ETUDE ET ESSAI DE TYPOLOGIE DES CONFLITS
ARMES ET
LEUR MOYENS DE REGLEMENTS1
Par Philippe TUNAMSIFU SHIRAMBERE
Depuis la nuit des temps, des conflits existent, d'autres
naissent, accroissent et finissent par disparaître. S'il y a des
conflits, c'est parce que l'homme est un "animal" social, il a des ambitions
à réaliser en faisant usage de tous les moyens, même la
guerre à ses semblables. C'est ce qui fait dire au professeur Mulamba
Mbuyi Benjamin que << depuis que les hommes habitent la planète
terre, il y a toujours eu des guerres, il y aura toujours des guerres, guerre
entre les peuples, guerre entre les Etats >>2 et en ce sens le
professeur Dario Battistella a raison de souligner également que
<< la guerre est de tous les temps historiques et de toutes les
civilisations >>3 ; d'où la nécessité de
faire une analyse de leur typologie mais aussi leurs modes de
règlement.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'homme n'est
porteur des facteurs d'agressivité et des conflits, il est
également intelligent pour la coopération, la compassion et
l'amour ; d'où l'existence des rapports pacifiques entre les peuples.
Aussi, les Etats, membres de la société internationale, leurs
rapports sont régis par le droit des gens. Ce dernier a une
autorité supérieure à celle des Etats et ses normes ont
force obligatoire4.
Le droit, dans le monde contemporain, occupe une place
importante comme moyen et base de règlement des conflits ou des
différends éventuels qui peuvent survenir au sein d'une
communauté humaine. Afin de maintenir la paix et la
sécurité internationales autant voulues
1 Cet article est un extrait actualisé du
mémoire de licence de l'Assistant Philippe Tunamsifu Shirambere
intitulé << La collaboration entre l'Organisation des Nations
unies et l'Union Africaine dans le règlement pacifique des conflits
armés africains : cas de la crise au darfour >>. Ce mémoire
a été présenté et soutenu publiquement à
l'Université Libre des Pays des Grands Lacs (ulpgl-goma) en
février 2005. Toutefois, l'auteur, dans sa rédaction, s'inspire
d'un article du professeur François Rigaux << Essai de typologie
des conflits armés >> publié dans la revue des
Organisations internationales et les conflits armés. Le professeur
analyse la guerre de sécession, première guerre mondiale, les
deux guerres mondiales et les conflits armés actuels. Au delà de
cette classification, Philippe Tunamsifu analyse d'autres types des conflits
armés avec illustration à l'appui et éventuellement leurs
moyens de règlements.
2 MULAMBA MBUYI, B., cours de droit international
humanitaire dispensé en première année de licence,
syllabus, inédit, ulpgl-goma, faculté de droit, 2001-2002, p.
2.
3 BATTISTELLE DARIO, << Le retour de la
guerre ? >>, In Questions internationales, n° 10
novembre-décembre 2004, Le Maghreb, la documentation française,
Paris, 2004, p. 115.
4 C'est le cas en République
Démocratique du Congo où le projet de constitution de la
République Démocratique du Congo qui vient d'être
approuvé au référendum dispose en son article 215 que
les traités et accords internationaux régulièrement
conclu ont dès leur publication, une autorité supérieure
à celle des lois(...).
par les nations que par les organisations internationales, les
situations conflictuelles souvent inévitables nécessitent de
prévenir des mécanismes de règlement des conflits.
Ainsi, considérant la place qu'occupe le
règlement pacifique des conflits dans les relations internationales, les
parties antagonistes ont l'obligation de résoudre leur litige en se
choisissant un mode de règlement approprié pour préserver
la paix et la sécurité d'autant plus que la guerre a
été proscrite comme moyen de règlement des conflits.
Cette étude présente un double
intérêt. D'abord, la nécessité d'essayer de
définir les types des conflits armés et leurs illustrations.
Ensuite, analyser les différents moyens de règlement pacifique
des conflits armés tels que prévu par la Charte des Nations Unies
et l'Acte Constitutif de l'Union Africaine.
Pour y parvenir, une interprétation
exégétique des prescrits de ces deux textes -Charte des Nations
Unies et l'Acte Constitutif de l'Union Africaine- nous permettra de comprendre
leur contenu. Toutefois, la technique documentaire nous sera également
d'une grande importance.
L'articulation de cette étude est bipartite. Nous
essayons, au premier point, de définir les types des conflits
armés (A), les différends (B) et la rébellion (C). Au
second point, nous analysons les différents moyens de règlement
pacifique des conflits armés.
I. TYPOLOGIE DES CONFLITS ARMES
Toute situation de tension ou de crise dans les rapports tant
internes qu'internationaux ne peut, d'emblée, être
qualifiée de conflit armé, de guerre civile, de guerre froide
et/ou de différend. Néanmoins, il est d'observation courante que
des divergences peuvent opposer des groupes au sein d'un Etat ou
différents Etats, et peuvent porter sur un objet bien
déterminé.
Ainsi, dans ce premier point, nous essayons d'étudier
quelques conflits armés : Il s'agit de conflits armés (A), des
différends (B) et de rébellion (C).
A. LE CONFLIT ARME
Le concept « conflit armé » est une expression
générale qui s'applique à différents types
d'affrontements qui peuvent se produire entre deux ou plusieurs entités
étatiques, entre
une entité étatique et une entité non
étatique, entre une entité étatique et une faction
dissidente et / ou entre deux ethnies à l'intérieur d'une
entité étatique1.
De cette définition découle trois idées qui
méritent explication ; conflit armé international, conflit
armé interne et conflit armé interne internationalisé.
1°. Conflit armé international
Nous pouvons illustrer le conflit armé international en
citant comme exemples la coalition américano britannique en Irak, la
prétendue guerre contre les armes à destruction massive, la
guerre opposant l'Organisation pour la Libération de la Palestine
à l'Etat israélien, le conflit opposant les Etats-Unis à
la Corée du Nord au sujet l'arme nucléaire, le conflit entre le
Chili et l'Argentine autour du Chenal de Beagle2, le
conflit entre l'Alliance Atlantique et la Russie au sujet de
l'élargissement de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
(OTAN) à l'Est.
