INTRODUCTION
Pour les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest, la zone
côtière représente un espace de développement
d'importance stratégique. C'est là en effet que sont
situées les principales agglomérations urbaines et où
vivent près de 60 % des habitants des pays côtiers de l'Afrique de
l'Ouest (PRCM, 2004).
A l'instar de celles des autres pays côtiers d'Afrique
de l'Ouest, la côte mauritanienne a connu un accroissement
considérable de sa population. Avant les années 50, le littoral
mauritanien était quasiment inhabité : la majeure partie de la
population du pays était constituée de nomades, vivant à
l'intérieur des terres ; les agriculteurs étaient
concentrés le long du fleuve Sénégal au sud. Cette
répartition ancienne des populations s'est modifiée à
partir des années 1960 et 1970, suite à une série de
sécheresses qui a rendu difficile la subsistance nomade et a
accentué les phénomènes d'exode rural.
Aujourd'hui, plus du tiers de la population mauritanienne vit
le long de la zone côtière. Les densités sont
particulièrement importantes dans la capitale Nouakchott qui à
elle seule, représente près du quart de la population du pays
(ONS, 2000). Nouakchott concentre également l'essentiel des
activités économiques.
La zone côtière de Nouakchott est le lieu du
développement des secteurs clés : transport, énergie et
pêche. Elle abrite trois sites portuaires importants qui constituent des
pôles d'attraction pour la population. La découverte
récente du pétrole offshore a aussi entraîné la mise
en place d'importantes installations et équipements et
créé de nombreux emplois. Le littoral concentre aussi
d'importantes activités économiques parmi lesquelles la
péche, l'extraction de matériaux de construction et l'extraction
de sel.
Par ailleurs, la ville de Nouakchott est située
à l'extrémité occidentale d'un ensemble dunaire
continental. Ces dunes constituent une des contraintes environnementales
majeures à l'expansion de la ville vers l'Est. Aussi, l'extension de la
ville s'est-elle orientée davantage vers l'ouest, sur la côte de
la mer. A cet égard les quartiers les plus peuplés de Nouakchott
jouxtent la frange côtière.
L'occupation du sol dans la zone côtière de
Nouakchott, comme dans la plupart des pays africains, s'est faite d'une
manière anarchique, entraînant ainsi des problèmes spatiaux
et environnementaux aigus. Parmi ces problèmes on note :
- le développement des quartiers spontanés
(bidonvilles) sur une zone impropre à l'habitat (dépression
salée ou sebkha) ; l'assainissement de ces quartiers serait une
entreprise difficile à mener, de même que leur approvisionnement
en eau potable et en électricité ;
- les inondations en cas de fortes pluies ou de remontée
de la nappe phréatique ;
- la pollution de la nappe phréatique et des eaux de
mer : les rejets des ordures présentent des risques élevés
de contamination des nappes proches, dans les zones basses de la sebkha et des
eaux marines ;
- la dégradation des ressources naturelles ;
- l'érosion, qui est au-delà des
phénomènes marins, en rapport avec une occupation du Domaine
Public Maritime, occupation faite de constructions mal localisées,
à une surexploitation du sable des dunes et à une
dégradation de la couverture végétale (Ba A. D., 1991).
C'est dans ce contexte d'occupation anarchique du sol et de
pressions considérables sur l'écosystème que la
planification des activités sur la frange littorale devient urgente.
Aujourd'hui, un Plan Directeur d'Aménagement du Littoral Mauritanien est
en cours d'élaboration et un observatoire du littoral a
été mis en place pour mieux résoudre les
problèmes.
Dans le méme ordre d'idées, on peut noter qu'il
y a d'ailleurs plusieurs travaux entrepris au niveau national, parmi lesquels
on peut citer :
- une étude de l'environnement aux abords de Nouakchott
menée par le bureau d'étude Saint M. P. et IRC. Cette
étude pose la problématique de la vulnérabilité de
la ville de Nouakchott liée à la fragilisation du cordon littoral
;
- le Schéma Directeur d'Aménagement Urbain de
Nouakchott qui a été réalisé par l'Agence de
Développement Urbain. Ce plan se révèle d'une importance
capitale dans la planification du littoral et fournit un cadre de
référence pour le développement futur de la ville de
Nouakchott pour les horizons 2010 et 2020.
Ces initiatives sont toutes intéressantes et soulignent
le rôle fondamental de la recherche et de la collecte de données
de base dans le processus d'une gestion durable des espaces littoraux.
Néanmoins, le point faible de ces travaux est l'insuffisance de l'etat
d'analyse de la dynamique de l'évolution spatiale et temporelle de
l'occupation du sol, ainsi qu'une réflexion sur la perspective de
développement de la ville de Nouakchott et des régions
côtières du littoral de Mauritanie.
Le but de cette étude est de contribuer à la
documentation de cette dynamique spatiotemporelle de la ville de Nouakchott,
particulièrement la zone de sebkha, en utilisant les outils de la
géomatique et de la recherche sociologique.
Les principales questions que nous nous sommes posées
sont les suivantes : comment l'occupation du sol a-t-elle évolué
durant ces dernières décennies ? Quels sont les problèmes
environnementaux et socio-économiques rencontrés au cours de
cette évolution ? Quels sont les facteurs explicatifs de l'occupation du
sol ?
L'objectif principal de ce travail est de comprendre les
changements de l'occupation du sol et les interactions entre les
sociétés humaines et leur environnement sur la côte de
Nouakchott, compte tenu du développement des activités
économiques de cet espace côtier. Les objectifs spécifiques
sont les suivants :
> retracer l'évolution spatio-temporelle de
l'occupation du sol sur la côte de Nouakchott de 1980 à 2002 ;
> identifier les problèmes environnementaux et
socio-économiques qui découlent de cette occupation ;
> identifier les facteurs associés à
l'occupation du sol de la zone.
Au terme de nos recherches, nous avons analysé et
présenté les résultats à travers la structure
suivante :
- la première partie est consacrée à la
présentation de la méthodologie et à la description des
caractéristiques générales, physiques et humaines de la
zone d'étude ;
- la deuxième partie porte sur l'évolution de
l'occupation du sol de la dépression salée de Nouakchott. Dans
cette partie, sont abordés les facteurs et les problèmes
environnementaux associés à cette occupation.
PREMIERE PARTIE : CADRE DE L'ETUDE
1. CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
Le cadre conceptuel et méthodologique a pour objet de
présenter et de discuter les principaux concepts, les variables
d'analyse, les méthodes et techniques de collecte utilisées dans
cette recherche.
1.1. Cadre conceptuel
Au cours de cette étude, le mot Sebkha sera largement
utilisé. Mais nous signalons la différence entre Sebkha
désignant un des arrondissements de la capitale et sebkha qui est une
unité géomorphologique, un terme géographique d'origine
arabe qui signifie une dépression salée1. Cette
dernière est utilisée pour désigner la zone que nous avons
choisie comme objet d'étude et qui englobe trois arrondissements de la
ville de Nouakchott : Tevragh Zeina, Sebkha et El Mina (carte 1).
Nous développons l'idée que l'évolution
de l'occupation du sol de la sebkha est repérable à travers
l'étude de deux domaines d'analyse que sont l'exploitation des
ressources naturelles et l'occupation de l'espace ; comme nous tentons de le
présenter dans le diagramme de la figure 1.
Figure 1 : Diagramme conceptuel de l'occupation du sol
OCCUPATION/UTILISATION DU SOL
Occupation de l'espace
Utilisation de l'espace / Exploitation des
RN
Halieutique
|
|
Carrières
|
|
Sel
|
|
Habitat
|
|
Infrastructures
|
|
Dépôt d'ordures
|
Le diagramme présente les différents domaines
qui sont respectivement abordés dans notre analyse de l'utilisation de
l'espace et de l'exploitation des ressources naturelles et dans celle de
l'occupation de l'espace :
- l'occupation de l'espace : il s'agit de l'espace qui
sert de cadre de vie et d'activités aux hommes ; il est constitué
par l'habitat, les infrastructures et les sites de dépôt de
déchets ;
1 A la suite de nombreux autres auteurs, Helley E.
(2005) définit la sebkha comme une dépression fermée dans
les régions désertiques. De taille variable, elle est
submergée par l'eau salée en saison des pluies,
desséchée et couverte d'efflorescences salines en saison
sèche.
- l'utilisation de l'espace et l'exploitation des
ressources naturelles : Il s'agit des activités humaines
déployées dans un espace déterminé et de la
pression humaine sur les ressources naturelles. Il est question ici de
l'exploitation des ressources halieutiques, des sables de dunes du littoral,
des coquillages et du sel.
Pour analyser les facteurs associés à cette
occupation, nous partons de l'idée que l'occupation de la sebkha peut
être liée à des facteurs exogènes et à des
facteurs endogènes (figure 2).
Figure 2 : Diagramme conceptuel des facteurs associés
à l'occupation du sol
FACTEURS ASSOCIES A L'OCCUPATION DU SOL
Sécheresse
Disponibilité de l'espace
Facteurs exogènes
Facteurs endogènes
Pauvreté de la zone rurale
|
|
|
Crise agropastorale
|
|
Disponibilité des RN
Infrastructures de développement
Dans le contexte de l'étude, les facteurs
exogènes sont : la sécheresse, la crise agropastorale et son
corollaire que constitue la pauvreté des zones rurales. Theunynck S. et
Widmer N. (1987) écrivent dans ce sens :
«La capacité d'accueil du milieu naturel est
saturée : on estime, sur la base des systèmes d'agriculture et
d'élevage traditionnel, que la population supportable par le milieu
rural ne dépasse probablement pas un million d'habitants. Or, la
population rurale de la Mauritanie a déjà dépassé
ce chiffre depuis 1970. La poursuite de la croissance de cette dernière,
au rythme de 1% par an, compromet les maigres possibilités de
restauration des équilibres naturels, même si les conditions
climatiques redevenaient favorables. Ces facteurs expliquent les mouvements de
migration des populations qui quittent l'intérieur du pays pour aller
vers les agglomérations urbaines». p14
Par facteurs endogènes nous entendons, la richesse,
relative de la zone côtière, en ressources naturelles, la
disponibilité de l'espace, les objectifs et politiques de
développement qui visent une concentration des activités
économiques sur la côte. Ces facteurs expliqueraient l'appel des
populations vers les zones côtières, en particulier Nouakchott.
Dans cette analyse, les influences anthropiques et naturelles
sont souvent difficilement séparables : elles sont fortement
imbriquées dans le temps et dans l'espace. Pour nous, il s'agira aussi,
d'appréhender l'articulation entre l'échelle locale et le niveau
national et à chaque fois, de tenir compte des facteurs
socio-économiques et écologiques dans l'analyse de la dynamique
de l'occupation du sol.
1.2. Méthodologie
Ce travail a surtout utilisé les techniques et
méthodes qualitatives combinant les approches géographiques et
sociologiques. L'approche méthodologique adoptée comprend quatre
phases que sont : la recherche documentaire, les enquêtes de terrain, le
travail cartographique et l'analyse des données.
1.2.1. Recherche documentaire
Tout au long de cette étude, un travail de
documentation sur la problématique de recherche a été
réalisé, en faisant recours aux différents documents
cartographiques, ouvrages, articles, rapports et revues
spécialisées dans le domaine. Nous avons en particulier
exploité la documentation existant dans la bibliothèque du LERG
et dans divers autres centres de documentation à Nouakchott (CCF, UICN,
PNUD, DATAR et BU de l'Université de Nouakchott) et à Dakar (BU
de l'UCAD).
