MEMOIRE DE MASTER EN SOCIOLOGIE ECONOMIQUE
: Thème :
« LA DYNAMIQUE SOCIO-ECONOMIQUE DE L'EMERGENCE
DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES DANS LA NOUVELLE ECONOMIE
A DOUALA »
Par : Henri TEDONGMO TEKO Titulaire d'une
Maîtrise en Sociologie. Etablissement :
Faculté des Lettres et Sciences humaines de
l'Université de Douala.
Composition du Jury :
- Président : Pr. Samuel SAME-KOLLE (HDR),
Université
de Douala.
- Examinateur : Dr. Louis-Roger KEMAYOU, Chargé
de
Cours, Université de Douala.
- Rapporteur : Dr. Stella NANA-FABU, Chargé de
cours,
Université de Douala.
SOMMAIRE
Pages :
DEDICACE
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..3
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REMERCIEMENTS
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...4
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LISTE DES SIGLES, DES ABREVIATIONS ET DES ACRONYMES
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...5
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LISTE DES TABLEAUX ET DES ILLUSTRATIONS
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..7
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RESUME
|
..9
|
ABSTRACT
|
. 10
|
INTRODUCTION GENERALE
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..11
|
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE
L'ETUDE .16
CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE ET SPECIFICATION DE
LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE 17
CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE .39
CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE LA
METHODOLOGIE DE L'ETUDE ..49
DEUXIEME PARTIE : ELABORATION DES ELEMENTS
EMPIRICOCONTEXTUELS ET PRATIQUES SUR LE TERRAIN DE L'ETUDE ..67
CHAPITRE 4 : PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE ET ANALYSE DU
CONTEXTE DE LA NOUVELLE ECONOMIE 68
CHAPITRE 5 : MESURES LEGALES ET STRATEGIES D'ACTION DE
LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON ET LA PIRATERIE DES OEUVRES MUSICALES
81
CHAPITRE 6 : MECANISMES FONCTIONNELS D'EXISTENCE ET
DE RESISTANCE DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES 101
LIMITES ET RECOMMANDATIONS 144
CONCLUSION GENERALE 149
BIBLIOGRAPHIE 154
ANNEXES ..168
TABLE DES MATIERES .....178
DEDICACE
A LA MEMOIRE DE LUCKY DUBE,
ARTISTE-MUSICIEN ASSASSINE LE 18 OCTOBRE 2007
A ROSETTENVILLE, SOUTH AFRICA.
REMERCIEMENTS
La réalisation de cette étude a pu
être possible grâce à la participation et la contribution de
quelques personnes et personnalités à qui nous voudrions bien
témoigner ici toute notre gratitude. Il s'agit de :
Dr NANA-FABU qui a dirigé cette thèse et
qui du début jusqu'à la fin, a été présente,
veillant minutieusement à la qualité scientifique, et nous
encourageant à persévérer dans le travail bien fait
;
Tous les enseignants qui tout au long de notre cursus
académique, n'ont ménagé aucun effort pour nous dispenser
des connaissances ;
Tous ceux qui ont apporté lors de la
réalisation de cette étude, des informations pertinentes : Mlle
Suzanne KALA LOBE, Mlle Valéry KENMEGNE, Mlle Kinsey KATCHKA, Mme
Adeline CHAPELLE, M. Didier SCHAUB, M. Stéphane ELOUNDOU, M. BATAMAK, M.
Eli NGAMBI, M. Valentin NGOUYAMSA, M. CHEUPIN NJOYA, M. François T.
GUEBOU et M. Rodrigue SOPGUI ;
Tous les contrefacteurs rencontrés lors de la
réalisation de cette étude ; Tous mes camarades de promotion
devenus des amis inoubliables ;
Tous mes amis pour leur chaleur amicale.
Tous les membres de ma famille pour leur soutien
matériel et psychologique ;
Tous les membres de la Commission Mission et
Evangélisation de la Paroisse EEC de Maképé-Tonnerre pour
leur soutien spirituel.
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LISTE DES SIGLES, DES ABREVIATIONS ET DES
ACRONYMES.
|
|
AIPPI: Association International pour la Protection de la
Propriété Intellectuelle.
AMDC : Association Musicale de la Diaspora
Camerounaise.
AFD : Agence Française de
Développement.
CISAC : Confédération Internationale des
Auteurs et Compositeurs.
CMC : Cameroon Music Corporation.
CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale.
CRTV: Cameroon Radio and Television.
CD: Compact Disc.
CEMAC : Communauté Economique et Monétaire
des Etats de l'Afrique centrale.
CFA : Communauté Financière
Africaine.
CUD: Communauté Urbaine de Douala.
CE : Commission Européenne. DEP : Droits
d'Exécution Publique.
DRM : Droits de Reproduction
Mécanique.
DAT : Digital Audio Tape. DVD : Digital Versatile Disc.
DAT : Digital Audio Tape.
EESI : Enquête sur l'Emploi et le Secteur
Informel.
FACSO : Fonds d'Action Culturelle et Sociale.
FM: Frequency Modulation.
IGC : Comité Intergouvernemental du Droit
d'Auteur.
IFPI Fédération Internationale de
l'Industrie Phonographique.
LP: Long Play. M.: Monsieur. MAUSS : Mouvement
Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales.
MINCULT: Ministère de la Culture.
MD : Mini Disc. Mme : Madame. MP3: Mpeg-1 Audio Layer
3.
OMPI : Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle.
OAPI : Organisation Africaine de la
Propriété Intellectuelle.
OTVP : Occupation Temporaire de la Voie
Publique.
PAS : Plan d'Ajustement Structurel.
SCAAP : Société Civile des Droits
Audiovisuels et Photographiques.
SOCADAP : Société Civile des Arts
Plastiques.
SOCADRA : Société Camerounaise des Droits
d'auteur.
SOCAM : Société Camerounaise de l'Art
Musical.
SOCILADRA : Société Civile des Droits de
Littérature.
SOCINADA : Société Civile Nationale des
Droits D'auteurs.
TIC: Technologies de l'Information et de la
Communication.
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée.
TV : Télévision.
UE : Union Européenne.
UNESCO: Organisation des Nations Unies pour l'Education,
la Science et la Culture.
USA: United States of America.
VCD: Vidéo Compact Disc.
VCR : Vidéo Cassette Recorder.
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET DES TABLEAUX
Pages :
Cartographie :
Présentation cartographique de la zone
d'étude 71
Graphiques :
1. Illustration graphique des ventes effectives
125
2. Evolution chronologique de l'offre 126
3. Evolution de l'offre en fonction du prix
126
Schémas :
1. Les enjeux de la Nouvelle économie
2. Le circuit de distribution des produits du
marché illégal des oeuvres musicales
Tableaux :
|
.78
131
|
1. Répartition de la population par
arrondissements
|
66
|
2. Répartition des entreprises par arrondissements
|
70
|
3. Répartition des fournisseurs selon la structure
par âge
|
..101
|
4. Répartition des éditeurs selon la
structure par âge
|
..101
|
5. Répartition des distributeurs selon la
structure par âge
|
.101
|
6. Répartition des vendeurs selon la structure par
âge
|
101
|
7. Répartition des fournisseurs selon le niveau
d'instruction
|
.102
|
8. Répartition des éditeurs selon le niveau
d'instruction
|
102
|
9. Répartition des distributeurs selon le niveau
d'instruction
|
102
|
10. Répartition des vendeurs selon le niveau
d'instruction
|
.102
|
11. Répartition des fournisseurs selon le Statut
matrimonial
|
...103
|
12. Répartition des éditeurs selon le
Statut matrimonial .
|
.103
|
13. Répartition des distributeurs selon le Statut
matrimonial
|
.103
|
14. Répartition des vendeurs selon le Statut
matrimonial
|
103
|
15. Présentation des critères de
segmentation stratégique.
|
...117
|
16. Illustration de l'origine du capital
|
120
|
17. Evolution des quantités vendues en quatre ans
|
122
|
18. Récapitulation de l'offre par rapport aux
quantités vendues 122
19. Présentation synoptique des ventes
effectives. 124
20. La fréquence des entretiens où une
catégorie thématique se retrouve et la fréquence des
énoncés des catégories thématique 137
21. La fréquence ces cooccurrences des
catégories thématiques et la fréquence des
énoncés des catégories
thématiques .138
22. Description et exemple d'un énoncé de
quelques catégories thématiques 176
RESUME
Cette étude porte sur la dynamique
socio-économique de l'émergence du marché illégal
des oeuvres musicale dans la Nouvelle économie à Douala.
L'objectif principal est de comprendre le développement du marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie à
travers une appréciation de la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie musicales et une analyse de la dynamique socio-économique de
ce marché. La méthodologie repose sur une analyse qualitative
réalisée, premièrement à l'aide d'une analyse de
contenu des dispositions légales et des stratégies des acteurs
engagés dans la lutte contre la contrefaçon musicale, et
deuxièmement, à l'aide d'un guide d'entretien administré
sur une population de 10 (dix) fournisseurs, 10 (dix) éditeurs, 10 (dix)
distributeurs et 60 (soixante) vendeurs des produits du marché
illégal des oeuvres musicales à Douala. Dans une
herméneutique de l'action, la méthode interprétative est
retenue dans un paradigme interactionniste, et apprécie les
données quantitatives et qualitatives prélevées sur les
unités d'observation. Les résultats montrent que le
développement du marché illégal des oeuvres musicales dans
la Nouvelle économie est une conséquence de la dynamique
socio-économique de ce marché, renforcée par
l'inefficacité de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie
musicales. En conclusion, au lieu de continuer à concevoir le
phénomène de la vente des supports musicaux contrefaits comme un
phénomène marginal et lié à la
précarité du contexte sociale et économique, on
découvre à la fin de cette étude, que ce
phénomène n'est en fait que l'expression du marché
illégal des oeuvres musicales qui existe réellement. Les
pratiques de la contrefaçon sont à la fois conditionnées
et pourtant indéterminées, contraintes et partiellement libres,
soumises à des régularités et néanmoins
susceptibles d'inflexions, justifiées par des discours marqués,
mais producteurs d'un sens subjectif. Puisqu'elles sont socialement
construites, mais construisent également le social, seul un
ré-encastrement social de ce marché peut permettre de mieux le
comprendre et de mieux le combattre.
MOTS CLE : Dynamique socio-économique.
Marché illégal des oeuvres musicales. Contrefaçon et
piraterie musicales. Nouvelle économie. Encastrement social. Droit
d'auteur et droits voisins. Douala-Cameroun
ABSTRACT
This study is entitled : « La dynamique
socio-économique de l'émergence du marché illégal
des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie à Douala ».
The main objective is to understand the development of the illegal market of
musical creation in the New economy in Douala, through an appreciation of the
fight against musical forgery and piracy, and through an analysis of the
socio-economic dynamism of that trade. The methodology is based on a
qualitative analysis realized, firstly with the help of a content analysis of
legal arrangements and the strategies of the actors engaged in the fight
against musical forgery, secondly with the help of an interview guide
administrated to 10 (ten) purveyors, 10 (ten) publishers, 10 (ten) dispensers
and 60 (sixty) sellers of illegal musical creations and products. In an
hermeneutic of action, the interpretative method has been chosen in an
interactionist paradigm, to appreciate the qualitative and the quantitative
elements drawn from the observed ones. The findings show that the development
of illegal market of musical creation is a consequence of the socio-economic
dynamism of that trade, reinforced by the inefficiency of the fight against
musical forgery and piracy. To conclude, instead of thinking that the
phenomenon of musical piracy is only caused by the poor environment, this study
shows that the phenomenon is real and should not be taken lightly. Sure, piracy
and forgery are socially conceived and as such affect our social wellbeing. So,
the problem should be taken within this context to be effectively
resolved.
KEY WORDS: Socio-economic dynamism. Illegal market of
musical creation. Musical forgery and piracy. New economy. Social embeddedness.
Author and neighbor's rights. Douala-Cameroon
INTRODUCTION GENERALE
A la fin du XXième siècle,
TEILHARD de CHARDIN parlait d'un mouvement qui s'amorçait avec la guerre
froide : le mouvement de convergence panhumaine. Selon lui, c'est de ce
mouvement que devait naître la << civilisation
planétaire »1, symbiose de toutes les civilisations
particulières. A ce sujet, il invitait les Africains à apporter
leur contribution à l'édification de la civilisation de
l'universel. Dans le même sens que lui, et avec beaucoup plus
d'optimisme, Engelberg MVENG (1964 :69) affirmait :
« Immense est donc l'horizon qui s'ouvre
devant notre art. L'Afrique d'aujourd'hui veut l'affronter avec espoir. Elle
sait que le monde attend d'elle une voix neuve dans le concert des peuples et
des civilisations, une voix qui soit la sienne propre et non le bruit faux
d'une cymbale empruntée ».
Plusieurs années après, leurs
prophéties sont devenues réalité. La <<
Civilisation planétaire >>, symbiose de toutes les
civilisations particulières de TEILHARD de CHARDIN, et le <<
concert des peuples et des civilisations >> dont parlait MVENG,
traduisent aujourd'hui, dans sa forme théorique, le concept de
« mondialisation de la culture >> (MOULIN, 2000). Ce
concept, appréhendé dans un contexte africain effrité par
de nombreuses tentatives vaines d'application des modèles de
développement importés, visualise une réalité
empirique particulièrement problématique et rendue davantage
précaire par la déréliction à laquelle est en proie
le patrimoine culturel des peuples africains face à la
mondialisation.
Dans un contexte de Nouvelle économie
structuré par la vision néo-libérale de l'économie,
de nombreux spécialistes requestionnent de plus en plus les
théorisations économiques de l'émergence des institutions
marchandes. Ce requestionnement dépasse aujourd'hui largement le cadre
des études s'intéressant à l'impact de la mondialisation
dans les sociétés africaines et embrasse la réflexion sur
les stratégies d'adaptation ou de rejet de cette mondialisation par les
africains. TARDIF et FARCHY (2006 :20) précisent les contours actuels de
cette mondialisation en faisant observer :
« La question la plus importante que pose la
mondialisation n'est plus celle de savoir comment commercer davantage, comme le
soutiennent les chantres de la globalisation. C'est plutôt de savoir et
de décider comment vivre ensemble, non plus seulement à
l'échelon local ou national, mais aussi à l'échelle
planétaire, avec des différences qui sont essentiellement
culturelles et qui ne cessent de se renouveler ».
L'émergence des pratiques économiques
<< illégales et/ou informelles >>2
apparaît dans plusieurs pays africains comme une <<
conséquence réelle >> de la mondialisation. Entre
adaptation et rejet, les africains ont développé une
véritable culture de marché, qui se meut bien habilement entre
illégalité et informalité (KENGNE, 2002). Le cas du
Cameroun, déclaré en 2006 dans un Rapport de l'Agence
Française de Développement (AFD), de << cas
atypique >>3, constitue un cas fécond d'analyse.
Tous les secteurs de production et de distribution dans ce pays sont de plus en
plus partagés entre deux secteurs : le secteur légal et le
secteur illégal et/ou informel4. Cette dualité
économique qui structure la configuration économique actuelle de
ce pays, donne lieu à une recrudescence des marchés informels
et/ou illégaux.
Cette cohabitation paradoxale entre le marché
légal et le marché illégal et/ou informel est observable
depuis déjà quelques années dans le secteur de la
production et de la distribution des oeuvres artistiques en
général et dans celui des oeuvres musicales en particulier.
Progressivement, le phénomène de la vente des supports de musique
contrefaits ou pirates s'est enraciné dans l'environnement social et
économique du Cameroun, mettant ainsi à l'épreuve la loi
n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux
droits voisins, et remettant sur scène par ce fait même, les
débats sur l'avenir des oeuvres artistiques en général et
des oeuvres musicales en particulier dans le contexte de la Nouvelle
économie. Toutefois, il n'est plus question aujourd'hui de prôner
un quelconque
2 La distinction entre les
concepts de secteur informel et de secteur illégal reste encore
très floue. Parlant du secteur informel, ABODO (1984) précisait :
<< On a ainsi parlé de secteur attardé, marginal,
illégal, spontané, libre,...De circuit inférieur...de
secteur informel, pour désigner une même réalité,
augmentant ainsi la complexité de saisie d'une nouvelle forme de
production dont les investigations sur le terrain restaient très
limitées >>. MIRAS (1991 :77) quant à lui,
considèrera le secteur informel comme l'une des rares sinon, la seule
notion qui ait été créée par une institution
internationale et se soit imposée aux politiques et aux chercheurs.
Selon lui, << c'est un concept analytique faible ; Une notion qui
fonctionne comme si elle était un concept ». La prudence dans
le cadre de cette étude justifie ici l'utilisation du couple <<
illégal et/ou informel >>.
3 AFD, << La
Formation professionnelle en secteur informel >>, Mai
2006.
4Des études
réalisées particulièrement dans la ville de Douala LEKAMA
(2007), KOUOTOU (2007) et TEDONGMO TEKO (2007) relatives à
l'économie informelle, ont été révélatrices
de cet état des choses.
protectionnisme culturel qui garantirait la
préservation de la culture, en continuant à soutenir que la
Nouvelle économie à travers l'avancée des Technologies de
l'Information et de la Communication (TIC) et la montée des
réseaux justifierait l' «impasse » dans laquelle les
oeuvres artistiques en général et musicales en particulier se
trouveraient du fait de leur marchandisation.
Il n'est plus question aujourd'hui de brandir
l'argument de la fatalité conjoncturelle que subiraient les oeuvres
musicales, et capituler dans la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie musicales ou de se réconforter dans une désertion de la
Science. Il n'est plus question aujourd'hui de continuer à pleurer sur
le sort des artistes musiciens, des producteurs, des éditeurs et des
distributeurs, en s'attelant à jouer sur les cordes de la ferveur
patriotique de l'Etat camerounais et des consommateurs des oeuvres
musicales.
Il est question aujourd'hui et dans cette
étude, d'aborder objectivement ce phénomène, en
s'interdisant toutes formes de supputations, de passions, de balbutiements, de
controverses , de louanges et de tractations vicieuses qui n'ont jusqu'à
présent contribué qu'à reléguer ce
phénomène dans les abysses de l'ignorance. Il est question
aujourd'hui, d'aborder minutieusement ce phénomène, en
l'insérant dans sa totalité réelle qu'est le marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie et qui
n'existe pas en apesanteur dans un vide structurel. Il est question aujourd'hui
de reconnaitre que le marché illégal des oeuvres musicales dans
lequel s'exprime le phénomène de la vente des supports de musique
contrefaits ou pirates, n'existe pas en soi, mais est le fruit des logiques
d'action des acteurs dont les actions sont orientées par des
modèles de comportement et qui participent à la diachronie et
à la synchronie de ce marché.
Cette étude intervient dans un contexte assez
significatif à plusieurs niveau :
- Premièrement, cette étude intervient
à un moment oil la communauté internationale est de plus en plus
préoccupée par la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie sous toutes leurs formes ;
- Deuxièmement, cette étude intervient
dans un contexte national marqué par une grande cacophonie dans le
domaine de l'art musical et par une croissance exponentielle des
activités illégales et/ou informelles.
- Troisièmement, cette étude intervient
dans un contexte scientifique, marqué par un requestionnement des
théories économiques et sociologiques de la structuration et du
fonctionnement des marchés.
- Quatrièmement, cette étude intervient
dans un contexte de Nouvelle économie, structurée par la vision
néo-libérale de l'économie et qui suscite de plus en plus
les débats sur la réification des oeuvres artistique du fait de
l'avancée des Technologies de l'Information et de la Communication, et
de la montée des réseaux avec INTERNET
Nous espérons, dans le cadre de cette
étude, comprendre le développement du marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie à
travers une appréciation de la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie musicales, et une analyse de la dynamique socioéconomique de
l'émergence de ce marché. Une analyse socio-économique du
fonctionnement du développement du marché illégal des
oeuvres musicales illégales peut permettre en effet d'appréhender
les conditions dans lesquelles le travail artistique se valorise et les
défis que rencontre cette valorisation. Et comme le souligne REMY (2007)
:
« L'analyse du monde de la culture comme
"marché" apparaît donc d'autant plus pertinente que les biens
culturels sont désormais placés au coeur d'une économie
qui tend à "marchandiser" des secteurs jusqu'alors
préservés. Gisement d'"authenticité", l'objet d'art, mais
plus encore le "geste" artistique font l'objet d'une
"récupération" qui tend sans cesse à s'effondrer sur elle
même, appelant un renouvellement toujours plus rapide des
références et des "modes". »
Cette étude réalisée entre
février 2008 et mars 2009, se propose plus exactement, d'analyser et
d'évaluer la pertinence des dispositions légales et des
stratégies des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales d'une part, et d'analyser et
évaluer la dynamique de cohabitation des représentations sociales
et de la rationalité économique des acteurs qui construisent et
maintiennent ce marché d'autre part. Cette mise à jour des
mécanismes de production symbolique de l'émergence du
marché illégal des oeuvres musicales présente, à
l'heure de la Nouvelle économie, un intérêt
renouvelé. Car si les études passées ont toujours
souligné la spécificité de leur champ d'étude, le
capitalisme néo-libéral emprunte désormais au registre
artistique la grammaire d'une économie de plus en plus basée sur
la singularité et l'expressivité, tout en élargissant les
frontières d'un marché de l'art désormais
"globalisé" (RIOUX et SIRINELLI, 2002).
L'étude se divise en deux grandes parties
:
problématique. Le cadre théorique est
présenté au chapitre 2. Le chapitre 3 quant à lui
présente les objectifs de l'étude, les hypothèses, le
modèle d'analyse, l'approche méthodologique retenue pour
l'étude, la délimitation du domaine d'étude, les
difficultés rencontrées et l'intérêt de
l'étude.
La seconde partie quant à elle, présente
le milieu d'étude qui est la ville de Douala et le contexte de la
Nouvelle économie en son chapitre premier. Le chapitre deuxième
de cette partie analyse les mesures légales et stratégies
d'action de lutte contre la contrefaçon et la piraterie musicales et le
chapitre troisième analyse les mécanismes fonctionnels
d'existence et de résistance du marché illégal des oeuvres
musicales.
PREMIERE PARTIE :
CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
INTRODUCTION
Tout effort de compréhension d'un
phénomène social donné s'inscrit en Sciences sociales dans
des canevas rigoureusement définis. La dynamique socio-économique
de l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales
dans la Nouvelle économie, ne peut constituer un sujet de recherche
digne d'intérêt, que si on l'inscrit dans un cadre
théorique et dans un cadre méthodologique. Ce préalable
permet de dissiper le halo profane qui entoure ce sujet et de briser les
chaînes de l'ignorance qui empêchent toute observation objective,
afin de bâtir une architecture logique et cohérente, qui
garantisse un travail scientifique. Une telle entreprise passe par une
présentation de la revue de la littérature, une
spécification de la problématique, une présentation du
cadre théorique de l'étude et une présentation et
justification de la méthodologie de l'étude.
REVUE DE LA LITTERATURE ET SPECIFICATION
DE LA PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
CHAPITRE 1 :
1-1-DEFINITION DES CONCEPTS :
La nécessité d'une objectivité et
d'une rigueur scientifique en sociologie est une priorité pour chaque
étude. Cette objectivité et cette rigueur ne peuvent avoir un
sens que si les concepts auxquels elles seront appliquées sont d'abord
objectivement et rigoureusement définis. Faute de soumettre le langage
commun à une critique méthodique, on s'expose à prendre
pour données, des objets préconstruits dans et par le langage
commun. DURKHEIM (1901 :15) rappelait d'ailleurs :
« Il faut que le sociologue au moment oil il
détermine l'objet de ses recherches, soit dans le cours de ses
démonstrations, s'interdise résolument l'emploi de ces concepts
qui se sont formés en dehors de la science et pour des besoins qui n'ont
rien de scientifique. Il faut qu'il s'affranchisse de ces fausses
évidences qui dominent l'esprit vulgaire, qu'il secoue, une fois pour
toute, le joug de ces catégories empiriques qu'une longue accoutumance
finit souvent par rendre tyranniques ».
· La Dynamique socio-économique
:
La dynamique est l'ensemble des forces en interaction et
en opposition dans un phénomène.
La dynamique renvoie aux forces orientées vers un
progrès.
Exemple : La dynamique de l'idée de l'union
africaine a abouti à la création de l'Union africaine en Sirte le
2 Mars 2001.
On parle aussi de la dynamique
révolutionnaire.
Exemple : La dynamique révolutionnaire
de la découverte et de l'introduction des Nouvelles Technologies de
l'Information et de la Communication (NTIC), a abouti à une
révolution des techniques de gestion, de
communication et de conception du monde.
En Sociologie, COMTE (1830) a été le
premier à utiliser le concept de dynamique sociale. Il voulait signifier
par là, la partie de la Sociologie qui étudie l'évolution
de la société. En fait, la dynamique sociale est la
capacité des acteurs sociaux à mobiliser les modèles
culturels de résolution des problèmes. On parlera ainsi de la
dynamique des populations en Démographie. En Psychologie, on parle de la
dynamique de groupe, appliquée à la prise de consensus des
processus de formation, d'évolution du groupe et de l'interaction entre
ses membres.
Dans le cadre de cette étude, parler de la
dynamique socio-économique, c'est parler des forces sociales et
économiques qui participent à la structuration et à la
reproduction du marché illégal des oeuvres musicales. Cette
orientation va dans le même sens que les points de vue de BALANDIER
(1971), DE RIVIERE (1978) et de PAULIN (1967). Plusieurs recherches sur les
initiatives économiques en Afrique, qui s'inscrivent dans une
perspective interdisciplinaire, n'étudient plus le social sans
s'intéresser à l'économique ou l'économique sans
s'intéresser au social.
· L'Emergence :
Apparu vers 1920, le concept d'émergence est
issu d'un groupe de philosophes et de biologistes britanniques qui
s'étaient rendu compte des limites du « réductionnisme
>>5 et du « vitalisme >>6.
C'est un concept utilisé dans les domaines de la Physique (STEWART et
COHEN, 1994), de la Biologie (CNRS, 2000), de l'Ecologie (RIETKERK, 2004) et
des Sciences sociales (BOUDON, 1997), s'appliquant à des systèmes
dynamiques comportant des rétroactions.
Selon STEWART et COHEN (1994), le concept
d'émergence désigne un point de passage obligé pour
expliquer des propriétés macroscopiques que l'on ne sait pas
reporter sur des propriétés des seuls composants, et ainsi de
suite jusqu'à l'infini. En Science physique, l'émergence
désigne un mouvement de pensée externe à la «
théorie du tout >>7, qui considère les
grandes lois physiques comme émergentes, c'est-à- dire, qui
n'offrent pas la possibilité d'être déduites des principes
plus fondamentaux. Dans cette logique, ces lois
5 Selon cette doctrine,
comprendre l'élémentaire est censé expliquer le
complexe.
6 Doctrine qui explique les
phénomènes physico-chimiques dans un organisme à partir
d'un principe vital.
7 Théorie à la
recherche de l'équation ultime s'appliquant à tous les
phénomènes.
sont relatives aux échelles
d'observation.
En Sciences sociales, les institutions (comme les
marchés) et les langages peuvent être considérés
comme des illustrations de phénomènes émergents,
décrits par les Sciences sociales (WALLISER, 2000). Cependant, si les
phénomènes d'émergence sont tout aussi pertinents dans les
Sciences sociales qu'en Physique ou en Biologie, c'est parce que les premiers
se distinguent par « l'intentionnalité des comportements
humains » (SEALE, 1983), qui en ayant conscience du
phénomène d'émergence, peuvent influencer le cours
(BECKENKAMP, 2006).
Dans le cadre de cette étude,
l'émergence est considérée comme l'apparition de nouvelles
caractéristiques à un certain degré de complexité.
Cette émergence peut être << faible >> ou
<< forte >>.
Lorsque la dynamique causale du tout est
entièrement déterminée par la dynamique causale des
parties, et est subjectivement interprétée comme émergente
par un observateur extérieur, l'émergence est dite «
faible >> (BEDEAU, 1997). Pour désigner cette
émergence « faible », VALERY (1962),
préfère le mot << émanation >> qui
selon lui semble être le seul terme assez poche de la
réalité, puisqu'il signifie << laisser suinter
».
Par contre, l'émergence est dite <<
forte >> lorsqu'elle concerne des propriétés
indépendantes de toute observation, intrinsèques au
système, de sorte qu'elles vont interagir avec les autres constituants
du système de manière originale. Dans ce contexte, ce qui
importe, c'est l'existence des propriétés émergentes
fortes.
Plus précisément, c'est le sens
systémique de l'émergence qui est retenu dans la présente
étude. L'accent ici est mis sur le phénomène
d'émergence qui n'est pas considéré comme une somme de
comportements simples, mais plutôt comme le résultat d'une
interaction entre ces comportements et la complexité du système.
BECKENKAMP (2006), décrit cette conception de l'émergence en
précisant que l'émergence est un « concept
encastré dans la théorie du système >>. Tel est
le sens qui est donné à l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle
économie.
· Le Marché :
Selon FERREOL (2002 :101), le marché est le
<< lieu de rencontre entre une offre et une demande ». Pour
SMITH (1859), le marché découle d'un ordre naturel : c'est la
propension à l'échange et la division du travail qui sont
à l'origine de l'apparition et de l'extension des marchés.
POLANYI (1944) critique cette vision naturaliste et évolutionniste du
marché développée par l'économie classique. Le
marché local typique où se rencontrent producteurs locaux et
consommateurs est selon lui, une réalité sociale invariante quels
que soient le lieu et l'époque. Et dans ce sens, ALPE (2005 :152)
définit le marché comme, le << lieu souvent fictif, oil
se rencontrent l'offre et la demande d'un bien ou d'un service
».
Dans la littérature sociologique, il est possible
d'identifier deux usages du mot marché :
Au sens strict, le marché désigne
l'espace et les modalités de rencontre des offreurs et des demandeurs
(BREMOND et GELEDAN, 2002 :333). Au sens large, ce terme englobe l'organisation
de l'ensemble des relations entre les acteurs : concurrence entre les
producteurs, rapports avec les fournisseurs, relations entre offreurs et
demandeurs.
Selon FLIGESTEIN (2001 :31), « le
marché est une arène sociale oil se rencontrent les vendeurs et
les acheteurs ». En donnant ce sens au marché, cet auteur
insiste sur la dimension relationnelle de la concurrence et définit le
marché par la coexistence de quatre ensembles d'institutions
:
- Les droits de propriété et leur
distribution ;
- Les structures de gouvernance, c'est-à-dire
la forme de la concurrence et les règles possibles de coopération
entre les firmes, ainsi que les formes d'organisation de ces firmes
;
- Les règles de l'échange au sens de
définition de qui a le droit de faire une transaction et avec qui, les
conditions de la transaction ;
- Les conceptions de contrôle.
Les marchés dans cette logique sont donc
considérés comme des << institutions dont
l'architecture est constituée de règles qui organisent la
coordination entre les différents intervenants » (FLIGESTEIN,
2001 :27). Le marché de la musique est en effet organisé par des
règles qui reposent à la fois sur le droit d'auteur, sur les
accords collectifs entre ayants droits et utilisateurs de musique, et sur les
dispositifs techniques construits par la loi
n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au
droit d'auteur et aux droits voisins.
· L'OEuvre artistique :
Toute définition de l'oeuvre artistique
épouse le sens donné à l'art. L'art se définit
généralement selon sa nature, sa typologie ou selon sa
fonction.
Dans son ouvrage Critique de la faculté de
juger8, KANT (1965) distingue l'art de la nature, de la science
et du métier. L'art est distingué de la nature, comme le
« faire >> l'est de << l'agir >>.
L'art est opposé au métier, car l'art est dit <<
libéral >> et le métier << mercenaire
». KANT (1965) aboutit ainsi à la définition suivante :
l'art est la production d'une oeuvre par la liberté.
Dans une définition plus spécifique,
MVENG (1964 :394), affirme : << L'art africain est une
écriture, un art universel où le langage est essentiellement
abstrait et symbolique >>. FRANCASTEL (1964) quant à lui, met
l'accent sur la fonction de l'art dans la société, et soutient
que par l'art, les sociétés rendent le monde un peu plus commode
ou un peu plus puissant et elles parviennent parfois à le soustraire aux
règles de la matière ou aux lois sociales et divines pour le
rendre momentanément un peu plus humain. EBOUSSI BOULAGA (1977
:213-214), dans le même sens, s'inscrit dans cette définition
fonctionnelle de l'art, en estimant que << l'art est l'écho le
plus direct de cette émancipation de l'être corporel à la
totalité du monde , il en est l'expression le plus naturel, la langue
que tous comprennent >>. Dans une perspective anthropologique, ALBIN
(1998 :64) estime que << pour les peuples sans écriture, l'art
est le seul moyen d'expression le plus naturel, la langue que tous comprennent
».
Ces différentes définitions de l'art
sélectionnées du fait de leur précision et de leur
concision, permettent de déboucher sur une conception de l'oeuvre d'art
qui mette l'accent sur sa valeur pour la distinguer des autres oeuvres. PICON
(1953 :22), soutenait déjà que « l'oeuvre d'art n'existe
pas comme une chose de la nature, mais comme une valeur pour l'esprit : sur un
plan où ce qu'elle apporte dialogue avec ce qu'on lui demande, où
ce qu'elle impose se mesure avec ce qui lui est imposé >>.
Cette distinction de l'oeuvre d'art des autres est très expressive et
nous amène à définir dans le cadre de cette étude,
l'oeuvre d'art comme un produit purement humain, d'êtres capables de
sensibilité, et qui tentent de
représenter dans les formes et des structurations
d'éléments interagissant, une perception construite,
réelle ou transcendante.
· La Musique :
Le concept de musique est un concept dont la
signification est très diversifiée, et il en résulte qu'il
ne saurait avoir une définition unique. Dans le cadre de cette
étude, nous définirons néanmoins la musique comme la
science et l'art consistant à arranger et ordonner les sons et les
silences au cours du temps, de sorte que les sons obtenus soient
agréables à l'oreille. Cette définition permet de mettre
en exergue deux approches d'appréhension de la musique : l'approche
intrinsèque et l'approche extrinsèque.
L'approche intrinsèque ou immanente soutient
que la musique existe avant d'être entendue. Elle peut même avoir
une existence par elle-même dans la nature et par la nature. Dans la
deuxième approche qui est l'approche extrinsèque, ou
fonctionnelle, l'accent est mis sur les fonctions de la musique. La
définition de la musique, comme de tout art, passe aussi par la
définition d'une certaine forme de communication entre les individus
d'une même communauté. C'est ce qui fait que la musique serve de
langage universel pouvant être compris par tous.
S'il nous est difficile de nous limiter à la
définition classique de la musique comme « art de combiner les
sons », c'est parce que cette définition est rendue
obsolète depuis le milieu du vingtième siècle (D'ANGELO,
1990). La composition assistée par ordinateur a largement
contribué à faire évoluer la notion d'oeuvre musicale,
puisqu'à présent, un simple logiciel est susceptible d'engendrer
une oeuvre musicale, ou de produire des sons avec lesquels l'interprète
peut agir.
Ainsi, comme l'ont démontré MACONIE
(1997), BERGER et BUCHANAN(1989), la musique comme art passe par des oeuvres
musicales. Chacune d'elle est un objet intentionnel dont l'unité et
l'identité sont réalisées par ses temps, espace, mouvement
et formes musicaux, tel que l'a si bien développé INGARDEN
(1982). En tant qu'objet de perception esthétique, l'oeuvre musicale est
certes d'essence idéale, mais son existence hétéronome se
concrétise par son exécution devant un public ou par son
enregistrement, y compris sa numérisation. Selon d'ANGELO (2006), les
manifestations extérieures qui prennent le statut de produits musicaux
constituent en dernier ressort des unités de matérialisation de
la musique.
· La Nouvelle économie
Selon BREMOND et GELEDAN (2002 :39), << ce
concept est utilisé pour désigner un ensemble d'activités
économiques fondées sur de nouvelles technologies
>>.
La Nouvelle économie dont il est question ici,
est différente de la « nouvelle économie >>
(<< n >> minuscule), dont parlent certains auteurs, et qui renvoie
plutôt à un système économique alternatif à
celui qui prévaut actuellement. ENGELHARD (1998), dans son ouvrage
<< L'Afrique miroir du monde. Plaidoyer pour une nouvelle
économie », développe cette << nouvelle
économie >>.
Cette Nouvelle économie est
considérée comme le vecteur d'une nouvelle révolution
industrielle qui bouleverserait en profondeur l'ensemble de la
société. Nous employons ce concept dans le cadre de cette
étude selon son sens large en tant qu'il désigne une
transformation qui touche l'ensemble de l'activité productive à
travers l'utilisation des nouvelles technologies dans toutes les
branches.
1-2-REVUE DE LA LITTERATURE
L'environnement dans lequel le développement de
la contrefaçon des oeuvres musicales vient s'insérer, et qu'il
transforme est celui du marché musical existant. Pour cerner le
fonctionnement du marché illégal des oeuvres musicales, et
comprendre les transformations qu'il opère, il est possible de s'appuyer
sur un très grand nombre de travaux déjà
réalisés, qui permettent de tracer un chemin vers l'analyse de
l'émergence des institutions marchandes en général et vers
celui du marché illégal des oeuvres musicales en particulier. Ce
chemin, nous le suivrons à travers deux cadres : le cadre de l'Economie
de la culture et le cadre de la construction sociale du
marché.
· Le cadre de l'Economie de la
culture
L'Economie de la culture est une branche de
l'économie s'intéressant aux aspects économiques de la
création, de la distribution et de la consommation des oeuvres d'art.
Cette analyse économique des << industries culturelles
» s'intéresse aux fondements des caractéristiques de ces
industries , aux mécanismes mis en place par l'offre pour tenir compte
des contraintes , ainsi qu'à leurs conséquences quant à la
qualité et à la variété des biens Produits.
GALBRAITH en 1973, soulignait déjà l'importance économique
croissante de l'art. Mais c'est principalement grâce aux travaux de
BAUMOL et BOWEN (1966) sur le spectacle vivant et à ceux de BECKER
(1988) sur les biens additifs, que l'Economie de la culture s'est
constituée un champ propre. Les travaux de BAUMOL et BOWEN (1966)
débouchaient sur la recommandation selon laquelle la
rémunération des artistes devait au minimum, croître comme
celle de la population en général, suivant la productivité
générale dans l'économie. Selon BAUMOL et BOWEN (1966), la
croissance inexorable du coût relatif des spectacles vivants expliquait
la dépendance de ceux-ci à l'égard des subventions
publiques sans lesquelles cette activité serait condamnée. Ils
baptisèrent cette réalité de << maladie des
coûts ».
D'après les statistiques de l'Organisation des
Nations Unions pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) et du
Conseil des Nations Unies pour le Commerce, l'Economie et le Commerce (CNUCED),
le commerce international des biens culturels constitue l'un des secteurs les
plus dynamiques de l'économie mondiale. En moins de vingt ans entre 1980
et 1998, les échanges internationaux de biens culturels (Cinéma,
Radio et TV, Imprimés, littérature et musique, ont
été multiplié par cinq. Les industries culturelles
contribueraient au PNB mondial à une hauteur de 7% dans le monde et 3%
dans les pays en
voie de développement.
En plus de cet intérêt accordé au
coût des oeuvres d'art, Mc CAIN (2000), MOULIN (1997,2000) et MOUREAU
(2000) quant à eux s'intéresseront à la consommation des
biens culturels. Mc CAIN (2000) notera que cette consommation repose en fait
sur l'existence d'un actif économique spécifique qu'il nomme le
« goût >>. Ce goût pour une classe de biens est
lié à la formation reçue à apprécier ces
biens. Le goût selon lui s'analyse comme une forme de capital,
s'accumulant du simple fait de la consommation des biens culturels. La
consommation des biens culturels relève donc en partie des <<
phénomènes d'addiction >> (expression qu'il
emprunte à BECKER et MURPHY, 1988). Abordant la consommation des biens
culturels, LUKACS (1981) s'intéresse plus à leur valeur. Le
paradigme de l'échange qu'il développe reste déterminant
pour penser la communication et c'est seulement dans la mesure où
l'oeuvre repose sur le << malentendu >> entre le
vécu et l'expression, qu'elle peut dépasser le conflit et en
être véritablement une solution. Selon cet auteur, il y a une
rupture radicale entre la communication ordinaire et l'expression artistique,
entre les valeurs échangeables et esthétiques. A la suite de
LUKACS, SIMMEL (1987) et FABBRI (1997), s'intéresseront aussi à
la valeur de l'oeuvre d'art, en reprenant les concepts de «
fétichisme >> de MARX (1957) et de <<
réification >> de LUKACS (1962). Dans ce sens, FABBRI
(1997 :48) soutient : << L'oeuvre d'art subit dans l'échange
une réification : au lieu de se fonder sur la relation qu'il a de
l'oeuvre d'art pour l'apprécier, le sujet attribue la valeur de l'oeuvre
à une qualité objective de celle-ci, celle qui serait
évaluée et mesurée dans l'échange. La valeur semble
alors en émaner directement >>.
Dans le contexte actuel, l'Economie de la culture
s'intéresse de plus en plus à la construction du marché de
la musique en ligne. Si plusieurs auteurs tels que BENJAMIN (1936), D'ANGELO
(1990), MESNARD (1990) et ROUET (2000), voient en l'Internet un puissant
catalyseur de la musique, d'autres par contre sont plus septiques. Le droit
d'auteur est plus abordé par d'autres qui mettent en évidence le
fait que les innovations de l'Internet soient susceptibles non seulement de
faire émerger de nouvelles formes économiques, mais aussi de
susciter la réorganisation des industries culturelles existantes. On
peut identifier dans ce sens le rôle important joué par le droit
d'auteur dans cette réorganisation du marché et dans
l'édification des modèles d'affaires de la musique en
ligne.
comme des réalités justiciables d'une
analyse. Il permet également, en élaborant des théories et
des cadres d'analyse, d'aborder scientifiquement l'art et ses contours.
Toutefois, fidèle à sa discipline mère qu'est la Science
économique, l'Economie de la culture se limite uniquement aux aspects
économiques et quantitatifs, nonobstant la dimension sociale et les
logiques d'action des acteurs qui interviennent dans ce domaine
d'étude.
· Le cadre de la construction sociale du
marché.