La notion de guerre est incluse dans celle de << conflit
armé international » que consacre de manière significative
le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 (1977) qui
portaient sur le droit humanitaire de la guerre stricto sensu.
Au même titre que la guerre, tout conflit armé
international comprend, comme l'expression l'indique, un aspect militaire et un
aspect international3.
Aspect miitaire : le droit
international ne fixe pas le niveau de violence que doivent atteindre les
opérations armées pour que soient applicables les règles
relatives aux conflits armés internationaux. Strictement
réglementées par le droit traditionnel de la guerre, l'ouverture
et la cessation des hostilités ne sont plus soumises aujourd'hui
à des règles précises. Le conflit armé est un fait
bien plus qu'une intention4.
Aspect international :
traditionnellement, toute insurrection au sein d'un Etat
était qualifiée de guerre civile, à partir d'un certain
degré de violence et d'extension territoriale -sinon il s'agissait d'une
simple rébellion à force ouverte, justiciable d'une
opération de police-, à ce titre, elle ne relevait que du droit
interne et de la << compétence
1 VERRI, P., Dictionnaire du Droit International
des Conflits armés, CICR, Genève, 1988, p. 36
2 SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Dictionnaire des relations internationales, Dalloz, Paris, 2003, p.
69.
3 NGUYEN, Q., D., Droit international public,
5e éd., Paris, L.G.D.J, 1994, pp. 901-902
4 Le conflit armé se différencie de
la guerre froide. Cette dernière est une expression forgée
à la fin de la 2e guerre mondiale pour caractériser la
rivalité entre le bloc occidental et le bloc communiste. Elle
était un état de tension politique entre Etats
idéologiquement opposés qui cherchaient mutuellement à
s'affaiblir, mais sans aller jusqu'à déclencher une guerre
mondiale.
exclusive » de l'Etat concerné. La guerre, quant
à elle, opposait des << belligérants »,
c'està-dire des Etats au sens du droit international,...
En outre, sont également considérées
comme des conflits armés internationaux, les guerres de
libération nationale dans lesquelles les peuples luttent contre la
domination coloniale, l'occupation étrangère ou un régime
raciste et, en général, les guerres qui peuvent survenir lorsque
les peuples veulent exercer leur droit à l'autodétermination ou
disposer d'eux-mêmes. En résumé, les conflits armés
internationaux peuvent être inter-étatiques ou non dans certaines
circonstances déterminées.
2°. Conflit armé interne
Rentre dans cette catégorie, par exemple, le conflit
burundais opposant les forces loyalistes depuis l'assassinat du
président Ndadaye - le premier président hutu
démocratiquement élu- en octobre 1993 aux Forces pour la
Défense de la Démocratie (FDD) le bras armé du Conseil
National pour la Défense de la Démocratie (CNDD), le Front
National de Libération (FNL) et le conflit ivoirier1
éclaté depuis le 19 septembre 2002 mené initialement par
un mouvement politico-militaire occupant le Nord du pays le Mouvement
Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) et deux autres en novembre le
Mouvement Populaire Ivoirien du Grand Ouest (MPIGO) et le Mouvement de Justice
et de la Paix (MJP) tous s'opposant au régime élu du
Président Laurent Gbagbo
Le conflit armé interne ou encore conflit armé
non international est synonyme de << guerre civile2 ». Il
se caractérise par l'affrontement qui oppose les forces armées
d'un Etat à des forces armées dissidentes ou rebelles. Le droit
applicable durant de tels conflits a longtemps été
considéré comme étant une question purement interne aux
Etats.
L'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 a
permis de dégager - pour la première fois - certains principes
fondamentaux devant être respectés durant de tels conflits.
Cependant, cet article ne définit pas la notion même de conflit
armé non international.
1 KAMBAZA ALFANI, A.C., Démocratisation et
gouvernance post conflictuelle en Afrique Centrale : approche comparée
des cas de la République Démocratique du Congo et de la
Côte d'Ivoire, Mémoire de Master, Inédit, Université
Catholique d'Afrique Centrale, Institut Catholique de Yaoundé,
Faculté des Sciences Sociales et de Gestion, Yaoundé, 2003-2004,
pp. 2-3.
2 La guerre civile est un conflit armé ayant
éclaté au sein d'un Etat et dépassant, par son extension
et sa promulgation, une simple rébellion. (GUILLIEN, R., et VINCENT, J.,
Lexique des termes juridiques, 13e éd., Paris, 2001,
p. 285). Certains autres auteurs renchérissent que la guerre civile est
un conflit armé mettant aux prises des citoyens << appartenant
à un même Etat au moment où le conflit éclate. Lire
dans ce sens SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P., Op. Cit.,
p. 248.
L'article premier du Protocole additionnel II de 1977 a
partiellement comblé cette lacune. Aux termes de celui-ci, est
réputé conflit armé non international tout conflit qui se
déroule sur le territoire d'un Etat, entre ses forces armées et
des forces armées dissidentes ou des groupes armés
organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent
sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de
mener des opérations militaires continues et concertées et
d'appliquer le droit international établi par ce type de conflit.
Les situations de tensions internes et de troubles
intérieurs comme les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et les autres actes analogues ne sont pas
considérés comme des conflits armés.
Ce Protocole additionnel II s'applique aussi aux conflits
armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire
d'un Etat des groupes armés organisés entre eux. Ainsi, un
conflit qui éclate sur le territoire d'un Etat entre deux ethnies
distinctes - pour autant qu'il réunisse les caractéristiques
nécessaires d'intensité, de durée et de participation -
peut être qualifié de conflit armé non international. Tel
fut le cas du conflit entre hunde et hutu dans le territoire de Masisi,
chefferies des Bahunde, Bashali et secteurs des Katoyi et Osso en 1993
où les uns avaient pris des armes contre les autres au sujet du conflit
foncier avec des interférences politiques. Ce conflit s'était
étendu dans le territoire de Rutshuru, chefferie de Bwito.