1.2.2. Enquêtes sur le terrain
Au cours de la période du 7 avril au 7 mai 2005, nous
avons effectué une mission de terrain à Nouakchott. Il s'agit
d'une recherche de type exploratoire où nous avons surtout
utilisé les techniques et méthodes qualitatives de collecte de
données. Par ailleurs, cela nous a permis d'être en contact avec
les personnes-ressources, de procéder à des visites et
observations de sites, de faire des relevés cartographiques et d'avoir
des entretiens qualitatifs.
1.2.2.1.Contacts avec les services techniques
Nous avons eu des entretiens et collecté des
données secondaires auprès des structures techniques suivantes
:
- l'Agence de Développement Urbain ;
- la Direction de l'Aménagement du Territoire et de
l'Action Régionale (cellule d'aménagement du littoral) ;
- le Bureau local de l'Union Mondiale pour la Conservation de la
Nature ; - le Bureau d'étude BSA ;
- la Direction de l'Environnement et de l'Aménagement
Rural ;
- la Direction de l'Habitat et le Service de Topographie du
Ministère de l'Equipement ; - la Direction de la Marine Marchande ;
- le Département de Géographie de
l'Université de Nouakchott ;
- l'Office National de la Statistique.
1.2.2.2.Les visites de sites
Nous avons visité les zones d'habitations et
d'activités économiques localisées le long de la partie du
littoral concernée par notre étude que sont :
- les quartiers spontanés d'El Kebba dans les
arrondissements de Sebkha et d'El Mina ;
- une partie des quartiers populaires d'El Mina et de Sebkha ; -
le quartier spontané du Wharf ;
- une partie de Tevragh Zeina (la nouvelle cité de
Maawiya) ; - la « Plage des pêcheurs » ;
- les sites d'extraction du sel dans la sebkha active à
Tevragh Zeina et El Mina ;
- le site de séchage et de transformation de poissons sur
les dunes du littoral. 1.2.2.3.Les observations de sites
Au cours de nos visites, nous avons procédé
à des observations de terrain sur l'habitat, les activités
socio-économiques et les problèmes environnementaux. Ces
observations ont été couplées à des prises de
photos.
1.2.2.4.Les relevés cartographiques
Le GPS avec lequel nous avons relevé les
coordonnées géographiques est de type Garmin 12XL
configuré avec le système de projection UTM Zone 28. La
quarantaine de coordonnées recueillie sur le terrain a facilité
la correction des images traitées.
1.2.2.5.Les entretiens qualitatifs
Nous avons effectué des entretiens individuels et des
entretiens de groupes.
- Les entretiens de groupe ont concerné
séparément, les extracteurs de sel (à Sebkha et à
Tevragh Zeina), les pêcheurs de la « Plage des pêcheurs »
et les femmes des bidonvilles d'El Kebba.
- Les entretiens individuels sont de types informels et
semi-structurés. Ils ont concerné des personnes appartenant
à différents groupes d'activités économiques
(pecheurs, transformateurs de produits halieutiques, extracteurs de sel,
mareyeurs, commerçants, ouvriers des ports). Les personnes
ciblées sont de différentes nationalités, de divers
groupes ethniques (Maures, Peuls, Wolofs et autres ressortissants
étrangers), d'ages et de sexes différents.
1.2.3. Analyse des données
sociologiques
L'analyse des données sociologiques a été
faite en utilisant les méthodes d'analyse qualitative. Il s'agit de
faire l'analyse thématique qui recense les thèmes
abordés dans les textes d'entretien. Ensuite, nous avons
procédé au sommaire ethnographique qui consiste à
extraire les citations les plus significatives, à les comparer pour
ensuite dégager celles qui sont typiques de la situation que l'on veut
décrire. L'objectif étant de voir ce qui fait la cohérence
des idées exprimées et de restituer les idées
exprimées par les populations ellesmêmes.
1.2.4. Le travail cartographique
Le travail cartographique effectué peut se
résumer en trois étapes essentielles : la collecte des
données images, leur prétraitement, la cartographie proprement
dite et la vérification sur le terrain.
· Nous avons procédé à la collecte des
images multi-dates : photographies aériennes de 1980 et image SPOT du 1
avril 2002 de la zone d'étude.
· Le traitement des données a consisté en
la transformation des données images en documents cartographiques avec
une échelle et une projection déterminée (Ellipsoïde
WGS 84, Projection UTM zone 28). Pour cela, le recours à des logiciels
appropriés (ArcView, Er Mapper, MapInfo et Envi) a été
indispensable. Les différentes opérations du traitement
comprennent :
- les rectifications géométriques pour amener
les photographies aériennes et l'image SPOT à un méme
référentiel cartographique que nous avons réalisé
avec la version 6.4 du logiciel Er Mapper ;
- le mosaïquage des photographies aériennes de
1980, opéré avec le logiciel Envi 3.5 après rectification
;
- et la vectorisation ou édition cartographique des
différentes unités de paysage de la zone d'étude à
une échelle donnée, réalisée grace aux logiciels
ArcView 3.2 et MapInfo 6.5.
· Les travaux de terrain ont permis d'affiner la
typologie de l'occupation du sol et les correspondances entre les images et les
paysages sur le terrain. Une quarantaine de points de calage pour
préciser la localisation de différents types d'occupation du sol
ont été relevés au GPS.
2. CADRE PHYSIQUE
2.1. Situation géographique
Nouakchott, capitale de la République Islamique de
Mauritanie, est situé au 18° 07`Nord (latitude) et au 15° 05`
Quest (longitude). La zone objet de notre étude proprement dite est
localisée dans la partie Quest de la ville. Elle se trouve dans la
dépression salée (sebkha) et englobe les parties Quest des
arrondissements de Tevragh Zeina, Sebkha et El Mina (carte 1). Ces quartiers
représentent respectivement le 5e, le 6e et le
4e arrondissement dans le découpage administratif de la ville
de Nouakchott.
2.2. Climat
La position géographique de Nouakchott sur la bordure
océanique du Sahara lui confère les caractéristiques d'un
désert côtier marqué par la présence d'un courant
marin froid.
2.2.1. Les vents
Nouakchott est soumise à l'influence
saisonnière de différents régimes de vents dont les plus
fréquents proviennent des secteurs Nord 33 %, Nord-Ouest 22 % et
Nord-Est 14 % (Pigeon J. L., 2001). Ces principaux régimes sont:
· les alizés représentés par :
- l'alizé continental (harmattan), de direction
dominante nord à nord-est. Ce vent provient des zones de hautes
pressions thermiques (anticyclone du Sahara) qui règnent sur le Sahara
d'octobre à décembre, et sur la mer Méditerranée de
décembre à février. C'est un vent d'origine continentale ;
il est très sec, sa température varie largement entre le jour et
la nuit, et au cours de l'année. Il joue un rôle important dans
les transports éoliens. Ces alizés sont les vents dominants ;
- l'alizé maritime de direction dominante de nord
à nord-ouest et d'une vitesse moyenne de 6-10 m/s. Il est frais et
humide et a pour origine la zone des hautes pressions de l'anticyclone des
Açores.
· Les vents de mousson sont générés
par l'anticyclone de Sainte-Hélène et de direction Ouest-Sud
Ouest. Ils sont à l'origine de quelques précipitations annuelles
de courte durée. Le vent de mousson se fait sentir à partir de
juin sur la Mauritanie méridionale et produit son effet maximum en
août. Son action est limitée le long de la côte où il
n'est pas suffisamment fort pour repousser l'alizé maritime.
2.2.2. Les précipitations
Les précipitations résultent essentiellement de
la mousson. Elles interviennent durant les mois de juillet, aoüt et
septembre. Cependant, on observe des incursions d'air polaire pendant la saison
froide qui engendrent des pluies dites de « Heug ». Les
moyennes pluviométriques calculées sur la période
1970-2003 donnent 81.7 mm. Le déficit pluviométrique est
très important et on remarque une mauvaise répartition des pluies
durant la période de sécheresse
des années 1970 et 1980. Cependant, la figure 3 montre que
les précipitations connaissent d'importantes variations inter
annuelles.
Figure 3 : Evolution inter annuelle des pluies à
Nouakchott (1970-2003)
Source : ASECNA, 2004
Comme on peut le noter sur la figure 3 au cours des
années 1970 s'ouvre une période de déficit
pluviométrique dont l'année 1977 constitue l'année record.
Cette période s'est poursuivie pratiquement jusqu'à la fin des
années 80 avec des déficits record en 1984. On peut observer une
nette reprise à partir de 1986.
2.2.3. Température
L'action des masses d'air Polaire et la situation sur le
littoral atlantique entraînant une réduction des
températures par rapport à la partie continentale, on observe
aussi des écarts de températures moins prononcés du fait
de la proximité de l'océan. Les températures oscillent
entre 28,4°C et 36,4°C pour les maxima et entre 14,6°C et
25,7°C par les minima (ADU, 2002). Nouakchott présente, trois
saisons climatiques :
- une saison froide (d'octobre à janvier) qui
bénéficie de températures basses (moyenne des minima :
19°C), d'une évaporation importante et d'une humidité faible
;
- une saison chaude (de février à juin)
marquée par des températures élevées, surtout dans
la journée mais adoucies le soir par l'alizé maritime (moyenne
des maxima : 32°C) ;
- une saison tiède et humide, de juillet à
septembre et correspondant à la période pluvieuse.
2.3. Géologie
Nouakchott se situe aux confins de l'immense bassin
sénégalo-mauritanien. Seules les couches géologiques
récentes (Quaternaire) déposées depuis environ un million
d'années affleurent à Nouakchott et dans les environs
immédiats. Ces formations du Quaternaire sont constituées d'une
alternance de dépôts marins coquilliers mie en place lors des
transgressions et de sédiments continentaux lors des
régressions.
Le Quaternaire comprend les étages principaux que sont
: le Quaternaire ancien ou Tafaricien (1 000 000-700 000 ans BP), le
Quaternaire moyen ou l'Aioujien (500 000-300 000 ans BP), le Quaternaire
récent ou l'Inchirien (40 000-20 000 ans BP) et le Nouakchottien qui a
commencé à #177; 6730 ans BP. Comme en témoignent les
nombreuses formations coquilleuses2 d'Arches, comme
Anadara senilis dans les sédiments de la région de
Nouakchott, tout le long de la côte, autour des sebkhas de Ndhamcha et de
l'Aftout Es Saheli (Caruba R. et Dars R., 2000).
Selon Caruba R. et Dars R. (2000), la sebkha a
été formée pendant le Quaternaire récent. La
formation du cordon dunaire littoral actuel isole progressivement ce golfe de
l'océan : après de nombreuses fluctuations, les lagunes qui
communiquent épisodiquement avec l'océan ne sont plus
alimentées et l'évaporation interne transforme les zones les plus
basses en sebkhas à cause de l'aridification progressive du climat.
2 Sur les hauts-fonds de l'Aftout Es Saheli a
vécu une abondante faune d'Arca senilis qui a laissé une
couche de faluns de près de un mètre d'épaisseur et qui
est exploité comme agrégat pour les bétons et bitumes
(ADU, 2002).
2.4. Géomorphologie
La sebkha est une vaste dépression de quelques
kilomètres de large, nommée aussi Aftout Es Saheli3.
Elle se situe juste dernière le cordon littoral (dans la partie
occidentale de la ville). Les altitudes de sebkha sont comprises entre +1 et
--1 m par rapport au niveau de la mer et les terrains sont
argilo-saliféres de surface (Pitte J.R., 1985).
La nappe phréatique saumâtre de la sebkha est
sub-affleurante, avec des profondeurs de l'ordre de 2 à 4 m (DATAR,
2000), ce qui entraîne des inondations lors de fortes
précipitations.