Ce cadre qui relève plus du domaine de la
Sociologie économique, considère le marché comme une
construction sociale. Celui-ci montre que les marchés reposent sur des
structures sociales qui sont indispensables à leur fonctionnement et
à leur stabilité. Ce cadre souligne que l'équilibre
supposé par la théorie économique est en fait acquis du
fait de l'effort constant des acteurs pour stabiliser les formes de
coordination et les rapports de force entre les acteurs du
marché.
L'ouvrage de POLANYI (1944) intitulé La
Grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre
temps, Peut être considéré comme le premier classique
de ce cadre. La thématique principale de POLANYI dans cet ouvrage est
celle de l'absence de naturalité et d'universalité de l'Homo
oeconomicus et du marché. Selon lui, l'homme n'a pas toujours
été un animal économique doublé d'une machine
à calculer. Ce n'est que dans le cadre et dans les limites d'une
économie de marché généralisé que les
motivations de l'action humaine se réduisent aux deux seuls mobiles de
la peur de mourir de faim et de l'appât du gain monétaire. Le
marché pour lui n'est pas un ordre naturel spontanément auto
engendré, mais plutôt un ordre construit en étroite
symbiose avec l'ordre politique et étatique. A la suite de POLANYI, et
reprenant le concept d' « encastrement »
développé par ce dernier, CALLON (2003), CAILLE (1994) et bien
d'autres auteurs se constitueront en chantres de ce concept d'encastrement
social.
Dans la même logique, ZELIZER (1983,1985) et
SWEDBERG (1994), rejettent le fonctionnalisme utilitariste dans lequel
l'explication d'une institution repose sur la fonction que celle-ci remplit
pour le plus grand avantage. Que ce soit au niveau micro-social ou au niveau
macro-économique, ces auteurs montrent que la création et
l'évolution du marché dépendent d'un nombre important de
conditions sociales et politiques, lesquelles contribuent ensuite au
fonctionnement du marché. ZELIZER (1983) par exemple, explique comment
il se fait que le marché de l'assurance décès n'arrive pas
à s'implanter aux Etats unis avant les années 1870 et comment la
mise en place d'un tel marché, pourtant hautement « fonctionnel
» pour ces populations, demande à ce que des
changements significatifs aient lieu dans les valeurs qui
conditionnent la mise en rapport de l'argent et des évènements
primordiaux.
C'est dans ce cadre qu'il convient d'inscrire la
perspective de la Sociologie de la musique. Pousseur (1972), compositeur et
théoricien, peut être considéré comme l'un des
principaux chantres de la Sociologie de la musique grâce à son
étude scrupuleuse des rapports entre l'artiste -- et donc, bien entendu,
le musicien -- et son vécu dans la société. Il a en fait
essayé de montrer que l'art cherche souvent à organiser des
communications différentes, des communications d'un autre ordre que
celles des sens. Aussi, l'art ne se réduit-il pas à une
pensée individuelle et individualiste. Il est aussi action et
interférence sur la conscience collective et sur les données
immédiates qui échappent à la conscience. On parle ainsi
de la « culture au pluriel » (DE CERTEAU, 1993).
Au travers de l'art, notre prise de conscience de
notre place dans ce monde s'organise autour d'une image que nous nous forgeons
du monde. Ainsi, l'esprit du temps, les données du moment, la culture de
l'époque et les valeurs partagées par la société
à un moment donné, peuvent fortement influencer tous ces
paradigmes a priori à la base de notre représentation
(FRANCASTEL, 1970). Dans cette logique, l'artiste est obligatoirement une
présence particulière dans la culture générale et
dans son environnement : il reflète les préoccupations du moment,
et demeure ancré dans son époque. L'artiste, dans ce contexte est
confronté au souci de la pertinence dans le contexte culturel de sa
création, à savoir géographique, historique, mais aussi
structurel et philosophique. Il est soumis aux mêmes problèmes que
pour toute tentative de communication : l'oeuvre et son auteur sont rapports au
monde, et en ce sens, un souci d'effectivité guide les intentions et
transmuent le désir de respecter l'authenticité de la tradition.
La mémoire de l'oeuvre construit un certain futur qui influencera la
création à venir.
Les analyses sociologiques de WEBER (1911) et de
DELIEGE (1986) ont démontré les tendances des formes musicales
à évoluer vers l'abstraction, le calcul, la rationalisation,
tendances confirmées au XXe siècle mais qui ont
été en fait toujours présentes. L'art en fait, ne cherche
pas à être en phase avec son époque. Mais, dans la mesure
où il manie un matériau par principe in-ouï et que
la réceptivité du matériau nouveau ne peut
s'émanciper des phases progressives d'une initiation à ce nouveau
monde sonore et musical, l'artiste réalise comme l'indique LEVERATTO
(2000), une véritable création sans connaître les bases
culturelles de la réception.
Dans un tout autre registre, de ce cadre, l'accent est
également mis sur les relations sociales qui se nouent entre individus
dans le marché. Les travaux de GRANOVETTER (1974, 1993,2005), de WHITE
(1970, 1981,2002) et de TROMPETTE (2005), s'inscrivent dans cette logique.
Placée entre la théorie économique et les faits
stylisés que l'on peut construire à partir des travaux
historiques, la Sociologie économique élaborée dans le
cadre de la construction sociale du marché, permet de faire des
interprétations causales , tels que l'illustrent les travaux de SHIONOYA
(1995), ABOLAFIA (1996) et HATCHUEL (1995).
Le cadre de la construction sociale du marché
est un renouveau dans l'analyse des marchés. En prenant en compte la
dimension sociale, ce cadre pénètre un aspect du marché
jusqu'ici occulté par l'Economie de la culture. Il peut permettre
d'aborder le marché illégal des oeuvres musicales qui dans le
cadre de notre étude est considéré comme une institution
marchande. Ce cadre de la construction sociale du marché rencontre
cependant d'une manière critique la problématique de notre
étude , lorsqu'il néglige l'hypothèse des
mécanismes de sélection qui aboutissent à ce que les
institutions légales soient progressivement éliminées par
la société elle-même au profit des illégales. La
brèche ici ouverte, débouche sur le relativisme socio-culturel
qui dans le cadre de notre étude rejette de toutes ses forces
l'uniformité des successions. Si les contextes socio-culturel et
structurel influencent la construction des marchés, il faut toutefois
reconnaître que les contextes sont différents et varient d'une
aire géographique à l'autre et d'un cadre temporel à
l'autre. L'aire géographique africaine en général et
camerounaise en particulier, reste un vaste laboratoire dans lequel le cadre de
la construction sociale du marché reste peu expérimenté.
La sociologie de la musique également même si elle ne cherche pas
tant à analyser des fondements culturels universels mais plutôt
à rechercher comment se bâtit la mémoire collective autour
des formes de composition et de leur réception, élude quant
à elle la dimension marchande de la musique.
En somme, tous ces cadres en général
sont des perspectives d'analyse qui fournissent de précieuses
informations sur la thématique de la construction sociale du
marché dans le domaine de la culture. Ils sont des chemins tracés
qui débouchent dans le cadre de notre étude, sur le
problème de l'émergence des institutions marchandes
illégales en général et du développement du
marché illégal des oeuvres musicales en particulier dans le
contexte de la Nouvelle économie.
1-3- SPECIFICATION DE LA PROBLEMATIQUE :
Les images mettant en scène des artistes
musiciens en pleine confrontation avec des créateurs et des vendeurs de
supports de musique contrefaits, sont de plus en plus récurrentes au
Cameroun, et encore plus dans la ville de Douala, capitale économique.
Chaque fois, c'est le même scénario de coups de poings, de
bastonnades, d'invectives, d'échauffourées , et de saisies de
supports d'oeuvres musicales contrefaits ou d'appareils de gravure, ceci sous
le regard des consommateurs qui perplexes ne savent de quel coté se
ranger. Chaque fois, c'est le même scénario de conflit, au point
où il est possible de parler de « conflit
institutionnalisé » au sens de SCHELING (1979), entre les
artistes musiciens qui s'érigent en « justiciers »,
et les vendeurs « hors la loi ». Mais jamais, les carrefours
et les lieux publics ne désemplissent de ces supports d'oeuvres
musicales contrefaits, mis à la vente à des prix «
incroyablement » bas, et retrouvant même le consommateur
à son domicile et à son lieu de travail. De leur coté, les
artistes musiciens ne cessent de faire la une des médias à
travers leurs interventions dénonciatrices, accusatrices et
condamnatrices, visant soit leurs collègues, soit le Ministère de
la culture, soit les sociétés de gestion collective de droit
d'auteur, soit tout simplement l'Etat camerounais. Progressivement, ce
scénario a évolué, et s'inscrit de plus en plus dans le
registre du banal et de la routine, laissant ainsi libre cour au
développement d'un marché aujourd'hui partie intégrante du
paysage social et économique : le Marché illégal des
oeuvres musicales.
Selon le Comité Musical de la lutte Contre la
Piraterie (CMLCP)9, les pertes économiques dues au
fléau de la contrefaçon et de la piraterie au Cameroun sont
estimées à un peu plus de 10 milliards FCFA par an et à
plusieurs centaines de milliards de dollars par an au niveau
planétaire10. De plus, selon toujours le Comité
Musical de la lutte Contre la Piraterie (CMLCP), si ces chiffres sont parlant,
le fait que la contrefaçon et la piraterie nuisent au système
d'incitation qui sous-tend la propriété intellectuelle et
entravant les investissements dans l'innovation est bien plus grave encore. Par
ailleurs, dans un ouvrage
9 Source : Dépliant
produit à l'occasion de la semaine de la sensibilisation contre la
piraterie, 16 au 24 mai 2008.
10 La
Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI)
estime qu'en 2003 le piratage commercial des formats matériels a
représenté 4,5 milliards de dollars des États-Unis de
ventes illégales dans le monde. Il convient de comparer ce chiffre
à celui des pertes mondiales estimées pour l'année
précédente, à savoir 4,6 milliards de dollars des
États-Unis, après 4,3 milliards de dollars pour 2001. En 2003,
plus d'un CD sur trois vendu dans le monde était un produit
piraté. Si l'on prend en compte les cassettes musicales, le chiffre est
encore plus élevé, puisque l'IFPI estime que la piraterie
représente aujourd'hui 40 % de tous les produits musicaux vendus dans le
monde.
très récent, MOUMI NGINYA (2008),
souligne que 8.400.000 supports frauduleux échappent au circuit formel
camerounais par an et que la quantité d'exemplaires de Compact Disc (CD)
contrefaits déversés sur le marché informel est
supérieure à ce qui est produit légalement, les points de
vente et de distribution étant plus efficaces et plus
nombreux.
Comme une véritable << imagination au
service de la conjoncture >>11, le marché
illégal des oeuvres musicales s'exprime sans inquiétude et est
même devenu pour plusieurs jeunes camerounais dans la ville de Douala,
leur « principale activité >>. Ce marché
dévoile à première vue, des << culture-action
», « culture-création » et « culture de
nonsoumission >>(CHOMBART,1988) qui apparaissent comme des <<
innovations mises au point >> pour faire face à la crise
économique et à la précarité sociale telles que
exprimées lors des émeutes de la faim de février 2008 dans
les grandes villes du Cameroun, et même pour faire face à la
cacophonie qui semble régner dans les milieux de l'art musical,
corroborée par les récentes mésaventures de la Cameroon
Music Coorporation (CMC) qui ont défrayé la
chronique.
Au niveau global, la réalité du
marché illégal des oeuvres musicales évolue dans un
contexte de crise qui selon NANA-SINKAM (1999 :141), se traduit <<
entre autre par le recul de l'emprise de l'Etat sur les activités
des organisations, des administrations et des agents économiques
». Dans une perspective libérale mondialisatrice, l'Etat en
tant qu'institution se trouve au milieu d'une profonde crise de
légitimité. Autrement dit, dans un tel contexte de «
moins-Etat », renforcé par une idéologie
néo-libérale qui préconise la maximisation à
outrance du profit économique, en s'appuyant sur la
libéralisation au nom de la mondialisation pour faire rentrer tout dans
l'orbe de la mercantiliation, les questions sur l'avenir des oeuvres
artistiques refont surface.
Qu'il soit qualifié de souterrain, d'illicite,
d'illégal, d'informel, de parallèle, de noir, de
périphérique, d'alternatif, de dissimulé ou de non
enregistré, il ne fait l'ombre d'aucun doute qu'à coté du
marché classique légal des oeuvres musicales, s'est
développé un marché au sens économique et
sociologique du terme dans le contexte actuel de la Nouvelle économie.
Ce contexte est en fait un véritable champ d'émulation des
secteurs de la communication, de leurs outils et de leurs activités. La
principale réalité est que
l'accumulation des connaissances, sous forme de
capital humain et technologique, occupe aujourd'hui plus que par le
passé, une place centrale dans le fonctionnement des économies.
Parler de la Nouvelle économie, c'est parler dans le cadre musical, des
Technologies de l'Information et de la Communication (TIC), dont le
développement amorcé au Cameroun à partir des
années 2000, semble aller de pair avec la croissance diversifiée
du marché des oeuvres musicales qui, grâce à la mise au
point massive d'appareils de gravure et de nouveaux supports de musique
à la portée de tous, reconfigurent le processus de
création, de distribution et de consommation des oeuvres musicales.
Cette reconfiguration que les Technologies de l'Information et de la
Communication (TIC) rendent davantage technologique, épouse le contexte
socioéconomique de la ville de Douala marqué par une
informalisation grandissante, dans un mariage harmonieux
célébré par l'idéologie néo-libérale
qui est constitutive de la Nouvelle économie.
En effet, jusqu'à présent, les efforts
de compréhension du développement du marché illégal
des oeuvres musicales dans notre contexte, s'intéressent soit au
<< silence de l'Etat et des forces de l'ordre >> et
avancent l'argument de la corruption et de l'impunité <<
généralisées >> qui toucheraient tous les
secteurs d'activités économiques dignes d'être
protégées. Développant ce point de vue, ARNAUD (2004
:109), traduit cette réalité camerounaise avec indignation en
soulignant : << Je n'ai jamais visité aucun pays oil le droit
d'auteur soit aussi bafoué, ignoré, et oil les professions
artistiques soient aussi méprisées par un pouvoir qui par
ailleurs sait faire preuve d'une redoutable efficacité policière
dès que sa propre survie est menacée >>. Soit aussi,
ces efforts s'intéressent à la dimension sociale et avancent
l'argument de la pauvreté et de la crise économique. Soit encore,
ils s'intéressent à la dimension esthétique et avancent
l'argument de la << vulgarité et de l'amateurisme
>> qui caractériseraient de plus en plus la musique camerounaise ;
soit enfin, ils s'intéressent à la condition <<
déplorable >> de la majorité des artistes
musiciens, et avancent l'argument de l'ingratitude des consommateurs des
oeuvres musicales qui seraient plus friands des supports de musique
contrefaits.
Ce foisonnement de clés de lecture du
marché illégal des oeuvres musicales, démontre clairement
que ce ne sont pas les arguments qui manquent, ni encore moins des propositions
de solutions qui vont des plus << censées » aux plus
<< naïves >>. La diversité de ces clés
de lecture souligne la complexité de ce marché qui, étant
donné son ampleur actuelle, ne peut plus être
considéré comme un << phénomène marginal
>>, justiciable
d'analyses partisanes, revendicatrices ou
dénonciatrices. Dans cette situation de l'oeuvre musicale à
l'époque de sa << reproduction mécanisée
>> (BENJAMIN, 1936), << on est tous dans le brouillard
>> (PETONNET, 2001), face à cette << guerre du faux
>> (ECO, 1985), puisque le << droit de la culture »
(PONTIER, 1990), est de plus en plus violée dans notre <<
société de consommation » (BAUDRILLARD, 1967). Il
s'agit d'une réalité qui existe, qui a toujours existé, et
qui continuera certainement à exister, en continuant à poser des
problèmes non seulement à la culture camerounaise et aux
gouvernants, mais aussi aux sciences dont le champ d'étude est la
réalité sociale.
La musique avant tout, et toute définition doit
repartir de là, est un art (HEINICH, 2001). L'oeuvre musicale est donc
une oeuvre artistique et par conséquent, a un sens, une dynamique et une
valeur propres, irréductibles à sa commercialisation. La
Petite Encyclopédie de l'art (1995), dans une approche
anthropologique, relevait qu'en Afrique, << l'art a toujours une
fonction sociale >> et << est le ciment de la
société >>. KANDINSKY (1989) dans le même sens
rappelait que l'art est le ferment nécessaire qui conduit vers une
réelle transformation de l'être humain et de son
développement, car parmi les multiples voies de la connaissance, la voie
artistique est la plus douce, et certainement la plus marquante et la plus
durable. Les oeuvres musicales, en tant que oeuvres de l'esprit, ne peuvent
être évaluées financièrement comme peuvent
l'être les ouvrages artisanaux. Mais étant donné qu'une
oeuvre musicale est créée pour être diffusée au
grand public, sa fixation sur un support s'impose. Cette oeuvre fixée
devient un << phonogramme >> ou un <<
vidéogramme ». Lorsque l'oeuvre musicale est fixée
sur un support, ce support (phonogramme ou vidéogramme) peut être
désormais considéré comme un bien économique qui,
tout en ayant une valeur non marchande liée à sa reconnaissance
en tant qu'oeuvre artistique créée par un auteur, a aussi une
valeur marchande liée aux coûts de production, d'édition et
de distribution. D'oh les notions de « droit d'auteur >> et
de <<droits voisins >>. Toutefois, dans le contexte actuel
de la Nouvelle économie, nous sommes invités à replacer la
vente des phonogrammes et des vidéogrammes contrefaits, dans un
environnement local et global empreint de provocation, oh tous les produits de
l'avantgarde obéissent à une logique dont seule une
appréciation a posteriori permet de déterminer la
portée.
S'intéresser au marché des oeuvres
musicales, c'est s'intéresser à la création, à la
distribution et à la consommation des oeuvres artistiques. Cet
intérêt relève du domaine de l'Economie de la
culture12 et de la Sociologie de la musique13.
S'intéresser au marché illégal des oeuvres musicales,
c'est pour ainsi dire, s'intéresser au circuit illégal de
création, de distribution et de consommation des oeuvres musicales,
ceci, tout en reconnaissant d'un point de vue sociologique , qu'aucun
marché ne peut fonctionner en apesanteur dans un « vide
structurel ».
Dans ce sens, si l'économiste au nom de
l'Economie de la culture peut se sentir interpellé par les
problèmes que pose le marché illégal des oeuvres
musicales, de même le sociologue au nom de la Sociologie de la musique,
ne saurait rester indifférent. Ces deux disciplines, face à la
complexité du marché illégal des oeuvres musicales qui
apparait comme un champ à la fois économique et social, se
trouvent bien contraintes à cheminer ensemble dans la mouvance d'un
pluralisme scientifique. Ceci ne suppose aucunement une juxtaposition de
l'Economie et de la Sociologie dans un éclectisme scientifique. Rejetant
une telle juxtaposition, nous préconisons dans le cadre de cette
étude, une articulation de ces deux disciplines. Cette articulation de
l'Economie de la culture et de la Sociologie de la musique est
réalisée dans le cadre de la Socio-économie14
qui est une branche de la Sociologie et des Sciences économiques, qui
examine l'influence des rapports humains sur l'évolution
économique15. Elle est ouverte à une série de
positions qui partagent le souci de traiter les comportements
économiques comme impliquant la totalité de l'individu et toutes
les facettes de la société
Au regard de toutes les problématiques
développées jusqu'ici dans la compréhension du
développement du marché illégal des oeuvres musicales, il
se pose toujours avec acuité le problème de leur pertinence. Si
le marché illégal des oeuvres musical est de plus en
plus
12 L'Economie de la culture
est une branche de l'économie, étudiant les aspects
économiques de la création, de la distribution et de la
consommation des oeuvres artistiques (BENHAMOU, 2000).
13 La Sociologie de la
musique qui est une branche de la Sociologie, interroge le fait sociologique
dans son rapport avec la création musicale (WEBER, 1911).
14 On pourrait
peut-être dans une certaine mesure, parler de «
socio-économie de la musique » (BEHAMOU,
2004).
15 C'est une science
sociale qui s'est détachée comme un domaine d'étude
nouveau à la fin du XXe siècle, lorsque les influences
de la société (organisation sociale et conduites collectives) sur
l'économie, par exemple les facteurs sociaux entraînant le
développement économique (l'encastrement des marchés dans
une société), ont été étudiés. La
Socio-économie ne suppose aucun engagement envers une quelconque
position idéologique impliquée par telle ou telle théorie
d'économie politique ou de socio-économie.
croissant dans notre société, comme une
maladie incurable, n'est-ce pas parce qu'on s'attaque aux symptômes et
non à la maladie ? La question est alors de savoir si l'on peut aller
plus loin que les seules caractéristiques de la violation de la loi et
de la rentabilité économique, dans l'analyse de
l'émergence des institutions marchandes illégales !
Tout d'abord, si nous sommes d'accord avec la
problématique actuelle qui avance dans des perspectives fonctionnaliste
et structuraliste l'argument de la pauvreté, de la
précarité sociale et de l'environnement socio-économique
pour expliquer et même justifier le développement du marché
illégal des oeuvres musicales, faut-il dès lors considérer
ce marché comme une « fatalité conjoncturelle
» et comme une nouvelle forme de « chrémastique
»16 qu'il faudrait légitimer au nom de la
« débrouillardise » ? Dans ce sens, comment
introduire dans une démarche scientifique, une interprétation
socio-économique dans la conception actuelle de l'illégalisation
croissante des institutions marchandes en général et du
marché des oeuvres musicales en particulier, afin de le
différencier autrement qu'en fonction de son caractère
empiriquement observable par tous ? Autrement dit, nous débutons cette
étude par la question suivante : quelles logiques structurent-elles et
participent-elles à l'émergence du marché illégal
des oeuvres musicales malgré les stratégies répressives
mises en oeuvre pour lutter contre la contrefaçon et la piraterie
musicales, et comment les valeurs de la Nouvelle économie
affectent-elles également ce marché ?
Dans une logique de la recherche, cette question peut
être formulée succinctement de la manière globale suivante
:
Pourquoi dans le contexte actuel de la Nouvelle
économie, le marché illégal des oeuvres musicales se
développe-t-il malgré les mesures légales et les
stratégies d'action mises en oeuvre pour combattre la contrefaçon
et la piraterie musicales ?
Ainsi simplement posée, cette question peut
paraitre triviale. Aussi, convient-il de préciser les contours de notre
démarche en vue d'apporter une réponse scientifique à
cette question. Dans cet ordre d'idée, la stabilité et la
permanence du marché illégal des oeuvres musicales, ne sont pas
considérées comme le point de départ de l'analyse, mais
comme le point d'arriver : s'il existe des relations prévisibles,
régulières, entre des offreurs, des demandeurs, des fournisseurs,
cela n'est possible que grâce aux règles
(elles-mêmes
16 La «
Chrémastitque » selon Aristote est l'art de gagner de
l'argent.
illégales), aux dispositifs ou à la
culture partagée par les acteurs. La stabilité et la survie du
marché illégal des oeuvres musicales pourraient par ce fait
même, reposer sur la capacité de ce marché à
s'autoréguler dans l'illégalité.
Cette préoccupation, en posant le
problème de l'émergence du marché illégal des
oeuvres musicales, suscite la problématique de l'encastrement social du
marché illégal des oeuvres musicales. De cet encastrement social,
il en résulte une légitimation sociale de violation des normes
sociales par la société elle-même et partant, une
réification des oeuvres artistiques. Ce qui conduit à entretenir
artificiellement dans une déviance économique le marché
des oeuvres musicales, en dépit des préjudices juridique et
culturel dont ses acteurs se rendent coupables.
Le marché illégal des oeuvres musicales,
au-delà de toutes les passions qu'il suscite, peut être
analysé comme un « champ social » au sens d'un espace
social structuré autour d'intérêts et composé
d'acteurs, d'enjeux, de références, de règles et de
processus. Il s'agit de théoriser cette activité
économique comme fait social dans lequel les modes de coordination
à l'oeuvre sont divers et ne se réduisent pas à celui
organisé autour de l'information véhiculée par le prix de
marché. Cette brèche ouverte, suppose que l'on s'interroge au
préalable sur la pertinence des indicateurs habituellement
utilisés pour aborder l'émergence des institutions marchandes
illégales dans notre environnement. Il apparaît alors que ces
indicateurs, quantitativement orientés ou subjectivement construits,
éludent le plus souvent la rationalité des acteurs et la prise en
compte de la loi relative au doit d'auteur et aux droits voisins. Le cas du
marché illégal des oeuvres musicales est représentatif de
ce type de remarque et conduit par ce fait même à la
nécessité de l'exploration de l'idée force de la nouvelle
Sociologie économique, qu'il est absolument impossible de penser le
fonctionnement de l'économie fusse-t-elle illégale, en dehors de
son encastrement social.
Si cette problématique revêt une
importance pas des moindres pour une étude, ce n'est pas parce que en un
sens, l'émergence des activités économiques
illégales et/ou informelles soit devenue pour les Institutions
Financières Internationales (IFI), une source productrice de richesses
qu'il faudrait encourager à travers leur « formalisation
»17 ; Ni
17 Selon le
Dictionnaire de notre temps (1990), la formalisation est L'«
action de formaliser, de rendre formel ». Il s'agit ainsi dans le
cadre de notre étude d'une formalisation qui, selon DARREAU et PONDAVEN
(1998), est l'« action de rendre formelles les activités
relevant du secteur informel ». Ce concept dans sa
réalité opérationnelle, renvoie à la capitalisation
c'est-à-dire « l'action d'accroître un
capital
encore parce que l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales soit devenue dans notre
société une réalité récurrente et à
inscrire dans le registre de la banalité ; Ni encore moins parce que
tout le monde croit pouvoir parler aisément de ce
phénomène sans la nécessité d'un quelconque
éclairage scientifique.
Ce qui nous intéresse, c'est de saisir,
au-delà de l'aspect expressif du marché illégal des
oeuvres musicales, les logiques et les mécanismes réels de son
émergence, en vue de déboucher sur des recommandations
concrètes. Et comme l'a si bien recommandé CASTEL (2000 :282),
<< Tout travail sociologique est, en fait, une tentative de
répondre à une demande sociale ». Nous cherchons
à comprendre l'originalité du marché illégal des
oeuvres musicales, qui se meut dans notre environnement et dans le vécu
quotidien, afin de dégager d'une part la structure actuelle des rapports
et de la signification culturelle de ses diverses manifestations et d'autre
part, les raisons qui font qu'il se développe plus sous une forme
illégal plutôt que sous la forme légale.
Il convient donc, selon notre démarche,
d'aborder le marché illégal des oeuvres musicales , en
l'insérant dans son contexte social , et en montrant en quoi les
processus économiques ne se comprennent qu'en relation avec les
phénomènes sociaux , par lesquels les individus et les groupes
expriment aussi autre chose que leurs stricts intérêts . AYOKO
(2007 :8), recommandant cette démarche soulignait :
« Il semble urgent de mener les études
nécessaires à la valorisation économique des secteurs
culturels. Mais celles-ci ne peuvent être séparées des
questions sociales, identitaires, géoculturelles et politiques qui
recouvrent les expressions artistiques, au risque d'en faire des produits comme
des autres : des marchandises progressivement soumises aux diktats du
marché ».
On voit bien l'ambition de cette démarche et en
même temps son intérêt pour l'analyse
socio-économique : la socio-économie qu'elle constitue, permet de
replacer les formes de relation économique dans un cadre plus large qui
ne soit ni purement économique, ni purement social. Pour le dire dans
les termes de SWEDBERG (2003), cette socio-économie demande que soit
développée une << conception
par l'addition des intérêts qu'il
procure » (Dictionnaire de notre temps, 1990).
Une telle action s'inscrit dans la politique des
créneaux qui << Cherche à concentrer les moyens
disponibles sur les secteurs ou sous-secteurs pour lesquels le pays est le plus
compétitif » (BRE MOND et GELEDAN, 2002). En tant que tel, la
capitalisation apparaît comme un projet de développement dont la
finalité peut être la croissance économique et/ou le
progrès social. Elle intéresse le sociologue du moment où
elle engage l'avenir global de la société avec les dynamismes et
les logiques sociales.
sociologique de l'intérêt
>>, examinant les formes diverses que l'action intéressée
peut prendre, y compris sur les marchés modernes illégaux. La
visée de cette perspective en Socio-économie , est le
dépassement des déterminismes exclusifs de l'économisme
macro ou micro économique d'un coté, et des <<
modèles sociostructurels >>18 ou de «
l'absolutisme culturel >>19 de l'autre , et s'inscrit
dans un parti pris d'une lecture qui tiendrait à la fois compte de ce
que peuvent être les déterminations spécifiques des
logiques du marché illégal des oeuvres musicales et celles des
logiques comportementales socialement valorisées.
Est donc ouverte dans le cadre de cette étude
la thématique de la << construction sociale du marché
>>20. Cette thématique explique comment le
contexte politique et relationnel conduit à telle forme d'institution
marchande, laquelle doit satisfaire les intérêts
pécuniaires des acteurs qui s'y trouvent engagés (STEINER, 1999).
De ce fait, la construction sociale du marché engrène sur la
notion << d'encastrement social >> de POLANYI
(1944,1957)21, relancée par CAIRE (1974) et
théorisée par la Society for de Advancement of Socioeconomy
(SASE)22, en vue de transcender la séparation conventionnelle
des facteurs économiques et non économiques, dans une approche
intégrative et non additive.
Privilégier une telle grille de lecture, c'est
envisager le marché illégal des oeuvres musicales, dans une
perspective qui dépasse l'illusion rationalisatrice et abstraites des
économistes tels que SMITH (1859), ROSTOW (1963) et WALLERSTEIN (1990).
Et par ailleurs, la sursocialisation du marché par les sociologues
à l'instar de BOULDING (1973), ETZIONI (1988) et SEN (1997) qui
proclament le marché « territoire culturel
>>.
18 Le modèle
socio-structurel du marché met en question l'approche économique
individualiste en faisant porter l'analyse non plus sur les individus, mais sur
les relations sociales structurées
19 En proclamant le
marché << territoire culturel », les études
sur la culture marchande et matérielle proposent une alternative
théorique à la conception purement instrumentale du marché
moderne.
20 Cette thématique
tire son origine des thèses de la Sociologie de la Connaissance de
BERGER et LUCKMANN (1994), et vise à soutenir que malgré leur
apparente existence objective, les institutions résultent en fait d'un
long processus de création sociale.
21 Dans son ouvrage de 1957,
POLANYI jetait les bases d'une Anthropologie économique moderne. Pour
lui, les phénomènes économiques sont <<
encastrés >> dans la structure sociale.
22 Extrait de SEARS D.O.,
1991, « Socio-Economics : Challenge to the Néoclassical
Economic Paradigm >> in Psychological Science, Vol.2, N°1,
Janvier, pp.12-15. La << plate forme minimale >>
proposée par la SASE à tous les << social
scientist >>, s'appuie sur les principes suivants :
Les variables indépendantes de chaque corps de
propositions de la théorie socio-économique doivent inclure au
moins une variable non économique et une variable
économique.
Sur ce point, nous réaffirmons dans le cadre de
cette étude avec BARBER (1995), GRANOVETTER (2000) et BECKET (2006),
l'encastrement de tout marché dans le social, et en ce qui nous
concerne, l'encastrement du marché illégal des oeuvres musicales
dans le social comme base de notre étude.
La science sociale que nous nous proposons de
pratiquer dans le cadre de cette étude, est une science de la
réalité. Bien que déchiré entre l'appel à la
<< tolérance >> et l'appel à <<
l'application de la loi >>, nous réaffirmons cependant notre
ambition de conquête scientifique du marché illégal des
oeuvres musicales et de contribution objective à la préservation
du patrimoine culturel dans un contexte de Nouvelle économie. Rappelant
la responsabilité du sociologue dans la société en crise,
CROZIER (1970 :11) faisait remarquer que << cette
responsabilité doit être jugée en fonction de sa
capacité réelle de compréhension, et non pas en fonction
des besoins et des rêves de cette société >>.
Loin de tout << subjectivisme » et de tout «
prophétisme social >>, il est question d'aborder
objectivement et avec tout l'arsenal scientifique adéquat, un
marché qui suscite beaucoup de passions et remet en question les
théories économiques du marché face à la culture et
la mondialisation dont la Nouvelle économie est fille.
Cette Nouvelle économie en elle-même, est
porteuse d'une nouvelle conception à la fois mercantiliste qu'humaine de
l'avenir. Les perspectives de croissance économique et/ ou de
progrès social, dévoilent dans le contexte artistique, un horizon
d'incertitudes vers lequel tendent irrémédiablement toutes les
actions économiques humaines (PASSET, 2002). Il sera question, soit de
construire un développement technologique qui promeut davantage la
culture, soit de s'engluer dans les méandres d'une modernisation qui
sacrifie la culture au profit de la rentabilité économique. En
outre, la Nouvelle économie reste un vaste laboratoire qui dans le cadre
de la Socio-économie, fait actuellement l'objet de très peu
d'études (TEDONGMO TEKO, 2007). Pourtant, les théories
économiques qui se réinterprètent dans ce champ et les
dynamismes sociaux qui y sont en action, interpellent plus que jamais les
Sciences sociales dans leur orgueil de positionnement et dans leur
humilité de transdisciplinarité.
CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE
CHAPITRE 2 :
« Si en contemplant les
phénomènes, nous ne les rattachions point immédiatement
à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de
combiner ces observations isolées, et par conséquent, d'en tirer
aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les
retenir ; et le plus souvent, les faits resteraient inaperçus sous nos
yeux ».
COMTE (1830 :14-15) dans ces propos,
réaffirmait la nécessité de spécifier l'approche
théorique de toute étude. Cette étude s'inscrit dans le
cadre de l'analyse du changement social, envisagée selon la
théorie de l'action sociale.
2-1-Le changement social.
En prenant position en faveur de la Sociologie du
changement social, GURVICHT (1950), soutenait que la société doit
être conçue moins comme un système d'éléments
interdépendants que comme un système en état de changement
permanent. L'exigence de totalité s'applique selon lui, plutôt
à l'analyse du changement. Cette analyse selon lui, postule que le
changement social ne peut être appréhendé sans
référence à l'ensemble des « paliers en
profondeur » de la réalité sociale.
Marx (1957 :173-175) quant à lui, expliquait
l'évolution des modes de production par la lutte des classes. Le
changement social selon lui, considéré comme un
phénomène durable, n'est pas analysé comme une simple
évolution conjoncturelle ou réversible. Dans un texte de
l'Introduction à la critique de l'Economie
politique23, il montre par exemple que l'évolution de
l'art est en liaison avec l'infrastructure socio-économique de la
société. Les transformations économiques
évoquées dans son approche se manifestent par des modifications
de structure. Il évoque ainsi un phénomène collectif et
non une situation de chaque individu, pris individuellement.
23 MARX K., 1957, Op.cit.
pp.173-175.
Selon TOURAINE (1974), le changement social n'est pas
commandé par l'intervention des forces considérées comme
non sociales, qu'il s'agisse de la technologie ou de l'Etat, mais par
lui-même, par la manière dont une société vit le
double mouvement de refoulement et d'aspiration qui commande son
développement : concentration et poussée contestataire de
réappropriation collective des ressources gérées par et
pour les dirigeants. Touraine soutenait ainsi que les activités
économiques peuvent être analysées selon les trois
dimensions suivantes : celle des acteurs sociaux, celle des compromis
institutionnels et celle enfin des formes concrètes de
coordination.
Pour BOURDIEU (1992), les structures sociales sont
supposées plus ou moins reproduites dans les structures cognitives des
agents par l'intermédiaire des structures symboliques. Cette «
incorporation » des structures sociales dans les structures
cognitives individuelle opère grâce à l' «
habitus », définie par BOURDIEU < en tant que structure
structurante et structurée, qui engage dans les pratiques et les
pensées des schèmes pratiques issus de l'incorporation, à
travers le processus historique de la socialisation, l'ontogenèse des
structures sociales elles-mêmes issues du travail historique des
générations successives : la phylogenèse »
(BOURDIEU, 1992 :143. Cette conception bourdieusienne constitue une
illustration des conceptions conférant aux finalités collectives
un rôle moteur dans l'action sociale.
Récemment en parlant du changement social,
ROCHER (2008) a relevé le fait que dans le siècle présent,
qu'on tende à < présenter le changement social comme un
phénomène objectif, qui se produit en quelque sorte en dehors de
l'homme et dont celuisubit l'impact et les conséquences »
(ROCHER, 2008 :2). Il estime que < les descriptions du changement
dans la société moderne n'échappent pas à ce qu'on
pourrait appeler un certain «sociologisme, qui tend à
réifier le changement, à le considérer comme un objet ou
une chose complètement en dehors et au-dessus de l'homme »
(ROCHER, 2008 :2). Ainsi, selon lui, le changement n'est pas seulement un
phénomène extérieur à nous, se produisant dans les
choses ou dans notre milieu. Le changement, c'est aussi une idéologie,
une perception du monde, une certaine conviction (ROCHER, 2008 :2). L'ambition
de cet auteur ici est bien affirmée : soutenir que le changement social
est une construction qui prend forme dans le moule de
l'idéologie.
Une analyse historique contribuerait sans doute
à éclairer le problème de l'émergence du
marché illégal des oeuvres musicales dont il est question dans
cette étude. Toutefois, il ne suffit pas seulement d'expliquer comment
une pratique ou une institution
s'est développée, il faut aussi expliquer
pourquoi elle se maintient. PIAJET (1981 :200) dans cette logique, rappelait
déjà :
« La difficulté essentielle
inhérente à toute théorie sociologique consiste à
concilier l'explication diachronique des phénomènes,
c'est-à-dire celle de leur genèse et de leur développement
avec l'explication synchronique, c'est-à-dire celle de
l'équilibre ».
La voie indiquée par PIAJET(1970,1981) est bien
définie : l'analyse sociologique étudie toutes les actions
réelles qui constituent l'infrastructure de la société.
Elle étudie également l'idéologie qui est la
conceptualisation des conflits et des aspirations nées de l'action. Elle
les étudie avec la science sociologique qui prolonge les actions en
opérations, permettant d'expliquer l'individu et la
société.
Cet appel aux processus qui peuvent être
endogènes ou exogènes, ou les deux à la fois dans
l'analyse du changement social, est repris de manière plus
élaborée par BOUDON (1984), qui développe une
pluralité de théories du changement social : les cercles vicieux
de la pauvreté chez NURSKE (1953) et la nucléarisation de
l'institution familiale avec l'industrialisation chez PARSONS (1976). BOUDON
(1988) propose un schéma explicatif de la dynamique d'un
phénomène social :
« Désignons par M le
phénomène que l'on se propose d'expliquer (...) La structure de
l'explication consiste à observer que M résulte de
l'agrégation de comportements microscopiques, c'est-à-dire
individuels. Ce que l'on peut écrire : M=M(m), oil M ( ) a sens de
« fonction de » et oil m désigne le comportement d'un individu
quelconque. Quant à ce comportement, il est luimême une fonction
d'un ensemble de données qui, elles sont ou no microscopiques,
c'est-à-dire définies au niveau du système. On peut
désigner ces données macroscopiques par P : m=m(P) (...) La
structure de l'explication précédente peut donc être
représentée par l'expression M=M [m(P)]. Verbalement : le
phénomène global M dérive d'un ensemble de comportements
individuels m résultant de motivations elles-mêmes
affectées par les données globales P » (BOUDON, 1988
:33).
Le changement social, en tant qu'objet d'étude
de la Sociologie dynamique et développé dans le cadre de cette
étude, ne renvoie pas au terme « dynamique » par
opposition au terme « statique » comme le concevait COMTE
(1830), mais plutôt à l'étude du progrès. Dans le
cadre de cette étude, nous soutenons que la sociogenèse du
marché illégal des oeuvres musicales, n'explique pas sa fonction
ultérieure parce que, en s'intégrant dans des totalités
nouvelles, ce marché peut changer de signification. Autrement dit, si la
structure de ce marché dépend bien de son histoire
antérieure, sa croissance dépend de sa position fonctionnelle
dans la totalité socio-économique dont il fait partie à un
moment donné.
A cet effet, l'analyse de la dynamique
socio-économique, est conçue ici selon BOUDON (1984), dans le
pôle épistémologique de l'individualisme
méthodologique. Cette démarche consiste à saisir au
travers d'une analyse microsociologique, la logique du changement dans des
systèmes d'interaction de dimensions suffisamment restreintes pour
être observables. Celle-ci permet une formalisation intéressante
de l'analyse des interactions entre un nombre limité d'acteurs,
interprétant des rôles sociaux codifiés et mus par des
intérêts à déterminer.
La démarche célèbre suivie par
WEBER (1965) dans son Introduction à la sociologie des religions,
indique que si l'appât du gain est un trait universel de
l'être humain, le capitalisme par exemple selon lui, peut s'identifier
directement avec la maîtrise ou du moins avec la modération
rationnelle de la pulsion rationnelle. Ainsi, l'action intéressée
qui a cour sur le marché moderne résulte d'une construction
sociale et culturelle demandant à être étudiée dans
sa formation historique et son fonctionnement quotidien. L'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme24, fournit une
réponse historique : la règle comportementale lors des
transactions marchandes dans laquelle l'intérêt à long
terme, par reproduction des structures d'échanges, est
préférable à l'opportunisme sauvage, découle d'une
manière non anticipée et non voulue du fait que l'activité
laborieuse a été considérée comme un «
devoir » religieux ou moral dans les communautés des croyants.
L'argument wébérien a donc une portée
générale en affirmant le rôle joué par les relations
sociales au sein de communautés définies, qu'elles soient de
nature religieuse , familiale, amicale, dans le façonnement du
comportement intéressé à l'oeuvre dans la vie sociale en
général et dans la sphère économique en
particulier.
24 WEBER M., 1964, L'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme, Ed. Plon, Paris.
Redéfinissant la Sociologie avec WEBER (1965)
comme << Une science qui se propose de comprendre par
interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer
causalement ses effets », nous soutenons avec HIRSCHMAN (1983 :26)
que << l'économie ne peut être pensée hors des
institutions, des valeurs, des raisons cachées et des conflits qui se
nouent entre acteurs ». Le but visé par la recherche n'est pas
tant la représentation en elle-même que ce qu'elle nous apprend
sur la société elle-même.