3°. Conflit armé interne
internationalisé
A titre d'exemple, nous évoquons le conflit armé
interne internationalisé en prenant pour exemple le mouvement rebelle en
1996-1997: Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération
du Congo/Zaïre contre le gouvernement du président Mobutu de la
République du Zaïre. En effet, l'intervention des troupes
rwandaises, ougandaises, burundaises,
etc. au coté du mouvement rebelle
(AFDL) et l'intervention des troupes marocaines, tchadiennes,
etc. au coté du Gouvernement du
Zaïre ont fait que le conflit change de caractère, interne, et
devienne internationalisé. En 1998, en RDC toujours, contre le
régime du 17 mai 1997 du M'zee Laurent Désiré Kabila
où derrière le Rassemblement Congolais pour la Démocratie
(RCD) se trouver les armées rwandaise et burundaise. C'est le cas
également du Rwanda en 1990 où des combats avaient
éclaté entre le gouvernement à majorité hutu qui
avait bénéficié de l'intervention des troupes
zaïroises et le Front Patriotique Rwandais dirigé par les tutsi
soutenu par l'Ouganda et dont la base d'opérations se trouvait en
Ouganda.
Un conflit armé peut changer de caractère, et
ce, souvent dans le sens d'un conflit armé interne qui, par certains
éléments nouveaux ou extérieurs, change de
caractère et devient international. C'est ce qui, d'ailleurs, fait dire
à certains auteurs qu' « un conflit peut débuter comme
guerre civile et se transformer en conflit armé international ». A
ce sujet, « un même conflit peut répondre à la fois au
critère interétatique et au critère intra-national et
avoir un caractère mixte, c'est-à-dire apparaître comme un
conflit international dans les relations entre certains belligérants et
comme une guerre civile entre d'autres belligérants1.
Un conflit armé non international peut s'internationaliser
dans les hypothèses suivantes2 :
L'Etat victime d'une insurrection reconnaît les
insurgés comme des belligérants3 ;
Un ou plusieurs Etats étrangers interviennent avec leurs
propres forces armées en faveur d'une des parties au moins;
Deux Etats étrangers interviennent avec leurs forces
armées respectives, chacun en faveur d'une des parties.
Intervention d'une Organisation Internationale dans le cadre de
la sécurité collective ou du maintien de la paix et la
sécurité internationales.
Les problèmes découlant de ces situations ne
peuvent pas trouver une réponse simple et sans équivoque, eu
égard à leurs nombreuses implications juridiques et à
l'absence de dispositions internationales spécifiques à cette
forme de conflit.
B. LES DIFFERENDS
En Droit international public, les concepts «
différend » et « litige », selon les auteurs, ont le
même sens. Ainsi, évoquer l'un ou l'autre dépend tout
simplement de l'école dans
1 NGUYEN, Q.,D., Op. Cit., p. 903
2 VERRI, P., Op. Cit., pp. 36-37.
3 Cette position doctrinale ne renferme pas
l'unanimité. Selon M. BEDJAOUI, la reconnaissance de
belligérances par le gouvernement a pour conséquence
l'application aux hostilités, par les deux parties, des lois de la
guerre et en particulier, du droit humanitaire. Les insurgés seront
traités par le gouvernement, à titre de
réciprocité, comme les forces armées d'un Etat
belligérant. Cette reconnaissance impose par ailleurs aux rebelles
l'obligation de respecter les nationaux et les intérêts de l'Etat
qui a reconnu cette situation. Mais, de son côté, le gouvernement
légal n'est pas responsable des actes des insurgés vis- à-
vis de cet Etat, s'il peut prouver qu'il a fait ce qu'il pouvait pour
réprimer la rébellion. Cette reconnaissance découle du
caractère discrétionnaire de l'Etat et est limitée dans le
temps. BEDJAOUI, M., Droit international public, bilan et
perspectives, T1, éd. a pedone, Paris, 1991, p. 484.
laquelle on se trouve. De façon simple, on entend par
différend, une contestation dans laquelle on ne peut pas faire
abstraction de l'individualité des parties en cause.
Dans ce point, nous tenterons de différencier le
différend ou conflit juridique du différend politique bien que
cela soit difficile d'être mis en °uvre.
1°. Différend juridique
Le différend juridique son règlement est
effectué normalement par la voie juridictionnelle ou arbitrale. Tel est
le cas du différend sur la presqu'île de Bakassi, zone riche en
pétrole à la frontière sud-ouest du Nigeria,
revendiqué à la fois par le Nigeria et le Caméroun. Ce
conflit avait été mis en sommeil après que le Cameroun ait
proposé de remettre le dossier à la Cour internationale de
justice des Nations Unies à La Haye. En même temps, le
Président Eyadéma du Togo avait été
désigné médiateur par l'Organisation des Nations
Unies1. C'est le cas également du différend frontalier
tchado-libyennes2 dont l'origine provient des divergences
d'interprétation et de l'application de l'accord Laval-Mussolini de 1935
en vertu duquel la France céda à l'Italie le territoire connu
sous le nom de la bande d'Aouzou.
Les différends juridiques, d'après les
enseignements de Ranjeva et Cadoux, affectent à titre principal
l'interprétation et l'application des normes consacrées en droit
positif3. D'autres auteurs soutiennent que les différends
juridiques sont ceux qui portent sur l'application ou l'interprétation
du droit positif4.
Néanmoins, un différend au sens juridique a une
signification, une acception, bien précise. La Cour Pénale de
Justice Internationale (CPJI) l'avait défini comme « un
désaccord sur un point de droit ou de fait, une opposition de
thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes
»5. Rapportant la même définition, Blaise
Tchikaya renchérit en disant que la Cour Internationale de Justice (CIJ)
l'a défini comme « un désaccord sur un point de droit ou
de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou
d'intérêts entre deux personnes »1.
