II. MOYENS DE REGLEMENT PACIFIQUE DES CONFLITS ARMES
Le volontarisme classique, dans le cadre de maintien de la
paix générale et en vue de prévenir le recours à la
force entre puissances étatiques, se contente de souhaiter ces
dernières à se convenir d'employer leurs efforts en vue du
règlement pacifique des différends qui les oppose.
La résolution pacifique des différends exige
l'élaboration des mécanismes spécifiques permettant de
mettre les parties antagonistes directement ou indirectement en contact :
l'intervention des tiers de façon active peut s'avérer d'une
impérieuse nécessité afin de faciliter les parties
à négocier, voire même à leur proposer des voies de
sortie de leurs différends.
Ainsi donc, il s'agira dans ce deuxième point de
présenter les différents mécanismes appropriés de
règlement pacifique des conflits armés, à savoir la
négociation (A), les bons offices (B), la médiation (C),
l'enquête (D), la conciliation (E), l'arbitrage (F) et le
règlement juridictionnel (G).
A. LA NÉGOCIATION
La négociation est vue comme une série de
séquences au cours desquelles les négociateurs proposent des
stratégies communes, font des offres et des demandes, aboutissent
à des concessions. Elle est analysée comme un marchandage qui met
en jeu des manifestations de puissances. Elle est également vue comme un
art de persuasion et comme un jeu à deux niveaux où politique
intérieure et relations internationales sont
indissociables1.
1 SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Op. Cit., pp. 348-349.
De manière procédurale, la négociation
met en présence les Etats entre eux et/ou avec les parties non
étatiques directement en litige. Elle constitue le minimum de ce qui est
entendu par les parties antagonistes pour régler pacifiquement tout
différend.
De leurs parts, les négociations diplomatiques
consistent d'abord en un échange des points de vue entre les parties
dans le but de définir d'un commun accord, et autant que faire se peut,
la procédure ainsi que la solution à envisager. A cette fin, les
parties échangent leurs points de vue sur les différentes
propositions réciproques avancées pendant les négociations
et concluent leurs travaux par la rédaction d'une convention
internationale dont les termes définissent les conditions dans
lesquelles le litige est résolu1.
En revanche, l'objet de la négociation n'est pas
nécessairement ni exclusivement de régler le différend
né. Une négociation qui aboutit à l'adoption d'une
réglementation nouvelle peut ainsi contribuer à prévenir
ou à désamorcer des situations potentiellement
conflictuelles2.
C'est ce qu'on a observé lors de négociations
inter congolaises à Lusaka (Zambie) entre le gouvernement de Kinshasa
sous la présidence du feu Laurent Désiré Kabila et le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie, le Mouvement pour la
Libération du Congo, les Maî Maî, la
société civile et l'opposition politique non armée, qui
ont abouti, sous la présidence de Joseph Kabila ayant
succédé son père de manière anarchique à la
tête de la RDC, à l'organisation d'une transition politique.
Rentrent également dans cette catégorie, les
conflits maroco-algérien, somaloéthiopien et
somolo-kenyan3 notamment durant la première décade de
la création de la défunte Organisation de l'Unité
Africaine (OUA).
Le conflit maroco-algérien avait vu l'intervention de
deux chefs d'Etat et avait conduit à la signature du communiqué
de Bamako du 30 Octobre. Des décisions concrètes y avaient
été arrêtées dont la plus importante fut la demande
faite à l'OUA de procéder à la création d'une
commission spéciale d'arbitrage que Chapal Ph. qualifia de
médiation.
De même, les conflits somalo-éthiopien et
somalo-kenyan, grâce à une médiation soudanaise pour le
premier et tanzanienne, puis zambienne pour le second, avaient également
évolué vers un gel mais sans pour autant connaître un
aboutissement définitif devant amener les parties à l'acceptation
du tracé colonial.
C'est le cas également du conflit
d'intangibilité des frontières en décembre 1974 qui opposa
la Haute-Volta4, l'actuelle Burkina Faso, et le Mali. En effet, pour
une fois, le
1 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 227
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 783.
3 BENMESSAOUD TREDANO Abdelmoughit, Op.
Cit.,pp. 121-122.