Il sera question dans cette étude, de
comprendre le développement du marché illégal des oeuvres
musicales dans la Nouvelle économie, à travers une
appréciation de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie
musicales et une analyse de la dynamique socioéconomique de ce
marché. L'analyse dans cette approche théorique se veut
<< fonctionnelle » au sens de BOUDON (1997), dans une
posture << interactionniste »25 (BLUMER
1969)26.
2-2-Perspective théorique : la théorie de
l'action sociale.
En remettant sur scène les notions d' <<
actions logiques » et d' << actions non logiques
» (rationalité économique et représentations
sociales), cette étude ressuscite le dualisme entre ces deux notions
parétiennes, pour l'inscrire dans un renouvellement paradigmatique. Face
à la bipolarisation classique de ces notions, la vision de la
Socioéconomie recommande que soit récusée toute
définition substantialiste de la recherche, forgée autour de
propriétés invariantes. Qu'il nous suffise donc de rappeler ce
préalable, afin d'énoncer à nouveau que l'approche
théorique adoptée dans le cadre de cette étude, vise
à soutenir que la recherche d'une théorie de l'action
généralisée par rapport aux schémas permettant de
rendre compte des actions de type << logiques » et de type
<< non logiques », nous parait incarner une dimension
fondamentale de la problématique de cette étude.
Ceci implique qu'on ne peut comprendre le comportement
des acteurs que si on se donne tout d' abord le système d'interaction
auquel ils appartiennent. Loin de soutenir que le système
détermine leur comportement, il est plutôt question de soutenir
que chacun des
25 Ce courant sociologique
appréhende le fait social comme une construction, et non pas comme une
réalité « naturelle » ou
déterminée par des forces extérieures. La
société n'existe pas en soi, elle est le résultat d'un
processus continu qui, procède de l'action des individus, de la
dynamique de leurs échanges, et de la mobilisation de leurs
représentations et leurs connaissances.
26 En épurant
l'interactionnisme des apories classiques automatiques de significations
codifiées, mais comme un processus de formalisation qu'entraîne
une révision des significations et leur utilisation pour guider et
structurer l'action, BLUMER (1969 :2-6), soutient que l'interprétation
ne doit pas être traitée comme une application.
acteurs, selon sa rationalité économique
et ses représentations sociales, s'efforce de prendre la décision
la plus adaptée, eu égard de ses intérêts tels qu'il
les conçoit. Le langage de la recherche utilisé dans ce sens
apparait davantage comme un espace argumentatif, constitué d'une
multiplicité de raisonnements. Pour le dire dans les termes de DUCROT
(1995), un tel langage est « polyphonique ».
Le Marché illégal des oeuvres musicales
dans cet univers théorique, est appréhendé comme une
construction (BERGER et LUCKMANN, 1996) et non pas comme une
réalité naturelle ou déterminée par des forces
extérieures (DURKHEIM, 1988). ELA (1990), précisait d'ailleurs
que la cause fondamentale du développement des choses et des
phénomènes n'est pas externe, mais interne. Le marché
illégal des oeuvres musicales n'existe pas en soi. Il est le
résultat d'un processus continu qui procède de l'action des
individus, de la dynamique de leurs échanges et de la mobilisation de
leurs représentations et de leurs connaissances (BOUDON, 1997). Il
s'agit alors de voir comment ces individus justifient leurs actions, choix et
comportements, et comment ils les rendent « recevables et valables
». Cette « pragmatique » (BOLTANSKI, 1991), part
du principe que les opérations de dévoilement des motifs
réels ne sont pas l'apanage exclusif des chercheurs, et qu'elles sont
pratiquées quotidiennement dans le marché illégal des
oeuvres musicales.
Dans ce dispositif, deux principes peuvent être
mises en exergue : le principe de l'Homo oeconomicus et le principe de l'Homo
sociologicus.
· Le principe de l'Homo oeconomicus
:
Ce principe qui est essentiellement économique,
dérive de la Philosophie politique du XVIIIème
siècle et utilise un modèle simplifié d'agent
économique qui correspond au modèle de comportement utilitaire
tel que développé dans le modèle d'analyse de cette
étude. Ce principe repose sur un postulat fondamental selon lequel
l'individu cherche, en fonction des ressources dont il dispose, à faire
« les meilleurs choix possibles, du point de vue de ses
préférences » (SIMON, 1952 :98-118). Selon ALBOU (1984
:123), l'homo oeconomicus est :
« Un calculateur général de
plaisir et de peine qui comme une sorte de globule homogène fait de
désire de bonheur, oscille sous l'impulsion de stimulants qui le
promènent un peu partout sans le déformer. Il n'a ni passer ni
avenir, il est un fais humain isolé, immuable, en équilibre
stable sauf sous le contre coup, de certaines forces agissantes qui le
déplace dans un sens ou dans
l'autre ».
Pourquoi des individus s'investissent-ils plus dans le
marché illégal des oeuvres musicales que dans le marché
légal ? Les critères de choix de ces individus peuvent être
envisagés en termes d' « avantages comparatifs »
(SMITH, 1859). Dans le registre de ce principe, l'activité
économique est considérée comme :
« Un processus d'allocation rationnelle de
ressources rares à usage alternatif par des sujets qui cherchent
à obtenir le maximum des moyens dont ils disposent- en vue de satisfaire
leurs objectifs de travail et de consommation, c'est-à-dire leur
utilité » ( TRIGILIA, 2002).
Le marché est alors compris comme étant
le produit complexe des actions d'agents tendant à maximiser leurs
profits en tirant le meilleur parti des moyens à leur disposition
(DEMEULE NAIRE, 1996). Dans ce sens, les schèmes de causalité que
l'Economie ne découvre pas en observant directement la
réalité, elle est susceptible de les introduire par
hypothèse, en supputant les comportements de l'Homo oeconomicus. Cette
mobilisation du principe de l'Homo oeconomicus permet également à
l'Economie d'avoir une certaine fiabilité dans ses résultats et
dans ses prédictions. A cet effet, ce principe a une valeur pareille
à celle d'une condition de possibilité d'un certain
déterminisme tel que l'a si bien développé BRIDEL
(1999).
Les traits fondamentaux de l'homo oeconomicus
:
1- Il agit exclusivement mû par
l'intérêt personnel ;
2- Il n'obéît qu'à la raison, c'est
un calculateur ;
3- Il est universel, toujours parfaitement
informé ;
4- Il ne fait que vivre dans le moment présent,
il ne se souvient ni prévoit ;
5- Un être parfaitement isolé, libre et
indépendant de tous les autres hommes (BOUDON, 2000).
Bien que l'Homo oeconomicus soit
généralement conçu par les sociologues comme un
schéma particulier qui peut être utilisé dans l'analyse des
phénomènes économiques qui intéressent la
Sociologie, la démarche socio-économique adoptée dans le
cadre de cette étude voudrait que l'Homo oeconomicus soit plutôt
reconnu selon son sens classique et originel. Ceci nous amène à
le considérer comme un modèle qui suppose que, sauf exception, la
notion de meilleur choix possible est définie (DE MEULE NAIRE, 1996).
C'est sur la base de ce principe que la rationalité économique
des contrefacteurs
est analysée dans le modèle d'analyse.
Ils sont donc analysés comme des agents qui cherchent à maximiser
leurs intérêts. De manière précise, ils sont des
« capitalistes illégaux », posant des <<
actions logiques » (PARETO, 1968).
· Le Principe de l'Homo
sociologicus.
Tout en s'interdisant d'aborder l'activité
économique en se référant à la Physique, le
principe de l'Homo sociologicus inclut << la norme de valeur
sous-jacente aux calculs technico-économiques » (VATIN, 1993).
L'économiste MENGER (1910) a, le premier, critiqué la notion
d'Homo oeconomicus. Celle-ci illustre l'idée
d'homogénéité des besoins, dont la variété
est au contraire aux yeux de Menger responsable de l'entrée de l'agent
dans le processus d'échange. Selon lui, l'économiste
:
<< Ne peut ni ne doit décider si les
individus sont fous ou rationnels, moraux ou non, quand ils choisissent ce
qu'ils choisissent dans le monde qui les environne. L'économiste doit se
borner à constater que celui qui agit recherche des biens dont il sait
(ou dont il est convaincu savoir) qu'ils satisferont le(s) besoin(s) qu'il
ressent » (BOUDON, 2000).
Ici, l'Economie n'est plus une Science
mathématique telle que conçue par WALRAS (1987 :340), et
l'activité économique dès lors, peut prendre en compte
« un ensemble de phénomènes qui, bien qu'ayant un
rapport avec le fonctionnement de la sphère productive,
n'obéissent pas pour autant à la stricte logique marchande
» (MARECHAL, 2001 :100).
L'Homo sociologicus peut ainsi être
considéré comme un acteur intentionnel, doté d'un ensemble
de préférences, cherchant les moyens acceptables de
réaliser ses objectifs, plus ou moins conscient du degré de
contrôle dont il dispose sur les éléments de la situation,
agissant en fonction d'une information limitée et dans une situation
d'incertitude. La condition de possibilité se trouve dans des
comportements qui partent d'une synthèse permanente de fins objectives,
de mobiles subjectifs, de contraintes sociales, et réexamens rationnels
de son activité. BOLTANSKI et THENEVOT (1991), ont montré que les
agents économiques ne se réduisent pas à des individus
maximisateurs, mais qu'ils sont aussi des philosophes et des moralistes qui
mobilisent des ressources éthiques et cognitives variées en lien
avec les situations concrètes auxquelles ils se trouvent
confrontés.
En considérant l'Economie comme la Science des
<< actions logiques >> et la Sociologie comme la Science
des << actions non logiques >>, PARETO (1968), soutenait
le dualisme entre la Sociologie et l'Economie, en marquant les
frontières de chacune de ces deux disciplines. Cette conception de
PARETO est en effet intéressante, du moment où elle
précise une des intentions épistémologiquement
fondamentale de la Sociologie moderne qui consiste à expliquer les
actions et plus globalement, les comportements donnant à l'observateur
le sentiment de l' « irrationalité >>. Le principe
de l'Homo sociologicus, telle que réinterprétée par
DARHRENDORF (1967) et revalorisée par BOUDON (1997), résume et
exprime un renouvellement épistémologique de la notion
parétienne d' << actions non logiques >>. HUGON
(2001 :55), rappelait déjà que les comportements des agents ne
conduisent généralement pas aux résultats attendus par
l'Economie orthodoxe car selon lui, les individus répondent souvent
moins aux incitations des prix qu'à des normes. Les études
récemment réalisées par CAILLE (1994), CASTEL (1995),
KIRMAN (2002), FAVEREAU (2003), GIBBONS (2005) et TROMPETTE (2005), vont dans
ce sens en mettant en exergue la préséance de la <<
subjectivité » pour découvrir ce que dissimulent
les sciences économiques. Dans ce cadre, les individus ne sont plus
seulement des « calculateurs >> régis par une
rationalité prévisible.
Ces deux principes sont envisagés dans un
schème actanciel, et participent à maintenir un équilibre
dynamique. C'est-à-dire un <<équilibre sans cesse
mouvant, changeant, soumis à la fois aux forces de
l'interdépendance et à celles de la spontanéité des
acteurs >> (ROCHER, 1968 :69). Cet équilibre d'un point de
vue théorique, se traduit finalement par une structuration d'un
modèle socio-économique de l' << Homo sociooeconomicus
>>27.
L'analyse sociologique du changement sur laquelle nous
nous appuyons, se présente donc comme un effort pour identifier des
types fondamentaux de changement, à partir de l'analyse de processus
singuliers. La logique du cadre théorique de cette étude
adhère à l'idée que notre « compréhension
des phénomènes sociaux est augmenté dès lors
qu'elle part des raisons qui guident les individus dans leur action et non des
construits sociologiques relatifs aux résultats de ces actions
>> (BULLE, 2005 :7).A cet effet, l'analyse sociologique de ces processus
singuliers, consiste à les interpréter comme la
27 Dans son ouvrage de
1988, ETZIONI plaidait déjà pour la reconnaissance de la
bi-dimensionnalité des sujets, entre raison instrumentale et loi morale.
Ce plaidoyer prend de manière très enrichissante un sens dans le
cadre théorique de cette étude
matérialisation et la combinaison des structures
générales. Les trois postulats du Modèle rationnel
général développés par BOUDON (2003 :19-21) sont
retenus dans cette logique :
« Postulat 1 de l'individualisme, veut que
tout phénomène social soit le produit d'actions, de
décisions, d'attitudes, de comportements, de croyances individuelles,
les individus étant les seuls substrats possibles de l'action, de la
décision, dès lors qu'on prend ces notions en un sens
métaphorique ;
Postulat 2 de la compréhension, formule que
toute action, décision, attitude, comportement et croyance peut, en
principe du moins, être compris ; Postulat 3 de rationalité,
suppose que les actions, décisions, attitudes, comportements et
croyances que les Sciences sociales ont à connaitre sont principalement
le produit de raisons, lesquelles peuvent être plus ou moins clairement
perçues par l'individu ».
PRESENTATION ET JUSTIFICATION
DU CHOIX DE LA METHODOLOGIE
CHAPITRE 3 :
« Le type de méthode utilisée
dépend non seulement des goûts personnels du chercheur, mais des
questions qu'il se pose ».
Cette affirmation de Boudon (1969 :13), est à
haut point révélatrice des mobiles qui conduisent à
l'adoption d'une méthode de recherche. La question de recherche retenue
dans le cadre de cette étude pose le problème de
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales, et
suscite la problématique de l'encastrement sociale du marché
illégal des oeuvres musicales.
3-1-OBJECTIFS DE L'ETUDE
3-1-1- Objectif principal
L'objectif principal de cette étude est de
comprendre le développement du marché illégal des oeuvres
musicales dans la Nouvelle économie à travers une
appréciation de la lutte contre la contrefaçon et la piraterie
musicales et une analyse de la dynamique socioéconomique de ce
marché.
3-1-2- Objectifs spécifiques
- Analyser et évaluer la pertinence des
dispositions légales et des stratégies des acteurs engagés
dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie musicales
;
- Analyser et évaluer la dynamique de
cohabitation des représentations sociales et de la rationalité
économique des acteurs qui participent à l'existence et à
la résistance du marché illégal des oeuvres
musicales.
3-2-HYPOTHESES
3-2-1- Hypothèse
générale
piraterie musicales, renforcée par la dynamique
socio-économique de ce marché. 3-2-2- Hypothèses
spécifiques
- Les dispositions légales et les
stratégies offensives des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales sont inefficaces parce qu'elles
sont inadaptées à la réalité du marché
illégal des oeuvres musicales ;
- La dynamique socio-économique du
marché illégal des oeuvres musicales se traduit par une dynamique
de cohabitation des représentations sociales et de la rationalité
économique des acteurs qui participent à l'existence et à
la résistance de ce marché.
3-3- MODELE D'ANALYSE
L'objectif de cette étape consiste à
rendre falsifiable l'hypothèse selon laquelle le développement du
marché illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle
économie est une conséquence de l'inefficacité de la lutte
contre la contrefaçon et la piraterie musicales, renforcée par la
dynamique socio-économique de ce marché. Dans cette optique,
cette hypothèse sera traduite en un langage formel. Le flou et
l'obscurité des communications personnelles seront rigoureusement
extirpés. Les nécessités épistémologiques
auxquelles nous sommes soumis, reposent sur une exigence de neutralité
destinée à forger et à maintenir un raisonnement
scientifique.
A cet effet, la construction de ce modèle
d'analyse revient d'abord à construire une relation entre la dynamique
socio-économique et l'émergence du marché illégal
des oeuvres musicales. La dynamique socio-économique est ici
abordée sous l'angle de la problématique de l'encastrement
social, qui est appréhendée dans le cadre de ce modèle
d'analyse, à travers les logiques d'action. C'est cette variable qui
donne à l'émergence du marché illégal des oeuvres
musicales dans la Nouvelle économie, sa signification et sa
cohérence. Pratiquement, c'est l'élément dont l'absence,
la suppression ou la méconnaissance, changerait la signification de ce
marché et entrainerait la désarticulation de sa structure et de
son fonctionnement au regard de la problématique de cette
étude.
Nous reconnaissons deux fonctions à cette
variable. Etant donné qu'elle constitue le lien entre tous les
éléments et acteurs de ce marché, elle a un rôle
unificateur et stabilisateur : c'est sa fonction organisatrice. En outre,
puisqu'elle donne un sens aux actions des individus qui interviennent d'une
manière ou d'une autre dans ce marché, elle
a une fonction génératrice. Elle constitue
ce par quoi l'émergence de ce marché prend un sens
spécifique.
Mettant en relation et interprétant à
partir des modalités toujours singulières les signaux et les
messages qui lui sont adressés, chaque individu qui participe à
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales dans
la Nouvelle économie, gère à son niveau, incertitudes,
conflits et aspirations, tout en étant lui-même une source et
récepteur potentiels d'influence. Etant donné que les objectifs
et les contraintes se redéfinissent et se transforment sans cesse, la
dynamique des logiques d'action ne se comprend qu'en fonction de jeux
relationnels très diversifiés. Nous sommes ici au coeur de
l'entreprise wébérienne de la méthode de
l'interprétation, en plain-pied dans une « herméneutique
de l'action >>, envisagée dans le « paradigme de
l'intentionnalité >>28.
Les normes (dispositions légales) et les
valeurs (perceptions) qui guident les actions dans le marché
illégal des oeuvres musicales ne sont pas immuables. Des ajustements
(d'adaptation ou de contournement), des modifications et des
infléchissements prennent place. Les logiques d'action à l'oeuvre
dans ce marché reflètent la température d'une
société dont le fonctionnement traduit la «
Théorie du déséquilibre »29 et
peuvent nous livrer de précieux renseignements sur les manières
de penser, d'agir et de juger. Dans ce dispositif, l'examen des conduites les
plus routinières occupe une place de choix.
L'opérationnalisation du concept de Logiques
d'action permet de dégager deux dimensions définies, l'une par la
Normalité et l'autre par la Violation de la loi, dans le cadre d'une
relation dialectique. Nous posons que la nature des liens entre ces deux
dimensions est directement déterminée par la nature de la
situation, en particulier par, d'une part les contraintes de la situation qui
fixent la part de rationalité des acteurs, et d'autre part, par la
présence dans la situation d'éléments reliés
à des affects. Lorsqu'une relation est née dans un contexte et
qu'elle est activée dans une autre, cela crée de fait un lien
entre ces deux contextes.
28 Selon ce paradigme, un
phénomène social donné résulte de la combinaison
des intentions d'un ensemble d'acteurs inscrits dans un système
d'action.
29 Cette théorie,
basée sur le postulat selon lequel la société, loin
d'être un système en équilibre spontané, est un jeu
de forces contradictoires qui sécrète et organise le changement,
repose sur les principes suivants :
Toute société est sujette à des
processus de changement ;
Toute société manifeste en tout point des
tensions et des conflits ;
Il existe des éléments qui par nature
contribuent à la désintégration ou changement du
système ; Toute société est fondée sur la
contrainte de ses membres par d'autres.
Ceci laisse dire que ces deux dimensions constitutives
sont inscrites dans un processus de dépendance mutuelle, puisque chaque
dimension possède sa propre autonomie, ses enjeux et son modèle
de comportement. Cette interaction entre des acteurs légaux et des
acteurs déviants est très conflictuelle et un des enjeux de cette
étude est de déterminer quels sont les acteurs qui y jouent le
rôle le plus important et dans quels cadres sociaux de
référence se développent leurs logiques d'action. Cette
relation conflictuelle, marque une découverte théorique
particulière à savoir que l'interaction entre ces acteurs
légaux et déviants peut être appréhendée
comme un effet émergent de l'encastrement social de ce
marché.
De ce fait, la hiérarchie de ces dimensions
peut se modifier lorsque émergent de nouvelles formes de relations dont
la dynamique débouche sur la transformation des formes institutionnelles
qui peuvent mener à une nouvelle configuration de la
société, étant donné qu'elles conduisent à
de nouvelles interprétations de formulations des enjeux. Le poids
relatif de ces deux dimensions suggère une piste qui permet de
comprendre comment Normalité et Violation de la loi s'engendrent
mutuellement dans le marché illégal des oeuvres
musicales.
Une observation empirique de ces deux dimensions
permet de mettre en exergue deux logiques d'action : une logique d'action de
type « normatif »30 et une logique d'action de
type déviationniste.
· La logique d'action de type normatif
:
Cette logique d'action est relative à la lutte
contre la contrefaçon et la piraterie des oeuvres musicales. Elle se
réfère à l'analyse et à l'évaluation de la
pertinence pratique des dispositions légales et des stratégies
des acteurs engagés dans la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie des oeuvres musicales. Ce marché est abordé ici du
point de vue de la légalité. Une analyse de la loi sur le droit
d'auteur et les droits voisins, ainsi qu'une analyse et une évaluation
des actions des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie des oeuvres musicales, permettra de
confirmer ou d'infirmer la première hypothèse
secondaire.
Les acteurs analysés ici sont des acteurs
collectifs qui, sous le couvert de la loi, adoptent un modèle de
comportement « normatif ». Leur logique d'action est ainsi
orientée
(théoriquement) vers le respect et
l'application de la loi. Toutefois, agissant contre un marché
encastré dans le social, leur modèle de comportement, bien que de
nature normative, est influencé par le contexte social et
économique. Cette influence élargie le champ d'action de ces
acteurs, et donne ainsi la possibilité de considérer d'autres
paramètres dans l'analyse de leur logique d'action.
· La logique d'action de type
déviationniste :
Cette logique d'action se réfère
à l'analyse et à l'évaluation de l'influence de la
rationalité économique et des représentations sociales des
acteurs qui participent à l'existence et à la résistance
du marché illégal des oeuvres musicales. Les acteurs
analysés ici sont des acteurs individuels qui, dans une logique d'action
de type déviationniste, adoptent deux modèles de comportement :
un modèle de comportement utilitaire et un modèle de comportement
axiologique.
- Le modèle de comportement utilitaire
:
Ce modèle de comportement retenu dans le cadre
de cette étude se veut héritière des modèles
d'analyse développés par FLIGESTEIN (2001) et WHITE (1992), pour
l'analyse des institutions marchandes. Partant de hypothèse d'un acteur
intéressé mettant en oeuvre une rationalité
limitée, FLIGESTEIN formule que le comportement sur le marché est
soumis aux contraintes de l'efficience économique quand bien même
la définition de l'efficience change. Les acteurs du marché de
producteurs sont implicitement maximixateurs selon lui.
Le modèle de WHITE (1992) qui s'appuie
également sur l'hypothèse d'un acteur intéressé
mettant en oeuvre une rationalité limitée postule que les
producteurs ne savent rien de ce que font et veulent les consommateurs. Mais
ces derniers ne sont considérés que sous la forme d'un acteur
agrégé dont on ne se préoccupe pas des
préférences et des choix, dimensions non pertinentes dans une
Sociologie relationnelle qui ne fait pas intervenir l'individu isolé et
autonome dans ses choix. WHITE (1992) à travers son modèle,
explique que l'acteur sur un marché de producteurs, agit en observant
les comportements des autres qui contribuent à « faire le
marché » en tant que système stable de niches
définies par un rapport qualité/prix. En Formalisant
mathématiquement son approche du marché de producteurs d'une
manière dont l'économiste peut se sentir proche, WHITE (1992)
permet ainsi d'ouvrir de nouvelles perspectives d'analyse du modèle de
comportement utilitaire, du moment où en faisant référence
au concept d'encastrement
dans son modèle, il pose que l'encastrement ne
désigne pas nécessairement la dissolution de l'économique
dans le social, mais qu'il peut désigner la porosité des
frontières des organisations par rapport à des échanges
individuels qui les traversent.
En ce qui concerne l'hypothèse de notre
travail, ce modèle de comportement est relatif à la dimension
marchande du marché illégal des oeuvres musicales. Il se
réfère à l'analyse des actions logiques, envisagée
dans le paradigme utilitaire. Autrement dit, c'est dans ce cadre qu'est
analysée la rationalité économique des contrefacteurs. Le
modèle de WHITE (1992) que nous traduirons ici selon les
particularités de la réalité du marché
illégal des oeuvres musicales, nous sera d'un très grand apport
dans la formalisation. Pour l'analyse de cette rationalité, les
mécanismes de l'offre, de la demande, de la formation des prix, des
pratiques économiques seront mobilisés. Dans ce sens, nous
procèderons à une observation indirecte en demandant à
chaque acteur de ce marché, de déclarer ses transactions
financières depuis 2004. Ceux-ci dans le cadre de notre analyse seront
considérés comme des éditeurs <<
illégaux >> au sens juridique du terme, inscrits dans une
théorie de l'Homo oeconomicus. Ceci revient à postuler que les
oeuvres musicales sur support sont des biens obtenus à l'aide des
facteurs de production, ce qui implique un coût.
- Le modèle de comportement axiologique
:
Ce modèle de comportement s'inscrit dans la
logique du Mouvement antiutilitariste dans les Sciences Sociales (MAUSS). La
critique de la raison utilitaire formulée ici, vise à restituer
l'irréductibilité du lien social au jeu des intérêts
notamment économiques. Loin de s'opposer radicalement au paradigme
utilitaire, ce modèle le considère quand même, puisque le
lien social n'est pas innocent de tout intérêt. Ce qui compte ici,
c'est de montrer la face cachée de l'utilitarisme. Autrement dit, de
<< repenser le marché >> (CONVERT 2004). En
évitant toutefois de dissoudre l'action humaine dans une ineffable
indétermination et à la concevoir ainsi comme pure
gratuité, le concept de << don >>
développé par Marcel MAUSS est revalorisé ici. Cependant,
l'idée force c'est de pouvoir rendre objectivable, ce qui subsiste et
peut subsister de l'esprit du don et de la donation dans un univers
marchandisé, comme celui du marché illégal des oeuvres
musicales. Est ici réaffirmé le paradigme de l'encastrement
social. En effet, comme le souligne GRANOVETTER (1985 :487) :
« Les acteurs n'agissent ni ne décident
comme des atomes en dehors de tout contexte social, pas plus qu'ils
n'adhèrent seulement à des destins écrits
pour
eux par l'intersection des catégories
sociales auxquelles ils appartiennent. Leurs tentatives d'action
intentionnelles sont plutôt encastrées dans le système
concret des relations sociales ».
Il s'agit ici d'un postulat qui définit une
position dans le champ de la Socio-économie, puisqu'il se
réfère à une économie envisagée dans une
posture interactionniste telle que développée
précédemment dans l'approche théorique. Ce postulat sous
tend un modèle de comportement qui apparaît comme un cadre qui
établit une frontière à l'intérieur de laquelle se
déroulent, de manière plus ou moins en relation au contexte, des
interactions dont la signification et le contenu s'imposent telle une
évidence aux protagonistes. Mais ce cadre n'est pas seulement
basé sur les engagements des acteurs, il s'ancre aussi dans le monde
extérieur, dans divers dispositifs qui peuvent être
matériels et organisationnels.
Plus précisément, ce modèle est
relatif à la dimension non marchande du marché illégal des
oeuvres musicales. Autrement dit, c'est ici que les représentations
sociales sont analysées. L'accent mis ici sur les différentes
figures prises par l'imaginaire quotidien du marché illégal des
oeuvres musicales, ne vise surtout pas à privilégier les
catégories de l'absurde ou de l'irrationnel. Il s'agit en d'autres
termes, d'accorder un statut à des registres qui auparavant en
étaient dépourvue. A cet effet, la signification que l'on peut
attribuer à tel ou tel comportement ou << action non
logique » au sens parétien du terme, dépasse le cadre
étroit de l'intersubjectivité et met en relation l'organisation
de la mémoire, le raisonnement pratique et la parole. La
réduction utilitariste étant évacuée ici, il est
possible de revenir à l'objet économique en montrant que
même dans la Nouvelle économie, contrairement à
l'évidence commune, les activités économiques se
déploient aussi socialement, c'est-à-dire selon une
rationalité spécifique au contexte social.
Ce modèle permet en fait, de développer
<< une théorie de l'action économique en
réaction à l'homo oeconomicus » (GISLAIN 1995). Dans ce
cadre, les individus ne sont pas motivés par la seule matrice des gains
individuels, ils obéissent aussi à un système de valeurs.
La compréhension des << actions non logiques » des
acteurs passe alors par la prise en compte préalable des
représentations sociales. Ces représentations sociales
appréhendées à travers les caractéristiques des
intérêts sociaux, la perception sociale, et le profil
sociologique, les indicateurs ne peuvent pas être facilement mesurables,
car il s'agit ici d'une composante subjective dont seule une analyse minutieuse
permettrait d'en dégager les significations objectivables. En mobilisant
le modèle de comportement utilitaire et le modèle de comportement
axiologique dans la mise en exergue de
l'hypothèse selon laquelle la dynamique des
logiques d'action qui structurent et participent au processus de
développement du marché illégal des oeuvres musicales est
une conséquence de l'encastrement social de ce marché,
renforcée par l'essor de la Nouvelle économie, le modèle
d'analyse de cette étude se rend tributaire d'une méthodologie
bien adaptée.
3-4- APPROCHE METHODOLOGIQUE :
Tout d'abord, il convient de préciser que la
vieille querelle entre la méthode qualitative et la méthode
quantitative n'est pas d'actualité dans le cadre de notre étude.
Même si GUBA et LINCOLN (1989) ont brillamment montré que la
recherche quantitative et qualitative diffèrent au triple plan
ontologique : c'est-à-dire sur la nature de la réalité
sociale ; épistémologique : sur la relation entre le sujet et
l'objet ; et méthodologique : sur la conduite ou les règles
à suivre pour connaitre ou découvrir l'objet. Nous nous proposons
dans le cadre de cette étude, de « déconstruire cette
division qualitatif-quantitatif » (HAMMERSLEY, 1992).
Déjà, en s'insurgeant contre cette coupure
radicale entre le qualitatif et le quantitatif, CHEVRIER (1991 :32), soutenait
:
« Il convient de plaider en faveur d'une
pluralité de méthodologies de recherche : chacune d'entre elles
produira un type de représentation de la réalité parmi
d'autres possibles. Une approche inductive, respectueuse des dynamiques
micro-sociales, le recours à divers types d'analyse qualitative,
exprimant des processus à l'oeuvre, l'analyse de discours, sont autant
de méthodologies qui permettent de construire des représentations
de la réalité tout aussi légitimes et pertinentes que
celles associées à la gestion des grands nombres Elles doivent
avoir droit de cité au même titre que d'autres
».
Dans ce sens, à la suite de BECKER (1993), nous
réaffirmons que les discussions en
termes d'opposition épistémologique nous
semblent de faible utilité dans la pratique de la
recherche, car le discours
épistémologique formule des prescriptions normatives plutôt
que
des descriptions des actes de la recherche et aboutit
soit à imposer une manière de faire de
la recherche, soit à des discussions oiseuses
qui éloignent des dilemmes spécifiques de la
recherche.
En effet, cette étude repose sur l'analyse du
changement social, envisagée dans le cadre de l'analyse fonctionnelle,
dans une posture interactionniste. La présence d'éléments
non quantifiables relevant de l'intentionnalité, nous oriente plus vers
l'adoption d'une recherche qualitative. Toutefois, la définition de
cette recherche qualitative n'est pas réductible à une
série de caractéristiques invariantes mais, est pensée
plutôt comme un champ traversé par une pluralité de
positions épistémologiques et de modèles variés de
méthodes d'analyse (DENZIN et LINCOLN, 1994). Dans cette optique, la
recherche qualitative n'est pas limitée aux types de données
recueillies ou aux instruments mis en oeuvre, mais, concerne l'analyse des
données et leur interprétation posée sur la
réalité sociale. L'intérêt de cette démarche
affichée ici, se résume autour d'un précepte
méthodologique précis : rendre compte du point de vue de
l'acteur.
Cet intérêt de manière
concrète, recommande que l'on s'inscrive dans un pragmatisme
méthodologique oil la différence entre la méthode
qualitative et les autres méthodes, cède la place à une
convergence , une complémentarité et une intégration des
méthodes considérées comme étant aptes à
permettre le développement des connaissances. En somme, la
méthodologie de cette étude est comme le précise si bien
LE FRANCOIS (1995 :53), une méthode qui :
« Réfute la thèse voulant qu'il
y ait des normes universelles de recherche, récuse le dogme de
l'unicité de la méthode scientifique, défend le principe
de la diversité méthodologique et de la coexistence d'approches
découlant d'orientations épistémologiques distinctes,
encourage le recours aux méthodes traditionnelles d'intégration
des connaissances, favorise le croisement ou le mixage des méthodes au
sein d'une même étude ou programme de recherche ». Et
comme le rappellera aussi COMBESSIE (2001 :9), « une méthode,
guide pour la
route, éclaire mais ne décide pas la
route. Assurer la pertinence d'une méthode, c'est
l'ajuster aux questions posées et aux
informations accessibles ».
3-4-1- La documentation.
Elle a été faite tout au long du processus
de la recherche, c'est-à-dire du début jusqu'à la fin, et
à tout moment oil le besoin s'est fait ressentir.
3-4-1-1- La documentation écrite.
effectuée à partir des écrits
récents sur ce thème, et dans les bibliothèques suivantes
:
Bibliothèque de l'Université de Douala
;
Bibliothèque de l'Université de Dschang
;
Bibliothèque de Douala' art à Douala
;
Bibliothèque électronique consultable sur
INTERNET.
Partant de ces écrits, nous avons
minutieusement étudié la bibliographie de ces ouvrages, et avons
noté au fur et à mesure les titres qui nous semblaient plus
intéressants, afin de les consulter.
3-4-1-2- La documentation orale.
Le problème dont il est question dans cette
étude, étant un problème concret, les données ont
été recueillies directement ou indirectement auprès des
personnes susceptibles de nous fournir un éclairage quelconque.
Toutefois, toutes ces personnes ont bien voulu requérir l'anonymat, du
fait de la sensibilité du sujet. Anonymat qui a été
respecté.
3-4-2-L'observation.
3-4-2-1- La pré-enquête.
Elle a eu lieu entre mars 2008 et juillet 2008. Au
cours de cette phase, nous avons procédé par entretiens
semi-directifs, l'objectif étant d'obtenir le maximum de données
quantitatives et qualitatives. Ces données ont servi de base à
l'élaboration du guide d'entretien final. Cette pré-enquête
nous a permis également de nous familiariser avec le terrain, afin de
mieux toucher du doigt la réalité en étude.
3-4-2-2-Le choix de la population
d'étude.
Une première enquête exploratoire nous a
permis de déterminer les critères spécifiques et les
conditions pour faire partie de la population de l'enquête :
Etre physiquement identifiable comme fournisseur,
éditeur, distributeur des produits du marché illégal des
oeuvres musicales ;
Exercer hors du domicile familial (pour les vendeurs)
;
Exercer dans un lieu public (pour les
vendeurs).
celle qui ne nous intéressait pas.
3-4-2-3- L'échantillonnage.
L'importance numérique des acteurs du
marché illégal des oeuvres musicales, leur diversité et le
besoin de récolter le plus d'information possible sur chacun d'eux, et
le souci d'obtenir une image globale et proche de celle que nous aurions eu si
nous avions étudié toute cette population, nous a amené
à construire un échantillon.
L'inexistence d'une base de sondage exhaustif sur les
acteurs de ce marché, nous a amené à recourir à
l'échantillonnage par quota, à laquelle nous avons associé
la méthode aréolaire qui consiste à préciser les
lieux et moments oil les informations seront collectées.
Cet échantillonnage a consisté à
obtenir une représentation en reproduisant les distributions dans la
population selon les variables suivante :
· Typologie de l'activité :
Fournisseurs 10 ;
Editeurs 10 ;
Distributeurs 10 ;
Vendeurs 60, répartis comme suit : - Vendeurs
ambulants 30 ;
- Vendeurs provisoirement installés 20 ; -
Vendeurs définitivement installés 10.
Total : 90
· Localisation de l'activité (les vendeurs
uniquement) :
Dans le marché (marché central,
marché de Ndokotti, marché de Mboppi) 20 ; A Akwa 10
;
A Bonanjo 10 ;
A Bépanda 10 ;
A la Cité des palmiers 10.
Total : 60
3-4-3-La collecte des données.
3-4-3-1- Les instruments de recherche.
Un guide d'entretien semi-directif a été
retenu pour le recueil des données.
3-4-3-2- les techniques de recherche. 3-4-3-2-1-
les entretiens.
Estimant que les entretiens exploratoires peuvent
permettre de réduire les risques de navigation à vue et amener
à nous familiariser avec la technique de l'entretien et ses outils, nous
n'avons pas négligé la phase des entretiens exploratoires. Ces
entretiens exploratoires ont eu pour fonction principale de mettre en
lumière les aspects du marché illégal des oeuvres
musicales étudié, auxquels nous n'aurions pas pensé
spontanément et à compléter ainsi les pistes de travail
que nos lectures nous auront mises en évidence. Ces entretiens ce sont
déroulées d'une manière ouverte et souple.
Il a été question en ce qui concerne
les entretiens proprement dits, d'entretiens individuels, correspondant
à la phase de recueil des données. Nous avons utilisé
à cet effet le guide d'entretien semi-directif, centré sur les
principaux aspects de notre recherche.
Ce guide d'entretien a été
administré sur la population d'étude suivant les critères
de choix retenus plus haut. L'entretien semi-directif comme le note PERRIEN
(1986 :256), a « l'avantage de la liberté, de la souplesse et
de la profondeur de l'information ». Ce choix trouve sa justification
dans le fait que la superficialité des réponses données
dans un questionnaire ne permet pas l'analyse de certains processus et
particulièrement en ce qui concerne les représentations sociales
dont il sera également question dans cette étude. Toutefois, pour
que cette méthode soit fiable, QUIVY et CAMPENHOUDT (1995) recommandent
la démarche suivante :
« Rigueur dans le choix de
l'échantillon, formulation claire et univoque des questions,
correspondance entre le monde de référence des questions et le
mode de référence du répondant, atmosphère de
confiance au moment de l'administration du guide d'entretien,
honnêteté professionnelle des enquêteurs
».
3-4-3-2-2- Réalisation des
entretiens.
Les entretiens ont été
réalisés aux heures d'exercice de l'activité, et dans une
approche participante et une approche participative.
3-4-4-Traitement et analyse des
données.
3-4-4-1- Le dépouillement du guide
d'entretien.
Le dépouillement a été manuellement
effectué, en vue d'une analyse de contenu.
3-4-4-2- L'analyse des données.
Pour l'analyse des données, l'analyse
thématique a été requise, c'est-à-dire que nous
sommes partis de la singularité du discours pour reconstruire ce qui,
d'un entretien à un autre se réfère à la
problématique de notre étude. Nous avons rigoureusement
mené cette analyse sur la base de la variable dépendante, en la
découpant en indicateurs tel qu'élaboré dans le
modèle d'analyse, pour définitivement détruire
l'architecture cognitive et affective des réponses singulières.
Cette analyse peut être considérée comme l'outil classique
pour l'étude des opinions par la catégorisation des
énoncés dans des thèmes d'analyse (NEGURA, 2006 :3). Son
but est de dégager les éléments sémantiques
fondamentaux en les regroupant à l'intérieur des
catégories. En nous attelant à révéler les
différentes formes sous lesquelles le même thème est
abordé d'un individu à un autre, notre analyse thématique
a été horizontale.
Lors de la réalisation de cette étude,
nous avons eu en permanence à l'esprit cette question : Les informations
fournies par les différents enquêtés pendant les entretiens
sont-elles toujours d'actualité ? Etait-ce le lieu adéquat
d'observation de construction d'irréversibilité ? En vue de
réduire cette incertitude, nous avons régulièrement,
durant la réalisation de cette étude, rencontré nos
sources d'information, afin d'être toujours au parfum de
l'actualité. Nous avons également pu examiner le contenu des
débats qui on eu lieu dans les medias lorsque les questions sur la
contrefaçon et la piraterie musicales ont été
débattues. Ces différentes informations provenant de ces sources
prennent un nouveau sens, du moment- où elles sont mises en relation
avec les stratégies des acteurs, exprimées dans des entretiens
croisés tout au long de cette étude.
3-5- DELIMITATION DU DOMAINE D'ETUDE
Dans le cadre de la réalisation de cette
thèse, la recherche est axée sur la compréhension de la
dynamique socio-économique de l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie à
travers une appréciation de la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie musicales et une analyse de la dynamique socio-économique de
ce marché.
Le champ de la Nouvelle économie est retenu du
fait de son caractère émergent et catalyseur de la
contrefaçon des oeuvres musicales. Nous nous limitons également
dans le cadre cette étude, à la dynamique
socio-économique. Cette limitation qui précise notre
problématique, permet d'éviter une navigation à vue
scientifique, et fortifie par ce fait même le pôle
épistémologique, le cadre d'analyse et le pôle technique de
cette étude.
La place prépondérante des
règles de droit dans le fonctionnement du marché illégal
des oeuvres musicales justifie que l'on puisse limiter le champ de cette
étude à la construction du seul marché camerounais
illégal des oeuvres musicales. Bien qu'il soit possible de retrouver
dans ce marché des acteurs qui soient de dimension régionale, il
faut cependant reconnaître que leur activité est fortement
territorialisée. Au Cameroun, les activités commerciales dans le
domaine culturel s'inscrivent dans le cadre juridique du droit d'auteur
camerounais. De même, les artistes musiciens se sont efforcés de
construire des stratégies de lutte contre la piraterie et la
contrefaçon, typiquement camerounaises.
Par ailleurs, cette étude est limitée
géographiquement dans la ville de Douala. Une telle précaution
épouse les conditions de faisabilité et la clé de lecture
adoptée. La ville de Douala, en tant que capitale économique, est
une grande agglomération dans laquelle se meuvent des activités
économiques de toute nature. C'est également cette ville qui est
la principale porte d'entrée des Hommes et des biens au Cameroun. Le
marché des oeuvres musicales quant à lui est retenu du fait de
son caractère expressif et fortement en croissance. Ce marché
constitue en fait une vitrine remarquable pour l'observation de la
contrefaçon des oeuvres artistiques.
La délimitation scientifique de notre domaine
d'étude s'inscrit dans la logique de la problématique retenue et
développée à l'aune de l'approche théorique. En
effet, la thématique de la « construction sociale du
marché »31 est abordée ici sous l'angle de
la
problématique de l'encastrement social du
marché illégal des oeuvres musicales. Cette problématique,
développée dans le cadre de la socio-économie,
s'insère dans le champ de la socio-économie de l'environnement.
