans
son commerce avec les choses (...), une vraie révolution copernicienne,
le passage du cosmocentrisme à l'anthropocentrisme »32(*).
En réalité, cette caractéristique de
l'homme contemporain ne marque qu'une mutation de degré et non une
différence radicale, dans la mesure où l'homme lui-même
reste et demeure objet de la nature. La révolution qui le
caractérise l'a davantage plongé dans la sphère des
incertitudes. En se dérobant de la nature, l'homme a perdu la protection
qu'il tenait d'elle et s'est livré à lui-même, à
l'extravagance de sa liberté et à la tentation éternelle
de se faire l'égal de Dieu. Telle est la conséquence de ce que le
Pape Jean Paul II a appelé « tendance à réduire
l'homme à la seule dimension horizontale »33(*) Le résultat est
évident : L'homme est devenu le destructeur de l'homme. En voulant
maîtriser les catastrophes naturelles l'homme a ouvert les vannes aux
catastrophes artificielles. Le terrorisme, les guerres interhumaines,
intertribales et même internationales révèlent davantage
cette fragilité de l'homme. Point n'est besoin d'évoquer ici les
dégâts de la biologie par laquelle l'homme entend créer son
semblable et démystifier l'acte créateur de Dieu.
Rahner le disait déjà, « la
nouveauté de la situation actuelle c'est que l'homme se trouve sans
défense contre lui-même s'il est seul ; et l'homme,
étant donné sa condition pécheresse, est plus cruel envers
lui-même que toute la nature prise ensemble, contre laquelle il arrive
aujourd'hui à se défendre »34(*). Ce n'est qu'en son
créateur que l'homme d'aujourd'hui doit puiser l'énergie
nécessaire pour se défendre contre lui-même et pouvoir se
réaliser lui-même. Cette référence nécessaire
à son Créateur (Dieu) exprime la nature et la
caractéristique du salut dont il a besoin. Il ne s'agit pas de renoncer
à la maîtrise qu'il a acquise, encore moins de revenir en
deçà des acquis de la modernité, il s'agira de retrouver
un véritable accès à lui-même et donc à son
Créateur35(*). Sa
question du salut trouve la réponse dans le Créateur, Lui par qui
l'être de l'homme se définit et prend un sens.
1.2. LE SALUT DE L'HOMME
COMME INITIATIVE DE DIEU
L'initiative de Dieu dans l'oeuvre du salut se
révèle de façon tout à fait claire dans les
Ecritures Saintes. Une analyse systématique permet de voir qu'elle
consiste dans une autocommunication de Dieu aux hommes, qu'on
expérimente dans la grâce.
1.2.1. Le Salut dans les
Ecritures Saintes
La réflexion théologique de Karl Rahner sur le
salut de l'homme se réfère également à
l'enseignement des Saintes Ecritures qui constituent, selon lui, le
« dépôt objectivé de la Parole de
Dieu »36(*).
Ici, le salut se comprend comme une promesse divine que le peuple
expérimente historiquement et attend dans une espérance
eschatologique.
Plusieurs textes, aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau
Testament montrent combien Dieu s'est engagé par des promesses envers sa
création afin de lui permettre d'entrer de plus en plus dans l'Alliance
avec Lui et d'être sauvé de sa perdition. Dans l'Ancien Testament,
les divers récits des Alliances que Dieu établit avec le peuple
ou avec ses représentants, offrent le lieu par excellence de la lecture
du salut comme promesse de Dieu : L'épisode de Noé en Gn 9,
8 - 17, L'Alliance avec Abraham (cf. Gn 15, 1 - 21), Celle du Sinaï (cf.
Ex 19, 6 ; Ex 23, 20 ; Ex 23, 22 - 23) et l'Alliance messianique avec
David (cf. 2 S 7, 7 - 17). Le Nouveau Testament trouve pour sa part
l'accomplissement de ces promesses en la personne de Jésus (cf. 2 Co 1,
20), en faveur non seulement d'Israël, mais de toute l'humanité
(cf. Eph 3, 6). L'annonce de l'Evangile dès la Pentecôte (cf. Ac
2, 39) fait écho de cette promesse de Dieu à tous les peuples de
la terre à qui il donnera son Esprit Saint pour combler leur
désir.
Ce salut promis est aussi expérimenté dans
l'histoire du peuple et les textes les plus connus qui en parlent se rapportent
à des événements de l'histoire des juifs, tels la sortie
d'Egypte (cf. Ex 15, 20 ; Os 13, 4), la délivrance d'Israël des
mains des madianites (cf. Jg 6, 34 - 7, 7), les diverses victoires du Roi David
(cf. 2 S 8, 6. 14 ; 2 S 3, 18), la libération de la servitude des
philistins (cf. Jg 15, 18; 1 S 9, 16) et bien d'autres expériences plus
lointaines comme celle où Dieu a sauvé Lot (cf. Sg 10, 6) et
Noé (cf. Gn 7, 23). Toutes ces expériences ont permis de fonder
la foi d'Israël au Dieu Sauveur, vers qui il s'est toujours tourné
pour implorer le salut en face de tout péril. Le Nouveau Testament
recentre cette expérience historique du salut sur les actions
significatives opérées par Jésus ; des actions qui
révèlent le salut : guérison des malades (cf. Mt 9,
21 ; Mc 3, 4 ; 5, 23 ; 6, 56) maîtrise du cosmos et des
forces spirituelles (cf. Mt 8, 25 ; 14, 30) et délivrance du
pouvoir de la mort (cf. Jn 11, 1 - 43). Les auteurs sacrés
présentent alors l'être même de Jésus comme la
révélation du salut et leur message devient un témoignage
du salut réalisé conformément aux Ecritures (cf. 1 Co 15,
3-4). Ils en appellent à la foi du peuple qui pour eux, est la condition
nécessaire à l'expérimentation véritable du salut
dans l'histoire. Cette foi consiste non seulement « dans la certitude
que Jésus pourra aider parce qu'il a le pouvoir sur les esprits et sur
les maladies »37(*) mais aussi « sous - entend une prise de
position à l'égard de la personne de Jésus et de sa
mission »38(*).
Le salut est aussi compris et exprimé dans les Saintes
Ecritures comme une réalité eschatologique actualisée par
l'espérance. Cette conception du salut fait l'objet de l'annonce
prophétique en face de la permanence du mal et de la souffrance des
justes (cf. Is 8, 16 s ; Am 9, 8 s ; Is 10, 19 s ; Is 11,
9 ; Ha 2, 14), mais elle constitue aussi la substance des Ecrits
apocalyptiques pour qui le Royaume de Dieu est « une réplique
au malheur actuel. »39(*) Dans le Nouveau Testament si le salut est
conçu comme une réalité actuelle du fait de la
présence de Jésus, il lui est aussi reconnu un caractère
eschatologique du fait de l'attente de son Retour Glorieux dans la foi et
l'Espérance. Les Epîtres enseignent par exemple que le salut
reçu au baptême par les chrétiens n'est que prémices
de la Gloire du monde à venir (cf. Rm 8, 11. 23 ; 2 Co 5, 5) et que
« le passage du chrétien à l'éternité ne
sera que la manifestation paisible (cf. 1 Jn 4, 18) d'une réalité
qui existe déjà (cf. 1 Jn 3, 2) »40(*). Cette perspective constitue
le coeur de l'Apocalypse de saint Jean pour qui, en dépit du
succès apparent des forces du mal dans le monde actuel,
l'espérance des chrétiens doit briller jusqu'à la venue du
nouveau monde, le Jour où le Seigneur reviendra dans la Gloire.
1.2.2. Le Salut comme
autocommunication de Dieu
L'humanité, avons-nous vu, demeure sans espoir de salut
en dehors de l'initiative du Créateur et de la manifestation
plénière de son Amour. Pour Karl Rahner, cette situation permet
de convertir la question du salut en celle de la volonté souveraine de
communication et de partage que Dieu fait de Lui-même à sa
créature : « L'offre que Dieu fait de Lui-même, par
quoi Il se communique absolument à la totalité de l'homme,
dit-il, est par définition le salut de l'homme »41(*). En quoi consiste donc cette
communication de Dieu à sa créature ? Comment
l'expérimente-t-on ? Et quel en est l'effet en l'homme ?
La conception du salut comme communication libre et
pardonnante de Dieu est clairement proposée par Karl Rahner dans ses
réflexions théologiques. Si d'un côté il s'attelle
à préciser le sens de cette autocommunication42(*) de Dieu à l'homme, de
l'autre côté, il tient à éluder toute la
problématique interne à cette idée, à savoir celle
de la possibilité a priori d'une communication et d'un partage entre
Dieu et l'homme sa créature. Car pour lui, tel que nous l'avons dit,
l'offre que Dieu fait de Lui-même à l'homme constitue par
excellence son initiative pour le salut de l'homme.
L'autocommunication pour Rahner ne renvoie pas seulement
à l'idée d'un discours que Dieu tiendrait sur sa personne, au
quel cas le salut se réduirait en une pure connaissance intellectuelle
de Dieu, mais elle traduit l'acte ultime et souverain par le quel
« Dieu, en sa réalité la plus propre, se fait le
constitutif le plus intérieur de l'homme
lui-même »43(*). Cette manière de voir s'enracine dans la
doctrine chrétienne au sujet de la grâce justifiante et de la
vision béatifique44(*) pour lesquelles la communication et la
révélation de Dieu revêtent explicitement un sens
ontologique. Karl Rahner y perçoit une double modalité : Le
fait même par lequel Dieu se communique à l'homme et la prise de
position de l'homme face à ce fait. Ces modalités sont toutes
pour lui, des événements de l'autocommunication de Dieu45(*). Celle-ci, en se
réalisant, garde tout de même son caractère
mystérieux et ce de façon permanente : « Dieu peut
se communiquer en personne à ce qui n'est pas Dieu, sans cesser
d'être la réalité infinie et le mystère Absolu, et
sans que l'homme ne cesse d'être l'étant fini, distinct de
Dieu »46(*). Par
son autocommunication, Dieu est Lui-même le don en ce sens qu'il
communique son essence à l'homme pour le relever de sa condition
existentielle par une transformation intérieure. Il se fait
« réellement le principe intérieur constitutif de
l'homme »47(*).
Allant dans le même sens, Henri Guillemin a souligné que l'homme
est toujours l'objet d'une réquisition qui va au-delà du
réel signe que « Dieu est le fond de tout être
humain »48(*).
Une référence à la condition existentielle de l'homme,
incapable de se sauver par lui-même, permet de comprendre le
caractère purement gratuit de cette autocommunication de Dieu. C'est
dans ce sens qu'elle « doit nécessairement être entendue
comme acte de liberté suprême et personnelle de Dieu, comme acte
de l'ouverture de son intimité ultime dans l'amour absolu et
libre »49(*) ,
et doit avoir à cet effet le pardon et la liberté pour fondement
propre.
La question de la possibilité réelle de cette
autocommunication de Dieu, dont la réponse claire apparaîtra dans
l'étude de l'Incarnation du Verbe, part de celle de la distance qui
sépare Dieu de ses créatures et dont il faudrait prendre en
compte pour éviter toute forme de panthéisme au nom même de
ce qu'est Dieu, le Tout Autre. Karl Rahner répond que cette
autocommunication de Dieu est liée au « miracle éternel
de l'Amour infini »50(*). Selon lui, Dieu crée l'homme « tel
qu'il peut recevoir cet amour (...) et qu'il peut et doit le recevoir comme ce
qu'il est : le miracle étonnant, le don imprévu,
indu »51(*).
L'homme est donc, tel que nous l'avons vu en parlant de l'expérience de
la transcendance, intérieurement ordonné à
l'événement de la grâce de Dieu et comme partenaire de
Dieu, il doit pouvoir recevoir sa grâce comme un miracle inattendu de
l'amour de Dieu52(*). Il
importe maintenant de préciser comment l'homme expérimente cette
offre que Dieu fait de lui-même.
1.2.3. L'expérience de
la Grâce
La doctrine chrétienne enseigne que la grâce est
la faveur gratuite que Dieu nous accorde de prendre part à sa vie, de
répondre à son appel, et de devenir ses enfants53(*). Il s'agit de « la
bienveillance absolument gratuite que de toute éternité, Dieu
témoigne à l'homme en l'appelant à partager sa propre
vie »54(*). Karl
Rahner la définit sous deux angles : d'abord comme faveur
absolument gratuite par laquelle Dieu se penche sur l'homme, ensuite comme
l'effet même de cette faveur55(*). Pour lui l'expérience de la grâce se
situe à l'intérieur de celle de la transcendance. En effet, de
manière tout à fait concrète, tout homme fait
l'expérience du spirituel en lui, soit par l'usage de la pensée,
soit par un dépassement de soi dans une relation avec autrui ou encore
par la manifestation de l'amour. Cette expérience s'ouvre toujours sur
celle du surnaturel en ce sens qu'elle permet de découvrir le vide de
l'existence humaine qui est la manifestation de la venue de l'infinité.
Ainsi donc,
Quand nous sommes détachés et que nous ne
nous appartenons plus à nous même, quand nous avons renoncé
à nous même et que nous ne disposons plus de nous même,
quand tout et nous même nous sommes écartés de nous
même en un lointain infini, nous commençons alors à vivre
dans le monde de Dieu même, du Dieu de la grâce et de la vie
éternelle56(*).
En s'engageant ainsi dans l'expérience de la
transcendance, aussi bien individuellement que collectivement (dans une
expérience religieuse), l'homme qui ne veut plus être maître
de lui-même « s'éprouve comme celui qui ne se pardonne
pas à lui-même, mais à qui on pardonne, et il
éprouve ce pardon à lui octroyé comme l'amour pardonnant,
délivrant et sauveur de Dieu lui-même qui pardonne en se donnant
lui-même »57(*). Si donc l'homme, de l'ordre de la nature, peut en ce
monde expérimenter la grâce, de l'ordre du surnaturel, comme ce
don ultime et gratuit de Dieu, il y a absolument en lui une possibilité
de rencontre réelle avec Dieu, une rencontre qui doit
nécessairement être médiatisée en raison de
l'intensité de l'espace ontologique qu'il faut franchir entre Dieu et
l'homme.
La foi de l'Eglise, disait Monseigneur Albert Rouet, professe
que dans l'oeuvre du salut, Dieu « constitue l'homme participant de
la nature divine, sans confusion, sans mélange » 58(*). Pour Karl Rahner, cette
initiative de Dieu conduit l'homme à une certaine
immédiateté par rapport à Dieu ; une
immédiateté qui, sans offusquer en quoi que ce soit l'essence de
Dieu, n'implique pas non plus la disparition ou le recul pure et simple de
l'homme, le non divin, le créé. Il pense en effet que
« Dieu comme Dieu n'a pas besoin de se ménager une place en
faisant qu'un autre, qui n'est pas lui, libère la
place »59(*). Il
s'en suit donc que cette immédiateté par rapport à Dieu
n'est réalisable que dans une synthèse du divin et de l'humain,
une synthèse de la volonté absolue de Dieu qui se communique et
de l'acceptation de cette communication par l'homme. C'est une
immédiateté qui, « quelque soit la manière plus
précise de l'entendre, ne peut avoir lieu en elle-même, ou bien ne
peut être possible, du simple fait qu'elle aussi, en quelque sens que ce
soit, se trouve médiatisée »60(*).
1.3. UNIVERSALITE DE LA
MEDIATION DU CHRIST
L'universalité de la médiation du Christ
s'appuie sur la réalité même du Christ. Elle s'exprime dans
son Incarnation et dans tous les événements de sa vie : sa
mort, sa résurrection et sa glorification.
1.3.1. La réalité
du Christ, médiateur du salut
D'après le témoignage biblique, la
médiation absolue du Christ dans l'oeuvre du salut s'enracine aussi bien
dans le dynamisme messianique de l'Ancien Testament que dans l'Enseignement
même de Jésus. La problématique de la médiation du
Christ dans la christologie de Karl Rahner s'inscrit dans l'approche
ontologique et ontique de la personne du Christ, une approche qui
reconsidère dans toute sa porté la formulation dogmatique de
l'union hypostatique61(*)
pour en dégager le sens propre et poser ainsi le Christ comme ``Celui
qui apporte absolument le salut''.
Selon Rahner, la particularité de la définition
chalcédonienne de l'union en la personne du Christ, de deux natures
(divine et humaine) est de mettre en lumière chacune des natures dans
son originalité propre. Mais, pense-t-il, cette définition ne
permet pas de saisir au sens le plus fort le rôle médiateur du
Christ qui , en réalité, ne peut apparaître que si l'on
sauvegarde l'authenticité et l'autonomie de la nature humaine de
Jésus62(*). Ceci
n'est possible que si l'unité entre les deux natures est
exprimée comme étant une unité unissante (par opposition
à une unité unie), c'est-à-dire une unité qui fait
exister et, par là, a une richesse de contenu faisant de l'humain
« un moment intérieur de l'unité dans lequel
unité et différence se conditionnent et se renforcent sans se
faire concurrence. »63(*) Une telle unité n'est pas postérieure
à la différence tel qu'on l'entrevoit dans la formule dogmatique,
mais au contraire, elle la constitue. Dès lors, affirmer la
médiation du Christ, c'est montrer la crédibilité de son
union hypostatique.