La sebkha est limitée à l'est par les multiples
cordons dunaires rouges de l'erg du Trarza orientés nord-est sud-ouest
(Figure 4). Ces dunes ont des altitudes de 5 à 20 mètres et des
largeurs de 1 à 2 kilomètres ceinturant la ville (Caruba R. et
Quld Sidaty M., 1996). A l'ouest, la sebkha est limitée par un cordon
dunaire relativement étroit, faiblement végétalisé
et large de 150 m en moyenne et avec une attitude inférieure à
6m. Il en résulte que ce cordon littoral est écologiquement
précaire, géomorphologiquement et hydrologiquement favorable
à l'érosion.
Figure 4 : Coupe géomorphologique de l'Aftout Es Saheli
Quest Est
Cordon littoral Dépressions salées Terrasse
marine Massif dunaire continental
(sebkha)
La yille de Nouakchott
Source: Hebrard L., 1968
3 Selon Vernet R. et Quld Mouhamed Naffé B. (2003) un
Aftout est un couloir formant une dépression entre deux massifs
dunaires. L'Aftout Es Saheli a 230 km de longueur et 5 à 10 km de
largeur, et se développe jusqu'à Saint-Louis (figure 4).
2.5. Sols et végétation 2.5.1.
Sols
Les sols de Nouakchott sont principalement constitués
des formations salines (gypse, anhydrite, sel, etc.), d'argiles, de calcaires,
de grés, de dolomies et de sables. Ils se composent en surface soit de
strates de faluns coquilliers fossilisés, soit de sable fin.
A titre illustratif, la coupe géologique
effectuée par Pierre Elouard en 1968 sur l'une des carrières
situées en bordure de la route de Rosso (sud de Nouakchott) a
indiqué les différents terrains suivants :
- 0 à 0,20 m : sable argileux ;
- 0,20 à 0,30 m : coquilles ;
- 0,30 à 0,70 m : sable blanc fin renfermant de nombreux
débris coquilles ;
- 0,70 à 1,30 m : falun à « Arca senilis
» de grande taille et autres coquilles ; - 1,30 à 2,35 m :
sable blanc et jaune fin ;
- 2,35 à 2,80 m : « beach-rock4 » dur
massif ; mélange de gros grains de quartz et de coquilles
cassées.
Dans les dépressions salées de la sebkha les sols
sont halomorphes. Leurs caractéristiques pédologiques sont
déterminées par le phénomène de salinité.
2.5.2. Végétation
Les études réalisées dans le cadre du
projet biodiversité du littoral mauritanien ont montré que la
ville de Nouakchott et sa périphérie sont
caractérisées par une forte dégradation du couvert
végétal. A cet égard, la sécheresse de ces
dernières années et l'exploitation intensive des ressources par
les populations ont renforcé cette dégradation aux abords
immédiats de la ville (DEAR et PNUE, 1998). Les récits que nous
avons recueillis mentionnent une présence ancienne de
végétation dans la zone de sebkha et sur les dunes du littoral.
Aujourd'hui ces zones sont complètement dénudées. Ainsi,
un informateur âgé déclare : « il y avait
beaucoup
4 Grés de plage
d'arbres, mais depuis quelques années on ne voit
plus de végétation ici. Si on voulait implanter ici une usine ou
faire une construction on coupait les arbres ; même nous, la
première fois que nous sommes venus ici, nous n'avons pas trouvé
assez d'espace pour le séchage de nos poissons, nous avons
été obligés de couper les arbres. Maintenant, il n'y a
plus rien, ici tout est désert ». Mais, il est difficile de
dater cette période où la zone était relativement bien
couverte par des arbres. Cependant, l'examen des données
aériennes et spatiales tend à confirmer ces récits
recueillis auprès des populations. Ainsi, on voit nettement la
différence des écarts de surface entre les photographies
aériennes de 1980 où la sebkha et les dunes du littoral sont
relativement végétalisées, et l'image satellitaire de 2002
où la sebkha et les dunes littorales sont dénudées.
Selon toujours la même étude de DEAR et PNUE
(1998), la répartition de la végétation suit celle des
unités géomorphologiques. La dépression de la sebkha est
caractérisée par une végétation halophile pauvre et
diffuse à cause de la dureté du sol ; dans cette zone seules les
plantes supportant le sel se développent (Tamarix senegalensis,
Tamarix passerinoides, Tamarix aphylla, Zygophyllum waterlottii) quand le
sol n'atteint pas un certain niveau de concentration du sel. Mais
au-delà d'un certain taux de salinité, aucune plante ne se
développe, laissant un sol dénudé. Il y a eu peut
être une augmentation progressive de la concentration du sel à la
suite probablement de la sécheresse. Sur la bordure de la plage, se
développent Polycarpea nivea, une petite plante grêle
à fleurs soyeuses, et Traganum moquini. Le cordon littoral est
surtout colonisé par le (Tamarix amplexicaulis) et le
Nitraria refusa. Sur les dunes ogoliennes s'accrochent une
végétation adaptée aux substratums sableux ou
argilo-sableux (Euphorbia balsamifera, Zygophyllum waterlottii, Amaranthus
graecizans)
3. CADRE HUMAIN
3.1. Caractéristiques
démographiques
La ville de Nouakchott est caractérisée par une
croissance démographique galopante. Ce phénomène peut
être expliqué par un exode rural persistant et par une politique
d'Etat quicentralise tous les pouvoirs politiques, administratifs et
économiques dans cette ville.
Dès 1962, Nouakchott qui comptait environ 5 800
habitants, soit 7,3 % de la population urbaine mauritanienne, est devenue le
pôle principal d'attraction des migrants. Entre 1977 et 1988, la
population a presque quadruplé, passant de 135 000 à 420 000
habitants. Elle s'est développée avec un taux de croissance
annuelle de l'ordre de 13 %. A titre de comparaison, Dakar et Bamako avaient
à la même période, des taux moyens de croissance voisins de
4 à 5 % jugés déjà très rapides (ADU,
2002).
En 1988, Nouakchott comptait près de 21 % de la
population du pays et 53 % de la population urbaine. Selon les chiffres du
recensement en 1988, les immigrants représentaient près de 20 %
de la population nouakchottoise. En 2000, la ville de Nouakchott comptait
558195 personnes, soit 24 % de la population totale du pays et un taux de
croissance annuel moyen de 3,75 %, supérieur au taux moyen de croissance
de la population du pays (2,6 %) selon l'ONS, 2000. Entre 1995 et 2000, la
population des arrondissements de la ville a continué à
enregistrer une croissance démographique importante, comme le montre la
figure 5.
Figure 5 : Répartition de la population de Nouakchott par
arrondissement en 1995 et en 2000
Source : ONS, 2000
La figure 5 montre qu'en 1995, El Mina était
l'arrondissement le plus peuplé de Nouakchott soit 25 % de la population
totale. Tevragh Zeina qui était moins peuplé concentrait 4 % de
la population de la ville, alors que Sebkha représentait 12 % de la
population totale en occupant la 4e position après El Mina,
Arafat (14 %) et Toujounine (13 %). A partir de 2000, suite aux nouveaux
lotissements des quartiers dans les arrondissements de Nouakchott, Arafat
devient le plus peuplé (18 %), suivi d'El Mina 17 % ; alors que Sebkha
et Tevragh Zeina occupent, respectivement, la 3e et 7e
position en terme d'importance de la population des arrondissements de
Nouakchott.
D'une manière générale, on estime que les
migrations touchent plus fortement les hommes que les femmes. C'est
peut-être pourquoi certains quartiers comme ceux de la zone
étudiée ont une population masculine plus nombreuse que celle
féminine.
Figure 6 : Répartition par sexe de la population dans les
arrondissements étudiés
Source : ONS 2000
La population résidente de la zone d'étude se
caractérise par une prépondérance des hommes qui
représentent 54,9 % contre 45,1 % pour les femmes. Cette situation est
liée
Fémmin
essentiellement à un fort taux de migration
observé chez les hommes. 3.2. Caractéristiques
socio-économiques de la zone d'étude
La population de la zone étudiée peut être
divisée en plusieurs catégories :
Arrondissement
- une population relativement pauvre qui habite les communes
de Sebkha et d'El Mina. Elle est en majorité composée de groupes
ethniques noirs. Il s'agit, le plus souvent de Harratines (esclaves
affranchis), de Hal Pular, de Soninké et de Wolof. Ces ethnies
cohabitent souvent avec quelques Beydanes (Maures blancs) ;
- une population relativement aisée, composée
pour la plupart de « Maures blancs " et aussi de Soninké et de Hal
Pular. Ces personnes travaillent généralement dans le secteur du
commerce international ou des petites et moyennes entreprises. Dans la zone
étudiée, cette catégorie est surtout localisée dans
les quartiers de Tevragh Zeina. Les terrains de ce quartier sont
considérés comme très chers et pratiquement
réservés à ce qu'on peut qualifier de « nouvelle
bourgeoisie locale " ;
- une population très pauvre qui habite les zones
appelées El Kebba (Dépotoir/bidonville en Hassania)
situées dans les communes d'El Mina et de Sebkha. Ce sont
essentiellement des Harratines. Ils ont le statut social le plus bas et sont
marginalisés et exclus socialement. Ces populations vivent dans des
conditions économiques extrêmement difficiles et sont
exposées à de multiples risques sanitaires et
environnementaux.
3.3. Activités économiques
La sebkha est un lieu qui concentre d'importantes
activités économiques parmi lesquelles l'extraction de
matériaux de construction, l'extraction de sel, la pêche et la
transformation de produits halieutiques. Le nombre approximatif de personnes
employées dans le secteur de la pêche artisanale est de 3300
personnes et celui des transformateurs et des mareyeurs de l'ordre de 2040
personnes (MPEM, 2004). Selon les extracteurs du sel eux-mêmes, leur
effectif serait de 70 personnes dans la zone d'extraction de Tevragh Zeina.
La zone côtière abrite aussi trois sites
portuaires importants qui sont le Port Autonome de Nouakchott / Port de
l'Amitié (PANPA), le complexe portuaire de la plage des pêcheurs
et le Wharf. Ces sites constituent des pôles d'attraction pour la
population. Cette dernière y tire une grande partie de ses revenus. Ces
infrastructures portuaires emploient plus de 18 000 personnes et assurent plus
de 90 % des importations (ADU, 2002).
DEUXIEME PARTIE : EVOLUTION DE L'OCCUPATION DU
SOL
1. EVOLUTION SPATIALE DE LA ZONE D'ETUDE 1.1.
Historique de l'urbanisation de Nouakchott
La Mauritanie s'est urbanisée récemment suite
à des vagues de sécheresses successives (depuis les années
1970) qui ont accéléré le phénomène de
migration vers les grands centres urbains. Aujourd'hui elle présente
l'un des plus forts taux d'urbanisation (62 %) des pays d'Afrique Subsaharienne
(BM, 2003).
La faible urbanisation de la Mauritanie pendant la
période coloniale s'explique par le fait qu'elle ne représentait
pas aux yeux de l'administration coloniale un intérét
économique d'envergure dans un contexte où le nomadisme
prédominant impliquait l'absence de villes et de grandes
agglomérations. La France avait choisi Saint-Louis
(Sénégal) comme chef-lieu de sa colonie mauritanienne. C'est le
19 janvier 1957 à Saint-Louis que le gouvernement français avait
pris la décision de transférer la capitale en territoire
mauritanien (Quld Sidi M, 1987).