Cette socio-économie de l'environnement connaît dans l'optique de
l'analyse de l'émergence des institutions marchandes, un foisonnement
impressionnant de disciplines. La Sociologie des quotidiennetés, la
Sociologie de la déviance, la Sociologie de la banalité, la
Sociologie des moeurs, la Sociologie de la justice sociale, la Sociologie du
développement, etc. Chacune de ces disciplines mobilise des cadres
théoriques, conceptuels et d'analyse, très pertinents en ce qui
concerne la compréhension du problème de l'émergence des
institutions marchandes illégales. Cependant, bien que l'horizon de la
pratique économique ouverte dans le cadre de cette étude se
veuille interdisciplinaire, il nous parait plus modeste et plus réaliste
de nous limiter à la Socio-économie, tout en empruntant
honnêtement aux autres disciplines, leurs acquis
scientifiques.
3-6- DIFFICULTES RENCONTREES
Cette étude intitulée : << La
dynamique socio-économique de l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie à
Douala », constitue l'une des premières à être
réalisées. Cette situation entraine de fait, des
difficultés liées non seulement au contexte général
de la recherche en Sciences sociales en Afrique et au Cameroun, mais aussi,
celles liées à la primeur de cette étude qui
pénètre une réalité jusqu'ici
négligée par les Sciences sociales. Parmi les difficultés
rencontrées, les principales peuvent être formulées ainsi
qu'il suit :
L'inexistence d'une base de données fiable et
exhaustive qui aurait pu nous permettre d'avoir un effectif de la population
mère ;
L'opacité communicationnelle qui règne
dans le marché illégal des oeuvres musicales ;
n'est pas liée à la thématique
de << l'économie contre la société »
développée par l'Association internationale des sociologues de
langue française qui laisse supposer que l'économie et la
société sont deux entités séparées. Les
ouvrages : L'Economie contre la société , de PERRET et
ROUSTANT (1993) et Vers un Nouveau contrat social de ROUSTANG (1996),
constituent des ouvrages de référence de cette thématique
qui est très généralement confondue et même
liée avec la thématique de la construction sociale du
marché. La démarcation des deux thématiques dans le cadre
de cette étude se veut radicale, sans toutefois rejeter les pistes
d'analyse sur lesquelles peuvent déboucher les principaux chantres de
L'Economie contre la société, au-delà de leur
sensibilité scientifique.
La méfiance des personnes interrogées qui
nous soupçonnaient d'être des espions à la solde de leurs
ennemis ou concurrents ;
La faible disponibilité des documents et des
informations de référence ; L'existence en effectif relativement
réduit de personnes spécialisées dans le domaine en
étude.
Ainsi, la réalisation de cette étude
n'a pas été une tâche de tout repos, et il convient de
souligner que ces difficultés rencontrées procèdent pour
une grande part, du souci de rigueur scientifique et des objectifs retenus
après une évaluation de leur faisabilité.
3-7- INTERET DE L'ETUDE
v Au niveau scientifique.
Cette étude sur la dynamique
socio-économique et le développement de la contrefaçon des
oeuvres artistiques dans la Nouvelle économie, constitue pour la
Sociologie de la musique et l'Economie de la culture l'un des défis
actuels. Il s'agit de saisir, au-delà de l'aspect expressif du
marché illégal des oeuvres musicales, la dynamique des logiques
et des mécanismes réels de son développement, en vue de
faire des recommandations concrètes. Récemment, la question du
travail artistique, de sa protection et de sa valorisation, est revenue au
premier plan dans des débats sur la culture et son économie. Ce
regain d'intérêt s'inscrit dans un contexte d'essor de
l'économie de l'immatériel, dont la créativité
constitue le levier.
Le champ des pratiques économiques qui est
resté pendant longtemps la chasse gardée des économistes,
devient dans le cadre de cette étude qui s'aligne à la suite de
bien d'autres déjà réalisées, un chemin aplanis,
qui consacre progressivement le droit de regard du sociologue. Cette
étude se veut donc une contribution scientifique à la
compréhension de l'émergence des institutions marchandes
illégales dans le contexte de la Nouvelle économie en milieu
africain dont la spécificité proclame la fin de
l'uniformité des successions et la généralisation
hâtive en Sociologie.
v Au niveau social.
Cette étude est une recherche indissociable de la
visée pratique de la sociologie.
Elle permettra aux gouvernants, d'avoir une
compréhension plus précise de l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales et par là de l'émergence des
institutions marchandes illégales en général.
Elle permettra aux artistes musiciens, de se rendre
compte des limites de leurs actions de lutte contre la contrefaçon et
contre la piraterie, et d'envisager, selon les dynamismes réels de
reproduction du marché illégal des oeuvres musicales, des mesures
plus efficaces et adaptées à la
réalité.
Enfin, elle pourra fournir aux acteurs sociaux
investis dans la lutte contre la pauvreté, des outils scientifiques
d'identification et de promotion des innovations endogènes que les
populations mettent en oeuvre au quotidien pour survivre.
v Au niveau personnel.
Pour nous étudiant, cette étude
constitue une épreuve de plus dans l'évaluation de nos acquis
scientifiques. Elle nous permet aussi d'aborder des réalités
concrètes et de les analyser à l'aide d'un arsenal scientifique
rigoureux et objectif, éprouvant ainsi, de manière réelle
nos connaissance théoriques à la réalité
empirique.
Ce travail s'adresse donc :
Aux pouvoirs publics ;
Aux chercheurs en sciences de développement
;
Aux étudiants en sciences sociales, en sciences
économiques et en sciences humaines ;
A tous les défenseurs du patrimoine culturel
;
A tous les artistes musiciens investis dans la lutte
contre la piraterie et la contrefaçon.
PREMIERE PARTIE :
CADRE THEORIQUE ET
METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
CONCLUSION :
Au-delà des réflexions qui ont
portées sur la contrefaçon et la piraterie des oeuvres musicales,
se trouve le marché illégal des oeuvres musicales. Ce
marché est le système qui produit la contrefaçon et la
piraterie. Le cadre de la socio-économie est un cadre disciplinaire
adapté dans la compréhension des mécanismes de
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales dans
la Nouvelle économie, du moment oil il permet de dépasser les
réflexions jusqu'ici menées, et d'aborder cette
réalité malgré sa complexité. Le problème de
l'émergence des institutions marchandes illégales posé
dans cette étude suscite la problématique de l'encastrement
social qui ouvre un horizon fécond de théorisation, de
modélisation et de construction d'un cadre méthodologique qui en
adoptant l'approche qualitative, consacre également le règne du
pluralisme méthodologique.
DEUXIEME PARTIE : ELABORATION DES ELEMENTS
EMPIRICO- CONTEXTUELS ET PRATIQUES SUR LE TERRAIN
DE L'ETUDE
INTRODUCTION :
Une fois les bases conceptuelle,
épistémologique, théorique et méthodologique
constituées, l'élaboration des éléments
empirico-contextuels et pratiques sur le terrain s'impose comme une suite
logique. En présentant le milieu d'étude dans lequel cette
étude est réalisée (chapitre 4), nous voudrions bien
soutenir à la suite de PINTO et GRAWITZ (1964 :24), qu' « il
n'est pas possible d'étudier les sociétés humaines sans
les placer dans leur cadre géographique ». L'analyse du
contexte de la Nouvelle économie (chapitre 4) menée dans cette
deuxième partie, vise à préciser les contours réels
et la signification profonde de cette notion qui est sujette à plusieurs
interprétations, mais qui est pourtant pleine d'enjeux, pleine de sens
et à une portée stratégique pour la présente
étude. Par ailleurs, en nous intéressant aux logiques d'action de
type normatif et de type déviationniste qui orientent les
différents acteurs qui interviennent en défaveur ou en faveur du
marché illégal des oeuvres musicales, nous mettrons en exergue
les mesures légales et les stratégies d'action de lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales d'une part (chapitre 5), et
d'autre part, nous explorerons les mécanismes fonctionnels d'existence
et de résistance du marché illégal des oeuvres
musicales.
PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE ET ANALYSE DU
CONTEXTE DE LA NOUVELLE ECONOMIE
CHAPITRE 4 :
4-1-PRESENTATION DE LA ZONE D'ETUDE 4-1-1- Etude
morphologique.
4-1-1-1- Dimension géographique. 4-1-1-1-1-
Localisation.
Située sur la rive gauche du Wouri, à
30 km de la mer, la ville de Douala s'étend sur une zone basse
semée de dépressions marécageuses oh les ingénieurs
ont aménagé un des ports les mieux équipes de la cote
ouest africaine. Douala est limité au Nord par la province de l'Ouest,
au Sud par la province du Sud à l'Ouest par la province du
Centre.
4-1-1-1-2- Climat et relief.
Compris entre le 2e et le 3e
parallèle Nord, le Cameroun baigne entièrement dans le domaine
des climats chauds oh aucun mois n'a une moyenne thermique inférieure
à 20°C. Ce type de climat doit son existence à l'importance
de la radiation solaire aux basses latitudes. Les précipitations sont de
l'ordre de 4125 mm/an à Douala et l'écart annuel des
températures y est de 2,7°C. Le type de climat qui règne
à Douala est qualifié de climat équatorial de type
camerounien qui s'étend jusqu'à l'embouchure de la Sanaga. La
surabondance des pluies qui le caractérise est due à la
proximité de la mer. Les pluies tombent en une seule saison annuelle de
neuf mois ; la courte saison sèche correspondant à un simple
fléchissement des précipitations.
télécommunication dont les antennes de
relais sont installées un peu partout dans cette ville par les
opérateurs du secteur de la téléphonie, permettant ainsi
un accès facile au réseau Internet.
4-1-1-1-3- Ressources foncières.
Les circonstances de la structuration foncière
de la ville de Douala ont largement infléchi les caractères de
l'agglomération actuelle. A cause de la concentration numérique
originelle des Duala, sur le site de la ville, l'administration
française ne put jamais appliquer les principes d'organisation de
l'espace urbain qu'elle avait mis en oeuvre dans les autres chefs-lieux de
l'Afrique Noire française. Sur l'ensemble de l'agglomération de
Douala, le marché foncier est très
déséquilibré. Les Duala ont tiré l'essentiel des
revenus de la vente et de la location de terrains à des non africains.
Les autochtones Duala et Bassa ont donc été enclins à
dédaigner la vente des terrains aux allogènes ; ils se sont
contentés de leur offrir des permis d'occuper révocables, pour
des constructions provisoires. Il en est résulté une
déformation du marché foncier qui persiste jusqu'aujourd'hui,
malgré l'extension remarquable de cette ville.
4-1-1-2- Dimension historique.
La présence humaine dans l'actuel Douala
remonte aux temps préhistoriques. Des outils de pierre enfouis sous
terre il y a 450 000 ans ont été mis à jour. A partir du
XVIIIe siècle une partie du groupe bantou s'installant sur l'estuaire du
Wouri, capital au temps du protectorat allemand, aujourd'hui chef-lieu de la
province du Littoral, bien desservie par la route et le rail, et son
aéroport international, Douala est pour le Cameroun et les Etats voisins
la principale porte océan du Cameroun. Douala est également
devenu aujourd'hui la capitale économique du Cameroun et le principal
centre des affaires.
4-1-1-3- Dimension démographique.
La population du Littoral est estimée à 2
704 131 habitants, et celle de Douala à 2 067 109 habitants, repartie
par arrondissement de la manière suivante :
Douala I
|
309
|
899
|
Douala II
|
335
|
543
|
Douala III
|
583
|
024
|
Douala IV
|
371
|
211
|
Douala V
|
501
|
472
|
Manoka
|
34
|
475
|
|
Tableau 1 : Répartition de la population par
arrondissements32.
4-1-1-4- Dimension administrative.
Douala est le chef-lieu de la province du Littoral.
Elle compte 5 communes d'arrondissement et une commune insulaire (Manoka)
Toutes ces communes sont administrativement chapeautées par la
communauté urbaine de Douala. Douala est également une
cité métropolitaine avec des villes satellites/Edéa,
Dibombari, Mbanga, Njombé-Penjan loum et Limbé). De nombreuses
représentations diplomatiques sont basées à Douala et tous
les ministères y sont représentés, ainsi que de grandes
firmes multinationales. Principal port de la zone CEMAC, le port de Douala
cumule 95% du trafic maritime national avec environ, 4 58 millions de tonnes et
son aéroport internationale à une capacité de 800 000
passagers par an. (Source MINPAT 2005).
4-1-2- ETUDE SECTORIELLE
4-1-2-1- L'économie.
4-1-2-1-1- Le secteur primaire.
Nombre d'entreprises agro-industrielles (hors
boulangeries) 103
Répartition par
arrondissements
32 (Source :
MINPAT32, INS, 2005 et SECOD 2005)
Douala I
|
43
|
Douala II
|
0
|
Douala III
|
22
|
Douala IV
|
20
|
Douala V
|
3
|
Manoka
|
0
|
Non spécifiés
|
15
|
|
Tableau 2 : Répartition des entreprises par
arrondissements33. Nombre de boulangeries 75
4-1-2-1-2- Le secteur secondaire.
Nombre d'entreprises industrielles (`SECOD 2005)......
340
Nombre d'entreprises de l'artisanat 180
Nombre de zones industrielle (ou ZI) 2
Caractéristiques
Z.I.(zone industrielle) de Bonabéri : 72
Hectares, Dessertes par voies maritime, ferroviaire et routière (RN
n°2)
ZI de Bassa, 115 hectares dessertes par voies
ferroviaire, routière et aéroportuaire.
4-1-2-1-3- Le travail.
Selon les estimations de 2001, le taux de
chômage à Douala était de 26,6%. Il est de 27% en 2005
selon les derniers états généraux de l'emploi. Le secteur
informel à Douala est composé de 51,5% de la population. Le
secteur formel quant à lui compte 51,5% d'hommes et 57 % de femmes. Il
faut cependant noter que ces statistiques contrastent avec celles fournies par
l'EESI concernant les statistiques nationales. Cela peut s'expliquer par
l'identité de la source de ces statistiques. En effet, ces statistiques
ne fournissent pas par exemple la contribution du secteur informel à
l'économie de la ville de Douala et ces statistiques qui sont d'origine
gouvernementale traduisent cette volonté d'occulter les réelles
performances du secteur informel dans la capitale économique du Cameroun
où un foisonnement d'activités informelles est
observé.
33 (Source : SECOD
2005)
72
4-2-ANALYSE DU CONTEXTE DE LA NOUVELLE ECONOMIE
:
4-2-1-La Nouvelle économie :
<< Capitalisme technologique >>,
« Economie reposant sur la connaissance », « Economie
quaternaire >>, << Capitalisme cognitif >>,
telles sont quelques unes des expressions employées pour qualifier la
Nouvelle économie. Selon que l'accent est mis sur l'idéologie, la
logique, les éléments constitutifs, la structure ou le
fonctionnement de cette économie, la frontière entre les
théoriciens de celle-ci reste encore très floue.
La Nouvelle économie est-elle une <<
nouvelle économie post-capitaliste >> qui s'annonce et
dont les symptômes de l'inadaptation au capitalisme sont légion,
ou bien ne s'agit-il que d'une évolution du capitalisme ? Voilà
la question centrale qui s'impose dans l'effort de compréhension de la
Nouvelle économie. Si l'on estime que notre entrée dans
l'information n'est pas une << Révolution technique
>> touchant aux fondements de la civilisation, on ne pourra soutenir
qu'il ne s'agit que d'une évolution du capitalisme luimême.
Toutefois, s'il est admis la grande influence du numérique dans le
système de l'économie globale, il dès lors très peu
prudent de voir en la Nouvelle économie, une continuité du
capitalisme, comme si c'était un système de production
éternel et qu'il n'est pas historiquement intrinsèque à
l'industrie.
En fait, ce n'est qu'à partir de 1996-1997,
que le thème de la nouvelle économie commence effectivement
à apparaitre dans sa manifestation actuelle, qui déborde
largement le cadre de l'Internet et de l'informatique dont les
réflexions portaient essentiellement sur la propriété
intellectuelle. L'expression << Nouvelle économie
>> apparait à la fin de l'année 1996, dans BUSINESS
WEEK, pour faire référence à l'envolée des
valeurs boursières de la haute technologie et à la croissance
soutenue de l'économie américaine impulsée par les
techniques de l'information. Dans ce sens, Kévin KELLY publiait en 1997,
un article intitulé << Les Nouvelles règles de la
Nouvelle économie >> (KELLY, 1997). L'idée au centre
de sa réflexion était qu'avec le nouveau monde numérique,
de nouveaux principes économiques émergent. L'émergence de
ces nouveaux principes économiques marque les débuts de la
Nouvelle économie.
Par ailleurs, dans une analyse actuelle et plus
concrète, MOULIER-BOUTANG (2007), utilise l'image du << Vieux
vin dans les nouvelles bouteilles » ou du « Vin nouveau dans
de vieilles bouteilles >>, pour représenter la Nouvelle
économie, selon qu'on garde
l'idéologie pour l'appliquer aux nouvelles
réalités, ou qu'on change l'idéologie pour l'appliquer
à des réalités anciennes. Selon lui, la Nouvelle
économie s'apparente plus à un << Capitalisme
cognitif ». Ce « Capitalisme cognitif »
s'intéresse à la valorisation de l'intelligence et de
l'innovation, et non pas à celle de l'information. Ainsi, la Nouvelle
économie ne repose pas sur les connaissances et encore moins sur
l'appropriation humaine des connaissances, instrumentée par la
technique, de même que sur l'organisation comme résultat d'un
compromis social, qui parvient à << construire des contrats
privés, et à établir des normes publiques »
(MOULIER-BOUTANG, 2007 :69).
Placés dans un contexte mondial actuel
marqué par une évolution inégale de toutes les
sociétés vers la concrétisation du concept de <<
village planétaire » qui devait être renforcé
par le règne de l'économie de l'immatériel, les
défenseurs de la thèse de la Nouvelle économie soutiennent
l'hypothèse d'une nouvelle phase de croissance, plus forte et
non-inflationniste. Ils mettent au centre de leur argumentation, la
mondialisation et les Technologies de l'Information et de la Communication
(TIC). Cependant, ces défenseurs de la Nouvelle économie qui se
recrutent en majorité parmi les défenseurs du capitalisme et de
l'idéologie néolibérale, se trouvent face à la
question suivante : la croissance des différents secteurs de la
communication, de leurs outils et de leurs activités peut-elle entrainer
la croissance des autres secteurs de l'économie ?
La réponse à cette question recommande
une réflexion qui explore le contexte de la nouvelle économie,
qui est un véritable champ d'émulation des secteurs de la
communication, de leurs outils et de leurs activités. L'idée
principale que nous développons dans le cadre de cette étude, est
que l'accumulation des connaissances sous forme de capital humain et
technologique, occupe aujourd'hui plus que par le passé, une place
centrale dans le fonctionnement des économies. La croissance devant
faciliter la satisfaction des besoins socioéconomiques, force est de
constater que la mondialisation et les Technologies de l'Information et de la
Communication (TIC), constituent de plus en plus, une source
d'externalités négatives, au titre desquelles le fossé
numérique qui continue à se creuser entre les pays <<
développés » et les pays <<
sous-développés ». L'usage des Technologies de
l'Information et de la Communication (TIC) devait certes entrainer une
amélioration du potentiel de croissance des richesses nécessaires
à la satisfaction des besoins sociaux et économiques, mais cela
ne pourra être possible qu'au travers d'une séries d'exigences :
Promotion des capacités humaines par la formation et la qualification,
investissements massifs dans tous les secteurs et nouvelles organisations du
travail. Ceci
suppose une bonne articulation de l'économique
et du social, dans une stratégie qui place l'Humain au centre des choix
de politique économique et de gestion des entreprises.
Bien que le capital matériel ait toujours
existé, la pertinence stratégique de la Nouvelle économie
s'est remarquablement développée, grâce à la
croissance en puissance des réseaux dont l'utilisation modifie de
manière radicale la portée et la nature même du processus
d'accumulation et de diffusion économique du savoir. Pour relever le
défi de la révolution informationnelle, toutes les
sociétés ont besoin de multiplier les coopérations et de
développer la dimension non marchande de cette révolution afin de
saisir toutes les perspectives qu'offre la Nouvelle économie. Ceci
laisse dire que la croissance des autres secteurs de l'économie ne peut
être effective dans le contexte actuel de la croissance des
différents secteurs de la communication, de leurs outils et de lueurs
activités, que si le savoir est bien capitalisé. En fait, tout le
processus de production, de distribution et de consommation s'articule autour
du savoir dans la Nouvelle économie. Cette réalité fait de
la Nouvelle économie un système de production au sens
économique du terme.
En somme, les débats autour de la Nouvelle
économie, se sont au fil des années, transformés en
querelles idéologiques, opposant les altermondialistes aux partisans de
la mondialisation, ou encore les capitalistes aux socialistes. Mais tous,
qu'ils le veuillent ou pas, sont embarqués dans le bateau de la Nouvelle
économie dont les soubresauts des vagues affectent tout le monde, et
amène à se rendre compte que la Nouvelle économie apparait
comme une économie qui dépasse aujourd'hui le modèle de
ses concepteurs (si concepteurs il y en a). La nouveauté de cette
économie par rapport à l'économie classique, tient en
amont au choc entre une tendance séculaire à l'accroissement de
l'investissement dans la connaissance, la formation et l'éducation, et
en aval, aux progrès spectaculaires réalisés chaque jour
dans le domaine de la transmission de l'information grâce aux
Technologies de l'Information et de la Communication (TIC) et la montée
des réseaux.
4-2-2- Les caractéristiques de la Nouvelle
économie35.
4-2-2-1- Au niveau structurel.
Cette Nouvelle économie se caractérise par
:
L'économie de l'immatériel. Chaque
information, données, textes, sons, image, programmes peuvent être
distribués par le réseau, réduisant le coût de
production à un coût de recherche. On entend actuellement parler
de cette mutation dans l'industrie du disque avec l'arrivée du Mpeg
Layer 3 (MP3) ;
Un capitalisme sans friction. Remplacement des
intermédiaires : acheter en bourse vendre un bien immobilier, comparer
les prix de différents fabricants. La chaîne des
intermédiaires traditionnels est remplacée par un site qui permet
l'accès à toute l'information disponible ;
Les prix dynamiques. L'achat aux enchères se
développe sur le net dans tous les domaines ; billets d'avion, chambres
d'hôtels, matériel, laissant au consommateur le soin de fixer le
prix du marché ;
Une réduction des stocks. Internet permet de
relier les intermédiaires à leurs distributeurs, la production
est lancée en temps réel à la demande du client supprimant
les stocks ;
Personnalisation. Pouvoir créer sa page
d'accueil pour y voir sa sélection d'information. Commander son
ordinateur personnalisé en sélectionnant les options de son choix
dans le menu. Se voir proposer une sélection d'ouvrages
sélectionnés en fonction de ses lectures
précédentes ;
L'économie de l'attention. Le consommateur
devenant roi, ce qui compte c'est attirer son attention sur son produit.
Créer de l'audience devient le leitmotiv pour gagner de l'argent en
portant son attention sur les produits de ses annonceurs ou sur ses propres
produits.
4-2-2-2- Au niveau stratégique.
Au niveau stratégique la Nouvelle économie
opère des changements aux niveaux suivants :
A l'intérieur d'une entreprise
Ré élaboration de son positionnement dans
la nouvelle chaîne de valeur ; Révision de son organisation autour
du flux d'information ;
Entre une entreprise et une autre ;
Sélection des flux d'informations qui seront
partagées ;
Entre l'entreprise et le consommateur ;
Redéfinition de sa cible.
4-2-2-3- Au niveau organisationnel.
Les changements concernent : A l'intérieur
d'une entreprise
Utilisation de l'Internet pour communiquer ;
Partage de la connaissance et de l'information
;
Travail en équipes multidisciplinaires
;
Mise des données d'une base à disposition
(Etat des commandes, Etat du stock, base de connaissances, rapports
d'étonnement) ;
Prise des décisions en fonction de l'attente des
consommateurs, et consultation d'un tableau de bord.
Entre une entreprise et une autre :
automatisation des relations client fournisseur dans le
cycle de production ;
suivi des commandes et des livraisons ; collaboration,
partenariat ;
Entre l'entreprise et le consommateur :
catalogue et commande en direct ; suivi des commandes et des livraisons
;
marketing - création d'images et d'une audience,
personnalisation de la relation.
4-2-3-Les enjeux de la Nouvelle économie
à travers les TIC.
Les technologies nouvelles englobent l'ensemble des
techniques qui facilitent l'accès à l'information
numérisée, de la créer ou de la transmettre. Cette
information peut être disponible localement, ou être accessible en
ligne par l'intermédiaire des réseaux numériques externes,
comme Internet. L'information rendue disponible par ces nouvelles technologies
est multimédia. Selon l'étymologie, on retrouve «
multi » qui indique la diversité des « médias
», les supports de l'information.
Lorsqu'on parle de la Nouvelle économie, on ne
peut s'empêcher de parler en même temps des TIC. En
réalité, la Nouvelle économie s'articule autour de
l'Humain, et particulièrement sa matière grise qui devient le
premier facteur de production. La technologie vient alors bouleverser le
processus de production, de distribution et de consommation : Acheter, vendre,
produire, distribuer, chaque élément du processus est
influencé. Un nouveau concurrent peut intervenir et bouleverser à
tout moment la chaine de la valeur en se positionnant en tant que nouvel
intermédiaire. Dans ce règne de la concurrence pure et parfaite,
le client devient roi. On passe d'un marketing de masse à un marketing
personnalisé. Grace à l'email, au téléphone et aux
nouvelles pratiques professionnelles du Net, les accords et partenariats et
contrats peuvent se conclure à travers le monde en une seule
nuit.
Dans le contexte actuel, la Nouvelle économie
peut être une rupture et une menace, mais surtout, elle peut être
une continuité et une opportunité. Cela dépend de l'Etat
dont le rôle est d'accompagner le changement. Le changement du
capital-risque et des stock-options devrait permettre d'endiguer la fuite des
talents tout en favorisant le dynamisme économie de
l'innovation.
Les enjeux de la Nouvelle économie
Conversion qualitative et quantitative
des
pratiques
Mise en réseaux des segments
du marché
Consécration de
la globalisation
consécration de l'innovation et
du changement
Optimisation et préservation du capital
humain
Multiplication des zones d'incertitude
dans les marchés
Interdépendance des entreprises
Schéma 1: Les enjeux de la Nouvelle
économie36
4-2-4-la musique en ligne et ses enjeux.
A partir des années 1990, les oeuvres
musicales commencent à être échangés sur Internet,
sous forme numérique sur les CD, et donc disponibles pour une diffusion
sur les réseaux. Ces oeuvres musicales seront davantage plus
légères à stocker et à transférer
grâce à l'apparition du format de compression de fichiers MP3
(Mpeg Audio Layer 3). Ce format de fichier son compressé et de plus en
plus utilisé, permet de diviser par 12 la taille d'un fichier son et
cela sans perte audible de qualité sonore. Grace à ce format, on
peut conserver l'équivalent de 12 CD Audio sur un seul CD-R.
Au fur et à mesure que les débits des
connexions internet des utilisateurs s'accroissent, la musique circule de plus
en plus et de manière fluide sur Internet. Cet état de choses
fait alors de l'industrie musicale, un lieu où l'on peut observer les
prémices d'une réorganisation économique et sociale
suscitée par internet. Dans ce registre, les analystes
économiques commencent à estimer que le marketing
individualisé rendu possible par la musique en ligne, conduira, pour le
marché de la musique comme pour
36 Source: TEDONGMO TEKO
(2007:68).
d'autres secteurs, à « une meilleure
adéquation de l'offre et de la demande ». SAMULADRA (1999)
dans cette logique, soutient d'ailleurs que la musique libre peut donc
être utilisée comme un outil commercial pour faire en sorte que
les musiciens ne meurent pas de faim, car, << une autre
manière de gagner directement de l'argent est d'encourager les gens
à envoyer des dons, s'ils estiment que la musique qu'ils ont
copiée a de la valeur ».
Certainement, les technologies du nouveau
réseau sont porteuses de nouvelles régulations sociales,
organisatrices de relations humaines à la fois plus immédiates et
plus décentralisées. Certainement aussi, Internet porte en germe
une << nouvelle économie », plus à même
de satisfaire les besoins individuels du consommateur, et plus
légère, car libérée de l'essentiel d'infrastructure
et d'intermédiation, profitable aux consommateurs et aux investisseurs.
De même, Internet a réellement donné à plusieurs
artistes, l'opportunité de diffuser leurs oeuvres en ligne et de
réaliser leur propre promotion à moindre coût. Les
technologies du réseau permettent tout à la fois de construire
des plates formes de distributions englobant une grande quantité
d'oeuvres, d'organiser une communication directe entre les artistes et le
publics, de diffuser les oeuvres sans passer par un intermédiaire,
d'organiser la diffusion de la musique entre les internautes. Cependant, il
faut reconnaitre que l'élaboration d'une nouvelle technique n'est pas
une opération isolée du monde sociale. Celle-ci correspond au
contraire à une reconfiguration locale de ce monde, avec et autour des
techniques. Internet est une entreprise qui est pour la plupart des services
offerts, fondée sur la copie et il remet donc fondamentalement en
question les régimes du droit d'auteur et des droits voisins. Les copies
d'oeuvres de toutes sortes qui peuvent prendre une forme numérique
constituent la principale attraction de l'Internet. Cette sollicitation des
actes multiples et répétés de copie dans la transmission
des oeuvres est un concept qui structure Internet. Ce n'est pas un aspect
inévitable de la technologie ni de la fonction de l'Internet en tant que
vaste forum public de discussion.
Aussi, les discours sur les opportunités
offertes par Internet et sur les bénéfices associés aux
innovations ont-ils laissés place à des débats virulents
et crispés, sur l'adaptation du droit d'auteur et la viabilité
à long termes de l'industrie musicale. En fait, dans le processus
d'innovation, la construction d'usages stables était incontestablement
un succès du fait de l'ouverture de l'objet, en revanche, les
innovateurs avaient échoué dans la construction d'une
organisation viable et à trouver la voie d'une insertion dans
l'environnement existant de l'industrie musicale et du Copyright.
MESURES ET STRATEGIES D'ACTION DE LUTTE CONTRE LA
CONTREFAÇON ET LA PIRATERIE DES OEUVRES MUSICALES
CHAPITRE 5 :
Dans son discours du 22 juin 2005, à l'occasion
de l'ouverture de la 13ème session ordinaire du Comité
Intergouvernemental du Droit d'Auteur (IGC), le Directeur général
de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la Science et la
Culture (UNESCO) affirmait : »la prévention de la piraterie et
la lutte contre l'exploitation non autorisée d'oeuvres
protégées est une condition essentielle pour la
créativité, les industries culturelles et le développement
durable.»37
En effet, depuis son adoption en 1886, la Convention
de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques
reconnaît spécifiquement le problème de la piraterie,
puisque son libellé initial stipulait que "Toute oeuvre contrefaite
peut être saisie à l'importation dans ceux des pays de l'Union
où l'oeuvre originale a droit à la protection légale"
(Art. 12). Toutefois, la Convention de Berne, dans ses versions
ultérieures, n'a jamais soumis ses États membres à des
obligations détaillées traitant du problème de la
piraterie. La protection des oeuvres et des catégories de
créateurs échappant au champ d'application de la Convention de
Berne a été pris en compte dans la Convention de Rome de 1961 qui
reconnait des droits importants aux producteurs de phonogrammes, aux artistes
qui enregistrent et aux organismes de radiodiffusion et, en ce qui concerne
spécifiquement les enregistrements sonores, dans la Convention de
Genève sur les phonogrammes de 1972. Précisément, les
modalités détaillées de mise en oeuvre des droits
prévus par ces conventions relèvent pour la plupart de la
compétence des législations nationales. Cette limitation du cadre
juridique international a été revue par l'Accord de
l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) de 1994 sur les Aspects des Droits de
Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). Ce
dernier accord contraint
37 Il s'agit de M.
Koïchiro Matsuura.
tous les membres de l'OMC à se conformer aux
dispositions de fond de la Convention de Berne, impose des obligations
exprimant la protection assurée par la Convention de Rome contre la
copie non autorisée des enregistrements sonores (Art. 14) et
développe des exigences détaillées en ce qui concerne la
mise en oeuvre des droits.
La visée des dispositions de l'Accord ADPIC
relatives aux moyens de faire respecter les droits est de "permettre une
action efficace contre tout acte qui porterait atteinte aux droits de
propriété intellectuelle" couverts par l'Accord ADPIC (Art.
41, al.1). Dans ce sens, l'Accord ADPIC s'applique de nos jours aux 135 membres
de l'OMC, puisqu'il est entré en vigueur le 1er janvier 2005 pour les
pays les moins avancés. Cela ne fait donc que quelques années que
plusieurs pays du monde sont astreints en vertu d'un accord international, de
prévoir dans leur droit des dispositions substantielles et
détaillées visant à dissuader et réprimander
efficacement le piratage des biens intellectuels. Au cas où les
États membres de l'OMC ne prendraient pas les mesures appropriées
pour appliquer les règles minimales de respect des droits
imposées par l'Accord ADPIC, l'accord, comme les autres accords
administrés par l'OMC, pourrait en définitive être mis en
oeuvre du fait d'un recours déposé par un État membre
contre un autre.
5-1- LES DISPOSITIONS LEGALES D'ORGANISATION ET
DE GESTION DES OEUVRES MUSICALES AU CAMEROUN.
L'organisation et la gestion des oeuvres musicales au
Cameroun sont codifiées par la Loi n°2000/011 du 19 décembre
2000 relative au droit d'auteur et aux droits voisins ainsi que par le
Décret n° 2001/956/PM du 1er novembre 2001, fixant les
modalités d'application de la loi du 19 décembre 2000.Les
dispositions légales présentées dans cette loi et dans ce
décret, s'articulent principalement autour des concepts de «
Droit d'auteur » et de « Droits voisins
».
5-1-1- Le Droit d'auteur.
Les fondements du droit d'auteur sont
généralement présentés comme issus d'une approche
naturaliste. Celle-ci est constituée de deux courants principaux : La
conception fondée sur le travail, dérivée des travaux de
LOCKE (1690) et la théorie de la personnalité,
dérivée des écrits de d'Emmanuel KANT et de Friedrich
HEGEL. Le droit d'auteur, de même que le droit de la
propriété intellectuelle dont il procède, est fondé
sur la conception lockéenne de la propriété qui postule
que l'homme, en tant qu'être conscient et pensant, est
propriétaire de lui-même. Du moment oh
l'homme mêle de par son travail une partie de lui-même à ce
que la nature lui a donné, il est propriétaire du résultat
de son travail, en tant que celui-ci incorpore une partie de lui-même.
Cette idée qui mêle la conscience de tout auteur à des
données de la nature, est ainsi soumise à la forme la plus pure
de la propriété.
D'autre part, le second courant de l'approche
naturaliste qui est la théorie de la personnalité, perçoit
l'oeuvre comme une projection de la personnalité de l'auteur. Selon KANT
(1965) par exemple, le lien qui unit le créateur et son oeuvre doit
être compris comme une partie intégrante de la personnalité
de l'auteur. Pour HEGEL (1964), c'est la manifestation de la volonté de
ce dernier dont le fruit constitue l'oeuvre, qui fonde le droit. Cette
théorie de la personnalité met ainsi singulièrement en
exergue, le rôle du créateur. Ces deux théories sont
à la base des conceptions du droit d'auteur dans plusieurs pays. C'est
ainsi que la première oeuvre couverte par le droit d'auteur fut la
<< Statute of Anne >> en 1710.
Au Cameroun, la loi N°2000/011 du 19
décembre 2000, relative au droit d'auteur et aux droits voisins,
appréhende le droit d'auteur comme << le droit de
propriété exclusif et opposable à tous, dont jouissent les
auteurs des oeuvres de l'esprit du seul fait de leur création
>> (Art. 13, alinéa 1). Ce droit porte sur l'expression par
laquelle les idées sont décrites, expliquées,
illustrées. Il s'étend aux éléments
caractéristiques des ouvrages, tel le plan d'une oeuvre
littéraire dans la mesure oh il est matériellement lié
à l'expression (Art.2, alinéa 2). A ce titre, sont soumis au
droit d'auteur, toutes les oeuvres du domaine littéraire ou artistique,
quels qu'en soit le mode, la valeur, le genre ou la destination de
l'expression, notamment :
Les oeuvres littéraires, y compris les programmes
d'ordinateur ;
Les compositions musicales avec ou sans paroles
;
Les oeuvres dramatiques, dramatico-musicales,
chorégraphiques et pantomimiques crées pour la scène
;
Les oeuvres audiovisuelles ;
Les oeuvres de dessin, de peinture, de lithographie, de
gravure à l'eau forte ou sur le bois et autres oeuvres du même
genre ;
Les sculptures, bas-reliefs et mosaïques de toutes
sortes ;
Les oeuvres d'architecture, aussi bien les dessins et
maquettes que la construction elle-même ;
Les tapisseries et les objets créés par
les métiers artistiques et les arts appliqués,
aussi bien le croquis ou le modèle que l'oeuvre
elle-même ;
Les cartes ainsi que les dessins et reproductions
graphiques et plastiques de nature scientifique ou technique ;
Les oeuvres photographiques auxquelles sont
assimilées les oeuvres exprimées par un procédé
analogique à la photographie (Art.3, al.1).
Par contre, ne sont pas protégés par le
droit d'auteur :
Les idées en elles-mêmes ;
Les lois, les décisions de justice et autres
textes officiels, ainsi que leurs traductions officielles ;
Les armoiries, les décorations, les signes
monétaires et autres signes officiels.
Le droit d'auteur camerounais repose ainsi sur
l'idée d'un droit personne de l'auteur, fondé sur une forme
d'identité entre l'auteur et sa création. Ce droit comporte des
attributs d'ordre patrimonial (Art.13, al.2).Les attributs d'ordre moral
confèrent à l'auteur, indépendamment de ses droits
patrimoniaux et même après la cession des dits droits, le droit
:
De décider de la divulgation et de
déterminer les procédés et les modalités de cette
divulgation ;
De revendiquer la paternité de son oeuvre en
exigeant que son nom ou sa qualité soit indiquée chaque fois que
l'oeuvre est rendue accessible au public ;
De défendre l'intégrité de son
oeuvre en s'opposant notamment à sa déformation ou mutation
;
De mettre fin à la diffusion de son oeuvre et
d'y apporter des retouches (Art.14,
al.1).
Par ailleurs, les attributs d'ordre patrimonial du
droit d'auteur, emportent le droit exclusif pour l'auteur d'exploiter ou
d'autoriser l'exploitation de son oeuvre, sous quelque forme que ce soit et
d'en tirer profit pécuniaire (Art.15, al.1) ; Ce droit d'exploitation
comprend le droit de représentation, le droit de reproduction, le droit
de transformation, le droit de distribution et le droit de suite (Art.15,
al.2). De plus, les créances attachées aux attributs patrimoniaux
du droit d'auteur sont soumises au même régime que les
créances salariales (Art.15, al.3).
Ces droits patrimoniaux de l'auteur durent toute sa
vie. Ils persistent après son décès, pendant
l'année civile en cours et les cinquante années qui suivent. Ils
persistent également au profit de tous ayants droit ou ayant cause
pendant l'année de la mort du dernier survivant des collaborateurs et
les cinquante années qui suivent pour les oeuvres de
collaboration38 Art.37, al.1).
5-1-2- Les Droits voisins.
Selon la Loi n°2000/011 du 19 déc.2000
relative au droit d'auteur et aux droits voisins, les droits voisins du droit
d'auteur comprennent les droits des artistes-Interprète, des producteurs
de phonogrammes ou de « vidéogrammes >>39
et des « entreprises de communication audiovisuelle
>>40 (Art.56, al.1).
L'artiste-interprète a droit au respect de son
nom, de sa qualité et de son interprétation. Ce droit est
attaché à sa personne. Il est notamment perpétuel,
inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de
la mort (Art.58, al.1, 2). Il a le droit exclusif de faire ou d'autoriser les
actes suivants :
La communication au public de son
interprétation, y compris la mise à disposition du public, par
fil ou sans fil, de son interprétation fixée sur phonogramme ou
vidéogramme, de manière que chacun puisse y avoir accès de
l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement, sauf lorsque la
communication au public est faite à partir d'une fixation ou d'une
communication au public de l'interprétation ; est une
réémission41 autorisée par l'entreprise de
communication audiovisuelle qui émet le premier l'interprétation
(Art.57,al.1).
La fixation de son interprétation non
fixée ;
La reproduction d'une fixation de son
interprétation ;
La distribution d'une fixation de son
interprétation, par la vente, l'échange, la location au public
;
L'utilisation séparée du son et de
l'image de l'interprétation, lorsque celle-ci
38 « OEuvre de collaboration >> :
celle dont la création est issue du concours de deux ou plusieurs
auteurs, que ce concours puisse être individualisé ou non.(Loi
n°2000/011 du 19 déc.2000, Art.2,al.2).
39 « Producteur de phonogrammes ou de
vidéogrammes >> : La personne physique ou morale qui, la
première, fixe les sons provenant d'une exécution ou d'autres
sons ou d'une représentation de sons, les images sonorisées ou
non, ou les représentations de telles images, ou la personne physique
qui a pris l'initiative de ladite fixation.
40 « Entreprise de communication audiovisuelle
>> :l'organisme de radiodiffusion, de télévision ou
tout autre moyen qui transmet les programmes au public.
41 « Réémission >> :
l'émission simultanée ou en différée par une
entreprise de communication audiovisuelle d'un programme d'une autre entreprise
de communication audiovisuelle.
a été fixée à la fois pour
le son et l'image (Art.57, al.1).
Le producteur de phonogrammes ou de
vidéogrammes quant à lui, jouit du droit exclusif d'accomplir ou
d'autoriser toute reproduction, mise à la disposition du public par la
vente, l'échange, le louage ou la communication au public du
phonogramme, y compris la mise à disposition du public par le fil et
sans fil de son phonogramme, de manière que chacun puisse y avoir
accès à l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement
(Art.59,al.1).
L'entreprise de communication audiovisuelle enfin, jouit
du droit exclusif d'accomplir ou d'autoriser :
La fixation, la reproduction de la fixation, la
réémission des programmes et la communication au public de ses
programmes, y compris la mise à disposition du public, par fil ou sans
fil, de ses programmes de manière que chacun puisse y avoir accès
à l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement ;
La mise à la disposition du public par vente,
louage ou échange de ses programmes.