Pour Karl Rahner, la médiation absolue du Christ vient
à expression lorsque l'on a démontré non seulement la
possibilité a priori de l'idée d'un Homme-Dieu, mais aussi
« la possibilité transcendantale qu'a l'homme de pouvoir
simplement entendre quelque chose comme un message qui porterait sur
l'Homme-Dieu dans son unité »64(*).
Notre auteur pense que loin d'être une mythologie,
l'idée d'un Homme-Dieu est une possibilité qu'on découvre
dans l'expérience transcendantale, et donc peut et doit être
reçue comme telle par l'homme. En effet, il y a une certaine
unité de l'esprit et de la matière en nous au point où
dans un mouvement d'autotranscendance, nous nous dépassons toujours en
nous rapprochant absolument du mystère de Dieu. Ce mouvement
d'autotranscendance n'est raisonnable et possible que dans la mesure où
il s'enracine dans la réalité de l'Homme-Dieu et cette
dernière doit nécessairement être son point de
départ. Elle est donc de fait recevable par l'esprit de l'homme et on
peut affirmer que « l'homme est l'être qui peut croire au
Christ du dogme christologique »65(*). Puisque les conditions de possibilité d'une
réalité s'énoncent lorsqu'on l'a rencontrée
concrètement, la tâche théologique qui suit est celle qui
doit montrer qu'en Jésus de Nazareth, s'applique absolument la
réalité d'Homme-Dieu, Celui qui apporte absolument le salut.
Dans l'expérience de la transcendance on voit que la
nature de l'homme, dotée de la capacité intérieure
à se transcender elle-même, ouvre la porte à l'idée
d'un Homme-Dieu. Il faudrait maintenant montrer qu'en Jésus de Nazareth,
une telle possibilité est devenue réalité. Pour Rahner en
effet, nulle part ailleurs dans l'histoire qui s'écrit au grand jour, si
ce n'est Jésus, on n'a trouvé un homme qui prétende
être le lieu où se réalise une telle idée. Son
Incarnation, sa mort et sa Résurrection, donnent non seulement la
garantie que peut exiger la réalité de l'Homme-Dieu mais aussi le
« courage d'élever une prétention
pareille »66(*).
La situation de partenariat avec Dieu que nous découvrons dans
l'expérience de la transcendance « atteint en Jésus,
dès le début de son existence, un degré radical, que la
face humaine de son être appartient à Dieu à un titre
unique (...). L'humanité de Jésus est en effet l'expression que
Dieu se donne de lui-même hors de lui-même »67(*). On peut donc affirmer que
Jésus est Celui qui apporte absolument le salut, dans la mesure
où il concrétise et rend visible l'autocommunication absolue de
Dieu pour tous, l'amène à son but et le montre comme
irrévocable. Karl Rahner parle alors de Jésus comme de Celui
« qui forme le point culminant de l'autocommunication divine au
monde »68(*). Il
reconnaît que la démarche qui conduit à cette conclusion
doit être classée dans la christologie transcendantale69(*), dans la mesure où elle
part d'une Anthropologie où l'homme est compris comme
nécessairement orienté vers le mystère
incompréhensible qu'est Dieu, mystère qui se communique et fait
en sorte que l'homme, fini, participe de l'infini. Il reconnaît aussi
cette autocommunication de Dieu comme nécessairement
médiatisée historiquement en un homme qui, « d'un
côté, renonce dans la mort à tout avenir intramondain, et
d'un autre côté, se montre dans cet accueil de la mort comme
définitivement accueillit par Dieu »70(*). Une démarche beaucoup
plus historique de la christologie devra alors montrer à travers les
événements capitaux de l'existence terrestre de Jésus
comment cette « causalité sotériologique »
est définitivement actualisée.
1.3.2. L'Incarnation du Verbe
comme événement du salut
Pour Karl Rahner, dire que le Verbe de Dieu s'est fait chair,
c'est-à-dire Dieu est devenu homme, nécessite que soit
expliquée la possibilité pour l'homme de recevoir Dieu et le sens
du « devenir » appliqué à Dieu qui, par
définition, est immuable. Partant alors de l'expérience
transcendantale chez l'homme, Rahner définit l'Incarnation comme
« le cas suprême et unique de l'achèvement de l'humaine
réalité »71(*), c'est-à-dire le moment ultime où Dieu
se communique et donne à l'homme de réaliser son ouverture
permanente au Mystère Infini. Cette manière de voir se comprend
dans la mesure où Rahner perçoit « l'essence de
l'homme, d'une façon ontologique existentiale, comme la transcendance
ouverte sur l'être Absolu de Dieu »72(*). La portée salvifique
de l'Incarnation réside dans le fait qu'en elle Jésus,
autocommunication de type Absolu, réalise l'immédiateté de
Dieu avec l'homme. Walter Kasper dira plus tard que « puisque Dieu
lui-même vient avec Jésus christ, l'homme entre physiquement avec
lui dans le voisinage de Dieu. La venue du Christ offre (...) à tous les
homme (...) une nouvelle possibilité du salut »73(*). Le fait que Dieu se soit
incarné en Jésus-Christ est décisif dans l'histoire du
salut et ne doit pas être compris seulement en soi, mais à
l'intérieur de ce qu'il veut être pour nous : « la
constitution d'un homme nouveau que nous avons à
devenir »74(*).
Cette portée sotériologique de l'Incarnation par laquelle
« le temps est rattaché à l'éternité,
l'histoire humaine du salut à la vie
intratrinitaire »75(*), se traduit concrètement dans les
événements de la vie de Jésus.
1.3.3. La vie, la Mort la
Résurrection et la Glorification de Jésus
Jésus-Christ, disait le Concile, par toute son
existence, par tout ce qu'il montre de lui-même, par ses paroles, par ses
oeuvres, par ses signes, par ses miracles, mais surtout par sa mort et sa
glorieuse Résurrection et enfin par l'envoie qu'il fait de l'Esprit de
vérité, donne à la révélation son dernier
achèvement et la confirme par le témoignage divin :
Jésus-Christ c'est Dieu avec nous pour que nous soyons
délivrés des ténèbres du péché et de
la mort et que nous soyons ressuscités pour la vie
éternelle76(*)
C'est ce qui constitue le sens profond de cette étape
de la christologie de Rahner : montrer en quoi, l'Incarnation, la vie, la
mort et la Résurrection de Jésus réalisent le salut de
l'homme.
a) La vie de Jésus comme
événement du salut
Karl Rahner pense que le tout n'est pas de pouvoir montrer la
nécessité et la possibilité d'un médiateur du
salut, mais il faut davantage montrer en quoi Jésus de Nazareth et
seulement lui, est-il ce Médiateur. C'est la question traditionnelle du
lien entre le Jésus de la foi et le Jésus de l'histoire77(*). Rahner la résout dans
sa réflexion christologique à partir d'une série de
thèse sur l'existence terrestre de Jésus. Il admet d'abord la
difficulté qu'il y a à croire en Jésus-Christ comme
sauveur en étant indifférent à son histoire et
reconnaît que l'autocompréhension de Jésus avant
Pâques « ne contredit pas l'autocompréhension
chrétienne de sa signification salvifique »78(*). En effet, Jésus, fils
de Marie, conçu du Saint Esprit et né à Bethléem, a
vécu dans un environnement religieux et culturel spécifique qu'il
a assumé et essayé de reformer du dedans. Il s'est montré
un réformateur radical en combattant le légalisme de son temps et
en se solidarisant aux personnes socialement et religieusement
déclassées à qui il accorde expressément le pardon
des péchés. Tandis que ses actions le conduisaient
progressivement dans une mésentente fatale avec la société
religieuse et politique, il s'y avançait résolument et a
assumé la mort comme conséquence de sa mission salvifique. Son
enseignement radical sur la conversion, fondé sur la proximité du
Royaume de Dieu, il l'a proposé comme une décision face au salut
radical. Ainsi donc, dans sa vie et dans toute son existence, on ne l'a jamais
vu nulle part ailleurs79(*), Dieu s'est manifesté comme celui qui vient
à la rencontre de l'homme, pour partager sa condition et le
délivrer ; et l'on peut dire avec Bernard Sesboué :
« Jésus est l'exégèse même de Dieu,
l'interprétation de l'être de Dieu. Cette exégèse
nous est livrée par sa liberté souveraine, aimante,
obéissante, plus forte que toutes les aliénations
humaines »80(*).
Cette dimension salvifique de la vie de Jésus trouve sons sens
plénier dans sa mort et sa Résurrection.
b) La Mort, la Résurrection et la
Glorification du Christ
La valeur rédemptrice de la mort et de la
Résurrection de Jésus n'est pas un thème nouveau dans la
christologie. Ce thème est positivement abordé par les
évangiles et soutenu au cours des siècles aussi bien par la
tradition de l'Eglise81(*)
que par des théologiens particuliers. Le Catéchisme de
l'Eglise Catholique affirme que « la mort du Christ est à
la foi le sacrifice pascal qui accomplit la rédemption définitive
des hommes (...) et le sacrifice de la Nouvelle Alliance qui remet l'homme en
communion avec Dieu »82(*). Pour sa part, Rahner réalise un
dépassement de la théorie traditionnelle de la satisfaction par
laquelle l'on a souvent justifié le caractère salvifique de la
mort du Christ83(*). Cette
théorie, pense-t-il, laisse ouverte la question de savoir pourquoi
est-ce précisément par la mort du Christ que nous sommes
rachetés. Il soutient que l'Incarnation du Christ l'a plongé dans
la condition humaine qui ne parvient à son accomplissement
plénier qu'en passant par la mort. En mourrant donc, Le Christ n'a pas
simplement fournit la satisfaction pour nos péchés,
« il a agi et souffert la mort elle-même »84(*). Etant donné que
« dans la mort, et en elle seule, l'homme acquiert un rapport
d'ouverture à la totalité de l'univers, que son être total,
exercé dans la vie et dans la mort, détermine désormais
d'une façon habituelle et permanente le cosmos
entier »85(*),
par la mort du Christ, son être spirituel s'est ouvert à l'univers
pénétrant tout le cosmos et devenant pour celui-ci une
détermination permanente et radicale. Il devient évident que par
la mort du Christ, l'univers tout entier devient ce qu'il n'aurait pu
être sans celle-ci ; et que le Christ lui-même devient
« vraiment, dans son humanité même, ce que par sa
dignité il était depuis toujours : le coeur du monde, le
centre intime de toute réalité
créée »86(*). Ici, se dégage plus que jamais la valeur
universelle et exclusive du salut opéré par le Christ :
« Notre vie personnelle spirituelle, est toujours confrontée,
que nous le voulions ou non, que nous l'acceptions ou le refusions, à
cette profondeur du monde que le Christ a occupé »87(*). Sa mort manifeste de
façon radicale sa Seigneurie sur l'univers ; « Par son
acte de mourir, Jésus est entré en contact existentiel avec tous
les hommes quels qu'ils soient et cette rencontre constitue pour tous ces
hommes une offre de salut »88(*) et Hans Miessen dira que : « La mort
est vaincue et morte parce que Jésus, totalement homme et en même
temps Fils de Dieu l'a traversé et l'a habité de son
amour »89(*).
Cette valeur salvifique de la mort de Jésus offre aussi une clé
pour la compréhension de la dimension rédemptrice de sa
Résurrection.
D'après Karl Rahner, la dimension rédemptrice de
la Résurrection de Jésus tient de ce qu'elle authentifie toute sa
vie et ses prétentions et permet de le saisir avec certitude comme Celui
qui apporte absolument le salut. En effet, par sa Résurrection,
« Jésus a été fait Seigneur et Messie, sans que
par là soit contesté qu'en vertu du dessein de Dieu dès
toujours réalisé, cela fut vrai dès le début de son
existence humaine ; mais à l'inverse, cela justement ne s'est
accompli historiquement, de façon réelle et pour nous, que dans
sa Résurrection »90(*). Dans l'expérience de la Résurrection,
Jésus est particulièrement éprouvé comme ayant
valeur permanente en tant que « dernier prophète »
qui a tout révélé sur Dieu et qui achève l'oeuvre
de la Rédemption. La Résurrection inaugure alors le temps de
l'éternité et signifie que l'histoire est parvenue à son
sommet indépassable : « Le dépassement de soi le
plus glorieux et définitif de la part du monde matériel, dit
Rahner, est déjà effectué ; le monde a franchi ses
limites et pénétré dans l'infini, la transcendance de Dieu
pur esprit »91(*). En d'autres termes, la Résurrection du
Christ signifie le salut définitif, l'abîme qui nous
séparait de Dieu est franchi sans que notre intégrité en
soit dissoute, nous sommes désormais couverts de la
félicité infinie.
1.4. CONCLUSION
Ce premier chapitre de notre travail se présente comme
la confirmation et l'authentification de la prétention du christianisme
à l'universel. En effet, si le christianisme a pour fondateur
Jésus-Christ, lui, l'unique médiateur entre Dieu et les hommes
tel que nous venons de le voir à l'école de Karl Rahner, le
message chrétien prend alors une valeur universelle en tant que message
de salut pour tout homme et pour tous les hommes. L'homme dont l'être
tout entier est une question de salut trouve la réponse ultime en la
personne de Jésus-Christ par qui il est définitivement lié
à sa fin.
Il faut le signaler, si la question de la médiation du
Christ dans l'oeuvre du salut n'est pas l'apanage de la christologie de Karl
Rahner, celle-ci a en propre d'avoir su, dans une intelligence critique, mettre
ensemble la raison et la révélation dans une articulation entre
philosophie et théologie92(*), pour unir l'homme à Dieu. Elle a su faire
éclater l'enseignement dogmatique de son langage traditionnel pour le
redire dans son authenticité en des termes propres qui garde encore
leurs portées sémantiques. On peut bien le comprendre
aujourd'hui, la Rédemption de l'homme n'est pas l'oeuvre d'une
perfection morale, mais un acte qui touche le principe même de son
être.
On devra cependant prêter beaucoup d'attention à
cette originalité de la christologie de Rahner, qui elle-même
s'enracine dans sa théologie de la divinisation de l'homme ;
question de ne pas confondre disposition de l'homme au surnaturel avec
identité d'essence entre Dieu et l'homme, ce qui pourrait annuler la
gratuité et la liberté du salut qui est au bout des aspirations
même de l'homme93(*). Une telle confusion peut conduire à ce que le
Cardinal Joseph Siri a appelé « négation de
l'Incarnation et altération de la réalité du
Christ »94(*)
dans laquelle semble tomber Rahner en soutenant l'antériorité de
l'union hypostatique à la différence des natures en
Jésus.
Les implications existentielles de la Médiation absolue
et universelle du Christ permettront de découvrir comment le salut du
Christ s'actualise dans l'existence des hommes.
Chapitre
deuxième : IMPLICATIONS EXISTENTIELLES ET MISSIOLOGIQUES DE LA
MEDIATION CHRISTIQUE
2.0. INTRODUCTION
Le premier chapitre de ce travail a conduit à
l'affirmation de l'universalité et de l'exclusivité du salut en
Jésus-Christ. Pour Karl Rahner, une telle affirmation pose
nécessairement problème à ceux qui ne partagent pas la foi
chrétienne95(*),
aux hommes de notre temps devenus plus conscients des limites de
l'Eglise96(*) mais aussi
à l'élan missionnaire de l'Eglise qui « ne
possède plus la même intensité qu'aux âges
antérieurs »97(*). Si en effet le Christ est l'unique voie du salut
pour tout homme et pour tous les hommes, comment comprendre l'existence
chrétienne sans exclure les incroyants du mystère du salut ?
Comment concilier la particularité historique de l'Eglise avec sa
vocation universelle ? Comment situer la nécessité de la
mission devant la conscience d'un salut universellement acquis par le Christ.
Dans la Christologie de Karl Rahner, les réponses à ces
interrogations sont comprises à l'intérieure des implications
même de la médiation universelle du Christ : Il s'agit de
l'universalité du peuple de Dieu, du mystère même de
l'Eglise et de la nécessité de la mission.
2.1. UNIVERSALITE DU PEUPLE
DE DIEU
La première implication qui se dégage de la
médiation universelle du Christ telle que perçue par Rahner c'est
le caractère universel du peuple de Dieu. Cette implication trouve son
fondement dans l'enseignement biblique et conduit indubitablement à une
manière d'être chrétien, une manière comprise non
seulement dans le sens de l'exercice mais davantage dans le sens l'essence
même. Enfin, cette implication pose en tout homme la
nécessité d'une christologie existentielle.