Ces deux définitions sont identique point par point sauf
que la seconde contient un mot de plus : une contradiction.
1 Collection Microsoft® Encarta® 2002. (c)
1993-2001 Microsoft Corporation.
2 BENMESSAOUD TREDANO Abdelmoughit,
Intangibilité des frontières coloniales et espace
étatique en Afrique, T. XLVII, LGDJ, Paris, 1989, p. 165.
3 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Droit International
Public, Paris, UREF, Edicef, 1992, p. 226.
4 GUILLIEN, R., et VINCENT, J., Op. Cit., p.
133.
5 CPJI série A n°3, p.11 cité par
RANJAVA, R. et CADOUX, C., Op. Cit., p. 226
2°. Différend politique
Les différends politiques étant non
justiciables, les Etats préfèrent les soumettre à des
modes diplomatiques ou politiques de règlement. Il en est ainsi du
différend politique constaté par les tensions qui perdurent entre
les gouvernements de la République Démocratique du Congo et du
Rwanda sur la question des interahamwe et les anciennes Forces
Armées Rwandaises (FAR) réfugiées en RDC depuis plus d'une
décennie.
Ranjeva et Cadoux qualifient de différends politiques,
les litiges qui mettent en cause des intérêts considérables
de première importance pour les Etats membres de la
société internationale2. De sa part, le lexique des
termes juridiques soutient que les différends politiques sont ceux dans
lesquels une des parties demande une modification du droit
positif3.
En définitive, poursuivent ces auteurs, un
différend politique serait celui dont les contestations portent sur la
reconnaissance de la norme à appliquer, alors que le différend
juridique porterait non pas sur la reconnaissance de la norme mais sur les
divergences de l'interprétation qu'il y a lieu de donner à une
norme préalablement acceptée par les deux parties. En d'autres
termes, le différend politique viserait davantage à obtenir une
révision de la règle de droit et le juge serait alors
amené à exercer une fonction législative s'il était
appelé à trancher un différend politique4.
C. LA REBELLION
La rébellion est le fait de refuser de se soumettre
et/ou d'obéir à un gouvernement ou à une autorité
étatique légitimement établie.
Toutefois, la rébellion s'identifie à un conflit
armé non international lorsqu'elle correspond aux
caractéristiques fixées pour l'existence de ce type de conflit.
Si ce niveau n'est pas atteint, on parlera alors d'émeute. Dans ce
débat, d'autres auteurs5 soutiennent que la rébellion
est un délit incriminant le fait d'opposer une résistance
violente à une personne dépositaire de l'autorité publique
ou chargée d'une mission de service public, alors qu'elle se trouve
légalement dans l'exercice de ses fonctions.
1 TCHIKAYA, B., Mémento de la jurisprudence
du Droit International Public, 2e Ed., Hachette, Bordeaux,
2001, pp. 82-83.
2 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p.
233
3 GUILLIEN, R., et VINCENT, J., Op. Cit.
4 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p.
234.
5 CABRILLAC, R., (dir.), Dictionnaire du
vocabulaire juridique, 2e éd., Juris-Classeur, Paris,
2004, p. 321.
Par contre, une insurrection indique
généralement un mouvement collectif violent et
décidé par une tranche importante des habitants d'un territoire,
qui se rebellent, par les armes, contre le gouvernement en place.
L'approche de la typologie des conflits armés dont nous
venons de faire mention, nous a permis de dégager quelques
définitions, illustration à l'appui, pour comprendre leur
contenu. A présent, nous allons orienter notre étude à
l'analyse des différents moyens de règlement pacifique des
conflits armés.
II. MOYENS DE REGLEMENT PACIFIQUE DES CONFLITS ARMES
Le volontarisme classique, dans le cadre de maintien de la
paix générale et en vue de prévenir le recours à la
force entre puissances étatiques, se contente de souhaiter ces
dernières à se convenir d'employer leurs efforts en vue du
règlement pacifique des différends qui les oppose.
La résolution pacifique des différends exige
l'élaboration des mécanismes spécifiques permettant de
mettre les parties antagonistes directement ou indirectement en contact :
l'intervention des tiers de façon active peut s'avérer d'une
impérieuse nécessité afin de faciliter les parties
à négocier, voire même à leur proposer des voies de
sortie de leurs différends.
Ainsi donc, il s'agira dans ce deuxième point de
présenter les différents mécanismes appropriés de
règlement pacifique des conflits armés, à savoir la
négociation (A), les bons offices (B), la médiation (C),
l'enquête (D), la conciliation (E), l'arbitrage (F) et le
règlement juridictionnel (G).
A. LA NÉGOCIATION
La négociation est vue comme une série de
séquences au cours desquelles les négociateurs proposent des
stratégies communes, font des offres et des demandes, aboutissent
à des concessions. Elle est analysée comme un marchandage qui met
en jeu des manifestations de puissances. Elle est également vue comme un
art de persuasion et comme un jeu à deux niveaux où politique
intérieure et relations internationales sont
indissociables1.
1 SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Op. Cit., pp. 348-349.
De manière procédurale, la négociation
met en présence les Etats entre eux et/ou avec les parties non
étatiques directement en litige. Elle constitue le minimum de ce qui est
entendu par les parties antagonistes pour régler pacifiquement tout
différend.
De leurs parts, les négociations diplomatiques
consistent d'abord en un échange des points de vue entre les parties
dans le but de définir d'un commun accord, et autant que faire se peut,
la procédure ainsi que la solution à envisager. A cette fin, les
parties échangent leurs points de vue sur les différentes
propositions réciproques avancées pendant les négociations
et concluent leurs travaux par la rédaction d'une convention
internationale dont les termes définissent les conditions dans
lesquelles le litige est résolu1.