4 Idem., p. 123.
communiqué d'une conférence de médiation
précisait sans ambages les bases du règlement du
différend. À l'issue de leur réunion de Lomé du 26
décembre 1974, outre les antagonistes, les chefs d'Etat du Niger et du
Togo avaient crée une commission de médiation qui s'assignera
comme tache, entre autre, << de rechercher une solution au
différend frontalier sur la base des documents juridiques existants
».
B. LES BONS OFFICES
Ils désignent l'intervention d'une tierce puissance qui
juge << bon d'offrir » son entremise pour faire cesser un litige
entre deux Etats ou qui est invitée à le faire par l'un ou les
deux Etats en conflit. L'Etat tiers utilise son influence morale ou politique
pour établir le contact entre les parties et faciliter l'organisation
matérielle de la négociation1. Ranjeva et Cadoux de
leur part, affirment qu'il s'agit d'une procédure par laquelle une
tierce partie, spontanément ou à la demande de l'une ou de
l'autre partie, voire de la communauté, offre ses services pour
permettre aux parties à un litige de procéder à
l'ouverture de négociation ou à recourir à tout mode
spécifique de règlement de différends2.
En fait, les bons offices ne visent pas à
dégager une proposition de solution. Il s'agit d'une procédure
diplomatique, qui a pour objet essentiel de faciliter la reprise des dialogues
et des négociations entre les parties, l'Etat tiers qui propose ses bons
offices ne participe pas directement au règlement des
litiges3 qui reste l'°uvre exclusive des parties au
différend étant donné que sa tâche est
terminée dès que les adversaires acceptent de se rencontrer et
entament la négociation4.
Ceci fut le cas de la Tanzanie en offrant ses bons offices
lors des négociations du gouvernement de la République Rwandaise
sous la présidence du feu Juvénal Habyarimana et les rebelles du
Front Patriotique Rwandais, à Arusha. On peut également citer la
République Sud Africaine qui avait offert ses bons offices aux
pourparlers entre le gouvernement de Kinshasa sous la présidence de
Joseph Kabila et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie, le
Mouvement pour la Libération du Congo, les Maî Maî, la
société civile et l'opposition politique non armée.
1 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 785
2 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 228
3 Idem.
4 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., pp. 785-786
C. LA MEDIATION
La médiation est une forme particulière de
négociation internationale dans laquelle intervient un tiers parti. Les
adversaires négocient entre eux à travers le médiateur,
dont la position peut aller de la plus stricte neutralité à la
pression caractérisée. Le temps où l'on analysait la
médiation comme une activité impartiale est révolu :
« le médiateur peut agir comme communicateur, énonciateur,
manipulateur au fur et à mesure que s'engage le processus ». Camp
David, Dayton, nous renseigne Smouts et compagnie, sont de bons exemples de cas
dans lesquels le médiateur, l'administration américaine en
l'occurrence, prend le leadership, définit les intérêts
respectifs des participants et les solutions d'intérêt commun
1.
Le Droit conventionnel et la diplomatie confondent aujourd'hui
la médiation et les bons offices. Originairement, dans le
procédé des bons offices, le tiers travaillait à
créer une atmosphère favorable à la reprise des rapports
directs. Le médiateur, au contraire, dirigeait lui-même la
négociation et proposait un arrangement. Tout au plus, à l'heure
actuelle, peut-on distinguer entre les deux une différence de
degré. Le médiateur se compromet officiellement plus que le
gouvernement qui offre ses bons offices. Dans ce dernier cas, le rôle
assuré est souvent plus officiel2.
Dans la crise burundaise, sous la médiation de Mandela
qui avait succédé le facilitateur Nyerere après sa mort,
le processus aboutira à la conclusion d'un accord de paix en août
2000. Au sujet du leadership de la transition, le médiateur
Mandela3 avait proposé la formule suivante : 18 mois de
transition dirigée par un président tutsi, suivis de 18 mois de
transition dirigée par un président hutu. Le
vice-président sud africain Jacob Zuma, ayant remplacé le
médiateur Nelson Mandela, a joué parfaitement le rôle de
médiateur dans le cadre de l'Union Africaine en collaboration avec
l'Organisation des Nations Unies.
En effet, la médiation peut être
demandée4 ou offerte1. Ces deux dernières
espèces sont destinées à rassurer les petits Etats. C'est
ainsi que la médiation n'arrête pas les mesures
1 ZARTMAN, in International Négociation,
1991, p. 72 cité par SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Op. Cit., pp. 349-350.