Des études d'urbanisme ont été
entreprises avant la décision définitive du transfert du
chef-lieu à Nouakchott. Comme dans la plupart des villes africaines, les
planificateurs « coloniaux » avaient réservé la zone
nord-ouest comme zone administrative (le quartier colonial). Le sud ouest
était réservé à la Médina qui comprend
actuellement les quartiers de Sebkha et El Mina. Alors que la médina ne
dispose que d'une mosquée et d'un Soukh (le marché), le
nord-ouest (le quartier colonial) concentre tous les services administratifs et
ceux du secteur tertiaire. Les plans coloniaux ne prévoyaient aucune
extension de la ville. Celle-ci était limitée entre le plateau
dunaire au nord et la sebkha au sud. Le plan Leconte de 1959 fut le
1er plan effectif d'aménagement urbain de Nouakchott. Il est
la base sur laquelle va s'élaborer la série de
développements urbains subséquents.
La faiblesse des infrastructures et le fait que les plans
n'aient pas prévu l'extension de la ville de Nouakchott font que
celle-ci n'était pas en mesure de gérer de façon
adéquate, l'afflux important des populations nomades. Cette situation a
provoqué l'apparition de problèmes socio-économiques et
environnementaux. L'émergence de quartiers spontanés insalubres
comme conséquence de cette immigration échappait à toute
planification. Ce phénomène a généré le
problème de manque d'eau potable, des mesures d'hygiène
précaires, des problèmes d'assainissement du fait de l'occupation
rapide de zones non aedificandi (sebkha).
La croissance urbaine chaotique de Nouakchott a rapidement
rendu inopérant les efforts de planification et d'équipement
des autorités urbaines. Au moment où était
élaboré le premier
plan d'urbanisme (adopté en 1983, puis
révisé en 1987), il y avait déjà un grand nombre
d'habitants installés dans des conditions précaires. Les
quartiers pauvres encerclaient le noyau urbain dans la partie Sud et Est.
Après l'adoption du SDAU de 1987, la situation n'a guère
changé et l'application du plan s'est révélée
rapidement inefficace.
L'extension de la ville de Nouakchott a dépassé
largement les prévisions qui auraient été faites dans les
années 1960 et 1970. A cet égard, la capitale a été
planifiée pour accueillir 8000 habitants en 1970. En
réalité, la population de la ville a atteint cet effectif depuis
1963. Une autre estimation avait prévu 100 000 habitants en 1980 ; en
fait il y en avait plus de 200 000 à cette date. La ville était
envisagée comme devant s'étendre vers le nord et l'ouest, mais
dans les faits, elle s'est développée au Sud-Ouest, vers la
sebkha et à l'est vers les dunes ogoliennes (Caruba R. et Quld Sidaty
M., 1996). Ces imprévus se sont traduits par une occupation
systématique de dépressions inondables.
1.2. Evolution spatiale de la dépression
salée de la sebkha (1980-2002)
L'évolution de la ville n'est pas seulement
démographique. On peut noter dans la zone étudiée que
l'occupation du sol a subi de profondes mutations remarquables dans le
bâti, dans les zones d'exploitation des ressources naturelles et
dépotoirs d'ordures.
Selon diverses sources, ces mutations de l'occupation du sol
se sont accentuées depuis les années 1970. La comparaison des
données aériennes de 1980 et de l'imagerie Spot de 2002, par le
biais de la cartographie et du calcul de surfaces, fournit des indications sur
les profonds changements observés au sein de l'unité
géomorphologique de la sebkha et du bâti à Nouakchott.
En 1980, le bâti dans la zone étudiée et
l'unité géomorphologique de la sebkha occupaient respectivement
une superficie de 869 ha et 15584 ha. Des différences notables sont
constatées avec un accroissement considérable du bâti (9139
ha en 2002) et un grignotage de la sebkha qui ne s'étend plus que sur
6368 ha en 2002.
En comparant les cartes 2 et 3, nous notons que l'occupation
du sol a beaucoup changé. En termes relatifs la sebkha couvrait en 1980,
61,33 % de la zone d'étude et 29 % de la surface totale de Nouakchott.
Cette dépression salée n'occupait plus en 2002 que 25 % de la
superficie étudiée et 12 % de la ville. Par contre, l'espace
bâti qui ne couvrait que 3,64 % de la superficie en 1980, a atteint 36 %
en 2002, soit une augmentation supérieure à plus de dix fois
l'étendue initiale en 1980. Cependant, si en 1980 la sebkha qui est une
zone non aedificandi (ou impropre à l'habitat) abritait 38 %
des habitations de Nouakchott, ce pourcentage a relativement diminué en
2002 (33 %). Cette baisse, malgré l'extension effective du bâti
dans la sebkha, est liée à l'agrandissement de la ville de
Nouakchott le long des grands axes routiers et la mise en place de nouveaux
quartiers. En effet, l'extension actuelle du bâti se fait principalement
vers l'est, le long de la route de l'Espoir, le sud, vers Rosso et le nord,
vers Akjoujite.
1.3. Evolution spatiale de l'habitat
Sur les cartes 4 et 5 nous avons représenté
l'habitat de trois arrondissements (Tevragh Zeina, El Mina et Sebkha), en trois
catégories : les bidonvilles d'El Kebba d'El Mina ; les quartiers
populaires de Sebkha et d'El Mina et les quartiers résidentiels de
Tevragh Zeina.
L'un des traits le plus marquants des changements de l'occupation
du sol est la progression de l'habitat comme on peut le constater la figure 7
:
Figure 7 : Evolution des types d'habitat de la sebkha entre 1980
et 2002
L'analyse de la figure 7 indique que la surface de l'habitat a
doublé dans un intervalle de 20 ans. L'étendue des surfaces
changent selon le type d'habitat. Ainsi, les quartiers résidentiels
(regroupant des catégories aisées ou relativement aisées
de Tevragh Zeina) ont connu l'extension spatiale la plus importante. La surface
de ces quartiers a quasiment quadruplé, passant de 248 ha en 1980,
à 622,62 ha en 2002 soit 46,67 % de la surface totale de l'habitat. Cet
accroissement s'explique par la taille des parcelles attribuées dans ces
quartiers. Dans le même temps, la surface des quartiers populaires
(regroupant des catégories de populations pauvres ou de conditions
socio-économiques modestes de Sebkha et d'El Mina) passait de
2002
207,73 ha en 1980 à 440,69 ha en 2002, soit une
augmentation de 5 % seulement par rapport à la surface initiale. En
comparaison avec les quartiers résidentiels, on peut dire que les
quartiers populaires de Sebkha et El Mina n'ont pas connu une grande extension
spatiale, ce qui explique la densité actuelle très
élevée (350 et 450 habitants / ha) de ces quartiers. En ce qui
concerne la surface du bidonville d'El Kebba, elle n'a quasiment pas
évolué. Ainsi, ces
li éidl é tal
quartiers qui occupaient en 1980 37,5 % de la surface totale de
l'habitat n'occupent plus en
T dhbit
2002 que 20,29 %.
2. DYNAMIQUE DE L'HABITAT
2.1.1. L'habitat des bidonvilles d'El Kebba
L'évolution de la ville de Nouakchott met en relief
l'extension de la pauvreté et la précarité de l'habitat
dans un contexte de difficultés économiques croissantes depuis
1975. L'urbanisation de la Mauritanie se caractérise par l'extension
démesurée de poches de pauvreté autour de quelques centres
urbains. En 1975, 43 % des ménages urbains du pays occupaient un habitat
précaire. Durant la même année prés de 55 % des
ménages de Nouakchott résidaient dans les différentes
Kebbas, forme locale du « bidonville » constituées
à l'époque, majoritairement de tentes (habitat identique à
celui que les nomades ont abandonné dans leur milieu rural d'origine)
(Urbaplan, 2000). Avec la création des lotissements de recasement des
1e, 5e et 6e arrondissements, cette proportion a diminué de
37 % environ en 1981. La plus célèbre Kebba est celle d'El Mina,
quartier périphérique constitué par un espace d'habitat
précaire, abritant environ 40 000 habitants soit 7 % de la population
totale de Nouakchott.
L'évolution a échappé au contrôle
des pouvoirs publics, du fait d'une prise de conscience tardive de la
dérive urbaine, dans un contexte de rareté des ressources. Le
résultat de cette croissance fulgurante est la formation d'une ville
duale qui ne répond que difficilement aux aspirations et exigences de
ses habitants. Dès lors, il n'est pas étonnant de constater les
effets d'une croissance anarchique que symbolise la prolifération de
quartiers spontanés et précaires, résultat d'une gestion
et de pratiques informelles et/ou illégales. De méme, cela se
comprend du fait que les systèmes d'attribution des parcelles et d'une
gestion foncière, sont des activités nouvelles dans un pays de
nomades.
Selon Diagana I. (2001), la « bidonvilisation » de
l'espace nouakchottois au milieu des années 1970 a conduit les pouvoirs
publics à engager à partir de 1974 une opération de
résorption de l'habitat périphérique illégal, par
le morcellement et la distribution de vastes zones principalement au sud-ouest
de la ville, dans les arrondissements de Sebkha et El Mina. Cette
procédure exceptionnelle que justifiait une situation d'urgence, va par
la suite se banaliser puisque les opérations de recasement et/ou de
régularisation vont se succéder à un rythme soutenu.
On note dans les textes d'entretien, l'idée de
précarité dans les rapports fonciers consécutifs
à l'occupation irrégulière de propriétés
publiques ou privées. Ainsi, selon plusieurs
informateurs, les terrains sur lesquels se sont
établies les populations étaient à l'origine des
lotissements prévus pour des implantations industrielles. Des
informateurs évoquant le quartier spontané du wharf
relèvent qu'il y a plus de 700 familles dans ce quartier ; elles n'ont
pas de titres fonciers et habitent des terrains qui sont déjà
attribués aux hommes d'affaires. L'analyse de l'habitat spontané
dans la zone fait ressortir l'idée qu'un grand nombre de personnes
vivent dans le « provisoire » et « l'incertain ». Or, on
fait peu d'investissements sur des terrains qu'on ne détient que
provisoirement. Bien que beaucoup d'habitants de ce quartier y soient depuis
plus de 15 ans, on ne note pas de signes clairs d'une volonté
d'appropriation et de mise en valeur des parcelles par leurs occupants.
Dans les quartiers d'El Kébba, la
précarité ne touche pas seulement le foncier. Elle est d'abord
ressentie au niveau des revenus. Les ménages sont pauvres et cumulent
parfois plusieurs petits emplois pour assurer le quotidien. Les infrastructures
et les équipements de base dans ces zones doivent être
financés par la collectivité, sans possibilité de
recouvrement ultérieur des coûts par les taxes ou les
impôts. De méme, l'accession à un logement décent
est hors de portée pour beaucoup de ménages. La densité
dans ces zones est très élevée, elle est de 300 habitants
/ha (Urbaplan, 2000). L'analyse thématique fait ressortir de plusieurs
textes d'entretien, l'idée de promiscuité. L'importance des
densités dans un espace réduit et les conditions de l'habitat
(matériaux en bois léger) font que les familles ont l'impression
de perdre leur intimité. L'organisation du tissu urbain y est
particulièrement anarchique. Il n'y a aucun alignement et ordonnancement
des maisons les unes par rapport aux autres. L'absence ou la sinuosité
des ruelles dans les quartiers spontanés et populaires rend difficile
l'intervention des services de la protection civile, notamment lors de grandes
catastrophes comme les incendies.
Le dénuement et l'absence d'infrastructures sociales de
base apparaissent comme les caractéristiques marquantes de l'occupation
de la zone décrite par un de nos interlocuteurs : « On habite
dans les ``Mbar''5, on n'a pas d'eau, on achète les barriques
d'eau. On n'a pas d'électricité ni de sanitaire, c'est
derrière les carcasses des voitures que nous faisons nos besoins
». Il y'a une carence en infrastructures de base (écoles, centres
de santé, eau, électricité, moyens de communication).