2.1.1. Le peuple de Dieu selon
la révélation biblique
D'après la révélation biblique,
l'initiative du salut des hommes par Dieu, manifestée d'abord dans
l'appel d'Abraham et ensuite dans l'appel à croire au Christ, a fait
naître parmi les hommes de ce monde un peuple appartenant à Dieu.
Dans l'Ancien Testament, en rapport avec l'appel d'Abraham,
le peuple de Dieu est identifié à Israël qui existe comme un
peuple choisi par Dieu (cf. Dt 7, 7 ; Is 41, 8) et appelé par Amour
(cf. Dt 7, 8 ; Os 11, 1) pour être son témoin auprès
des nations (cf. Is 44, 8). Dans le Nouveau Testament par contre,
conformément à l'Alliance scellée définitivement
dans la Mort et la Résurrection de Jésus, Dieu s'est acquis un
nouveau peuple sanctifié par le sang de Jésus (cf. He 13, 12) et
dont les péchés ont été entièrement
expiés (cf. He 2, 17). Ce nouveau peuple de Dieu est constitué
par tous ceux qui, du premier peuple de Dieu, se convertiront, mais aussi par
toutes les nations qui répondront par leur foi à l'appel du salut
opéré par le Christ (cf. Ac 15, 14 ; Rm 9, 25 ; 1 P 2,
9).
Pour Karl Rahner, il faut établir une distinction
claire entre toute l'humanité appelée, par la volonté
salvifique universelle de Dieu au salut et ceux qui selon la volonté du
Christ, confessent une foi commune exprimée par le
baptême98(*). Cette
distinction permet, en se référant à l'Evangile selon
Matthieu (cf. Mt 8, 10ss et Mt 28, 18ss), de comprendre l'universalité
du peuple de Dieu, constitué par des hommes de toutes tribus, peuples,
nations et langues (cf. Ap 5, 9 ; 7, 9 ; 11, 9) et l'invitation
à la foi au Christ qui fait naître la communauté
ecclésiale comme nouveau peuple de Dieu. Ces deux compréhensions
mettent en lumière la vocation universelle du christianisme comme la
réalisation de la réunion de l'humanité nouvelle (cf. Eph
2, 15), race élue (Cf. 1 P 2, 9) englobant la race humaine
entière récapitulée dans le Christ (cf. 1 Co 15, 45 ;
Rm 5, 12)99(*).
Tout homme est donc membre du peuple de Dieu et cette
universalité du peuple de Dieu qui, selon les Ecritures, a
été définitivement acquise et exprimée dans
l'oeuvre du salut réalisée par le Christ, implique aussi une
manière d'être de la part des hommes qui est
nécessairement, de façon consciente ou non, toujours en rapport
avec la personne du Christ100(*). Karl Rahner déduit de cette implication une
manière d'être chrétien qui traduit davantage
l'universalité du peuple de Dieu.
2.1.2. L'être
chrétien
Pour Karl Rahner, être chrétien c'est entrer en
relation avec Dieu en Jésus-Christ par une disposition libre, gratuite
et historique et par sa Parole Révélée. L'être
chrétien est une conséquence de la volonté salvifique
universelle de Dieu réellement efficace dans le monde et absolument
médiatisée par le Christ. Il embrasse tout l'homme et tout homme
dans sa réalité entière et avec tout son univers101(*). Cette manière de
concevoir l'être chrétien, qui révèle davantage le
caractère universel du peuple de Dieu et donc la vocation universelle du
christianisme, conduit Karl Rahner à distinguer, au niveau de
l'expression, deux manière d'être chrétien : une
manière explicite et consciente exprimée extérieurement
dans la profession de foi, et une manière implicite, inavouée ou
même ignorée qu'il qualifie d'anonyme102(*).
L'être chrétien explicite répond
fondamentalement à l'exigence communautaire de l'appel de Jésus
et de sa signification salvifique. Il s'applique à tous ceux qui ont
bénéficié d'une annonce explicite de la médiation
du Christ et qui s'engagent par le baptême et par la vie sacramentelle
à faire parti d'un groupe bien déterminé d'où ils
reçoivent des normes et s'adaptent à un style de vie particulier.
Est donc chrétien dans ce sens celui qui, se sachant sauvé par le
Christ vit concrètement une relation « unique, toute
personnelle, qui ne s'engendre pas d'une norme abstraite, (...) à
Jésus-Christ, dans sa foi, son espérance et son amour
unique »103(*)
et l'exprime « dans la confession des chrétiens, dans le culte
des chrétiens, bref dans l'Eglise »104(*). La vie chrétienne
est donc ainsi caractérisée par un esprit de liberté qui
s'ouvre à la vérité et à l'amour absolu dans la
relation à Dieu par le Christ ; un réalisme qui
« reconnaît comme signe de victoire, Celui qui fut cloué
au bois pour y mourir de mort violente, et qui de cela a fait son signe
propre »105(*) ; et une espérance qui confesse comme
sienne l'avenir absolu et infini. Le chrétien explicite est aussi
marqué dans son existence par une éthique qui surgit de la prise
de conscience qu'il y a une différence entre ce qu'il doit être et
ce qu'il est réellement et du besoin permanent de surmonter cette
différence pour réaliser l'unité entre l'amour de Dieu et
l'amour du prochain106(*). En ce qui concerne l'être chrétien
implicite ou anonyme, Karl Rahner soutient qu'il s'applique non seulement
à ceux qui n'ont jamais reçu une annonce explicite du Christ,
mais aussi aux incroyants et aux croyants des religions non chrétiennes.
Pour lui en effet, il y a une présence effective du mystère du
Christ en tout homme107(*) et dans toutes les religions108(*).
Dès qu'on accepte, dit-il, même loin de toute
révélation formulée en termes explicites, sa propre
existence, donc sa condition humaine, avec une patience silencieuse ou
plutôt avec foi, espérance et charité (pour divers que
soient les noms qu'on leur donne), en tant que mystère qui est
caché dans l'incompréhensible amour divin et qui porte la vie
dans le sein de la mort, on se rallie à Jésus-Christ, bien qu'on
ne le sache pas109(*).
Le présupposé de cette thèse de Karl
Rahner c'est qu'en tout homme et partout dans l'histoire de l'humanité,
il y a et il doit exister une possibilité surnaturelle de croire
étant donné que la volonté salvifique surnaturelle et
universelle de Dieu est réellement efficace dans le monde. Au
delà de tout ceci et dans la concrétude, l'expérience de
l'amour du prochain permet une rencontre réelle avec le Christ
même en dehors de la foi chrétienne et l'Esprit Saint agit en
toute circonstance aussi bien en dehors de la révélation
explicite que dans les religions non chrétiennes par sa grâce
surnaturelle pour rendre réelle et efficace l'oeuvre du salut
réalisée dans l'incarnation et la mort du Christ. Le Pape Jean
Paul II dira :
Il est évident, aujourd'hui comme dans le passé,
que de nombreux hommes n'ont pas la possibilité de connaître ou
d'accueillir la révélation de l'Evangile (...). Pour eux, le
salut du Christ est accessible en vertu d'une grâce, qui tout en ayant
une relation mystérieuse avec l'Eglise, ne les y introduit pas
formellement mais les éclaire d'une manière adaptée
à leur état d'esprit et à leur cadre de vie110(*).
De ces deux manières d'être chrétien, il
ressort que « l'homme est toujours en un sens véritable, un
chrétien »111(*), puisque inscrit dans le dessein de Dieu et sa
volonté salvifique universelle « et déjà, au
centre le plus intime de lui-même, la grâce est là qui vit
et qui l'incline, au moins comme une possibilité qui lui est offerte,
d'agir surnaturellement »112(*). C'est pourquoi, chez Karl Rahner, on peut bien
être chrétien au sens explicite du terme et demeurer encore
fortement païen tout comme « la foi inconditionnelle jaillit
souvent plus facilement du coeur de l'incroyant »113(*). Dans ce sens,
l'appartenance à l'Eglise n'est pas encore en soi un christianisme vrai.
« Le livre de vie, dit-il, ne concorde pas purement et simplement
avec les statistiques religieuses »114(*). Ce qu'il y a d'ultime et de caractéristique
dans l'existence chrétienne c'est le fait de se laisser abîmer
dans le mystère nommé Dieu et d'être convaincu dans la foi
et l'espérance que cette existence peut s'accomplir là où
un homme n'est pas explicitement chrétien. Le christianisme dans sa
figure explicite se comprend alors non comme une théorie abstraite, mais
comme un processus existentiel dans son essence la plus propre.
2.1.3. Nécessité
d'une christologie existentielle
La christologie existentielle est le point de transition entre
le christianisme explicite et le christianisme implicite. Elle permet, dans un
passage de la connaissance de foi sur l'essence du Christ à
l'expérience de sa réelle existence dans la vie des hommes, de
mieux cerner le caractère universel du peuple de Dieu comme implication
de la médiation du Christ. En effet, pour Karl Rahner, il y a chez tout
chrétien, même baptisé depuis l'enfance et
éduqué sociologiquement comme tel,
Un devoir (...) de rejoindre existentiellement dans son
histoire propre ce qu'il sait dans une foi d'abord conceptuelle et ce qu'il est
dès toujours, initialement, par son existential surnaturel,
c'est-à-dire par l'autocommunication de Dieu toujours offerte dans sa
liberté, et par la manifestation de cette communication dans le
sacrement, dans son appartenance à l'Eglise et dans une libre praxis de
vie en Eglise115(*).
Dans ce sens, on peut dire, en parlant des deux formes de
christianisme, qu'être chrétien implique de le devenir,
c'est-à-dire de vivre concrètement un rapport toujours permanent
à Jésus-Christ, dans la foi, l'espérance et l'amour. Il y
va de la crédibilité même du message chrétien qui
« appelle une structure ontologique de
l'existence »116(*). La vie chrétienne doit se développer
même au sein de souffrances et d'échecs, jusqu'à se
déployer en expérience du rapport personnel à
Jésus-Christ au point où l'on puisse dire que dans le
chrétien, c'est le Christ qui vit. On voit donc là la tâche
propre du chrétien explicite ; c'est lui qui, par le
témoignage existentiel et par l'annonce kérygmatique doit
déchiffrer pour tout homme, le caractère chrétien de la
vie afin que vienne à expression la dimension universelle du peuple de
Dieu. Tel est le sens plénier de la vie ecclésiale et de la
mission.
2.2. L'EGLISE ET LA
NECESSITE DE LA MISSION
La question de l'Eglise se pose chez Karl Rahner en terme de
nécessité d'une médiation institutionnelle de la religion.
Dans sa réalité fondamentale, l'Eglise est comprise comme
détentrice d'une mission spécifique à l'égard du
monde, qu'elle se doit d'exercer comme une nécessité
inhérente au salut apporté par le Christ.
2.2.1. La réalité
fondamentale de l'Eglise
Le présupposé de la réalité
fondamentale de l'Eglise chez Karl Rahner est que le salut de l'homme le
concerne et l'engage dans toutes ses dimensions et donc son être
historique et social117(*). Ceci implique, sans nier la possibilité du
salut pour tout homme et en tout temps, la nécessité d'un
accomplissement de ce salut, de cette communication que Dieu a faite à
l'humanité. En effet, par la personne du Christ, assurant
définitivement l'autocommunication de Dieu au monde, Dieu est
entré personnellement dans l'espace et dans le temps bien
qu'étant leur fondement transcendantal, donnant ainsi aux hommes la
possibilité d'en prendre conscience et de pouvoir l'exprimer dans la
parole, le culte et la profession de foi. Et conformément à cette
présupposition, Rahner affirme que :
l'Eglise est la communauté légitimement
constituée en tant que société par laquelle la
révélation de Dieu qui est accomplie eschatologiquement dans le
Christ, ainsi que le don qu'il nous fait de lui-même, demeurent
grâce à la foi, à l'espérance et à la
charité, concrètement présents comme réalité
et comme vérité pour le monde 118(*)
La légitimité de l'Eglise tient de ce qu'elle a
été instituée et fondée par le Christ comme sienne,
lorsque, invitant tous les hommes à entrer dans le royaume de Dieu, il
établissait autours de lui des disciples comme une communauté
distincte (cf. Mc 6, 34 ; Mt 10, 6) et les introduisait dans sa mission
(cf. Mc 2, 19 ; Lc 22, 16) en désignant Pierre comme fondement (cf.
Mt 16, 18). Cette Eglise dont la constitution propre et la discipline
apparaissent dans le sermon sur la montagne (cf. Mt 5 ; 6 ; 7) doit
être universelle (cf. Mt 8, 10 ; 28, 18), une (cf. Jn 17, 11. 22-23)
et sainte (cf. Jn 17, 19). Elle est en même temps le signe du salut
réalisé par le Christ et la réalité de ce
salut119(*),
« en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois
le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout
le genre humain »120(*). Pour Karl Rahner, cette Eglise du Christ est
identifiable et discernable aujourd'hui dans l'Eglise catholique dans la mesure
où celle-ci a conservé le lien apostolique dans l'unité,
l'universalité et la sainteté121(*), mais elle n'exclut pas les chrétiens
d'autres Eglises, les croyants d'autres religions et même les
incroyants122(*). Le
Concile Vatican II a soutenu aussi cette thèse en parlant de
l'universalité et de la catholicité de l'unique peuple de
Dieu123(*).
En tant que réalité du don de Dieu
présente dans le monde, l'Eglise est un mystère puisque Dieu
lui-même y est présent sous la forme du mystère et elle
« n'est pas le substitut de Dieu pour tout ce qui (...) se passe ici
sur terre (...). Mais elle est l'événement par lequel, dans son
mystère même, il se rend présent à
nous »124(*).
Dans ce sens, l'Eglise « peut se définir comme le sacrement
de cette communication que Dieu nous a faite de lui-même, ou encore comme
le sacrement primordial »125(*). Et sous ce rapport, tous ses membres appartiennent
à un même corps, le corps du Christ, autocommunication par
excellence de Dieu aux hommes.
L'Eglise est aussi le lieu de l'amour de Dieu et du prochain
puisqu'en elle, l'homme découvre qu'il est aimé de Dieu et qu'il
doit aussi l'aimer à son tour en aimant ses frères. C'est
pourquoi « l'Eglise devrait ou doit se réaliser dans l'Eglise
locale concrète, dans l'intersubjectivité humaine concrète
des chrétiens qui croient et qui espèrent, non moins que dans la
concrétude du quotidien »126(*).
En tant que fruit et moyen du salut, l'Eglise, en vertu de
l'appel à l'unité de tout le genre humain et en vertu des
exigences intimes de son universalité doit être orientée
dans toute son activité à l'explication, par la
prédication et les sacrements, du mystère du salut
déjà réalisé de manière discrète dans
l'âme de tout homme. Elle ne doit viser en réalité qu'un
seul but comme le disait le Pape Jean-Paul II, « continuer, sous la
conduite de l'Esprit Paraclet, l'oeuvre du Christ lui-même, venu dans le
monde pour rendre témoignage à la vérité, pour
sauver et non pour condamner, pour servir, non pour être
servi »127(*).
C'est dans ce sens que Karl Rahner parle de l'Eglise comme médiatrice du
salut128(*). René
Latourelle le redit en des termes davantage explicites :
Le Christ a fondé l'Eglise, comme sacrement de sa
présence salvifique parmi les hommes et il a confié à
cette Eglise sa parole et ses sacrement pour éclairer et sanctifier les
hommes, et il a donné à cette Eglise son propre Esprit, l'Esprit
Saint, pour la diriger et l'empêcher de défaillir et la soutenir
jusqu'à la fin des temps129(*).
C'est à ce niveau qu'il faut situer la
nécessité et l'urgence de la mission dans l'Eglise qui, pour
Rahner, rentre non seulement dans la structure essentielle de l'Eglise, mais
aussi dans la constitution même de l'être chrétien,
c'est-à-dire du membre de l'Eglise.
2.2.2. La
nécessité de la mission
Le deuxième Concile de Vatican affirmait dans son
Décret De Activitate Missionali Ecclesiae Ad Gentes que la
raison de l'activité missionnaire « se tire dans la
volonté de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et
parviennent à la connaissance de la vérité. Car il n'y a
qu'un seul Dieu et un seul médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme
Jésus-Christ qui s'est livré en rédemption pour tous et il
n'existe de salut en aucun autre »130(*). L'Eglise étant le sacrement du salut, elle a
le devoir qu'elle tient du Seigneur, de diffuser et de réaliser par sa
prédication, l'actualité de ce salut chez les hommes de tout
temps. C'est ce qui fait la nécessité de la mission.
