CHAPITRE IV : DISCUSSION
L'étude de la distribution des espèces
végétales au sein des fragments forestiers, des jachères
et des plantations de cacaoyers a fait ressortir 387 espèces dans notre
zone d'étude. Il y a 5 ans, l'OIBT (2004) évaluait la flore de la
même zone à 367 espèces, soit une marge de 20
espèces. La présence des espèces caractéristiques
des zones forestières : Triplochiton scleroxylon, Mansonia
altissima et des zones de savane : Borassus aethiopum et
Imperata cylindrica (DEVINEAU, 1984) dans les milieux anthropisés
et dans les fragments forestiers, justifie la situation à cheval du
Département d'Oumé sur la zone forestière et la zone
savanicole. Les fragments forestiers sont dominés par les Rubiaceae,
tandis que les plantations et les jachères montrent une flore plus
représentée en Euphorbiaceae. Le nombre d'espèces des
Euphorbiaceae devient de plus en plus important dans les plantations au fur et
à mesure que celles-ci vieillissent. Cette observation est conforme
à celle de VROH BI (2008) dans les plantations de bananier dans la
région de Dabou. Ces résultats montrent que les Euphorbiaceae
s'adaptent le plus aux milieux anthropisés.
Dans le Département d'Oumé tout comme à
Monogaga dans le Département de SanPédro (ADOU YAO et N'GUESSAN,
2006) et à Lamto (KOULIBALY, 2008), les paysans dans les
premières années de plantation, laissent un nombre important
d'arbustes de 10 à 40 cm de circonférence après le
défrichement de la forêt. C'est ce qui traduit le nombre
élevé d'espèces dans les plantations très jeunes de
1an. Les paysans appliquent cette technique culturale pour protéger les
jeunes plants de cacaoyers contre les rayonnements solaires.
Dans les plantations de Lamto, le nombre des espèces
augmente de la première à la troisième année de
plantation puis se stabilise (KOULIBALY, 2008). Cette observation est contraire
aux plantations d'Oumé où le nombre d'espèces diminue de
la première à la cinquième année. Cela est dû
à un entretien régulier des plantations et à une
intensification des pieds de cacaoyers.
L'influence de la cacaoculture se ressent le plus dans les
plantations âgées où nous constatons une diminution du
nombre d'espèces ligneuses à partir de la sixième
année de plantation. Cela s'explique par la coupe de certaines
espèces naturelles dans le but de réduire la compétition
nutritionnelle avec les cacaoyers et augmenter la production de leurs
plantations. Les paysans ne protègent que les espèces naturelles
à vertus alimentaires : Spondias mombin, Ricinodendron
heudelotii, Irvingia gabonensis et médicinales :
Alstonia boonei, Rauvolfia vomitoria, Morinda
lucida. Cette pratique agricole est totalement opposée à
celle employée au Cameroun où les paysans maintiennent les
cacaoyers sous des ligneux dans
toutes les classes d'âge de plantation (SONWA et
al., 2000). L'absence des activités humaines dans les
jachères favorise l'augmentation progressive du nombre des
espèces.
Les types biologiques nous ont permis de constater la
dégradation des fragments de forêt et des milieux
anthropisés à travers la dominance des microphanérophytes
arbustifs dans les fragments de forêt, les jachères et les
plantations. KOKOU et CABALLE (2002 ; 2005) ont fait la même observation
dans les îlots forestiers et les jachères au Togo. L'étude
de la structure verticale et horizontale de la végétation de ces
milieux confirme leur perturbation. La strate des fragments de forêt est
constituée principalement d'arbrisseaux et d'arbustes de petites
circonférences, ce qui entraîne une basse strate fermée.
Cette observation est contraire aux forêts tropicales avec une basse
strate dégagée (BAMBA, 2004). Les forts recouvrements de la basse
strate des fragments forestiers du Département d'Oumé traduisent
une dégradation sous l'influence des actions humaines. La même
configuration structurale s'observe dans les jachères dominées
par les arbustes et les petits arbres, traduisant un peuplement perturbé
en pleine reconstitution. Contrairement aux fragments forestiers et aux
jachères, et à l'exception des plantations de 1 à 5 ans,
l'activité agricole fait son effet sur la flore naturelle dans les
plantations jeunes et âgées de 6 à 40 ans. Il n'existe
pratiquement pas d'espèces ligneuses dans ces plantations.
L'analyse de correspondance et la classification ascendante
nous ont permis de constater une différence entre la composition
floristique des fragments forestiers et les milieux sous influence agricole qui
sont les plantations âgées et les jachères. La composition
floristique des plantations de 1 à 5 ans est presque similaire aux
fragments de forêt ; cela indique une conservation de
l'écosystème forestier dans les premières années de
plantation. Par contre cet écosystème est plus
dégradé dans les plantations de 6 à 20 ans.
Au niveau de la régénération, nous
observons la perturbation des fragments forestiers où la recolonisation
est très importante, dominée par les espèces de
lumière telles que Nesogordonia papaverifera, Antiaris
toxicaria var. africana, Albizia adianthifolia. Les
jachères ayant pendant longtemps subies les effets de l'agriculture,
favorisent l'implantation des espèces de forêt secondaire du type
semi-décidue dont les plus abondantes sont Antiaris toxicaria
var. africana et Mallotus oppositifolius avec une
fréquence de 100 p.c. La régénération
amorcée dans les plantations de 1 à 5 ans est très
tôt freinée dans les plantations de 6 à 40 ans sous
l'influence des actions mécaniques des paysans (coupes,
déracinements) plus accentuées et de la fermeture de la
canopée des cacaoyers.
Pour échapper à la destruction de leurs
plantations par les exploitants forestiers, les paysans empêchent la
régénération des espèces d'exploitations
forestières, telles que
Nesogordonia papaverifera et Mansonia
altissima. Cela entraîne l'absence de ces espèces dans les
milieux post-culturaux.
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