5-1-3-Les procédures de coercition en cas de
violation du droit d'auteur et des droits voisins :
5-1-3-1- La qualification du délit.
Dans l'organisation du droit d'auteur et des droits
voisins, la loi tient également compte des diverses formes de violations
qui peuvent porter atteinte au droit d'auteur et aux droits voisins.
L'éradication de la piraterie a suscité de nombreuses
initiatives. Une convention pour la protection des producteurs de phonogrammes
contre la reproduction non autorisée de leurs phonogrammes fut
adoptée le 29 octobre 1971 par l'Organisation mondiale de la
propriété intellectuelle (OMPI). Les années 80 et 90
surtout, ont été celles d'intenses débats, sur la question
de l'éradication de la piraterie, au plan mondial. C'est notamment dans
le cadre de cette lutte que fut conclu sous l'égide de OMPI en 1988 le
traité sur l'enregistrement international des films (Traité FRT)
; ceux sur le droit d'auteur et les droits voisins appelés
traités Internet furent adoptés pour donner un élan
nouveau à la lutte contre la piraterie à l'ère du
numérique.
Dans ce sens, selon la loi, est constitutive de
contrefaçon :
quelque moyen que ce soit ;
Toute reproduction, communication au public ou mise
à la disposition du public par vente, échange, location d'une
interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme,
réalisées sans l'autorisation lorsqu'elle est exigée, de
l'artisteinterprète, du producteur de phonogrammes ou de
vidéogramme, ou de l'entreprise de communication audiovisuelle
;
Toute atteinte au droit moral, par violation du droit de
divulgation, du droit de paternité ou du droit au respect d'une oeuvre
littéraire ou artistique ;
Toute atteinte au droit à la paternité et
au droit à l'intégrité de la prestation de
l'artiste-interprète (Art.80).
A cet effet, est assimilé à la
contrefaçon :
L'importation, l'exportation, la vente ou la mise en
vente d'objets contrefaisants ; L'importation ou l'exportation de phonogrammes
ou vidéogrammes réalisées sans autorisation lorsqu'elle
est exigée de l'artiste-interprète ou du producteur de
phonogrammes ou vidéogrammes ;
Le fait de fabriquer sciemment ou d'importer en vue
de la vente ou de la location, ou d'installer un équipement,
matériel, dispositif ou instrument conçu en tout ou partie pour
capter frauduleusement des programmes télédiffusés lorsque
ces programmes sont réservés à un public
déterminé qui accède moyennant une
rémunération versée à son opérateur ou
à ses ayants cause42 ;
La neutralisation frauduleuse des mesures techniques
efficaces dont les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins se
servent pour la protection de leur production contre les actes non
autorisés ;
Le fait de laisser reproduire ou de représenter
dans son établissement de façon irrégulière les
productions protégées en vertu de la présente loi
;
Le défaut de versement ou le retard
injustifié de versement d'une rémunération prévue
par la présente loi ;
42 Des mesures à la
frontière sont également prescrites à l'article 112 et
suivant,
Conformément à l'Accord sur les aspects
des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce
(ADPIC). Ces mesures, qui sont mises en oeuvre par les services des douanes
visent, à assurer le bon exercice du droit d'importation et
d'exportation reconnu aux titulaires de droit d'auteur ou de droits voisins ;
elles permettent également de percevoir à leur profit, la
rémunération pour copie privée, rémunération
due à l'importation de supports d'enregistrement vierges dont l'usage
engendre un manque à gagner substantiel.
Le fait d'accomplir les actes suivants en sachant ou,
pour les sanctions civiles, en ayant de justes raisons de croire que cet acte
va entrainer, permettre, faciliter ou dissimuler une atteinte à un droit
prévu par la présente loi ;
Le fait de supprimer ou modifier sans y être
habilité, toute information relative au régime des droits se
présentant sous forme électronique ;
Le fait de distribuer, importer aux fins de
distribution, communiquer au public sans y être habilité, des
originaux ou des exemplaires d'oeuvres, d'interprétations, de
vidéogrammes, de phonogrammes, en sachant que les informations relatives
au régime des droits se présentant sous forme électronique
ont été supprimées ou modifiées sans
autorisation.
Au quotidien, les violations du droit d'auteur et des
droits voisins se traduisent dans le marché illégal des oeuvres
musicales à travers les actes suivants :
· La piraterie : c'est la reproduction non
autorisée d'enregistrements originaux, pour le gain commercial, sans le
consentement du propriétaire des droits. La présentation des
copies pirates diffère des albums originaux. Les copies pirates sont
souvent des compilations, par exemple les «meilleurs
tubes>> d'un artiste spécifique, ou une collection d'un genre
spécifique, comme les compilations « danse
>>.
· Les bootlegs43 : il s'agit
d'enregistrements non autorisés de concerts en direct ou de concerts
radio ou télédiffusés. Ces enregistrements sont reproduits
et vendus, souvent à un prix élevé, sans l'autorisation de
l'artiste, du compositeur ou de la maison de disque.
· Les contrefaçons : les
contrefaçons sont copiées et présentées de
façon à ressembler d'aussi près que possible à
l'original. Les marques et logos du producteur original sont souvent reproduits
pour abuser le consommateur et lui faire croire qu'il achète un produit
légitime.
· La piraterie sur Internet : la musique est
compressée et transmise dans le monde entier sur Internet, sans la
moindre rétribution pour les personnes qui ont investi dans sa
création.
43Source :
www.wikipédia.com
5-1-3-2- Les sanctions.
Selon l'article 82, les infractions sont punies d'un
emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d'une amende de 500 000
à 10 000 000 de francs CFA ou de l'une de ces deux peines seulement.
D'autre part d'autres sanctions peuvent consister soit :
A ordonner la confiscation des exemplaires
contrefaisants, du matériel ayant servi à la commission de
l'infraction, de même que les recettes qu'elle aurait procurées au
contrevenant (Art.84, al.1) ;
A détruire le matériel utilisé par
le contrefacteur et les exemplaires contrefaisants (Art.84, al.2) ;
A ordonner la publication de la décision dans
les conditions prévues à l'article 33
du code pénal (Art.84, al.3). Ces sanctions sont
ordonnées par le tribunal.
Lorsque leurs droits sont violés ou
menacés de l'être, les personnes physiques ou murales ou leurs
ayants droit ou ayants cause, titulaires des droits visés par la
présente loi, peuvent requérir un officier de police judiciaire
ou un huissier de justice pour constater les infractions et, au besoin, saisir,
sur autorisation du Procureur de la République ou du juge
compétent, les exemplaires contrefaisants, les exemplaires et les objets
importés illicitement et le matériel résultant, ayant
servi ou devant servir à une représentation ou à une
reproduction, installés pour de tels agissements prohibés
(Art.85,al.1).
Egalement, le Président du tribunal civil
compétent peut également, par ordonnance sur requête,
décider de :
La suspension de toute fabrication en cours tendant
à la reproduction illicite d'une oeuvre ;
La suspension des représentations ou des
exécutions publiques illicites ;
La saisie même les jours non ouvrables ou en
dehors des heures légales, des exemplaires constituant une reproduction
illicite de l'oeuvre, déjà fabriqués ou en cours de
fabrication, des recettes réalisées ainsi que des exemplaires
contrefaisants ; La saisie du matériel ayant servi à la
fabrication ;
La saisie des recettes provenant de toute exploitation
effectuée en violation des droits d'auteurs ou des droits voisins
(Art.85, al.2).
5-1-4-La pertinence des dispositions légales
d'organisation et de gestion des oeuvres musicales.
Ces dispositions légales d'organisation et de
gestion du droit d'auteur et des droits voisins au Cameroun constituent une
avancée en ce qui concerne la préservation du patrimoine
culturel. Elles sont arrivées peut-être en retard, mais tout de
même, elles organisent et régissent un domaine qui était
jusque là en proie à un désordre et à des
perturbations de toutes sortes. Parlant de cette loi, le Président du
Conseil d'Administration (PCA) de l'ex-Cameroon Music Corporation (CMC) dans
une émission télédiffusée44,
déclarait : << Le Président Biya a tout donné
aux artistes pour qu'ils soient riches ».
L'originalité de cette loi dans le contexte
camerounais et africain est sans doute la reconnaissance et la protection des
oeuvres inspirées du folklore (Art.5). Une telle protection du folklore
est une reconnaissance de la valeur culturelle des pratiques ancestrales
africaines. De plus, de cette loi, il en ressort que les auteurs des oeuvres de
l'esprit jouissent sur celle-ci, du seul fait de leur création, d'un
droit de propriété exclusif et opposable à tous (Droit
d'auteur), dont la protection est organisée par la présente loi.
Des attributs d'ordre patrimonial et des attributs d'ordre moral sont
conférés à l'auteur par cette loi.
Toutefois, s'il est incontestable que « Nul
n'est censé ignoré la loi », il est encore plus vrai
qu' « une loi ne peut avoir d'effet que si ceux pour qui elle est
promulguée la connaissent et la comprennent ». Nos
différentes rencontres avec plusieurs des acteurs qui interviennent dans
le domaine musical, nous ont permis de constater que cette loi relative au
droit d'auteur et aux droits voisins reste encore très peu connue par
ceux-ci. L'opacité communicationnelle qui entoure cette loi et son
utilisation comme arme offensive par les uns et les autres pour condamner,
critiquer ou se justifier, font de cette loi, une loi qui semble être
destinée uniquement aux acteurs engagés dans la conquête
des postes de responsabilité dans le domaine musical. Que ce soit dans
les médias, dans les conférences ou lors des réunions des
acteurs du domaine musical, la loi relative au droit d'auteur et aux droits
voisins, n'est généralement consultée que lorsqu'il y a un
problème. Cet état de choses est à l'origine des
interprétations contradictoires dont cette loi est en proie. Ces
interprétations contradictoires amènent tout de même
à se demander si cette loi est
44 Emission <<
Cartes sur table », du 08/07/2008, à 22h sur STY,
(rediffusion).
réellement compréhensible ou si ce sont
plutôt les acteurs du domaine musical qui ne veulent pas la comprendre
telle qu'elle est, mais plutôt telle qu'ils voudraient qu'elle soit
!
De plus, bien que cette loi ait été
rédigée en un langage simple et accessible à tous, il
demeure cependant que les définitions des concepts dans les dispositions
générales souffrent d'un déficit de précision et de
clarté. Ces dispositions disent par exemple ce qu'on entend par
« oeuvre originale », « oeuvre de
collaboration », « oeuvre audiovisuelle », etc.
Mais, elles ne définissent même pas le terme « oeuvre
». Qu'est-ce qu'une oeuvre ? Lorsqu'on sait qu'il existe plusieurs
définitions de ce terme qui ne sont pas toujours unanimes, cette
question revêt une très grande importance.
Par ailleurs, cette loi, en ce qui concerne le droit
de représentation reconnu à l'auteur, laisse déjà
apparaitre la possibilité d'une diffusion à travers le
réseau. L'article 16, al.2 assimile à une représentation,
une émission d'une oeuvre vers un satellite effectué en dehors du
territoire national, dès lors qu'elle à été faite
à la demande, pour le compte ou sous le contrôle d'une entreprise
de communication ayant son principal établissement sur le Territoire
national. Dans un contexte de Nouvelle économie marqué par une
montée en puissance des réseaux et une vulgarisation des TIC,
cette loi semble à la traîne. Elle laisse apparaitre en fait une
absence de projection dans l'avenir, ce qui la condamne à être
à la traîne de l'évolution des industries culturelles et de
la piraterie en ligne. La dimension Internet de la représentation et la
possibilité de la large diffusion à travers le réseau,
constituent des domaines à intégrer dans cette loi. L'enjeu du
piratage en ligne par exemple, est selon la Commission Européenne (CE),
l'avenir du marché de la musique en ligne qui pourra s'élever
à 8,3 milliards d'euros d'ici 2010 dans l'Union européenne (UE),
et être multiplié par quatre entre 2005 et la fin de la
décennie. Selon les chiffres de cette commission, d'ici 2010, les
contenus en ligne représenteront également environ 20% des
recettes du secteur de la musique. Bien que le Cameroun ne soit pas membre de
l'Union Européenne (UE), il apparait clairement que le marché de
la musique en ligne est une véritable dimension qui mériterait
déjà d'être organisée et régie par la loi
relative au droit d'auteur et aux droits voisins.
En outre, en ce qui concerne la gestion collective,
cette loi considère les organismes de gestion collective de droit
d'auteur et des droits voisins, uniquement du point de vue juridique,
nonobstant la dimension sociologique. La dissolution de la Cameroon Music
Corporation (CMC) le 13 Mai 2008 est une illustration de cette
réalité. En effet, la décision du Ministre de la Culture
se basait sur l'article 79 de la loi du 19 décembre 2000 relative
au
droit d'auteur et aux droits voisins, et sur
l'article 22 alinéa 7 du Décret n°2001/956/PM du 1er
novembre 2000, fixant les modalités d'application de la loi du 19
décembre 2000. Cette décision du Ministre de la culture bien
qu'elle soit juridiquement conforme, est cependant sociologiquement
inadaptée. En fait, un organisme de gestion collective du droit d'auteur
et des droits voisins, est d'abord et avant tout, un regroupement d'individus
exerçant dans un même domaine, et réunis pour la
défense de leurs intérêts communs. Il est même
possible de parler de « corporation ». Dans ce sens, ces
individus dans le cadre de leur organisation, entretiennent entre eux des
relations et posent des actes qui vont au-delà du seul exercice de leurs
droits (Solidarité, relations sociales, partage d'expérience,
etc.). L'agrément du Ministère de la Culture (MINCULT) n'est
pratiquement qu'une reconnaissance officielle de ce tissu de relations
organisé qui existe déjà. Lorsque l'agrément est
retiré à cet organisme, il perd sa crédibilité
légale, mais que devient le tissu de relations qui existait
déjà entre les membres de cet organisme ? Cette question pose le
problème de la pertinence pratique de la loi relative au droit d'auteur
et aux droits voisins, ainsi que celle de son Décret d'application. Ceci
se traduit par des divisions que l'on peut observer au sein de la
catégorie B : art musical, de droit d'auteur et des droits voisins. Une
telle question laissée en suspens, crée des frustrations qui
chaque fois séparent les acteurs de cette catégorie et remet en
question l'efficacité de cette loi dans l'organisation et la gestion du
droit d'auteur et des droits voisins. L'existence légale de la
Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) et l'existence
illégale mais légitime de la Cameroon Music Corporation (CMC)
dans une catégorie qui ne peut avoir qu'une seule société
de gestion collective, illustre la division entre la légalité et
la légitimité provoquée par cette loi, lorsqu'on sait que
qu'elle que soit la société qui existera, elle sera toujours un
regroupement d'individus exerçant dans le même domaine, et
appelés à travailler ensemble.
5-2- LES ACTEURS ENGAGES DANS LA LUTTE CONTRE LA
CONTREFAÇON ET LA PIRATERIE DES OEUVRES MUSICALES.
5-2-1- Le Ministère de la culture (MINCULT).
5-2-1-1- les Mesures.
Le Décret n°2005/177 du 27 mai 2005
organise les missions du Ministère de la
culture (MINCULT). Ce Ministère est
chargé de l'élaboration, de la mise en oeuvre et de
l'évaluation de la politique du gouvernement en matière de
promotion et- de développement culturels, ainsi que de
l'intégration nationale.
A ce titre, il est responsable :
Du développement de la diffusion de la culture
nationale ;
De la préparation et du suivi des mesures visant
à renforcer l'intégration nationale ; De la
cinématographie ;
De la protection et de la conservation, de
l'enrichissement et de la promotion du patrimoine culturel, artistique et
cinématographique nationale ;
De la préservation des sites et monuments
historiques ;
Des musées, des bibliothèques, des
cinémathèques et des archives nationales.
Il exerce la tutelle du Palais des congrès et
assure la liaison entre les pouvoirs publics et les organisations des droits
d'auteurs.
Face à l'avancée des TIC au Cameroun,
le Ministère de la culture (MINCULT) a intégré dans son
programme d'action, un certain nombre de projets prioritaires qui sont des
mesures visant à développer l'intégration de
l'informatique dans la gestion des grandes unités de la culture
camerounaise et à protéger les droits des artistes. Dans ce sens,
la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et
aux droits voisins, est un instrument de révolution au service des
artistes, fruit d'un brain-trust constitué d'experts et d'Hommes de
culture de tous les horizons et consacrant l'éclosion et
l'épanouissement des artistes dans leur ensemble.
5-2-1-2- Les stratégies.
L'ampleur du marché illégal des oeuvres
musicales est reconnue par les fonctionnaires du Ministère de la culture
(MINCULT) rencontrés dans le cadre de cette étude. Ceux-ci,
veulent bien comprendre comment un tel marché a pu se développer
avec
autant de rapidité. Leurs points de vue qui se
réfèrent généralement à la loi, sont plus
théoriques que pratiques. Ils excellent en fait dans la citation des
articles de la loi n°2000/011 du 19 décembre relative au droit
d'auteur et aux droits voisins, et sont convaincus que si cette loi
était respectée par les uns et les autres, ce marché ne
connaitrait pas l'ampleur qu'il a aujourd'hui.
Selon le Décret n°2001/956/PM du
1er novembre 2001 fixant les modalités d'application de la
loi du 19 décembre 2000, le Ministère de la culture (MINCULT) est
chargé en ce qui concerne le domaine de la musique :
De fixer le montant de la redevance due au titre de la
représentation du folklore (Art.2) ;
D'autoriser l'organisation des spectacles de
représentation (Art.9) ;
De fixer la rémunération pour copie
privée de phonogramme et vidéogramme (Art.13) ;
De la délivrance exclusive de l'agrément
aux organismes qui exercent la gestion collective (Art.19) ;
De la suspension de l'agrément (Art.22,
al.4).
Ces différentes responsabilités
attribuées au Ministère de la culture (MINCULT) par ce
décret le positionnent comme un acteur incontournable dans la lutte
contre la contrefaçon des oeuvres artistiques en général,
car promouvoir la culture, c'est avant tout, créer des conditions saines
pour son épanouissement, ce qui n'est pas encore le cas.
5-2-2- Les organismes de gestion collective.
En vue de permettre aux titulaires du droit d'auteur
ou des droits voisins d'exercer leurs droits, la loin°2000/011 du 19
décembre 2000 prévoit en son article 75, la possibilité de
créer des organismes de gestion collective de droit d'auteur et des
droits voisins. Ces organismes sont en fait des « corporations
» d'auteurs, de producteurs, d'éditeurs ou leurs ayant droit
et leur ayant cause, intervenant dans une catégorie artistique
donnée.
Le Décret n°2001/956/Pm du 1er
novembre 2001, fixant les modalités d'application de la loi
n°2000/011 du 19 décembre 2000 dénombre quatre
catégories de droit d'auteur et des droits voisins (Art.18)
:
Catégorie A : Littérature, arts
dramatiques, dramatico-musical, chorégraphique et autres arts du
même genre ;
Catégorie B : art musical ;
Catégorie C : arts audiovisuel et photographique
;
Catégorie D : arts graphique et
plastique.
L'exercice de la gestion collective dans chacune de
ces catégories est soumis à l'agrément du Ministère
de la culture (MINCULT) (Art.19), et il ne peut être crée qu'un
organisme par catégorie de droit d'auteur et des droits voisins (Art.75,
al.2).
Dans la pratique, les organismes de droit d'auteur et
des droits voisins sont configurés actuellement sous la forme des
sociétés suivantes:
Catégorie A : Société Civile des
Droits de Littérature (SOCILADRA) ; Catégorie B :
Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) ;
Catégorie C : Société Civile des
Droits Audiovisuels et Photographiques (SCAAP) ;
Catégorie D : Société Civile des
Arts Plastiques (SOCADAP).
Toutes ces sociétés sont
héritières d'une histoire commune. Instituée par le
décret n°79/392 du 22 septembre 1979, la première
société créée fut la société
camerounaise du droit d'auteur (SOCADRA). Quelques années plus tard,
cette société sera dissoute au profit de la Société
civile Nationale du droit d'auteur (SOCINADA), qui verra le jour le 23 novembre
1990, et sera elle aussi dissoute en 1992. La dissolution de cette
dernière société a donné lieu à un
éclatement de celle-ci en les quatre sociétés de gestion
collective suscitées (à l'exception de la Société
Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) qui a remplacé la Cameroon Music
Corporation (CMC).
Par ailleurs, parmi les quatre catégories de
droit d'auteur et des droits voisins, la catégorie B (art musical) qui
est au centre de cette étude, est la plus instable. En 1998 à
Montreuil, des auteurs compositeurs proposent un projet pour une structure
autonome dans le domaine musical. Quatre sociétés se constituent
pour la sélection. Il s'agissait de la Socim menée par les
artistes Sam Mbendé et Grace Decca, de la Socadrum menée par
l'artiste Ekambi Brillant, de l'Association des musiciens de la diaspora
camerounaise et du Sycapem. Finalement, c'est plutôt la Cameroon Music
Corporation (CMC)45 qui sera retenue.
En mars 2005, le Ministère de la culture
(MINCULT) retire l'agrément accordé à la Cameroon Music
Corporation (CMC), pour un problème de gestion financière. Dans
la
45 Pour plus d'informations
sur cette société, voir annexe 5.
même période, l'Association musicale de
la diaspora camerounaise (AMDC), mettait sur le Net, un mémorandum dans
lequel elle critiquait la grande ingérence du ministre de culture dans
la gestion de la Cameroon Music Corporation (CMC). Le 08 avril 2005, les Etats
généraux de la musique tenaient lieu, et
précédaient l'élection le lendemain de l'artiste musicien
Sam Mbende et de sa liste à la tète de la Cameroon Music
Corporation (CMC). Le 13 mai 2008, la Cameroon Music Corporation (CMC) est
dissoute, et << cèdera sa place »46
à la Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM).
Jusqu'à présent, cette dernière Société
peine à être réellement opérationnelle47
et les interventions des responsables de cette société dans les
médias se traduisent généralement par des violences
verbales lorsqu'il est fait allusion à la Cameroon Music Corporation
(CMC). Ces responsables se comportent comme si c'est par la force que la
Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) pourra s'imposer
aux artistes musiciens camerounais. Dans une émission (<<
l'Arène » du 19/10/2008 à CANAL 2), le Consultant
de la Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) Atango
Atango, parlant des responsables de la Cameroon Music Corporation (CMC) qui
avaient saisi la justice, déclarait d'un air désabusé :
<< C'est de la diversion ». Cette déclaration
dénote un mépris des institutions républicaines car, ce
représentant de la Société Camerounaise de l'Art Musical
(SOCAM) s'est ainsi comporté comme si la Société
Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) était au-dessus de la justice. La
Société Camerounaise de l'Art Musical (SOCAM) n'est certainement
pas un Etat dans un Etat !
46 C'était le 7
juin 2008. Selon les responsables de la Cameroon Music Corporation (CMC), la
Chambre administrative de la Cour suprême a été saisie pour
trancher les irrégularités observées dans la mise en
quarantaine de la Cameroon Music Corporation (CMC), (Emission <<
Carte sur table », STV,08/07/2008). Au moment où nous
achevions ce travail, La chambre administrative de la cour suprême via
son conseiller en charge de statuer sur les actions en
référé et les demandes de sursis en exécution avait
rendu public le 19 février 2009, son verdict relatif au recours
introduit par la CMC au lendemain de sa dissolution. L'ordonnance n°0341
Ose/Ca/Cs/2008 ordonne la suspension des effets de la décision
n°0088/MINCULT/Cab prononcée le 12 mai 2008 par le ministre de la
culture portant retrait d'agrément à la CMC, et la
décision n°0089/MINCULT/Cab du 15 mai 2008 du MINCULT, portant
nomination des membres du comité ad hoc chargé de la gestion des
affaires courante de la CMC.
47 Il faut cependant
noter que le 17 octobre 2008, la SOCAM a reçu du Ministère de la
Culture, une somme de 30 millions de FCA qui a été repartie
à 1500 artistes. Selon la PCA de la SOCAM Odile NGASKA, <<
Nous avons reçu une subvention de 30 millions de fcfa du
ministère. C'est un don, une bouffée d'oxygène qui nous
permet d'aider les artistes en ces moments de rentrée scolaire. Nous
avons également dégagé une somme de 10 millions des
caisses du Fonds d'action culturelle et sociale. Les artistes auront quelque
chose d'assez consistant au mois de décembre ». (Le Messager,
18 SEPTEMBRE 2008, << Socam: 40 millions pour 1500 artistes
». Cette action n'est pas négligeable, dans la mesure elle
accorde plus de crédibilité à la SOCAM. Mais il faut
rappeler que plusieurs des artistes présents à cette
cérémonie n'étaient pas tout à fait d'accord avec
ce mode de subvention , estimant qu'ils ne sont pas des mendiants <<
à qui de temps en temps, on donne des bonbons »
et que des mesures devraient plutôt être prises pour leur
permettre de vivre de leur art.
Seul un retour sur le bilan de la Cameroon Music
Corporation (CMC) peut permettre d'évaluer les mesures et les
stratégies mises en oeuvre dans le domaine musical par la
société de gestion collective. Dans le bilan des activités
de la Cameroon Music Corporation (CMC) depuis le 16 avril 2005 jusqu'en 2008
présenté par le Président du conseil d'Administration, Sam
Mbendé, les points suivants peuvent être relevés
:
La piraterie des oeuvres protégées,
notamment celles musicales, avec ses conséquences fâcheuses
;
la perte de confiance des producteurs ;
l'incertitude du marché local du disque
;
la mévente des produits musicaux originaux
;
les pertes fiscales ;
l'appauvrissement de tous les acteurs locaux de
l'industrie musicale (musiciens, producteurs, propriétaires des studios
d'enregistrement, disquaires...) ;
le marasme de l'industrie musicale locale ;
la diminution accentuée des droits de
reproduction mécanique ;
l'acculturation musicale de notre
jeunesse...
5-2-3- Le Comité Musical de Lutte Contre la
Piraterie (CMLCP)48 .
Crée le 11 décembre 2002, le
Comité musical de Lutte Contre la Piraterie (CMLCP) est une Organisation
Non Gouvernementale (ONG) qui a pour but de sensibiliser et de promouvoir la
culture camerounaise sur le plan national et international. Pour cette
Organisation Non Gouvernementale (ONG), la piraterie constitue une triple
menace :
Menace pour les créateurs, puisqu'elle les prive
de la rémunération à laquelle ils ont droit ;
Menace pour l'emploi ;
Menace pour le public, car elle entraine un
appauvrissement de la création et de la diversité
culturelle.
La piraterie des oeuvres culturelles apparait pour
cette ONG, comme un fléau qu'il
48 Toutes les
informations présentées ici sont extraites du dépliant
produit par le CMLCP à l'occasion de la semaine de lutte contre la
piraterie du 16 au 24 mai 2008. Ces informations sont présentées
ici avec beaucoup de réserve, du moment où faute de pouvoir
rencontrer les responsables de cette ONG, nous nous sommes contenter de ce
dépliant dont la crédibilité n'est pas assurément
garantie.
faut combattre avec fermeté et
détermination. Car, c'est la création que l'on met en danger et
la culture qui est menacée. Le vol des oeuvres et le vol des musiques ne
sont donc pas tolérables, le système légitime de
rémunération des artistes et des créateurs devant
être expliqué pour être compris et mieux
défendu.
Stratégies :
Les stratégies du Comité musical de
Lutte Contre la Piraterie (CMLCP) sont orientées par un
plan d'action contre la piraterie et met l'accent sur la sensibilisation,
l'éducation notamment des jeunes publics sous le patronage du
Ministère de la culture (MINCULT) et des professionnels
concernés d'une part, et sur la prévention.
Afin de faire évoluer les mentalités
d'autre part, une campagne devrait être lancée dans les
collèges et lycées et dans les quartiers, pour faire clairement
comprendre aux jeunes que la piraterie est illégale et que la
création a un prix. Alors, il faut encourager et promouvoir la
créativité, ainsi, ira mieux le monde.
Du 16 au 27 mai 2008, le Comité musical de
Lutte Contre la Piraterie (CMLCP) a organisé une
semaine de sensibilisation contre la piraterie, semaine marquée par des
conférences, des séminaires et des spectacles. D'autre part, lors
de la dernière campagne contre la piraterie tenue à Zurich en
Suisse en janvier 2008 qui a réuni les associations de lutte contre la
contrefaçon et la piraterie , le Président du Comité
musical de Lutte Contre la Piraterie (CMLCP) qui aurait pris
part aux travaux, aurait rappelé à ses collègues
européens la nécessité d'apporter plus de soutien aux pays
du Sud qui par manque d'infrastructures fiables ressentent plus durement les
conséquences de ce fléau. Le Comité musical de Lutte
Contre la Piraterie (CMLCP) aurait également, selon
qu'il est écrit dans leur brochure publiée en mai 2008,
engagé des actions de sensibilisation et d'information auprès des
pouvoirs publics et des instances communautaires dans le cadre de
l'élaboration des règles adaptées permettant de lutter
efficacement contre la piraterie dans notre société.
Le 28 octobre 2008 au Centre culturel camerounais
à Douala-Bonanjo, le Comité Musical de Lutte Contre la Piraterie
(CMLCP), sous la direction de l'artiste musicien Papillon, son président
national a organisé une grande conférence débat. Le but de
Cette conférence débat était de << trouver les
voies et moyens qui permettront de passer à la phase répressive
après les multiples campagnes de sensibilisation qui ont
déjà été menées »49. Au
cours de cette conférence, le Président du Comité Musical
de Lutte contre la Piraterie a
précisé :"Le comité musical
ne se contentera plus de saisir les compacts disques (Cd) piratés. Les
contrevenants et toute personne surprise en train d'acheter les Cd seront
arrêtés et traduits devant le procureur de la
République ".
5-3- LA PERTINENCE DES STRATEGIES DES ACTEURS ENGAGES
DANS LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON ET LA PIRATERIE DES OEUVRES
MUSICALES :
Ces acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie des oeuvres musicales ont
développés des stratégies offensives. Leurs mesures et
leurs stratégies telles que développées plus haut, se
traduisent dans la pratique part des balbutiements, des échecs, des
succès mitigés, qui amènent à passer ces mesures et
stratégies au crible d'une analyse de leur pertinence
pratique.
En effet, une analyse de contenu du discours des
différents acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales fait ressortir un
dénominateur commun : la pitié. Pourtant, l'argument de la
pitié est-il un argument commercial ? Cette question est une question
très embarrassante pour ces acteurs. Selon leurs déclarations,
les consommateurs des phonogrammes et des vidéogrammes musicaux
devraient acheter ceux qui sont « authentiques », parce
qu'ils sont ce de quoi vivraient les artistes musiciens. Cette idée est
en elle-même floue et ambigüe. Il faut surtout noter que les CD dits
« contrefaits ou pirates » sont de qualité «
acceptable ». Leur qualité s'est d'ailleurs
améliorée avec l'évolution des techniques de la
contrefaçon et de piratage, au point où il est tout à fait
impossible à l'écoute de distinguer le < faux »
du < vrai ». Dans son dépliant de sensibilisation
publié lors de sa campagne de lutte contre la piraterie, le
Comité Musical de Lutte Contre la Piraterie (CMLCP) mentionne :
« La longétivité d'un appareil électronique ou
numérique dépend du respect des normes prescrites à son
utilisation, c'est pour cela que le CD piraté et en plus du fait qu'il
soit exposé au soleil abime les appareils électroniques ou
numériques ».
Cette affirmation est une affirmation gratuite qui
démontre la méconnaissance même de plusieurs informations
par les responsables de ce Comité Musical de Lutte Contre la Piraterie
(CMLCP) qui prétendent lutter contre la piraterie. En
réalité, le marché des oeuvres d'art se sépare en
deux volets : celui des oeuvres connues, classées, déjà
jugées par l'histoire et dont la valeur est bien connue, et celui des
oeuvres contemporaines, plus sujet aux découvertes soudaines et aux
effets de mode. Si une oeuvre originale, un tableau ou une sculpture sont peu
reproductibles, il existe néanmoins une vaste gamme de biens
culturels
oil le support n`a pas d'importance, et oil le
paramètre important est la valeur des nombreuses copies d'un original.
C'est le cas des oeuvres musicales. Elles sont produites pour être
consommées, et lorsqu'elles sont produites, elles deviennent des biens
économiques, soumis également à la théorie de
l'obsolescence. Lorsqu'un consommateur achète un CD, il ne
l'achète pas d'abord pour le conserver comme on conserve un tableau
pendant plusieurs générations. Mais, il l'achète pour
l'écouter. L'achat d'un CD est donc tributaire d'un besoin ponctuel
à satisfaire et non d'un besoin de conservation qu'il faudrait garantir
en achetant plutôt l' « authentique ».
En outre, l'argument de la pitié
généralement avancé comme un argument de lutte contre la
piraterie et la contrefaçon musicales, exprime la confusion qui est
faite par les acteurs engagés dans la lutte contre le marché
illégal des oeuvres musicales entre le consommateur et le patriote. Les
campagnes de lutte contre la contrefaçon et la piraterie musicales
s'adressent en fait à la sensibilité patriotique des camerounais,
plutôt qu'à leur rationalité économique. Ces acteurs
n'ont pas la clairvoyance de définir la vraie valeur des CD, et ne se
rendent pas compte qu'en fait, les CD sont aussi des biens économiques
et que les consommateurs de ces produits n'achètent que leur
satisfaction.
Par ailleurs, dans le déploiement de leurs
actions de lutte contre la contrefaçon et la piraterie musicales, ces
acteurs brillent généralement par des actions «
spectaculaires » au cours desquelles des CD contrefaits ou
piratés sont souvent saisis et présentés comme des
trophées de guerre. C'est dans cette « conquête des
trophées » qu'on observe des échanges de coups de poing
entre ces acteurs et les contrefacteurs. Pourtant, en devenant des «
justiciers », ces acteurs se rendent coupables de la violation de la
loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. L'article 81
alinéas 1 précise :
« Lorsque leurs droits sont violés ou
menacés de l'être, les personnes physiques ou morales ou leurs
ayants droit ou ayant cause, titulaires des droits visés par la
présente loi, peuvent requérir un officier judiciaire ou un
huissier de justice pour constater les infractions et au besoin, saisir, sur
autorisation du Procureur de la République ou du juge compétent,
les exemplaires contrefaisants, les exemplaires et les objets importés
illicitement et le matériel résultant, ayant servi ou devant
servir à une représentation ou à une reproduction,
installés pour de tels agissements prohibés
».
M. Martin un des contrefacteurs rencontrés,
exprime ce paradoxe en ces termes :
« Finalement, on ne comprend plus les
musiciens camerounais. Ou ils sont des artistes, ou ils sont des policiers.
Comment peuvent-ils avancer chaque fois une loi pour justifier leur cause et la
violer en même temps ? » (SIC)
MECANISMES FONCTIONNELS D'EXISTENCE ET DE
RESISTANCE DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES
CHAPITRE 6 :
Après avoir analysé et
évalué la pertinence pratique des dispositions légales et
des stratégies des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales, il convient à
présent de s'intéresser aux mécanismes fonctionnels
d'existence et de résistance du marché illégal des oeuvres
musicales. Cet intérêt accordé à ces
mécanismes, se traduira par une analyse et une évaluation de la
dynamique de cohabitation des représentations sociales et de la
rationalité économique des acteurs qui construisent et
maintiennent ce marché. Dans cette lancée, il apparait
prioritaire de s'appesantir tout d'abord sur les contrefacteurs.
6-1-LES CONTREFACTEURS :
En exerçant l'activité de
contrefaçon et de piraterie musicales, les acteurs qui construisent et
maintiennent le marché illégal des oeuvres musicales, sont des
contrefacteurs. Ce sont des individus identifiables et c'est leurs
identifications qui permettent de cerner et d'analyser leurs profils
sociologiques, en vue de mettre en exergue leurs logiques d'action. Le
traitement des identifications sociologiques des guides d'entretien
administrés au cours de cette étude, permet de récapituler
dans des tableaux, les informations concernant l'âge, le statut
matrimonial, le niveau d'instruction et la structure par sexe des
contrefacteurs. Ces tableaux, étant illustratifs des données
quantitatives qui ne peuvent avoir un sens dans le cadre de cette étude
que si les données sont interprétées et analysées
conformément à la méthodologie adoptée, nous les
présenterons d'abord et puis suivra leur interprétation et leur
analyse. Ces différents tableaux seront interprétés et
analysés de manière globale. C'est-à-dire qu'ils seront
considérés comme un ensemble qui permet de produire un discours
cohérent.
· Structure par âge50
:
- Les Fournisseurs :
|
Tranches '
d'âge
|
Effectifs
|
Pourcentages %
|
- 1519
|
0
|
0
|
- 2024
|
0
|
0
|
- 2529
|
0
|
0
|
- 3034
|
3
|
30
|
- 3539
|
5
|
50
|
- 4044
|
2
|
20
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 3 : Répartition des fournisseurs selon la
structure par âge.
- Les Editeurs :
|
Tranches d'âge
|
Effectifs
|
Pourcentages %
|
15-19
|
0
|
0
|
20-24
|
0
|
0
|
25-29
|
0
|
0
|
30-34
|
3
|
30
|
35-39
|
3
|
30
|
40-44
|
4
|
40
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 4 : Répartition des éditeurs selon
la structure par âge.
- Les Distributeurs : - Les Vendeurs :
|
Tranches d'âge
|
Effectifs
|
Pourcentages %
|
15-19
|
0
|
0
|
20-24
|
0
|
0
|
25-29
|
5
|
50
|
30-34
|
3
|
30
|
35-39
|
2
|
20
|
40-44
|
0
|
0
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 5 : Répartition des distributeurs selon
la structure par âge.
|
Tranches d'âge
|
Effectifs
|
Pourcentages %
|
15-19
|
5
|
8.33
|
20-24
|
30
|
50
|
25-29
|
20
|
33.33
|
30-34
|
5
|
8.33
|
35-39
|
0
|
0
|
40-44
|
0
|
0
|
Total
|
60
|
100
|
|
Tableau 6 : Répartition des vendeurs selon la
structure par âge.
50 Tous ces tableaux ont
été construits par nous-mêmes.
· Niveau d'instruction51
:
- Les Fournisseurs : - Les Editeurs :
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Primaire
|
0
|
0
|
Secondaire
|
7
|
70
|
Supérieur
|
3
|
30
|
Sans instruction
|
0
|
0
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 7: Répartition des
fournisseurs selon le niveau d'instruction.
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Primaire
|
0
|
0
|
Secondaire
|
6
|
60
|
Supérieur
|
4
|
40
|
Sans instruction
|
0
|
0
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 8: Répartition des éditeurs
selon le niveau d'instruction.
- Les Distributeurs : -Les Vendeurs :
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Primaire
|
0
|
0
|
Secondaire
|
7
|
70
|
Supérieur
|
3
|
30
|
Sans instruction
|
0
|
0
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 9 : Répartition des
distributeurs selon le niveau d'instruction.
Niveau d'instruction
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Primaire
|
6
|
10
|
Secondaire
|
50
|
83.33
|
Supérieur
|
4
|
6.67
|
Sans instruction
|
0
|
0
|
Total
|
60
|
100
|
|
Tableau 10: Répartition des vendeurs selon
le niveau d'instruction.
51 Tous ces tableaux ont
été construits par nous-mêmes.
· Statut matrimonial52
:
- Les Fournisseurs : - Les Editeurs :
Statut matrimonial
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Célibataires
|
3
|
30
|
Mariés
|
7
|
70
|
Veufs
|
0
|
00
|
Divorcés
|
0
|
00
|
Total
|
10
|
100
|
|
Statut matrimonial
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Célibataires
|
3
|
30
|
Mariés
|
6
|
60
|
Veufs
|
0
|
00
|
Divorcés
|
1
|
10
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 11: Répartition des Tableau 12:
Répartition des éditeurs
fournisseurs selon le Statut matrimonial. selon le
Statut matrimonial.
-Les Distributeurs : - Les Vendeurs :
Statut matrimonial
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Célibataires
|
9
|
90
|
Mariés
|
1
|
10
|
Veufs
|
0
|
00
|
Divorcés
|
0
|
00
|
Total
|
10
|
100
|
|
Tableau 13 : Répartition des distributeurs
selon le Statut matrimonial.
Statut matrimonial
|
Effectifs
|
Pourcentages%
|
Célibataires
|
57
|
95
|
Mariés
|
3
|
05
|
Veufs
|
0
|
00
|
Divorcés
|
0
|
00
|
Total
|
60
|
100
|
|
Tableau 14 : Répartition des vendeurs selon
le Statut matrimonial.
52 Tous ces tableaux ont
été construits par nous-mêmes.
6-1-1- Les fournisseurs :
Les fournisseurs sont ceux qui ravitaillent les
éditeurs en matières premières pour la contrefaçon
et la piraterie musicales. Ces matières premières sont
constituées entre autres des CD vierges, des graveurs, des logiciels de
gravure, des pochettes de CD, des ordinateurs, des étuis, etc. ces
fournisseurs sont en majorité des importateurs et des opérateurs
économiques qui exercent dans la vente des appareils
électroniques et du matériel informatique. Leur activité
apparemment légale parce que déclarée et reconnue, cache
en fait le premier niveau de la structure du marché illégal des
oeuvres musicales. Les fournisseurs rencontrés au cours de cette
étude reconnaissent tous que leurs principaux clients sont des
contrefacteurs (éditeurs). Ces derniers constituent d'ailleurs selon les
eux, << la clientèle la plus fidèle et la plus rentable
». Monsieur Joseph, l'un des fournisseurs rencontrés
précise avec un air de satisfaction :
<< Je sais que mes grands clients sont des
pirates et je fais tout pour garder de bons contacts avec eux. Quand tu as
un client qui peut te faire gagner beaucoup d'argent, peu importe ce qu'il
est et ce qu'il fait avec les produits achetés, il faut bien t'occuper
de lui »
(SIC).
« Bien s'occuper du client »,
telle semble être la règle d'or qui prévaut entre les
fournisseurs et les éditeurs. Ceux-ci entretiennent une très
grande complicité entre eux, et se « protègent
» les uns les autres. Le secret ici est d'une importance capitale et
comme nous l'a confié Monsieur Charles, un autre fournisseur
:
« Chacun fait son business sans nuire à
l'autre. Il vaut mieux ne pas dénoncer l'autre, car le faire serait
mettre fin à votre business. »(SIC).