Chez Karl Rahner le problème se pose à
côté de la conscience contemporaine de l'existence d'un
christianisme anonyme. En quoi la mission est-elle nécessaire quand on
sait que même chez les hommes qui n'ont jamais entendu parler du Christ,
« l'on trouve, sous l'effet de l'action de Dieu, la justification de
la grâce sanctifiante »131(*) ? Le problème se pose aussi en face de
la crise du fondement de la responsabilité du chrétien pour le
salut ou la perdition de son prochain. Y a-t-il « une
responsabilité authentique à l'égard de l'âme de nos
frères et de leur salut éternel »132(*) ? Pour la
première problématique, celle de la nécessité de la
mission en face de la prise de conscience que le Christ est présent
même chez ceux qui ne le connaissent pas, Rahner reconnaît comme
implication de la médiation universelle du Christ, le fait que
« les hommes peuvent faire leur salut sans appartenir à
l'Eglise de façon tangible, sans même être rattaché
au christianisme tel qu'il se révèle dans
l'histoire »133(*). Cependant, il souligne la nécessité
pour nous de distinguer les vérités que nous envisageons dans
leur portée existentielle et leurs traductions en normes
concrètes. Car la destiné de tout homme est toujours liée
de manière radicale au cadre de sa vie concrète d'ici bas. Ce qui
compte pour l'homme, c'est ce qu'il aura fait du cadre concret de sa vie et non
le reste. Le cadre du christianisme est celui de la prise de conscience
explicite du salut, et de la nécessité qu'il soit explicitement
révélé pour tout homme. Ainsi donc, Dieu se sert des
chrétiens explicites comme des intermédiaires auprès de
ceux qui ne croient pas encore et on ne peut pas soutenir la non
nécessité de la mission, encore moins sa non urgence sous le
prétexte de la possibilité que l'on a de faire son salut
même en dehors des voies normales établies par Dieu134(*). Le christianisme explicite
doit être, comme le soulignait aussi le Secrétariat Pour les
Non Chrétiens, « le levain et l'âme de la
société pour la rénover dans le Christ et en faire la
famille de Dieu »135(*).
La question de la responsabilité authentique des
chrétiens à l'égard des autres, en ce qui concerne leur
salut, est résolue par Karl Rahner qui montre que
l'épanouissement spirituel de l'homme ne se réalise que dans une
communion avec ses frères. Pour lui, la responsabilité que les
chrétiens ont pour le salut des autres est un facteur décisif de
leur propre salut136(*).
Ils doivent prendre conscience du devoir qui les incombe à professer un
amour désintéressé sous peine de risquer leur propre
salut. Une telle prise de conscience, loin d'être un égoïsme
fait mesurer à quel point le salut des autres est nécessaire et
pose en même temps la nécessité de la mission. Le Pape Jean
Paul II disait à ce sujet que
nous ne pouvons pas avoir l'esprit tranquille en pensant aux
millions de nos frères et soeurs, rachetés eux aussi par le sang
du Christ qui vivent dans l'ignorance de l'amour de Dieu. Pour le
chrétien individuel comme pour l'Eglise entière, la cause
missionnaire doit avoir la première place car elle concerne le destin
éternel des hommes et répond au dessein mystérieux et
miséricordieux de Dieu137(*).
La mission est alors une nécessité pour l'Eglise
et pour tout chrétien. Elle répond à la
responsabilité de tous pour « la constitution de l'Eglise,
comprise non seulement comme fruit du salut, mais également, dans la
même mesure en tant que médiation du salut »138(*). Elle consiste à
témoigner du christianisme sous son aspect tangible, cet aspect que le
Christ a voulu comme tel pour révéler sa grâce :
« sous la forme d'un témoignage tangible »139(*). Ce témoignage
coïncide avec la prédication libre de l'Evangile au milieu de tous
les peuples et dans toutes les situations historiques pour appeler les hommes
à la libre obéissance de la foi (cf. Mt 28, 19). Un tel
témoignage doit être conscient que le langage de l'amour est plus
expressif que celui de la parole et en user surtout dans les contextes
d'opposition explicite. Benoît XVI y revient dans sa première
Encyclique sur l'Amour de Dieu en rappelant que « le chrétien
sait quand le temps est venu de parler de Dieu et quand il est juste de se
taire et de ne laisser parler que l'Amour »140(*).
2.2.3. Les domaines de la
mission
Pour spécifier les domaines de la mission, Rahner
distingue la mission officielle de l'Eglise de celle de tout chrétien.
La mission de tout chrétien s'inscrit dans n'importe quel cadre
existentiel en tant qu'elle porte sur le témoignage vécu.
Toute situation dans laquelle se trouve un être
humain : qu'il soit malade ou en bonne santé, borné ou plein
de ressources, qu'il soit loin de Dieu ou qu'il vive dans la sainte
liberté des enfants de Dieu, peut représenter un
élément de christianisme positif. Rien de tout cela n'est
purement négatif. Tout doit être au contraire estimé et
exploité comme valeur positive (...). Il n'est pas de situation qui ne
puisse constituer pour notre christianisme une chance141(*).
Toutes les situations existentielles de l'homme constituent
dans ce sens des cadres de déploiement de la vie missionnaire pour tout
chrétien. Aucune frontière n'est à envisager à ce
niveau.
La mission officielle de l'Eglise dont celle de tout
chrétien constitue l'élément fondamental, vise l'homme
dans la réalité de son être, dans son
intégralité142(*). Les espaces de la mission apparaissent alors selon
les situations historiques concrètes de l'homme dans la
société en général. C'est aussi ce que soutenait le
Pape Jean Paul II pour qui « les transformations rapides et profondes
qui caractérisent le monde d'aujourd'hui (...) exercent une forte
influence sur le cadre de la mission »143(*). Claude Géffré
est aussi arrivé à un constat pareil lorsque, analysant la
situation de l'homme contemporain, il propose à la suite de Jean Paul
II, le dialogue interreligieux, la mondialisation et l'inculturation comme des
nouveaux espaces de la mission144(*). Comme Karl Rahner l'a fait145(*), et dans une visée
beaucoup plus contemporaine, Claude Géffré soutient
qu' «il faut inclure dans la mission de l'Eglise le dialogue
interreligieux et toutes les tâches qui sont au service de la
libération intégrale de l'homme et de l'avènement de la
justice et de la paix dans le monde »146(*). Dans cette même
logique, au delà de la permanence et de la vitalité des grandes
religions du monde, la mission de l'Eglise doit relever le défi des
grandes cultures (Africaine, Asiatique) en y insérant
véritablement l'Evangile qui par essence doit devenir le bien de tout
homme ; et elle doit aussi affronter le choc culturel de la mondialisation
en proposant les valeurs évangéliques comme « antidote
à la déshumanisation »147(*).
2.3. CONCLUSION
Au terme de la deuxième étape de ce travail,
rappelons qu'il était question, à la suite de Karl Rahner, de
dégager les implications existentielles et missiologiques de la
médiation universelle et absolue du Christ dans l'oeuvre du salut.
Pour Rahner, le dessein salvifique universel de Dieu,
réalisé de façon éminente en la personne du Christ
pour tous, implique que le peuple de Dieu soit universel. Cette implication se
déduit des éclatements qu'apporte le Nouveau Testament par
rapport à l'Ancien qui identifiait volontiers le peuple de Dieu à
Israël. Si l'humanité aujourd'hui présente une figure
divisée par le pluralisme religieux, permettant de distinguer les
chrétiens des non chrétiens, les croyants des incroyants, ce
n'est qu'une question d'explicitation de la médiation du Christ. Car en
effet, tout homme est concerné par le mystère du Christ, qui agit
par l'Esprit Saint et dans la discrétion, en tous. Dans ce sens, le
christianisme est tout simplement humain. Mais la nécessité
voulue par le Christ lui-même que se manifeste pour tous et de
manière concrète ce christianisme discret, fait naître la
communauté des chrétiens vivant en Eglise et tenus d'annoncer
à tout homme le mystère du salut.
La christologie de Karl Rahner constitue incontestablement une
base réelle pour la mission dans le contexte du dialogue interreligieux
et dans celui de la rencontre avec les grandes cultures. Il présente en
effet le mystère du Christ comme l'autocommunication que Dieu fait de
lui-même aux hommes en reconnaissant en tout homme l'ouverture au
Mystère absolu de Dieu en tant qu'événement de cette
autocommunication148(*),
utilisant ainsi un langage facilement acceptable par tous. Toutefois, cet
avantage peut devenir un grief pour la foi authentique de l'Eglise qui n'a
jamais séparé le mystère du Christ de la personne de
Jésus de Nazareth. C'est pourquoi il ne constitue qu'une étape
certes décisive, mais toujours à améliorer. Ainsi donc, la
relativité historique de la condition humaine marquée par la
diversité ne pourrait pas altérer le dépôt
sacré à transmettre à savoir l'Incarnation du Christ
pour libérer l'homme149(*). Ce message chrétien ne doit-il pas
s'enraciner dans toutes les cultures (et particulièrement dans la
culture africaine) et devenir leur expression propre ?
Chapitre
Troisième : APPROPRIATION AFRICAINE DE LA MEDIATION ABSOLUE DU
CHRIST
3.0. INTRODUCTION
Le problème de l'universalité du salut en
Jésus-Christ peut se poser différemment selon qu'on passe du
contexte général du rapport Dieu/homme à celui de la
rencontre des cultures où l'homme est compris dans un rapport avec ses
expériences historiques, religieuses et culturelles. Si d'un
côté il faut rendre crédible la médiation du Christ
dans le rapport de l'homme avec Dieu, de l'autre côté, il faudra
montrer comment Jésus de Nazareth né dans une culture
spécifique et reconnu dans la foi comme Christ et médiateur du
salut peut être accueilli dans les autres cultures. Ce troisième
chapitre tire sa légitimité de l'essence même de la
théologie qui doit permettre au chrétien « grâce
à sa raison et à sa foi, de porter un jugement
éclairé sur son expérience historique à la
lumière de ce qui est devenu principe de toute son existence
terrestre »150(*). Il s'agit donc, en tant qu'Africain151(*), de s'approprier le message
chrétien c'est-à-dire de constater l'impact réel du salut
apporté par le Christ sur la vie des sociétés africaines,
et de voir comment « un africain conscient de son identité, de
ses continuités et de ses solidarités peut être
chrétien »152(*). Il faudra donc présenter la
problématique christologique en Afrique, donner ensuite la valeur de la
médiation du Christ dans ce cadre, et faire ressortir enfin un type
d'appropriation africaine du mystère du Christ.
3.1. LA PROBLEMATIQUE
CHRISTOLOGIQUE EN AFRIQUE
La christologie en général s'oriente sur la
personne de Jésus-Christ pour comprendre que c'est
précisément en lui que « Dieu assume une autre
réalité que celle qu'il est déjà et qu'il fait de
cette réalité une manifestation de sa présence à
lui »153(*).
Dans le contexte africain, sans négliger cette approche
générale, la christologie cherche à présenter
« l'espace ou le champ dans lequel se pose effectivement le
problème d'une rencontre de l'Afrique ou plutôt des Africains avec
Jésus-Christ »154(*). Dans la mesure où elle doit tenir compte de
l'existence même des individus et des peuples africains, elle fait
référence à une triple dimension religieuse,
socio-politique et institutionnelle.
3.1.1. La dimension religieuse
Les peuples noirs africains avant l'arrivée du message
chrétien, ont agit et se sont formés une conscience communautaire
et une forte relation avec la transcendance fondée sur la
médiation des ancêtres. Ils ont admis que les hommes sont
liés aux ancêtres et qu'au dessus de ceux-ci, il y a un Dieu
Supérieur à qui on se réfère dans tous les
événements de la vie et de l'existence. Jean-Marc Ela soutient
par exemple « qu'en Afrique noire en général, la
relation de l'homme au surnaturel est une expérience inhérente
à la vie sociale, inséparable de ce qu'on vit et de ce qu'on
fait »155(*).
Dans ce contexte, les Africains ont alors appréhendé et
apprécié leurs ancêtres non seulement comme les fondateurs
de la tribu, de l'ethnie et des coutumes, mais aussi comme des
médiateurs entre les hommes et Dieu puisque ce sont eux qui ont transmis
la vie offerte par Dieu, ce sont eux qui comblent le vide entre le monde
visible et le monde invisible par le lien d'amitié et de communion qui
continue d'exister entre eux et les vivants ; et par le rôle capital
qu'il tiennent dans la vie morale et cultuelle.
L'arrivée du christianisme en Afrique introduit dans
l'imaginaire religieux des Africains, et donc dans leur foi, un
élément nouveau et peut-être même difficilement
acceptable : Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est l'unique
médiateur entre Dieu et les hommes. Il a réalisé une fois
pour toute dans son Incarnation, sa Passion, sa Résurrection et sa
Glorification l'oeuvre du salut pour tout homme. La démarche
Christologique dans ce contexte consiste alors à montrer en quoi le
Christ concerne-t-il les Africains : faut-il lui rechercher une place
authentique dans la religion traditionnelle africaine ou faut-il plutôt
chercher à situer ce système religieux dans le mystère du
Christ ? Cette problématique a été posée de
plusieurs manières dans les milieux théologiques africains ;
tantôt sur un ton polémique, tantôt sur un ton beaucoup plus
systématique ou même encore plus pastoral ; à chaque
fois, elle a exprimé la réalité de ce qu'est la foi au
Christ en Afrique.
En 1981, le philosophe théologien Fabien Eboussi
Boulaga se demandait déjà, parlant du christianisme en Afrique si
« le statut et le fonctionnement des dogmes inculturés dans la
chrétienté et la civilisation occidentale peuvent encore
être les mêmes lorsqu'on transplante le christianisme ailleurs,
dans d'autres univers, et les vérités à croire ont-elle le
même poids de crédibilité sans
équivoque »156(*) ? La même problématique a
été reposée dans toute sa diversité en 1986 lorsque
pour la première fois, la collection Jésus et
Jésus-Christ dirigée par Joseph Doré, publie un
ouvrage sur le mystère du Christ tel qu'à la fois le
célèbrent, le confessent et le comprennent les chrétiens
d'Afrique. On y trouve rapporté quelques réactions
d'éminent chrétiens africains du genre : « Ton
petit Jésus là, n'est-ce pas avant-hier qu'il s'est
présenté ici, alors que nos ancêtres sont là
depuis ? »157(*) ; ou encore « Jésus-Christ,
Jésus-Christ, ... encore un blanc, encore un que j'aurais plaisir
à écraser sous mon seul pied gauche. Ouais !
Jésus-Christ, est-ce que je le connais, moi ? Est-ce que je viens
te causer de mes ancêtres moi ? »158(*). Cette dimension religieuse
de la problématique christologique en Afrique a davantage
évolué aujourd'hui, mais n'est du tout pas entièrement
éludée, du moins du point de vue de la pratique religieuse.
Nombre des chrétiens Africains écartent et méconnaissent
la médiation du Christ, ils continuent encore à se
référer volontiers aux pratiques ancestrales « pour
obtenir le succès ou le bonheur pour leur vie humaine
quotidienne »159(*).
3.1.2. La dimension
socio-politique
Les peuples africains de l'époque coloniale, qui
correspond plus ou moins avec l'arrivée formelle du message
chrétien, et ceux de l'époque post-coloniale, comme ceux
d'aujourd'hui, ont vécu et connu des situations socio-politiques
particulières qu'on ne peut radicalement dissocier de la vie religieuse.
Le pape Jean-Paul II dans l'Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia
in Africa a resumé ces situations en quelque mots : l'Afrique,
dit-il, « est une terre où des nombreuses nations sont encore
aux prises avec la faim, la guerre, les tensions raciales et tribales,
l'instabilité politique et la violation des droits de
l'homme »160(*). Les questions telle que la pauvreté
croissante, l'urbanisation, la dette internationale, le commerce des armes, le
problème des réfugiés et des personnes
déplacées, les problèmes démographiques et les
menaces qui pèsent sur la famille, l'émancipation de la femme, la
propagation du sida et les oppositions tribales161(*) sont devenus et restent
encore monnaie courante en Afrique. Ces problèmes constituent
d'ailleurs les questions fondamentales adressées à la religion.
Du point de vue christologique, ces questions deviennent
beaucoup plus expressives en face du message chrétien du salut des
hommes médiatisé et réalisé par
Jésus-Christ ; ce d'autant plus que le Christ est
présenté comme le sauveur et le libérateur du genre
humain. Le problème christologique revient alors à montrer en
quoi le Christ est un sauveur pour l'Afrique. Le salut de l'Afrique
dépend-t-il de l'authenticité de la foi au Christ vécue
par les Africains ? Cette problématique, plus qu'idéologique
s'est révélée pratique au point où on a
comparé l'oeuvre de certains leaders politiques
« charismatiques » à celle du Christ162(*). L'enseignement de l'Eglise
au deuxième Concile de Vatican était pourtant incendiaire
à ce sujet : « La mission propre que le Christ a
confiée à son Eglise n'est pas d'ordre politique, ni
économique ou social : le but qu'il lui a assigné est
d'ordre religieux »163(*). La problématique christologique devient
alors poignante dans sa dimension socio-politique pour les Africains. Eloi M.