2 CAVARE, L., Le droit international public positif,
T. II les modalités des relations juridiques internationales,
les compétences respectives des Etats, 3e éd.
Mise à jour par J.P. QUENEUDEC, Paris, A. Pédone, 1969, p 224.
3 MARYSSE, S., et REYNTJENS, F. (sous la dir.),
L'Afrique des grands lacs,annuaire 2000-2001, L'Harmattan, Paris,
2001, p. 60.
4 L'une des espèces que les conventions de la Haye
distinguent c'est la médiation demandée ; l'hypothèse la
plus souple. Il est normal en effet, que les Etats entre lesquels un
différend s'est élevé, recourent, pour faciliter leur
situation, à la médiation dun tiers. C'est aussi
l'hypothèse la moins délicate, car les Etats tiers seront
à I'aise pour intervenir à la demande formelle des Etats
intéressés. Ils n'auront pas à craindre de blesser leurs
susceptibilités. Lire à ce propos CAVARE, L., Op. Cit.,
p. 226-227.
préparatoires à la guerre et si la guerre est
commencée, l'offre ou la demande de médiation n'interrompt pas
les opérations militaires en cours2.
En réalité, la médiation est une action
d'un ou plusieurs Etats ou d'une organisation internationale, ou
exceptionnellement d'une personnalité publique ou privée qui,
à la demande et avec l'assentiment des parties au litige, s'efforce de
faciliter le règlement du différend. Le médiateur
amène les parties à reprendre leurs négociations et
participe activement à la recherche de solution en suivant les
discussions, en intervenant pour que les points des vues se rapprochent et, en
même temps, en proposant, en cas de besoin, des solutions
spécifiques3 sans toutefois chercher à imposer une
solution4.
En ce qui concerne la médiation demandée, on
peut citer le cas de Nelson Mandela alors président de la
République Sud Africaine dans la médiation entre le
président MOBUTU de la République du Zaïre et l'Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre
conduite par Laurent Désiré KABILA. Dans ce même sens, on
peut citer également le facilitateur Ketumile Masire dans les
négociations inter congolaises. Pour ce qui concerne la médiation
offerte, on peut citer encore la République Sud Africaine sous la
présidence de Tabo Mbeki, à Sun City.
Toutefois, la médiation présente certaines
caractéristiques5 auxquelles on peut ajouter
le danger qu'elle présente.
1°. Caractéristiques de la médiation
La médiation se différencie de l'arbitrage par ses
effets et par son allure de liberté.
Par ses effets, le médiateur donne un simple
avis qui n'a pas d'effet obligatoire à l'égard des parties. Le
rôle du médiateur, par contre, consiste à concilier les
prétentions opposées et à apaiser les ressentiments qui
peuvent s'être produits entre les Etats en conflit. Il ne peut donc le
garantir ni en réclamer l'exécution.
Par son allure et sa liberté, aucune
procédure n'est habituellement instituée étant
donné que la médiation n'offre pas aux parties les garanties qui
dérivent des formes.
1 La 2e espèce c'est la médiation
offerte qui est là un procédé de médiation plus
délicat que le précédent. La plupart des médiations
ont été offertes, voire imposées. On rencontre la
médiation offerte : pour résoudre un différend, pour
éviter une guerre ou pour mettre fin à une guerre. CAVARE, L.,
Op. Cit., p. 228.
2 Ibidem, p. 229.
3 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229
4 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 786
5 CAVARE, L., Op. Cit., p. 225.
2°. Dangers de la
médiation
Si la souplesse de la médiation est une condition de
son succès, en revanche, elle offre des inconvénients : elle a
inspiré des craintes aux petits Etats, et non sans raison. En effet,
l'absence de règles précises de procédure laisse beaucoup
d'initiatives à l'action du médiateur. Or, il y a là un
danger. L'exercice de la médiation peut être, pour une grande
puissance, une source de tentation en vue d'accroître son pouvoir.
Pour que la médiation réussisse, il importe que
le médiateur inspire confiance à toutes les parties litigantes.
Il doit, pour cela, réunir un certain nombre de qualités. C'est
pourquoi un chef d'Etat en fonction ou un chef de gouvernement paraît
souvent mal placé pour jouer le rôle de médiateur.