Les informations recueillies auprès de ces
fournisseurs sont très révélatrices. Ce sont eux les
ouvriers de l'ombre du marché illégal des oeuvres musicales. Leur
âge relativement élevé (30-39 ans), leur niveau
d'instruction moyen (niveau secondaire), et leur statut matrimonial d'hommes en
majorité mariés (70%), font d'eux des individus sur qui ne peut
peser aucun soupçon.
Les activités de ces fournisseurs sont
très diversifiées, et on peut distinguer parmi ces fournisseurs
:
· Ceux qui fournissent aux éditeurs des
<< mastering »53 et qui sont le plus souvent des
producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes musicaux exerçant
dans le marché légal des oeuvres musicales.
· Ceux qui fournissent aux éditeurs des
<< CD de promotion » et qui sont soit des «
distributeurs » exerçant dans le marché légal,
soit des artistes musiciens ou encore des animateurs de radio et de
télévision.
· Ceux qui fournissent aux éditeurs les
CD ou les VCD qui sont à la mode et qui sont des techniciens des studios
de radio et de télévision. En fait, près de 95% des
vidéogrammes disponibles sur le marché illégal des oeuvres
musicales proviennent directement des chaînes de télévision
et c'est pour cela que les images de ces vidéogrammes ont toujours les
logos des chaînes de télévision. Ces clips contenus dans
les VCD n'ont pas été capturés par les éditeurs,
mais ils ont été tout simplement copiés par des
techniciens qui travaillent dans des chaînes de télévisions
et envoyés aux éditeurs. Le cas des VCD dont les images portent
les logos des chaînes de TV étrangères est un cas
particulier. Mais il faut noter que les techniciens des chaînes de TV
camerounaises fournissent 60% des VCD dont les images portent les logos des
chaînes étrangères. Les 40% restant sont <<
capturés » par les éditeurs ainsi que par certains
de leurs complices.
· Ceux qui fournissent aux éditeurs les
CD vierges, les pochettes, les graveurs, les logiciels de gravure et les
ordinateurs. Ceux-ci sont généralement des gérants de
boutiques spécialisées dans la vente des appareils et du
matériel électronique et informatique.
· Ceux qui apportent des conseils aux
éditeurs. Ils sont des informaticiens ou des maintenanciers. Leur
activité consiste à installer les logiciels de gravure, à
entretenir les appareils des éditeurs, et à former les futurs
éditeurs, tout en recyclant les anciens.
Tous ces fournisseurs ne perçoivent pas
l'exercice de leur activité du point de vue de sa conformité
à la loi, ils la perçoivent plutôt du point de vue de sa
rentabilité. Selon eux, en fournissant les éditeurs
illégaux, ils réussissent à « arrondir leur fin
de mois ». Ces acteurs qui font de leur activité dans le
marché illégal des oeuvres musicales une activité
parallèle, visent une maximisation de leurs gains. Les fondements de
cette maximisation sont d'origine sociale. Dans cet univers, chacun <<
fait son petit métier » et sait que sa rentabilité
dépend du bon fonctionnement du marché illégal des oeuvres
musicales. Ces fournisseurs, bien qu'exerçant à l'ombre, ont
beaucoup à perdre si le marché qu'ils
53 Premier enregistrement de
l'oeuvre dans le support.
ravitaillent prenait fin. Ils sont en majorité
mariés, ils ont des enfants en charge (en moyenne 3 par personne), ils
ont une situation professionnelle stable, et sont passibles de peines plus
lourdes s'ils venaient à être reconnus coupables de violation de
la loi N° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur
et aux droits voisins (Art. 82, al. 2).
D'autre part, ils se perçoivent comme des
personnes « intelligentes » qui savent << tirer
leur épingle du jeu », en multipliant leurs sources de revenu,
à travers un réseau « caché », qu'ils
entretiennent et n'hésitent pas à « corrompre »
les forces de l'ordre ou les autorités lorsque leurs
intérêts sont menacés. Monsieur Bernard un fournisseur,
exprime cette réalité en ces termes :
« Le Cameroun est corrompu et nous ne sommes
pas les seuls corrompus. Nous essayons juste de survivre avec les taxes et les
impôts qui ont des coûts exorbitants, et même les forces de
l'ordre nous comprennent. Tout le monde sait que c'est difficile. Quand je vois
certains dire qu'ils luttent contre la contrefaçon et la piraterie
musicales, j'ai pitié d'eux. Ils peuvent brûler tous les CD qu'ils
verront en route. Mais puisqu'ils ne peuvent pas nous toucher étant
donné qu'ils n'ont pas le droit, nous continuons à aider les
éditeurs, car ça paye. »(SIC)
6-1-2 Les éditeurs :
Les éditeurs sont des personnes qui se chargent
de l'édition des oeuvres musicales. Selon l'art. 42 de la loi n°
2000/011 du 19 Décembre 2000, << le contrat d'édition
est la convention par laquelle le titulaire de droit d'auteur autorisé
à des conditions déterminées, une personne appelée
éditeur, à fabriquer un nombre définit d'exemplaire de
l'oeuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication ».
Dans le cadre de cette étude, l'éditeur contrefacteur est une
personne qui fabrique des exemplaires d'oeuvres musicales sans un contrat
d'édition. Autrement dit, sans une autorisation du titulaire du droit
d'auteur. Son activité est par ce fait même
illégale.
Les individus qui fabriquent des exemplaires d'oeuvres
musicales dans le marché illégal des oeuvres musicales se
trouvent au second niveau de la chaîne, après les fournisseurs. Ce
sont des individus qui ont sensiblement la même structure d'âge que
celle des fournisseurs, mais avec un niveau d'instruction plus
élevé. Ils sont à 60% mariés et exercent
l'activité la plus délicate du marché illégal des
oeuvres musicales.
Selon le jargon courant dans le milieu, ils sont
appelés les « copieurs » et les appareils de gravure
qu'ils utilisent sont appelés les << pondeuses ».
L'expression « copieurs » est très significative et
exprime très clairement en quoi consiste leur activité : le
copiage. Ce copiage consiste à fabriquer plusieurs exemplaires de CD, de
VCD et de DVD. En d'autres termes, ils font des copies de CD, de VCD et de DVD
à partir des << copies authentiques ». Le
matériel utilisé ici provient des fournisseurs, ainsi que la
matière première. Leur appareil de gravure appelé <<
pondeuse » a la particularité de produire en série
plusieurs centaines de copies de CD en quelques minutes seulement.
L'activité de ces éditeurs n'est pas
facilement identifiable. Ils évoluent à l'ombre, et leurs
<< labo » sont installés dans leurs domiciles, et
sont généralement équipés d'appareils de gravure,
d'ordinateurs ayant les logiciels Nero, Roxio, Power DVD pour la gravure, des
centaines de CD vierges, des centaines de pochettes, des imprimantes et des
scanners. Il s'agit en fait des bureautiques, mais qui sont différentes
des bureautiques ordinaires du fait de la présence des graveurs en
série (conçu pour graver en série) et de la
présence en grande quantité de CD vierges, des pochettes, des
étiquettes et des étuis. A l'intérieur de leur <<
labo », il y a toujours au coin de la salle, des centaines et
souvent des milliers de CD, de VCD ou de DVD déjà gravés
et prêts pour la livraison. Au sol, on peut observer des bouts de papiers
sur lesquels se trouvent des photographies des artistes musiciens, et les
titres de leurs chansons. Sur la table, se trouve le « cahier des
commandes » qui est un gros cahier dans lequel toutes les commandes
sont enregistrées.
Principaux techniciens dans la conception et le
copiage des produits du marché illégal des oeuvres musicales, ces
éditeurs exercent de manière permanente leur activité (70%
parmi ceux rencontrés en ont fait leur activité principale). La
conception des CD, des VCD et des DVD est une tâche très
délicate qui se fait avec beaucoup de précision. Selon ces
éditeurs, c'est la phase la plus « compliquée
», car il faut avoir les photographies des artistes musiciens, les traiter
dans la machine, classer aussi les titres, et veiller surtout à assurer
de bonnes conditions de gravure. Dans des propos très clairs, Monsieur
Maurice présente cet exercice :
«Pour être copieur il faut être
un professionnel. Dans notre métier, le client est roi. Les erreurs qui
étaient avant tolérées par les clients ne le sont plus
aujourd'hui. Les produits que nous fabriquons doivent être de très
bonne qualité, et nous veillons à ce que la présentation
soit impeccable. Chaque photographie d'artiste musicien doit être
à sa place. Tout est minutieusement
calculé. Si on n'est pas soi-même un
artiste, on ne peut pas faire ce que nous
faisons »(SIC).
Ces propos illustrent la perception que ces
éditeurs en général ont de leur activité : un art.
Ils estiment en effet qu'ils sont des artistes et soutiennent également
que leur activité est très importante parce qu'ils contribuent
à la « promotion de l'image des musiciens ». L'un des
éditeurs soutient avec vigueur que c'est << grâce
à eux que certains musiciens sont connus et que ces musiciens devraient
leur être reconnaissants ». Fiers de leur activité, ces
éditeurs qui ne sont curieusement pas d'origine sociale
défavorisée, tirent leurs compétences des connaissances
qu'ils ont en informatique, et qu'ils actualisent chaque jour, pour affirmer
leur activité. Au quotidien, ils entretiennent des relations très
étroites avec les fournisseurs et les distributeurs, tout en maintenant
un très grand secret dans l'exercice de leur activité et dans
leurs relations avec les autres.
6-1-3 Les distributeurs :
Il s'agit ici de ceux qui sont chargés de la
distribution des produits du marché illégal des oeuvres musicales
(CD, VCD, DVD). Ils assurent la distribution en mettant à la disposition
des vendeurs ces produits. Ils servent d'intermédiaires entre les
vendeurs et les éditeurs qui généralement ne se
connaissent même pas. L'activité de ces distributeurs est une
activité très risquée. Ils sont en fait ceux qui sont le
plus souvent << trahis » par les vendeurs, lorsque ces
derniers sont arrêtés par la police. De plus, la présence
de ces produits dans leurs domiciles qui leur servent de magasin, est une
preuve flagrante de la contrefaçon et de la piraterie.
Ces distributeurs qui s'occupent du recrutement des
vendeurs, sont des << petits patrons » qui ont souvent
à leur charge plusieurs vendeurs. Ils gèrent ces vendeurs suivant
des contrats verbaux qui stipulent que le vendeur doit à la fin de
chaque soirée, verser une certaine somme d'argent. Le recrutement de ces
vendeurs est un recrutement basé sur des critères subjectifs de
lien d'amitié, de lien de famille, de lien d'ethnie. En quelques mots,
pour être recruté par un distributeur, il faut « passer
par quelqu'un ». Selon Monsieur Manuel (distributeur), <<
nous prenons ces précaution parce qu'il faut travailler avec des
personnes de confiance. Si vous prenez n'importe qui, il peut vous faire foirer
le business. »(SIC)
Le lien social apparaît dans ce cadre comme un
déterminant prégnant dans le marché illégal des
oeuvres musicales. Bien que ces distributeurs soient généralement
des jeunes (50%), avec un niveau d'instruction moyen (70%), ils sont en
majorité des célibataires (90%). Cette majorité peut
s'expliquer par le fait que ceux-ci dans l'exercice de leur activité
sont en attente d'une autre activité mieux rentable et mieux
sécurisée. Ils soutiennent en fait qu'ils exercent cette
activité parce qu'ils sont pauvres et qu'ils n'ont rien d'autre à
faire que d'exercer cette activité. Ce qui est très discutable
lorsqu'on se rend compte que plusieurs (80%) des distributeurs
rencontrés au cours de cette étude, sont dans cette
activité depuis déjà trois ans, et continuent à
l'exercer bien qu'ils aient déjà trouvé une autre
activité plus rentable et plus sécurisée. Sans se rendre
compte, Monsieur Charles, un distributeur exprime ce paradoxe en ces termes
:
« Je fais dans la distribution depuis trois
ans. Au début, c'était parce que j'étais sans emploi.
Depuis deux ans, j'ai un emploi mais je dois dire que je ne peux arrêter
cette activité de distribution. Pour moi, c'est une passion et ça
donne beaucoup d'argent sans que je ne sois obligé de faire beaucoup
d'effort. D'ailleurs, vous-même vous voyez qu'on ne saisi plus ces
produits. J'ai même augmenté le nombre de vendeurs avec qui je
traitais et je sens que ça va continuer à bien marcher.
»(SIC)
Les ambitions de ce distributeur sont grandes, et
exprime ce que plusieurs autres distributeurs pensent. Chaque jour en effet, on
observe de plus en plus de vendeurs de produits sur le marché
illégal des oeuvres musicales et d'après les discours des
distributeurs, leurs concurrents sont également de plus en plus nombreux
dans la seule ville de Douala, mais alimentent aussi les villes voisines telles
que Limbé, Edéa, Buéa, Kribi et d'autres villes voisines
telles que Ebolowa, Bertoua, et même le Nord, le Tchad, et la
République Centrafricaine.). Leurs réseaux sont très
dynamiques et croissent davantage chaque jour.
6-1-4-Les vendeurs :
Ce sont ceux qui se chargent de la vente des produits
sur le marché illégal des oeuvres musicales. Au quotidien,
pendant que certains parmi eux parcourent les rues de la ville de Douala pour
vendre leurs produits, d'autres sont installés dans les marchés,
d'autres dans les kiosques et d'autres enfin n'exercent leur activité
qu'en matinée et en soirée.
Ceux qui parcourent les rues de la ville de Douala
pour vendre leurs produits sont en général les plus jeunes de la
catégorie « vendeurs ». Ils n'exercent que cette
activité au quotidien et sont des vendeurs ambulants. Un sac au dos et
des CD en main, ils écument tous les milieux à la recherche des
clients (bars, restaurants, domiciles marchés, etc). De temps en temps,
ils sont interpellés par quelque passant intéressé. A
l'interpellation, ils s'arrêtent et vont vers le passant. Celui-ci leur
demande s'ils ont le produit qu'il souhaiterait acheter, ou encore il parcourt
les différents produits disponibles, et s'il est
intéressé, il en achète. Au cas contraire, il passe la
commande ou laisse le vendeur s'en aller, attendant un prochain vendeur qui
passerait par là. Alain, vendeur ambulant depuis déjà un
an décrit sa journée en ces termes :
« Le matin quand je sors, je sors avec une
certaine quantité de CD, de VCD et de DVD. Je sélectionne ceux
qui sont plus sollicités par les clients et j'en prends en tenant compte
des commandes qui ont été passées à la veille. J'en
mets dans mon sac et d'autres, je les tiens en main. Ceux que je tiens en main
sont ceux qui sont d'actualité et je les choisis parce qu'ils pourront
attirer l'attention. Une fois sorti, je choisi un quartier oil je n'ai pas
encore été, mais que je connais bien. Je commence
généralement par un carrefour, en proposant mes produits dans des
cafétérias, auprès des personnes qui attendent un taxi, ou
encore auprès des personnes qui sont en groupe et qui bavardent. Quand
il est midi, je vais m'asseoir quelque part et je me repose. Pendant mon repos,
mes produits sont toujours exposés et le plus souvent, je choisi un
restaurant qui est beaucoup fréquenté. Cela me permet
d'être auprès des éventuels acheteurs. A quinze heures, je
reprends mon activité et je continue à parcourir les rues et les
carrefours jusqu'à 18 heures et je rentre à la maison. A la fin
du mois, je peux me retrouver avec plus de 20 000 frs de
bénéfice. » (SIC)
intense, du moment où même pendant leur
pause, ces vendeurs continuent à l'exercer. A la fin de la
journée, ils sont « très fatigués ». A
cette fatigue s'ajoutent souvent les difficultés quotidiennes : Accident
de circulation, erreurs de comptabilité, intempéries climatiques.
Cependant, bien que les vendeurs sillonnent au quotidien les rues, aucun cas
d'agression par des malfaiteurs n'a été signalé
jusqu'à présent. Pourquoi ne sont-ils pas agressés alors
qu'ils circulent avec des biens économiques ?
A cette question, jacques, un autre vendeur ambulant,
répond avec un sourire :
« Moi-même, je ne sais pas pourquoi les
bandits ne nous agressent pas. Pourtant, nous les rencontrons chaque jour et
sommes souvent témoins de leurs actes d'agression contre certaines
personnes. Je ne me suis jamais posé cette question. J'essaye juste
d'être prudent. Je n'ai même jamais été menacé
par qui que ce soit, sauf par Sam Mbendé54 et ses amis.
C'était lui notre seul ennemi, et depuis qu'on l'a suspendu, nous sommes
tranquilles et nous travaillons sans avoir peur de quelqu'un. D'ailleurs, quand
quelqu'un essaye de nous menacer, il y a toujours des passants qui prennent
notre défense parce qu'ils pensent que nous nous débrouillons et
c'est bien. » (SIC)
Cet éloge de l'argument de la
débrouillardise apparaît dans le discours de la majorité
des vendeurs. Ceux-ci, âgés en général de moins de
24 ans, ont un niveau d'instruction moyen (83,33%) et sont pour la plupart des
célibataires (95%), soutiennent que leur activité est
perçue par la société comme une activité de
débrouillardise, rentable à la société.
Par ailleurs, parmi ces vendeurs, il y en a qui sont
installés dans des marchés. Souvent à même le sol ou
sur une étagère, ils étalent leurs produits, et se
comportent comme les vendeurs des autres produits. A midi ils emballent leurs
« marchandises », prennent leur pause et reviennent
continuer leur activité. Quant ils voient quelqu'un passer, ils attirent
son attention avec des expressions telles que « Grand, vous voulez le
dernier CD de petit pays ? », « chérie, j'ai tous les nouveaux
sons », « Grand on vous donne quel CD ? », ou encore
« le père j'ai les musiques de votre époque ».
Ces expressions sont nombreuses, diverses et sont adaptées à
chaque client, selon son sexe, son âge, sa tenue
vestimentaire.
On retrouve aussi des vendeurs installés dans
des kiosques. Ce sont des disquaires exerçant une activité
légale. Dans leurs kiosques sont exposés des CD, VCD et DVD
musicaux authentiques. Ils jouent de la musique en permanence et se comportent
comme des personnes insoupçonnables. Ils sont même souvent les
premiers à se plaindre en soutenant que le marché illégal
des oeuvres musicales est préjudiciable à leur activité.
Pourtant, dans un coin de leur kiosque se trouvent des CD, VCD et DVD
contrefaits ou piratés. Ils ne les proposent qu'à l'acheteur qui
leur semble être << simple >> (c'est-à-dire
qui ne serait pas un espion). Ces vendeurs prennent également les
commandes des acheteurs, et sont le plus souvent, soit des éditeurs
illégaux, soit les clients des éditeurs illégaux. Leur
activité quotidienne comporte moins de risques et ils l'exercent sans
attirer l'attention des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie des oeuvres musicales.
Enfin, il y a des vendeurs qui n'exercent leur
activité qu'en matinée et en soirée. Très tôt
le matin (6 heures), ils se rendent à un carrefour et installent leurs
<< marchandises >>, et à 8 heures, ils remballent
et partent. Le soir (à partir de 16heures 30 minutes), ils reviennent,
installent à nouveau leurs « marchandises >>, et
à 20 heures ils repartent, ainsi de suite chaque jour. Ces vendeurs sont
des individus qui exercent d'autres activités et font de
l'activité de la vente et de la location des produits du marché
illégal des oeuvres musicales une activité parallèle et
secondaire. Ils viennent très tôt le matin parce que selon eux,
« c'est le matin que les gens viennent chercher les CD qu'ils vont
jouer durant la journée, ou les films qu'ils vont visionner. Le soir,
ils viennent soit pour faire changer un CD qu'ils ont acheté le matin et
qui n'étaient pas de bonne qualité, soit pour prendre un autre
film. Je préfère aussi venir le soir, parce que c'est le moment
oil les gens restent au travail. ». Ainsi organisée, c'est
activité telle que exercée par ces vendeurs, parait moins
stressante et moins risquée, étant donné que les acteurs
engagés dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie
musicales ne peuvent pas les inquiéter, ces périodes apparaissent
comme étant le fruit d'un choix stratégique opéré
par ces vendeurs.
ANALYSE DES DYNAMIQUES IDENTITAIRES55
.
Les caractéristiques sociologiques de ces
contrefacteurs, en influençant leurs propos, enrichissent le contenu du
discours global. Ces caractéristiques permettent également de
mieux cerner l'ancrage de leurs représentations sociales. Pour DOISE
(1992 :188-193), << Etudier l'ancrage des représentations
sociales, c'est chercher un sens pour la combinaison particulière de
notions qui forment un contenu ». Dans le cadre de cette
étude, ce sont les caractéristiques sociologiques des
contrefacteurs qui rendent possible la combinaison de notions qui forment le
contenu des représentations sociales. Ces caractéristiques sont
chargées d'un contenu symbolique représentationnel, qui fait que
ces contrefacteurs, qu'ils soient vendeurs, fournisseurs, distributeurs ou
éditeurs, qu'ils soient mariés ou pas, ne se comportent pas de la
même manière, ne manifestent pas la même assurance,
n'expriment pas les mêmes inquiétudes, et tout simplement, ne se
représentent pas le réel de la même
manière.
En fait, plus un contrefacteur est socialement
inséré (marié, enfants en charge), moins il prend des
risques, et inversement. De même, plus un contrefacteur est à
l'abri du regard suspect, plus il s'exprime librement et se sent fier d'exercer
son activité. Les caractéristiques sociologiques de ces
contrefacteurs sont donc des éléments qui structurent d'une
certaine manière, les dynamiques identitaires qui expliquent leurs
attitudes et la variation de leurs opinions, dans le cadre des mêmes
représentations sociales et des mêmes modèles de
comportement.
DOISE (1990) avait déjà brillamment
montré que les caractéristiques sociologiques des individus
étaient très importantes dans la compréhension des
significations réelles des énoncés. La démarche de
cet auteur trouve dans le cadre de l'analyse des dynamiques identitaires des
contrefacteurs, un terrain privilégié. A ce titre, l'analyse
faite plus haut permet de se rendre compte que les logiques d'action des
contrefacteurs s'appuient, plus concrètement, sur des arguments qui ont
leur consistance spécifique. Ici, ces contrefacteurs sont amenés
en quelque sorte, comme l'avait déjà montré OBERSON (2007
:2) en parlant des théories de l'accord et de la régulation,
<< à se justifier, à expliquer, clarifier, à
faire
55 L'emploi du terme
<< dynamiques identitaires » permet de dépasser ici
le terme « identité » qui généralement
est utilisé en tant qu'état. Selon KADDOURI (2007 :2), <<
l'accolement du qualificatif « identitaires » au substantif
« dynamiques » a un doble objectif : il vise à déplacer
la centration habituelle sur l'identité en tant qu'état stable,
pour l'analyser comme processus permanent de construction,
déconstruction, reconstruction ».
valoir leurs points de vue, en rendant leurs
arguments acceptables par autrui ». C'est ainsi qu'une observation
des cooccurrences des catégories thématiques met en exergue des
catégories thématiques qui visent plus à convaincre,
à justifier : « Activité de survie », «
Activité passionnante », « Vulgarisation de la
musique », etc. Pour justifier leurs actions, les contrefacteurs
mobilisent ce que NACHI (2006 :99) appelle « leur sens moral et
mettent à l'épreuve les principes de justice qui leur paraissent
s'ajuster en situation ».
Par ailleurs, ces logiques d'action constituent des
« logiques naturelles parallèles » (GRIZE, 1993),
puisqu'il existe entre les caractéristiques sociologiques des
contrefacteurs et leur discours, un lien structuré par des dynamiques
sociales. Dès lors, les formes de dynamiques sociales qui ont des
conséquences sur les représentations sociales qui s'expriment
dans le marché illégal des oeuvres musicales sont les suivantes
:
1- Une dynamique de
stéréotypie56 de la débrouillardise, qui pousse
les contrefacteurs à se comporter comme des marginalisés
socio-économiques qui ont le droit d'exercer toute activité,
fusse-t-elle illégale ;
2- Une dynamique de stéréotypie de
l'anonymat, qui pousse les contrefacteurs les plus actifs et les plus
insérés socialement, à exercer à l'ombre, tout en
mettant pourtant sur le marché leurs produits, à travers des
vendeurs qui ne les connaissent même pas ;
3- Une dynamique de stéréotypie de la
lutte contre la contrefaçon et la piraterie musicales, symbolisée
par le PCA de la CMC Sam MBENDE, et qui pousse les contrefacteurs à se
sentir plus libres et pas du tout inquiétés, l'agrément
ayant été retiré à la CMC.
Ces dynamiques sociales expriment une stratégie
identitaire, qui ici renvoie plus à des « stratégies
d'ajustements » (TABOADA-LEONETTI, 1990) développés par
les contrefacteurs. A cet effet, les dynamiques identitaires prennent un sens
précis, puisque cette manière de les appréhender, est
proche de l'affirmation selon laquelle la construction de l'identité est
tributaire du lien social qui unit les êtres humains entre eux, de leurs
schèmes, de leurs attitudes, même si quotidiennement, pèse
sur eux la logique de la maximisation des bénéfices.
56 La notion de
stéréotypie ici désigne : « un état de
simplification des dimensions des stimuli, d'immédiateté de la
réaction, et parfois, de rigidité » (MOSCOVICI, 1976).
La prise en compte de la stéréotypie a une grande portée
dans le cadre de l'analyse des dynamiques identitaires, puisqu'elle est
déterminante dans le compréhension des attitudes des
contrefacteurs.
L'existence et la résistance du marché
illégal des oeuvres musicales sont entretenues par ces différents
acteurs qui interviennent dans ce marché. Qu'ils soient fournisseur,
éditeur, distributeur ou vendeur, ces acteurs répartis dans les
différentes strates de la structure de ce marché, ont chacun un
rôle important à jouer, puisque c'est leur mise en commun qui
conditionne la synchronie de ce marché. La variabilité de ces
rôles est liée à la structure par âge, au niveau
d'instruction et au statut matrimonial, qui donnent un sens aux actions de ces
acteurs. En se cachant derrière les motivations qu'ils tirent de
l'environnement social et économique pour justifier leurs actions et se
faire accepter par les autres, ces contrefacteurs sont à la fois comme
des produits de la réalité sociale, et comme des
déterminants de cette réalité sociale.
Les relations qu'ils entretiennent entre eux sont des
relations très étroites, et qui sont orientées vers
l'atteinte d'objectifs communs. Ces objectifs communs n'ont de sens que si les
objectifs individuels son atteints. Dans ce sens, les objectifs communs
apparaissent comme des agrégations des objectifs individuels. Si la
totalité semble conditionner les parties, l'influence des parties sur la
totalité semble encore plus grande. L'équilibre des relations
entretenues par ces différents contrefacteurs doit son existence
à la présence de ces objectifs. Dans un processus de
construction, déconstruction et reconstruction, l'identité du
marché illégal des oeuvres musicales prend forme. Cette
identité, c'est ce qui caractérise ce marché dans son
unité, sa singularité et sa permanence. Une identité
elle-même dynamique qui apparait selon l'expression de MORIN (1977),
comme « le produit d'une auto-organisation du système
».
En outre, les représentations sociales qui
prévalent dans cet univers sont subjectivement construites, mais
maintenues et nourries par les trajectoires de vie, la finalité des
échanges et les conditions de travail qui varient selon les rôles
joués. Ces représentations sociales dévoilent une
construction sociale de l'illégalité, et par conséquent de
la déviance. En violant au quotidien la loi, ces contrefacteurs
instaurent une déviance économique qui se traduit par une
réification des oeuvres musicales. Cette réification des oeuvres
musicales consiste en l'exercice d'activités qui violent la dimension
juridique de ces oeuvres, pour les réduire au seul titre de biens
économiques commercialisables. Cet état de chose amène
inexorablement à s'intéresser à l'économie du
marché illégal des oeuvres musicales.
6-2- L'ECONOMIE DU MARCHE ILLEGALE DES
OEUVRES
MUSICALES.
Le marché illégal des oeuvres musicales
est un marché de gré à gré, dans lequel les
transactions ne sont pas multilatérales et centralisées dans un
carnet à ordre. Ce marché est cependant d'une certaine
manière, régi par la loi de l'offre et de la demande. Selon la
théorie d'Alfred MARSHALL, la confrontation de l'offre et de la demande
dans un marché concurrentiel permet de prédire à la fois
les prix des quantités de biens échangés. Cela suppose que
les acteurs aient un comportement rationnel et soient préoccupés
par le prix.
6-2-1- Le couple produit-marché :
Le marché illégal des oeuvres musicales
est un marché de forme oligopolistique, c'est-à-dire qu'il se
caractérise par une présence d'un nombre limité
d'éditeurs capable de produire une quantité de CD pouvant
influencer le marché. Mais ce qui est fondamentale à la base de
la forme oligopolistique de ce marché, c'est la notion
d'interdépendance. En effet chacun des éditeurs prend en
considération les réactions des ses concurrents pour formuler sa
politique de prix. Il tient compte des attitudes des autres pour
déterminer sa politique de prix, et considère les effets de sa
propre attitude sur celle des autres. Etant donné qu'il n'existe pas de
coordination entre les éditeurs, on a alors un oligopole
incoordonné. Aucune entente n'existe au sein de ces éditeurs, et
en plus, il n'y a pas d'éditeur pilote pouvant imposer sa politique aux
autres. Il y a une incertitude des éditeurs sur le comportement de leurs
concurrents. Si un éditeur par exemple se rend compte qu'en augmentant
ses prix les autres éditeurs ne vont pas le suivre et il perdra alors
une grande partie de ses clients, alors il ne le fera pas, car toute
augmentation de prix se traduira par une baisse appréciable des ventes.
Par contre, si l'éditeur baisse son prix, les autres éditeurs
vont l'imiter, et ainsi, il ne pourra accroître que très
faiblement ses ventes. C'est ce qui explique la rigidité et l'harmonie
des prix pratiqués par les éditeurs, une rigidité et une
harmonie qui sont cependant rendues flexibles par les vendeurs qui s'appuient
sur certains critères de segmentation des clients, pour fixer les
prix.
6-2-1-1 La segmentation stratégique.
Dans le marché illégal des oeuvres
musicales, les prix varient en fonction des critères
socio-démographiques, géographiques, comportementaux et
psycho-sociaux.
Critères
|
Contenus
|
Socio-démographiques
|
Age, sexe, nationalité
|
Géographiques
|
Lieu, climat, localisation géographique des
unités de vente
|
Comportementaux
|
Lieu d'achat, importance, occasion et
fréquence des achats, fidélité
|
Psycho-sociaux
|
Personnalité, niveau d'instruction.
|
Tableau 15 : Présentation des critères de
segmentation stratégique57.
La mobilisation de cette méthodologie de
segmentation stratégique permet d'adapter les produits aux besoins des
clients. On obtient donc des couples produitsmarché. La segmentation
stratégique concerne tant l'offre que la demande. Elle conditionne la
qualité du produit et permet de fixer les prix. Mais surtout, il
convient de noter que ces différents critères de segmentation,
tirent leur contenu des représentations sociales. En fait, et de
manière générale, la valeur du disque contrefait ou
piraté, dépend fortement de la perception qu'en a le public
potentiel. A cette valeur, s'ajoute des considérations liées
à la valeur que le disque en soi peut avoir.
6-2-1-2- La formation des prix.
La formation des prix des produits du marché
illégal des oeuvres musicales repose sur l'existence d'un actif
économique qu'on peut nommer le « goat ». Ce
goût peut être analysé comme une forme de capital (à
l'actif de certains artistes musiciens), s'accumulant du simple fait de leur
consommation. Cette consommation relève en partie des
phénomènes d'addition rationnelle (BECKER ET MURPHY, 1988), qui
permettent d'analyser de manière dynamique la réponse de la
consommation à des variations de prix et d'offre. Socialement et
culturellement marqués, les disques contrefaits ou piratés ont
des valeurs
57 Source : Nos propres
soins.
qui orientent de manière significative leurs
prix.
· La valeur sociale : la valeur sociale d'un CD,
d'un VCD, ou d'un MP3 du marché illégal des oeuvres musicales,
correspond à un << capital artistique » de
l'artiste, traduisant la considération que l'acquéreur
reçoit du fait de la possession de l'oeuvre. Cette valeur sociale est
généralement définie par les médias
étrangers, par le rayonnement de l'artiste sur la scène
international, l'originalité de la musique de cet artiste, et la classe
sociale intéressée par l'oeuvre de cet artiste. La possession du
disque de cet artiste est dans ce cas symbolique, et traduit pour
l'acquéreur un témoignage de la qualité de son <<
goût musical ». Les disques qui s'inscrivent dans ce cadre
sont généralement les plus rares, les plus coûteux et ne se
vendent que dans des quartiers
résidentiels, administratifs et commerciaux
où « on peut trouver des clients quiconnaissent la
vraie musique >>, comme le précise un des vendeurs
rencontrés au cours
de cette étude. Les artistes musiciens dont
les disques ont cette valeur sociale sont entre autres : Manu DIBANGO, Richard
BONA, Henri DIKONGUE, West MADIKO, Etienne MBAPPE. Les prix de ces disques
varient entre 500 frs et 1500 frs selon la couleur de la peau du client et
selon sa tenue vestimentaire.
· La valeur artistique : la valeur artistique
est le propre de l'oeuvre au sein de l'ensemble de la production de l'artiste
et de l'époque considérée, et son importance pour les
artistes ultérieurs. Cette valeur dépend de la promotion qui est
faite autour de l'artiste et de sa médiatisation par les médias
locaux. Les disques des artistes qui ont <<innové »
en mettant au point de nouveaux rythmes musicaux d'animation, fond
également partie de cette considération. Les prix de ces produits
qui ont cette valeur sont relativement moyens et varient entre 300 et 500 frs.
Les disques édités et mis sur le marché par les
éditeurs dans ce cadre, sont soit des compilations de plusieurs titres
de musiciens différents sur un même disque selon un rythme musical
donné, soit des << best of >>. C'est ici qu'on
observe la présence plus marquée des MP3.
· La valeur imitation : la valeur imitation est
une valeur liée à la mode. L'acheteur achète un disque ici
pour être à la mode, pour imiter les autres. Cette valeur est
surtout liée à la fréquence de diffusion du disque dans
les médias. Une diffusion qui est amplifiée et relayée par
les débits de boisson, les disquaires et les animateurs des boites de
nuit. Cependant, c'est ici que se manifeste le << star system
>> (BENHAMOU, 2002).
· Le « star system »
désigne le fait qu'en matière de rémunération des
artistes, une
poignée d'entre eux, les « stars
» reçoivent une part très importante des
rémunérations. Dans le marché illégal des oeuvres
musicales, les disques des stars sont les plus contrefaits et les plus
piratés. L'essentiel des produits du marché illégal des
oeuvres musicales est donc composé de disque de « stars ».
Leurs prix sont les plus bas (entre 250 et 400 frs) du fait de leur
disponibilité en très grande quantité.
6-2-2 Le Mécanisme de l'offre. 6-2-2-1-Les
coûts de production.
On peut distinguer trois types de coût : les
coûts globaux, les coûts totaux et les coûts
moyens
Les coûts globaux :
Les coûts globaux comportent les coûts fixes
et les coûts variables.
§ Les coûts fixes (CF) sont
indépendants du volume de la production et sont supportés par les
éditeurs même quand ils n'éditent pas. On peut citer ici
:
o Les frais de locations qui coûtent en moyenne 25
000 Frs/mois
o Les frais d'électricité qui coûtent
en moyenne 5 000 Frs/mois
o Les frais de maintenance des appareils qui
coûtent en moyenne 4 000 Frs/mois § Les coûts
variables :
Les coûts variables sont des coûts dont le
montant varie avec la quantité produite. Pour une production de 1 000
disques, l'éditeur pourra dépenser :
1 000 CD vierges X 80 Frs (prix unitaire) = 80 000 Frs ;
1 000 étuis X 100Frs (prix unitaire) = 100 000 Frs ;
1 000 étiquettes X 25 Frs (prix unitaire) = 25 000
Frs Total : 205 000 FrsCFA
Le Coût total (CT), représentant la somme
des coûts fixes et des coûts variables de production de 1 000
disques en 1 mois équivaut à
205 000 Frs + 34 000 Frs = 239 000 Frs.
Le coût total moyen (CTM) d'un disque revient
à
CMT = CT/q (coût total par la production
correspondante) Soit 239 000/1000 = 239 Frs.
A ces différents coûts, il faut ajouter
les frais d'établissement qui permettent l'édition.
L'établissement ou l'action de s'établir, renvoie dans le cadre
économique, à l'ensemble des moyens et dispositions
nécessaire pour débuter une activité. Une fois de plus,
nous nous intéressons aux éditeurs
Dans le marché illégal des oeuvres
musicales, l'activité d'édition débute du point de vu
matériel avec les éléments suivants :
- un ordinateur (pentium III et plus) : 200 000 Frs
;
- Une imprimante couleur : 120 000 Frs ;
- Un graveur DVD en série : 250 000 Frs
;
- Un scanner : 95 000 Frs ;
- Une carte TV : 45 000 Frs ;
- Total : 710 000 Frs
En plus de ce matériel, l'éditeur doit
pouvoir disposer d'un local alimenté en énergie
électrique, et avoir une bonne connaissance dans la manipulation des
logiciels de gravure (Power DVD, Roxio, Nero), qui s'obtiennent
généralement sans une contrepartie financière
auprès des « amis ». C'est frais
d'établissement varient selon les quantités des disques à
éditer. Mais pour s'imposer dans le marché illégal des
oeuvres musicales, il faut débuter avec ces
éléments.
Les frais d'établissement constituent ici le
fond de commerce qui désigne le capital financier de départ.
Réunir la totalité de ce capital n'est pas évident, et le
tableau ci-dessous présentant l'origine du capital des 10
éditeurs interrogés illustre cette
réalité.
Origine du capital
|
effectifs
|
Pourcentage%
|
Personnel
|
5
|
50
|
Aide
|
0
|
0
|
Emprunt
|
3
|
30
|
Autre personnes
|
2
|
20
|
Total
|
10
|
100
|
Tableau 16 : Illustration de l'origine du
capital.58
58 Source : Nos propres
soins.
Comme l'illustre ce tableau, l'origine du capital est
en grande partie personnelle (50%). Il s'agit ici d'éditeurs qui ont
fait des épargnes et qui ont investi dans cette activité. Ceux
dont le capital provient d'une autre personne (20%), sont ceux qui ne sont que
des employés. Une bonne tranche débute avec un capital provenant
d'un emprunt (30%) et aucun parmi eux n'a bénéficié d'une
aide pour débuter l'activité. Selon Monsieur Daniel, un des
éditeurs installé au marché Congo :
« Quand vous demandez de l'argent à
quelqu'un pour faire cette activité, cette personne ne voudra pas vous
le donner. Mais si vous voulez plutôt emprunter, cette personne sera
prête à vous satisfaire. Les gens voient notre activité
comme un risque très dangereux. Mais pour nous, c'est un risque utile.
Qui ne risque rien n'a rien. Quand nous réussissons, nous pouvons
rembourser la dette contractée dès la première
série d'édition. Il ne faut pas qu'on vous trompe : Cette
activité n'est pas faite pour les pauvres. Il faut être
vous-même solvable pour qu'on vous prête l'argent
nécessaire. »
6-2-2-2 L'évolution des ventes.
Pour mieux évaluer les mécanismes
d'existence et de résistance du marché illégal des oeuvres
musicales, nous avons choisi une période de 4 ans (2004 à
Août 2008). C'est en effet depuis 2004 qu'on a commencé à
observer une recrudescence des disques contrefaits sur le marché, et
aussi les premières interventions « spectaculaires »
dans la lutte contre la contrefaçon. L'analyse de cette évolution
permettra d'apprécier le chemin parcouru par le marché
illégal des oeuvres musicales en quatre ans, suivant les éditions
des 10 éditeurs retenus dans le cadre de cette étude.
EDITEURS
|
ANNEES
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
TOTAL
|
1
|
2000
|
2500
|
3500
|
5000
|
8000
|
21000
|
2
|
300
|
1500
|
3800
|
4500
|
5080
|
15180
|
3
|
5000
|
6000
|
4000
|
8000
|
10000
|
33000
|
4
|
6000
|
3000
|
4000
|
5000
|
6000
|
24000
|
5
|
400
|
0
|
0
|
10000
|
11000
|
21400
|
6
|
1000
|
1500
|
0
|
0
|
12000
|
14500
|
7
|
800
|
2800
|
4100
|
5000
|
9000
|
21700
|
8
|
1500
|
3000
|
0
|
0
|
13000
|
17500
|
9
|
700
|
5000
|
5500
|
0
|
14000
|
25200
|
10
|
2000
|
3000
|
0
|
13000
|
15000
|
33000
|
TOTAL
|
19700
|
28300
|
24900
|
50500
|
103080
|
226480
|
Tableau 17: Evolution des quantités vendues en
quatre ans.59
Une attention minutieuse accordée à
cette évolution des quantités vendues en quatre ans permet de se
rendre compte que cette évolution est étroitement liée au
contexte social, suivant chaque année. Les quantités vendues ont
connu une croissance progressive En 2004 et en 2005. En 2006, les
quantités vendues ont connu une régression, et celle-ci peut
être expliquée par la lutte contre la contrefaçon et la
piraterie des oeuvres musicales engagées cette année par la
CMC.
ANNEES
|
PRIX
|
QUANTITES
|
TAUX D'EVOLUTION
|
2004
|
1500
|
27080
|
0
|
19700
|
2005
|
1000
|
34560
|
28%
|
28300
|
2006
|
800
|
30100
|
-13%
|
24900
|
2007
|
500
|
51900
|
72%
|
50500
|
2008
|
400
|
83200
|
60%
|
103080
|
Tableau 18: Récapitulation de l'offre par rapport
aux quantités vendues60.
59 Source : Nos propres
soins.
60 Source : Nos propres
soins.
Le taux d'évolution tel que exprimé par
ce tableau évolue en dent de scie. A partir de 2007, on note un taux
très élevé, qui s'explique par le fait que les invendus
des années précédentes sont venus s'y ajouter. Rien ne
permet également de se projeter dans l'avenir et de prévoir
l'évolution de l'offre par rapport aux quantités vendues. Les
contrefacteurs n'ont aucune certitude quant à la quantité qu'ils
pourront écouler durant les années prochaines. Ils sont dans une
incertitude qui interdit toute planification. De plus, ils ne savent quelle
tournure pourra prendre la lutte contre la piraterie et la contrefaçon.