En revanche, l'objet de la négociation n'est pas
nécessairement ni exclusivement de régler le différend
né. Une négociation qui aboutit à l'adoption d'une
réglementation nouvelle peut ainsi contribuer à prévenir
ou à désamorcer des situations potentiellement
conflictuelles2.
C'est ce qu'on a observé lors de négociations
inter congolaises à Lusaka (Zambie) entre le gouvernement de Kinshasa
sous la présidence du feu Laurent Désiré Kabila et le
Rassemblement Congolais pour la Démocratie, le Mouvement pour la
Libération du Congo, les Maî Maî, la
société civile et l'opposition politique non armée, qui
ont abouti, sous la présidence de Joseph Kabila ayant
succédé son père de manière anarchique à la
tête de la RDC, à l'organisation d'une transition politique.
Rentrent également dans cette catégorie, les
conflits maroco-algérien, somaloéthiopien et
somolo-kenyan3 notamment durant la première décade de
la création de la défunte Organisation de l'Unité
Africaine (OUA).
Le conflit maroco-algérien avait vu l'intervention de
deux chefs d'Etat et avait conduit à la signature du communiqué
de Bamako du 30 Octobre. Des décisions concrètes y avaient
été arrêtées dont la plus importante fut la demande
faite à l'OUA de procéder à la création d'une
commission spéciale d'arbitrage que Chapal Ph. qualifia de
médiation.
De même, les conflits somalo-éthiopien et
somalo-kenyan, grâce à une médiation soudanaise pour le
premier et tanzanienne, puis zambienne pour le second, avaient également
évolué vers un gel mais sans pour autant connaître un
aboutissement définitif devant amener les parties à l'acceptation
du tracé colonial.
C'est le cas également du conflit
d'intangibilité des frontières en décembre 1974 qui opposa
la Haute-Volta4, l'actuelle Burkina Faso, et le Mali. En effet, pour
une fois, le
1 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 227
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 783.
3 BENMESSAOUD TREDANO Abdelmoughit, Op.
Cit.,pp. 121-122.
4 Idem., p. 123.
communiqué d'une conférence de médiation
précisait sans ambages les bases du règlement du
différend. À l'issue de leur réunion de Lomé du 26
décembre 1974, outre les antagonistes, les chefs d'Etat du Niger et du
Togo avaient crée une commission de médiation qui s'assignera
comme tache, entre autre, << de rechercher une solution au
différend frontalier sur la base des documents juridiques existants
».
B. LES BONS OFFICES
Ils désignent l'intervention d'une tierce puissance qui
juge << bon d'offrir » son entremise pour faire cesser un litige
entre deux Etats ou qui est invitée à le faire par l'un ou les
deux Etats en conflit. L'Etat tiers utilise son influence morale ou politique
pour établir le contact entre les parties et faciliter l'organisation
matérielle de la négociation1. Ranjeva et Cadoux de
leur part, affirment qu'il s'agit d'une procédure par laquelle une
tierce partie, spontanément ou à la demande de l'une ou de
l'autre partie, voire de la communauté, offre ses services pour
permettre aux parties à un litige de procéder à
l'ouverture de négociation ou à recourir à tout mode
spécifique de règlement de différends2.
En fait, les bons offices ne visent pas à
dégager une proposition de solution. Il s'agit d'une procédure
diplomatique, qui a pour objet essentiel de faciliter la reprise des dialogues
et des négociations entre les parties, l'Etat tiers qui propose ses bons
offices ne participe pas directement au règlement des
litiges3 qui reste l'°uvre exclusive des parties au
différend étant donné que sa tâche est
terminée dès que les adversaires acceptent de se rencontrer et
entament la négociation4.
Ceci fut le cas de la Tanzanie en offrant ses bons offices
lors des négociations du gouvernement de la République Rwandaise
sous la présidence du feu Juvénal Habyarimana et les rebelles du
Front Patriotique Rwandais, à Arusha. On peut également citer la
République Sud Africaine qui avait offert ses bons offices aux
pourparlers entre le gouvernement de Kinshasa sous la présidence de
Joseph Kabila et le Rassemblement Congolais pour la Démocratie, le
Mouvement pour la Libération du Congo, les Maî Maî, la
société civile et l'opposition politique non armée.
1 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 785
2 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 228
3 Idem.
4 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., pp. 785-786
C. LA MEDIATION
La médiation est une forme particulière de
négociation internationale dans laquelle intervient un tiers parti. Les
adversaires négocient entre eux à travers le médiateur,
dont la position peut aller de la plus stricte neutralité à la
pression caractérisée. Le temps où l'on analysait la
médiation comme une activité impartiale est révolu :
« le médiateur peut agir comme communicateur, énonciateur,
manipulateur au fur et à mesure que s'engage le processus ». Camp
David, Dayton, nous renseigne Smouts et compagnie, sont de bons exemples de cas
dans lesquels le médiateur, l'administration américaine en
l'occurrence, prend le leadership, définit les intérêts
respectifs des participants et les solutions d'intérêt commun
1.
Le Droit conventionnel et la diplomatie confondent aujourd'hui
la médiation et les bons offices. Originairement, dans le
procédé des bons offices, le tiers travaillait à
créer une atmosphère favorable à la reprise des rapports
directs. Le médiateur, au contraire, dirigeait lui-même la
négociation et proposait un arrangement. Tout au plus, à l'heure
actuelle, peut-on distinguer entre les deux une différence de
degré. Le médiateur se compromet officiellement plus que le
gouvernement qui offre ses bons offices. Dans ce dernier cas, le rôle
assuré est souvent plus officiel2.
Dans la crise burundaise, sous la médiation de Mandela
qui avait succédé le facilitateur Nyerere après sa mort,
le processus aboutira à la conclusion d'un accord de paix en août
2000. Au sujet du leadership de la transition, le médiateur
Mandela3 avait proposé la formule suivante : 18 mois de
transition dirigée par un président tutsi, suivis de 18 mois de
transition dirigée par un président hutu. Le
vice-président sud africain Jacob Zuma, ayant remplacé le
médiateur Nelson Mandela, a joué parfaitement le rôle de
médiateur dans le cadre de l'Union Africaine en collaboration avec
l'Organisation des Nations Unies.