5 Habitats traditionnels construits avec du bois et de
la paille ou du tissu
Photo 1 : Habitats précaires dans le quartier Kebba d'El
Mina, mai 2005
La grande majorité des habitants de ces zones (53 %) y
vit depuis plus de 15 ans, au sein des ménages comprenant en moyenne 7
personnes et dirigés à 35 % par des femmes.
L'analphabétisme est une des caractéristiques
prépondérantes de cette population puisqu'il touche près
de 64% des chefs de ménages et seuls 53 % des enfants sont
scolarisés (Urbaplan, 2000). Les hommes sont souvent au chômage ;
ce qui accentue l'état de dénuement des familles. Le taux de
chômage des chefs de ménage est élevé (41 %). Ils
exercent pour la plupart dans le secteur informel (journaliers, porteurs,
âniers-transporteurs...) qui leur procure un revenu mensuel instable de
l'ordre de 25 000 UM6 (Urbaplan, 2000). Cette population arrive
difficilement à s'adapter aux conditions complexes de la vie urbaine et
mène un combat dur pour subsister, quitte à avoir recours
à des méthodes peu vertueuses : prostitution, vol, banditisme
armé.
La sécheresse a détruit la couverture
végétale et décimé le cheptel. Dans ce contexte les
populations ne sont pas seulement attirées par les villes dans l'espoir
d'y trouver des emplois et des revenus élevés, mais aussi le fait
qu'elles soient « forcées » de quitter les zones rurales en
raison de facteurs comme le manque de terre et la baisse des revenus
tirés de l'agriculture et l'élevage.
En plus de la sécheresse, lors de la guerre du Sahara
Occidental en 1975, les terrains de parcours encore viables étaient
devenus dangereux du fait de la violence des combats (Koita T, 1997). Les
nomades qui possédaient encore quelques têtes de bétail se
sont alors repliés vers le Sud où existaient de rares et
restreints pâturages verdoyants. D'autres ont simplement
6 Ouguiya Mauritanien : 1 € est équivalent
à environ 300 Ouguiyas
abandonné l'élevage pour venir alimenter le flux de
personnes déplacées qui se sont établies dans la ville de
Nouakchott.
Le conflit entre le Sénégal et la Mauritanie en
1989 a aussi entraîné à son tour un rapatriement massif de
populations qui se sont par la suite installées dans ces bidonvilles.
L'historique de l'habitation dans cette zone met
également en évidence des antécédents de
déguerpissement de populations pauvres qui, habitaient anciennement ces
quartiers, par la suite occupée par des classes plus aisées. La
politique de l'Etat pour la résorption de l'habitat spontané
donne parfois lieu à des opérations de déguerpissements
qui occasionnent pour les déguerpis des pertes inestimables au plan
socio-économique. A considérer que chaque déguerpi aurait
consenti une importante partie de son épargne à l'acquisition
d'un terrain et à l'édification de sa maison. De telles
opérations occasionnent également d'importantes dépenses
de la part de l'Etat. En cas de déguerpissement, parfois l'Etat attribue
des parcelles de recasement aux déguerpis ou leur accordait des
indemnités de réinstallation. Certains en profitaient pour vendre
ces parcelles à des prix exorbitants, et s'installer dans d'autres
zones, dans l'espoir que le même processus (de déguerpissement et
de recasement) se renouvellerait.
La corruption aussi est un élément
déstructurant de l'accès à la propriété
foncière. Les populations à faibles revenus sont
généralement refoulées à la lisière des
centres urbains, dans les zones non loties. Quand il y a des opérations
de lotissement, ces mêmes populations ne sont souvent, pas sûres
d'obtenir des parcelles, ceci, malgré les dispositions
réglementaires.
Le coût élevé des loyers dans les
quartiers aménagés est ainsi souvent évoqué pour
expliquer en partie le développement de ces quartiers pauvres. Quand le
coût des loyers subit une inflation, il n'est pas rare d'assister au
déplacement des familles pauvres des quartiers réguliers
(où elles n'ont plus les moyens de payer la location), vers les
habitations spontanées.
2.1.2. Les quartiers populaires de Sebkha et d'El
Mina
La caractéristique principale dans ces quartiers
sous-équipés et lotis est que la majorité des
résidents sont propriétaires de leurs parcelles.
Ces quartiers défavorisés n'échappent pas
non plus à la fièvre spéculative sur les terrains nus ou
sur les propriétés bâties. De nombreux lots ou habitations
sont régulièrement mis en vente par des populations toujours
prêtes à se laisser séduire par les offres de
spéculateurs. C'est ce qui explique peut-être
l'accélération de la transformation dans certaines parties de
ces
quartiers, où l'arrivée massive des populations
crée une dynamique de changement axée sur l'amélioration
des conditions d'habitat. Ce sont les couches sociales intermédiaires,
dont les attentes en matière de logement sont toujours restées
non satisfaites, qui maintiennent la demande de terrains à bâtir
à un niveau élevé (Diagana I., 1993).
La densité de ces quartiers est comprise entre 350 et
450 habitants/ha (ADU, 2002). C'est la densité la plus forte de tous les
quartiers de Nouakchott. Cette forte densité s'explique par
l'ancienneté des lotissements dans la Sebkha et El Mina. Mais, la
plupart des résidents disent aussi avoir été
attirés par le prix des terrains relativement bon marché,
comparés aux autres communes de Nouakchott. D'autres habitants indiquent
également avoir choisi la zone, en raison de sa proximité de leur
site de travail. C'est le cas des pécheurs et des travailleurs des
usines et des ports.
A Sebkha et El Mina, le niveau de vie des populations semble
relativement plus élevé que celui des habitants d'El Kebba. Mais,
méme lorsque les habitants disposent de la sécurité
foncière, ils n'ont pas forcément les moyens de construire en
dur. Ces quartiers ont presque les mémes problèmes d'accès
au réseau d'assainissement et aux infrastructures de base. A tout cela
s'ajoutent les problèmes de promiscuité, de
précarité des conditions d'hygiène et de
sécurité qui ne facilitent pas la gestion tant au plan du
réseau d'équipements collectifs à créer, qu'au plan
de la collecte et du traitement des ordures ménagères.
Cependant, contrairement aux quartiers aisés de Tevragh
Zeina, les quartiers populaires de Sebkha et El Mina restent encore
sous-équipés en matière d'infrastructures sociales.
D'après les enquêtes récemment
menées par la SONELEC, seuls 25% des habitants de la capitale ont un
accès à un branchement domiciliaire en eau potable. Dans les
quartiers de Sebkha et El Mina seuls 20% des habitants sont alimentés
par un branchement domiciliaire en eau alors qu'ils sont 78 % dans les
quartiers de Tevragh Zeina. Le réseau de distribution d'eau est
faiblement étendu et le coût du branchement individuel est
très élevé, ce qui prive la majorité des
populations de l'eau courante. Les ménages qui ne peuvent pas se payer
un branchement direct sont obligés de s'approvisionner à partir
de la nappe phréatique parfois polluée. Cette situation explique
la forte prévalence de maladies liées à la qualité
de l'eau (diarrhée infantile et choléra).
Les quartiers défavorisés de Sebkha et El Mina
sont souvent décrits comme abandonnés par les services de
l'Etat. Les infrastructures (voirie, écoles, dispensaires) sont rares et
le réseau
d'assainissement quasi-absent. On peut dire que la relative
amélioration du niveau d'équipement (par rapport aux bidonvilles
d'El Kebba) provient plus des initiatives individuelles que de l'intervention
de l'Etat. On peut toutefois douter de la capacité de ces populations
à faire face aux problèmes cruciaux et non moins complexes de
gestion quotidienne auxquels elles sont confrontées, parce que les
dynamiques dont elles sont porteuses ne mènent qu'à des
résultats mitigés. La faiblesse de l'intervention des pouvoirs
publics, dont les moyens sont sans doute limités dans le temps, nous
conduit pourtant à nous interroger sur le rôle des populations
dans la perspective d'une amélioration de leur cadre de vie, compte tenu
de leurs moyens et de leurs limites.
Photo 2 : Habitats affectés par les effets du sel dans le
quartier de Sebkha, mai 2005
Le développement de la ville de Nouakchott est
théoriquement régi par un Plan Directeur d'Urbanisme
élaboré en 1983 et légèrement modifié en
1987. Ce document qui se présente comme un plan d'occupation du sol,
semble à l'heure actuelle, dépassé par l'évolution
réelle de la ville. La prolifération incontrôlée des
occupations anarchiques est favorisée par la lenteur observée
dans l'aménagement des zones d'extensions. Ce phénomène
peut être expliqué par un effort de planification urbaine qui
s'est peu concrétisée sur le terrain du fait des retards
observés dans l'élaboration et dans l'application des documents
d'urbanisme. L'absence d'une politique volontariste de constitution de
réserves foncières handicape la réalisation des
prévisions des plans d'urbanisme. On note aussi que l'immatriculation
des terrains du domaine public national et l'expropriation des terrains
privés reposent sur des procédures complexes et longues qui ne
facilitent pas la mise à disposition des terrains de construction aux
moments opportuns.
Les terrains qui se trouvent dans la dépression
salée de la sebkha sont théoriquement impropres à
l'habitat dans les plans urbains. Ces terrains sont distribués par
l'Etat sans aménagements préalables et la plupart des populations
n'ont pas les moyens de les aménager. L'effet de la forte concentration
du sel, qui rend les habitations précaires, est plus visible dans ces
quartiers que dans ceux de Tevragh Zeina. Les types d'habitats sont des
baraques ou des logis faits de ciment et sont mal construits sur des terrains
salés. Ces derniers selon le SDAU de 2002 ont un effet « corrosif
» sur les ciments ordinaires qui se désagrègent rapidement.
Dans cette dépression, seuls des moyens de construction onéreux
(fondations résistant au sel) offrent des garanties durables, comme dans
les quartiers de Tevragh Zeina, excluant ainsi les catégories de
population moins aisées de Sebkha et d'El Mina. Pour la population
relativement pauvre de la zone, avoir une maison convenable coûte
très cher ; il faut beaucoup d'argent pour les remblaiements des
terrains salés avant la construction, pour acheter du ciment
spécial, du goudron et autres matériaux anti-corrosifs. Theunynck
S et Widmer N (1987) indiquent d'ailleurs que jusqu'en 1981, le ciment
était importé par route de la cimenterie de Rufisque au
Sénégal et par mer, de France et d'Espagne ; ce qui le rendait
à l'époque moins accessible pour les populations moins
aisées.
En outre, la nappe d'eau saumâtre a un effet corrosif
important sur les conduites d'eau et la canalisation des eaux usées.
L'assainissement individuel est également difficile, car le creusement
de fosses se heurte à la proximité de l'eau salée de la
nappe. Enfin, les variations de niveau de la nappe influencent la pression
hydrostatique et déstabilisent les éventuelles « fosses
étanches ».
2.1.3. Les quartiers résidentiels de Tevragh
Zeina
Les quartiers résidentiels sont regroupés
essentiellement dans l'arrondissement appelé Tevragh Zeina. Les
quartiers résidentiels avec des maisons de haut standing n'ont
commencé à exister que dans les années 1980. L'ensemble
des quartiers bénéficie d'un taux d'infrastructures et
d'équipements relativement élevés. Les rues sont larges,
les lots sont de grande surface et les habitants des quartiers très
riches font partie de la bourgeoisie locale.
La construction dans la zone fait appel à des
matériaux spéciaux (ciment spécial, goudron, sachet en
plastiques...) pour résister au sel ; seules des personnes ayant des
revenus élevés peuvent s'offrir ces matériaux. Un
informateur résume ainsi la situation d'équipement et les
conditions de vie dans ces quartiers : « J'habite dans une maison en
dur construite avec du
ciment anti-sel. On dispose de toilette avec fosse septique.