Ils préfèrent donc rester prudents, tout en minimisant les
risques. Et en ne posant que des actions ciblées dans le temps et dans
l'espace. Cette réalité amène à porter une
attention particulière aux ventes effectives des quatre années
retenues dans le cadre de cette étude, en vue de ressortir des
éléments qui pourraient être très
significatifs.
Analyse des ventes effectives pendant quatre ans
:
ANNEES
EDITEURS
|
2004
|
2005
|
2006
|
2007
|
2008
|
TOTAL
|
1
|
2000
|
2500
|
3500
|
5000
|
8000
|
21000
|
2
|
300
|
1500
|
3800
|
4500
|
5080
|
15180
|
3
|
5000
|
6000
|
4000
|
8000
|
10000
|
33000
|
4
|
6000
|
3000
|
4000
|
5000
|
6000
|
24000
|
5
|
400
|
0
|
0
|
10000
|
11000
|
21400
|
6
|
1000
|
1500
|
0
|
0
|
12000
|
14500
|
7
|
800
|
2800
|
4100
|
5000
|
9000
|
21700
|
8
|
1500
|
3000
|
0
|
0
|
13000
|
17500
|
9
|
700
|
5000
|
5500
|
0
|
14000
|
25200
|
10
|
2000
|
3000
|
0
|
13000
|
15000
|
33000
|
TOTAL
|
19700
|
28300
|
24900
|
50500
|
103080
|
226480
|
VENTES MOYENNES
|
1970
|
2830
|
2490
|
5050
|
10308
|
22648
|
TAUX
|
0
|
44%
|
-12%
|
103%
|
104%
|
|
COEFFICIENT DE
CORRELATION
|
|
|
|
0,86919849
|
|
|
ECART TYPES
|
1966,98
|
1715,97
|
2008,86
|
4387,17
|
3320,94
|
4144,77
|
Tableau 19 : Présentation synoptique des ventes
effectives.61
L'écart type de la population est de 4144,769 ce
qui devrait permettre à chaque
éditeur de savoir si ses ventes sont dans une
mouvance acceptable. Ce nombre si élevétraduit une
mauvaise répartition des ventes du secteur autour de la moyenne qui est
de 22
61 Source : Nos propres
soins.
648. C'est donc dire que ce marché
dépend des caractéristiques particulières aux
éditeurs qui sont peut être des stratégies de vente. La
forte corrélation entre les ventes effectives et le temps trouve
certainement son explication dans la baisse progressive du prix de vente au fil
des ans. Un regard rapide nous permet donc d'affirmer que le secteur est soit
plus concurrentiel ou bien les consommateurs ne trouvent pas suffisamment de
satisfaction dans le produit. Au fil des années l'écart entre les
vendeurs a vacillé donc nous ne sommes ni dans un cadre de monopole ni
de concurrence pure. Au vu des pourcentages qui suivent l'on pourrait penser
que les ventes de 2006 sont plutôt bonnes contrairement à
l'idée première que nous donnait le taux de progression des
ventes sectorielles mais il faut voir quels sont les frais de production et
surtout de stockage. En effet le surplus de vente en 2008 et le prix
relativement bas semble être une façon de liquider le stock
restant.
140000
120000
100000
40000
60000
20000
80000
0
y = 18896x - 4E+07
Série1
Linéaire (Série1
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
Graphique 1: Illustration graphique des ventes
effectives. 62
Le décalage de la courbe par rapport à
la droite montre qu'il n'est pas possible de se projeter dans l'avenir à
travers des prévisions. Une telle réalité s'explique par
l'incertitude qui caractérise le marché illégal des
oeuvres musicales, et démontre par ce fait même que les ventes
dans ce marché ne peuvent pas être maitrisées. Ceux qui
mettent sur le marché les oeuvres musicales contrefaites ou
piratées n'ont donc aucune garantie de réussite. Ce graphique
permet également de se rendre compte qu'une traçabilité
des produits du marché
62 Source des graphiques :
Nos propres soins.
127
illégal des oeuvres musicales est
incertaine.
90000
QUANTITES
80000
OFFERTES
2008
70000
60000
50000
40000
30000
20000
10000
0
QUANTITES
2007
2005
2006
2004
2003,5 2004 2004,5 2005 2005,5 2006 2006,5 2007 2007,5
2008 2008,5
ANNEES
Graphique 2 : Evolution chronologique de
l'offre.
QUANTITES
90000
70000
60000
50000
40000
20000
80000
30000
400; 83200
500; 51900
800; 30100
1000; 34560
1500; 27080
10000
0
QUANTITES
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600
PRIX
Graphique 3 : Evolution de l'offre en fonction du
prix.
A travers ces graphiques, on note que l'offre
évolue inversement proportionnelle au prix et vice-versa. Lorsque les
prix sont élevés l'offre est faible, et lorsque les prix sont
bas,
l'offre est élevée. Sur le graphique, le
prix le plus élevé correspond à l'offre la moins
élevée et le pris le plus bas correspond à l'offre la plus
élevée. Dans ce type de marché, la variation des couts de
production semble étroitement liée à celle des
quantités produites, mais dépend tout de même des
informations sur les activités des concurrents.
6-2-2-3- Le Positionnement.
Le positionnement dans le cadre de cette étude
est la situation d'un produit ou d'une entreprise sur un segment de
marché. Autrement dit, la situation des éditeurs ou de leurs
produits sur le marché illégal des oeuvres musicales. Ce
positionnement peut être déterminé ici par rapport à
la concurrence. Cette concurrence est gérée ici avec beaucoup de
délicatesse par les éditeurs et les vendeurs. Le fonctionnement
global du marché dépendant du bon fonctionnement de chacune des
composantes, il ne se manifeste aucune forme d'intimidation, de
dénonciation ou d'atteindre à l'activité des uns et des
autres. On assiste par ici à, des << guerres de gans
» comme dans le milieu mafieux. Chacun sait qu'en faisant preuve d'un
manque de loyauté envers les autres, il mettra en péril
l'harmonie de la totalité, et par conséquent la survie de son
activité serait menacée, puisque s'il faut arrêter l'un
d'eux, il faudra bien arrêter les autres. La concurrence se fait donc au
niveau des produits.
En prenant plus de précaution lors de ses
éditions, chaque éditeur veille à la bonne
présentation des produits et à leur contenu. Les vendeurs qui
sont au quotidien sur le terrain sont les principaux informateurs des
distributeurs qui à leur tour informent aussi les éditeurs des
dispositions à prendre. Lorsque les prix pratiqués sur le
marché baissent, chaque éditeur s'arrange également
à son niveau à minimiser les coûts, et à maximiser
ses éditions en mettant sur le marché des produits de moins bonne
qualité, et inversement, lorsque les prix sont élevés,
l'éditeur met sur le marché des produits de très bonne
qualité.
De même, lorsqu'un vendeur se rend compte qu'il
y a plusieurs autres vendeurs dans son champ d'action (zone à
l'intérieur de laquelle le vendeur propose ses produits), il va tout
simplement vers un autre champ. Quand un vendeur rencontre un autre vendeur,
s'ils ne sont pas les employés d'un même distributeur, ils ne
s'échangent aucune parole et se contentent de regards exprimant de
l'indifférence. La principale arme des vendeurs face à la
concurrence, c'est << la conquête des clients ». Une
conquête qui se traduit par un effort constant de se rendre disponibles
auprès des clients réguliers ou potentiels, d'avoir
ce qu'ils recherchent, d'avoir de nouveau produits
pouvant les intéresser, d'être prêt à remplacer un
disque vendu et qui était de mauvaise qualité, et d'être un
bon « flatteur ».
Ainsi, dans ce marché, la concurrence est
loyalement gérée et la position de chaque éditeur, de
chaque distributeur ou de chaque vendeur sur le marché, dépend de
sa capacité à s'adapter aux besoins de la clientèle,
à l'évolution des technologies et à l'actualité
musicale (discographique).
6-2-3- le Mécanisme de la demande.
La demande sur le marché est
considérée comme la quantité d'un bien ou d'un service que
les consommateurs sont disposés à acheter à un certain
prix. Cette demande est composée de toutes les personnes qui exercent
une action dans l'acquisition du produit : consommateurs utilisateurs,
consommateurs acheteurs, prescripteurs. Mais, la demande ne se limite pas
qu'aux clients actuels, elle incluse également les clients potentiels.
Dans le cadre de cette étude, la collecte des données en ce qui
concerne la demande s'est faite auprès des éditeurs et des
vendeurs.
6-2-3-1- la Clientèle :
Grace à une stratégie commerciale de
proximité, les vendeurs des produits du marché illégal des
oeuvres musicales touchent toutes les couches sociales. Ces produits
étant disponibles partout et à la portée de tous, il
parait difficile d'établir un profil sociologique du client. Tous les
consommateurs des oeuvres musicales sont donc de fait des clients potentiels,
indépendamment de leur statut social, de leur origine sociale et de leur
identité. Dans ce sens, Jean-Jacques, un des vendeurs rencontrés
tient le discours suivant :
« Tous ceux que nous rencontrons, les jeunes,
les adultes, les hommes, les femmes, peuvent être des acheteurs.
Même certains des personnes que nous voyons à la
télé et qui disent qu'ils sont contre cde que nous faisons
achètent
aussi nos produits. Je suis sûr que dans
chaque maison de la ville de Douala, iiy a au moins un de nos produits
».
En effet, il faut surtout reconnaitre que grâce
au boom technologique et à l'invasion des marchés camerounais par
les appareils électroniques d'origine asiatique (notamment les marques :
Sony, Amsua, Amstech, etc.), de Prix très bas, il est possible
aujourd'hui d'avoir un lecteur CD à partir de 8000 frs CFA, qui peut
permettre de jouer des CD, des VCD ou des Mp3. Les appareils
électroniques ne constituent donc plus un luxe pour le citoyen moyen.
L'acquisition d'un lecteur
impliquant son utilisation, et son utilisation
impliquant l'achat des CD, des VCD ou des Mp3, on peut comprendre le lien qu'il
ya entre ces lecteur et les produits du marché illégal des
oeuvres musicales. Ce lien est structuré par la modicité et la
théorie de l'obsolescence. En fait, comme s'exclame Georges, un vendeur
: << Comment peuton demander aux gens qui achètent un lecteur
à 8000 frs, d'acheter un Cd à 5000 frs !
>>.
En outre, les motivations des clients des produits du
marché illégal des oeuvres musicales sont orientées vers
la satisfaction d'un besoin principal : celui d'écouter de la musique
qu'ils aiment, quand ils le veulent. Ces clients en réalité
n'achètent donc pas le disque en soi, mais, la musique contenue dans le
disque. Cela peut paraitre paradoxal. Mais, ce qui leur importe, ce n'est pas
tout d'abord le disque, et on comprend bien pourquoi ils se préoccupent
peu de la qualité du support. Que ce soit sur CD, sur VCD ou sur MP3,
peu importe, ce qui compte pour eux, c'est d'avoir la musique
désirée63. La présence dominante des
compilations illustre cette réalité. Les plaintes
formulées par les clients et qui semble à première vue se
référer à la qualité du CD pour un observateur peu
attentif, se réfère en fait à l'effectivité de la
présence du titre désirée, et à la qualité
du son lors de l'écoute.
De manière générale, les vendeurs
estiment que les clients apprécient leurs produits, et
considèrent ces produits comme de la << manne >>
tombée du ciel. Jérémie, vendeur au marché central
corrobore cette idée dans ces propos :
« Nous avons de très bonnes relations
avec nos clients. Ils Nous considèrent comme des sauveurs, parce qu'ils
pensent que c'est grâce à nous que tout le monde peut avoir de la
musique qu'il désire écouter >>(SIC)
Des << Sauveurs >>, une
expression très récurrente dans le discours des vendeurs et des
éditeurs. Ceux-ci légitiment leur activité en s'appuyant
sur l'onction qu'ils reçoivent de leurs clients. Une telle onction qui
les réconforte dans leur situation de déviance est un facteur qui
joue un grand rôle dans leurs logiques d'action. Ces logiques d'action
sont concrètement marquées par une déviance
économique qui semble satisfaire les aspirations d'une clientèle
sans cesse « reconnaissante >> et << exigeante
>>, mais toujours traitée avec beaucoup
d'égard.
63 Lors des achats, les
clients se préoccupent généralement très peu de la
qualité du support et s'intéressant plus à la musique
contenue dans le support, ils font tester par le vendeur, le produit qu'ils
veulent acheter. Si le disque joue les musiques qui sont sur l'étui, que
l'ordre de passage de ces différentes musiques respecte ou non celui de
l'étui, ils l'achèteront.
Lorsque naissent des conflits entre les vendeurs et
les clients, ils sont socialement gérés, à travers des
consensus sous forme d' << arrangements à l'amiable
>> qui satisfont toutes les parties. Comme de véritables
conseillers, les vendeurs des produits du marché illégal des
oeuvres musicales gèrent l'ignorance des clients et leur proposent
toujours des solutions alternatives. Les commandes des clients sont
enregistrées et transmises aux distributeurs. Ces derniers essayent de
chercher le produit dans le stock, et lorsqu'ils ne trouvent pas, ils
rencontrent les éditeurs. Dans ce cas, lorsque l'éditeur fabrique
une copie spécialement pour le client, le prix de vent est un peu plus
élevé (à partir de 1000 frs).
La fréquence d'achat de ces produits connait
une hausse à la période des fêtes de fin d'année, et
à la période des vacances. Cette hausse peut se justifier selon
les vendeurs, par le fait qu' << à la période des
fêtes de fin d'année,, plusieurs manifestations sont
organisées, et nos produits sont achetés pour l'animation. De
même, à la période des vacances, les gens ont plus de temps
libre, qu'ils occupent en écoutant de la musique ou en visionnant des
films >>.
6-2-3-2- La distribution :
L'un des éléments pertinents qui
renforce le dynamisme du marché illégal des oeuvres musicales est
l'efficacité de la distribution. Les produits de ce marché
circulent suivant une trajectoire bien définie, et vont depuis les
fournisseurs jusqu'aux consommateurs. Chaque étape est un maillon de la
chaine, consistant en l'exécution d'une tâche
spécifique.
Ce circuit de distribution doit son efficacité
à la participation active des différents acteurs qui y
interviennent. Leurs différentes participations, protégées
par le << secret professionnel >> qui règne dans le
milieu, renforcent l'émergence du marché illégal des
oeuvres musicales. Selon M. Honoré, l'un des distributeurs :
« Nous faisons tout pour qu'il ait nos
produits partout. Nous surmontons les intempéries climatiques, allons
dans des zones enclavées pour que nos produits soient plus proches du
consommateur. C'est ce qui fait notre force. Nous faisons du vrai
markéting >> (SIC).
permet non seulement d'écouler rapidement leurs
produits, mais aussi de contourner la loi.
Les Fournisseurs Tâche : alimentation en
matières premières
Les Editeurs
Tâche : fabrication en plusieurs copies
des produits à l'aide des matières
premières.
Les Distributeurs
Tâche : Stockage des produits en vue de leur
commercialisation
Les Vendeurs stables Tâche : vente
Les Vendeurs ambulants
Tâche : vente
Les Vendeurs provisoirement
installés
Tâche : vente
Les Consommateurs
Tâche : Consommation
Schéma 2 : Le circuit de distribution des
produits du marché illégal des
oeuvres musicales.64
Dans un article du journal « Small No Bi
Sick »65, l'artiste musicien camerounais KOPPO
reconnaissait le dynamisme du circuit de distribution des contrefacteurs en ces
termes :
« Les pirates sont de très bons
distributeurs, qu'on retrouve à l'entrée
des supermarchés quand ils savent que vous allez faire vos coures du
mois, à la
64 Source : Nos propres soins.
65 N°22 du 21 mars
2005.
sortie des banques, ils sont un peu partout. Ils ont
une politique de distribution agressive au sens marketing du terme, et c'est
pour ça que ça marche ».
Dans le même sens, Moise BANGTEKE,
administrateur de la Société camerounaise de la musique (Socam)
chargée de gérer les droits d'auteur au Cameroun fait le constat
selon lequel :"Les Cd ne sont pas bien visibles et assez disponibles
», et recommande qu' « Il faut organiser le marché de
la distribution des ces oeuvres. Elles doivent être à la
disposition de tous ceux qui veulent les acheter » (Quotidien «
Mutation », 31 Octobre 2008)
Le dynamisme du circuit de distribution des produits
du marché illégal des oeuvres musicales est encore plus efficace
qu'on ne peut imaginer. Ce circuit a progressivement condamné les
disquaires et les distributeurs qui exerçaient dans la
légalité à l'abandon de leur activité. Dans cette
logique, le circuit illégal a progressivement pris le dessus sur le
circuit légal, au point de se positionner en leader. Le Président
de l'ex-CMC, Sam MBENDE décrit ce retournement de situation en faveur de
l'illégalité en ces mots :
« C'est à cause de la piraterie que les
petites disqueries, jadis prospères et qui
servaient de base dan le cadre de la distribution
des produits musicaux dans
nos grandes vielles, ont disparu. Cette disparition
a également entrainé de facto
celle de quelques établissements de vente de
supports que l'on nommait
abusivement « maisons de distribution
».
6-3- FONCTIONS DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES
MUSICALES :
En évoluant dans un environnement social et
économique teinté par une coloration économique urbaine,
le marché illégal des oeuvres musicales fait partie
intégrante du vécu quotidien, non seulement au niveau micro, mais
également au niveau macro.
6-3-1- Fonction urbaine :
Le marché illégal des oeuvres musicales
étudié dans le cadre de cette étude, se situe dans une
zone urbaine. Caractérisée par une très grande expression
des activités commerciales de toute nature, la ville de Douala
apparaît en quelque sorte comme un « el dorado » pour
les populations camerounaises des villes et des villages riverains. Le
développement exponentiel des activités informelles et/ou
illégales dans cette ville peut être appréhendé
comme un indicateur de l'exode rural au profit de cette ville, et
surtout
comme une manifestation du dynamisme des jeunes qui s'y
trouvent.
Dans la constitution de l'échantillon de cette
étude, nous avions tenus compte de la localisation de l'activité.
Cette localisation permet de ressortir des spécificités propres
au milieu urbain, en relation avec le marché illégal des oeuvres
musicales. Que l'activité s'exprime dans des marchés
(marché central, marché de Ndokoti, marché Mboppi), dans
une zone commerciale (Akwa), dans une zone résidentielle (cité
des palmiers) ou dans une zone populaire et populeuse (Bépanda), des
observations pertinentes ont été faites, et peuvent fournir des
informations qui aident à analyser la fonction urbaine du marché
illégal des oeuvres musicales
En effet, dans les marchés (marché
central, marché de Ndokoti, marché Mboppi), les vendeurs des
produits du marché illégal des oeuvres musicales se confondent
avec les vendeurs des autres produits. Ils respectent les procédures
d'acquisition de l'espace pour la vente de leurs produits, respectent leurs
voisins et se considèrent comme des vendeurs au même titre que les
autres. Selon leurs propos, ils sont des « commerçants comme
les autres » et payent d'ailleurs leurs taxes sur l'Occupation
Temporaire de la Voie Publique (OTVP). Dans les différents
marchés oil s'est déroulée l'enquête, ces vendeurs
sont concentrés dans un espace précis, exposent leurs produits.
De part et d'autre à l'intérieur des marchés, quelques uns
en solitaire exercent leur activité. Selon M. Gérard, un vendeur
du marché central :
« Nous préférons rester
ensemble parce qu'en restant ensemble, nous sommes plus forts et plus
solidaires. Si Sam Mbendé et ses gars viennent ici, nous allons d'abord
bien nous défendre. Alors que quand tu es seul dans ton coin, ils
peuvent facilement t'avoir »(SIC).
En fait, dans les marchés, et à cause de
ces concentrations de vendeurs des produits du marché illégal des
oeuvres musicales, les actions de lutte contre ce marché sont
inefficaces, parce que nécessitant l'intervention de plusieurs policiers
ou gendarmes. Les rares assauts que ces vendeurs installés dans les
marchés ont subis, se sont manifestés par de véritables
combats auxquels se sont même joints d'autres vendeurs légaux,
prenant la défense des contrefacteurs. L'environnement des
marchés est donc un environnement qui intègre l'activité
des vendeurs des produits du marché illégal des oeuvres
musicales, et la dilue dans une légitimation sociale, en soumettant ses
produits à la logique commerciale.
leurs produits. Ils sont considérés, et
se considèrent comme des vendeurs, au même titre que les autres
vendeurs ambulants. Ici encore, ils sont aussi en majorité
installés devant les boutiques, en attente d'un éventuel client.
L'espace occupé par ces vendeurs est un espace stratégique,
puisque c'est un espace que doivent traverser toux ceux qui vont faire des
achats. Ici, ces vendeurs sont les plus exposés et sont facilement
neutralisables lors des interventions de lutte contre la contrefaçon
puisqu'ils sont installés dans un espace ouvert à l'accès
facile. M. Serges, un vendeur installé à Akwa décrit cette
réalité en ces termes :
« Quand nous sommes installés ici,
nous sommes très vigilants. D'un moment à l'autre, les gars de la
CMC peuvent débarquer. Au moindre signal d'alerte, nous emballons nos
produits et nous disparaissons. » (SIC)
Ces vendeurs qui côtoient au quotidien les
disqueries légales, exercent dans une très grande vigilance, mais
font tout de même partir du décor des centres
commerciaux.
Dans une zone administrative comme Bonanjo, les
vendeurs présents sont toujours ambulants. Ils vont de bureau en bureau,
proposant leurs produits. Ils exercent leur activité dans le silence et
évitent de traîner longtemps sur place. M. Gaston, un vendeur
exerçant à Bonanjo précise :
« Ici on ne sait qui est qui. Tous les grands
bureaux sont installés ici, et quand tu rencontres quelqu'un tu ne peux
savoir s'il va acheter ou s'il va plutôt t'arrêter. Mais chaque
fois que tu passes, il y a des qui t'interpellent pour acheter des produits.
Ici je fais qu'en même très attention. »
(SIC)
Le caractère administratif de cette zone
suscite une méfiance chez ces vendeurs, mais paradoxalement, c'est dans
cette zone qu'on observe plus de vendeurs ambulants et toujours plus nombreux.
Toutes les 2 minutes, il y a au moins un vendeur dans un rayon de 10
m2.
Dans la zone résidentielle (cité des
palmiers), les vendeurs des Produits du marché illégal des
OEuvres musicales sont peu présents. Le marché illégal des
OEuvres musicales s'exprime ici plus à travers la location et
l'échange des CD. Ceux des vendeurs qui exercent ici exercent dans le
silence, et sont en majorité installés dans les kiosques. Le
marché illégal des OEuvres musicales est à son expression
la plus réduite dans cette zone.
Dans la zone populaire et populeuse (Bépanda),
le marché illégal des OEuvres musicales s'exprime dans toutes les
formes, et de manière très bruyante. Dans chaque rue il y a au
moins deux vendeurs installés. Ces vendeurs exercent leur
activité ici en toute
quiétude, comptant sur le soutien de la
population environnante pour assurer leur sécurité. Le
désordre qui sévit dans cette zone leur est très
favorable, et chaque soir, ils jouent de la musique à briser le tympan,
attirant l'attention. Selon un vendeur installé à Bépanda
:
« Ici, nous sommes à l'aise. Personne ne
nous dérange et les clients ne sont même pas trop exigeants.
» (SIC)
De manière globale, la légitimation
sociale des activités économique informelles dans la ville de
Douala, va de pair avec la légitimation sociale des activités
économiques illégales. La densité de la population et la
multiplicité des activités économiques de toute nature
aidant, il parait de plus en plus difficile dans cette ville, de mener une
lutte sérieuse contre les activités illégales qui se
confondent très généralement aux activités
informelles. Ces dernières se sont imposées progressivement, au
point même d'acquérir une reconnaissance officielle (le cas des
« Taxi moto », des « sauveteurs » et de
bien d'autres qui se sont constitués en syndicats).
Un tel environnement est propice au marché
illégal des oeuvres musicales, qui connaît dans cette ville, une
émergence à nulle autre pareille au Cameroun. Grâce
à sa situation portuaire, cette ville a plus facilement accès aux
produits venant d'ailleurs, légaux et illégaux. La «
libre circulation » des produits du marché illégal des
oeuvres musicales est également liée au «
désordre urbain » qui prévaut dans cette ville et
qui depuis déjà quelques mois, constitue pour la
Communauté Urbaine de Douala (CUD) un fléau à endiguer. A
ce désordre, il faut aussi ajouter la quasi inexistence d'une politique
urbaine de lutte contre les activités économiques
illégales.
Ainsi, le marché illégal des oeuvres
musicales continue d'émerger, et s'impose de plus en plus dans la ville
de Douala. L'environnement urbain semble être pour ce marché, un
véritable laboratoire d'émulation, renforcé par
l'informalisation grandissante de l'économie et l'accès de plus
en plus facile aux TIC contrefaisants.
6-3-2 Fonctions sociale et économique.
En nous intéressant à la
représentation sociale du marché illégal des oeuvres
musicales, nous avons eu sur un total de 90 entretiens, 400 segments
d'entretiens qui ont été codés et
catégorisés dans 85 catégories thématiques. Parmi
ces catégories thématiques, seulement 15 sont apparus dans plus
de 30 entretiens. Ces 15 catégories ont été
retenues
pour l'analyse. Le nombre des entretiens où un
élément est apparu a varié entre 46/90 et 1/90. Les trois
éléments les plus fréquents sont :
Débrouillardise (85/90), Impossible de combattre
(65/90) et Conséquence de la pauvreté (58/90) (tableau
21). Il s'agit ici des énoncés les plus rencontrés dans
les discours des contrefacteurs. Puisque ces énoncés se
retrouvent dans le discours de plus de la moitié des répondants,
un indice de popularité très fort pourrait leur être
attribué.
L'analyse des fréquences (Tableau 21) nous
permet de constater que lorsque les contrefacteurs se prononcent, ils
s'expriment plus sur des thèmes tels : Débrouillardise
(85), Impossible de combattre (65) et Conséquence de
la pauvreté (58). Le tableau des cooccurrences66
(Tableau 22) nous montre le nombre des relations que chaque
élément développe à l'intérieur du discours.
L'élément Débrouillardise qui est
l'élément le plus fréquent (85), crée moins de
cooccurrences (35) que l'élément Conséquence de la
pauvreté (45). L'élément Mal
nécessaire ici créé des cooccurrences
supérieures à sa fréquence (23). Cela signifie que ce ne
sont pas les éléments les plus fréquents qui sont
forcément les plus générateurs de significations. Certes,
les éléments qui ont une fréquence élevée
sont ceux qui sont les plus cités, toutefois, seules les cooccurrences
en fait permettent d'évaluer la pertinence d'un élément,
c'est-à-dire l'intérêt peut-être pas affirmé,
mais réel que lui accordent les répondants. De manière
plus précise, ces éléments à forte cooccurrence
peuvent être considérés comme des opérateurs de
reliance, qui au-delà des informations qu'ils permettent d'avoir sur la
représentation sociale du marché illégal des oeuvres
musicales, permettent de mieux comprendre les représentations sociales
et la rationalité économique des contrefacteurs. Ces
éléments génèrent des significations
partagées et organisent la représentation sociale de ce
marché.
66 L'analyse des
cooccurrences est une technique lancée par Peter BALDWIN,
inspirée de la théorie de l'association de Sigmund FREUD. La
cooccurrence ici renvoie au nombre de relations d'un élément avec
d'autres éléments. Nous nous sommes inspirés de l'analyse
des relations entre les éléments présentée par
NEGURA (2006), relative à une étude de la représentation
sociale de la toxicomanie ( Recherches sociographiques, XLV, 1,
pp.129-145).
Catégories thématiques
|
Entretiens67
|
Enoncés68
|
1- Débrouillardise
|
85
|
55
|
2- Activité de survie
|
40
|
22
|
3- Solution au chômage
|
32
|
30
|
4- Activité à encourager
|
39
|
52
|
5- Mal nécessaire
|
23
|
58
|
6- Impossible de combattre
|
65
|
30
|
7- Activité passionnante
|
10
|
25
|
8- Conséquence de la
pauvreté
|
58
|
28
|
9- Détruit la musique
|
19
|
6
|
10- Complicité des forces de l'ordre
|
23
|
45
|
11- Conséquence des TIC
|
10
|
2
|
12- Complicité des musiciens
et des producteurs
|
30
|
7
|
13- Activité à formaliser
|
26
|
20
|
14- Echec de l'Etat
|
35
|
18
|
15- Appauvrissement des
artistes
|
18
|
2
|
Tableau 20: La fréquence des entretiens oh une
catégorie thématique se retrouve et la fréquence des
énoncés des catégories thématique. La
représentation sociale du marché illégal des oeuvres
musicales69.
67 Nombre d'entretiens oh les
énoncés d'une catégorie thématique se
retrouvent.
68 Nombre
d'énoncés d'une catégorie thématique.
69 Nos propres
soins.
Catégories thématiques
|
Cooccurrences (T)70
|
Enoncés71
|
1- Débrouillardise
|
85
|
55
|
2- Activité de survie
|
40
|
22
|
3- Solution au chômage
|
32
|
30
|
4- Activité à encourager
|
39
|
52
|
5- Mal nécessaire
|
23
|
58
|
6- Impossible de combattre
|
65
|
30
|
7- Activité passionnante
|
10
|
25
|
8- Conséquence de la
pauvreté
|
58
|
28
|
9- Détruit la musique
|
19
|
6
|
10- Complicité des forces de l'ordre
|
23
|
45
|
11- Conséquence des TIC
|
10
|
2
|
12- Complicité des musiciens
et des producteurs
|
30
|
7
|
13- Activité à formaliser
|
26
|
20
|
14- Echec de l'Etat
|
35
|
18
|
15- Appauvrissement des
artistes
|
18
|
2
|
Tableau 21 : La fréquence ces cooccurrences des
catégories thématiques et la fréquence des
énoncés des catégories thématiques. La
représentation sociale du marché illégal des oeuvres
musicales72.
70 Nombre de fois quand une
catégorie thématique se retrouve dans le même fragment de
discours avec d'autres catégories thématiques.
71 Nombre
d'énoncés attribués à une catégorie
thématique.
72 Nos propres
soins.
Les contrefacteurs qui participent à
l'existence et à la résistance du marché illégal
des oeuvres musicales ont une rationalité imprégnée de
représentations sociales et de rationalité économique.
Leurs modèles de comportement axiologique et utilitaire s'engendrent
mutuellement, engendrant par ce fait même le social et
l'économique, et exprimant l'encastrement social de ce marché.
L'exercice de la rationalité par ces contrefacteurs génère
avant tout l'incertitude. Dans la mesure où chacun de ces contrefacteurs
est influencé par cette rationalité, il appartient à un
monde qui n'est pas seulement stratégique, mais plus encore,
paramétrique. Les paramètres déterminants sont des
paramètres sociaux (statut social, estime de soi, garantie de l'emploi,
construction des relations sociales, bien-être) et des paramètres
utilitaires (revenus permettant de constituer un capital pour une
activité légale plus rentable).
Etant donné le fonctionnement cognitif de ces
contrefacteurs, il existe des limites pour la capacité de chacun d'eux
à résoudre seul des situations d'ignorance partielle,
d'incertitudes radicales et d'autoréférence stratégique.
Puisqu'il existe de l'incertitude irréductible par des
procédés uniquement << logiques >> au sens
parétien du terme, ces contrefacteurs créent, développent
et transforment par leurs actions, des structures d'interaction qui figent
certains éléments généralement
considérés comme prioritaires dans l'échange marchand,
transformant par ce fait même du stratégique en du
paramétrique. Leurs structures d'interaction participent à la
construction de l'architecture cognitive du marché illégal des
oeuvres musicales. Conséquemment, ce marché permet aux
contrefacteurs d'avoir un raisonnement poussé dans une situation
déviationniste comme la leur, mais une situation pourtant
simplifiée par la légitimation sociale dont jouit leur
activité.
Dès lors, une attention particulière
portée aux résultats de l'analyse des catégories
thématiques de la représentation sociale du marché
illégal des oeuvres musicales permet de faire une découverte :
les actions des contrefacteurs ne sont ni des actions stratégiques
offensives, ni des actions stratégiques défensives, mais
plutôt des actions paramétriques. On a donc plus à faire
ici à des acteurs paramétriques. En effet, les paramètres
sociaux et les paramètres utilitaires présentés plus haut,
constituent en fait des zones d'incertitudes que ces individus mobilisent
à travers leurs modèles de comportement, pour finalement donner
à travers les catégories thématiques, un sens à
leurs actions. Il apparait donc clairement que la prise en compte des <<
éléments cognitifs >> (MOSCOVICI, 1976), ou des
« cognèmes >> (MOLINER, 1884), ou encore des
<< schèmes >> (CODOL, 1969) dans
l'univers du marché illégal des oeuvres
musicales, permet d'aller au-delà des actions
stéréotypées prédéterminées, pour
arriver au sens des actions de ces << homo paramétricus »
(acteurs paramétriques)73.
Grâce aux actions de ces « homo
paramétricus >>, le marché illégal des oeuvres
musicales fonctionne en quelque sorte comme le fruit d'un ensemble
d'heuristiques non discutées. Cependant, du fait qu'ils font et
utilisent ces heuristiques, ils peuvent exercer pleinement leurs
activités cognitives. Ce marché devient alors une institution
marchande au sens socio-économique du terme, et non tout simplement
comme une alternative à « une économie sans
institution >> (BOYER, 1995:534). Ce marché s'intègre
dans un ensemble plus vaste de codifications sociales, selon des combinaisons,
des dynamiques, des espaces de « régularisation
>>74 et de trajectoire de vie qui donnent à son
émergence, un sens encore plus profond : le sens de la
complexité.
Cette complexité est consacrée par les
liens prégnants que ce marché entretien avec l'environnement
social et l'environnement économique globaux. Au niveau macro, le
marché illégal des oeuvres musicales accroît les recettes
financières des familles des contrefacteurs. Il « facilite
l'accès >> aux oeuvres musicales, puisqu'il permet leur
acquisition à des prix << bas >> et <<
à la portée de tous >>. Il couvre ainsi des
besoins qu'aurait pu couvrir le marché légal des oeuvres
musicales, si ce marché était mieux organisé et tenait
compte du pouvoir d'achat des consommateurs. Ce faisant, ce marché
contribue quoique en portant préjudice au droit d'auteur et aux droits
voisins, à la << vulgarisation >> de la
musique
De plus, les emplois procurés par ce
marché sont à la fois générateurs de
compétences nouvelles et porteurs d'une espérance de travail
rentable à court ou à moyen terme dont le bénéfice
semble être interpellateur pour les individus en quête d'un
travail. L'unique approche marchande de l'économie ne reflète pas
dans ce marché les réelles attentes des contrefacteurs. Le revenu
qu'ils acquièrent leur permet de se positionner dans la
société et de s'affirmer. Dès lors, leur revenu
économique occupe une place secondaire.
73 Dans le cas des
vendeurs de drogue par exemple, les dealers savent que leur activité est
illégale, et par conséquent, ils développent des
stratégies pour contourner la loi. Tel n'est pas le cas des
contrefacteurs. Ceux-ci sont conscients de l'illégalité de leur
activité, seulement, au lieu de chercher à contourner la loi, ils
mobilisent plutôt des paramètres sociaux et économiques,
pour justifier leur activité et suscitent ainsi la légitimation
sociale de leur activité.
74 Ensemble des
mécanismes qui font évoluer le système vers ses buts et
objectifs.
Ce marché leur ouvre en fait un horizon
d'espoir à travers la rentabilité financière. La valeur
sociale ambivalente de leur revenu l'emporte sur la valeur pécuniaire,
et en exerçant dans ce marché, ces contrefacteurs sont en
quête de nouvelles identités sociales, dans une conquête
quotidienne témoignée par la gratification sociale qu'ils
reçoivent.
Nous constatons bien ici qu'avec l'analyse des
dynamiques socio-économiques des contrefacteurs, << les ruses
de la raison >> (LE MOIGNE, 1998) qui ont cour dans le marché
illégal des oeuvres musicales. Ces « ruses de la raison
>> ou ces << raisons que la raison ignore
>> (BASTIDE, 1978), sont des formes de rationalité qui expriment
ce que SIMON (1983) appelait déjà les <<
délibérations de l'esprit développant consciemment des
interactions moyens-fins-moyens-fins >>. A cet égard, les
vérités que dévoile le marché illégal des
oeuvres musicales sont des << constructions et non des trésors
» (VALERY, 1973 :319). Ce qui est vrai dans ce
marché, c'est ce que les contrefacteurs construisent par
tâtonnement heuristiques, reproductibles et intelligibles.
Ainsi, le marché illégal des oeuvres
musicales peut être considéré comme un champ dans lequel
les paramètres sociaux et économiques remplissent des fonctions
à la fois sociales et économiques, au niveau micro et macro. Loin
d'être réductible à la seule fonction économique, ce
marché se prolonge dans le social et trouve même ses racines dans
le social et reconstitue les identités sociales qui existent
déjà. Ce marché apparaît donc comme une
réalité non seulement complexe, mais aussi
révélatrice. Dans le contexte actuel structuré par la
seule vision néo-libérale, ce marché rappelle qu'il existe
d'autres manières de voir l'économie et de l'exprimer, autrement
que le modèle d'économie et de société qui
cloisonne les acteurs économiques, en s'entêtant à faire
croire dans des problématiques fondées sur le
désencastrement social de l'économie, que dans les institutions
marchandes illégales, le seul cogito valable serait << je
vends dons je suis >>.
DEUXIEME PARTIE : ELABORATION DES ELEMENTS
EMPIRICO- CONTEXTUELS ET PRATIQUES SUR LE TERRAIN
DE L'ETUDE
CONCLUSION :
Que l'on soit scientifique ou pas, on ne peut
s'empêcher de découvrir avec beaucoup d'émerveillement, la
réalité de la vente illégale des oeuvres musicales dans la
Nouvelle économie à Douala. Une telle réalité,
lorsqu'elle est conquise et construite par la science, revêt un
caractère tout à fait particulier. Ce qui était
séparé par le profane est réuni dans cette étude,
et ce qui était réuni par le profane est séparé
dans cette étude. On se rend bien compte avec FAUCONNET et MAUSS (1953
:47), qu' << une recherche sérieuse conduit à
réunir ce que le vulgaire sépare ou à distinguer ce que le
vulgaire confond ». Cet effort de conquête et de construction
scientifiques de la réalité étudiée,
débouche sur des constations qui imposent un nouveau regard. <<
En désignant les objets par leur utilité, l'opinion
s'interdit de les connaitre » (BACHELARD,1938 :14), car en fait, la
vente illégale des oeuvres musicales dans la Nouvelle économie
n'est qu'une expression du marché illégal des oeuvres musicales
qui est le reflet miniaturisé d'un contexte socioéconomique et
culturel catalyseur de l'émergence des institutions marchandes
illégales. Ce marché n'a pas une origine ex-nihilo, mais il a
été construit, et continue de l'être par les
représentations sociales et par la rationalité économique
des acteurs qui participent ainsi à son existence et à sa
résistance.
LIMITES ET RECOMMANDATIONS
A la fin de cette étude, il convient de
préciser que la prétention à une exhaustivité et
à une scientificité irréprochables méritent
d'être rejetée pour céder la place à une
autocritique qui s'inscrive dans une humilité scientifique. Cette
autocritique permettra de dégager les aspects limitatifs de cette
étude qui pourront être dépassés dans les prochaines
études.
Sur le plan conceptuel, cette étude a
mobilisé des concepts dont le sens était pétrifié
par l'opinion. Les définitions de ces concepts proposées dans
cette étude avaient plus pour objectif de ressortir un sens justiciable
d'une analyse scientifique, que de verser dans une archéologie
linguistique qui aurait largement débordée le cadre de cette
étude. La visée de ces définitions était donc
opérationnalisante, et tenait toutefois compte des exigences
scientifiques. Ces définitions doivent être
considérées selon les disciplines mobilisées dans le cadre
de cette étude.
Sur le plan épistémologique, la
réalisation de cette étude a donné lieu à une
acrobatie intellectuelle. Acrobatie qui avait pour objectif de se conformer aux
impératifs de rigueur et d'objectivité scientifiques, mais tout
en permettant une certaine souplesse. Le pluralisme scientifique qui s'est
traduit ici par un renouvellement paradigmatique peut être discutable.
L'hybridation de la Sociologie de la musique et de l'Economie de la culture
sous la forme de la Socio-économie de la musique, reste entachée
dans le cadre de cette étude, de quelques insuffisances
épistémologiques, liées cependant à la relative
jeunesse de cette discipline qui se constitue progressivement.
Sur le plan méthodologique, cette étude
a permis de mettre en exergue l'efficacité du pluralisme
méthodologique en Sciences sociales. Avec un échantillonnage qui
visait moins une représentativité statistique qu'une
représentativité qualitative, l'élasticité du champ
d'application et du champ méthodologique réalisée dans
cette étude, ne peut pas être considérée comme une
motivation légitime d'une discipline à prétention
scientifique. Bien que ce pluralisme ne constitue pas une panacée ou
bien une bifurcation méthodologique absolue, il faut cependant noter que
l'efficacité de ce pluralisme dans cette étude tient à la
logique de la pluralité disciplinaire qui a orientée cette
étude. Son application dans cette étude ouvre de nouvelles
perspectives pour les études futures à visée
interdisciplinaire.
Ainsi, sur les plans conceptuel,
épistémologique et méthodologique, cette étude
connait des limites liées à la problématique et à
l'objectif de cette étude. En fait, l'identité scientifique au
nom de laquelle le pluralisme développé dans le cadre de cette
étude pourrait être critiqué, est en elle-même
dynamique. L'identité de la Socio-économie
développée ici, n'est pas sa virginité scientifique, mais
l'ensemble dynamique des éléments conceptuel,
épistémologique, théorique et méthodologique qui
constitue l'ossature de cette discipline en la différenciant des autres.
La conquête du marché illégal des oeuvres musicales par la
Socio-économie est d'abord l'expression de la vitalité et du
dynamisme de cette discipline. Loin de livrer cette Socio-économie
à une espèce de vagabondage épistémologique,
théorique et méthodologique, cette étude débouche
sur le constat épistémologique selon lequel l'avenir de la
Socio-économie dépend de la pertinence du
pluralisme scientifique, car en fait, « ce ne
sont pas les rapports réels entre les choses quiconstituent
les principes de limitation des différents domaines scientifiques, mais
les rapports conceptuels entre les problèmes » (WEBER, 1965
:147).