Metogo y participe à la suite de Mongo Beti et d'Eboussi Boulaga pour
accuser les responsables de l'Eglise de se réfugier
dans l'idéalisme en s'en tenant au seul dogme et à la seule
révélation devant les désordres sociaux (...). La
présence rédemptrice de Jésus-Christ aujourd'hui dans les
sociétés africaines doit être assurée par les
chrétiens Africains. Jésus n'est pas présent dans le monde
sans ses témoins, sans des hommes et des femmes prêts à
poursuivre le combat qu'il a engagé voici deux mille ans pour
l'égalité et la justice. Si les chrétiens
désertent, d'autres le mèneront et mériteront les titres
de messagers de l'Evangile de justice, de messies et de
rédempteurs164(*)
.
L'écho de cette problématique est donné
aujourd'hui par Edoh F. Bedjra qui se demande « en quoi l'Eglise
peut-elle se prévaloir de sacrement du salut pendant plus de cent ans
d'évangélisation dans ces pays toujours en proie à la
pauvreté, à la famine et au génocide »165(*) ?
Il serait donc impossible de parler de la médiation
salvifique du Christ en Afrique sans envisager cet aspect
socio-politique ; bien au contraire, la prise au sérieux de cette
question au coeur de la réflexion christologique est en soi un pas
important de recherche de solution pour une véritable christianisation
du peuple africain.
3.1.3. La dimension
institutionnelle
Cette troisième dimension du problème
christologique en Afrique relève de l'implication ecclésiale de
la médiation absolue du Christ. En effet, le Christ est arrivé en
Afrique déjà institutionnalisé ; et pas seulement
dans une institution mais dans plusieurs166(*), au point où on peut parler d'un morcellement
du Christ. Il n'est pas non plus arrivé en Afrique tel qu'il est dans
son authenticité mais confondu avec la culture occidentale, avec ses
formes de pensée, son organisation et ses structures ecclésiales.
La question est de savoir si l'accès au Christ en Afrique doit
nécessairement être institutionnalisé167(*). Y a-t-il autant de christs
pour l'Afrique que des églises institutionnalisées sous la forme
desquelles il est venu ?
Ce problème fait l'objet des préoccupations du
théologien Eboussi Boulaga qui, parlant du christianisme
acculturé dans la civilisation occidentale et exposé en Afrique,
soulignait la difficulté et même l'impossibilité d'un
contact effectif de la foi africaine avec l'authenticité du Christ. Pour
lui en effet, ce qui est visé dans une telle transplantation, c'est la
domination ; « la foi ne l'est qu'obliquement, il arrive
même qu'elle soit absente et qu'on n'éprouve aucun scrupule
à diffuser une façon de vivre qu'on estime la plus haute, faisant
système avec la civilisation dominante »168(*).
Cette même problématique a été
à la base de la formation en Afrique des associations
oecuméniques. Le Christ étant unique aussi bien dans sa personne
que dans sa fonction, ne vaut-il pas la peine de mettre de côté
les différences institutionnelles héritées, pour penser en
disciple du Christ les voix et moyens de libération de l'Afrique ?
C'est d'ailleurs à propos de cette même problématique que
le Pape Jean-Paul II a proposé, à l'issu du Synode des
Evêques Africains, l'oecuménisme comme condition de
crédibilité du message chrétien169(*).
Ces diverses orientations du problème christologique
africain et bien d'autres ont conduit de façon synthétique
à deux directions principales de recherches christologiques en Afrique.
D'une part, on s'intéresse à l'Incarnation du Christ comme
mystère du fils de Dieu fait homme et on développe une
Christologie « d'en bas » où l'homme est au centre
de la réflexion, cet homme africain compris aussi bien dans la
référence à sa communauté de vie qu'à sa
source ultime. D'autre part on s'intéresse au Règne de Dieu
instauré par Jésus-Christ, ce Règne qui est celui de la
victoire sur le mal et de l'abolition du péché en tant
qu'atteinte à l'ordre social et à la vie commune170(*). La problématique
Christologique dégagée, il reste à analyser maintenant la
nécessité et la nouveauté de la médiation du Christ
en Afrique.
3.2. VALEUR DE LA MEDIATION
DU CHRIST EN AFRIQUE
La valeur de la médiation du Christ se dégage
des différents efforts entrepris jusqu'ici pour répondre aux
problèmes christologiques du continent. Cette valeur s'enracine non
seulement dans le besoin absolu du salut dont le peuple africain fait montre,
mais aussi dans l'identité même de l'Africain et surtout dans la
nouveauté du Christ.
3.2.1. Le besoin du salut en
Afrique
Il faut envisager le besoin du salut en Afrique d'abord dans
son aspect général en tant que le peuple africain fait partir de
l'humanité. Tout homme en effet a besoin du salut aussi bien
ontologiquement en tant que personne et sujet mais aussi du point de vue
Ethique en tant que radicalement menacé par la faute. D'autre part
l'homme Africain n'est pas non plus épargné de la situation
actuelle du monde dans laquelle toute l'humanité est impliquée et
dont la référence à Dieu est l'unique issue171(*).
Le besoin du salut en Afrique doit aussi être
envisagé en fonction de la situation concrète et
particulière des peuples africains. Sous ce rapport, le besoin est
presque évident si l'on considère le salut à la suite de
Karl Rahner, non seulement comme « la constitution de
l'humanité en royaume de Dieu et don de Dieu à
L'homme »172(*), mais aussi comme objectivation catégoriale
de cette constitution et de ce don173(*). C'est-à-dire leur expression dans
l'existence concrète des hommes. En effet, dans l'ensemble, les peuples
africains vivent dans une situation socio-politique alarmante qui en soi pose
la nécessité du salut. La vie de l'homme est fortement
marquée par la souffrance, de la naissance à la mort, et
malgré les richesses dont le continent regorge et les aides qu'il peut
recevoir des autres nations, on y souffre à naître et on y souffre
à mourir174(*).
Cette souffrance est d'autant plus forte qu'elle touche aussi la dimension
culturelle chez bon nombre d'africains. On note par exemple une absence
caractérisée de « curiosité scientifique (...)
et de conscience identitaire »175(*) qui immobilisent certainement la culture africaine
et ferment les issues de l'évolution des sociétés.
Celles-ci sont plongées dans une misère épouvantable due
à une mauvaise administration des rares ressources disponibles et
connaissent une instabilité politique qui désoriente tout le
système social.
Selon le théologien africain jésuite Ntima
Nkanza, c'est une situation de crise que vit l'Afrique ; une crise
d'identité anthropologique en ce sens que la confrontation du patrimoine
traditionnel avec les autres cultures conduit à une nouvelle forme
d'être au monde ; une crise économique, idéologique et
politique qui crée des différences au sein des populations ;
une crise spirituelle caractérisée par le manque de confiance en
soi-même176(*).
Dans cette situation, il est tout à fait évident
que l'Afrique a besoin de l'espérance, de paix, de la joie de vivre, de
l'amour et d'unité qui sont la substance même du message
chrétien en tant qu'attributs du salut. L'Afrique est indubitablement en
situation de besoin radical de salut. Elle « n'est pas vouée
à la mort, mais à la vie »177(*). Son identité et la
rencontre avec le Christ vivant lui sont nécessaires.
3.2.2. Identité
africaine comme médiation pour son salut
Edoh F. Bedjra affirme que « pour arriver aux
hommes, le salut de Dieu a besoin pour se faire vrai dans l'histoire des hommes
d'aujourd'hui, de l'homme et de ses systèmes
d'efficacité »178(*). Cette conviction, et celle de la présence
réelle du mystère du Christ en tout homme, même dans
l'anonymat telle que Rahner l'a fait voir179(*), fondent cette proposition de l'identité
africaine comme lieu de la médiation pour son salut.
A bien observer l'expérience culturelle et religieuse
des peuples africains en dehors de la révélation
chrétienne, on y découvre de façon bien claire les valeurs
d'espérance, de paix, de joie et d'unité qui sont devenues
aujourd'hui l'aspiration profonde des Africains. L'expérience religieuse
africaine révèle dans l'ensemble une foi monothéiste
portant sur le Dieu unique, le Très Haut, dont les divers rites de
louange et les cultes célébrés visent fondamentalement et
ultimement l'homme et son salut. Par ailleurs, la conscience anthropologique
des cultures africaines accorde une place de choix à la vie comme une
valeur sacrée reçue de Dieu à travers les ancêtres
pour être transmises aux générations. L'homme est toujours
compris non comme un individu isolé, mais comme membre d'une
communauté de vie et essentiellement relationnel. Dans un tel contexte
où le salut de l'homme est la première préoccupation, les
valeurs de paix, de prospérité, de solidarité et
d'unité sont aussi premières et structurent l'agir des hommes.
Cette réalité identitaire des peuples africains permet donc de
comprendre que la crise dans laquelle ils sombrent n'est pas seulement la
conséquence du retard technique et économique mais aussi celle de
la désarticulation voire de l'aliénation de son identité
au contact avec des civilisations en expansion et en position de domination.
S'il est vrai que l'homme peut vivre implicitement, même
sans le connaître et le confesser explicitement, le mystère du
Christ, il est autant vrai que l'on peut lire dans l'identité africaine
une médiation pour le salut de l'Afrique. De manière
concrète, les Africains doivent être eux-mêmes les agents de
leur libération, ils doivent réveiller les valeurs positives de
leur culture pour retrouver leur propre identité, qui en elle-même
est favorable à leur salut dans son aspect catégorial avec ses
implications socio-politiques et donc dans son aspect essentiel en tant
qu'avènement du Règne de Dieu. Il faut cependant le
reconnaître, une telle entreprise demeure difficile en elle-même
compte tenu du sérieux coup historique qu'a reçu
l'identité africaine avec la traite des esclaves et la colonisation. Ces
deux moments de l'histoire africaine, comme le souligne Edoh F. Bedjra,
« constituent des brisures ontologiques qui laissent sur l'Afrique et
donc sur sa culture des conséquences néfastes, inattendues et
insoupçonnées »180(*). Le retour à l'identité africaine
nécessite, humainement parlant, que soient remontées ces
conséquences. Si du point de vue humain, c'est pratiquement difficile
voire impossible de le faire, un modèle divin devient absolument
nécessaire, et même impératif et indispensable. C'est ici
que peut et doit se situer la nécessité de la médiation du
Christ en Afrique dans toute sa nouveauté.
3.2.3. La
nécessité et la nouveauté de la médiation du Christ
Le message chrétien affirme que Dieu s'est
révélé tel qu'il est en la personne de Jésus-Christ
par qui il est devenu semblable aux hommes pour porter avec eux leurs fardeaux
et les en délivrer. Le Christ en effet a vécu son existence
terrestre et ses souffrances et assumé sa signification immanente en
s'abandonnant tout entier entre les mains de Dieu. Il a connu ainsi la mort sur
la croix, mais par sa résurrection, il est devenu Seigneur des vivants
et des morts, accordant ainsi à la mort gratuite une valeur salvifique
personnelle et universelle. Il a ainsi changé le
« tréfonds de l'abîme humain en lieu de
révélation de la fidélité de Dieu et de la prise au
sérieux, par ce Dieu, de la réalité historique du
monde »181(*).
C'est par amour et par obéissance amoureuse que le Christ a
expérimenté la mort injuste et violente. Cette mort qui convainc
de l'amour de Dieu pour le monde et de sa volonté salvifique
universelle, qui « annule notre état de pécheur devant
Dieu et instaure entre Dieu et l'homme une relation de
salut »182(*).
Par sa mort et par sa Résurrection, le Christ est non seulement
authentifié comme sauveur, mais aussi « établi Seigneur
et Christ, manifesté par Dieu comme son propre
fils »183(*).
Il a apporté le salut qui est en même temps sa personne car en
lui, est récapitulé toute l'histoire de l'humanité et les
histoires concrètes des peuples, des nations et des individus.
La nécessité de la médiation du Christ en
Afrique est alors évidente. L'homme africain ne peut pas surmonter par
lui seul sa mémoire historique blessée pour se frayer un chemin
concret de libération. Plus que des leaders politiques dignes de ce noms
et des entrepreneurs chevronnés ou encore des techniciens, qui sont en
eux-mêmes nécessaires, l'Afrique a besoin d'un Modèle divin
au sens fort du terme, un modèle de transcendance, un modèle
d'amour pardonnant et obéissant, un modèle de résurrection
qui soit capable de transformer « l'expérience de la mort
inutile et gratuite en lieu de victoire du bien sur le
mal »184(*).
Il faut la foi au Christ pour sauver l'Afrique. Ceci est d'autant plus vrai que
le Christ apporte une nouveauté radicale sur le système
simplement humain de libération et même sur le système
religieux africain. Il n'est pas seulement libérateur comme le seraient
les leaders des partis politiques le plus souvent visant leur propre
intérêt au gré de la destiné du peuple ; il est
premier né en tant que Fils de Dieu, mais pas seulement à la
manière de nos ancêtres qui eux sont des humains comme nous. Et
Ntima Kanza a raison, quand, parlant de Jésus-Christ, il dit :
En lui, se trouve la possibilité de reprendre d'une
manière positive l'histoire dramatique de l' esclavage pour en faire un
lieu de libération et de prise de décision ; en lui se
comprend et est assumée la lutte actuelle pour la vie ; en lui, les
peuples dont la philosophie est le maintien de la vie rejoignent le
Maître de la vie lui-même qui a envoyé son fils pour qu'ils
aient la vie en abondance (Jn 10, 10) ; en lui s'ouvre enfin la
possibilité pour des sociétés en crise d'institution et
d'hommes de confiance, d'oser croire en l'homme, de retrouver l'élan
positif des relations qui se tissent entre les hommes185(*)
Comprenant ainsi le besoin du salut en Afrique et la place de
la médiation du Christ, du moins du point de vue de son objectivation
catégoriale, l'on ne peut que donner une réponse positive
à la question de savoir si « un Africain conscient de son
identité, de ses continuités et de ses solidarités peut
être chrétien »186(*). Une telle réponse implique alors que
l'Afrique s'approprie dans son authenticité le mystère du Christ,
pour que son action salvifique prenne son sens et soit efficace
concrètement ainsi qu'elle l'est en réalité.
3.3. APPROPRIATION
AFRICAINE DU MYSTERE DU CHRIST
L'exigence d'authenticité du mystère du Christ
implique, dans toute entreprise d'appropriation, une référence
à la Révélation. Pour les peuples africains il faudra
aussi faire appel à leur intelligence du réel pour formuler le
message chrétien.
3.3.1. Une appropriation
fondée sur la Révélation
La proposition de la Révélation comme fondement
du langage christologique africain tient en deux raisons fondamentales. La
première correspond au critère de compatibilité avec le
message chrétien que le Pape Jean Paul II définissait
déjà à l'issu de l'Assemblée spéciale du
Synode des évêques pour l'Afrique, pour toute démarche
d'inculturation187(*).
En effet, tout le message chrétien s'enracine dans la
Révélation en tant que Parole de Dieu aux hommes (reçue et
transmise), les invitant à entrer en communion avec Lui et à
devenir participant de sa nature divine188(*). En se fondant donc sur la Révélation,
le langage christologique africain n'a aucune chance de s'écarter du
message chrétien dans son authenticité.
La deuxième raison quant à elle, correspond au
fruit de la réflexion de Karl Rahner pour qui la
Révélation, aussi bien dans son aspect transcendantal que
catégorial, culmine en la personne de Jésus-Christ189(*). Cette manière de
comprendre la Révélation permet d'admettre la possibilité
d'un accès direct à Jésus-Christ à travers les
Saintes Ecritures. Fabien Eboussi Boulaga réfléchissait
déjà sur cette possibilité pour le chrétien
africain de refuser de croire par procuration. Il proposait en effet de
s'interroger sur le sens originaire du christianisme qui se situe
« en amont des dogmes, au plus proche de la
source »190(*). Un tel christianisme, pense-t-il, est
nécessairement celui que proclame les Evangiles et peut être
comparé à celui des habitants de la Samarie qui
préfèrent se passer des commentaires de la femme samaritaine pour
boire à la source (cf. Jn 4, 42). Loin d'être un refus des dogmes,
un tel christianisme conduit plutôt à leur sens et à leur
signification, il renvoie « à Dieu, à son
mystère et à l'ensemble des opérations, des conduites que
sa reconnaissance déclenchent et qui la
signifient »191(*).