On dispose de l'électricité et de l'eau courante. On utilise
comme énergie pour la cuisson du gaz butane».
Le coût élevé des terrains de construction
est lié à la grande taille des parcelles distribuées (la
parcelle peut y atteindre 2500 m2 ce qui explique la densité
très faible dans ces quartiers entre 30 à 50 habitants/ha),
à l'existence d'éclairage public, d'un réseau d'adduction
d'eau et d'électricité. Ces investissements ont renforcé
le phénomène spéculatif au détriment des
populations les plus démunies. En définitive, toutes les
énergies et les financements dépensés pour ces
opérations de construction de voirie et de viabilité ont eu pour
effet de perpétuer, voire d'accentuer les différences
socio-économiques, en favorisant la création de nouvelles zones
excentrées d'habitats spontanés.
Pour justifier leur établissement dans ces quartiers,
les populations de Tevragh Zeina évoquent les avantages du microclimat
des abords de la mer et le calme des quartiers aisés. En plus de la
sécurité assurée par un gardiennage privé mais
aussi par l'attention particulière des forces de sécurité
publique.
Les besoins d'une meilleure formation attirent de plus en plus
des populations de catégorie aisée. En effet, Nouakchott regroupe
la presque totalité des établissements d'enseignement
supérieur et technique, de santé et de l'administration.
3. DYNAMIQUE DE L'EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES
ET LEURS IMPACTS SUR L'ENVIRONNEMENTS
La carte 6 localise les différents sites
d'activités économiques dans la zone d'étude. Ces
activités sont l'extraction du sel, du sable et des coquillages ainsi
que l'exploitation de ressources halieutiques.
3.1. Extraction du sel
L'exploitation du sel a connu un développement
important surtout après les évènements
sénégalo-mauritaniens de 1989. Ainsi l'exploitation du sel est
apparue comme une activité génératrice de revenus dans un
contexte d'accentuation de la pauvreté. L'augmentation du nombre
d'extracteurs s'explique par la nouvelle valorisation du produit. Le sel est de
plus en plus acheté en gros par de riches commerçants. Depuis
quelques années, l'Etat a fait des campagnes de sensibilisation pour que
la population consomme le sel iodé ; comme c'est
moins cher et plus facile à mélanger avec l'iode
les commerçants l'écoulent en grande quantité.
Les zones d'exploitation du sel font l'objet de
compétition très serrée entre exploitants et promoteurs
immobiliers ou les personnes désirant y construire des habitations
régulières. Un informateur explique : « En 2002, les
hommes d'affaires ont voulu acheter cette zone pour la transformer en espace
bâti, ils nous ont envoyé la police pour nous déguerpir.
Mais, nous avons refusé de quitter les lieux et nous sommes allés
voir le ministre. Celui-ci nous a dit de rester tranquilles et qu'il va nous
trouver une solution ». Depuis, le statu quo semble installé.
Cependant, plusieurs informateurs ont peur que ce statu quo ne soit que
précaire et qu'ils soient amenés à quitter la zone du fait
des pressions des hommes d'affaires sur l'Etat. Les exploitants ne semblent pas
se laisser faire. Ils expriment leur résistance. Cette situation peut
être expliquée par des incompréhensions, sur le plan humain
et social, en raison du conflit qui oppose le droit coutumier qui stipule que
l'occupation ou la mise en valeur d'un bien ouvre des droits et la loi qui peut
décider d'accorder la propriété des sols à l'Etat
ou à une collectivité locale.
En outre, on note un déséquilibre dans les
rapports de forces entre exploitants de sel et promoteurs immobiliers. La
compétition pour l'occupation de l'espace entre ces deux derniers oppose
une catégorie sociale aisée et une catégorie pauvre et
déshéritée. Ce qui est à l'origine de nombreux
conflits. Les quartiers de Tevragh Zeina jouxtent et empiètent sur les
lieux
48
d'extraction du sel. En effet, les extracteurs se plaignent du
fait que des gens riches et aisés trouvent facilement des papiers
administratifs et peuvent ainsi occuper leur aire de travail. Ainsi assiste-t-
on à un recul des superficies occupées pour l'exploitation du
sel.
Cette situation de fait a conduit à un
désengagement de l'Etat en matière de promotion
immobilière et cela en l'absence d'un cadre formel de suivi et de
contrôle.
L'augmentation des inégalités
socio-économiques et des phénomènes d'exclusion fait que
les populations marginales n'arrivent plus à s'insérer dans les
systèmes formels de redistribution des ressources et de gestion du
pouvoir. De ce fait, elles ne participent plus directement aux processus de
structuration et de régulation de la société. Pour faire
face à cette dynamique d'exclusion et assurer leur insertion en milieu
urbain, les populations défavorisées mettent en place des
mécanismes de défense et des stratégies de survie parfois
violentes. Elles développent, individuellement ou collectivement, des
tactiques d'intégration pour lutter contre la précarité et
la vulnérabilité de leurs conditions de vie. Ces
stratégies sont multiples et se développent aussi bien dans la
sphère économique, sociale, politique que spatiale, donnant une
large part à l'informel.
3.2. Extraction du sable
L'incursion marine de 1992 et la submersion de certains
quartiers périphériques qui en a découlé ont
sensibilisé les autorités et le public sur les réels
dangers inhérents à la fragilisation du cordon littoral.
L'interdiction des extractions n'a cependant été effective qu'en
2002. Mais, selon plusieurs informateurs, des camionneurs continuent de faire
des prélèvements clandestins de sable sur les plages, pendant la
nuit.
Le sable entre dans la composition des ciments, des mortiers
et des parpaings, réalisés par les tâcherons du secteur
informel pour les catégories les plus pauvres de la ville. On note que
le sable, extrait des dunes de formation éolienne non loin de la ville,
est moins cher, parce que plus proche que le sable de mer provenant du cordon
littoral situé à 5 km à l'ouest de la ville. En revanche,
ce sable de granulométrie très fine a une surface
spécifique très étendue qui exige plus de ciment que le
sable de mer.
Dans plusieurs entretiens, les populations reconnaissent les
conséquences néfastes de l'extraction du sable sur
l'environnement. En plus des phénomènes naturels,
l'avancée de la mer est accentuée par l'extraction non
contrôlée du sable marin. L'exploitation des ressources
est présentée comme pouvant engendrer non
seulement leur diminution ou leur raréfaction mais de plus, elle
provoquerait une avancée de la mer. Le prélèvement de
sable dans le cordon dunaire est estimé à 50 camions de 5
à 6 m3 par jour. Cette exploitation considérable
s'effectuait essentiellement entre la plage des pécheurs et le Wharf
où la dune littorale a été fragilisée en divers
endroits. Ainsi, en août 1992, la mer y a ouvert une brèche
d'environ 50 m au nord de l'hôtel Sabah entraînant l'interdiction
de toute extraction dans ce secteur (Marico D., 1996).
3.3. Extraction des coquillages
Depuis 1950, le gisement qui se trouve aux abords de la ville
de Nouakchott est massivement exploité, au point qu'on parle
déjà (peut-être un peu vite), d'épuisement. C'est le
seul agrégat disponible dans un rayon de quelques centaines de
kilomètres de Nouakchott. La production d'enrobés bitumineux pour
la réalisation des deux routes Rosso-Nouakchott entre 1972 et 1975 puis
Rosso-Néma entre 1977 et 1981 a nécessité plusieurs
millions de m3 de coquillage qui ont rendu possible, à ces
périodes, la mise en place de méthodes d'extraction
mécanisées : bulldozers, chargeurs, sauterelles, tamis etc. La
production d'agrégats pour les chantiers de construction de Nouakchott
continue donc de se faire exclusivement par le truchement d'une multitude de
petits artisans maures. Ces derniers tamisent à la main, en deux ou
trois jours, un tas de coquillages que viennent leur acheter les entreprises de
construction ou les transporteurs du secteur informel (Theunynck S. et Widmer
N.,1987).
A cause de l'extension rapide de la ville, d'anciennes
carrières de coquillages ont complètement disparu sous les
constructions de certains quartiers (Dar Naïm). D'autres aux abords
immédiats de la ville, sont encore visibles sous forme de champs de
petits monticules coquilliers et de trous remplis de déchets. Les
carrières de coquillages sont cantonnées dans des zones
limitées (terrasses, dépressions salées...) et ne sont pas
renouvelables. C'est pour cette raison qu'elles sont quasiment
épuisées dans les environs immédiats de la ville.
3.4. Exploitation des ressources halieutiques
La filière halieutique est une activité
essentielle aussi bien dans l'économie de la ville de Nouakchott que
dans celle de la Mauritanie. La pêche représente environ 12 % du
PIB et près de la moitié des recettes en devises de la Mauritanie
(PRCM, 2004). Elle emploie, d'amont en aval de la filière, plus de 20
000 personnes. Le port des pêcheurs de la ville de Nouakchott participe
à hauteur de 25 % à l'effort de péche mauritanienne (MPEM,
2004).
La plupart des pêcheurs et des transformateurs habitent
dans la zone de sebkha, soit dans les quartiers d'El Mina, de Tevragh Zeina ou
de Sebkha. Le réaménagement du port des pêcheurs en 1996 a
engendré la délocalisation des activités et des logements
associés à la filière pêche sur les marges des
infrastructures portuaires. La dune et la plage sont massivement
occupées par des baraquements, des cabanons en bois et des pirogues. S'y
concentrent quelques logements de pêcheurs, ainsi que toutes les
professions auxiliaires de la filière pêche : entretien des
matériels (moteurs, pirogues, filets...), restauration, cordonnerie
etc.
Les ressources halieutiques ont enregistré une
diminution importante et un éloignement des bancs de poissons. La
diminution des ressources halieutiques est repérable à travers la
baisse des quantités capturées, l'augmentation du temps mis pour
trouver la ressource et les distances parcourues en mer pour atteindre les
bancs de poissons.
Cette diminution des ressources halieutiques peut être
expliquée surtout par la fréquentation de la côte par les
bateaux de pêche industrielle. Ces bateaux non seulement surexploitent la
ressource, mais en plus détériorent le milieu écologique
dans lequel le poisson vit et se reproduit. Il y'a une atteinte physique
(destruction de frayère) et une atteinte biologique (rejet de poissons
morts).
D'autres informateurs insistent sur l'urbanisation et les
changements alimentaires consécutifs pour rendre compte de l'engouement
autour des activités de péche. Dans le contexte de la croissance
de la ville de Nouakchott, la consommation de viande semble avoir
régressé dans l'alimentation traditionnelle des catégories
sociales défavorisées : « Avant les Mauritaniens ne
mangeaient pas de poisson et c'était honteux de travailler dans des
activités liées à la mer ou de vendre du poisson mais
depuis que les gens habitent dans les villes, la situation a changé. La
viande est devenue chère, le poisson est actuellement plus accessible
pour tout le monde ». La pêche est un secteur en pleine
expansion non seulement à cause des exportations mais aussi à
cause de la consommation locale liée à la croissance
démographique et aux changements alimentaires.
Cependant, la péche reste toujours un secteur
important, ce qui s'explique par le fait qu'elle constitue l'une des rares
activités génératrices de revenus importants. Le
développement de la pêche est en relation avec les flux
migratoires qui attirent des populations des pays de la sousrégion
notamment des Sénégalais, des Maliens et des Guinéens pour
la pêche artisanale. Pour la pêche industrielle nous rencontrons
surtout des Chinois, des Coréens et des Européens.