D. L'ENQUÊTE
Elle consiste dans une recherche portant sur des faits
présentés comme à l'origine d'un litige, en vue d'en
constater leur matérialité, leur nature, les circonstances qui
les accompagnent, et dans la fourniture d'un rapport aux parties. Cette
tâche est le plus souvent confiée à un organe
collégial, dit commission d'enquête. Les enquêteurs se
limitent en principe à consigner objectivement les faits dans un
document les faits dans un rapport.
En principe, la structure du rapport de la commission
d'enquête permet de déterminer la part respective prise et
endossée par chaque partie dans la genèse de différend. Le
rapport établi, remis aux différentes parties, sert de document
de base acceptable pour des négociations en vue du règlement du
différend1.
En fait, l'enquête ne suffit pas à
elle-même comme moyen de règlement. Elle est complémentaire
des procédés des négociations ou du règlement
juridictionnel ou arbitral. Elle est une procédure facultative, à
la fois dans son déclenchement et dans sa portée2.
E. LA CONCILIATION
On peut définir la conciliation comme un mode de
règlement des différends internationaux consistant dans le
recours par les parties au différend à une commission
1 RANJEVA, R. et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229.
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 787
constituée par elles, permanente ou non, qui s'efforce
de définir les termes d'un arrangement susceptible d'être
accepté par elles1.
Pour sa part, Ranjeva et Cadoux soutiennent que la
conciliation est une méthode de règlement des différends
consistant à faire examiner les différents aspects d'un litige
par un organe constitué à cet effet ou accepté par les
parties et chargé de leur faire des propositions en vue d'un
règlement2.
Toutefois, la conciliation doit présenter quelques
caractères, selon les recommandations de l'Institut de Droit
international :
1°. Les conditions de succès de
l'institution conseillent d'abord de mettre en °uvre la plus grande
souplesse.
Souplesse dans la composition de la conciliation . on
peut la créer, soit à l'avance, soit pour une affaire
déterminée. Les parties sont libres de l'organiser comme elles
veulent.
Souplesse dans la compétence . tout litige
peut lui être déféré, qu'il soit purement politique
ou purement juridique.
Souplesse dans son rôle . elle doit avoir la
plus grande liberté pour définir son rôle ; dans tous les
cas, elle se borne à « proposer la solution » : la
décision finale appartient aux parties.
2°. L'absence de formalisme est une
deuxième condition du succès de l'institution ;
3°. Enfin, le secret des travaux de la
commission constitue une troisième condition de leur succès. Il
s'impose pendant toute la durée du procès. Le
procès-verbal ne devra être publié qu'avec l'accord des
parties.
Toutefois, soulignons que les propositions de la commission ne
deviennent obligatoires qu'après acceptation par les parties.
F. L'ARBITRAGE
Le règlement arbitral, d'origine très ancienne,
apparaît dans la société internationale de la fin du
XVIIIe siècle, quand les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
décident, par le traité de Jay de 1794, d'instituer des
commissions mixtes d'arbitrage chargées de régler les contentieux
consécutifs à l'indépendance américaine. Ces
mêmes Etats ont largement contribué au
1 CAVARE, L., Op. Cit., p. 242
2 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229.
perfectionnement de la technique du tribunal arbitral dans le
cadre de l'affaire de l'Alabama en 18721.
En effet, l'arbitrage amène les parties antagonistes
à soumettre leur différend à un tribunal arbitral et
à respecter les normes juridiques désignées. Toutefois,
l'art 37 de la première convention de La Haye du 18 octobre 1907
définit l'arbitrage international comme ayant pour objet le
règlement des litiges entre les Etats par des juges de leur choix et sur
base du respect du droit2.
En droit interne, on entend par arbitrage l'institution d'une
justice privée par laquelle les litiges sont soustraits aux juridictions
de droit commun pour être résolus par des individus revêtus,
pour la circonstance, de la mission de les juger3. Pour sa part, A.
Kassis4, l'arbitrage international relève du droit
conventionnel et ne possède aucun caractère juridictionnel.
L'auteur renchérit en disant que l'arbitrage est le règlement
d'un litige par une ou plusieurs personnes auxquelles les parties ont
décidé d'un commun accord, de s'en remettre.