L'avantage qu'il y a à fonder le discours
christologique africain sur la Révélation au sens de Karl Rahner
et d'Eboussi Boulaga consiste à dissiper la problématique
institutionnelle de la christologie africaine et à favoriser le dialogue
oecuménique dans ce domaine. Si on cherche à comprendre le Christ
en Afrique en se référant à la Parole de Dieu, on se place
en amont des querelles institutionnelles et on lie la réalité
africaine à l'authenticité du mystère du Christ. Et
puisque la théologie se développe grâce à la foi et
aussi grâce à la raison qui rend compte de l'espérance,
l'intelligence africaine doit aussi contribuer à l'appropriation du
Mystère du Christ.
3.3.2. Contribution de
l'intelligence africaine
Plusieurs éléments anthropologiques de
l'intelligence africaine peuvent permettre l'accès au Christ de la
Révélation. L'on retient ici trois d'entre eux qui paraissent
plus déterminants dans ce sens. Il s'agit de l'intelligence africaine de
l'être de l'homme, l'intelligence africaine de la mort et l'intelligence
des titres socio-anthropologiques.
a) L'intelligence africaine de l'être de
l'homme
En Afrique noire l'être est pensé
généralement en terme de relation et de solidarité et
rarement ou jamais en terme d'essence, de substance, de nature ou même
d'idée. Les peuples africains ont vécu dans un cadre
déterminé et ont acquis une conscience fortement communautaire
qui tend à absorber la conscience individuelle. En Afrique on ne se
définit pas soi-même, on est membre d'une telle ou telle autre
ethnie. Cette manière de voir s'applique aussi bien à
l'Être Suprême qu'à l'être de l'homme. Efoé
Julien Penoukou dans son article «Christologie au village »
souligne à ce propos qu'en Afrique, « on accueille
l'être non pas comme un mystère spéculatif, mais tel qu'il
se dévoile dans son être-là-avec, dans une rencontre qui
fait place à l'émerveillement »192(*). En tant qu'être
relationnel, l'homme en Afrique est ontologiquement dépendant de
l'Être Suprême de qui il tient l'être et la vie, et de son
cadre de vie, il est reconnu comme un être en mouvement vers un
accomplissement précis, il est un être qui naît, vit,
grandit, procrée et quitte ce monde pour le monde de l'au-delà
où il continue à vivre en présence des ancêtres qui
l'ont précédé et proche de Dieu qui est source de vie.
Efoé Julien Penoukou désigne ces diverses phases de l'être
humain par « instance d'accomplissement de
l'être-là-avec »193(*). Il y perçoit « une sorte de relais
ou de creuset ontologique où l'homme s'épanouit, se nourrit et
mûrit au sein de la relation
cosmo-thé-andrique »194(*).
Cette conception de l'homme en Afrique laisse apparaître
une certaine priorité de la vie sur la mort qui pourrait conduire
à un langage christologique spécifique. Jésus-Christ est
présenté comme cet être qui ayant préexisté
à toute chose, s'est défait de sa condition divine pour devenir
homme et connaître la mort pour être exalté dans une
nouvelle vie (cf. Ph 2, 6ss). Ce passage de vie/mort/vie qu'a connu le Christ,
ne peut pas être étranger à l'ontologie africaine ;
bien au contraire, il exprime davantage « cette solidarité
ontologique qui lie dans une communion de vie l'être divin et
l'être humain »195(*). C'est en quelque sorte ce que Karl Rahner a
désigné par possibilité a priori de l'idée
d'homme-Dieu en soutenant qu'il appartient à l'être même du
Christ de se solidariser avec l'homme196(*). De ce point de vue l'ontologie africaine peut
constituer un lieu fertile pour comprendre la radicalité de l'Amour
solidaire du Christ par lequel il donne sa vie en rançon pour la
multitude. On peut facilement percevoir en Christ la prise en main par Dieu de
la destinée humaine.
b) L'intelligence africaine de la
mort
La compréhension de l'intelligence africaine de la mort
ne peut se faire en dehors de la conception africaine de la vie car, en Afrique
noire, la place centrale qu'occupe la vie donne une conception
particulière à la mort.
Tout Africain est en effet attaché à la vie et
à tout ce qui la constitue et la développe. La mort quelque
surprenante soit-elle ne met pas un terme à la vie. C'est ici un lieu
concret où l'Africain peut dégager la signification salvifique de
la mort du Christ, étant entendu que par elle l'être du Christ,
comme le dit Karl Rahner, « s'est ouvert à l'univers entier, a
pénétré tout le cosmos et est devenu pour celui-ci une
détermination réelle, ontologique permanente et
radicale »197(*). En effet, si pour l'Africain la mort entraîne
certes une profonde modification à la vie, mais sans l'interrompre, il
faut comprendre qu' « elle la renforce sous un certain angle, au
moment même où elle semble l'affaiblir à un autre niveau.
Mourir c'est changer d'aspect et continuer à vivre sur un autre
plan »198(*),
et Karl Rahner parle d'un plan pancosmique199(*). Au-delà des divers rites funèbres et
des coutumes qu'on peut rencontrer partout en Afrique, François
Kabassele fait découvrir que pour les Africains, « la vie est
un flux jaillissant de la mort ; le monde est la
compénétration de l'au-delà et de l'ici-bas, du visible et
de l'invisible, et la mort devient le lien, la transmission, le passage,
l'occasion de relier les deux pôles »200(*). Sous ce rapport, la mort
qui touche le défunt implique aussi les vivants et tout leur
environnement socio-cosmique. Une communion réelle existe entre les
défunts et les vivants terrestres. Il devient facile de comprendre
comment la mort du Christ concerne tout homme et tout l'univers.
c) L'intelligence africaine des titres
socio-anthropologiques
Il s'agit ici des titres qu'on utilise dans les
sociétés africaines pour désigner des personnes
particulières à cause de l'influence qu'elles ont dans la vie
sociale ou du rôle qu'elles occupent dans le groupe. Ils sont toujours
traversés par une intelligence particulière qui peut servir d'une
manière ou d'une autre à l'appropriation du mystère du
Christ. Le titre de Chef par exemple se retrouve dans toutes les
sociétés africaines et désigne le garant de la tribu, de
l'ethnie ou du village. Il est souvent attribué au fondateur de la
communauté. Celui-ci en effet, a fait preuve d'héroïsme et
est ainsi capable de conduire les hommes en tant que conciliateur, fort et
généreux. Ce titre peu permettre une bonne compréhension
du mystère de la royauté du Christ, lui qui, comme le dit Karl
Rahner, sortit « de la redoutable splendeur où il demeure en
maître souverain et vint à nous, entrant sans éclat dans la
chaumière de notre existence humaine »201(*). François Kabassele
explicite cette dimension royale du Christ en soutenant que « les
prérogatives d'un chef bantu paraissent avoir été
pleinement réalisées par Jésus-Christ. Le pouvoir sied
bien à Jésus-Christ, parce qu'il est un héros puissant,
parce qu'il est fils du chef et émissaire du chef, parce qu'il est fort,
parce qu'il est généreux, sage conciliateur des
hommes »202(*).
Un autre titre est celui d'ancêtre par lequel on
désigne les aînés de la tribu qui ont biologiquement
transmis la vie reçue du Créateur et qui continuent de la
protéger en intercédant pour leurs descendants. En tant
qu'êtres humains, ils ont mené une vie honnête et droite,
conforme aux modèles sociaux de la morale (prônée par leur
milieu de vie) et ont quitté ce monde paisiblement en laissant une
progéniture203(*). Cette intelligence du titre d'ancêtre peut
permettre une compréhension du Christ, chemin, vie et
vérité. En effet, le Christ est venu pour donner la vie en
abondance et grâce à lui, les hommes deviennent héritiers
de la vie de Dieu. Et comme l'a souligné Karl Rahner, Il est le fils de
Dieu et nous rend participant de cette filiation devenant ainsi notre
frère aîné. Il réunit en lui toutes les
médiations et devient l'unique médiateur entre Dieu et les
hommes204(*) (cf. He 8).
Joseph Doré témoigne par exemple qu'en nous remettant face
à Jésus-Christ Grand Frère, la foi des chrétiens
africains nous conduit à une donnée tout à fait
primordiale de nos sources chrétiennes. « Jésus,
dit-il, est premier en filiation et donc en fraternité, il l'est en
dignité mais aussi en service. Fils unique du Père, il nous ouvre
à nous-même un salut de filiation et de
dignité »205(*). La médiation des ancêtres en Afrique
peut permettre aux chrétiens Africains « d'approcher, sinon de
comprendre la plénitude de celle de
Jésus-Christ »206(*), chef des ancêtres207(*).
3.3.3. Confession africaine du
Mystère du Christ
Rien n'est impossible à Dieu (cf. Luc 1, 37.) ;
voici une expression forte de sens qui n'est pas absente dans l'imaginaire
religieux africain. Cette expression est d'autant plus vraie que Dieu, dans sa
volonté salvifique universelle, à l'égard des hommes et de
toute la création, a dû braver l'abîme qui le
séparait des hommes pour se solidariser avec leur propre
expérience et les en a délivrés. Ceci, selon Karl Rahner,
il l'a fait en la personne de Jésus-Christ, qui a connu la passion, puis
la mort sur la croix et est ressuscité, marquant ainsi la victoire
définitive de la vie sur la mort208(*). Jésus-Christ, Dieu devenu homme,
« est Africain dans les membres de son corps »209(*) et une confession africaine
du mystère du Christ possible non seulement dans une formule de foi,
mais aussi dans le témoignage existentiel.
Dans la formule de foi, le Christ peut être reconnu par
les chrétiens africains en tant que roi de l'univers à travers
les catégories linguistiques de chef, d'ancêtre et de frère
aîné qui à chaque fois, prennent une signification
éminente dans la mesure où aucun système culturel n'est en
mesure de traduire adéquatement le mystère de la
Révélation. Celui-ci reste toujours insaisissable parce que c'est
un mystère, mais aussi évocable parce qu'il est
révélé et incarné.
Dans le témoignage existentiel, le mystère de
l'Incarnation peut être confessé en Afrique dans une mobilisation
réelle pour la promotion d'une Afrique de réconciliation, de
pardon, de justice et de paix. Une telle entreprise ne va pas sans
difficulté car elle exige une vie d'engagement aussi bien au niveau
individuel que collectif des Africains eux-mêmes. Et comme le dit Karl
Rahner, un engagement « dans la patience, l'ouverture et la
fidélité au développement de la vie chrétienne
propre, jusqu'à ce que cette vie, lentement, peut-être au sein des
souffrances et d'échecs, se déploie en expérience du
rapport personnel à Jésus-Christ »210(*) ; lui qui à
travers la souffrance et « l'échec » a
proclamé la victoire du bien sur le mal.
Dans tous les cas, la profession de foi christologique en
Afrique doit devenir culture africaine, avec ses implications existentielles,
ecclésiologiques et missiologiques, car en effet, « une foi
qui ne devient pas culture est une foi qui n'est pas pleinement accueillie,
entièrement pensée et fidèlement
vécue »211(*). Une telle foi s'exprime dans la conversion
réelle des coeurs, des institutions et structures sociales en Afrique.
Elle seule pourrait ouvrir aux Eglises et aux sociétés africaines
ainsi qu'aux chrétiens individuels le vrai chemin de leur avenir dans la
grâce de Dieu212(*). La foi christologique en Afrique, plus qu'un
acquis, est un défi à relever dans l'oeuvre de
l'Evangélisation qui n'est qu'une continuation du dialogue de Dieu avec
l'homme, porté à son terme dans la personne de
Jésus-Christ, unique médiateur entre Dieu et les hommes.
3.4. CONCLUSION
Le but de ce chapitre était de constater l'impact
réel du salut apporté par le Christ sur la vie des
sociétés africaines, et de voir si un africain conscient de
son identité, de ses continuités et de ses solidarités
peut être chrétien. Ce but nécessitait en lui-même
que soit dégagé la particularité de la
problématique christologique africaine, afin de comprendre comment elle
s'insère dans le problème général du rapport de
Dieu avec l'humanité devenu réel en Jésus-Christ.
Le problème christologique en Afrique se dégage
en une triple dimension. Il est d'abord religieux, dans ce sens que la
médiation du Christ doit être comprise en rapport de
dépassement avec la médiation ancestrale du système
religieux africain. Il est aussi socio-politique dans ce sens que le salut dont
le Christ est médiateur, doit s'exprimer dans le contexte de crise qui
est celui de l'Afrique. Il est enfin Institutionnel parce qu'il cherche
à retrouver le Christ authentique, au-delà des figures
institutionnelles morcelées sous la forme desquelles il est venu en
Afrique. La réalité de crise socio-politique dans laquelle
l'Afrique baigne exprime historiquement son besoin de salut. Cette situation en
tant que conséquence d'une expérience historique qui marque
foncièrement les Africains nécessitent l'action d'un
modèle divin que seul Dieu peut offrir à travers le Christ. La
foi au Christ devient nécessaire et même impérative en
Afrique. Elle peut être exprimée dans les catégories
linguistiques africaines et vécue dans un engagement réel des
Africains dans la promotion des valeurs de paix, de justice, de
réconciliation, de pardon et d'unité.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette investigation, rappelons qu'il a
été question, à la suite de Karl Rahner, de la
médiation unique et salvifique du Christ et de son interprétation
en contexte africain.
La prise au sérieux du message chrétien de
l'universalité et l'exclusivité du salut en Jésus-Christ,
a permis de comprendre que la médiation du Christ est une exigence
même du rapport de l'homme avec son Créateur. En effet, l'homme
dont l'être tout entier est une question de salut trouve la
réponse ultime en la personne de Jésus-Christ par qui il est
définitivement lié à son Créateur comme à sa
fin. Si d'une part, l'homme est cet être créé par Dieu
à son image et dont la dignité, dégradée par la
désobéissance, ne peut être restaurée qu'en vertu
d'une intervention personnelle de la grâce de Dieu, d'autre part, dans
ses déterminations essentielles en tant que personne, sujet,
créature et être radicalement menacé par la faute, l'homme
est une question permanente du salut dont la réponse se trouve dans
l'union avec le Créateur213(*). Pour Karl Rahner, « les hommes qui
agissent historiquement les uns avec les autres sont en fait ou bien des hommes
qui possèdent une dignité dégradée par la faute, ou
bien des hommes qui possèdent une dignité rachetée par la
grâce »214(*). L'union de l'homme à son Créateur,
qui se fait sur l'initiative même de Dieu, s'actualise dans
l'autocommunication qu'il fait de Lui-même à l'homme et
s'expérimente dans la grâce. La personne de Jésus-Christ
parce que concrétisant et rendant visible cette autocommunication
absolue de Dieu pour tous, est, d'après Karl Rahner, Celui
« qui forme le point culminant de l'autocommunication divine au
monde »215(*),
celui qui apporte absolument le salut.
Le dessein salvifique universel de Dieu, réalisé
de façon éminente, en la personne du Christ, pour tous les
hommes, comporte quelques implications importantes. D'un côté il
implique l'universalité du peuple de Dieu, c'est-à-dire que
l'humanité tout entière est bénéficiaire du salut
de Dieu. Sous ce rapport, le pluralisme religieux qu'offre actuellement le
monde laissant l'apparence d'une dislocation du peuple de Dieu n'est qu'une
question d'explicitation de la médiation du Christ216(*). Car en effet, tout homme,
croyant, incroyant ou simplement ignorant, est concerné par le
mystère du Christ, qui agit discrètement par l'Esprit Saint,
faisant ainsi du christianisme une réalité interne à tout
homme. De l'autre côté, il implique l'existence de l'Eglise et
l'urgence de la mission. En effet, la nécessité voulue par le
Christ lui-même que se manifeste pour tous et de manière
concrète ce christianisme discret et présent en tout homme
constitue la raison d'être de la communauté des chrétiens
vivant en Eglise et chargé d'annoncer à tout homme le
mystère du salut.
La réceptivité et l'appropriation du message
chrétien de la médiation universelle du Christ dans le contexte
particulier de l'Afrique peuvent se réaliser dans la prise en compte de
la dimension religieuse, socio-politique et institutionnelle du problème
christologique africain. En le faisant en effet, la médiation du Christ
est comprise en rapport de transcendance avec la médiation ancestrale du
système religieux africain ; le salut dont le Christ est
médiateur est vécu et exprimé comme une réponse au
contexte de crise qui est celui de l'Afrique ; et enfin, le Christ
authentique est retrouvé, au-delà des figures institutionnelles
morcelées sous la forme desquelles il est venu en Afrique. Le besoin du
salut en Afrique englobe alors tous ces aspects. Si comme hommes, et
participant du destin commun de l'humanité, le salut est ontologiquement
nécessaire aux Africains, la situation actuelle dans laquelle l'Afrique
est plongée n'en exprime pas moins la nécessité
impérative. Cette situation en tant que conséquence d'une
expérience historique qui marque foncièrement les
Africains217(*)
nécessite l'action d'un model divin qui nous est offert en
Jésus-Christ. La foi au Christ devient nécessaire voire
impérative en Afrique. Elle peut être exprimée dans les
catégories linguistiques africaines et vécue dans un engagement
réel des Africains pour la promotion des valeurs de paix, de justice, de
réconciliation, de pardon et d'unité. Elle doit même
faire corps avec le système culturel africain et pouvoir ainsi
répondre au grand défi de leur besoin du salut dans un contexte
de mondialisation.