Une sourde rivalité existe entre transformateurs
mauritaniens et étrangers. Les exploitants mauritaniens se plaignent que
les pêcheurs privilégient les exploitants étrangers. Cette
situation s'explique par le fait que les étrangers exportateurs sont
préts à payer plus cher que les autochtones. Cette situation
constitue une réelle menace pour les autochtones qui voient leurs
revenus diminués.
Dans certains entretiens, on note la référence
à la diminution des ressources naturelles pour expliquer la dynamique
démographique de la zone. Les populations qui sont venues ici dans
l'espoir d'améliorer leur situation économique en exploitant les
ressources naturelles n'y trouvent plus le méme intérét de
départ, du fait d'une diminution de celles-ci. Par Conséquent,
nous remarquons une diminution de l'effectif des employés et une baisse
de leur revenu. A cet égard, on peut constater à quel point
l'exploitation des ressources naturelles peut constituer l'un des traits
marquants pour la dynamique de l'occupation du sol dans la partie
côtière de la ville.
4. DECHETS ET RISQUES SANITAIRES
La concentration de la population et de l'industrie sur la
zone littorale est à l'origine d'une production importante de
déchets solides et liquides. C'est là, un résultat
manifeste du déséquilibre démographique qui s'est
opéré en faveur ou plutôt au détriment du littoral
nouakchottois. Les déchets rejetés dans la sebkha et
l'infiltration des eaux usées domestiques et industrielles dans un
contexte d'inexistence d'un réseau d'assainissement, posent de
réelles menaces de contamination de la nappe phréatique. Il est
à peine besoin de souligner les malencontreux effets esthétiques
et sanitaires d'une telle invasion de déchets.
Sur la carte 7, on a localisé 7 décharges dans
la zone étudiée. Deux décharges sont très proches
de l'habitat des quartiers de Sebkha et une près de la « Plage des
pêcheurs ». Le reste des décharges se trouve dans
l'arrondissement d'El Mina, deux sur 4 décharges se trouvent près
de l'habitation de cet arrondissement et deux autres décharges sont
près du Port Autonome de Nouakchott. Concernant la zone d'étude,
dans plusieurs textes d'entretien, on signale que les lieux de décharge
des ordures se sont développés. Cependant, on note aussi que pour
l'essentiel des décharges, les ordures produites dans les autres
quartiers de Nouakchott sont déversées dans la zone des
dépressions salées de la sebkha.
4.1. Ordures ménagères solides
Un des grands problèmes d'environnement urbain
concernant la ville de Nouakchott est que les ordures ménagères
sont souvent déposées dans des décharges non
contrôlées au niveau des dépressions (voir carte 7). Les
conséquences sur la santé des populations des quartiers pauvres
et la pollution de la nappe sont autant d'aspects à considérer
dans les plans directeurs d'urbanisme.
Certains des sites mentionnés dans notre étude
avaient déjà été signalés dans des travaux
effectués auparavant par d'autres chercheurs. Ainsi, Saint M P. et IRC-
Consultant 2004, avaient analysé les sites pollués sur le
littoral qui portent atteinte au paysage et à l'environnement. Le
tableau 1 donne des informations additionnelles sur les caractéristiques
de ces dépôts d'ordures.
Tableau 1 : Inventaire de 5 majeurs sites de pollution du
littoral de Nouakchott
Site
|
Coordonnées géographiques du
site
|
Nature des rejets
|
Quantité rejetée
|
Site 1
|
N 18°06, 180'
|
WO 16°01 128'
|
ordures ménagères plastiques et cartons
|
20 et 35 tonnes
|
Site 2
|
N 18°06, 161'
|
WO 16°01 155'
|
ordures ménagères
|
moins de 10 tonnes
|
Site 3
|
N 18°06, 191'
|
WO 16°01 081'
|
rejet de ferrailles
|
- ND
|
Site 4
|
N 18°06, 233'
|
WO 16°01.076'
|
résidus irrécupérables après
prélèvement par les artisans
|
supérieure à 45 tonnes
|
Site 5
|
N 18°06, 141'
|
WO 16°01 233'
|
non conventionnelle
|
supérieure à 15 tonnes
|
Source : Saint M P. et IRC- Consultant 2004
Cependant, ces décharges ne sont pas immuables. On note
des successions de périodes où l'habitat domine et de
périodes de déguerpissement et de transformation de la zone en
décharge publique. C'est le cas de quartier de Mellah à El Mina
où les populations ont été déguerpies suite
à des inondations que la zone a connu en 1995. Cet espace laissé
vacant est devenu une décharge d'ordures ménagères et de
rejets de ferrailles. La zone de dépression
salée est un lieu de compétition entre le
désir de certaines populations de la transformer en zone d'habitat et la
volonté des pouvoirs publics et de certaines catégories sociales
d'en faire un site de dépôts d'ordures et de déchets de
toutes sortes.
Selon la plupart des informateurs, les groupes les plus
exposés aux risques de maladies liées à l'environnement
sont les femmes et les enfants. Les maladies les plus fréquemment
citées sont les maladies diarrhéiques et les maladies de la peau.
Dans un texte d'entretien un informateur note : « Ici il y a des
maladies qui sont fréquentes chez les enfants comme la diarrhée,
les maladies de la peau ; les médecins ont dit que c'est à cause
de la concentration du sel dans cette zone ; il y a aussi les maladies des
yeux, parce que les enfants ici jouent sur les ordures. En ce qui nous concerne
nous femmes, les maladies les plus fréquentes sont les avortements, les
maux de bas ventre parce qu'ici il fait très froid surtout pendant la
nuit et comme nous habitons près de la mer, il y a toujours
l'humidité de la mer et de la sebkha en plus on habite dans les Mbar,
nous sommes exposées à ces maladies ». La plupart des
textes d'entretien reconnaissent des risques sanitaires en relation avec la
situation environnementale de la zone d'étude. Les risques les plus
fréquemment cités sont mis en relation avec la présence
des ordures et des odeurs. Une observation des motifs de consultations dans les
centres de santé de la ville montre que certaines pathologies
liées à l'assainissement sont assez fréquentes. Le taux de
prévalence des diarrhées (22,3 %) est le plus élevé
du pays (PNUD, 2003).
Photo 3 : Nuisances et habitats dans le quartier de Sebkha, mai
2005
La présence de décharge n'est pas le seul
problème concernant les ordures. Les quartiers de Sebkha et d'El Mina
sont marqués par une absence presque totale de système
d'évacuation, mais aussi celle du stockage des déchets dans les
unités domestiques. Dans les quartiers pauvres, il n'y a souvent pas de
dispositifs dans les maisons pour stocker les ordures et préparer leur
évacuation.
On signale aussi que les autorités municipales
érigent des entraves au système des charrettes. Ces derniers
temps (avril 2004). Ils ont interdit aux charrettes qui évacuent les
ordures de continuer à le faire. De temps à autre selon plusieurs
habitants de Sebkha et d'El Mina, on assiste à un blocage de la
situation des ordures. Dans certains cas, on signale la présence de
charrettes pour évacuer les ordures ; mais ce dispositif ne fonctionne
pas toujours. La gestion des ordures dans ces quartiers reste un domaine
méconnu où les interventions des acteurs manquent de
coordination. L'absence de gestion des ordures génère rapidement
des situations explosives et du fait de l'urgence du problème, le
mécontentement populaire.
Dans les Stratégies de gestion des ordures mis en place
dans la ville de Nouakchott le problème a toujours été vu
en terme financier et technique et cela a donné les résultats que
l'on connaît : collecte partielle des déchets,
prolifération de décharges sauvages, odeurs nauséabondes,
prolifération des mouches. En d'autres termes, ces stratégies
n'ont pas pris en compte certains facteurs géographiques notamment : les
problèmes de la croissance urbaine, la localisation des sites
d'émission des déchets et la qualité des
aménagements dans tout programme de collecte et d'élimination des
déchets.
4.2. Déchets liquides
La présence des eaux usées domestiques constitue
une gêne majeure pour les populations riveraines. Elles sont
associées à de grands problèmes d'hygiène qui se
traduisent par des odeurs et des mouches envahissantes qui peuvent être
des agents vecteurs de germes pathogènes. Si on constate une certaine
tolérance des populations vis-à-vis des ordures, pour ce qui est
du déversement des eaux usées par contre, on note une
résistance des riverains. Les conflits entre les conducteurs des
citernes de vidange et les populations locales tournent à l'avantage des
premiers, du fait des faibles moyens de surveillance.
Alors que l'assainissement défectueux des quartiers est
ressenti comme le principal facteur de gene, paradoxalement, personne ne
s'occupe de la salubrité des espaces publics. Les eaux usées
domestiques sont évacuées d'une façon ou d'une autre de la
parcelle et s'accumulent en
flaques nauséabondes sur les routes. Pourtant, les
populations en attribuent la responsabilité aux lacunes du service
public plutôt que à leurs comportements. La même
enquête menée auprès de la population indique que les
principaux motifs de plainte cohabitent avec les odeurs dégagées
par les fosses, le pullulement des mouches et la prolifération des
cafards. Il faut aussi noter les problèmes liés au manque d'eau
pour l'entretien des latrines.
A Nouakchott, un premier réseau d'évacuation des
eaux usées de 38 km avait été réalisé en
1960-1965. En 1981-1984, une extension de 31 km a été
réalisée mais celle-ci n'est toujours pas fonctionnelle.
La station d'épuration d'eaux est d'une capacité
théorique de 900 m3/jour. Les conditions techniques de
fonctionnement de la station d'épuration sont rarement satisfaisantes.
L'entretien du réseau, assuré en principe par le service
d'assainissement de la SONELEC, ne dispose pratiquement d'aucun moyen technique
ou financier. Les regards sont en très mauvais état et les trois
postes de relevage demandent une réhabilitation complète.
Seul le centre ville et l'arrondissement de Tavragh Zeina
disposent d'un réseau d'assainissement qui draine les eaux usées
et pluviales. Selon Abdou Wedoud C. (1996) plus de 96 % de la population de
Nouakchott utilisent l'assainissement individuel sous forme de latrines, fosses
d'aisance, ou fosses septiques, ce dernier dispositif épurateur
étant très minoritaire.
L'absence de schémas cohérents et
opérationnels de l'assainissement, se traduit par les rejets de presque
90 % (DATAR, 2000) des volumes de résidus issus des fosses septiques de
la ville sur le littoral. Ces rejets représentent, évidemment, un
risque de pollution grave et menacent de contaminer les nappes dans les zones
de la sebkha.
Dans les quartiers de Sebkha et d'El Mina l'assainissement est
loin d'être suffisant ; seuls 1 % de logements sont branchés au
réseau d'assainissement urbain, 80 % disposent d'un sanitaire avec puits
perdus et 19 % n'ont aucune installation sanitaire (Ould Sidi M., 1987).
Lorsque l'eau de boisson est contaminée par des agents
pathogènes, c'est parce que généralement il y a eu
pollution de la nappe qui alimente les puits et les forages. Un autre danger
apparaît quand les effluents infiltrent le sol à faible profondeur
au voisinage de canalisations dans lesquelles le débit est intermittent
ou la pression de temps à autre est très basse. Lorsque les
canalisations sont pleines, l'eau sort par les joints en mauvais état,
les fissures et les trous. En
revanche, lorsque les canalisations sont vides ou sous pression
réduite, les effluents peuvent y pénétrer par la
même voie et créer ainsi des risques sanitaires.