Ce mode de règlement ménage la
souveraineté reconnue aux Etats. Car la souveraineté implique le
droit de refuser d'être attrait devant un tiers, elle implique tout
autant le droit de faire exception à ce refus par un engagement
conventionnel. Cependant, ce consentement à l'arbitrage doit être
suffisamment clair et précis pour constituer une véritable
obligation juridique internationale.
Le règlement arbitral, procédé
parfaitement respectueux de la souveraineté de l'Etat et de sa
volonté, a connu une incontestable faveur tout au long du
XIXe siècle, ce dont prend acte la convention de La Haye de
1907 sur le règlement pacifique des conflits internationaux en
reconnaissant l'arbitrage comme le moyen le plus efficace et le plus
équitable de régler les litiges en dehors des voies
diplomatiques. Mais les tentatives d'institutionnalisation avec la
création d'une Cour permanente d'arbitrage, pourtant simple et modeste
registre d'arbitres,
1 L'affaire de l'Alabama : C'est au cours
de la guerre de Sécession que l'un des navires de guerre sudistes parmi
les plus redoutables, construit en Angleterre, infligea de lourdes pertes aux
forces nordistes, avant qu'un de leurs navires le détruise en rade de
Cherbourg au cours d'une escale. Les Etats-Unis accusèrent par la suite
l'Angleterre d'avoir manqué aux devoirs qui s'imposaient aux Etats
neutres dans une guerre maritime en ayant permis la construction de l'Alabama
et d'être responsable, par là même, des pertes subies et de
la prolongation de la guerre de Sécession. Un tribunal international
d'arbitrage organisé par le traité de Washington condamna
l'Angleterre en 1872, à Genève, à payer une lourde
indemnité pour les dommages causés à la flotte
américaine. Cf. SANDRA SZUREK, « le règlement judiciaire ou
arbitral des différends entre Etats », in QUESTIONS
INTERNATIONALES, n° 4 novembre-décembre 2003, Justices
internationales, La documentation française, 2003, p. 35.
2 Idem., p. 240
3 ROBERT, J., I'arbitrage : droit interne, droit
international privé, 6e éd., Paris, Dalloz, 1993,
p. 3
4 KASSIS, A., Problèmes de base de l'arbitrage en
droit comparé et en droit international, T.I, Arbitrage juridictionnel
et arbitrage contractuel, Paris, L.G.D.J, 1987, p. 13.
échouèrent et l'apparition du règlement
judiciaire parut préférable, à cet égard, au
règlement arbitral dépendant intégralement de l'accord des
parties et de ses aléas1.
G. LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL
Contrairement aux modes de règlement
étudiés, les procédés juridictionnels conduisent
à une solution imposée aux parties antagonistes par des tiers.
Par ce motif, les Etats, jaloux et soucieux de leur
souveraineté, ont longtemps été réticents à
l'idée de soumettre leurs litiges à un tiers dont le rôle
est de dire le droit et de le trancher avec un effet obligatoire pour les
litigants, qu'il soit juge ou arbitre.
Dans ce type de règlement, sont en effet réunis,
les éléments fondamentaux de la fonction juridictionnelle: une
décision fondée sur des considérations juridiques,
obligatoires pour les parties, prononcée par un organe
indépendant des parties, à l'issue d'une procédure
contradictoire où les audiences sont publiques, contrairement à
la pratique des tribunaux arbitraux, et garantissant les droits de la
défense et l'égalité des parties.
En effet, la justice interne et internationale ont quelques
éléments de différence. Dans l'ordre interne, le fait pour
une personne de saisir une juridiction est un exercice de sa liberté
publique et de son droit fondamental. Néanmoins, cette justice est
obligatoire en ce sens que l'adversaire est tenu de comparaître sous
peine de se voir appliquer un jugement par défaut. Tandis que
l'accès à une juridiction internationale reste le
privilège des Etats. Ceci exige le consentement des parties afin de
comparaître.
La Cour Internationale de Justice, sise à La Haye
(Pays-Bas), a été instituée sur la base des principes
posés par la Charte des Nations Unies (chapitre XIV, articles 92
à 96) et est, de ce fait, le principal organe judiciaire de
l'Organisation des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à
un statut, partie intégrante de la Charte (article 92) et annexé
à celle§ci. La Cour a pour compétence de régler des
différends entre les Etats et donner des avis consultatifs à
l'Organisation et à ses institutions spécialisées.
Dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, elle dispose
d'une compétence contentieuse et consultative. Depuis sa fondation en
19461, la Cour a été saisie par différents
Etats de 119 affaires et priée par des organismes internationaux
d'émettre 23 avis consultatifs. La plupart des cas ont été
examinés en séance plénière, mais, depuis 1981,
quatre affaires ont été portées devant des chambres
spéciales à la demande des parties concernées.
1 SANDRA SZUREK, Art. Cit., pp. 35-36.
1°. Compétence
contentieuse
Elle concerne le rôle de la Cour dans la solution des
litiges qui lui sont soumis. Il s'agit de sa participation au règlement
des conflits, car elle constitue actuellement le cadre principal du
règlement judiciaire des différends internationaux entre sujet de
droit international.
En effet, la compétence ratione personae de la
Cour est déterminée par le chapitre II de son statut. L'article
34, §1 du statut est catégorique : "Seuls les Etats ont
qualité pour se présenter devant la Cour"; autrement, seuls les
Etats ont qualité d'agir sur le plan contentieux autant que cela
dépende de leur volonté. Par dérogation à ce
principe, l'article 35, §2 du statut prévoit la possibilité
pour les autres Etats qui ne sont pas parties au statut d'accéder
à la Cour aux conditions fixées par le Conseil de
Sécurité, ce dernier doit veiller à ce que
l'égalité des parties au litige soit assurée.
Ainsi, l'exclusion des personnes privées ne signifie
pas que les litiges portés devant la Cour ne concernent jamais les
particuliers. Au contraire, de nombreuses affaires jugées par la Cour
Pénale de Justice Internationale puis par la Cour Internationale de
Justice, en matière de responsabilité internationale
résultent de la mise en °uvre de la protection diplomatique par des
Etats qui ont pris fait et cause pour leurs
intérêts2.
Pour ce qui concerne les organisations internationales,
l'article 34, §1 leur interdit d'apparaître en position de demandeur
ou de défendeur devant la Cour Internationale de Justice. Mais les
paragraphes 2 et 3 de cet article prévoient la possibilité d'une
collaboration entre-elles et la Cour, notamment elle peut leur demander des
renseignements relatifs aux affaires qu'elle examine. Les organisations
peuvent, de leur propre initiative, adresser des informations à la
Cour.
2°. Compétence
consultative
La Cour Internationale de Justice a, conformément
à l'article 68 de son statut, eu naturellement tendance à
transposer la procédure contentieuse en matière de
procédure consultative. L'avis consultatif n'est pas un acte
juridictionnel consultatif ni une décision qui a un caractère
obligatoire, mais il représente l'expression de l'opinion de la Cour
à partir des constatations de droit et de fait sur la requête en
avis consultatif. Indépendamment de l'autorité et du prestige de
la Cour, ces avis peuvent-ils se prévaloir d'un certificat de
1 DEPARTEMENT DE L'INFORMATION DES NATIONS UNIES,
ABC des Nations Unies, Nations Unies, New York, 2001, pp. 299-300.
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 844.
conformité juridique. En tout état de cause, il
appartient aux institutions et aux organes internationaux qui les ont
demandés d'entériner les avis ou de ne pas donner suite à
ces avis par les moyens qui leur sont propres1.
Somme toute, les mécanismes de règlement
pacifique des différends nous paraissent efficaces en ce sens que les
parties ont l'obligation de résoudre leurs conflits par des moyens
pacifiques, elles ont également la liberté de choix en ce qui
concerne le mode de leur règlement. Cependant, tenant compte de la
nature « anarchique » (absence de pouvoir), le règlement
pacifique ne peut être réalisé que par une procédure
qui reste respectueuse de la liberté et de la souveraineté des
Etats; dans la mesure où sa mise en °uvre ne crée aucune
obligation à la charge des parties antagonistes en ce qui concerne la
suite aboutissante.
Nous estimons, toutefois, que la meilleur des moyens de
règlement pacifique des conflits armés réside dans leur
prévention car vaut mien prévenir que guérir dit-on.
1 RANJEVA R, et CADOUX,C., Op. Cit., p. 254
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