BIBLIOGRAPHIE
I- Sources bibliques
1) Bible de Jérusalem, Paris, cerf/verbum,
2001. 1844 p.
II- Sources magistérielles
2) JEAN-PAUL II, Lettre Encyclique Redemptor Missio,
sur la valeur permanente du précepte missionnaire, Limete-Kinshasa,
Saint Paul Afrique, 1991, 158 p.
3) IDEM, Lettre Apostolique Tertio Millennio Adveniente,
sur la préparation du jubilée de l'an 2000, Paris, l'Emmanuel,
1996, 82 p.
4) IDEM, Exhortation Apostolique post-synodale Ecclesia in
Africa, sur l'Eglise en Afrique et sa mission évangélisatrice
vers l'an 2000, Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 1995, 156
p.
5) BENOIT XVI, Lettre Encyclique Deus caritas est,
Cité du Vatican, Libreria Editrice Vaticana, 2005, 52 p.
6) VATICAN II, « Constitution dogmatique «de
Ecclesia» («Lumen Gentium») », dans Les seize
documents Conciliaires, Paris, Centurion, 1967, pp. 15-96.
7) IDEM, « Constitution dogmatique «de Divina
Revelatione» (``Dei Verbum'') », dans Les seize documents
Conciliaires, Paris, Centurion, 1967, pp. 98-120.
8) IDEM, « Constitution pastorale «de Ecclesia
in mundo huius temporis» (``Gaudium et Spes'') », dans Les
seize documents Conciliaires, Paris, Centurion, 1967, pp. 167-272.
9) IDEM, « Décret «de Activitate missionali
Ecclesiae» (``Ad Gentes'') », dans Les seize documents
Conciliaires, Paris, Centurion, 1967, pp. 429-480.
10) IDEM, « Déclaration «de Ecclesiae
habitudine ad religions non-christianas'' (``Nostra Aetate'') », dans
Les seize documents Conciliaires, Paris, Centurion, 1967, pp. 547-554.
12) Le Catéchisme de l'Eglise Catholique, Paris,
Mame/Plon, 1992, 676 p.
13) SECRETARIAT POUR LES NON CHRETIEN, Mission et dialogue,
Attitude de l'Eglise Catholique devant les croyants des autres
religions, Kinshasa, Epiphanie, 1985, 22 p.
III- Ouvrages de Karl Rahner
14) RAHNER K., Le chrétien et la mort, Coll.
« Foi vivante » n° 21, Paris, Desclée de
Brouwer, 1966, 142 p.
15) IDEM, Dieu dans le Nouveau Testament, Coll.
« Foi vivante » n° 81, Paris, Desclée de
Brouwer, 1968, 188 p.
16) IDEM, Ecrits Théologiques, Tome I, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1957, 186 p.
17) IDEM, Ecrits Théologique, Tome III, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1963, 206 p.
18) IDEM, Ecrits Théologiques, Tome V, Coll.
« textes et études théologiques », Paris,
Desclée de Brouwer, 1966, 266 p.
19) IDEM, Est-il possible aujourd'hui de croire? Dialogue
avec les hommes de notre temps, Traduit de l'allemand par K. MULLER, Paris,
Mame, 1966, 234 p.
20) IDEM, Mystère de l'Eglise et action pastorale,
Paris, Desclée, 1969, 188 p.
21) IDEM, Mission et grâce, Tome I,
XXème Siècle, Siècle de grâce?,
Fondement d'une théologie pastorale pour notre temps, Traduit de
l'allemand par K. MULLER, Coll. « Siècle et
catholicisme », Mame, Paris, 1962, 266 p.
22) IDEM, Traité fondamental de la foi, Introduction
au concept du christianisme, Traduit de l'Allemand par G. JARCZYK, Paris,
le Centurion, 1983, 518 p.
23) IDEM, Une foi qui aime le monde, Méditation
chrétienne de la vie quotidienne, Traduit de l'Allemand par R.
VIRRION, Casterman/Paris/Tournai, Salvator/Mulhouse, 1968, 208 p.
IV- Autres ouvrages
24) A.A., Bilan de la Théologie du XXe
Siècle, sous la direction de Robert VANDER GUCHT et Herbert
VORGRIMLER, Tome II, Tournais-Paris, Casterman, 1970, 998 p.
25) A.A., Chemins de la Christologie Africaine, sous la
responsabilité de François KABASSELE, Joseph DORE et René
LUNEAU, Col. « Jésus et Jésus-Christ »,
n°25, Paris, Desclée, 1986, 318 p.
26) A.A., La bible déchiffrée, Paris,
Fleurus, 1986, 680 p.
27) A.A., Le fait religieux, sous la direction de Jean
DELUMEAU, Paris Fayard, 1993, 784 p.
28) A.A., Le semeur sortit pour semer, Grand
séminaire de Liège 1592-1992, Dricot, 1992, 426 p.
29) A.A., Pâques Africaine d'aujourd'hui, sous la
responsabilité de François KABASSELE, Joseph DORE et René
LUNEAU, Col Jésus et Jésus- Christ, n° 37, 1989, 282 p.
30) CONGAR Y., Jésus-Christ, notre Médiateur,
notre Seigneur, Coll. « Foi vivante » n°1, Paris,
Cerf, 1965, 254 p.
31) DUQUOC C., Christologie, essai dogmatique, Tome I
L'homme Jésus, Paris, cerf, 1968, 338 p.
32) DUVIEUSART L., Je crois en Jésus-Christ...
Commentaire de la deuxième partie du Symbole des Apôtres,
Kinshasa, saint Paul Afrique, 1988, 192 p.
33) EBOUSSI BOULAGA F., Christianisme sans fétiche,
Révélation et domination, Paris, Présence Africaine,
1981, 222 p.
34) EDOH F. BEDJRA, Foi et développement en Afrique,
Royaume de Dieu et Eucharistie, Paris, Harmattan, 2004, 354 p.
35) ELA J.-M., Le cri de l'homme Africain. Questions aux
chrétiens et aux églises d'Afrique, Paris, l'Harmattan, 1980,
174 p.
36) FEUILLET A., Le prologue du quatrième
évangile. Etude de théologie johannique, Paris,
Desclée de Brouwer, 1968, 316 p.
37) GUILLEMIN H., L'affaire Jésus, Coll.
« Points » n° 158, Paris, Seuil, 1982, 156 p.
38) JEREMIAS J., Théologie du Nouveau Testament,
Première partie, La prédication de Jésus, Coll.
« Lectio divina » n° 76, Paris, Cerf, 1975.
39) KASPER W., Jésus le Christ, Traduit de
l'Allemand par J. DESIGAUX et A. LIEFOOGHE, Coll. « Cogitatio
fidei » n° 88, Paris, Cerf, 1996, 426 p.
40) IDEM, Le Dieu des chrétiens, Traduit de
l'Allemand par M. KLEIBER, Coll. « Cogitatio fidei »
n°128, Paris, Cerf 1985, 474 p.
41) LATOURELLE R., Le Christ et l'Eglise signes du
salut, Tournais & Montréal, Desclée et Cie/Bellarmin,
1971, 292 p.
42) NTIMA NKANZA, Non je ne mourai pas je vivrai,
méditation sur le cheminement christologique en Afrique, Kinshasa,
Loyola, 1996, 190 p.
43) POTIN J., Jésus, l'histoire vraie, Paris, le
Centurion, 1994, 528 p.
44) SESBOÜÉ B., Jésus-Christ dans la
Tradition de l'Eglise, pour une actualisation de la théologie de
Chalcédoine, Paris, Desclée, 2000, 288 p.
45) IDEM, Karl Rahner, coll. « Initiations aux
théologiens », Paris, Cerf, 2001, 104 p.
46) SIRI J., Gethsemani, Réflexion sur le mouvement
théologique contemporain, Paris, Téqui, 1981, 384 p.
47) SOULETIE J.-L., Les grands chantiers de la
christologie, Coll. « Jésus et
Jésus-Christ », n° 90, Paris, Desclée, 2005, 268
p.
V- Dictionnaires et Encyclopédies
48) Karl RAHNER et Herbert VORGRIMLER, Petit dictionnaire de
théologie catholique, Paris, Seuil, 1970, 508 p.
49) A.A., Théo, Encyclopédie catholique pour
tous, Paris, Droguet & Ardent/ Fayard, 2000, 1327 p.
50) A.A., Vocabulaire de Théologie Biblique,
2e éd. Révisée et augmentée, Paris,
Cerf, 1970, 1404 p.
VI- Articles
51) KAGAME A., « La place de Dieu dans les religions
bantous », dans Cahier des religions Africaines, n°4,
1968, pp. 10-26.
52) GEFFRE C., « Prétention du christianisme
à l'universel », dans
www.sedos.org/french/geffré.htm
53) ROUET A., « Le salut comme communication de
Dieu », Rencontre interreligieuse du 12 mars 2003, dans
www.diocese-poitiers.com.fr/documents/salut.html
TABLE DES MATIERES
DEDICACE
I
REMERCIEMENTS
II
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
INTRODUCTION GENERALE
1
CHAPITRE PREMIER : UNIVERSALITE ET
EXCLUSIVITE DU SALUT EN CHRIST SELON KARL RAHNER
4
1.0. INTRODUCTION
4
1.1. SITUATION EXISTENTIELLE DE L'HOMME ET BESOIN
DU SALUT
4
1.1.1. L'homme, une image de Dieu
défigurée
4
1.1.2. Le besoin du salut dans les
déterminations essentielles de l'homme
7
1.1.3. Le besoin du salut chez l'homme
d'aujourd'hui
9
1.2. LE SALUT DE L'HOMME COMME INITIATIVE DE
DIEU
11
1.2.1. Le Salut dans les Ecritures Saintes
11
1.2.2. Le Salut comme autocommunication de
Dieu
13
1.2.3. L'expérience de la
Grâce
15
1.3. UNIVERSALITE DE LA MEDIATION DU CHRIST
17
1.3.1. La réalité du Christ,
médiateur du salut
17
1.3.2. L'Incarnation du Verbe comme
événement du salut
19
1.3.3. La vie, la Mort la Résurrection
et la Glorification de Jésus
20
1.4. CONCLUSION
24
CHAPITRE DEUXIÈME :
IMPLICATIONS EXISTENTIELLES ET MISSIOLOGIQUES DE LA MEDIATION CHRISTIQUE
25
2.0. INTRODUCTION
25
2.1. UNIVERSALITE DU PEUPLE DE DIEU
25
2.1.1. Le peuple de Dieu selon la
révélation biblique
26
2.1.2. L'être chrétien
27
2.1.3. Nécessité d'une
christologie existentielle
29
2.2. L'EGLISE ET LA NECESSITE DE LA MISSION
30
2.2.1. La réalité fondamentale de
l'Eglise
30
2.2.2. La nécessité de la
mission
32
2.2.3. Les domaines de la mission
35
2.3. CONCLUSION
36
CHAPITRE TROISIÈME :
APPROPRIATION AFRICAINE DE LA MEDIATION ABSOLUE DU CHRIST
38
3.0. INTRODUCTION
38
3.1. LA PROBLEMATIQUE CHRISTOLOGIQUE EN AFRIQUE
38
3.1.1. La dimension religieuse
39
3.1.2. La dimension socio-politique
40
3.1.3. La dimension institutionnelle
42
3.2. VALEUR DE LA MEDIATION DU CHRIST EN
AFRIQUE
43
3.2.1. Le besoin du salut en Afrique
44
3.2.2. Identité africaine comme
médiation pour son salut
45
3.2.3. La nécessité et la
nouveauté de la médiation du Christ
46
3.3. APPROPRIATION AFRICAINE DU MYSTERE DU
CHRIST
48
3.3.1. Une appropriation fondée sur la
Révélation
48
3.3.2. Contribution de l'intelligence
africaine
49
3.3.3. Confession africaine du Mystère
du Christ
53
3.4. CONCLUSION
54
CONCLUSION GENERALE
56
BIBLIOGRAPHIE
58
* 1 Cf. C. GEFFRE,
« Prétention du christianisme à
l'universel », dans
www.sedos.org/french/geffré.htm
* 2 GS 45.
* 3 Karl Rahner est né
en 1904 à Fribourg-en-Brisgau en Allemagne. Il intègre la
Compagnie de Jésus en 1922 et est ordonné prêtre 1932.
Préparé à l'Université de Fribourg pour enseigner
la philosophie, il devient théologien sous l'influence d'un professeur
de philosophie catholique. Il enseigne la théologie systématique
en Autriche (Innsbrück 1937-1964) puis succède à Romano
Guardini à l'Université de Munich. Il joue un grand rôle au
Concile de Vatican II où il avait accompagné le Cardinal Koenig.
Il a publié plusieurs ouvrages dans les quels il transmet l'essentiel de
ses recherches sur l'homme et sur Dieu. Ses volumes réunis sous le titre
Ecrits théologiques, abordent des questions très
diverses et son Traité fondamental de la foi, se
présente comme une synthèse de sa réflexion sur le
christianisme. Il meurt en 1984 après avoir servi comme membre de la
Commission Théologique Internationale auprès du
Saint-Siège en laissant à la postérité un
héritage théologique inestimable. (Pour une biographie
détaillée voir Karl LEHMENN, « Karl
Rahner », dans BTX2, pp. 836-874).
* 4 PDTC, p. 439.
* 5 RM 8.
* 6 NA 2.
* 7 Il sera essentiellement
question dans toute la réflexion de l'Afrique Noire (l'Afrique au Sud du
Sahara).
* 8 F. EBOUSSI. BOULAGA,
Christianisme sans fétiche, Révélation et
domination, Paris, Présence Africaine, 1981, p. 87.
* 9 Cf. J. TAYLOR,
« Le Pentateuque, Introduction », dans La Bible
déchiffrée. Une introduction à la lecture de la Bible,
sous la direction de Yves Jolly, Paris, Fleurus, 1986, p.125.
* 10 X. LEON-DUFOUR, Art.
« Homme », dans VTB, col. 442.
* 11 K. RAHNER,
« Dignité et liberté de l'homme », dans ETV,
p. 170.
* 12 CM, p. 37. Il faut
préciser que l'homme originel étant dotée du pouvoir
d'échapper à la mort était cependant appelé
à une maturation intérieure qui porterait son être de
créature à sa fin propre qui est l'union à son
Créateur (Cf. p. 28-29).
* 13 W. KASPER, Le Dieu
des chrétiens, Traduit de l'allemand par M. KLEIBER, Coll.
« Cogitatio fidei », n° 128, paris, Cerf 1985, p.
235.
* 14 Cf. TFF, pp. 37-38.
* 15 PDTC, p. 358.
* 16 TFF, pp. 39-40.
* 17 Ibidem, p. 49.
* 18 Ibidem, p. 57.
* 19 Ibidem, p. 43.
* 20 Ibidem, p. 54.
* 21 PDTC, pp. 109 - 110.
* 22 CM, p. 38.
* 23 Cf. CEC 409.
* 24 Cf. TFF, pp. 110 - 111.
* 25 Ibidem, p. 115.
* 26 K. RAHNER,
« Dignité et liberté de l'homme », dans
ETV, p. 175.
* 27 Ibidem, p. 174.
* 28 MGI, p. 180.
* 29Cf. Ibidem, p. 64.
* 30 Ibidem, p. 65.
* 31 Cf. Ibidem, p.
183.
* 32 Ibidem, pp. 71 -
72.
* 33 RM 8.
* 34 MGI, p. 186.
* 35 Cf. K. RAHNER,
cité par J.-L. SOULETIE, Les grands chantiers de la christologie,
Col Jésus et Jésus-Christ, n° 90, Paris, Desclée,
2005, pp. 63-65.
* 36 PDTC, p. 145.
* 37 J. JEREMIAS,
Théologie du Nouveau Testament, Première partie, La
prédication de Jésus, Cerf, Paris, 1975, p. 206.
* 38 Ibidem.
* 39 D. GUTHRIE, « Le
genre apocalyptique », dans AA, La bible
déchiffrée, Paris, Fleurus, 1986, p. 651.
* 40 J. DUPLACY, Art.
« Espérance », dans VTB, col. 310.
* 41 TFF, p. 168.