En effet, la médiation peut être
demandée4 ou offerte1. Ces deux dernières
espèces sont destinées à rassurer les petits Etats. C'est
ainsi que la médiation n'arrête pas les mesures
1 ZARTMAN, in International Négociation,
1991, p. 72 cité par SMOUTS, M.C, BATTISTELLA, D et VENNESSON, P.,
Op. Cit., pp. 349-350.
2 CAVARE, L., Le droit international public positif,
T. II les modalités des relations juridiques internationales,
les compétences respectives des Etats, 3e éd.
Mise à jour par J.P. QUENEUDEC, Paris, A. Pédone, 1969, p 224.
3 MARYSSE, S., et REYNTJENS, F. (sous la dir.),
L'Afrique des grands lacs,annuaire 2000-2001, L'Harmattan, Paris,
2001, p. 60.
4 L'une des espèces que les conventions de la Haye
distinguent c'est la médiation demandée ; l'hypothèse la
plus souple. Il est normal en effet, que les Etats entre lesquels un
différend s'est élevé, recourent, pour faciliter leur
situation, à la médiation dun tiers. C'est aussi
l'hypothèse la moins délicate, car les Etats tiers seront
à I'aise pour intervenir à la demande formelle des Etats
intéressés. Ils n'auront pas à craindre de blesser leurs
susceptibilités. Lire à ce propos CAVARE, L., Op. Cit.,
p. 226-227.
préparatoires à la guerre et si la guerre est
commencée, l'offre ou la demande de médiation n'interrompt pas
les opérations militaires en cours2.
En réalité, la médiation est une action
d'un ou plusieurs Etats ou d'une organisation internationale, ou
exceptionnellement d'une personnalité publique ou privée qui,
à la demande et avec l'assentiment des parties au litige, s'efforce de
faciliter le règlement du différend. Le médiateur
amène les parties à reprendre leurs négociations et
participe activement à la recherche de solution en suivant les
discussions, en intervenant pour que les points des vues se rapprochent et, en
même temps, en proposant, en cas de besoin, des solutions
spécifiques3 sans toutefois chercher à imposer une
solution4.
En ce qui concerne la médiation demandée, on
peut citer le cas de Nelson Mandela alors président de la
République Sud Africaine dans la médiation entre le
président MOBUTU de la République du Zaïre et l'Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo/Zaïre
conduite par Laurent Désiré KABILA. Dans ce même sens, on
peut citer également le facilitateur Ketumile Masire dans les
négociations inter congolaises. Pour ce qui concerne la médiation
offerte, on peut citer encore la République Sud Africaine sous la
présidence de Tabo Mbeki, à Sun City.
Toutefois, la médiation présente certaines
caractéristiques5 auxquelles on peut ajouter
le danger qu'elle présente.
1°. Caractéristiques de la médiation
La médiation se différencie de l'arbitrage par ses
effets et par son allure de liberté.
Par ses effets, le médiateur donne un simple
avis qui n'a pas d'effet obligatoire à l'égard des parties. Le
rôle du médiateur, par contre, consiste à concilier les
prétentions opposées et à apaiser les ressentiments qui
peuvent s'être produits entre les Etats en conflit. Il ne peut donc le
garantir ni en réclamer l'exécution.
Par son allure et sa liberté, aucune
procédure n'est habituellement instituée étant
donné que la médiation n'offre pas aux parties les garanties qui
dérivent des formes.
1 La 2e espèce c'est la médiation
offerte qui est là un procédé de médiation plus
délicat que le précédent. La plupart des médiations
ont été offertes, voire imposées. On rencontre la
médiation offerte : pour résoudre un différend, pour
éviter une guerre ou pour mettre fin à une guerre. CAVARE, L.,
Op. Cit., p. 228.
2 Ibidem, p. 229.
3 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229
4 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 786
5 CAVARE, L., Op. Cit., p. 225.
2°. Dangers de la
médiation
Si la souplesse de la médiation est une condition de
son succès, en revanche, elle offre des inconvénients : elle a
inspiré des craintes aux petits Etats, et non sans raison. En effet,
l'absence de règles précises de procédure laisse beaucoup
d'initiatives à l'action du médiateur. Or, il y a là un
danger. L'exercice de la médiation peut être, pour une grande
puissance, une source de tentation en vue d'accroître son pouvoir.
Pour que la médiation réussisse, il importe que
le médiateur inspire confiance à toutes les parties litigantes.
Il doit, pour cela, réunir un certain nombre de qualités. C'est
pourquoi un chef d'Etat en fonction ou un chef de gouvernement paraît
souvent mal placé pour jouer le rôle de médiateur.
D. L'ENQUÊTE
Elle consiste dans une recherche portant sur des faits
présentés comme à l'origine d'un litige, en vue d'en
constater leur matérialité, leur nature, les circonstances qui
les accompagnent, et dans la fourniture d'un rapport aux parties. Cette
tâche est le plus souvent confiée à un organe
collégial, dit commission d'enquête. Les enquêteurs se
limitent en principe à consigner objectivement les faits dans un
document les faits dans un rapport.
En principe, la structure du rapport de la commission
d'enquête permet de déterminer la part respective prise et
endossée par chaque partie dans la genèse de différend. Le
rapport établi, remis aux différentes parties, sert de document
de base acceptable pour des négociations en vue du règlement du
différend1.
En fait, l'enquête ne suffit pas à
elle-même comme moyen de règlement. Elle est complémentaire
des procédés des négociations ou du règlement
juridictionnel ou arbitral. Elle est une procédure facultative, à
la fois dans son déclenchement et dans sa portée2.