Au-delà de ces limites auxquelles s'ajoutent
les difficultés rencontrées et la délimitation du domaine
d'étude déjà présentées plus haut, des
recommandations suivantes peuvent être formulées :
1- Le marché illégal des oeuvres
musicales est un vaste champ dans lequel plusieurs formes de contrefaçon
et de violation de la loi s'expriment. Des études futures pourront par
exemple s'intéresser aux autres formes de représentation, de
reproduction et de transformation illégales des oeuvres musicales. Il
s'agit entre autres :
- De la reproduction et de la représentation dans
un établissement de façon irrégulière des
productions protégées ;
- Du versement ou du retard injustifié de
versement d'une rémunération prévue par la loi
;
- De la violation des dispositions réglementant
la rémunération de l'auteur ; - De la télédiffusion
illégale par câble ;
- De la violation des droits patrimoniaux de l'artiste
;
- De la diffusion illégale de l'oeuvre musicale
par les débits de boissons, boutiques et autres.
2- Dans le cadre de cette étude, une des
difficultés rencontrées résidait pour nous
sociologue non juriste, à faire le lien entre
la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 et le décret n°
2001/956/PM du 1er novembre 2001 fixant les modalités
d'application de la loi du 19 décembre 2000 d'une part, et les
modalités concrètes de l'organisation socio-économique du
marché des oeuvres musicales soutenu par cette loi. Comprendre le
fonctionnement réel du droit d'auteur et des droits voisins a
nécessité de retracer les liens entre la règle de droit,
les conflits passés qui sont à l'origine de la règle, et
la traduction de la règle dans des dispositifs réels
d'organisation socio-économique. La participation des
spécialistes du droit d'auteur serait d'un très grand apport dans
les études futures ;
3- L'analyse de l'économie du marché
illégal des oeuvres musicales réalisée dans cette
étude ne touche que les aspects de l'étude de marché qui
intéressaient cette étude. Une prochaine étude
consacrée uniquement à cette économie, permettra de
dégager grâce à l'Econométrie, des informations
encore plus précises et plus significatives, bien que les
prévisions de cette économie soient incertaines.
En effet, l'émergence du marché
illégal des oeuvres musicales interpelle bien d'autres acteurs en
l'occurrence :
- le Ministère du commerce en ce qu'elle paralyse
le développement des industries, notamment les éventuelles
industries culturelles ;
- le Ministère des finances parce qu'elle
occasionne un préjudice important au Trésor public par la fuite
des droits fiscaux ;
- le Ministère de la Justice en ce qu'elle
constitue une infraction prévue et punie par le code pénal
;
- le Ministère de l'Administration territoriale et
de la décentralisation parce que les contrefacteurs troublent l'ordre
public ;
- les artistes, producteurs et éditeurs du fait
que la piraterie décime leur patrimoine et les réduits à
la misère.
Un autre aspect très significatif
exprimé par le marché illégal des oeuvres musicales est la
banalisation de la pornographie. En rendant disponibles les films
pornographiques, les contrefacteurs contribuent également à la
dépravation des moeurs sociales, dans une société
déjà en proie à une crise de valeurs. N'importe qui, quel
que soit son âge, son statut social ou même son sexe, peut
s'acheter ces films pornographiques sans être inquiété. Un
tel libertinage constitue une véritable menace pour les mineurs qui sont
curieusement plus
friands de ces films. L'enjeu du marché
illégal des oeuvres musicales n'est donc pas seulement
économique, social ou juridique, mais également scientifique,
à long terme.
Toutefois, bien qu'il semble difficile de mettre fin
au marché illégal des oeuvres musicales, au regard de son
dynamisme, nous voulons tout de même soutenir avec ARNAUD (2007 :64) que,
« cette délinquance, l'une des plus lucratives et des moins
risquées dans les kleptocraties africaines, y représente
hélas l'essentiel de l'économie musicale, mais ce n'est pas une
fatalité ». La grande quantité de CD
écoulée par le marché illégal des oeuvres musicales
indique qu'il existe un marché local réel qui pourrait absorber
les produits authentiques de la production musicale, si seulement les individus
qui y interviennent prenaient en compte les exigences du contexte
socioculturel. Le mode de financement de la production musicale basée
plus sur les subventions et les sponsorings (privés), amènent
très généralement les producteurs, les éditeurs,
les distributeurs et les artistes musiciens, à oublier qu'un disque est
un produit de consommation.
En tant que produit de consommation, le disque est
adressé à des consommateurs. Loin de soutenir que le disque en
tant que oeuvre artistique doive répondre aux préférences
des consommateurs, nous voulons plutôt soutenir que les stratégies
de distribution devraient être réellement orientées vers la
conquête des consommateurs. La qualité des stratégies de
promotion et de distribution des oeuvres musicales au Cameroun, montre que le
domaine musical est encore géré par plus d'amateurs que de
professionnels. Les producteurs et les artistes musiciens, sont d'ailleurs et
généralement des individus qui brillent par une très
grande méconnaissance en matière de gestion des oeuvres
autistiques, et qui aiment à débiter dans les médias, le
nombre de concerts réalisés en Occident, comme si c'était
là le critère qui orientait le choix des consommateurs
camerounais en ce qui concerne la consommation des oeuvres
musicales.
En réalité, plusieurs des individus qui
interviennent dans le domaine musical, sont déconnectés de la
réalité sociale locale, et semblent d'ailleurs oeuvrer
plutôt pour la conquête du public occidental, prétextant
chaque fois qu'au Cameroun, l'artiste ne peut pas vivre de son art. Ce faisant,
ils négligent ainsi les consommateurs locaux qui constituent pourtant un
grand marché s'ils étaient pris en compte.
De ce qui précède, le dynamisme du
marché illégal des oeuvres musicales montre que seul un
véritable programme global de lutte contre la contrefaçon et la
piraterie des oeuvres musicales inscrit dans une politique culturelle
sérieuse, pourra permettre de lutter contre ce marché. Le
renforcement des moyens de lutte est une exigence pour l'atteinte
de
résultats efficaces. Dans une Note conceptuelle
publiée tout récemment, THUAL (2008) reconnaissait qu' «
à ce jour, il n'existe pas d'approche organisée et
systématique de lutte contre la contrefaçon et la piraterie en
Afrique, que ce soit au niveau national, régional ou continental.
»75. Par conséquent, la conjugaison indispensable
des efforts des différents acteurs identifiés est plus qu'une
nécessité pour soutenir sur tous les plans cette lutte. La
coopération avec les pays frontaliers pourra également être
renforcée, précisément par le contrôle et le partage
d'informations entre les services des Douanes, de Gendarmerie et de Police sur
la circulation des oeuvres contrefaites ou piratées. Le cadre des
commissions mixtes de coopération entre le Cameroun et les autres pays
voisins peut être mis à contribution.
De plus, on pourra envisager aussi la signature des
conventions de représentation réciproque avec les
sociétés de gestion collective des pays limitrophes. Cette
initiative, en plus de permettre aux auteurs camerounais de pouvoir disposer
des droits liés à l'exploitation de leurs oeuvres sur ces
territoires, faciliterait le contrôle de la contrefaçon et du
piratage des oeuvres des répertoires respectifs de ces pays.
Par ailleurs, la création des structures
économiques pour absorber les jeunes chômeurs pourrait être
une solution pouvant réduire considérablement le nombre
élevé de cette population jeune qui se retrouve actuellement dans
le marché illégal des oeuvres musicales, pour n'avoir pas
trouvé un emploi mieux que celui-là.
Enfin, il est important de prendre des mesures qui
consisteront à intéresser et à impliquer davantage les
pays de la zone Communauté des Etats de l'Afrique centrale (CEMAC) dans
la lutte contre le marché illégal des oeuvres musicales notamment
par un soutien pour la mise en oeuvre d'un plan régional de lutte contre
la contrefaçon et la piraterie, ainsi que la prise de dispositions
incitatives au sein de la CEMAC pour l'importation des matières
premières entrant dans le processus de duplication des
supports.
75 C'est à la
demande de la Facilité « Climat des Affaires ACP »,
en abrégé programme BizClim1, que cette note conceptuelle a
été rédigée. L'objectif Elle était
d'identifier des indicateurs permettant d'évaluer les efforts accomplis
et les progrès réalisés par les pays africains en
matière de lutte contre la contrefaçon et la piraterie. Elle
faisait également des propositions concrètes dans le but de
renforcer les capacités des pays africains à lutter contre la
contrefaçon et la piraterie sur le continent africain
CONCLUSION GENERALE
La perspective socio-économique
développée dans le cadre de cette étude s'inscrit dans un
« renouvellement paradigmatique »76 et
méthodologique. Le pluralisme paradigmatique et le pluralisme
méthodologique consacrent dans la réalisation de cette
étude, le règne de l'interdisciplinarité voire de la
transdisciplinarité, de plus en plus indispensable dans la
compréhension des réalités complexes. Loin de verser dans
un racolage conceptuel, théorique et méthodologique, cette
étude a tout d'abord consisté en une réaffirmation de
l'ambition risquée mais noble des sciences sociales d'avancer ensemble,
tout en se conformant aux exigences épistémologiques.
La problématique de l'encastrement social du
marché adoptée dans cette étude, est une
originalité dans la résolution du problème de
l'émergence des institutions marchandes illégales en
général et du marché illégal des oeuvres musicales
en particulier. Cette originalité ne tient pas qu'à la primeur de
cette étude, mais plus encore, à sa capacité à
produire des connaissances empiriques nouvelles dans la thématique de la
construction sociale des marchés illégaux du domaine artistique.
Partant des dispositions légales, des stratégies de lutte contre
la contrefaçon et la piraterie musicales, des représentations
sociales et de la rationalité économique qui animent le
marché illégal des oeuvres musicales, cette étude a pu
mettre en évidence la << cognition sociale
»77 et la « connaissance sociale
»78, nécessaires à la compréhension de
l'émergence de ce marché dans la Nouvelle économie. Cette
problématique de l'encastrement social du marché adoptée
dans un paradigme interactionniste, est une clé de lecture qui permet de
rejeter l'absolutisme culturel en Sociologie et l'économicisme en
Economie.
76 Ce «
renouvellement paradigmatique » s'inscrit dans la logique de la
problématique de l'économie plurielle, envisagée par AZNAR
(1997), ROUSTANG (1996) et l'OCDE (1996), et qui vise à défricher
d'autres voies de réflexion que celles émanant de la
réduction de l'économie de marché. Dans ce sens, nous nous
sommes appuyés dans le cadre de cette étude sur les composantes
venues de la Sociologie économique, concernant à la fois la
théorie de l'action et l'importance des cadres
institutionnels.
77 << Divers processus mentaux par lesquels les
individus qualifient la réalité et l'interprètent pour lui
donner un sens » (FISCHER, 1991 :55).
78 << Ensemble de mécanismes
sociocognitifs à travers lesquels les individus façonnent leurs
idées sur la réalité et modulent en conséquence
leurs conduites à partir des savoirs ainsi représentés
qu'elle leur fournit » (FISCHER, 1991 :55).
L'objectif de cette étude était de
comprendre le développement du marché illégal des oeuvres
musicales à travers une appréciation de la lutte contre la
contrefaçon des oeuvres musicales et une analyse de la dynamique
socio-économique de ce marché. Le risque qui menaçait une
telle étude était celui de « s'identifier à
l'acteur » (TOURAINE, 1974 :16) et de se perdre si nous étions
restés dans la philosophie sociale. Cependant, cet objectif n'aurait pu
être que peine perdue si nous n'avions pas reconnu que le marché
illégal des oeuvres musicales est un système capable de
créer ses propres orientations, d'agir sur soi, de se transformer, de se
produire en même temps que de se reproduire. A cet effet, l'atteinte de
cet objectif a consisté tout d'abord à analyser et à
évaluer la pertinence des dispositions légales et des
stratégies des acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales et ensuite à analyser et
à évaluer les mécanismes fonctionnels d'existence et de
résistance du marché illégal des oeuvres
musicales.
Dans un domaine comme celui en étude ici, qui
est déjà sujet à d'innombrables réflexions, la
fascination qu'exerce souvent son objet n'aide guère à construire
la distance critique nécessaire à toute démarche
scientifique. Une certaine dose de trivialité telle que introduite dans
la question de recherche a donc pu y aider. A cet effet la
dénégation de l'"économique" par les acteurs du
champ du marché illégal des oeuvres musicales justifie le
retournement paradigmatique de cette étude qui entendait
débusquer l'intérêt bien compris des conduites les plus
apparemment "trop intéressées" dans une tentative de
<< socioéconomie des oeuvres musicales ». Une sorte
de Socio-économie du "second degré" en d'autres termes,
qui va au-delà des espèces de la Science économique
conventionnelle et de la Sociologie classique.
De même, c'est le rôle reconnu d'une
Socio-économie que d'analyser les marchés non pas dans ce qu'ils
ont d'unique, d'irréductible, mais en les rapportant à leurs
contextes, social, représentationnel voire matériel. Cela a
consisté à établir la véritable pertinence des
dispositions légales et des stratégies de lutte contre la
contrefaçon et de mettre à jour les logiques d'action des acteurs
à l'oeuvre dans le marché illégal des oeuvres musicales,
soumis aux pesanteurs sociales.
Les différentes analyses menées
débouchent sur une découverte pertinente : le marché
illégal des oeuvres musicales peut être également
considéré comme un << interstice social
»79, au-delà de son caractère marchand et de
sa valeur sémantique. « L'interstice est
un espace de relations humaines qui, tout en
s'insérant plus ou moins harmonieusement et ouvertement dans le
système global, suggère d'autres possibilités
d'échanges que celles qui sont en vigueur dans ce système
>> (BOURRRICAUD, 2001 :17). Ce marché est un système
complexe, composé d'un << ensemble
hétérogène d'entités atomiques ou composites, dont
le comportement d'ensemble est le fruit du comportement individuel de ces
entités et de leurs interactions variées dans un environnement
lui-même actif >> (PARENTOEN et TISSEAU, 2005 :1). Ce
marché est caractérisé par la diversité, la
variété et l'hétérogénéité des
individus qui s'y trouvent. Ceux-ci entretiennent des relations complexes et
diverses. Ils échangent entre eux et avec l'extérieur duquel ils
reçoivent des matières, de l'énergie et des informations
qu'ils transforment au profit du système. La complexité de ce
marché implique également que chaque contrefacteur ne connait
qu'une partie de l'ensemble des informations et que c'est la cohabitation des
contrefacteurs, apportant chacun ses compétences locales, qui fait de ce
marché ce qu'il est. Ce marché est adaptatif et évolutif
de par l'action des acteurs qui mobilisent des logiques d'action de type
normatif et de ceux qui mobilisent des logiques d'action de type
déviationniste, mais aussi de par l'influence de l'environnement
juridique, social et économique.
Dans une dynamique d'adaptation et d'évolution,
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales
connait des phases d'équilibre ultra-stables qui ne configurent pas
seulement sa synchronie, mais plus encore son << homéostasie
>>80. Cette homéostasie est un ensemble de
processus qui agissent pour maintenir ce marché dans un état
stationnaire mais dynamique, malgré la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie musicales qui le menacent. C'est cette
capacité de ce marché à évoluer en dépassant
un stade de développement atteint sans se déstructurer qui fait
sa variabilité. Cette variabilité est rendue possible par le fait
que les éléments du marché illégal des oeuvres
musicales sont nettement différenciés et doués
d'autonomie, et donc à même de mettre ou non tout ou une partie de
leurs possibilités au service de ce marché, sans se
déstructurer eux-mêmes et sans altérer la structure
globale.
de l'économie capitaliste car soustraites à
la loi du profit : troc, ventes à pertes, production
autarciques).
80 CANNON (1932) qui le
premier a observé l'Homéostasie, l'a décrite en ces termes
: << les processus physiologiques qui maintiennent des états
stables dans l'organisme sont si complexes et si particuliers aux êtres
vivants que j'ai du suggérer une appellation spéciale pour ces
états : l'homéostasie. Ce mot n'indique pas quelque chose de fixe
et d'immobile, une stagnation. Il indique une condition qui peut varier ; mais
relativement constante >>.
Etant donné que les contrefacteurs
eux-mêmes sont autonomes et différenciés, ils peuvent
être considérés comme des sous systèmes dont
l'activité nécessite une coordination illégale et
informelle, mais réelle, et une organisation nécessaires pour
entretenir l'existence et la résistance du marché illégal
des oeuvres musicales. Ainsi, il existe une structuration (informelle) et une
hiérarchisation (non codifiée) de ces contrefacteurs, dont
certains doivent gérer et coordonner l'activité des autres et
leur propre activité : ce sont des sous-systèmes structurants (
les éditeurs et les distributeurs), et les autres sous-systèmes
qu'on pourrait appeler sous-systèmes structurés (fournisseurs et
vendeurs), qui sont à moitié autonomes, puisqu'ils sont
partiellement gérés et coordonnés pour le «
bon » fonctionnement de ce marché dans sa
globalité.
L'émergence du marché illégal des
oeuvres musicales est le résultat d'une agrégation d'actions,
d'attentes, d'aspirations et d'enjeux individuels. En mettant ensemble les
logiques d'action des acteurs (légaux et illégaux), nous avons
abouti à un effet collectif, un effet émergent qui pourrait
être positif ou négatif selon l'angle de lecture. Les pratiques de
la contrefaçon sont socialement construites mais construisent aussi le
social. Analyser ce marché en tant qu'activité
déterminée socialement et économiquement ne signifie
nullement qu'il se réduit à cela ! C'est pourquoi les
représentations ont été considérées comme
étant sociales, parce que le langage qui permettait leur expression
était symbolique et social, et parce qu'également, elles
utilisent des concepts propres au champ social. En nous intéressant
à l'environnement social et aux rapports de communication établis
entre les différentes catégories d'acteurs, et tenant compte des
fonctionnements psychologiques nécessaires à la participation de
chacun de ces acteurs à la dynamique socio-économique de
l'émergence du marché illégal des oeuvres musicales , il a
été possible de rendre évident le fait que ces acteurs
vivent dans un monde à la fois physique et symbolique, réel et
idéel, et que ce sont eux qui construisent les significations de leurs
actions et du monde à l'aide de symboles signifiants qu'ils
partagent.
L'obsolescence des lecteurs CD disponibles à
des prix très réduits va de pair avec l'obsolescence des produits
du marché illégal des oeuvres musicales. De même, la
modicité des prix de ces lecteurs va également de pair avec celle
des produits de ce marché. Plus il existera des lecteurs CD
conçus selon la théorie de l'obsolescence et à des prix
modiques, mieux se portera le marché illégal des oeuvres
musicales. Les produits de ce marché s'inscrivent très fortement
dans la théorie de l'obsolescence, et sont l'expression
d'une
réification à outrance des oeuvres
musicales. Le combat contre la contrefaçon et la piraterie musicales
semble perdu d'avance, puisque les prix des lecteurs CD continuent de connaitre
une décroissance irréversible, et qui semble
intrinsèquement liée à la vision de la Nouvelle
économie.
A la fin de cette étude, nous nous rendons
compte que la dynamique de l'émergence du marché illégal
des oeuvres musicales, remet en question la conception classique de l'Economie
de la culture et de la Sociologie de la musique. Il apparaît que dans le
contexte actuel, la prise en compte des réalités socioculturelles
s'impose comme une nécessité. L'Economie de la culture et la
Sociologie de la musique, méritent en définitive d'être
repenser en fonction des mutations que subit de plus en plus le marché
illégal des oeuvres musicales. Ainsi, toute conception
"déconstructionniste" parait aujourd'hui obsolète, voire
infertile, puisque le processus de réification de l'oeuvre musicale est
largement engagé dans la Nouvelle économie, amplifié de
plus en plus par des mécanismes encore plus puissants que ceux
généralement mis en exergue par les sciences sociales : la
marchandisation des oeuvres musicales participe désormais amplement
à cette évolution. C'est désormais cette
réalité qui s'impose d'elle-même, qui est devenue triviale
au moment où la Nouvelle économie augure de nouvelles formes de
sécularisation du marché des oeuvres artistiques en
général et musicales en particulier.
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la piraterie des oeuvres littéraires et artistiques au Burkina Faso
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WHITE H., 1981, << Where do Markets come From
? », American Journal of Sociology, 87 (3)
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4- Mémoires et Thèses :
ALLAIN M.-L., 2000, << Structures de
marché et réglementation : les fondements des rapports de force
entre producteurs et distributeurs », Thèse 3ième
Cycle, EHESS.
DUMANS M.-E., 1997, << Les Enjeux concurrentiels
d'Internet pour les marchés traditionnels », Thèse 3
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KOUOTOU M., 2007, << construction des liens
sociaux entre les commerçants du secteur informel et logiques sociales,
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Mémoire de Maitrise, Université de Douala.
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économiques dans le secteur informel : cas de la pharmacie de la rue
à Douala. », Mémoire de Maitrise, Université de
Douala.
METTELIN P., 1993, << L'Interprétation
théorique du milieu urbain africain. L'analyse
socio-économique des activités informelles », Thèse
3ième Cycle, Eudes
africaines, Université de Bordeaux.
TEDONGMO TEKO H., 2007, <<Enjeux
socio-économiques et formalisation de l'économie informelle dans
la Nouvelle économie : le cas des publiphones informels dans la Ville de
Douala. », Mémoire de Maitrise, Université de
Douala.
5- Webographie.
www.altavista.fr;
www.afd.fr;
www.cameroun-online.com;
www.cirrelt.ca.
www.dgic.be;
www.google.fr;
www.statistics-cameroun.org;
www.wikipedia.com;
www.mama.com;
www.revue-sociologie.fr.
6- Autres.
Emission << cartes sur table », STV,
08/07/2008.
Emission << Best of Actu », CANAL 2,
26/07/08, << Evolution de la fonction de l'oeuvre
».
Emission << l'Arène » du 19/10/2008,
<< La SOCAM et l'avenir du droit d'auteur », CANAL
2.
Emission: «7 Hebdo», 22/02/09, 12h, STV.
Emission: «Actu», 22/02/09, 12h, CANAL 2.
Journal « le Jour », Mardi 13 mai
2008,»Droit d'auteur: le Ministre de la culture retire
l'agrément de la CMC»
Journal de 20h, 24/09/2008, « La pornographie
sur le trottoir », CANAL 2.
Quotidien « Mutations », 8 mai 2008,
<< Cameroun : un guide de campagne pour Sam Mbendé
».
Quotidien << Cameroun Tribune », 15
octobre 2005, << Musique : quand la distribution dégamme
».
ANNEXES
ANNEXE 1
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES FOURNISSEURS
DES PRODUITS DU MARCHE ILLEGAL DES
OEUVRES MUSICALES
1- PERCEPTION ET SENS DU VECU DE L'ACTIVITE
1- Depuis quand exercez-vous en contact avec les
contrefacteurs et les pirates des CD ? (Relance : Délimiter le
mois et l'année).
2- pouvez-vous nous parler de votre début dans
cette activité ?
(Relance : Raisons du choix de
l'activité).
3- Que signifie pour vous participer au ravitaillement
des éditeurs des produits du marché illégal des oeuvres
musicales aujourd'hui ?
(Relance : Demander sa vision de son
activité, la place qu'il lui accorde).
4- Comment ce travail est-il vécu de
l'intérieur par vous qui l'accomplissez ? (Relance : Son opinion
en tant que fournisseur).
5- Quels sentiments vous procure votre travail
?
(Relance : Si trop évasif,
délimiter en proposant sa satisfaction/insatisfaction ? estime de
soi).
6- Selon vous, comment ceux qui savent que vous exercer
cette activité vous perçoivent-ils dans cette activité
?
7- Pouvez-vous nous dire comment s'effectuent les
transactions que vous faites avec les éditeurs ?
2- PRATIQUES ECONOMIQUES
8- Comment se font les décomptes journaliers
?
9-Qui sont vos clients ? (âge, sexe, lieu
d'habitation, statut social) 10-Quelles sont leurs motivations d'achat
?
11- Quelle est la nature de vos relations avec les
clients ?
(Relance : comment vos y prenez-vous pour
fidéliser les clients et quels avantages peuvent vous procurer ces
relations avec les clients ?).
12-Quelle appréciation vos clients ont-ils de vos
produits ? 13-Quand achètent-ils ? (période d'achat,
fréquence).
14- Combien gagnez-vous par mois et combien
dépensez-vous en moyenne par mois ?
15- Avez-vous d'autres projets économiques en
cours ?
(Relance : Comptez-vous en restez là ?
sinon, qu'envisager-vous d'autres alors, Quel lien faites-vous avec votre
activité actuelle ?
III- IDENTIFICATIONS SOCIOLOGIQUES
- Age
- Sexe
- Statut matrimonial
- Nombre de personne à charge - Nombre
d'enfants
ANNEXE 2
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES EDITEURS
DES PRODUITS DU MARCHE ILLEGAL DES
OEUVRES MUSICALES.
1- PERCEPTION ET SENS DU VECU DE L'ACTIVITE
1. Depuis quand exercez-vous l'activité
d'édition des CD, des VCD et des DVD? (Relance : Délimiter
le mois et l'année).
2. En quoi consiste votre activité ?
3. pouvez-vous nous parler de votre début dans
cette activité ?
(Relance : Raisons du choix de
l'activité).
4. Que signifie pour vous éditer des produits du
marché illégal des oeuvres musicales aujourd'hui ?
(Relance : Demander sa vision de son
activité, la place qu'il lui accorde).
5. Comment ce travail est-il vécu de
l'intérieur par vous qui l'accomplissez ? (Relance : Son opinion
en tant qu'éditeur).
6. Quels sentiments vous procure votre travail
?
(Relance : Si trop évasif,
délimiter en proposant sa satisfaction/insatisfaction ? estime de
soi).
7. Selon vous, comment ceux qui savent que vous exercer
cette activité vous perçoivent-ils dans cette activité
?
8. Pouvez-vous nous dire comment s'effectuent les
transactions que vous faites avec les éditeurs et les
distributeurs?
(Relance : comment la vivez-vous ? Quelles
difficultés rencontrez-vous, Quelles dispositions prenez-vous pour faire
face ?
2- PRATIQUES ECONOMIQUES
9- Comment se font les décomptes journaliers et
comment gérer-vous les commandes ?
10- Qui sont vos clients ? (âge, sexe, lieu
d'habitation, statut social)
11-Quelles sont leurs motivations d'achat ?
12- Quelle est la nature de vos relations avec les
clients ?
(Relance : comment vos y prenez-vous pour
fidéliser les clients et quels avantages peuvent vous procurer ces
relations avec les clients ?).
13-Quelle appréciation vos clients ont-ils de vos
produits ? 14-Quand achètent-ils ? (période d'achat,
fréquence).
15-Combien de CD avez-vous édité en 2004,
en 2005, en 2006, en 2007 et en
2008 ?
16- Combien cette activité vous rapporte-t-elle
par mois ?
17- Avez-vous d'autres projets économiques en
cours ?
(Relance : Comptez-vous en restez là ?
sinon, qu'envisager-vous d'autres alors, Quel lien faites-vous avec votre
activité actuelle ?
III- IDENTIFICATIONS SOCIOLOGIQUES
- Age
- Sexe
- Statut matrimonial
- Nombre de personne à charge - Nombre
d'enfants
ANNEXE 3
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES DISTRIBUTEURS
DES PRODUITS DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES
:
1- PERCEPTION ET SENS DU VECU DE L'ACTIVITE
1. Depuis quand exercez-vous l'activité de
distribution des CD, des VCD et des DVD?
2. (Relance : Délimiter le mois et
l'année).
3. Plus concrètement, en quoi consiste votre
activité ?
4. pouvez-vous nous parler de votre début dans
cette activité ?
5. (Relance : Raisons du choix de
l'activité).
6. Que signifie pour vous distribuer des produits du
marché illégal des oeuvres
musicales aujourd'hui ?
7. (Relance : Demander sa vision de son
activité, la place qu'il lui accorde).
8. Comment ce travail est-il vécu de
l'intérieur par vous qui l'accomplissez ?
9. (Relance : Son opinion en tant
qu'éditeur).
10. Quels sentiments vous procure votre travail
?
11. (Relance : Si trop évasif,
délimiter en proposant sa satisfaction/insatisfaction ? estime de
soi).
12. Selon vous, comment ceux qui savent que vous exercer
cette activité vous perçoivent-ils dans cette activité
?
13. Pouvez-vous nous dire comment s'effectuent les
transactions que vous faites avec les éditeurs et les
vendeurs?
14. (Relance : comment la vivez-vous ? Quelles
difficultés rencontrez-vous, Quelles dispositions prenez-vous pour faire
face ?
2- PRATIQUES ECONOMIQUES
15. Comment se font les décomptes journaliers et
comment gérer-vous les commandes ?
16. Qui sont les vendeurs que vous employez ?
(âge, sexe, lieu d'habitation, statut social)
17. Comment s'effectue le recrutement?
18. Quelle est la nature de vos relations avec les
vendeurs ?
19. (Relance : comment vos y prenez-vous pour
fidéliser les vendeurs et quels avantages peuvent vous procurer ces
relations avec les vendeurs ?).
20. Quelle appréciation vos vendeurs ont-ils de
vos produits ?
21. Quand vendent-ils le plus ? (période de
vente, fréquence).
22. Combien cette activité vous rapporte-t-elle
par mois ?
23. Avez-vous d'autres projets économiques en
cours ?
24. (Relance : Comptez-vous en restez là ?
sinon, qu'envisager-vous d'autres alors, Quel lien faites-vous avec votre
activité actuelle ?
III- IDENTIFICATIONS SOCIOLOGIQUES
- Age
- Sexe
- Statut matrimonial
- Nombre de personne à charge - Nombre
d'enfants
- Niveau d'instruction
- Localisation
ANNEXE 4
GUIDE D'ENTRETIEN AVEC LES VENDEURS
DES PRODUITS DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES
:
1- PERCEPTION ET SENS DU VECU DE L'ACTIVITE
1- Depuis quand exercez-vous cette activité
?
(Relance : Délimiter le mois et
l'année).
2- pouvez-vous nous parler de votre début dans
cette activité ? (Relance : Raisons du choix de
l'activité, origine du capital de départ).
3- Que signifie pour vous travailler comme vendeurs
des produits du marché illégal des oeuvres musicales aujourd'hui
? (Relance : Demander sa vision de son activité, la place qu'il
lui accorde).
4- Comment ce travail est-il vécu de
l'intérieur par vous qui l'accomplissez ? (Relance : Son opinion
en tant que vendeur).
5- Quels sentiments vous procure votre travail
?
(Relance : Si trop évasif,
délimiter en proposant sa satisfaction/insatisfaction ? estime de
soi).
6- Estimez-vous qu'on puisse dire que vous êtes un
travailleur comme tout le monde ? (Relance : Ejection
permanente).
7- Selon vous, comment ceux qui sont à
l'intérieur vous perçoivent dans cette activité
?
8- Pouvez-vous nous décrire une de vos
journées de travail ?
(Relance : comment la vivez-vous ? Quelles
difficultés rencontrez-vous, Quelles dispositions prenez-vous pour faire
face ?
2- PRATIQUES ECONOMIQUES
9- Vous a-t-on imposé un taux de versement
quotidien ?
(Relance : Demander comment se font les
décomptes journaliers).
10-Qui sont vos clients ? (âge, sexe, lieu
d'habitation, statut social) 11-Quelles sont leurs motivations d'achat
?
12- Quelle est la nature de vos relations avec les
clients ?
(Relance : comment vos y prenez-vous pour
fidéliser les clients et quels avantages peuvent vous procurer ces
relations avec les clients ?).
13-Quelle appréciation vos clients ont-ils de vos
produits ? 14-Quand achètent-ils ? (période d'achat,
fréquence).
15- Combien gagnez-vous par mois et combien
dépensez-vous en moyenne par mois ?
16- Avez-vous d'autres projets économiques en
cours ?
(Relance : Comptez-vous en restez là ?
sinon, qu'envisager-vous d'autres alors, Quel lien faites-vous avec votre
activité actuelle ?
III- IDENTIFICATIONS SOCIOLOGIQUES
- Age
- Sexe
- Statut matrimonial
- Nombre de personne à charge - Nombre
d'enfants
- Niveau d'instruction
- Localisation
ANNEXE 5
PRESENTATION SOMMAIRE DE LA
CMC81
Dénomination: CAMEROON MUSIC
CORPORATION
Sigle usuel : CMC
Siège social : B.P. 2312 Yaoundé,
(derrière usine Bastos) République du Cameroun
Statut juridique : Société Civile
régie par la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au
droit d'auteur et aux droits voisins.
Agrément du MINCULT : Agrément aux fins de
la gestion collective du droit d'auteur et droits voisins dans la
Catégorie B : art musical du 15 septembre 2003.
Date de création : le 03 Septembre
2003
Objet : la CMC a pour objet : l'exercice et
l'administration, dans tous le pays, de tous les droits relatifs à
l'exécution publique, la représentation publique, ou la
reproduction mécanique, et notamment la perception et la
répartition des redevances provenant de l'exercice desdits droits ; une
action de prévoyance, de solidarité et d'entraide par la
constitution et le versement de prestations dans le cadre des oeuvres sociales
; une action culturelle, par la mise en oeuvre de moyens techniques et
budgétaires propres à valoriser le répertoire social,
à susciter la création musicale et à en assurer la
promotion auprès du public ; d'une façon générale,
la défense des intérêts matériels et moraux de ses
membres ou de leurs ayants droits, en vue et dans la limite de l'objet social,
ainsi que la détermination de règles de morale professionnelle en
rapport avec l'activité de ses membres.
81 Source Rapport du Cabinet
BEKOLO & Partners, 2005.
ANNEXE 6 :
Catégories thématiques
|
Description
|
Exemple
|
Solution au chômage.
|
Le marché illégal des oeuvres
musicales permet aux chômeurs d'avoir un emploi.
|
« ce que je fais me permet de me sentir
utile, de travailler véritablement ».
|
Echec de l'Etat.
|
Le développemnt du
marché illégal des oeuvres musicales montre que l'Etat a
échoué.
|
« Si l'Etat faisait bien son travail en
donnant l'emploi aux jeunes, je ne serais pas en train de faire ce
travail ».
|
Appauvrissement des artistes.
|
Le marché illégal des oevres musicales
appauvrit les artistes musiciens.
|
« Même si je trouve mon compte dans
ce que je fais, je dois quand même reconnaitre que ce que je fais
ne permet pas aux musiciens de vivre de la musique, mais on va
faire comment ? ».
|
Activité à encourager.
|
Le marché illégal des oeuvres
musicales mérite d'ètre encouragé.
|
« Quand je vois les risques que je cours
chaque jour, je me rends compte que je suis très courageux, et
qu'on doit arrèter de nous déranger , et nous encoucarager
plutôt, parce que grâce à nous, il ya
plusieurs musiciens qui sont connus par les consommateurs
».
|
Complicité des forces de l'ordre.
|
Le marché illégal des oeuvres
musicales existe grâce à la complicité des forces de
l'ordre.
|
« Je sais que mue même si on
m'arrète, je vais sortir de la prison. Il suffit que je donne quelque
chose aux policiers ».
|
Tableau 22 : Description et exemple d'un
énoncé et de quelques catégories
thématiques.
TABLE DES MATIERES
Pages :
SOMMAIRE 2
DEDICACE ....3
REMERCIEMENTS ..4
LISTE DES TABLEAUX ET DES ILLUSTRATIONS .5
LISTE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS 6
RESUME .....9
ABSTRACT 10
INTRODUCTION GENERALE .....11
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE DE
L'ETUDE .16
Introduction de la première partie 16
CHAPITRE 1 : REVUE DE LA LITTERATURE ET SPECIFICATION DE
LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE 17
1-1- Définition des concepts 17
1-2- Revue de la littérature ....24
1-3- Problématique 29
CHAPITRE 2 : CADRE THEORIQUE DE L'ETUDE ...39
2-1-Le changement social 39
2-2-Perspective théorique 43
CHAPITRE 3 : PRESENTATION ET JUSTIFICATION DU CHOIX DE
LA METHODOLOGIE DE L'ETUDE 49
3-1-Objectifs de l'étude 49
3-1-1- Objectif général 49
3-1-2- Objectifs spécifiques 49
3-2- Hypothèses de l'étude 49
3-2-1- Hypothèse générale
.49
3-2-2- Hypothèses spécifiques
.50
3-3-Modèle d'analyse .....50
3-4-Approche méthodologique 56
3-4-1-La Documentation .57
3-4-1-1-La documentation écrite
|
....57
|
3-4-1-2-La documentation orale
|
.58
|
3-4-2-L'observation
|
58
|
3-4-2-1-La pré-enquête
|
58
|
3-4-2-2-Le choix de la population d'étude
|
.58
|
3-4-2-3-L'échantillonnage
|
59
|
3-4-3-La collecte des données
|
60
|
3-4-3-1-Les instruments de recherche
|
60
|
3-4-3-2-Les techniques de recherche
|
60
|
3-4-3-2-1-Les entretiens
|
.....60
|
3-4-3-2-2-La réalisation des entretiens
|
61
|
3-4-4-Traitement et analyse des données
|
61
|
3-4-4-1-Le dépouillement du guide d'entretien .
|
61
|
3-4-4-2-L'analyse des données
|
61
|
3-5-Délimitation du domaine d'étude
|
....62
|
3-6-Difficultés rencontrées
|
63
|
3-7-Intérêt de l'étude
|
64
|
Conclusion de la première partie
|
66
|
DEUXIEME PARTIE : ELABORATION DES ELEMENTS
EMPIRICO-
|
|
CONTEXTUELS ET PRATIQUES SUR LE TERRAIN DE
|
|
L'ETUDE
|
67
|
Introduction de la deuxième partie
|
67
|
CHAPITRE 4 : PRESENTATION DU MILIEU D'ETUDE ET ANALYSE
DU
CONTEXTE DE LA NOUVELLE ECONOMIE
|
.68
|
4-1-Présentation de la zone d'étude
|
68
|
4-1-1-Etude morphologique
|
68
|
4-1-1-1- Dimension géographique
|
68
|
4-1-1-1-1- Localisation
|
68
|
4-1-1-1-2- Climat et relief
|
68
|
4-1-1-1-3- Ressources foncières
|
69
|
4-1-1-2- Dimension historique
|
69
|
4-1-1-3- Dimension démographique
|
69
|
4-1-1-4- Dimension administrative
|
70
|
4-1-2- Étude sectorielle
|
70
|
4-1-2-1- L'économie
|
70
|
4-1-2-1-1- Le secteur primaire
|
...70
|
4-1-2-1-2- Le secteur secondaire
|
71
|
4-1-2-1-3- Le travail
|
. .71
|
4-2- Analyse du contexte de la Nouvelle économie
|
73
|
4-2-1-La Nouvelle économie
|
..73
|
4-2-2- les caractéristiques de la Nouvelle
économie
|
76
|
4-2-2-1-Au niveau structurel
|
76
|
4-2-2-2- Au niveau stratégique
|
77
|
4-2-3- Les enjeux de la Nouvelle économie
à travers les TIC
|
78
|
4-2-4- La musique en ligne et ses enjeux
|
.79
|
CHAPITRE 5 : MESURES LEGALES ET STRATEGIES D'ACTION DE
LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON ET LA PIRATERIE MUSICALES 81
5-1- Les dispositions légales d'organisation et de
gestion des oeuvres musicales au Cameroun .82
5-1-1- Le droit d'auteur 82
5-1-2-Les droits voisins 85
5-1-3- Les procédures de coercition en cas de
violation du droit d'auteur et des droits voisins 86
5-1-3-1- la qualification du délit 86
5-1-3-2- Les sanctions 89
5-1-4- La pertinence des dispositions légales
d'organisation et de gestion des oeuvres musicales 90
5-2- les acteurs engagés dans la lutte contre la
contrefaçon et la piraterie des oeuvres
musicales
|
93
|
5-2-1- le Ministère de la culture
|
93
|
5-2-1-1-Les mesures
|
93
|
5-2-1-2- Les stratégies
|
. .93
|
5-2-2- Les organismes de gestion collective
|
94
|
5-2-3- Le comité musical de lutte contre la
piraterie (CMLCP)
|
96
|
5-3-La pertinence des stratégies des acteurs
engagés dans la lutte contre la contrefaçon et la piraterie des
oeuvres musicales 99
CHAPITRE 6 : MECANISMES FONCTIONNELS D'EXISTENCE ET
DE RESISTANCE DU MARCHE ILLEGAL DES OEUVRES MUSICALES 101
6-1- les contrefacteurs 102
6-1-1-Les fournisseurs 105
6-1-2- Les éditeurs ..107
6-1-3- Les distributeurs
|
..109
|
6-1-4- Les vendeurs
|
..111
|
Analyse des dynamiques identitaires
|
...114
|
6-2-L'économie du marché illégal des
oeuvres musicales
|
117
|
6-2-1- Le couple produit-marché
|
117
|
6-2-1-1-La segmentation stratégique
|
118
|
6-2-1-2- La formation des prix
|
118
|
6-2-2-Le mécanisme de l'offre
|
120
|
6-2-2-1-Les coûts de production
|
.120
|
6-2-2-2-L'évolution des ventes
|
..123
|
6-2-2-3- Le positionnement
|
..128
|
6-2-3- Le mécanisme de la demande
|
129
|
6-2-3-1- La clientèle
|
.129
|
6-2-3-2- La distribution
|
.131
|
6-3-Fonctions du marché illégal des oeuvres
musicales
|
.133
|
6-3-1- Fonction urbaine
|
..133
|
6-3-2- Fonction sociale et économique
|
136
|
Conclusion de la deuxième partie
|
143
|
LIMITES ET RECOMMANDATIONS
|
144
|
CONCLUSION GENERALE
|
....149
|
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
|
154
|
ANNEXES
|
168
|
1. Guide d'entretien avec les fournisseurs des produits
du marché illégal des oeuvres musicales 168
2. Guide d'entretien avec les éditeurs des
produits du marché illégal des oeuvres musicales
.170
3. Guide d'entretien avec les distributeurs des produits
du marché illégal des oeuvres musicales 172
4. Guide d'entretien avec les vendeurs des produits du
marché illégal des oeuvres
musicales 174
5. Présentation sommaire de la CMC
176
6. Description et exemple d'un énoncé de
quelques catégories thématiques 178
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