* 42 Chez Karl Rahner il n'y
a pas une distinction radicale à faire entre communication et
autocommunication de Dieu puisque dans tous les cas, c'est Dieu Lui-même
dans sa communication personnelle qui se donne (Cf. K.LEHMANN, « Karl
Rahner », dans BTX2, p. 859).
* 43 TFF, p.139.
* 44 Cf. CEC 1996 - 1997, 2519.
* 45 Cf. TFF, p. 142.
* 46 Ibidem, p.143.
* 47 Ibidem, p. 145.
* 48 H. GUILLEMIN, L'affaire
Jésus, Coll. « Points » n° 158, Paris,
Seuil, 1982, p. 101.
* 49 Ibidem, p. 147.
* 50 K. RAHNER, « de
la relation de la nature et de la grâce », dans ETIII, p.
24.
* 51 Ibidem, pp.
24-25.
* 52 Cf. Ibidem, p.
18
* 53 Cf. CEC 1996-1997
* 54 THEO, p. 701
* 55 Cf. PDTC, p. 205.
* 56 K. RAHNER,
« L'expérience de la grâce », dans
ETIII, p. 76.
* 57 TFF, p. 156.
* 58 A. ROUET,
« Le salut comme communication de Dieu », Rencontre
interreligieuse du 12 mars 2003, dans
www.diocese-poitiers.com.fr/documents/salut.html
.
* 59 TFF, p.101.
* 60 Ibidem, P. 100.
* 61 La formule dogmatique
de l'union hypostatique a été définie de façon
solennelle au Concile de Chalcédoine en 451. Elle stipule qu'il faut
confesser un seul et même Christ, Fils, Seigneur,
Monogène, reconnu en deux natures sans confusion ni changement, sans
distinction ni séparation, la différence des natures
n'étant nullement supprimée par l'union mais au contraire les
propriétés de chacune des deux natures restant sauves, et se
rencontrant en une seule personne et en une seule hypostase, non pas
partagée ou divisée en deux personnes, mais un seul et même
Fils, Monogène, Dieu Verbe, seigneur, Jésus-Christ
(Cf. B. SESBOUE, Jésus-Christ dans la Tradition de l'Eglise, pour une
actualisation de la théologie de Chalcédoine, Paris,
Desclée, 2000, p117).
* 62 Cf. J.-L. SOULETIE, Op.
cit., p. 128.
* 63 K. RAHNER,
« Problèmes actuels de christologie », dans ETI, p
159.
* 64 TFF, p. 205.
* 65 K. RAHNER,
« Problèmes actuels de christologie », dans ETI, p.
162.
* 66 EPAC, p. 36.
* 67 Ibidem, p. 36.
* 68 TFF, p. 323.
* 69 Cf. Ibidem, pp.
238-239.
* 70 Ibidem, p. 240.
* 71 K. RAHNER,
« Réflexion théologique sur l'Incarnation »,
dans ETIII, p. 87.
* 72 K. RAHNER, cité
par R. LACHENSCHMID, « Christologie et
sotériologie », dans BTX2, p. 344.
* 73 W. KASPER,
Jésus le Christ, Traduit de l'Allemand par J. DESIGAUX et A.
LIEFOOGHE, Coll. « Cogitatio fidei » n° 88,
5ème éd., Paris, Cerf, 1996, p. 307.
* 74 Y. CONGAR,
Jésus-Christ, notre Médiateur, notre Seigneur, Coll.
« Foi vivante » n° 80, Paris, Cerf, 1965, p.
16.
* 75 A. FEUILLET, Le
prologue du quatrième évangile. Etude de théologie
johannique, Paris, Desclée de Brouwer, 1968, p. 284.
* 76 DV, n° 4.
* 77 Christian Duquoc
rapporte les échos de cette question dans son ouvrage Christologie,
essai dogmatique, Tome I, L'homme Jésus, Paru aux
éditions du cerf, en 1968 (pp. 97-109.). Cette question prend son
origine dans l'autonomie que l'exégèse adopta à
l'égard de la dogmatique. Le premier ton fut donné en 1821 avec
F. Schleiermacher qui voulait élever en discipline théologique la
« vie de Jésus » en soutenant
qu' « écrire une vie de Jésus c'est dresser un
portrait purement historique du Christ, indépendamment de toute
référence dogmatique » (pp. 97-98.). Plus tard avec la
théologie libérale, des penseurs tels Bultmann et Gogarten en
viennent à soutenir que toute affirmation ontologique sur le Christ ne
concerne la foi que si celle-ci est interprétée existentiellement
dans son implication sur l'existence du croyant. Par conséquence, une
connaissance purement scientifique et phénoménale sur
Jésus serait insuffisante. En 1965, Urs Von Balthasar participe à
ce débat avec son ouvrage La Gloire et la Croix en montrant que
la gloire du Christ est humainement apparu sur notre terre, elle ne se trouve
pas seulement dans son message ni dans ses miracles.
* 78 TFF, p.
* 79 Jean Potin pense
même qu'il est impossible d'abandonner un sujet aussi passionnant que la
personne de Jésus qui continue d'intéresser aussi bien les
congrès, les revues que les ouvrages (cf. Jésus, l'histoire
vraie, Paris, le Centurion, 1994, p. 12).
* 80 B. SESBOUE, Op.
cit., p. 228.
* 81 Cf. B. SESBOUE, Op.
cit., p. 228.
* 82 CEC 613.
* 83 D'après cette
théorie, le mépris et l'offense se mesurant à la
dignité de la personne offensée et non de celle qui offense, le
péché de la créature pourvu de liberté devient une
offense infinie à la sainte majesté de Dieu. La satisfaction
d'une simple créature ne peut suffire à réparer cette
offense. Il n'y a donc que le Verbe de Dieu incarné qui, en raison de la
dignité de sa personne puisse accomplir pour nous, dans sa nature
humaine cette oeuvre de satisfaction. L'action morale dont dépend le
recouvrement de la grâce, c'est la libre acceptation de la mort par le
Christ. (Voir à ce propos K. RAHNER, « La théologie de
la mort », dans ETIII, p. 143).
* 84 K. RAHNER,
« Théologie de la mort », dans ETIII, p. 151.
* 85 Ibidem, p. 153.
* 86 Ibidem, p. 155.
* 87 Ibidem, p. 155.
* 88 L. DUVIEUSART, Je
crois en Jésus-Christ... Commentaire de la deuxième partie du
Symbole des Apôtres, Kinshasa, saint Paul Afrique, 1988, p. 120.
* 89 H. MIESSEN,
« Le sens de l'expression ``pour nous'' de la mort du
Christ », dans Le semeur sortit pour semer, Grand
séminaire de Liège 1592-1992, Dricot, p. 194.
* 90 TFF, p. 312.
* 91 UFAM, p. 69.
* 92 Cf. B.
SESBOÜÉ, Karl Rahner, Paris, Cerf, 2001, p. 110.
* 93 Cf. J.-L. SOULETIE, Op.
cit., p. 132.
* 94 J. SIRI, Gethsemani,
Réflexion sur le mouvement théologique contemporain, Paris,
Téqui, 1981, p. 278.
* 95 Cf. TFF, pp. 348-349.
* 96 Cf. EPAC, p. 136.
* 97 MGI, p. 215.
* 98 Cf. PDTC, p. 363.
* 99 Cf. P. GRELOT, Art.
« Peuple », dans VTB, col. 825.
* 100 Cf. TFF, pp. 346-347.
* 101 Cf. PDTC, p. 68.
* 102 Cf. TFF, p.348.
* 103 Ibidem, p.
344.
* 104 Ibidem, p. 432.
* 105 Ibidem, p.
449.
* 106 Cf. Ibidem, p.
346.
* 107 Cf. MGI, p. 156.
* 108 Cf. TFF, p. 353.
* 109 UFAM, p. 38.
* 110 RM 10.
* 111 MGI, p. 156.
* 112 Ibidem., p.
156.
* 113 UFAM, p. 121.
* 114 Ibidem., p.
122.
* 115 TFF, p.343.
* 116 J.-L. SOULETIE, Op.
cit., p. 68.
* 117 Cf. MEAP, p. 17.
* 118 Ibidem, pp.
15-16.
* 119 Cf. Ibidem, pp.
16-17.
* 120 LG 1.
* 121 Cf. TFF, pp. 387-411.
* 122 Cf. PDTC, p.150.
* 123 Cf. LG 13, 14, 15,
16.
* 124 MEAP, p. 42.
* 125 Ibidem, p. 43.
* 126 TFF, p. 443.
* 127 TMA 56.
* 128 MEAP, p. 80.
* 129 R. LATOURELLE, Le
Christ et l'Eglise signes du salut, Coll.
« Recherches/Théologie » n° 6,
Tournais/Montréal, Desclée et Cie/Bellarmin, 1971, p. 8.
* 130 AG 7.
* 131 MEAP, p. 215.
* 132 Ibidem, p.
219.
* 133 Ibidem, p.
221.
* 134 Cf. Ibidem, pp.
221-222.
* 135 SECRETARIAT POUR LES
NON CHRETIEN, Mission et dialogue, Attitude de l'Eglise Catholique devant
les croyants des autres religions, Kinshasa, Epiphanie, 1985, n° 10.,
p. 9.
* 136 Cf. MGI, p. 222.
* 137 RM 86.
* 138 MEAP, p. 80.
* 139 MGI, p. 224.
* 140 DCE 31.
* 141 MGI, p. 226.
* 142 Ibidem, p.
188.
* 143 RM 37 b.
* 144 Cf. C. GEFFRE,
« Prétention du christianisme à
l'universel », dans
www.sedos.org/french/geffré.htm
* 145 MGI, pp. 192-205.
* 146 C. GEFFRE,
« Prétention du christianisme à
l'universel », dans
www.sedos.org/french/geffré.htm
* 147 RM 38.
* 148 Cf. B.
SESBOÜÉ, Karl Rahner, coll. « Initiations aux
théologiens », Paris, Cerf, 2001, pp. 114-118.
* 149 Cf. J. SIRI, Op.
cit., p. 38.
* 150 EDOH F. BEDJRA, Foi
et développement en Afrique, Royaume de Dieu et Eucharistie, Paris,
Harmattan, 2004, p. 231.
* 151 Toutes les
considérations de ce chapitre concernent l'Afrique noire bien que les
conclusions qui en découlent pourraient valoir pour tout le
continent.
* 152 F. EBOUSSI BOULAGA,
Op. cit., P 87.
* 153 PDTC, p. 13.
* 154 J. DORE,
« Présentation », dans CCA, p.11.
* 155 J.-M. ELA, Le cri
de l'homme Africain. Questions aux chrétiens et aux églises
d'Afrique, Paris, l'Harmattan, 1980, p. 52.
* 156 F.EBOUSSI BOULAGA,
op. cit., p. 8.
* 157 J.-P. ESCHLIMANN,
cité par R. LUNEAU, « Introduction », dans
CCA, p.21.
* 158 M. BETI, cité par
E. MESSI METOGO, « La personne du Christ dans l'oeuvre de Mongo
Beti », dans CCA, p. 59.
* 159 EDOH F. BEDJRA, op.
cit., p. 236.
* 160 EA 51.
* 161 Cf. Ibidem.
* 162 Cf. J. DORE,
« Art. cit. », p. 16. Il rapporte les paroles d'un
évêque zaïrois qui trouvait en la personne de Mobutu
Sese Seko, au début de son règne, un élu de Dieu pour
conduire son peuple vers le bonheur. Son oeuvre était en effet
comparable à celle du Christ : « comme Christ, disait-il,
vous avez sauvé le Zaïre » (voir aussi
Fraternité Matin, Abidjan, le 2 janvier 1985, p. 25).
* 163 GS 42.
* 164 E. MESSI METOGO, Op.
cit., p. 65.
* 165 EDOH F. BEDJRA, Op.
cit., pp. 274-275.
* 166 Les Missions
Baptistes, Luthériennes, Catholiques et bien d'autres.
* 167 E. MESSI METOGO
proposait même une distinction entre le Christ et ses envoyés
à cause du risque très grand que le comportement des
missionnaires n'éclipse totalement la personne de Jésus-Christ et
l'Evangile (Cf. « Art. cit. », p. 58.).
* 168 F. EBOUSSI BOULAGA,
op. cit., pp. 10-11. Voir aussi Jean-Marc Ela qui développe la
nécessité pour les églises d'Afrique de sortir des
sentiers battus pour repenser une pratique ecclésiale favorable à
la rencontre réelle avec le Royaume de Dieu (Cf. J. HITIMANA,
« Evangile et libération...La pensée de Jean Marc
Ela », dans CCA, pp. 249-261.).
* 169 EA 65.
* 170 Sur ces orientations,
voir NTIMA NKANZA, Non je ne mourai pas je vivrai, méditation sur le
cheminement christologique en Afrique, Kinshasa, Loyola, 1996, pp. 91.
* 171 Cf. le point
1.1.3. : le besoin du salut chez l'homme d'aujourd'hui.
* 172 PDTC, p. 439.
* 173 Cf., TFF, pp.
238-240.
* 174 Cf. EDOH F. BEDJRA,
Op. cit., p. 249.
* 175 Ibidem, p.
254.
* 176 Cf. NTIMA NKANZA, Op.
cit., pp. 57-58.
* 177 EA 57.
* 178 EDOH F. BEDJRA,
Op.cit., p. 296.
* 179 Cf. TFF, p.348.
* 180 EDOH F. BEDJRA, Op.
cit., p. 298.
* 181 NTIMA NKANZA, Op.
cit., p. 70.
* 182 TFF, p. 316.
* 183 NTIMA NKANZA, Op.
cit., p. 71.
* 184 NTIMA NKANZA, Op.
cit., p. 70.
* 185 Ibidem, pp.
71-72. On peut aussi se rappeler à ce niveau qu'avec Karl Rahner, oser
faire confiance en l'homme c'est admettre implicitement Jésus dans la
foi. (Cf. UFAM, p. 38).
* 186 F. EBOUSSI BOULAGA,
Op. cit., pp. 87-88.
* 187 EA 62.
* 188 Cf. LG 2.
* 189 Comprise comme
l'ensemble des paroles que Dieu adresse à l'homme et des actions par
lesquelles il entre en rapport avec lui, la Révélation a un
aspect transcendantal en tant qu'autocommunication libre et pardonnante que
Dieu fait de lui-même à l'homme, et un aspect historique en tant
qu'elle se produit toujours dans le matériau historique de la vie de
l'homme. A tous ces niveaux elle trouve sa plénitude en
Jésus-Christ (Cf. DNT, p. 32, et TFF, pp. 197-202).
* 190 F. EBOUSSI BOULAGA,
Op. cit., p. 88.
* 191 Ibidem, p. 87.
* 192 EFOE J. PENOUKOU,
«Christologie au village », dans CCA, p. 70.
* 193 Ibidem, p. 77.
* 194 Ibidem, p. 77.
* 195 Ibidem, p. 94.
* 196 Cf. TFF, p 205.
* 197 CM, p. 79.
* 198 ISSIAKA P. LALEYE,
« Les religions d'Afrique noire », dans Le fait
religieux, sous la direction de Jean DELUMEAU, Paris Fayard, 1993, p.
697.
* 199 Cf. CM, p. 80.
* 200 F. KABASSELE,
« La mort africaine au miroir de l'Evangile », dans PAA, p.
161.
* 201 UFAM, p. 31.
* 202 F. KABASSELE,
« Le Christ comme chef », dans CCA, p. 112.
* 203 A. KAGAME,
« La place de Dieu dans les religions bantous », dans
Cahier des religions Africaines, n°4, 1968, p. 12.
* 204 PDTC, p. 278.
* 205 J. DORE,
« Présentation » dans CCA, p.18.
* 206 F. KABASSELE,
« Le Christ comme Ancêtre et Ainé », dans CCA,
p. 141.
* 207 D'autres titres comme
celui de Maître d'initiation, de guérisseur peuvent aussi
suggérer un moment du mystère du Christ quand on se
réfère à sa vie publique (Cf. F. KABASSELE,
« Art. cit. », p. 141.).
* 208 Cf. TFF, p. 299.
* 209 JEAN-PAUL II,
cité par J. DORE, « Présentation », dans PAA,
p. 10.
* 210 TFF, pp. 343-344.
* 211 EA 78.
* 212 Cf. NTIMA NKANZA, Op.
cit., p.173.
* 213 Cf. TFF, p. 54.
* 214 K. RAHNER,
« Dignité et liberté de l'homme », dans ETV,
p. 176.
* 215 Ibidem, p.
323.
* 216 Le domaine de
l'explicitation est aussi celui de l'objectivation catégoriale où
la médiation du Christ est vécue dans une profession de foi
explicite. Il n'exclu pas le domaine de l'implicite ou même de
l'ignorance où le mystère du Christ existe sans être
exprimé et vécu.
* 217 Il s'agit bien de
l'expérience de l'esclavage et de la colonisation.
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