E. LA CONCILIATION
On peut définir la conciliation comme un mode de
règlement des différends internationaux consistant dans le
recours par les parties au différend à une commission
1 RANJEVA, R. et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229.
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 787
constituée par elles, permanente ou non, qui s'efforce
de définir les termes d'un arrangement susceptible d'être
accepté par elles1.
Pour sa part, Ranjeva et Cadoux soutiennent que la
conciliation est une méthode de règlement des différends
consistant à faire examiner les différents aspects d'un litige
par un organe constitué à cet effet ou accepté par les
parties et chargé de leur faire des propositions en vue d'un
règlement2.
Toutefois, la conciliation doit présenter quelques
caractères, selon les recommandations de l'Institut de Droit
international :
1°. Les conditions de succès de
l'institution conseillent d'abord de mettre en °uvre la plus grande
souplesse.
Souplesse dans la composition de la conciliation . on
peut la créer, soit à l'avance, soit pour une affaire
déterminée. Les parties sont libres de l'organiser comme elles
veulent.
Souplesse dans la compétence . tout litige
peut lui être déféré, qu'il soit purement politique
ou purement juridique.
Souplesse dans son rôle . elle doit avoir la
plus grande liberté pour définir son rôle ; dans tous les
cas, elle se borne à « proposer la solution » : la
décision finale appartient aux parties.
2°. L'absence de formalisme est une
deuxième condition du succès de l'institution ;
3°. Enfin, le secret des travaux de la
commission constitue une troisième condition de leur succès. Il
s'impose pendant toute la durée du procès. Le
procès-verbal ne devra être publié qu'avec l'accord des
parties.
Toutefois, soulignons que les propositions de la commission ne
deviennent obligatoires qu'après acceptation par les parties.
F. L'ARBITRAGE
Le règlement arbitral, d'origine très ancienne,
apparaît dans la société internationale de la fin du
XVIIIe siècle, quand les Etats-Unis et la Grande-Bretagne
décident, par le traité de Jay de 1794, d'instituer des
commissions mixtes d'arbitrage chargées de régler les contentieux
consécutifs à l'indépendance américaine. Ces
mêmes Etats ont largement contribué au
1 CAVARE, L., Op. Cit., p. 242
2 RANJEVA, R., et CADOUX, C., Op. Cit., p. 229.
perfectionnement de la technique du tribunal arbitral dans le
cadre de l'affaire de l'Alabama en 18721.
En effet, l'arbitrage amène les parties antagonistes
à soumettre leur différend à un tribunal arbitral et
à respecter les normes juridiques désignées. Toutefois,
l'art 37 de la première convention de La Haye du 18 octobre 1907
définit l'arbitrage international comme ayant pour objet le
règlement des litiges entre les Etats par des juges de leur choix et sur
base du respect du droit2.
En droit interne, on entend par arbitrage l'institution d'une
justice privée par laquelle les litiges sont soustraits aux juridictions
de droit commun pour être résolus par des individus revêtus,
pour la circonstance, de la mission de les juger3. Pour sa part, A.
Kassis4, l'arbitrage international relève du droit
conventionnel et ne possède aucun caractère juridictionnel.
L'auteur renchérit en disant que l'arbitrage est le règlement
d'un litige par une ou plusieurs personnes auxquelles les parties ont
décidé d'un commun accord, de s'en remettre.
Ce mode de règlement ménage la
souveraineté reconnue aux Etats. Car la souveraineté implique le
droit de refuser d'être attrait devant un tiers, elle implique tout
autant le droit de faire exception à ce refus par un engagement
conventionnel. Cependant, ce consentement à l'arbitrage doit être
suffisamment clair et précis pour constituer une véritable
obligation juridique internationale.
Le règlement arbitral, procédé
parfaitement respectueux de la souveraineté de l'Etat et de sa
volonté, a connu une incontestable faveur tout au long du
XIXe siècle, ce dont prend acte la convention de La Haye de
1907 sur le règlement pacifique des conflits internationaux en
reconnaissant l'arbitrage comme le moyen le plus efficace et le plus
équitable de régler les litiges en dehors des voies
diplomatiques. Mais les tentatives d'institutionnalisation avec la
création d'une Cour permanente d'arbitrage, pourtant simple et modeste
registre d'arbitres,
1 L'affaire de l'Alabama : C'est au cours
de la guerre de Sécession que l'un des navires de guerre sudistes parmi
les plus redoutables, construit en Angleterre, infligea de lourdes pertes aux
forces nordistes, avant qu'un de leurs navires le détruise en rade de
Cherbourg au cours d'une escale. Les Etats-Unis accusèrent par la suite
l'Angleterre d'avoir manqué aux devoirs qui s'imposaient aux Etats
neutres dans une guerre maritime en ayant permis la construction de l'Alabama
et d'être responsable, par là même, des pertes subies et de
la prolongation de la guerre de Sécession. Un tribunal international
d'arbitrage organisé par le traité de Washington condamna
l'Angleterre en 1872, à Genève, à payer une lourde
indemnité pour les dommages causés à la flotte
américaine. Cf. SANDRA SZUREK, « le règlement judiciaire ou
arbitral des différends entre Etats », in QUESTIONS
INTERNATIONALES, n° 4 novembre-décembre 2003, Justices
internationales, La documentation française, 2003, p. 35.
2 Idem., p. 240
3 ROBERT, J., I'arbitrage : droit interne, droit
international privé, 6e éd., Paris, Dalloz, 1993,
p. 3
4 KASSIS, A., Problèmes de base de l'arbitrage en
droit comparé et en droit international, T.I, Arbitrage juridictionnel
et arbitrage contractuel, Paris, L.G.D.J, 1987, p. 13.
échouèrent et l'apparition du règlement
judiciaire parut préférable, à cet égard, au
règlement arbitral dépendant intégralement de l'accord des
parties et de ses aléas1.
G. LE REGLEMENT JURIDICTIONNEL
Contrairement aux modes de règlement
étudiés, les procédés juridictionnels conduisent
à une solution imposée aux parties antagonistes par des tiers.