Dans les zones aisées, les problèmes d'ordures
semblent moindres du fait qu'elles sont dotées d'un réseau
d'évacuation relativement complet et opérationnel. S'il
apparaît que les quartiers anciens de Tevragh Zeina sont effectivement
dotés d'un réseau relativement complet, la situation actuelle de
l'hygiène du milieu n'en demeure pas moins préoccupante. Selon
UICN, 2005, 50 % des quartiers de Tevragh Zeina sont théoriquement
reliés au réseau d'égout de Nouakchott mais celui-ci,
vétuste, connaît des problèmes de débordements
fréquents. Certains ménages ont alors développé des
systèmes d'assainissement autonomes utilisés quand les
difficultés surviennent, ou de manière permanente. Il y a des
camions de vidange de la mairie ou de privés, mais le prix de leur
intervention les met hors de portée de l'immense majorité des
habitations de Nouakchott.
Le service de vidange actuel pose la question du traitement
des excréta qui sont rejetés directement dans des terrains vagues
aux alentours de la ville ou vendus à des exploitants maraîchers.
Les eaux brutes sont distribuées sans désinfection aux
maraîchers d'El Mina (10 % de la production maraîchère
nationale selon la FAO, 2002), qui utilisent également ces eaux
usées non traitées avec tous les risques sanitaires
associés. Ce ne sont pas seulement les exploitants qui sont
potentiellement exposés aux risques sanitaires liés à
l'activité maraîchère, mais également toutes les
personnes fréquentant le site en général et/ ou les
produits agricoles du site. Il s'agit en particulier des visiteurs ou passants,
des enfants qui jouent sur le site et des acheteurs de légumes, des
consommateurs et des revendeurs.
4.3. Déchets industriels
Les zones qui sont occupées par les activités
productives sont aussi très souvent envahies par les ordures qui
augmentent sans cesse. Des études antérieures montrent que les
industries installées à Nouakchott produisent de grandes
quantités de déchets (tableau 2).
Tableau 2 : Principaux produits et rejets par industrie à
Nouakchott
Société
|
Produits
|
Production
|
Rejets
|
PLASTRIM
|
Divers plastiques
|
100 à 150 tonnes par an
|
- Rejets récupérables
|
SOMACOGIR
|
Bougies
|
30000 bougies par jour
|
- Bougies
- Emballages en carton
|
SAADA
|
Matelas mousse
|
200 matelas par jour
|
- Matelas
- Fûts de polyol
- (produit non toxique)
|
MPA
|
pâte alimentaire,
|
Non déterminés
|
- Aliments
- Emballages en sac de plastique
- Huiles usagées des machines thermiques
|
SAMIA
|
Gypse et plâtre
|
100 000 tonnes par an
|
- Sacs en polyéthylène - Huiles de vidange
- Déchets d'emballage en
papier kraft
|
Ciment De Mauritanie
|
Ciment
|
250000 tonnes par an (production effective approximative)
|
- Graisses
- Huiles de vidange
|
Savon De Nouakchott
|
Savon
|
36 tonnes par an
|
- Fûts vides
- Emballages
- Déchets liquides
|
SAPEINT
|
Peinture
|
4380 tonnes par an
|
- Sacs vides
|
Ets Ahmed Beddi
|
Divers plastique
|
300 tonnes par an
|
- Non déterminés
|
Source : Saint M P. et IRC- Consultant 2004
Les principales industries de la ville sont situées aux
abords du littoral. Elles occupent en 2002, 296 ha, soit 14 % des surfaces
totales du bâti de la zone d'étude.
Les activités portuaires et industrielles menées
sur le littoral engendrent différentes formes de pollution et de
nuisance qui touchent la sebkha et les eaux marines. Actuellement, sur
l'ensemble des trois sites (Wharf, « Plage des pêcheurs » et
PANPA), aucun collecteur ne recueille les eaux usées et aucun
prétraitement n'est effectué avant rejet.
L'opérateur en charge de la collecte municipale ne se
rend pas sur le littoral. De ce fait, les unités implantées se
contentent de rejeter un peu plus loin les nuisances qu'elles
génèrent. Enfin, en l'absence d'une véritable
décharge municipale, les ordures industrielles collectées dans
Nouakchott sont en partie déchargées dans l'Aftout Es Saheli
(Carte 7).
Les déchets identifiés aux abords du
marché au poisson et sur la plage sont, selon des informations
reçues, le fait des industries de transformation situées dans les
environs. Les informateurs indiquent aussi qu'il y a une pollution marine qui
menace la population humaine qui consomme les poissons contaminés. Les
conséquences de cette contamination sont considérées comme
dangereuses, comme l'affirme un de nos interlocuteurs : « On a vu ce
problème plusieurs fois, même moi j'ai un ami qui est
décédé parce qu'il a mangé une
espèce
de poisson qui s'appelle Gaunate qui avait avalé des
déchets. Quand mon ami est tombémalade, on l'a
évacué à l'hôpital mais c'était trop tard et
le médecin a dit qu'il avait une
intoxication ». Selon les gens il y a une forte
relation entre la pollution marine et la qualité de la santé
humaine. La pollution des eaux de mer par les déchets est susceptible de
créer nombre de problèmes parmi lesquels on peut citer : des
risques pour la santé des humains, des dommages aux ressources
biologiques ou aux écosystèmes marins, des atteintes aux valeurs
d'agrément, ou des entraves aux autres utilisations légitimes de
la mer.
Les produits halieutiques pouvant être
contaminés, présentent des risques sanitaires pour les
consommateurs. Les transformations s'effectuent souvent dans des chantiers en
plein air sans infrastructures minimales permettant de garantir la
qualité sanitaire des produits.
Dans les zones d'exploitation du sel, on se plaint aussi des
dépôts d'ordures qui affectent la qualité de la
ressource.
Photo 4 : Site d'extraction du sel à Tevragh Zeina, mai
2005
Selon le Ministère de la Santé, la consommation
du sel provenant de la zone de Tevragh Zeina engendre des risques sanitaires du
fait de sa pollution microbienne et d'une forte concentration en
nitrate7. Mais, ce poit de vue est contesté par les
extracteurs de sel qui affirment que le produit est de bonne qualité.
Cependant, nous n'avons pas trouvé de document attestant cette
affirmation. Mais pour les extracteurs, l'argument sanitaire est seulement un
prétexte qui cache des intérêts fonciers.
7 Deux types de risques peuvent être envisagés
comme résultant d'une teneur considérée comme excessive de
nitrates dans l'alimentation : Les nitrites (NO2) dérivés des
nitrates (NO3) par réduction microbiologique intestinale, sont toxiques
pour les nourrissons. Ils sont la cause de
méthémoglobinémies qui peuvent entraîner la mort.
Chez l'adulte, sont des facteurs cancérigènes, surtout de
l'appareil digestif (Salem G., 1998).
5. RISQUES D'INONDATIONS
La topographie (au-dessous du niveau de la mer), la nature des
dépôts (sol argileux et imperméable), la nappe d'eau
sub-affleurante de la sebkha et la rupture toujours possible du cordon littoral
expose les occupants de cette zone à des risques d'inondations à
l'occasion de pluies abondantes. A titre d'exemple, on évoque le cas du
quartier de Melah à El Mina dont les populations ont été
déguerpies en 1995 à la suite de fortes pluies qui ont fait
remonter la nappe phréatique.
Il existe peu de travaux sur l'historique des inondations de
la ville de Nouakchott. Saint M P. et IRC- Consultant (2004) ont pu recenser
quatre inondations majeures depuis 1950. Ces inondations sont les suivantes
:
- en 1950, des crues exceptionnelles du fleuve
Sénégal provoquent l'inondation de l'Aftout Es Saheli ;
- le 25 février 1987, une violente tempête
provoque une double rupture du cordon dunaire, dans la zone d'érosion
située au Sud du Port de l'Amitié. Deux brèches, d'une
vingtaine de mètres chacune, ouvrent la voie à la mer ;
- en août 1992, des vagues, poussées par une
violente tempête, franchissent le cordon littoral au nord de
l'Hôtel Ahmedi. La mer avait ouvert une brèche d'une cinquantaine
de mètres dans le cordon littoral ;
- Dans la nuit du 14 au 15 décembre 1997, sur une
distance d'environ 4 kilomètres, des pirogues de pêcheurs sont
balayées par les vagues et il y a eu plusieurs victimes. Ces inondations
sont liées à des incursions maritimes.
Dans le cadre de l'étude de l'environnement aux abords
de Nouakchott en 2004, le profil topographique réalisé en
direction de Tevragh Zeina montre que l'Aftout Es Saheli présente une
pente vers la ville, facilitant l'arrivée rapide des eaux vers les
quartiers périphériques : à 1500 mètres de la
plage, le terrain est à + 0,54 m IGN, soit 3 mètres en dessous du
niveau maximum annuel et de 1,7 mètres en dessous du niveau de pleine
mer de vives-eaux.
Les données recueillies lors des entretiens mettent en
relief l'idée d'une augmentation de la fréquence des
inondations. Certains disent que, maintenant chaque année, il y a des
inondations. La description généralement faite
des inondations est qu'elles sont consécutives à de fortes
pluies. Mais, on ajoute aussi que cette situation résulte de l'absence
d'un système d'évacuation ou de drainage des eaux pluviales. La
situation est aggravée par le fait qu'il s'agit d'un milieu
marécageux où les sols sont imperméables et la nappe
phréatique subaffleurante. Ce qui explique que les eaux de pluies
stagnent plus longuement surtout dans les quartiers de Sebkha et El Mina.
Des activités humaines comme l'extraction du sel, du
sable ou des coquillages ne sont pas mises par les informateurs en relation
avec la survenue des inondations. Mais, les mêmes informateurs
s'accordent volontiers à dire que les inondations résultent du
fait que des populations sont venues habiter des zones non
aedificandi. C'est plutôt l'occupation du sol qui apparaît
comme la cause du phénomène. Actuellement, des populations
continuent à occuper cette zone inondable.
Les principaux arguments évoqués par les
populations sont l'absence ou la rareté de zones habitables. Les
populations estiment qu'elles se trouvent dans une situation de
précarité de leurs habitats. Les citations d'un texte de focus
groupe sont à ce propos illustratives « On est là depuis
le conflit sénégalo-mauritanien ; quand on venait ici il y'avait
beaucoup de gens, mais l'Etat les a déguerpis suite aux inondations que
cette zone a connues depuis quelques années. Il y avait beaucoup de
familles qui ont perdu leurs biens à cause de ces inondations ; nous,
nous avons refusé de quitter nos baraques. Actuellement, l'Etat a
décidé d'affecter cette zone comme décharge d'ordures
». Les dégâts causés par ces inondations sont :
la destruction des biens des habitants et de leurs activités, le
coût des secours et des réparations, des accidents et dans
certains cas des morts.
Le bâti industriel et touristique est composé
d'installations vastes situées en général directement sur
les cordons littoraux. Ces derniers constituent la seule protection de la zone
basse de sebkha contre les inondations.
La construction du Wharf n'a eu qu'un impact mineur sur la
morphologie du trait de côte. Par contre, la construction du port de
l'amitié, édifié entre 1979 et 1986, a
entraîné une modification rapide du trait de côte.
Les simulations numériques réalisées dans
le cadre de l'étude de l'environnement aux abords de Nouakchott en
2004 confirment que les infrastructures portuaires bloquent
annuellement près d'un million de m3 de matériaux
sableux. Ainsi que les cordons du littoral ont disparu
complètement sur près de 5 kilomètres. Sur
ces 5 kilomètres, seule la digue de retenue longue de 1500
mètres, constitue un rempart contre les incursions marines.
Selon Richard A. (2005), la progression du trait de côte
est d'environ 35 m/an ; le contournement du port par l'Atlantique devrait
intervenir entre 2010 et 2015. D'autres études commanditées par
le Gouvernement indiquent qu'en cas de rupture du cordon dunaire 79 % de la
superficie globale de Nouakchott sera inondable à l'horizon 2020 et
c'est toute la ville qui le sera d'ici à 2050.
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