Par ce motif, les Etats, jaloux et soucieux de leur
souveraineté, ont longtemps été réticents à
l'idée de soumettre leurs litiges à un tiers dont le rôle
est de dire le droit et de le trancher avec un effet obligatoire pour les
litigants, qu'il soit juge ou arbitre.
Dans ce type de règlement, sont en effet réunis,
les éléments fondamentaux de la fonction juridictionnelle: une
décision fondée sur des considérations juridiques,
obligatoires pour les parties, prononcée par un organe
indépendant des parties, à l'issue d'une procédure
contradictoire où les audiences sont publiques, contrairement à
la pratique des tribunaux arbitraux, et garantissant les droits de la
défense et l'égalité des parties.
En effet, la justice interne et internationale ont quelques
éléments de différence. Dans l'ordre interne, le fait pour
une personne de saisir une juridiction est un exercice de sa liberté
publique et de son droit fondamental. Néanmoins, cette justice est
obligatoire en ce sens que l'adversaire est tenu de comparaître sous
peine de se voir appliquer un jugement par défaut. Tandis que
l'accès à une juridiction internationale reste le
privilège des Etats. Ceci exige le consentement des parties afin de
comparaître.
La Cour Internationale de Justice, sise à La Haye
(Pays-Bas), a été instituée sur la base des principes
posés par la Charte des Nations Unies (chapitre XIV, articles 92
à 96) et est, de ce fait, le principal organe judiciaire de
l'Organisation des Nations Unies. Elle fonctionne conformément à
un statut, partie intégrante de la Charte (article 92) et annexé
à celle§ci. La Cour a pour compétence de régler des
différends entre les Etats et donner des avis consultatifs à
l'Organisation et à ses institutions spécialisées.
Dans l'exercice de sa fonction juridictionnelle, elle dispose
d'une compétence contentieuse et consultative. Depuis sa fondation en
19461, la Cour a été saisie par différents
Etats de 119 affaires et priée par des organismes internationaux
d'émettre 23 avis consultatifs. La plupart des cas ont été
examinés en séance plénière, mais, depuis 1981,
quatre affaires ont été portées devant des chambres
spéciales à la demande des parties concernées.
1 SANDRA SZUREK, Art. Cit., pp. 35-36.
1°. Compétence
contentieuse
Elle concerne le rôle de la Cour dans la solution des
litiges qui lui sont soumis. Il s'agit de sa participation au règlement
des conflits, car elle constitue actuellement le cadre principal du
règlement judiciaire des différends internationaux entre sujet de
droit international.
En effet, la compétence ratione personae de la
Cour est déterminée par le chapitre II de son statut. L'article
34, §1 du statut est catégorique : "Seuls les Etats ont
qualité pour se présenter devant la Cour"; autrement, seuls les
Etats ont qualité d'agir sur le plan contentieux autant que cela
dépende de leur volonté. Par dérogation à ce
principe, l'article 35, §2 du statut prévoit la possibilité
pour les autres Etats qui ne sont pas parties au statut d'accéder
à la Cour aux conditions fixées par le Conseil de
Sécurité, ce dernier doit veiller à ce que
l'égalité des parties au litige soit assurée.
Ainsi, l'exclusion des personnes privées ne signifie
pas que les litiges portés devant la Cour ne concernent jamais les
particuliers. Au contraire, de nombreuses affaires jugées par la Cour
Pénale de Justice Internationale puis par la Cour Internationale de
Justice, en matière de responsabilité internationale
résultent de la mise en °uvre de la protection diplomatique par des
Etats qui ont pris fait et cause pour leurs
intérêts2.
Pour ce qui concerne les organisations internationales,
l'article 34, §1 leur interdit d'apparaître en position de demandeur
ou de défendeur devant la Cour Internationale de Justice. Mais les
paragraphes 2 et 3 de cet article prévoient la possibilité d'une
collaboration entre-elles et la Cour, notamment elle peut leur demander des
renseignements relatifs aux affaires qu'elle examine. Les organisations
peuvent, de leur propre initiative, adresser des informations à la
Cour.
2°. Compétence
consultative
La Cour Internationale de Justice a, conformément
à l'article 68 de son statut, eu naturellement tendance à
transposer la procédure contentieuse en matière de
procédure consultative. L'avis consultatif n'est pas un acte
juridictionnel consultatif ni une décision qui a un caractère
obligatoire, mais il représente l'expression de l'opinion de la Cour
à partir des constatations de droit et de fait sur la requête en
avis consultatif. Indépendamment de l'autorité et du prestige de
la Cour, ces avis peuvent-ils se prévaloir d'un certificat de
1 DEPARTEMENT DE L'INFORMATION DES NATIONS UNIES,
ABC des Nations Unies, Nations Unies, New York, 2001, pp. 299-300.
2 NGUYEN, Q., D., Op. Cit., p. 844.
conformité juridique. En tout état de cause, il
appartient aux institutions et aux organes internationaux qui les ont
demandés d'entériner les avis ou de ne pas donner suite à
ces avis par les moyens qui leur sont propres1.
Somme toute, les mécanismes de règlement
pacifique des différends nous paraissent efficaces en ce sens que les
parties ont l'obligation de résoudre leurs conflits par des moyens
pacifiques, elles ont également la liberté de choix en ce qui
concerne le mode de leur règlement. Cependant, tenant compte de la
nature « anarchique » (absence de pouvoir), le règlement
pacifique ne peut être réalisé que par une procédure
qui reste respectueuse de la liberté et de la souveraineté des
Etats; dans la mesure où sa mise en °uvre ne crée aucune
obligation à la charge des parties antagonistes en ce qui concerne la
suite aboutissante.
Nous estimons, toutefois, que la meilleur des moyens de
règlement pacifique des conflits armés réside dans leur
prévention car vaut mien prévenir que guérir dit-on.
1 RANJEVA R, et CADOUX,C., Op. Cit., p. 254
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